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SSoommmmaaiirree

I. INTRODUCTION __________________________________________________________ 11

II. COMPOSITION ET CHIMIE DES ÉLASTOMÈRES CHARGÉS __________________ 11 II.1. Matrice élastomérique ____________________________________________________ 11

II.1.1. Composition des NBR ___________________________________________________________ 11

II.1.2. Vulcanisation / Réticulation _______________________________________________________ 12

II.1.3. Température de transition vitreuse Tg _______________________________________________ 14

II.2. Renforcement des matrices élastomériques_les charges_________________________ 15 II.2.1. Quelques notions sur le renforcement _______________________________________________ 16

II.2.2. Nature des charges : Noirs de Carbone et Charges Claires _______________________________ 19

II.2.3. Conclusions ___________________________________________________________________ 21

II.3. Vieillissement et résistance à l’environnement ________________________________ 21

II.4. Conclusion sur la composition d’un élastomère chargé _________________________ 22

III. PROPRIÉTÉS MÉCANIQUES DES ÉLASTOMÈRES CHARGÉS _________________ 24 III.1. La viscoélasticité des élastomères ___________________________________________ 24

III.1.1. Présentation de la viscoélasticité ___________________________________________________ 24

III.1.2. Elasticité caoutchoutique _________________________________________________________ 27

III.1.3. Conclusions sur la viscoélasticité linéaire ____________________________________________ 29

III.2. Propriétés aux grandes déformations_Rupture _______________________________ 29 III.2.1. Propriétés limites et courbes enveloppes _____________________________________________ 29

III.2.2. Influence de la présence de charges _________________________________________________ 30

III.3. Propriétés spécifiques des élastomères chargés________________________________ 31 III.3.1. Effet Mullins___________________________________________________________________ 32

III.3.2. Effet Payne ____________________________________________________________________ 33

III.4. Conclusions sur les propriétés mécaniques des élastomères chargés ______________ 34

IV. TRIBOLOGIE DES ÉLASTOMÈRES CHARGÉS : FROTTEMENT ET USURE ______ 36 IV.1. Approche physique du frottement __________________________________________ 36

IV.1.1. Généralités sur le frottement des élastomères _________________________________________ 36

IV.1.2. Observation de l’aire de contact et phénomènes spécifiques ______________________________ 37

IV.1.3. Etude des mécanismes du frottement ; relation avec la viscoélasticité ______________________ 41

IV.1.4. Influence de divers paramètres sur le frottement _______________________________________ 46

IV.1.5. Conclusion ____________________________________________________________________ 49

IV.2. L’usure des élastomères___________________________________________________ 49 IV.2.1. Principaux faciès d’usure des élastomères ____________________________________________ 49

IV.2.2. Phénomènes élémentaires et modes d’usure __________________________________________ 52

IV.2.3. Quelques paramètres influants sur l’usure ____________________________________________ 54

IV.2.4. Modèles et théories générales______________________________________________________ 58

IV.2.5. Conclusion sur l’usure des élastomères ______________________________________________ 59

V. CONCLUSIONS / QUESTIONS_______________________________________________ 61

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES ____________________________________________ 62

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I. Introduction

Les matériaux utilisés dans les systèmes d’étanchéité font partie de la famille des

élastomères. Les élastomères chargés réticulés utilisés comme joints d’étanchéité ont des

compositions chimiques particulières que nous détaillerons dans une première partie. Cette

chimie des élastomères leur confère des propriétés mécaniques spécifiques, qui leur permet entre

autre d’assurer la fonction d’étanchéité, et qui seront le sujet de la deuxième partie de notre étude

bibliographique. Enfin, le comportement tribologique, lui aussi influencé par les spécificités du

matériau, est un paramètre important qui détermine la durée de la fonction d’étanchéité ; il ferra

donc l’objet d’une troisième partie. Celle-ci sera composée d’un bilan des connaissances sur le

frottement et l’usure des élastomères chargés, ainsi que d’une synthèse des études réalisées sur

l’aspect spécifique des relations entre la viscoélasticité et la tribologie de ces matériaux. En

conclusion, chacun de ces points nous permettra de faire un bilan des connaissances sur le sujet

et de dégager les axes principaux de notre étude expérimentale.

II. Composition et chimie des élastomères chargés

Le caoutchouc nitrile (acrylonitrile butadiène, NBR) est considéré actuellement comme le

matériau le plus adéquat pour les applications d’étanchéité. Il constitue, pour cette raison, le sujet

de nombreuses études de la part des laboratoires de recherche de nombreux secteurs industriels :

automobile, transport de gaz, aérospatial…

Comme de nombreux élastomères insaturés, l’élaboration d’un NBR requiert deux étapes

importantes : une mise en œuvre avec polymérisation des monomères et l’ajout de nombreux

ingrédients, tels que charges, antioxydants…Ces deux étapes sont suivies d’un mélangeage et

d’une vulcanisation de la matrice élastomérique.

II.1. Matrice élastomérique

Le choix de la matrice élastomérique impose au final une grande part des propriétés du

matériau. Dans le cas des joints d’étanchéité, le choix s’est porté sur les caoutchoucs nitrile

(NBR) pour leur bonne résistance chimique.

II.1.1 Composition des NBR

Il s’agit de copolymères statistiques de butadiène et de l’acrylonitrile obtenus par

polymérisation en émulsion radicalaire. D’un point de vue architecture moléculaire, la structure

de ces élastomères est assez complexe [Hertz, Bussem et al., 1995]. D’une part, on peut retrouver

le butadiène (BR) sous trois structures distinctes (trans, cis et 1,2-vinyl, avec la trans prédominant

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dans un élastomère type nitrile) ; c’est la partie stable et non polaire de l’élastomère. D’autre part,

les groupements acrylonitriles (ACN) se retrouvent insérés de manière statistique dans la chaîne

macromoléculaire, et représentent la part fortement polaire de l’élastomère, l’azote développant

un fort potentiel pour les liaisons hydrogènes. La Figure 1 montre la structure chimique du NBR

et indique les trois possibilités d’isomères pour les segments de butadiène.

Figure 1 : structure NBR

Le taux d’ACN est un des critères principaux définissant chaque grade de NBR. Ce taux,

pour des raisons de polarité, détermine de nombreuses propriétés de base [Yasin, Ahmed et al.,

2003], telles que la résistance aux huiles, solvants et graisses, la flexibilité à basse température/la

température de transition vitreuse Tg, la résistance à l’abrasion… De plus, comme l’augmentation

de la teneur en ACN se traduit par une diminution de celle en BR, la tenue au froid des NBR est

d’autant meilleure que la teneur en ACN est basse. Les principales influences du taux en ACN sur

les propriétés sont représentées sur le Tableau 1, où en fonction de la propriété recherchée on

choisit plutôt un fort taux d’ACN ou un faible taux (choix représenté par X).

NBR faible taux d’ACN

Propriétés cherchées NBR fort

taux d’ACN Processabilité X Taux de « cuisson » / à l’avancement de la réaction du système sulfure X Résistance Chimique X Compatibilité / à la polarité du polymère X Imperméabilité à l’air ou au Gaz X Limite élastique X Résistance à l’abrasion X Faible Vieillissement (thermique) X

X Résistance à la compression X Résilience X Hystérésis X Faible Température de transition vitreuse Tg

Tableau 1 : influence du taux d’ACN sur les propriétés des NBR [Hofmann, 1964]

II.1.2 Vulcanisation / Réticulation

Les réactions de polymérisation permettent de créer à partir de monomères de très longues

chaînes moléculaires, souvent de structure filiforme. Celles-ci déterminent le comportement du

polymère au dessus de Tg. Ainsi, lors d’une sollicitation en déformation ou en contrainte pendant

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un temps suffisamment long, on observe après désenchevêtrement des chaînes, leur glissement

les unes par rapport aux autres. En d’autres termes, le polymère s’écoule. La réticulation – ou

vulcanisation – par ponts de soufre rend les macromolécules solidaires entre elles ; elle permet

donc de transformer un amas macromoléculaire indépendant en réseau 3D continu (cf. Figure 2).

Les mouvements des chaînes sont limités, mais la structure conserve dans son ensemble une

grande élasticité. In fine, elle est constituée d’un très grand nombre de mailles liées entre elles par

les ponts soufrés ou les enchevêtrements.

Figure 2 : formation d’un réseau par les ponts sulfures [Mark, Erman et al., 1994]

En tout état de cause, la vulcanisation d’un élastomère nécessite :

- un apport d’énergie, le plus souvent d’origine thermique ;

- l’existence ou la création de sites réactifs sur les chaînes macromoléculaires ; il s’agit le plus

souvent d’insaturation, de groupements polaires…

- un agent de vulcanisation qui peut ou non se fixer lui-même sur les chaînes

macromoléculaires. Le souffre en présence d’activateurs et d’accélérateurs (bon équilibre

entre les différentes propriétés exigées) est, de loin, le système le plus utilisé.

Le schéma général de la vulcanisation est donc le suivant (cf. Figure 3):

Figure 3 : schéma de la vulcanisation [IFOCA, 1984]

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Certaines des propriétés mécaniques que nous définirons ultérieurement, sont

considérablement améliorées lorsque le degré de réticulation augmente (nombre de ponts), tandis

que d’autres se dégradent, comme le montre la Figure 4. On peut retenir que d’une manière

générale, la vulcanisation des élastomères permet d’augmenter l’élasticité, mais réduit leurs

propriétés à la rupture au-delà d’un seuil.

Figure 4 :Influence de la densité de réticulation sur différentes propriétés mécaniques [Bouchereau, 1997]

II.1.3 Température de transition vitreuse Tg

Une des propriétés les plus caractéristiques des polymères, et en particulier des élastomères,

est l’existence d’une transition dite «vitreuse », au cours de laquelle les propriétés physiques du

matériau sont modifiées de manière considérable. Elle traduit le passage, à température

décroissante, d’un état d’équilibre métastable à un état hors équilibre. La transition vitreuse n’est

pas une transition au sens thermodynamique, mais plutôt une transition de type cinétique

[Hutchinson, 1997].

En effet, lorsque la température d’un élastomère est diminuée, il existe une température de

transition, dite température de transition vitreuse Tg, à partir de laquelle l’agitation thermique est

trop faible pour surmonter les forces d’interaction entre les segments de chaînes. Les

mouvements locaux dépendent alors du temps et de la température, et le temps caractéristique de

réorganisation structurale est alors comparable au temps expérimental d’observation, au voisinage

de Tg [Carrega, 1999].

En ce qui concerne les NBR, la température de transition vitreuse dépend de la teneur en

acrylonitrile. Elle varie, par exemple, de –40°C pour les élastomères avec un faible taux d’ACN

jusqu’à des valeurs pouvant être positives pour les élastomères à très haute teneur, limitant alors

certaines de leurs utilisations.

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Cette variation, quasi-linéaire en général, représentée sur la Figure 5 ci-dessous, peut être décrit de

manière satisfaisante par une loi des mélanges de type Gordon-Taylor [Gordon et Taylor, 1952] :

∑=i

igig TwT où wi est la proportion en poids de

l’élément i dans le mélange.

Figure 5 : Température de transition vitreuse d’un NBR en fonction

du taux d’ACN [IFOCA, 1984]

Il a été signalé que la transition liquide-verre s’accompagne d’un changement important du

comportement du matériau. Les méthodes expérimentales et numériques utilisées pour la

déterminer sont basées sur l’observation de différentes propriétés physiques : mesure de chaleur

spécifique, mesure de variation de volume, mesure de la permittivité diélectrique, mesure de

viscosité, mesure de modules d’élasticité…

II.2. Renforcement des matrices élastomériques_les charges

Nous avons pu constater dans le chapitre précédent la nécessité de vulcaniser les

élastomères pour leur conférer des propriétés élastiques stables étant donné leur très basses

températures de transition vitreuse. C’est ainsi, par exemple, qu’un vulcanisat de caoutchouc

naturel réticulé peut présenter un allongement à la rupture de l’ordre de 700%. Mais une telle

élasticité, aussi spectaculaire soit-elle, n’a qu’un intérêt pratique limité. Par contre, la rigidité d’un

vulcanisat, sa résistance à l’usure ou à la fatigue, la conservation d’une bonne élasticité, malgré des

sollicitations répétées et quelles que soient les conditions extérieures, sont des facteurs essentiels

pour une pièce en élastomère. De plus, sur le plan économique, on recherche presque toujours à

diminuer le prix de revient d’une pièce, à condition, évidemment, d’en conserver et même, si

possible, d’en améliorer les propriétés. Ce sont ces considérations qui ont conduit à introduire

des charges dans les élastomères.

Leur présence a pour but, principalement, d’accroître les propriétés mécaniques de l’élastomère

(module élastique, résistance à la déchirure, et propriétés à la rupture), et d’augmenter sa capacité

à dissiper en partie l’énergie fournie. L’influence de la charge est observée dans tous les domaines

de déformations. Aux petites déformations, la quasi-linéarité du module élastique du polymère

disparaît avec l’introduction de la charge. Aux grandes déformations, la consolidation augmente

considérablement.

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En pratique, différents types de charges (silice, noir de carbone) sont utilisés mais leur choix reste

encore empirique car l’interprétation des mécanismes moléculaires intervenant dans le

renforcement reste en partie soumise à discussion

Pour classer les charges, on peut soit se référer à la couleur, c’est-à-dire à leur possibilité de

donner, ou non, des mélanges clairs, soit les ranger selon leur incidence sur les propriétés des

vulcanisats. Si la charge considérée améliore les propriétés, on dit qu’elle est « renforçante » tandis

que si son rôle est simplement de diminuer le prix de revient des mélanges, on la considère

comme inerte ou diluante. Entre ces deux extrêmes, il existe des charges « semi-renforçantes »

dont l’action est mixte ; par ailleurs les charges renforçantes et semi-renforçantes peuvent être

également noires ou claires.

