Centenaire de la Commission des Antiquités

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PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES 179 précisions lui ont été apportées par plusieurs érudits locaux, en vue d'identifier un certain nombre de noms de lieux dont le site exact demeurait inconnu. Il donne également quelques indications complémentaires sur la méthode qui lui a servi à retrouver la consistance primitive de plusieurs anciens domaines ruraux ; il insiste sur le caractère partiellement conjectural de ces reconstitutions, et montre, à l'aide de quelques citations caractéristiques, de quel secours peuvent être, pour réduire le plus possible la part de ces conjectures, certains textes empruntés aux gromatici romains. Centenaire de la Commission des Antiquités 30 janvier 1932 Constituée le 1 er octobre 1831, la Commission des Antiquités de la Côte-d'Or avait tenu à célébrer ses noces d'or le 18 février 1882 1 : elle se devait pareillement de fêter son centenaire. Cette commémo- raison tout intime a eu lieu le 30 janvier 1932. Dans son toast du banquet du cinquantenaire, l'archiviste Joseph Garnier, alors président de la Commission, s'était écrié : « Puissions- nous, comme nos devanciers, transmettre en héritage à nos suc- cesseurs nos rapports de bonne confraternité, notre respect de la vérité historique et par dessus tout le culte du souvenir du sol natal. Faisons donc des voeux pour qu'eux aussi célèbrent le centenaire de la Commission aussi cordialement que nous venons de fêter sa cin- quantaine ». Les voeux de Joseph Garnier se sont pleinement réalisés, ainsi qu'on le verra par le compte-rendu ci-après, paru dans le Bien Public de Dijon 2 , sous la signature de M. Jules Mercier, rédacteur en chef de ce journal et associé de la Compagnie. » La Commission des Antiquités de la Côte-d'Or a célébré hier, à 12 h. 30, son centenaire. Ce fut à la fois très simple et bien bour- guignon : un « déjeuner confraternel » réunit autour d'une table artistement décorée et servie du « Buffet de la Gare », une cinquantaine 1. V. tome X des Mémoires de la Commission, p. LVII, et la plaquette spé- cialement éditée pour la circonstance et tirée à cinquante exemplaires : Noces d'or de la Commission des Antiquités de la Côle-d'Or. Banquet du 18 février 1882 (Dijon, Impr. Eugène Jobard, 1882). 2. 31 janvier et 1 er février 1932.

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précisions lui ont été apportées par plusieurs érudits locaux, en vued'identifier un certain nombre de noms de lieux dont le site exactdemeurait inconnu.

Il donne également quelques indications complémentaires sur laméthode qui lui a servi à retrouver la consistance primitive de plusieursanciens domaines ruraux ; il insiste sur le caractère partiellementconjectural de ces reconstitutions, et montre, à l'aide de quelquescitations caractéristiques, de quel secours peuvent être, pour réduirele plus possible la part de ces conjectures, certains textes empruntésaux gromatici romains.

Centenaire de la Commission des Antiquités30 janvier 1932

Constituée le 1e r octobre 1831, la Commission des Antiquités dela Côte-d'Or avait tenu à célébrer ses noces d'or le 18 février 1882 1 :elle se devait pareillement de fêter son centenaire. Cette commémo-raison tout intime a eu lieu le 30 janvier 1932.

Dans son toast du banquet du cinquantenaire, l'archiviste JosephGarnier, alors président de la Commission, s'était écrié : « Puissions-nous, comme nos devanciers, transmettre en héritage à nos suc-cesseurs nos rapports de bonne confraternité, notre respect de lavérité historique et par dessus tout le culte du souvenir du sol natal.Faisons donc des vœux pour qu'eux aussi célèbrent le centenaire dela Commission aussi cordialement que nous venons de fêter sa cin-quantaine ».

Les vœux de Joseph Garnier se sont pleinement réalisés, ainsiqu'on le verra par le compte-rendu ci-après, paru dans le BienPublic de Dijon 2, sous la signature de M. Jules Mercier, rédacteuren chef de ce journal et associé de la Compagnie.

» La Commission des Antiquités de la Côte-d'Or a célébré hier,à 12 h. 30, son centenaire. Ce fut à la fois très simple et bien bour-guignon : un « déjeuner confraternel » réunit autour d'une tableartistement décorée et servie du « Buffet de la Gare », une cinquantaine

1. V. tome X des Mémoires de la Commission, p. LVII, et la plaquette spé-cialement éditée pour la circonstance et tirée à cinquante exemplaires : Nocesd'or de la Commission des Antiquités de la Côle-d'Or. Banquet du 18 février 1882(Dijon, Impr. Eugène Jobard, 1882).

2. 31 janvier et 1er février 1932.

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de membres de cette société savante. Ce fut plantureux, très gai,et les préhistoriens, les archéologues, les numismates prouvèrentque la pratique des sciences les plus sévères n'exclut pas, l'humour,du moins en Côte-d'Or.

» Ce « déjeuner » ou plutôt cet excellent banquet était présidé parM. Gaston-Gérard, député-maire de Dijon, sous-secrétaire d'Étataux Travaux publics et au Tourisme. En lace de lui, M. Oursel,président de la Commission des Antiquités, conservateur de laBibliothèque municipale.

» A leurs côtés, nous avons remarqué : MM. Terracher, recteur del'Université ; Guillemard, notaire honoraire ; Pierre Huguenin,homme de lettres ; le commandant Charrier, secrétaire de l'Académie ;E. Fyot, vice-président de la Commission ; Guillois, Pocquet duHaut-Jussé, professeurs à la Faculté ; Claudon, archiviste départe-mental ; Laurent, conservateur-adjoint de la Bibliothèque muni-cipale ; Collot, notaire, trésorier de la Commission ; X. Aubert,conservateur du Musée archéologique ; Aubry, président de Chambre ;A. Lory, conseiller à la Cour ; Vittenet, directeur honoraire desP.T.T. ; Marion, conservateur adjoint du Musée ; E. Lory, avoué ;Bourée, avocat ; P. Perrenet ; Lapérotte ; Fréjacques ; Blondeaux ;Mlle Bartet ; MM. Girard ; Socley ; Grémaud ; Denizot ; F. Routier ;Bertrand ; Cazet ; Mongin ; le Dr Mocquet, d'Arnay-le-Duc ; E. Brous-solle ; Renard ; Galmard ; E. Guyot ; Champy ; Boursot, membres dela Commission.

» M. Baudot, président de l'Académie des Sciences, Arts et Belles-Lettres de Dijon, et vice-président de la Commission, retenu parune cérémonie de famille, avait tenu à faire acte de présence audébut du banquet.

» L'organisation de cet agréable centenaire avait été confiée àMM. Fyot et Lapérotte. Avec M. Parizot, propriétaire du fameux« Buffet de la Gare », de préhistorique réputation, ils avaient fait leschoses si bien que, d'un bout à l'autre du banquet, ce ne furent à leuradresse que louanges collectives et privées.

» Le « Menu » lui-même était une œuvre d'art ; avec un bois gravésymbolique de Georges Rousseau et une rédaction, en vieux français,de M. E. Fyot, tiré en beaux caractères gothiques sur papier moyenâge, il sortait des presses de l'imprimerie Jobard.

» En voici la teneur :

Ce jour d'huytrentiesme jour du mois de Janvier

de l'anmil-neuf-cent-trente-et-deux

sera servyen la grant saule

du Maistre Buffetier de la présenteGare de Dijon

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UN G NOTABLE DISNER A MANIEREDE BANQUET

En remembrancedes cent années de viede la docte Commission

des Antiquitez de la Coste-d'OrEt sera ledict banquet ordonnez comme suit :

PremièrementLes Affutiaux de prime bouche

SecondementLe Carnal de Brochet à manière de Glyptodon

TiercementLes Médaillons du pays de Charolois

tout garnys aux ceps des forests ducalesQuartement

La Géline d'Inde duement rostyeCinquiesmement

Les Menus Pois à manière françoiseSixiesmement

La Salade accoustumée dudict moisSepiiesmementLes FormaigesHuictiesmement

L'Entremetz à manière de Parfaict frigefiezNeufiesmement

Les Entremetz de loquencesDixiesmement

Les FruitaigesEt fournira VEchansonnerye

pendant ledict banquetVins roiges et blancs d'ordinaire

et Bon Vin de Beaune en susavec Mousseux de Bourgongne

Et pourra tout ung chacun, en goustant Café, Liqueurs,se gaudir à l'aise.