II.2.1 Quelques notions sur le renforcement

D’après [Blow et Hepburn, 1982], la meilleure définition du renforcement serait

probablement la suivante :

« Une charge renforçante est une charge qui augmente les modules et compense, en même temps, la faiblesse

éventuelle d’autres propriétés (résistance à la rupture, au déchirement, à l’abrasion…) des vulcanisats ».

On considère d’ailleurs souvent l’augmentation de l’énergie de rupture comme l’un des meilleurs

critères du renforcement. [IFOCA, 1984].

Les théories modernes du renforcement reposent sur le concept de l’effet hydrodynamique

des charges tel qu’il a été défini par [Einstein, 1906]. Le modèle est développé pour des charges

rigides sphériques, incompressibles, isolées et entièrement mouillables, dispersées dans un milieu

continu de viscosité constante η0. Il conduit à une expression de la viscosité du mélange en

fonction de la fraction volumique de charge Φ:

η= η0 (1 +2.5Φ) Équation 1

[Smallwood, 1944] y remplaça la viscosité par le module d’Young. En fait, cette équation

du premier ordre ne tient pas compte, en particulier, des phénomènes d’interactions entre les

charges, ce qui amené [Guth et Gold, 1938] à proposer en 1938 d’ajouter un terme quadratique

au modèle :

E=E0(1+2.5Φ+14.1Φ²) Équation 2

Cependant, cette équation ne se vérifie généralement que dans le cas de particules

sphériques, pour des quantités de charges introduites inférieures à 30 % en poids et dont la taille

moyenne est supérieure à 0,5 µm. [Guth, 1945] proposa également d’introduire un facteur de

forme f (représentant le rapport des axes d’une ellipse enveloppe d’un agrégat moyen ; par

exemple, f est égal 1 pour une enveloppe sphérique) et de formuler l’équation ainsi :

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E= E0 (1 +0.67 f Φ + 1.62 f 2Φ2) Équation 3

Il existe également une autre contribution à prendre en compte pour l’étude de l’effet

renforçant de charges ; elle provient des liaisons physiques ou chimiques qui peuvent s’établir

entre l’élastomère et la charge. Ces liaisons peuvent résulter de divers mécanismes : une

adsorption physique, une chemisorption ou une réaction entre les radicaux libres des chaînes de

macromolécules rompues avec les sites actifs des charges ou avec les agrégats [Medalia, 2001].

Dans un mélange élastomère/noir de carbone, une partie de la matrice élastomère (~ 30%, mais

cela dépend de la surface des charges) est dite « liée » aux particules de carbone. Les interactions

charges-matrice responsables de ce phénomène sont essentiellement des liaisons physiques

[Leblanc, 1997], et sont en grande partie responsables du renforcement créé par le noir de

carbone.

Dans une publication récente, [Bokobza et Rapoport, 2002] ont d’ailleurs défini le module

élastique d’un élastomère chargé comme le produit du module non chargé G0 et de 2 facteurs X

et Y:

G=G0XY Équation 4

Où X provient de la théorie de l’inclusion rigide dans la matrice souple évoquée précédemment

(modèle de Guth-Gold), et Y représente les liaisons charges-matrice. D’un point de vue général,

les liaisons charges-matrice agissant comme des nœuds de réseau (Figure 6), une augmentation du

taux de réticulation effectif est constatée.

Figure 6 : Microstructure du réseau d’un élastomère chargé [Kaliske et Rothert, 1998]

Ces interactions charges-matrice, et la notion même de renforcement en général, dépendent

de 3 facteurs concernant les charges :

- la surface spécifique (conditionnée par la taille des charges et leur facteur de forme), qui est la

surface développée de la charge par unité de masse. Elle est de 10 à 40m²/g pour les kaolins,

de quelques m²/g à 150m²/g pour les noirs de carbone et elle peut atteindre 400m²/g pour

certaines silices. Mais si la surface spécifique d’une charge renforçante doit nécessairement

être élevée, ce n’est pas une condition suffisante comme le montre le fait que les silices (sans

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traitement de surface) sont généralement considérées comme moins renforçantes que les

noirs de carbone.

- L’activité chimique, liée aux groupements chimiques présents à la surface de la charge

(hydroxyle pour les charges silices, carboxyles pour les noirs de carbone, par exemple). Elle

permet de contrôler la compatibilité (dispersion et formation d’interactions) entre la charge

et la matrice. L’énergie de surface des charges est un paramètre important dans le mélange,

puisqu’elle détermine les interactions charge-charge et polymère–charge. Elle comprend une

composante dispersive γds et une composante spécifique ou polaire γsp

s.

- La structure géométrique, représentative de la manière dont les particules de charges sont

liées les unes aux autres. On distingue tout d’abord la structure primaire qui est indestructible

et qui résulte de la formation d’agrégats, par fusion des particules élémentaires à haute

température. On parle d’ailleurs de « haute » ou « basse » structure suivant le nombre de

particules élémentaires que comporte l’agrégat considéré. Par ailleurs, des phénomènes

d’attraction sont également possibles entre les agrégats primaires conduisant ainsi à la

formation d’agglomérats, formant la structure secondaire. Celle-ci est destructible par action

mécanique (malaxage, sollicitation mécaniques répétées…) mais elle est réversible.

L’ensemble des types de structure que l’on peut rencontrer au sein d’un élastomère chargé se

trouve représentée sur la figure suivante (Figure 7) :

Figure 7 : différentes échelles de particules dans les élastomères [Leblanc, 2002]

Les mélanges couramment utilisés ont un taux de charge qui les place près du seuil de

percolation, de l’ordre de 0,25-0,3 (celui-ci dépend de la dimension fractale des charges). Ainsi, il

se crée au sein du matériau un réseau de charges, qui influence les propriétés macroscopiques :

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c’est un paramètre important pour la réponse dynamique du matériau (module dynamique élevé à

faible déformation ; influence sur l’hystérésis [Medalia, 2001]) et un réseau de noirs de carbone

confère au matériau une grande conductivité électrique. Il existe différents moyens de mettre en

évidence ce squelette rigide : par des mesures mécaniques [Agarwal et Farris, 1999], des mesures

de résistivité électriques (cas des noirs de carbone) [Busfield, Thomas et al., 2001], des

observations microscopiques [Pouchalon et Vondracek, 1989]…

En définitive, les différentes composantes de l’action d’une charge vis-à-vis d’un élastomère

donné s’additionnent comme l’a indiqué Payne [Payne, 1962]. La Figure 8 montre en effet que le

module initial d’un vulcanisat chargé résulte non seulement de l’effet hydrodynamique de

l’addition de la charge à une « gomme pure » et des liaisons charge-élastomère mais également des

interactions entre les agrégats primaires ; ce facteur important à très faibles déformations,

disparaît presque complètement pour des déformations plus importantes lors de la destruction

des agglomérats. Cette « désagglomération » est d’ailleurs une des explications avancées de

l’hystérésis en régime dynamique et de la diminution de module que l’on observe lorsque l’on fait

subir successivement plusieurs cycles d’hystérésis (effet Payne et effet Mullins qui seront

présentés plus tard).

Figure 8 : diagramme de Payne – effets des charges sur le module d’un élastomère [Payne, 1962]

II.2.2 Nature des charges : Noirs de Carbone et Charges Claires

II.2.2.1. Noirs de Carbone

Les Noirs de Carbone sont les charges les plus utilisées à travers le monde. Il existe plus

d’une trentaine de grades pouvant être utilisés par les caoutchoutiers : ceci représente un large

spectre de propriétés pour les élastomères chargés.

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Le Noir de Carbone est obtenu dans des fours spéciaux par décomposition thermique partielle de

gaz naturels ou d’hydrocarbures lourds.

La nomenclature des Noirs de Carbone comprend une lettre et 3 chiffres, Nxyz (ASTM-D 15765) :

- N indique que la charge n’influence pas beaucoup le processus de vulcanisation ;

- x est lié à la taille moyenne des agrégats élémentaires ;

- y indique le niveau de structure (en relation avec le nombre de particules élementaires dans

un agrégat moyen) ;

- z sert à différencier les noirs d’une même famille en fonction de caractéristiques secondaires

mais il est, le plus souvent, spécifique d’un producteur donné.

Un avantage des Noirs de Carbone est leur incorporation aisée dans les élastomères

hydrocarbonés du fait de leur nature chimique proche, comme c’est aussi le cas pour la silice dans

les silicones.

On retrouve généralement les Noir de Carbone sous forme d’agrégats de taille de l’ordre de la

dizaine de nm, “organisés’’ en agglomérats (suivant les caractéristiques de malaxage) de tailles

comprises entre quelques centaines de nm jusqu’au micron.

II.2.2.2. Les charges Claires

Les charges claires sont utilisées non seulement pour réduire le prix de revient des

mélanges (utilisation de la craie) mais aussi pour faciliter leur mise en œuvre (c’est le cas des

kaolins), ou encore améliorer certaines propriétés telles que la dureté, la résistance à la rupture ou

au déchirement (utilisation de la silice principalement).

Les silices de précipitation sont les deuxièmes charges renforçantes les plus utilisées, après le Noir

de Carbone et résultent de l’action d’un acide sur un silicate alcalin. Elles ont des tailles de

particules élémentaires assez petites (de l’ordre de 7 nm) et leur chimie est plus simple que celle

des Noirs de Carbone (groupement hydroxyles).

L’incorporation des silices est en général assez difficile en raison de leur nombre élevé

d’agglomérats et de la faible compatibilité des groupements hydroxyles superficiels avec les

chaînes hydrocarbonés ; il est alors indispensable d’employer un traitement de surface au

préalable [Wolff, 1984]. On utilise souvent le greffage de molécules silanes qui peuvent jouer,

selon leur nature, le rôle, soit d’agents de recouvrement qui permettent de limiter les interactions

[Lapra, 1999], soit d’agents de couplage qui permettent l’établissement de liaisons covalentes avec

la silice [Ramier, 2004; Wolff, 1984].

Parmi les améliorations les plus intéressantes de l’incorporation des silices, on peut signaler, selon

le traitement chimique, celles concernant les allongements, la résistance au déchirement, le

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vieillissement à la chaleur, l’adhérence aux textiles et la translucidité, mais surtout une hystérése

plus faible, ce qui intéresse particulièrement les manufacturiers pneumatiques (pneu vert).

II.2.3 Conclusions

Le renforcement est nécessaire dans la plupart des applications courantes des élastomères.

Des petites, aux grandes déformations, le renforcement des élastomères chargés est largement

influencé par les différentes interactions se créant lors de la mise en œuvre. Le noir de carbone

est l’agent renforçant prédominant, mais les précipités de silice gagnent en importance avec les

années, car les fabriquants parviennent progressivement à contrebalancer les inconvénients

majeurs de la silice que sont le côut élevé et la difficulté de mise en œuvre par des propriétés

intéressantes pour de nombreux domaines.

II.3. Vieillissement et résistance à l’environnement

Comme on a pu le voir dans une partie précédente, une des propriétés les plus spécifiques

des NBR est leur remarquable tenue aux huiles, solvants et graisses et leur bonne imperméabilité

aux gaz, et ceci principalement grâce à la présence du nitrile. Ils offrent également une bonne

résistance à la chaleur (90°C en service continu, suivant les grades).

Cependant, du fait même de leur nature chimique et de leur caractère le plus souvent

insaturé, les élastomères sont généralement sensibles à de nombreux facteurs de dégradation

(oxygène, par exemple). Celle-ci peut d’ailleurs se manifester de façons très diverses :

modification de l’aspect (en particulier changement de coloration), apparition de craquelures,

durcissement, poissage accompagnés presque toujours d’une variation importante des propriétés

mécaniques. Cette évolution est englobée sous le terme général de vieillissement [IFOCA, 1984].

L’oxygène est le facteur le plus critique et son action est d’autant plus intense que la

température est elle-même plus élevée et que le matériau est soumis à des sollicitations

mécaniques répétées.

Il s’agit d’un processus autocatalytique à partir de la formation initiale d’hydroperoxydes

conduisant alors soit à des scissions de chaînes ou de liaisons pontales, soit au contraire à des

réticulations. Le processus qui se produit dans la masse d’élastomère est étroitement lié au degré

d’insaturation des chaînes macromoléculaires et il est d’autant plus intense que la sensibilité des

doubles liaisons est plus grande. Dans le cas des NBR, par exemple, les réactions d’oxydation ne

se déroulent que sur les doubles liaisons de la partie butadiène, la signature en IR du nitrile restant

inchangée au cours de la dégradation [Adam, Lacoste et al., 1991].

Dans le cas d’une oxydation thermique, le mécanisme de la dégradation initialement établi par

[Bolland et Gee, 1946], comporterait (de manière simplifiée) les 3 phases suivantes :

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Chapitre 1 : Etude Bibliographique

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- phase d’amorçage (sous l’action de la chaleur) conduisant à la formation de radicaux

libres (R•) ;

- phase de propagation : formation de radicaux peroxydiques

R• + O 2 RO2•

RO2• + RH ROOH + R•

- phase de terminaison selon les 3 possibilités suivantes :

• dimérisation de 2 radicaux hydrocarbonés R• et formation de ponts interchaînes

conduisant à des phénomènes de durcissement 2R• R – R

• formation de ponts « oxygène » interchaînes RO2• + R• R – O – O – R

• scissions de chaînes et dégagement d’oxygène 2RO2• scission + O2

Le vieillissement par l’oxygène se traduit non seulement par une diminution importante des

propriétés mécaniques (diminution de l’allongement à la rupture bien corrélée avec

l’augmentation du taux d’oxydation thermique de la matrice élastomère, observé par [Delor-

Jestin, Barrois-Oudin et al., 2000]), mais il s’accompagne aussi souvent soit d’un durcissement des

vulcanisats (c’est le cas de la plupart des élastomères de synthèse) dû à des réticulations, soit d’un

ramollissement (poissage) dû à des scissions de chaînes ou de ponts (c’est le cas du caoutchouc

naturel).

De plus, dans leur étude sur le vieillissement thermique du NBR suivi par une analyse IR, [Delor,

Barrois-Oudin et al., 1998] ont montré que ces modifications avaient lieu principalement dans les

premières centaines de microns d’épaisseur et pouvaient être suivies par l’évolution de la

formation de produits carbonyles.

II.4. Conclusion sur la composition d’un élastomère chargé

Comme nous venons de le voir, les élastomères NBR chagrés utilisés dans le secteur de l’industrie

requiert une préparation et un choix d’ingrédients précis. Parmi les ingrédients du mélange, on

retrouve le plus souvent :

- un ou plusieurs agents de réticulation (tel que le soufre), qui permettent la vulcanisation ;

- un ou plusieurs agents mouillants-activateur pour faciliter l’incorporation des différents

constituants de la réaction (acide stéarique) ;

- un ou plusieurs accélérateurs qui accélèrent la cinétique de réticulation ;

- un ou plusieurs activateurs qui, combinés à l’accélérateur, forment un complexe soluble qui

permet une réaction homogène (ex : ZnO) ;

- un ou plusieurs antioxydants qui retardent la dégradation de l’élastomère et assurent la

protection à long terme de l’élastomère ;

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Chapitre 1 : Etude Bibliographique

23

- des charges (entre 20% et 50% en poids) qui assurent un renforcement de la matrice et

procurent donc une bonne tenue mécanique au matériau final.

Ainsi, tout ce panel d’ingrédients permet généralement aux caoutchoutiers de préparer le mélange

le mieux approprié pour l’application désirée.

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Chapitre 1 : Etude Bibliographique

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III. Propriétés mécaniques des élastomères chargés

Une des caractéristiques essentielles des élastomères chargés est leur faible module dans des

conditions usuelles de sollicitation, de l’ordre de quelques MPa. Par ailleurs, les élastomères sont

capables de subir de grandes déformations, de l’ordre de quelques centaines de pourcent, sans

déformation résiduelle importante (matériaux hyperélastiques). La Figure 9 donne un exemple de

courbe de traction type sur un élastomère.

Figure 9 : courbe type contrainte-déformation pour un élastomère [Bouchereau, 1997]

Pour de très faibles sollicitations le comportement de l’élastomère est linéaire : le module E0 est

indépendant de la déformation (ou de la contrainte) appliquée. Pour de plus grandes

déformations, on observe un comportement non linéaire.

Les élastomères réticulés sont considérés comme quasi-incompressibles dans le domaine de

sollicitation de l’étude. Il en résulte que le coefficient de Poisson ν est sensiblement égal à 0,5

(hypothèse vérifiée avec une bonne approximation par [Verdu, 1995] et [Layouni, 2004]) ; cela

signifie que le module de compression (de l’ordre de 2-3 GPa) est très supérieur au module de

cisaillement G et au module de Young E (avec E=3G). Si cette hypothèse simplifie grandement

la plupart des calculs analytiques, elle pose un grand problème pour les calculs de structure

(problème de convergence).

III.1. La viscoélasticité des élastomères

III.1.1 Présentation de la viscoélasticité

Lorsque un élastomère chargé réticulé est sollicité, il n’atteint pas instantanément son état

d’équilibre thermodynamique. Le temps requis pour l’obtention de cet équilibre dépend de l’écart

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Chapitre 1 : Etude Bibliographique

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par rapport à la transition vitreuse et de la vitesse de sollicitation. En effet, les élastomères ont la

particularité de présenter simultanément deux comportements mécaniques : le comportement

élastique du solide caractérisé par un module élastique, d’origine entropique et le comportement

visqueux du liquide se manifestant par un retard à la réponse et une perte d’énergie à chaque cycle

de déformation. On parle ainsi de comportement viscoélastique.

On peut ainsi caractériser les propriétés viscoélastiques d’un élastomère en mesurant sa réponse à

une sollicitation dynamique. La déformation se décompose en deux composantes, l’une est en

phase (déformation élastique de module G’), l’autre est en quadrature retard (déformation

visqueuse de module G’’) (Figure 10-a).

a) b) Figure 10 : a) Composantes de la déformation en régime sinusoïdale (petites déformations) [Martinon,

1998] ; b) définition simplifiée des modules E’ et E’’ [Sperling, 1992]

On a donc : G*=G’ + i G’’ où G’ est le module de conservation (relié à l’énergie élastique

emmagasinée) et G’’ est le module de perte (relié à l’énergie visqueuse dissipée) (Figure 10-b).

On définit également le frottement intérieur tan δ = G’’/G’, appelé également « facteur de

perte », qui mesure ainsi la perte d’énergie par frottement intérieur du matériau.

Si l’on suit l’évolution avec la température des propriétés d’un élastomère lors d’une

sollicitation dynamique à faibles déformations (Figure 11), on peut observer 3 zones[Perez, 1992]:

a) b) Figure 11 : a) évolution du module élastique avec la température [Etienne et David, 2002] ; b) évolution

des composantes dynamiques avec la température [Martinon, 1998]

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Chapitre 1 : Etude Bibliographique

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• A basse température l’élastomère est dans l’état vitreux. Le module mesuré est de l’ordre du

GPa. Cette rigidité est due à la quasi-immobilité des chaînes de macromolécules en un réseau

rigide. On peut aussi observer des relaxationx dites secondaires caractéristiques d’une évolution

de la mobilité des groupes pendants des chaînes et de mouvements locaux de la chaîne

principale ;

• Quand la température augmente, la mobilité moléculaire des chaînes augmente et on observe

que l’ensemble des propriétés physique, électriques et mécaniques varie brusquement au-delà

d’une température appelée température de relaxation α (Tα) (associée à la température de

transition vitreuse Tg de l’élastomère). La valeur de Tα dépend de la mobilité intrinsèque des

chaînes, influencée par l’encombrement stérique des segments, leur polarité, et très légèrement de

la réticulation.

• Pour les hautes températures, correspondant à l’état caoutchoutique, la valeur du module est

comprise en 0,1 et 1 Mpa (pour les matériaux non chargés). L’agitation thermique devient

prédominante sur les interactions entre chaînes. Le module de l’élastomère est directement lié à

l’enchevêtrement des chaînes (liaisons physiques), à la réticulation (liaisons chimiques), et aux

charges qu’il contient éventuellement. Pour l’essentiel des applications, ce sont les propriétés

mécaniques de cette zone qui sont exploitées : le module élastique varie peu et le facteur de perte

d’énergie (tan δ) est minimum.

La nature viscoélastique du comportement mécanique des élastomères se manifeste ainsi

par une dépendance marquée de la réponse du matériau vis-à-vis de la vitesse de déformation et

de la température [Ferry, 1970]. Ces deux facteurs peuvent être reliés avec une certaine

approximation par l’équivalence temps-température, qui permet de construire une courbe

maîtresse à partir d’essais réalisés à différentes températures et fréquences, situées dans un

domaine expérimental limité. Une extension du domaine est envisageable lorsque l’on connaît

une propriété caractéristique de la viscoélasticité du matériau appelé facteur de glissement, noté aT.

Figure 12 : principe d’équivalence temps-température

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Chapitre 1 : Etude Bibliographique

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La Figure 12 schématise le principe d’obtention d’une courbe maîtresse à partir de mesures

expérimentales isothermes.

L’approche phénoménologique de [Williams, Landel et al., 1955], introduisant la relation WLF,

peut être utilisée pour modéliser l’évolution du facteur de glissement au-dessus de Tg :

02

01 )(logTTC

TTCaT −+−

−= Équation 5

où :

- aT est le facteur de glissement ;

- C1 et C2 des coefficients universels dans la théorie WLF, mais en fait dépendent souvent des

matériaux ;

- T0 une température de référence choisie arbitrairement ; en règle générale, on prend T0=Tg

ou T0=Tg+50°C, ceci conduisant à une translation de 3 à 10°C pour une décade de

fréquence.

Le Tableau 2 nous renseignent sur des valeurs de C1 et C2 pour quelques polymères ; les

« Constantes universelles » correspondent aux valeurs de la théorie WLF.

Tableau 2 : constantes C1 et C2 pour différents polymères

La conversion de l’énergie mécanique en chaleur, ou hystérésis, est un aspect très important

du comportement dynamique des matériaux viscoélastiques [Medalia, 1978]. L’hystérésis est la

perte d’énergie mécanique par unité de volume et par cycle ; elle est reliée au module de perte G’’

et au facteur de perte tan δ.

III.1.2 Elasticité caoutchoutique

L’élasticité caoutchoutique a ceci de particulier qu’il s’agit d’une élasticité à caractère

essentiellement entropique, c’est-à-dire liée aux changements de conformation des chaînes. Ces

dernières sont en effet capables, si leur mobilité est suffisante, de se déformer entre les «points

d’ancrage » que constituent les nœuds du réseau macromoléculaire [Verdu, 1995].

Elle peut être modélisée par une théorie statistique se basant sur les hypothèses suivantes :

- le réseau est supposé parfait, c’est-à-dire sans défaut dû a des fins de chaînes, des boucles

fermées ou des rétrécissements. Toutes les fins de chaînes sont donc fixées ;

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Chapitre 1 : Etude Bibliographique

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- la distribution des longueurs de chaînes est supposée gaussienne ;

- aucune énergie n’est emmagasinée ;

- toutes les chaînes ont la même répartition de masse et une conformation affine.

La théorie statistique de l’élasticité caoutchoutique [Flory, 1953] donne l’expression de la

contrainte en fonction de l’élongation [Treloar, 1975] :

⎟⎠⎞

⎜⎝⎛ −=

λλρσ 12

CMRT Équation 6

Où : - ρ est la masse volumique ; - R est la constante des gaz parfaits ; - T est la température ; - Mc est la masse molaire moyenne d’une chaîne ; - λ est l’élongation.

Si on se place aux petites déformations, on a :

ελ += 1 d’où ερσ 3CM

RT= et

CMRTG ρ

=0 Équation 7

N représente le nombre de chaînes par unité de volume et k la constante de Boltzmann.

Cette expression est d’ailleurs identique au premier terme de la formulation phénoménologique

de Mooney-Rivlin.

Du fait de l’extensibilité limite des chaînes, les écarts entre la théorie affine et l’expérience pour

les plus grandes déformations ont conduit [Arruda et Boyce, 1993] à remplacer l’approche

gaussienne par une autre approche faisant intervenir la fonction réciproque de Langevin.

( ) ⎟⎠⎞

⎜⎝⎛ +⋅−= −

λλλσ 1212

1 12 CCC Équation 8

En effet, remarquant que le comportement réel n’obéissait pas bien à cette théorie simplifiée

(comportant de nombreuses hypothèses simplificatrices), [Mooney, 1940] a le premier proposé

d’incorporer un second paramètre C2 à la théorie. [Rivlin, 1948] a généralisé les résultats de

Mooney, de sorte que les constantes C1 et C2 ont par la suite été appelées constantes de Mooney-

Rivlin. Le rapport C2/C1 représente l’écart à la théorie simplifiée et de nombreux auteurs ont

tenté d’apporter une interprétation structurale à cette quantité. Par exemple, ce rapport diminue

si la fonctionnalité des nœuds de réticulation augmente et/ou si la densité de réticulation

augmente.

En conclusion, on peut noter qu’il existe une théorie permettant d’expliquer l’élasticité

caoutchoutique de manière relativement satisfaisante. Néanmoins, dans le cas des matrices

chargées, les modèles décrits précédemment perdent leur validité. Ces considérations ont ainsi

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Chapitre 1 : Etude Bibliographique

29

amené Mooney et Rivlin à utiliser une approche phénoménologique basée sur la détermination de

coefficients représentant au mieux le comportement expérimental du matériau étudié.

III.1.3 Conclusions sur la viscoélasticité linéaire

Les matériaux réels ne sont pas purement élastiques. Des mouvements moléculaires

conduisent à des processus de relaxation ; le module élastique dynamique devient une quantité

complexe. Les matériaux polymères présentent des effets viscoélastiques très importants en

comparaison avec les autres matériaux (céramiques, métaux) ; cela provient du fait que les chaînes

macromoléculaires présentent des degrés de liberté variés. Un effet viscoélastique

particulièrement important se développe dans le domaine de transition vitreuse, l’élastomère

passant d’un comportement solide vitreux vers un comportement caoutchoutique.

D’un point de vue modélisation, des modèles rhéologiques simples tels que Kelvin-Voigt

ou Maxwell (dont une présentation est faite dans [Bui, 2002]) permettent de reproduire le

comportement visco-hyperélastique des élastomères.

Concernant l’influence des charges sur les propriétés viscoélastiques des élastomères

chargés, la viscoélasticité macroscopique d’un élastomère chargés résulte microscopiquement de

la friction des chaînes macromoléculaires entre elles, de la friction chaînes/charges ainsi que des

interactions charges/charges [Heuillet et Dugautier, 1997].Ainsi, l’incorporation de charges dans

un élastomère entraîne un changement significatif des propriétés dynamiques, et le reseau de

charges semble être le paramètre principal gouvernant la réponse dynamique [Bokobza et

Rapoport, 2002].

Enfin, la mesure du module complexe peut être exploitée d’une part pour identifier les

mécanismes à l’origine des effets de relaxations, mais aussi pour déterminer les domaines utiles

(température et fréquence) d’utilisation des matériaux.