» Eh oui ! on se « gaudit à l'aise », en dégustant « metz et entre-metz », et les vins excellents des caves renommées du Buffet dela Gare.

» Les personnes qui s'imaginent de bonne foi qu'un archéologueest un monsieur très grave, vivant dans un passé lointain, ignorantdes contingences de la vie moderne, confiné dans d'arides études,se trompent tout au moins en ce qui concerne les archéologuesbourguignons. Les discours prononcés par MM. Oursel, E. Fyot,Pierre Huguenin, romancier et poète, et pour terminer, par notreérudit député-maire, M. Gaston-Gérard, furent tous humoristiqueset remplis de judicieuses observations. En vrais « bourguignonssalés », les orateurs mirent en pleine valeur l'utilité des sociétés

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savantes, mais ils donnèrent libre cours à une verve qui mit souventles convives en « joye et délectation ».

» A VEntremetz à manière de parfaict frigefiez — lisez « bombeglacée » — les discours, donc, commencèrent. Voici un résumé dede chacun d'eux :

» M. Oursel, conservateur de la Bibliothèque municipale, le savantprésident de la Commission, ouvrit le feu.

» II excusa d'abord, en exposant les motifs de leur absence :» M. le préfet, président-né de la Commission ; MM. le docteur

Tainturier, président de la Commission départementale, et le docteurChauveau, sénateur et président du Conseil général ; MM. Estaunié,de l'Académie Française, président de l'Association bourguignonnedes Sociétés savantes ; Gauguier, premier président ; Henry Corot,correspondant du ministère de l'Instruction publique; le docteurSchnaebelé ; Olivier Langeron, doyen de la Commission ; Droux ;le comte de Simony ; Henri David, secrétaire ; MUe Bouchacourt ;MM. Lagorgette, de Châtillon ; le chanoine Didier ; le comte deSaint-Germain ; le capitaine Lecot ; Abel Forey, architecte des mo-numents historiques ; Fernand Deroye, conservateur honoraire desEaux et Forêts ; A. Guillaume ; A. Bouchard ; Henri Laurain, premieradjoint au maire ; le bâtonnier André Rougé ; René Durand ; Voisin ;le comte Georges de Vogue ; le docteur Boudriot ; le colonel Sadi-Carnot ; M l le Jeanne Magnin ; Pierre Deslandes, à Pompables (cantonde Vaud, Suisse) ; Ratinet, à Grenoble ; etc.

» S'adressant au ministre et à ses confrères, M. Oursel rappelleque le 18 février 1882, au Logis du Marais, en l'hôtel de M. de Ro-chefort, la Commission des Antiquités de la Côte-d'Or fêtait sonpremier cinquantenaire. Le 30 janvier 1932, elle célèbre son premiercentenaire.

« Nous sommes, dit-il, ou du moins nous paraissons exacts au» rendez-vous. Eh bien non ! Il y a une erreur. Notre Commission est» administrativement née par arrêté préfectoral le 1e r octobre 1831.» Nous avons passé le but et nous sommes pleinement entrés dans» notre cent unième année depuis quatre mois.

» Une erreur chronologique ? Voilà, si j'ose dire, qui est bien» couleur locale, et nous nous reconnaissons nous-mêmes à ce trait.» Où donc est le véritable archéologue qui n'a point pris avec les dates» exactes les plus avantageuses libertés ? Habitués à supputer les» millénaires, que vaut pour nous quelques différences dans le temps ?» Et nous faisons ainsi résolument passer dans l'antiquité lointaine» une tiare du xixe siècle ; tel autre situe au xvm e siècle une chapelle«Renaissance, des maîtres font d'une église bâtie au xixe siècle un» modèle de l'architecture du xve. Vraiment, un écart chronologique» de quelques mois seulement dans la précision de nos plus rigou-» reuses et savantes définitions, c'est un triomphe que nous avons

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» grandement raison de notifier à tous avec l'entrain joyeux de cette» commémoraison gastronomique » (Rires).

» M. Oursel ayant ainsi parlé sur la « fixation de la date », commeon dit au Parlement, présente, par la plume du président du cin-quantenaire, les fondateurs de la Commission.