III.2. Propriétés aux grandes déformations_Rupture

III.2.1 Propriétés limites et courbes enveloppes

Comme cela a déjà été évoqué, les élastomères chargés possèdent une grande capacité

d’élongation, associée à un phénomène dissipatif. En effet, les caractéristiques de rupture sont

liées au comportement viscoélastique de l’élastomère ; elles varient avec la température et la

vitesse de sollicitation Ainsi, à partir des données obtenues à différentes températures (ou

différentes vitesses de sollicitation), il est possible expérimentalement (par l’intermédiaire de

l’équivalence temps-température) de tracer des courbes maîtresses, tant pour la contrainte à la

rupture σR (normalisé par le facteur entropique σRxTref/T, avec Tref une température de référence

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Chapitre 1 : Etude Bibliographique

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arbitraire) que pour la déformation à la rupture εR. Cette méthode de présentation des résultats

est largement validée et utilisée avec les propriétés limites des élastomères [Smith, 1958]. Le

facteur de glissement étant un paramètre intrinsèque du matériau, on peut donc tracer

directement en échelles logarithmiques σRxTref/T=f(εR). La courbe ainsi obtenue définie alors

l’enveloppe de rupture [Smith, 1963],[Smith et Frederick, 1965] ; elle est une propriété

intrinsèque du matériau et permet de prévoir les valeurs limites pour un trajet quelconque de

variation de la contrainte et de la déformation mais aussi de la vitesse et de la température. La

Figure 13 montre schématiquement une telle enveloppe.

Figure 13 : enveloppe de rupture typique (Ti<Ti+1) [Naït Abdelaziz et Neviere, 1997]

La courbe enveloppe construite à partir des courbes maîtresses des propriétés limites permet de

prévoir non seulement la rupture pour des conditions constantes de vitesse et de température

mais également les propriétés pour des essais de fluage (trajet B-C sur la Figure 13) ou de

relaxation (trajet B-D sur la Figure 13).

Compte tenu des remarques précédentes, on décrit la même enveloppe en faisant varier soit la

température, soit la vitesse de sollicitation. L’enveloppe rupture est parcourue dans le sens des

aiguilles d’une montre lorsque la température augmente ou lorsque la vitesse diminue.

De plus, il existe une région intermédiaire pour laquelle les propriétés à la rupture sont optimales.

III.2.2 Influence de la présence de charges

En présence de charges, à température donnée, la contrainte à la rupture augmente avec la

fraction de charges sans que la déformation à la rupture n’évolue d’une manière trop défavorable

(Figure 14).

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Chapitre 1 : Etude Bibliographique

31

Figure 14 : effet des charges sur les propriétés ultimes d’un élastomère

a) courbes de traction ; b) enveloppe de rupture [Halpin et Bueche, 1964].

L’utilisation de charges renforçantes modifie donc la forme des enveloppes rupture :

• Les enveloppes rupture des systèmes chargés et non chargés sont superposées dans la partie

basses températures, proche de la transition vitreuse ;

• A plus haute température – au voisinage de l’allongement ultime puis dans la zone de

décroissance de σR et εR – l’enveloppe rupture des systèmes chargés est décalée vers les faibles εR

et ce d’autant plus que la teneur en charge est élevée. L’allongement ultime est ainsi en général

plus faible dans les élastomères chargés ;

• Dans la partie haute température, les enveloppes rupture se rejoignent ;

• La zone de décroissance évoquée précédemment est atteinte pour des température d’autant

plus élevée que la teneur en charge est importante. Ainsi, le régime correspondant à des

propriétés médiocres en rupture est repoussé vers les hautes températures.

L’application de la théorie de [Halpin et Bueche, 1964] permet de rendre compte de la

modification de la forme des enveloppes rupture lorsque l’on renforce un élastomère par le noir

de carbone. L’augmentation de la contrainte à la rupture en présence de charges est due à

l’augmentation de module, mais l’évolution en température est liée à la réponse viscoélastique des

élastomères chargés.

Cependant, malgré des décennies de recherche, il n’y pas de théorie communément acceptée

concernant l’effet des noirs de carbone sur les propriétés ultimes des élastomères chargés.

III.3. Propriétés spécifiques des élastomères chargés

Pour des températures supérieures à leur Tg, les élastomères chargés présentent des

comportements spécifiques qui sont reliés à des phénomènes de dissipation d’énergie. L’effet

Mullins est observé lors de la 1ère sollicitation du matériau ; tandis que l’effet Payne correspond à

une non-linéarité du comportement des élastomères chargés aux faibles déformations.

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Chapitre 1 : Etude Bibliographique

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III.3.1 Effet Mullins

L’effet Mullins, ou ‘stress softening’, relié à un phénomène de dissipation d’énergie, est

observé lors des premières sollicitations d’un échantillon. Il est caractérisé par une baisse notable

des niveaux de contrainte quand l’élastomère réticulé est étiré une seconde fois aux mêmes taux

de déformation. Cette première extension entraîne une perte de rigidité pour les déformations

suivantes et une déformation rémanente (Figure 15). Ce phénomène est recouvrable partiellement

à température ambiante sur des temps très longs (plusieurs jours) ou en quelques heures à des

températures proches de celle de la vulcanisation.

Figure 15 : courbe type d’effet Mullins dans les élastomères chargés [Bokobza et Rapoport, 2002]

Ce phénomène a été le sujet de nombreuses études et controverses, et plusieurs traitements

mathématiques ont été proposés sur la base de la combinaison de mécanismes de rupture.

La théorie phénoménologique de [Mullins et Tobin, 1957] suggère que la rupture des agrégats de

charges ou des liaisons charges-matrice doivent être prises en compte dans ce processus.

[Blanchard, 1954] présente une description quantitative dans laquelle l’effet Mullins résulte de la

rupture des liaisons faibles charges-polymère. Le modèle moléculaire de [Bueche, 1960] propose

le concept de rupture de chaînes de différentes longueurs entre les charges adjacentes. Enfin,

[Danneberg, 1966], en considérant des phénomènes à l’interface entre la charge et la matrice,

évoque la notion de glissement de chaînes d’élastomères adsorbés à la surface des charges sous

l’effet de la déformation. On peut trouver une synthèse de ces différents modèles chez [Kilian,

Ambacher et al., 1991].

Dans chacun de ces modèles, l’effet d’adoucissement est attribué à une diminution du nombre de

chaînes élastiques effectives du réseau, qui est proportionnel à la contrainte. D’ailleurs dans une

publication récente, [Bokobza et Rapoport, 2002] ont déduit, à partir de mesures de gonflement

que l’effet Mullins pouvait être attribué à une rupture ou un glissement des chaînes ayant atteint

leur limite d’extensibilité.

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Chapitre 1 : Etude Bibliographique

33

III.3.2 Effet Payne

Dans le domaine de déformations inférieures à une dizaine de pourcent, la matrice

élastomère seule montre un comportement quasi-linéaire (module E ou G indépendant du taux

de déformation). L'introduction de charges conduit à une non-linéarité du comportement comme

le montre la Figure 16. Aux faibles déformations on observe un plateau (module initial G'0)

correspondant au module dans le plateau caoutchoutique, discuté précédemment. La valeur du

module décroît avec la déformation jusqu'à une valeur G'∞ où elle se stabilise. Ce phénomène est

connu sous le nom d’effet Payne [Payne, 1962].

a) b) Figure 16 : Effet Payne pour la matrice et la matrice chargée, a) courbes typique d’effet Payne pour un

élastomère chargé (module élastique, de perte et facteur de perte), b) évolution du module élastique pour

la matrice et la matrice chargée [Clement, 1999]

La chute de module élastique est associée à un maximum du module de perte G’’ traduisant

une dissipation d’énergie, d'autant plus élevée que la chute de G' est importante.

Les balayages en déformation suivants (à partir du 3ème seulement à cause de l’effet Mullins

présenté précédemment) sont reproductibles à condition d'attendre un temps suffisant entre

chaque balayage [Chazeau, Brown et al., 2000]. De plus, la courbe d'effet Payne est insensible à

l'application d'une déformation statique pour peu que l'échantillon ait pu relaxer entre deux

balayages [Fuller, Gregory et al., 1988].

L’effet Payne est influencé par les paramètres des charges : la concentration, la surface

spécifique, la distribution, les caractéristiques chimiques de surface et la température. L’amplitude

de l’effet Payne augmente avec la fraction de charges, du fait de la forte sensibilité du module

initial G’0 à la fraction volumique de charge, contrairement au module G’∞. L’augmentation de

l’amplitude est très influencée pour les taux dépassant le seuil de percolation.

Dans les dernières années, de nombreuses théories et observations ont été publiées sur les

propriétés dynamiques des élastomères chargés [références 32 à 36 dans [Bokobza et Rapoport,

2002]]. Elles ont mis en avant l’importance des caractéristiques des charges et du réseau de

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Chapitre 1 : Etude Bibliographique

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charges. L’effet Payne est d’ailleurs interprété généralement par des processus de

désagglomération ou rupture du réseau de charges ou par des mécanismes mis en jeu à l'interface

charge-matrice.

Pour [Payne, 1962], la valeur du module G’0 dépend du réseau de charges et des interactions entre

les particules renforçantes. [Voet, 1975] a en effet mis en évidence la rupture d'un réseau de

charge avec le taux de déformation (dans le cas des noirs de carbone) en couplant des mesures de

conductivité avec les mesures de module élastique. Il montre que les valeurs de conductivité et de

module initial diminue conjointement lorsque le taux de déformation augmente. En outre, la

valeur du module initial G’0 est plus faible lors de la décharge. La valeur du module à une

déformation donnée résulterait d'un état d'équilibre dans le processus de rupture et de re-

formation du réseau de charge. Ce mécanisme engendrerait une dissipation d'énergie (associée au

maximum de G''). Après la rupture du réseau, la valeur du module aux grandes déformations G’∞

dépendrait de deux facteurs : de l’effet hydrodynamique résultant de la présence des charges et de

la contribution de liaisons fortes entre la charge et la matrice.

D’un autre côté, en présence d’interactions charges/matrice, l’effet Payne est également associé à

la notion de polymère « lié » à la surface de la charge, par le biais d’une adsorption physique des

molécules de polymère, et serait le résultat d’un mécanisme de désorption et d'adsorption de

chaînes en surface de la charge [Maier et Göritz, 1996]. Après un certain temps, la ‘coquille’ de

polymère retrouverait sa conformation initiale. Cette notion de ‘coquille’ peut également

expliquer la chute des modules de conservation et de perte observée avec la température.

Cette deuxième interprétation est une approche intéressante mais au même titre que celle

impliquant la rupture du réseau de charge, l'effet Payne ne peut être interprété en tant que tel. Les

mécanismes engendrant alors l’effet Payne doivent considérer le mécanisme de désagglomération

et d’agglomération mais aussi le phénomène thermiquement activé de désorption/adsorption de

chaînes en surface de la charge ou le désenchevêtrement des chaînes de la couche de polymère lié

[Berriot, Lequeux et al., 2002; Ramier, 2004].

III.4. Conclusions sur les propriétés mécaniques des

élastomères chargés

Lorsqu’un élastomère est soumis à une contrainte dynamique, il répond en combinant une

réponse « élastique » et une réponse « visqueuse », avec une perte d’énergie à chaque cycle de

déformation : il obéit alors à un comportement viscoélastique. Ainsi, le module devient complexe

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Chapitre 1 : Etude Bibliographique

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et présente une composante de conservation et une composante de perte ; nous avons également

introduit le facteur de perte tan δ caractérisant l’aspect dissipatif de ces matériaux. Divers

paramètres interviennent dans ce processus : le type de sollicitation (traction, compression,

flexion, cisaillement, etc), la fréquence de sollicitation, la température.

Aux grandes déformations et à la rupture, on peut étudier les propriétés mécaniques des

élastomères par l’intermédiaire des courbes enveloppes. Celles-ci permettent d’analyser l’influence

de la température et de la vitesse de sollicitation à partir d’une seule courbe pour un matériau.

Dans le cas particulier des élastomères chargés, nous avons présenté les deux propriétés

spécifiques, en relation avec des phénomènes dissipatifs, que sont l’effet Mullins et l’effet Payne.

Nous avons vu que de nombreuses théories ont été proposées mais qu’il n’existe pas d’accord

global entre tous les auteurs pour expliquer ces phénomènes.

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Chapitre 1 : Etude Bibliographique

36

IV. Tribologie des élastomères chargés : frottement et

usure

Ce n’est qu’à partir des années 1940, et l’utilisation du caoutchouc pour la fabrication des

pneumatiques, que le comportement tribologique (tribologie = science du frottement et de l’usure) de

celui-ci commença à susciter un intérêt rapidement croissant. La somme des connaissances

acquises, tant du point de vue technique que scientifique, a permis de réduire considérablement

l’empirisme qui régnait dans les nombreuses applications du caoutchouc où le frottement et

l’usure joue un rôle important.

Dans cette partie de l’étude bibliographique, nous allons donc nous intéresser tout d’abord à une

approche physique du frottement des élastomères contre un antagoniste rigide, en mettant en

lumière les différents mécanismes responsables du frottement et leurs relations importantes avec

les propriétés viscoélastiques de l’ élastomère. Puis, nous présenterons une description des

différents faciès, modes et autres modèles d’usure des élastomères proposés par de nombreux

auteurs durant les cinquante dernières années.

IV.1. Approche physique du frottement

IV.1.1 Généralités sur le frottement des élastomères

Le coefficient de frottement entre deux surfaces est le rapport entre la force nécessaire pour

bouger les surfaces l’une par rapport à l’autre et le total des forces mettant en pression ces deux

surfaces. Si F est la force pour le mouvement et W la force de pression, le coefficient de

frottement µ est donné par µ=F/W. [Lechtenboehmer, Moneypenny et al., 1990]

Le frottement des élastomères diffère de nombreuses façons du frottement des autres

solides. Ceci s’explique notamment par leur très faible module élastique et leur frottement interne

(tan δ) élevé sur une large gamme de fréquence [Persson, 2001].

En effet, les élastomères n’obéissent que très rarement aux lois classiques de frottement, établies

par Coulomb en 1785, décrites ci-dessous :

• La force de frottement est indépendante de la forme et de la superficie de la zone apparente

de contact.

La grande souplesse des élastomères leur confère la propriété d’épouser la quasi-totalité des

rugosités des surfaces solides antagonistes. L’aire réelle de contact (dont dépend le coefficient de

frottement) est alors très proche de la surface apparente. Et donc l’indépendance de cette surface

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Chapitre 1 : Etude Bibliographique

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avec la force de frottement n’est plus vérifiée, comme l’a démontré Schallamach [Schallamach,

1957/58].

• La résistance à l’avancement est proportionnelle à la force normale d’appui.

Concernant le coefficient de frottement, la nature physico-chimique des élastomères a des

conséquences importantes. Les effets des forces d’attraction moléculaire modifient

considérablement le comportement du coefficient de frottement.

• La force tangentielle nécessaire pour amorcer et maintenir le glissement est indépendante de

la vitesse relative des solides en contact.

Cette règle n’est jamais vérifiée puisque cette résistance à l’avancement est directement reliée aux

pertes viscoélastiques.

Il n’existe donc pas de parallélisme très net entre le comportement tribologique des solides rigides

usuels et celui des élastomères, l’influence des différents paramètres conditionnant ses propriétés

de frottement ne pouvant guère être comprise que par référence aux propriétés mécaniques et

thermodynamiques de ce type de matériau.

De nombreuses théories ont été proposées pour expliquer le frottement des élastomères (théories

moléculaires [Schallamach, 1963], [Bartenev et Elkin, 1968] ; théories macroscopiques [Savkoor, 1965],

[Ludema et Tabor, 1966]). Cependant, des ambiguïtés subsistent du fait du comportement

particulier de ces matériaux ; par exemple, le frottement sur une surface sèche, rigide et lisse se

produit généralement sans arrachement ni déformation permanente appréciable.

Enfin, il faut tout de même préciser ici que, aujourd’hui, tous les auteurs s’accordent à dire

que le frottement est une propriété intrinsèque du matériau.

IV.1.2 Observation de l’aire de contact et phénomènes spécifiques

Grâce à l’observation de l’aire de contact entre un élastomère et un antagoniste transparent

(une sphère de verre notamment), certains phénomènes spécifiques du frottement des

élastomères ont pu être observées : les vagues de Schallamach, les plis de recollement…Les

pionniers dans ces observations sont notamment Schallamach [Schallamach, 1971] et Barquins

[Barquins, 1987, 1988, 1993; Barquins et Courtel, 1975; Barquins et Maugis, 1978; Barquins et

Roberts, 1987].

Une nouvelle approche de l’étude de la tribologie s’est ouverte quand, en 1971, [Johnson, Kendall

et al., 1971] ont montré que l’aire de contact en statique entre une sphère rigide et une surface

d’élastomère était plus grande que celle déduite des lois classiques de la mécanique du contact

élastique établis par Hertz en 1881. Cet effet provient de l’intervention des forces d’attraction

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Chapitre 1 : Etude Bibliographique

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moléculaire, souvent de type Van der Walls pour les élastomères, et ainsi, le contact est maintenu

par une charge apparente plus grande que la charge appliquée.

Lors de l’étude de l’établissement du frottement, il a été montré que, sous l’action d’un effort

tangentiel progressif, la zone de contact devenait plus petite et perdait sa symétrie circulaire

[Schallamach, 1969] (la partie arrière étant réduite, cf. Figure 17) par un mécanisme de pelage

sous l’effet des contraintes élevées de traction créées en arrière du contact. En même temps, des

micro-glissements apparaissent au front de contact [Barquins et Courtel, 1975]. Une fois que la

force tangentielle excède une valeur critique, ces micro-glissements envahissent la totalité de l’aire

de contact et le frottement global commence. En étudiant le comportement tribologique des

élastomères par une courbe maîtresse basée sur la transformation WLF, comme expliqué

précédemment, il est apparu qu’à vitesse nulle, le coefficient de frottement prenait une valeur

finie. L’existence d’un coefficient de frottement statique non nul pour les élastomères implique

une déformation élastique seuil importante, nécessaire pour provoquer le glissement.

Figure 17 : vues superposées des aires de contact entre une sphère de verre et une surface d’élastomère ;

a) pendant le frottement b) durant un contact statique [Barquins, 1993]

[Barquins et Courtel, 1975] ont montré que deux types principaux de comportement peuvent être

observés suivant la valeur de la vitesse relative imposée aux solides en contact et/ou la

température : des plis de recollement à faible vitesse et des vagues de Schallamach pour une

vitesse plus élevée.

IV.1.2.1. Glissement à vitesse faible et stick-slip

Un régime stationnaire s’installe aux faibles vitesses de glissement car un entraînement

interfacial et un processus continu de relaxation coexistent (formation-rupture de liaisons

moléculaires). Le bourrelet viscoélastique créé pendant le déplacement préliminaire progresse à

vitesse constante en avant du contact (cf. B)a) sur Figure 18).

Pour une aspérité de faible rayon de courbure, le frottement produit une instabilité à la surface de

l’élastomère, au-delà de l’arrière de la zone de contact. Cela provoque la création de plis de

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Chapitre 1 : Etude Bibliographique

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recollement et une fluctuation de la résistance à l’avancement [Barquins, 1987]. Ce phénomène

est représenté sur la Figure 18.

Figure 18 : Observations et représentation de la formation de plis de recollement [Barquins, 1993]

Ce mécanisme est très vraisemblablement à l’origine du mouvement saccadé (stick-slip) observé

lorsqu’un patin d’élastomère est en contact glissant sur une substrat rigide plan ; il est également

rencontré dans la vie courante (grincement de porte, tremblement de terre, ou encore excitation

d’une corde de violon par un archet). Le terme de stick-slip désigne les mouvements entre deux

éléments qui ne s’effectuent pas de façon douce et régulière, mais au contraire par à-coups, de

façon intermittente (périodique ou non). Dans le cas de notre étude, ce type de phénomène peut

avoir des conséquences néfastes en terme de dissipation d’énergie et d’endommagement des

surfaces en présence. On peut d’ores et déjà noter qu’il disparaît aux vitesses de frottement

élevées. Ce phénomène est illustré sur la Figure 19 ci-dessous.

Figure 19 : Phénomène de « stick-slip » [Berman et Ducker, 1996]

[Berman et Ducker, 1996] ont essayé de modéliser ce phénomène, cherchant ses conditions

d’apparitions et lois de comportement, dans le cas de deux surfaces caoutchoutiques en présence.

Selon eux, la condition fondamentale pour l’apparition d’un tel comportement est la suivante : la

force de frottement statique (force nécessaire pour amorcer le glissement) doit être supérieure à la

force de frottement cinétique (force nécessaire pour maintenir le glissement). Un modèle plus

détaillé met en jeu d’autres paramètres tels que la taille des aspérités, la vitesse de glissement, le

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Chapitre 1 : Etude Bibliographique

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temps de relaxation de l’élastomère, la taille moléculaire… Le problème majeur rencontré dans

cette modélisation est la forte dépendance du phénomène vis à vis des conditions expérimentales

et du système. L’extrapolation de résultats particuliers est alors difficile. De plus, plusieurs autres

modèles ont été proposés, mettant en avant tel ou tel autre aspect du problème (comme la

topologie de surface, la dépendance de la distance ou encore la dépendance de la vitesse).

IV.1.2.2. Frottement à vitesse élevé – Vagues de Schallamach

Dès que la vitesse de déplacement relatif entre l’aspérité sphérique et la surface de

l’élastomère excède un seuil critique, des plis de décollement apparaissent dans l’aire de contact et

le coefficient de frottement chute [Unhiyama, 1988] (ceci dépend en fait du processus qui offre le

moins de résistance au mouvement, entre le glissement pur et ces plis). Ce phénomène a été

décrit pour la première fois par [Schallamach, 1971], d’où leur dénomination de ‘vagues de

Schallamach’. Il s’agit de plis réguliers remplis d’air qui traversent l’aire de contact avec une

vitesse beaucoup plus grande que la vitesse de glissement des deux solides, se propageant du bord

avant en compression vers le bord arrière en traction, à la manière d’un pli dans un tapis. Dans

ces conditions, le glissement proprement dit n’a pas lieu, les plis assurant le mouvement relatif.

Figure 20 : Formations de vagues de Schallamach [Barquins, 1993]

S’il a été rapidement découvert que le mécanisme d’initiation de ce phénomène est

entièrement gouverné par des effets viscoélastiques (instabilités élastiques dans une partie de la

zone de contact à cause de la compétition entre des contraintes tangentielles de compression et la

relaxation du matériau) ([Barquins et Courtel, 1975; Briggs et Briscoe, 1975; Roberts et Thomas,

1975]), les conditions d’apparition de ce régime de frottement avec plis de décollement ne sont

pas complètement établies. On peut compter parmi les paramètres favorisant leur apparition la

réduction du rayon de courbure de l’antagoniste, la réduction de la force normale appliquée,

l’augmentation de la vitesse imposée, la diminution de la température…

La propagation à l’interface de ces vagues induisent des pertes énergétiques, qui se manifestent

par la force de frottement au niveau macroscopique. Le problème a longtemps été de savoir de

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Chapitre 1 : Etude Bibliographique

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quelle manière l’énergie était dissipée dans ce processus. [Briggs et Briscoe, 1975; Roberts et

Thomas, 1975] ont utilisé le travail d’adhésion pour expliquer ceci. Ils ont montré en effet que

l’énergie gagnée par la mise au contact de deux surfaces d’élastomères est inférieure au travail

nécessaire pour les séparer ensuite. La différence d’énergie entre ces deux phénomènes est définie

comme étant le travail de l’adhésion. La théorie retenue correspond à la dissipation d’énergie lors

des procédés de pelage (lorsque les vagues se séparent de la surface pressante) et de ré-adhésion

des surfaces d’élastomères lors de la formation et de la propagation des vagues.

Ce phénomène, apparemment curieux, est néanmoins tout à fait réel : il se produit dans

certains cas à la surface des pneumatiques et est parfois à l’origine de fuites sur des joints

d’étanchéité.

IV.1.3 Etude des mécanismes du frottement ; relation avec la

viscoélasticité

Les études des années 60 de [Grosch, 1963], [Ludema et Tabor, 1966], [Savkoor, 1965],

[Schallamach, 1963], pionnières dans l’étude du frottement de l’ élastomère, ont mis en évidence

l’existence de 2 composantes principales dans ce type de frottement : la composante d’adhésion

et la composante d’hystérésis ou de déformation. La composante d’adhésion met en jeu le

cisaillement des jonctions provenant de forces intermoléculaires entre les surfaces et revêt une

importance particulière principalement avec des surfaces antagonistes très lisses ; pour des

surfaces plus rugueuses, les effets de l’adhésion sont plus faibles de par une aire de contact plus

faible. La seconde composante provient du passage répété des aspérités de la surface rigide

rugueuse sur la surface du élastomère plus souple, et est donc reliée aux pertes d’hystérésis par

déformation cyclique.

[Grosch, 1963] a montré (cela a d’ailleurs été confirmé plus tard par [Ludema et Tabor,

1966]) que les composantes d’adhésion et de déformation du frottement sont reliées aux

propriétés viscoélastiques de l’élastomère et obéissent donc au principe d’équivalence temps-

température, qui peut être utilisé pour combiner les caractéristiques frottement-vitesse mesurées à

différentes températures et obtenir ainsi une courbe maîtresse unique pour le frottement.

L’évidence de l’existence des deux composantes principales du frottement de l’ élastomère a été

notamment mise en lumière par Grosch [Grosch, 1984] dans son étude de l’influence de la

rugosité de l’antagoniste sur le frottement de différents élastomères. La Figure 21 montre les 3

courbes maîtresses obtenues avec une surface lisse en verre et des surfaces rugueuses de SiC (une

sèche et une polluée avec de la magnésie pour éliminer la composante adhésion).

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Chapitre 1 : Etude Bibliographique

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Figure 21 : Courbes maîtresses de frottement (NBR non chargés) a) SiC à sec ; b) SiC pollué ; c) surface

lisse en verre [Grosch, 1984]

IV.1.3.1. Composante adhésive du frottement

Quand on étudie le frottement d’un élastomère sur une surface propre et lisse, seule la part

adhésive joue un rôle dans la résistance au glissement. La courbe de frottement obtenue est

similaire pour tous les polymères : elle est symétrique autour d’un unique maximum. Il est à noter

que lorsque la température de transition vitreuse Tg est diminuée, la vitesse au maximum de

friction (Vs) correspondante augmente. Ainsi, la vitesse au maximum de friction par adhésion

peut être définie par :

))(10.( max7 Efs ′′Κ= −ν Équation 9

où K est une constante numérique et fmax (E’’) est la fréquence à laquelle le module de perte a son

maximum (pour une température d’essai supérieure à Tg) (liée au temps moyen de la relaxation

principale α du matériau, pour laquelle ωτ=1). Les théories de Schallamach et Bartenev prévoient

que le frottement est conditionné par un processus d’adhésion/rupture de liaisons entre

l’élastomère et l’antagoniste, avec une fréquence moyenne 1/τ (temps de relaxation de la liaison) et un

saut entre chaque liaison d’une distance λ (déterminée de dimension moléculaire par [Grosch,

1963] (facteur 10-7)).

En effet, le phénomène d’adhésion a été expliqué par [Schallamach, 1963] en terme de modèle

moléculaire. Il a ainsi proposé que les molécules d’élastomère se lient avec la surface antagoniste

par un processus thermiquement activé, restent ainsi durant un certain temps, puis, en résultat de

l’effet combiné de la force tangentielle appliquée et de la température, ces liaisons moléculaires

sont rompues (voir également [Bartenev et Elkin, 1968]). Il a également été prouvé que la

formation et la rupture de ces liaisons sont des processus séparés, et donc que le nombre de

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Chapitre 1 : Etude Bibliographique

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liaisons n’est pas constant mais dépend de la vitesse et de la température ([Lavrentev]). Il en

résulte que l’élastomère adhère à l’antagoniste par le biais de liaisons interfaciales, qui sont

régulièrement rompues par l’action de la force de frottement, puis reformées un peu plus loin.