» Voici d'abord Louis-Bénigne Baudot, antiquaire, juge honoraireau tribunal de Dijon : « La tête poudrée à frimas, le col enseveli» dans sa cravate blanche, l'air doux, bienveillant, et justement» fier de sa magnifique collection formée au milieu des orages révo-» lutionnaires ». Et les élèves de l'École des Chartes de Dijon s'amu-saient à lui remettre des mouches, des araignées écrasées dans desterriers, tous insectes piqués ou collés sur des cartes, avec des datesplus ou moins fantaisistes. S'apercevait-il de la supercherie ? C'estprobable, mais il avait l'indulgence de n'en rien témoigner...

•» Son successeur à la présidence, Joseph Boudot, archiviste dudépartement, était « un gros homme à taille ramassée, toujours rasé» de frais, avec un gros nez, une figure de moine pas ascétique ;«pourtant il avait porté le froc. Il fallait le voir l'hiver, chaussé de» sabots, enveloppé dans une robe de chambre dont la couleur pri-» mitive avait disparu sous la poussière, coiffé, quand il n'avait pas» sa perruque, d'un épais bonnet de laine noire... Bref, quand il» était enfoui dans son grand fauteuil de cuir noir, son corbeau familier» perché sur le dossier, on l'aurait pris pour un vieil alchimiste ».

» Le secrétaire général était le docteur Vallot, « en culotte courte,» tout de noir habillé. Il avait beaucoup lu et il lisait toujours, même» dans la rue... Il se dépensait en recherches sur le nom vulgaire d'une» plante ou d'un insecte, l'origine d'un sobriquet. Il se noyait dans«les détails et concluait rarement. Au reste, le seul aspect d'un» manuscrit couvert de son écriture vermiculaire donnait l'idée de

sa tournure d'esprit ».» L'archiviste et conservateur du musée de la Commission, M. Fevret

de Saint-Mémin, conservateur du Musée de Dijon, avait beaucoupd'analogie avec M. Boudot pour l'extérieur, taille, corpulence etperruque, mais «autant la physionomie de M. Boudot était vulgaire,» autant celle de M. de Saint-Mémin était distinguée. Froid, compassé» même, il ne parlait jamais que du sujet qui l'amenait, mais avec» quelle clarté, quelle intelligence des choses de l'art !

» En somme, une galerie d'originaux. Cent ans après, un témoin«averti m'affirme que cela n'a pas changé... » (Rire général).

» Mais ces originaux avaient au cœur un amour passionné de lascience et du passé. Ils vivaient leur histoire. Et M. Oursel en décritpour preuve la cérémonie romantique du 27 juillet 1841, de la ré-inhumation du corps de Jean sans Peur en présence de toutes lesautorités. Le cercueil était porté par des secrétaires et des membresde la Commission. L.-B. Baudot tenait en ses mains la boîte de plombenfermant des restes trouvés à côté du duc de Bourgogne. Un ma-

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jestueux cortège se déroulait de l'évêché à la cathédrale par un longcircuit... Heureux temps, celui d'une grande popularité de la Com-mission, dont les démarches réglaient les actes des plus hauts fonc-tionnaires !

» Cette ardeur s'est déroulée au profit de Mémoires in-4°, richementillustrés ; quelques volumes in-8°, meublés de travaux originauxet souvent importants ; copieux comptes-rendus qui sont une mineinépuisable de notes et d'observations, tout ce labeur atteste un zèlequi ne s'est pas démenti et, tout bien pesé, une compétence que lesmeilleurs juges ont proclamée.

« Nous ne prétendons pas, certes, dans ce domaine étroit d'archéolo-» gie et d'érudition qui nous est dévolu, à l'infaillibilité, ni même aux» synthèses originales et puissantes... Nous voulons seulement con-» naître bien notre petite terre, la connaître par amour, par scrupule» d'exactitude. Et nous affirmons que cette enquête patiente est» indispensable, elle est la condition nécessaire des travaux plus amples» et plus généraux, la condition aussi de leur probité scientifique.