Cette alternance de formation/rupture de liaisons crée des petites déformations viscoélastiques et

des pertes hystérétiques (on pourrait rapprocher cela à l’effet Payne, présenté dans la partie sur les

propriétés mécaniques, p.33). Mécaniquement, cet effet de l’adhésion à l’interface est caractérisé

par la résistance au cisaillement à l’interface de contact [Bui, 2002]. Ainsi, d’après les travaux de

[Savkoor, 1965] et de [Ludema et Tabor, 1966], les variations dans la composante d’adhésion

doivent être reliées aux variations de l’aire réelle de contact A et de la résistance au cisaillement de

l’interface s (Ludema et Tabor considèrent d’ailleurs que cette interface est aussi résistante que

l’élastomère lui-même pour une bonne adhésion). Ceci se retrouve sur la Figure 22. Il est à noter

ici que, pour Savkoor, l’aire réelle de contact est formée d’un nombre fixe de points de contacts,

qui dépend donc de la rugosité de l’antagoniste et de la pression appliquée.

Figure 22 : Courbes montrant les variations de A et s en fonction de la vitesse de glissement, en supposant

que le cisaillement induit par s est 105 fois plus rapide que celui induit par A. s est supposé équivalent à σ

la résistance élastique et A proportionnel à E-2/3. F=A.s est la force de frottement.[Ludema et Tabor, 1966]

Par le biais d’une simulation numérique basée sur la modélisation de l’interaction entre aspérités

(théorie développée par [Savkoor, 1965]), [Bui, 2002] a expliqué la dépendance vis-à-vis de la

vitesse de la part adhésive, malgré l’indépendance des liaisons adhésives par rapport à la vitesse, à

l’échelle de l’expérience. Ainsi, les effets antagonistes que sont la baisse de l’aire réelle de contact

et l’augmentation de la pression de contact quand la vitesse augmente, engendre une variation

non-monotone de la résistance au frottement par adhésion avec la vitesse.

Il faut noter pour conclure, que le développement de la nanotribologie, avec des instruments tels

que le SFA (Appareil à Force de Surface) et l’AFM (Microscopie à Force Atomique), permet une

étude plus fine des relations entre adhésion et frottement, en s’affranchissant au maximum de

l’influence de la rugosité de surface.

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Chapitre 1 : Etude Bibliographique

44

IV.1.3.2. Composante hystérésis du frottement

Dans le cas du frottement contre les surfaces rugueuses de SiC, le pic de la courbe

maîtresse est décalé vers les plus hautes vitesses (log aTv élevé) (cf. Figure 21). La position du pic

est due à la fréquence définie par la distance entre les aspérités de surface et la vitesse de

glissement. Le pic d’adhésion, clairement visible avec le verre lisse, est réduit à une bosse avec le

SiC et disparaît totalement en contaminant la surface par de la magnésie. Les positions des pics

ont été trouvées par [Schallamach, 1968] comme étant reliée aux propriétés viscoélastiques de

l’élastomère. La vitesse pour le maximum de frottement par hystérésis vr a été définie par

)(tan105.1 max2 δν fr

−×= Équation 10

où fmax(tan δ) est la fréquence à laquelle l’angle de perte a son maximum, à une température

donnée (pour la relaxation α) ; la constante numérique (de dimension d’une Longueur) est en

forte relation avec la géométrie des rugosités : elle a en effet été trouvée proche de la distance

moyenne entre aspérités de la surface antagoniste.

Quand un élastomère frotte sur une surface rugueuse, le matériau se déforme sous l’effet du

passage des aspérités du matériau antagoniste. A chaque passage d’aspérités [Bui, 2002],

différentes régions du matériau déformable sont dans un premier temps contraintes, puis

relâchées. A chaque fois qu’un volume d’élastomère est contraint, de l’énergie élastique est

stockée. La plupart de l’énergie stockée est restituée lorsque la contrainte est relâchée, mais à

cause de la viscoélasticité de l’élastomère, toute l’énergie ne peut être restituée. Cela signifie

qu’après un passage d’aspérité, de l’énergie doit être dissipée au voisinage du contact. Ce transfert

d’énergie du mouvement de glissement en chaleur contribue à la résistance au glissement.

Selon la théorie de Persson ([Persson, 2000, 2001]), quand un élastomère glisse sur une surface

rugueuse de longueur caractéristique λ (distance entre aspérités), il sera exposé à des fluctuations,

dont la fréquence est ω∼v/λ. Il a également étudié les cas où il y avait une distribution de tailles

des aspérités, plusieurs tailles caractéristiques réparties aléatoirement à la surface ou alors de

manière fractale semi-affine. A chaque fois, l’utilisation de la théorie de la viscoélasticité lui a

permis d’estimer la contribution de ces différentes tailles de rugosités sur la force de frottement.

Et il a ainsi montré que l’on peut considérer différentes tailles d’aspérités comme identiques du

point de vue contribution au frottement si leur ratio hauteur/longueur caractéristique est le

même (Figure 23).

Dans une étude plus récente sur le frottement de l’élastomère sur des surfaces fractales semi-

affine (comme une route par exemple), [Pan, 2004] propose quant à lui la dominance de la

contribution des plus petites aspérités sur le frottement.

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Chapitre 1 : Etude Bibliographique

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Ainsi, le fait que la longueur caractéristique des aspérités est un paramètre important pour le

frottement ne fait plus de doute ; seulement, on peut noter qu’il n’y a pas d’accord entre tous les

auteurs pour préciser quelques tailles d’aspérités dominent la contribution au frottement.

c) Figure 23 : Élastomère contre aspérités rigides ; la contribution à la composante hystérésis est la même

entre a et b car le ratio entre h et λ est le même ; c) µ(v) associées [Persson, 2001]

Dans une étude différente sur le frottement d’une pointe rigide sur un plan en polymère,

[Gauthier, 2002] a noté que la part liée à la réponse mécanique du matériau, de par ses propriétés

massiques, détermine la géométrie du contact (forme et dimension). Cette forme de contact (cf.

Figure 24) sera symétrique dans le cas de contact élastique, légèrement dissymétriques dans le cas

des contacts viscoélastiques et tendra vers une dissymétrie importante dans le cas des contacts

plastiques. On peut remarquer également l’apparition d’un bourrelet frontal.

Figure 24 : Forme de la matière autour de la pointe en mouvement [Gauthier, 2002]

IV.1.3.3. Analyse globale

Même si l’on a pu voir que, selon l’état de surface de l’antagoniste, tel ou tel mécanisme

était dominant, les deux composantes (adhésion et hystérésis) coexistent en général.

Dans une étude concernant les 2 composantes lors du frottement d’un élastomère sur une surface

rugueuse, [Persson, 1998] met en avant le fait que, malgré la prédominance de la part

hystérétique, l’adhésion permet de remplir les aspérités de plus petites tailles, ce qui induit une

résistance supplémentaire au frottement (Figure 25). Cependant, il a également noté que pour une

taille de rugosité supérieure à 0,1 µm, les effets de l’adhésion pouvaient être considérés comme

négligeable.

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Chapitre 1 : Etude Bibliographique

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Figure 25 : influence de l’adhésion sur l’accommodation de l’élastomère avec les aspérités ; à droite,

influence complémentaire de la vitesse (a) haute vitesse (b) basse vitesse [Persson, 2000]

Cependant, dès 1980, [Moore, 1980] s’interroge sur la division du frottement d’un élastomère en

une part adhésion et une part hystérésis qui semble assez arbitraire, car en réalité une telle

distinction n’existe pas pour lui : sont-ils des mécanismes complémentaires ou peut-on leur

attribuer la même origine ? De nos jours, il semblerait qu’aucun autre écho n’ait été fait de ces

interrogations et pour tous la division existe belle et bien. Néanmoins, nous pouvons poser la

question de savoir si la part adhésive n’est pas tout simplement une part hystérésis mettant en jeu

des rugosités de faibles tailles, laissant penser à une surface lisse. Tout ne serait qu’une question

d’échelle finalement…

IV.1.4 Influence de divers paramètres sur le frottement

IV.1.4.1. Vitesse-température

De par le caractère viscoélastique des deux composantes principales du frottement de

l’élastomère, on a déjà pu analyser l’ensemble des effets de la température et de la vitesse sur le

frottement (courbe maîtresse - équivalence temps/température). Ainsi, si on augmente la

température d’essai, le pic de frottement est décalé vers les plus hautes vitesses de glissement.

Cependant, un autre point assez important n’a reçu que très peu d’attention par les

différentes auteurs cités précédemment, sûrement de par la difficulté de mesure : c’est

l’échauffement par frottement ; l’élastomère ayant une faible conductivité thermique, le

frottement peut générer une très haute température à l’interface. En effet, dans l’ensemble des

études présentées ci-dessus, les conditions d’essais étaient telles (vitesses de glissement faibles,

rarement plus de 10 mm/s) que les propriétés à l’interface pouvaient être considérées comme

identique aux propriétés globales, avec un effet négligeable de l’échauffement. [Ettles et Shen,

1988] ont étudié les propriétés tribologiques d’élastomères sollicités à des vitesses maximales de

30 m/s, soumis à de grandes déformations. Considérant la température interfaciale, ils ont

introduit le concept de limite supérieure de température Tf (Tf dépendant de la charge appliquée).

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Chapitre 1 : Etude Bibliographique

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Quand la température à la surface de l’élastomère atteint cette limite, elle se stabilise et le

coefficient de frottement commence à chuter : c’est le Frottement Thermiquement Contrôlé. On

atteint un équilibre thermique dynamique entre l’échauffement par le frottement et les pertes par

conduction, convection, rayonnement…

IV.1.4.2. Rugosités antagonistes

Dans les paragraphes précédents, nous avons déjà pu estimer l’effet de la rugosité de la

surface antagoniste sur la courbe maîtresse de frottement (cf. Figure 22 plus haut), et notamment

son influence sur la présence du pic d’hystérésis, grâce particulièrement aux différentes études de

Persson [Persson, 1998, 2000, 2001; Persson et Volokitin, 2002].

Une analyse par Eléments Finis du frottement de blocs d’élastomère contre des aspérités de

géométries variées (e.g. triangulaires) a permis de mettre en avant la forte dépendance du

coefficient de frottement avec la géométrie des aspérités [Purushothaman et Moore, 1990].

Plus récemment, l’étude de Bui [Bui, 2002], basée sur la modélisation des interactions entre

aspérités de surfaces antagonistes, lui a permis d’étudier l’influence des rugosités antagonistes sur

le comportement en frottement d’un élastomère. Il a ainsi déterminé que l’augmentation de la

taille des aspérités avait tendance à faire décroître le frottement global et surtout le frottement par

hystérésis, tout en décalant légèrement le pic de frottement vers des vitesses plus élevées.

IV.1.4.3. Lubrification à l’interface

[Grosch, 1984] a étudié le cas du frottement d’un élastomère sur une surface de SiC

mouillée par de l’eau. Il a ainsi pu observer que, par rapport au frottement à sec, le pic de

frottement sur surface mouillée par rapport à la vitesse se trouvait à la même position mais il était

plus large et d’amplitude plus faible.

Dans le cas d’un contact lubrifié, les surfaces se retrouvent séparées par un film de

lubrifiant, l’adhésion devient faible et la valeur de la résistance à l’avancement est directement

dépendante de l’amplitude des pertes par frottement interne au sein du matériau. Le coefficient

de frottement croît avec la pression moyenne, au lieu de diminuer comme dans le cas des surfaces

sèches [Barquins, 1988].

Cet aspect lubrification du frottement a notamment été étudié par [Wassink, Lenss et al.,

2001] dans leur détermination d’un modèle physique du frottement alternatif de joint à lèvres. Le

frottement d’une lèvre à vitesse constante est modélisé comme la somme de trois composantes

physiques de base (cf. Figure 26) : 1) pertes dues au cisaillement visqueux dans le lubrifiant ; 2)

pertes hystérétiques dues à la déformation imposée par les rugosités ; 3) pertes hystérétiques dues

à la variation des forces intermoléculaires à l’interface, l’adhésion (pour une épaisseur faible de

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Chapitre 1 : Etude Bibliographique

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lubrifiant). Cette description reprend donc les deux composantes déjà évoquées précédemment,

en y ajoutant celle liée à la présence de lubrifiant.

a) b) c) Figure 26 : Composantes du coefficient de frottement en contact lubrifié ; a) cisaillement du lubrifiant b)

composante d’hystérésis c) composante adhésive [Wassink, Lenss et al., 2001]

Il a été déterminé dans cette étude que l’épaisseur de film h lubrifiant affecte les 3 composantes :

• µvisqueux diminue, quand h augmente ; • µhystérésis chute avec l’inverse de l’épaisseur h, lorsque h dépasse la hauteur des aspérités ; • µadhésion a tendance à chuter lorsque h devient supérieur à une épaisseur critique hi.m., épaisseur

maximum du film pour laquelle des interactions intermoléculaires significatives interviennent.

L’influence d’autres paramètres a également été étudiée (expérimentalement et par modélisation).

Ils ont ainsi déterminés que le frottement augmentait avec la pression appliquée ou une huile

fluide ou des aspérités avec un rayon de courbure élevé.

IV.1.4.4. Présence de charges dans l’élastomère

L’équivalence temps-température des courbes de frottement reste valable même lors de

l’addition de charges dans l’élastomère. Cependant, la forme de la courbe change et le maximum

du pic est réduit quand le taux de charges augmente (similitude de comportement pour tanδ). En

effet, contre une surface rugueuse, la présence de charges réduit le pic de déformation jusqu’à ce

que son maximum atteigne la même valeur que le pic d’adhésion, ainsi la courbe maîtresse

présente donc un large plateau entre les deux vitesses caractéristiques des deux composantes du

frottement (cf. Figure 27)[Grosch, 1963].

A) B)

Figure 27 : Courbes maîtresses du frottement de différents élastomères chargés avec du NdC

A) différents matériaux sur surface rugueuse B) frottement sur verre lisse a) non-chargé b) chargé

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Chapitre 1 : Etude Bibliographique

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De plus, [Barquins, 1987] a montré qu’en présence de charges dans l’élastomère

(caoutchouc naturel), le régime de propagation des plis de décollement (vagues de Schallamach)

est remplacé par la formation, en avant de l’aspérité, d’un plissement superficiel figé, gravé dans le

matériau, qui pénètre dans le contact et conduit à la détérioration de la surface par usure par

abrasion.

Enfin, suivant la résistance des liaisons charge/matrice, des charges peuvent être arrachées

au matériau et jouer le rôle, soit de lubrifiant, soit de 3ème corps abrasif.

IV.1.5 Conclusion

Dans les paragraphes précédents, nous avons pu nous rendre compte de toutes les

particularités du frottement des élastomères. Ainsi, suivant la vitesse de frottement entre les deux

surfaces, l’une étant élastomérique, l’on peut observer dans la zone de contact, soit des plis de

recollement à faible vitesse, soit des vagues de Schallamach à vitesses élevées.

La théorie la plus répandue concernant le frottement des élastomère rapporte l’existence de

deux composantes principales : la composante d’adhésion, en relation avec les liaisons

moléculaires entre les surfaces frottantes, et la composante d’hystérésis, liée aux déformations

imposées à l’élastomère par les aspérités antagonistes. De nombreux articles ont d’ailleurs reliées

ces deux composantes aux propriétés viscoélastiques des élastomères étudiés.

De cette synthèse, nous avons pu également dégager les paramètres, et leurs effets, qui

jouent le plus sur le frottement des élastomères, qu’ils soient intrinséques au matériau, comme la

présence de charges dans la matrice, ou extérieurs, comme la température, les rugosités

antagonistes ou la lubrification à l’interface.

IV.2. L’usure des élastomères

L’usure des élastomères est un phénomène complexe qui met en jeu une combinaison de

processus mécaniques, mécanochimiques et thermochimiques. Une première partie sur les

différents faciès et modes d’usure nous permettra donc d’en apercevoir la singularité. Par la suite,

on étudiera l’influence sur l’usure de paramètres matériaux (tels que les charges) et de paramètres

extérieurs (tels que la lubrification). Et enfin, on verra que, malgré la difficulté d’étudier ces

matériaux, des modèles ont été établis afin de prédire la résistance à l’usure des matériaux

élastomères en fonction des caractéristiques du système tribologique.

IV.2.1 Principaux faciès d’usure des élastomères

A l’issue d’essais de frottement et d’usure sur des élastomères, principalement quatre faciès

peuvent être identifiés : les stries, les rides, les rouleaux et les cratères.

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Chapitre 1 : Etude Bibliographique

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IV.2.1.1. Stries d’usure

Les stries sont des bandes parallèles à la direction de glissement. En pratique, leur largeur et

leu hauteur varient du micromètre au millimètre, tandis que leur longueur s’étend de la centaine

de micromètres au centimètre, voire plus. Ce faciès est associé à des conditions d’usure très

sévères qui ne se rencontrent que dans des cas extrêmes. Ces faciès ne font l’objet que de peu de

publications, le premier article montrant des photos de stries d’usure est probablement celui de

[Grosch et Schallamach, 1966]. Avant cela, [Schallamach, 1952] a reproduit expérimentalement le

mécanisme responsable de la création de stries d’usure, en faisant frotter une aiguille sur la

surface d’un élastomère, celui-ci se déformant puis se déchirant. L’indenteur réalise ainsi, lors de

son avancement, une succession de déchirures plus ou moins rapprochées : plus le matériau est

rigide, plus les déchirures sont courtes et nombreuses. Sur les élastomères chargés, en fonction

des conditions de sollicitations, un nombre répété de passages peut provoquer la formation de

rayures sur le matériau.

IV.2.1.2. Rides d’usure

Les rides d’usure sont des faciès orientés perpendiculairement à la direction de glissement,

elles ont une forme dite en « toit d’usine » ou « dent de scie ». La partie la plus pentue s’oppose au

glissement. Les rides sont espacées à intervalle régulier, elles ont des hauteurs similaires, et

forment ce qui est communément appelé la « figure d’abrasion ». Les rides d’usure constituent

l’essentiel des publications portant sur l’usure des élastomères, la première étude étant

[Schallamach, 1952].

Figure 28 : Représentation des figures d’abrasion et de la mécanique de la rupture associée.[Schallamach,

1952; Southern et Thomas, 1979]

Les propriétés de ces figures d’abrasion ont été étudiés par [Schallamach, 1952] avec une aiguille

et par [Southern et Thomas, 1979] avec une lame tranchante. Ces derniers ont proposé un

modèle pour l’abrasion, traitant les rides comme une série de langues d’élastomère qui sont

soulevées puis relâchées quand l’indenteur passe, ce qui a pour effet de faire se propager une

fissure à la base de la langue.

Les figures d’abrasion sont évidemment une conséquence de l’abrasion, mais, une fois formées,

elles deviennent elles-mêmes la principale origine de la perte de matière, puisque chaque élément

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Chapitre 1 : Etude Bibliographique

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de la structure finit par être sectionné à sa base, en donnant ainsi naissance à un débris d’assez

grande dimension.

L’adjonction de charges minérales renforçantes, qui accroît la dureté de l’élastomère, a permit de

réduire la hauteur des crêtes de la structure et donc de diminuer le taux d’usure.

Récemment, [Fukahori et Yamazaki, 1994] et [Zhang, 1998] ont étudié la progression des figures

d’abrasion. Ils ont montré qu’elles évoluent à partir de rides primaires faiblement espacées jusqu’à

des rides secondaires grandement espacées. Dans une autre étude récente, [Coveney et Menger,

1999] suggèrent (sur la base de [Fukahori et Yamazaki, 1994]) que des microvibrations à haute

fréquence et les oscillations de stick-slip engendrent respectivement l’amorçage des fissures et la

formation des figures d’abrasion spécifiques.

Le type d’usure décrit ci-dessus est spécifique d’un frottement unidirectionnel ; si la direction de

frottement est changée périodiquement, aucune figure d’abrasion ne sera observée. Ce

phénomène est nommé l’abrasion intrinsèque (introduit par [Schallamach, 1957/58]) et est

considéré comme un processus de détachement de petites particules (1 à 5 µm) d’élastomère

arrachées de la surface par les forces de frottement de manière aléatoire.

IV.2.1.3. Rouleaux d’usure

Les rouleaux d’usure sont des débris d’usure très adhérents à la surface usée. Bien que les

rouleaux ne constituent pas en soi un faciès d’usure, mais un troisième corps, ce sont les signes

les plus évidents d’un type d’usure adhésive. Ils ont été étudiés notamment par [Aharoni, 1973].

Selon lui, il s’agit d’une usure par fatigue, pour laquelle on observe une déformation « de masse »

du polymère. Plusieurs conditions sont nécessaires à la formation de ces rouleaux :

- la contrainte à la rupture des aspérités du polymère doit être inférieure à celle des

aspérités de l’antagoniste et également inférieure à la force de frottement interfacial.

- une des deux surfaces au moins doit être élastique et/ou ductile (capacité à subir une

déformation de masse).

- la pression normale appliquée ne doit être ni trop haute (les rouleaux sont cisaillés) ni

trop basse (les rouleaux ne se forment pas).

Les modes de formations de rouleaux et leur comportement sont résumés sur la Figure 29.

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Chapitre 1 : Etude Bibliographique

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Figure 29 : Formation de rouleaux, selon [Aharoni, 1973]

IV.2.1.4. Cratères d’usure

Les cratères d’usure sont des trous circulaires sur la surface, qui apparaît lisse à l’œil nu. Ils

ont un diamètre moyen de l’ordre de la centaine de micromètres. Ces faciès sont associés à un

faible taux d’usure : usure dite douce [Petitet, 2003], et peuvent être liés à la présence de charges.

IV.2.2 Phénomènes élémentaires et modes d’usure

Lorsque deux solides sont en contact, ils peuvent être soumis à 4 phénomènes

élémentaires : de l’adhésion ; de la déformation plastique ; des fissures ; et des transformations

physico-chimiques de surface.

De ces phénomènes élementaires découlent cinq modes principaux d’usure, qui sont en

général combinés :

• Usure adhésive : Cette usure est due aux forces d’attraction existant entre les atomes des

surfaces des solides. Lorsque les surfaces sont séparées par un effort tangentiel ou normal, si les

forces d’adhérence sont supérieures à la résistance du matériau, un arrachement de matière se

produit. L’usure adhésive se caractérise par un fort taux d’usure et un coefficient de frottement

instable. Les particules d’usure sont petites et souvent transférées sur l’autre solide en contact ;

• Usure abrasive : Elle résulte de l’effet de coupe produit par l’action des aspérités anguleuses de

l’antagoniste ou de particules d’un 3ème corps. Les fortes concentrations de contraintes initient des

fissurations qui ont pour conséquence le détachement de débris. L’endommagement subi par la

surface se présente sous la forme de stries parallèles à la direction de glissement. De plus, les

études de l’équipe de Zhang ([Zhang, 1989] par exemple) ont montré que l’abrasion met en jeu la

compétition entre deux mécanismes principaux : une fracture mécanique locale (déchirure) et une

dégradation mécanochimique générale ;

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Chapitre 1 : Etude Bibliographique

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• Usure corrosive (tribocorrosion) : Elle est produite par l’attaque chimique de la surface par le milieu

environnant ;

• Usure par fatigue : Sous l’effet de sollicitations répétées, des fissures se forment (au niveau de

défauts dans le matériau), se propagent et entraînent in fine l’élimination de matière (simulation

dans [Razzaghi-Kashani et Padovan, 1998]) ;

• Usure par dégradation mécanochimique : Des phénomènes d’oxydation de l’élastomère peuvent

également apparaître. Combinés aux efforts mécaniques appliqués sur les surfaces en présence,

ceux-ci vont provoquer une dégradation plus rapide ou une protection des surfaces. On parle

alors de dégradation mécanochimique, qui intervient souvent en plus d’un ou plusieurs modes

cités précédemment. C’est pour cette raison qu’un antioxydant est ajouté à la composition d’es

élastomères industriels ; dans le cas d’une usure par fatigue, cela réduit fortement la vitesse

d’usure, alors qu’il a peu d’effet pour une abrasion sur papier émeri.

Dans son approche unifiée du frottement et de l’usure des élastomères, [Moore, 1980]

présente un diagramme (cf. Figure 30) des principaux mécanismes de dégradation.

Figure 30 : Diagramme des mécanismes de frottement et d’usure dans les élastomères [Moore, 1980]

En fonction des caractéristiques de surfaces de l’antagoniste, les composantes adhésion et

hystérésis du frottement donnent lieu à plusieurs mécanismes d’usure différents. Par exemple,

avec une surface parfaitement lisse, l’adhésion donne lieu à de l’usure par formation de rouleaux

dans le cas où la résistance à l’étirement de l’élastomère est faible. Des expériences plus courantes

se déroulent avec des textures plus rugueuses et pointues pour lesquelles la part adhésion induit

une usure par abrasion ou découpe. Si les aspérités de la surface rugueuse sont émoussées plutôt

que pointues, la composantes hystérésis du frottement engendre une usure par fatigue. Moore a

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Chapitre 1 : Etude Bibliographique

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d’ailleurs montré que le mécanisme de fatigue est d’intensité relativement moyenne mais

continue, alors que le phénomène d’abrasion est sévère et généralement assez court.

Pour le cas des élastomères, qui sont particuliers du fait de leur importante élasticité, les

mécanismes d’usure énumérés ci-dessus peuvent être séparés en deux groupes, selon la

localisation de l’usure [Barquins, 1988],[Briscoe, 1981] (cf.Figure 31) :

+ Usure interfaciale : Une forte dissipation d’énergie de frottement reste localisée dans une

zone superficielle de faible épaisseur où une importante élévation de température est

constatée. Les usures par corrosion et par adhésion relèvent de cette classe ;

+ Usure cohésive : Il s’agit d’un mécanisme contrôlé par les propriétés volumiques du

matériau. La dissipation de l’énergie de frottement et les dommages concernent de larges

volumes adjacents à l’interface, dont les dimensions sont de l’ordre de grandeur de la

longueur de la zone de contact. Les usures par abrasion et par fatigue, induites par des

contraintes en traction, entrent dans cette catégorie.

Figure 31 : Schéma des zones d’apparition des deux principaux modes d’usure : usure interfaciale et

usure cohésive. La limite entre les deux régions est artificielle et assez difficile à définir mais facilite la

subdivision entre les deux classes [Briscoe, 1981].

Dans les conditions usuelles d’utilisation d’un élastomère étant au contact d’un antagoniste rigide

non idéalement plan et lisse, les travaux ont essentiellement porté sur l’usure cohésive, et plus

particulièrement l’abrasion, par des surfaces présentant des rugosités anguleuses ou émoussées.

IV.2.3 Quelques paramètres influants sur l’usure

De nombreuses expériences visant à identifier les paramètres qui influencent la perte de

masse sont exposées dans la littérature, comme [Veith, 1992]. Celles-ci aident d’une part à mieux

comprendre les mécanismes responsables de l’usure et d’autre part à la formulation de matériaux

plus résistants à l’usure. Nous nous attacherons dans ce paragraphe à faire la synthèse de ces

paramètres, qu’ils dépendent de la composition du matériau ou des conditions expérimentales.

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Chapitre 1 : Etude Bibliographique

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IV.2.3.1. Paramètres matériaux

a) PROPRIÉTÉS MÉCANIQUES – EFFET DE LA TEMPÉRATURE

Les propriétés viscoélastiques des élastomères dépendent fortement de la fréquence et de la

température de sollicitation. Le facteur de frottement suit globalement les mêmes variations que

la tangente de l’angle de perte [Grosch, 1963; Moore, 1972] et obéit donc à l’équivalence temps-

température. L’étude de [Grosch et Schallamach, 1966] a montré que l’abradabilité – le rapport

entre le volume de matière enlevé et le travail dissipé par frottement – suivait des variations

inverses du facteur de frottement, et que l’usure présentait donc également un caractère

viscoélastique. Cela signifie qu’en pratique, pour obtenir un faible taux d’usure, il est nécessaire de

se placer au voisinage de la température de transition vitreuse Tg.