» ...Nous empêchons, dit-on, le progrès dans notre prédilection» pour l'ancien. Mais est-il bien certain que Dijon eût tant perdu à» écouter ses archéologues ? Nous pourrions montrer encore la rotonde» de Saint-Bénigne et la Sainte-Chapelle, et les cuisines ducales» intactes, et le Château, et les magnifiques portails de Saint-Bénigne» et de Notre-Dame. Notre ministre et maire ne me démentira pas,» si je constate que nous nous sommes, depuis plus d'un siècle, privés,» trop riches et prodigues que nous étions, de trésors d'art et d'at-» traits puissants pour les voyageurs et les curieux. Si la Commission» des Antiquités avait été écoutée, le Service des monuments his-» toriques eût-il démonté le vieux clocher de Notre-Dame, pour affubler» ce bijou d'une flèche démesurée et ridicule, monstrueuse de con-» ception gigantesque et prétentieux éteignoir ? Si nous voulons notre» ville nette des entreprises de la publicité sans frein et de la fureur» des étalagistes qui déshonorent nos vieilles et discrètes façades» par des modes fugitives et sans goût, n'est-ce pas pour lui conserver» son honneur et son prestige de ville chère aux artistes, donc pour» servir sa prospérité. Nous ne sommes intransigeants que contre» la laideur, et nous savons bien qu'une ville évolue ; mais en se» transformant, elle peut aménager ses reliques, non les détruire ».

» Le président de la Commission parle de l'ample provision de cesreliques recueillies par le Musée archéologique. L'œuvre se poursuit,par des concours bénévoles, avec l'appui des pouvoirs locaux. Ilest un des titres affirmés de la Commission des Antiquités de laCôte-d'Or... Mais la tâche est énorme, la dépense très lourde : M. leprésident de l'Académie sait les soucis et les veilles que lui coûtel'équilibre financier de l'entreprise. Il ne faut pas s'étonner des len-teurs, si l'on mesure les difficultés qui se résolvent une à une... L'ou-verture du Musée archéologique sera la solennité la plus éclatante

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du Centenaire, elle manifestera publiquement la fécondité d'un labeurséculaire et interrompu.

» M. Oursel, très applaudi, lève son verre à ceux qui ont été lesfondateurs de la Commission, à la prospérité des jours à venir, autriomphe du Musée réorganisé, au second centenaire « que nous neverrons pas, mais que nous commençons à préparer ».

» M. E. Fyot remercie le président d'avoir mis en relief, d'unemanière si pittoresque, les intérêts de la Commission. Cela l'amèneà entretenir les convives de l'archéologie en général.

» II y a quelque trente ans, un jour que la Chambre des députésdiscutait sur une loi du travail, un homme politique prétendit quele goût, le besoin du travail étaient innés dans l'homme, à cause dela satisfaction intime qu'il en retirait. Et, comme il remarquait surles lèvres de ses collègues quelques sourires sceptiques, il cita pourconfirmer sa thèse, le travail désintéressé des archéologues et dessociétés savantes.

» Alors que je n'étais qu'un novice en archéologie, dit M. Fyot,» le fameux archéologue autunois Gabriel Bulliot, me disait : « Mon» cher ami, l'archéologue est le plus heureux des hommes. Il double,» il quintuple, il décuple sa vie en vivant celle des disparus dont il» s'occupe. Il exhume leurs habitations, il s'initie à leurs habitudes,» à leurs mœurs, il fouille leur vie dans les archives, prend part à» leurs joies et à leurs peines ; il oublie dans leur fréquentation les» soucis de sa propre existence ». Or, chacun sait que les soucis sont» un des agents les plus pernicieux qui abrègent la vie humaine.» Et c'est pourquoi, sans doute,, tant d'archéologues parviennent à» une extrême vieillesse ».

» A l'appui de cette observation, M. Fyot cite l'archiviste Garnier,le bibliothécaire Guignard, le D r Marchant, Jules d'Arbaumont,Henri Chabeuf, Etienne Metman et tant d'autres.

» II dit sa reconnaissance à la Commission des Antiquités qui,pendant plus de cent ans, suscita, stimula les travaux des archéo-logues dijonnais. Et il lève son verre à la mémoire et en l'honneurde ses présidents successifs, sans oublier le président actuel (Applau-dissements).