Lors d’investigations sur des grades de styrène-butadiène (SBR, de compositions identiques aux

grades commerciaux) présentant différentes Tg, [Kienle, Dizon et al., 1971] ont confirmé

l’importance de l’écart entre la température de sollicitation et la Tg du matériau. Cependant, ces

tests sur pneus ont prouvé que, dans le contexte de cette étude, l’optimum de résistance à l’usure

pour tous les SBR se trouvaient entre 75°C et 105°C au-dessus de leur Tg.

Figure 32 : Usure et coefficient de frottement en fonction de la température [Schallamach, 1968].

b) AJOUT DE CHARGES RENFORÇANTES AU MÉLANGE

Comme nous l’avons vu précédemment, l’ajout de charges renforçantes à un élastomère a

des effets non négligeables sur les propriétés mécaniques du mélange. On comprend ainsi

pourquoi la vitesse d’usure est fortement diminuée lorsque la dureté et la résistance à la rupture

sont augmentées, par ajout de Noir de Carbone par exemple. Cependant, malgré la présence des

charges dans une grande partie des mélanges industriels et l’importance de l’usure pour les

élastomères, les mécanismes d’usure dans les élastomères chargés ont été assez peu étudiés et

sont reconnus comme complexes de part les nombreuses interactions engendrées (cf. II.2).

Dans une étude 1994 sur l’usure des pneus, [Medalia, 1994] explique l’effet des noir de

carbone sur les différents mécanismes d’usure des élastomères (selon sa classification qui se

rapproche de la notre). Concernant l’usure par abrasion (mécanisme le plus étudié et le plus

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Chapitre 1 : Etude Bibliographique

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souvent rencontré [Grosch et Schallamach, 1966; Veith, 1992]), il a noté que l’effet de

l’augmentation du taux de charges sur l’abrasion, bien que positif, est relativement faible. Dans les

conditions où l’apparition des « figures d’abrasion » domine, la réduction du taux d’usure est

raisonnable. En effet, ce dernier dépend du taux de propagation de la fissure en fatigue, qui est

réduit par l’ajout de noir de carbone. Enfin, l’influence des charges sur la contribution à l’usure

du mécanisme de dégradation mécanochimique n’est que faiblement compris.

[Yang, Ayala et al., 1991] ont étudié également le rôle du charges claires dans l’usure par

abrasion. Ils sont arrivés à la conclusion qu’il existait un taux critique de charges, à partir duquel

le taux d’usure augmentait considérablement. Pour les faibles taux de charges, on retrouve l’effet

bénéfique des charges comme noté par [Medalia, 1994]. Au-dessus du taux critique de charges, les

effets néfastes des charges apparaissent : les concentrations de contraintes créent des zones

d’endommagement autour des charges (phénomènes de cavitation et de décohésion), et le taux

d’usure augmente dramatiquement avec le taux de charges. Une surface spécifique élevée et/ou

une faible adhésion à l’interface charge/matrice sont des facteurs réduisants le taux critique de

charges.

IV.2.3.2. Conditions expérimentales

a) CHARGE APPLIQUÉE

[Grosch et Schallamach, 1966] ont étudié l’influence de la charge appliquée sur l’usure de

différents élastomères et ont trouvé une relation entre V le volume perdu par unité d’aire de

contact et par unité de distance glissé en fonction de la pression p : napV = où a et n sont des

fonctions de la formulation de l’élastomère et la nature de la surface.

Cependant, cette relation n’est valable qu’à faible charge, car [Trezona et Hutchings, 1999] puis

[Shipway et Ngao, 2003] ont montré que, pour des charges plus importantes, la relation inverse

s’applique du fait de la formation de rides à la surface du polymère.

b) COMPOSITION DE L’ATMOSPHÈRE

La composition de l’atmosphère influence l’usure des élastomères chargés réticulés. Par

exemple, sous atmosphère azotée, le taux d’usure est moins important. Ce résultat est cohérent

avec l’influence bénéfique, vis-à-vis de l’usure, des antioxydants ajoutés dans les mélanges.

Dans son étude sur l’influence de l’environnement sur l’abrasion de différents NR et SBR (avec

antioxydants), [Uchiyama, 1986] a montré que la présence d’oxygène augmentait le taux d’usure et

le coefficient de frottement, par la création d’une couche souple d’élastomère oxydé. Il faut

préciser ici que, dans le cadre de notre étude la matrice élastomérique utilisée est du NBR et que

celui-ci forme plutôt une couche rigide en s’oxydant (cf. II.3).

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Chapitre 1 : Etude Bibliographique

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c) LUBRIFICATION

La fonction principale d’un lubrifiant est de diminuer la vitesse d’abrasion en facilitant le

glissement entre les deux surfaces. Il permet par ailleurs de refroidir le système en absorbant les

calories. Il sert aussi de protection contre l’oxydation. Enfin, il permet d’évacuer les particules

d’usure créées. Il peut prendre de nombreuses formes : liquide (huile), solide (graphite), … En

général, l’épaisseur du film de lubrifiant est relativement importante (supérieure aux dimensions

des aspérités, de manière à éviter les interactions entre aspérités).

A partir de tests d’abrasion par une lame en présence de lubrification (principalement de

l’eau, mais aussi d’autres lubrifiants), [Muhr, Pond et al., 1987] ont montré que la lubrification a

pour effet de faire décroître la vitesse d’abrasion d’un ordre de grandeur environ, alors que la

force de frottement ne diminue que faiblement. Ils suggèrent ainsi que la lubrification altère la

géométrie de la déformation et rend ainsi moins efficace le mécanisme d’usure. Il semblerait

d’ailleurs que les langues d’élastomère ne subissent plus de basculement comme pour l’abrasion à

sec, mais simplement une compression durant le frottement. Finalement, des figures d’abrasion

plus fines, moins espacées, sont observées, ce qui corroborent bien les conclusions de [Southern

et Thomas, 1979].

a) Usure avec un 3ème corps extérieur (avec ou sans lubrifiant)

Dans les études de l’usure à l’interface entre un élastomère et un matériau rigide, il a le plus

souvent été question d’usure à 2 corps. Cependant, l’usure à cet interface peut apparaître comme

le résultat de l’intervention de particules, qui peuvent être des débris des surfaces de métal ou

d’élastomère ou provenir d’une source extérieure (boue par exemple). Pour cette situation,

potentiellement beaucoup plus complexe, il n’existe que peu d’études publiées.

Les taux d’usure de différents NBR ont été déterminés par l’intermédiaire d’un test pion-

disque, immergé dans un bain de boue abrasive [Zhang, 1992]. Il a été trouvé que les

caractéristiques d’usure des NBR sont influencées par un certain nombre de facteurs, tels que la

charge appliquée, la vitesse de rotation, la distance glissée, le taux et la taille des particules

abrasives dans la boue. Notamment, le taux de particules abrasives est le facteur principal qui

accélère l’usure des élastomères.

Quelques études ont été réalisées sur un instrument spécialement dédié aux tests d’usure abrasive

avec des particules de 3ème corps de dimension micrométrique (maximum 10µm)([Shipway et

Ngao, 2003; Trezona et Hutchings, 1999] entre autres). Il ressort de ces études que le mécanisme

d’usure mis en jeu dépend fortement de la nature du mouvement des particules : ainsi, cela peut

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Chapitre 1 : Etude Bibliographique

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être du ″pitting″ avec un mouvement de roulement des particules et/ou bien du rainurage (lignes

parallèles) lorsque celles-ci glissent à la surface, selon les conditions de tests, la nature des

particules, les matériaux utilisés (cf. Figure 33).

Figure 33 : Détails des surfaces usée de PMMA après un test de microabrasion : a) 1 tour, d) 100 tours ; la

direction d’abrasion est toujours du haut vers le bas [Shipway et Ngao, 2003]

En ce qui concerne, l’aspect théorique et modélisation, [Williams et Hyncica, 1992] ont

tenté de modéliser le rôle de l’épaisseur du film de lubrifiant et de la présence de particules

d’usure (ou de pollution) dans le lubrifiant. La situation générale est la suivante : deux surfaces en

contact, séparées par un film de lubrifiant contenant des particules résultant de l’abrasion. C’est

l’interaction entre ces particules et les surfaces qui conduit à des phénomènes d’usure. Un rapport

adimensionnel est défini pour caractériser le comportement du système :

hD

=ξ =dimension la plus grande des particules / épaisseur la plus faible du film de lubrifiant.

Selon que ce rapport est supérieur à 1 ou inférieur à 1, les particules sont respectivement soit

entraînées aléatoirement à travers le contact, soit enchâssées dans l’une des surfaces et agissent

comme des aspérités agressives.

IV.2.4 Modèles et théories générales

La plupart des publications sur l’usure des élastomères se sont concentrées sur des modes

d’usure cohésive et mettant en jeu seulement 2 corps. Les résultats de ce type de test sont en

général interprétés par la biais de l’équation d’Archard pour l’usure :

volume usé = constante . charge normale . distance de glissement / dureté

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Chapitre 1 : Etude Bibliographique

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Cependant, de nombreuses restrictions peuvent être formulées envers son utilisation [Williams et

Hyncica, 1992].

Un grand nombre de modèles ont tenté de relier la résistance de polymères à l’usure

abrasive à d’autres propriétés mécaniques. Une des premières est communément connue sous le

terme de corrélation de Ratner-Lancaster [Lancaster, 1969]. Elle prédit que le taux d’usure d’un

polymère, W est donné par :

bbHkµW

εσ= Équation 11

où µ est le coefficient de frottement, H la dureté et σb et εb la contrainte et la déformation à la

rupture. D’autres modèles ont été proposés, ainsi [Grosch et Schallamach, 1966] ont relié

l’abradabilité avec l’inverse de l’énergie à la rupture, alors que [Southern et Thomas, 1979]

décrivaient le taux d’usure comme une fonction de la résistance de l’ élastomère à la propagation

de la fissure par un simple traitement théorique, entre autres. Cependant, [Budinski, 1997] a

examiné cinq de ces modèles, et il a indiqué que les corrélations proposées par tous les modèles

entre le comportement à l’abrasion et les autres propriétés importantes des 21 polymères de

l’étude étaient pauvres. D’autres études ont montré le manque de corrélation. Pour finir, [Briscoe,

1981] a conclu que les modèles supposent un certain mécanisme d’enlèvement de matière

dominant, et que les changement de mécanismes au cours de l’usure tendent à rendre souvent les

modèles invalides.

IV.2.5 Conclusion sur l’usure des élastomères

On a pu se rendre compte au fil des paragraphes précédents que le comportement en usure

des élastomères est assez complexe et de nombreux paramètres entrent en jeu, dont la moindre

variation peut faire changer totalement les mécanismes d’usure.

En effet, dans un premier temps, nous avons décrit les différences faciès d’usure observés

lors de l’usure d’élastomères. Suivant les conditions de sollicitations, on pourra donc être en

présence soit de stries, de rides, de cratères ou de rouleaux d’usure.

Ensuite, les divers phénomènes élémentaires rencontrés lors de la mise en contact de deux

solides nous ont permis de distinguer les modes d’usure spécifiques : l’usure adhésive, l’usure

abrasive, l’usure par corrosion, l’usure par fatique, et l’usure mécanochimique. En régle générale,

ces modes d’usure ne se retrouvent pas seuls mais sont combinés pour donner le mécanisme

d’usure final.

La présence de tel ou tel mode d’usure dépend des paramètres de la sollicitation, qu’ils

soient intrinsèques à l’élastomère (Tg ou présence de charges), ou extérieurs (pression appliquée,

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atmosphère, lubrification ou 3ème corps). Chacun de ces paramètres joue un rôle également sur la

cinétique d’usure des matériaux.

Enfin, nous avons pu passer en revue quelques modèles théoriques développés pour

prédire le taux d’usure et la cinétique d’usure, lors du frottement d’un élastomère contre un

antagoniste.

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V. Conclusions / Questions

Tout au long de cette étude bibliographique sur les élastomères chargés, nous avons pu

nous rendre compte que ce matériau est assez complexe. Tout d’abord, d’un point de vue

formulation, il faut être très précis et doser tous les ingrédients, car la moindre modification peut

engendrer des propriétés tout à fait différentes. Même si les élastomères exhibent des

comportements spéciaux dans des conditions de sollicitations particulières (comportement

viscoélastique ; effets Mullins, Payne), nous disposons d’une gamme suffisamment large de tests

mécaniques pour pouvoir caractériser correctement les propriétés mécaniques de nos matériaux.

En ce qui concerne l’aspect tribologique de notre étude, nous devrons nous attacher à

prendre en compte le fait que les comportements en frottement et en usure des matériaux

élastomériques sont fortement dépendant des conditions de sollicitations, ce qui explique le peu

de modèle global sur la tribologie des élastomères. De plus, dans le cas de notre système

tribologique, nous étudions un élastomère chargé dans un contact lubrifié en présence de boue ;

le premier objectif de cette étude sera donc de déterminer quels sont, dans les conditions

d’utilisation réelles, les mécanismes d’usure prédominants et quelles conséquences cela peut-il

avoir sur la tenue à l’étanchéité des matériaux.

Un autre aspect important de notre étude est d’examiner s’il existe des relations entre les

propriétés viscoélastiques et le comportement tribologique des élastomères chargés. Malgré des

études pionnières dans les années 60 de [Grosch, 1963; Ludema et Tabor, 1966] qui ont les

premières tenté de relier le coefficient de frottement et la tangente de perte des matériaux, il

semble qu’actuellement il n’existe toujours pas de théorie générale sur l’influence des propriétés

viscoélastiques des élastomères sur leur comportement tribologique.

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