» M. Pierre Huguenin, l'homme de lettres bien connu, conte avecun esprit endiablé une histoire d'une gaieté étourdissante. Résumons-la ainsi :

» Un jour, en travaillant au fond de l'abside de l'ancienne égliseSaint-Etienne, des ouvriers défoncèrent un mur et mirent à jourune cave voûtée où se trouvaient de vénérables bouteilles. Qu'était-ce ? Le cellier abbatial, sans doute. On courut à la recherche d'untrès compétent archéologue qui arriva sur les lieux avec quelquesconfrères... Déjà, ils devisaient sur l'époque dont pouvait daterla cave... et les bouteilles. Tout à coup, une clef grinça dans la

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serrure d'une porte qu'on croyait fermée depuis des siècles et unagréé dijonnais, porteur d'un falot, contemplant le groupe avecahurissement, s'écria : «Mais qu'est-ce que vous f... là!» On finitpar s'entendre. La cave et les bouteilles étaient relativement mo-dernes. Tous les acteurs de cette petite scène étant morts, M. PierreHuguenin en fait la révélation. On pense bien qu'un rire homériqueaccueille celle ci.

» M. Gaston-Gérard fait l'éloge des orateurs précédents avec uneverve qui se communique à tous les convives. Il adresse des remer-ciements à M. Parizot, propriétaire du Buffet de la Gare, à M. Fyot,auteur du « Menu » et à M. Pierre Huguenin, qui vient de mettrel'assistance en joie.

» L'invitation adressée au maire de Dijon de présider l'agréableréunion, où l'on fête le centenaire de cette Commission des Antiquitésqui a rendu tant de services à la science régionale, à la science toutcourt et à la ville, est une preuve d'amitié donnée à celui qui repré-sente les intérêts de notre vieille capitale bourguignonne : ceux dupassé et ceux du présent ; à travers les âges, ceux qui ont la chargede ces intérêts doivent maintenir les traditions qvii ont fait de Dijonune ville d'art et d'histoire et une capitale gastronomique.

« C'est aujourd'hui un programme que tous, à Dijon, nous devons» nous attacher à réaliser. Il faut attirer chez nous les visiteurs du» monde entier, les retenir par le charme de notre histoire, de nos» musées et les agréments qu'offre notre ville. La Commission des» Antiquités continuera son œuvre si importante, en mettant en valeur» nos richesses du passé ».

» Le député-maire félicite M. Oursel de son brillant discours. Ilparle de ses travaux et de ceux de la Commission, qui font mieuxconnaître Dijon et notre province, tantôt par de savants ouvragesd'érudition, tantôt par des notices romancées, telles que celles con-sacrées à la vie des ducs de Bourgogne et à leur cour fastueuse.Laissons aussi les poètes se livrer à leur imagination et « arranger »l'histoire.

» II fait appel à la bonne volonté de tous les membres de la Com-mission, qui ne sont pas seulement des archéologues avertis, maisdes hommes très modernes, sachant s'inspirer des besoins de leurtemps. Une grande manifestation sera organisée pour l'inaugurationdu nouveau Musée archéologique. Chacun doit s'employer à lapréparer pour la rendre digne de la ville de Dijon.

» M. Gaston-Gérard, résumant les services rendus par M. X. Aubertau Musée archéologique, à la Commission et au secrétariat généralde la Foire gastronomique, annonce, au milieu des applaudissements,sa prochaine promotion dans l'ordre de la Légion d'honneur.

» II lève son verre à la Commission des Antiquités, dont on a rappeléles fastes ; aux services qu'elle a déjà rendus et à ceux qu'elle rendra,

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au passe et à l'avenir de notre Bourgogne et de sa capitale.» Très applaudi, M. Gaston-Gérard termine par quelques vers de

M. Pierre Huguenin, son ami de jeunesse, à la Bourgogne et à laFrance.

» Après de nouveaux éloges à M. Parisot, chacun se « gaudità l'aise» encore quelques instants, et l'on se donne rendez-vous...non au deuxième centenaire, mais à l'inauguration du muséearchéologique ».

Séance du 3 février 1932

PRÉSIDENCE DE M. CH. OURSEL, président

M. l'abbé L. Laboureau, curé de Pluvault, est élu associé.Le président rappelle, le banquet qui a commémoré le centenaire

de la Commission et se fait l'interprète de tous pour remercierceux des membres qui en ont assuré la pleine réussite, notamment,MM. E. Fyot, J. Lapérotte et G. Rousseau.

Il donne lecture d'une note de M. A. Vittenet, associé, relativeà un bas-relief trouvé dans la chapelle de la Roche-d'Hy, lors d'unerestauration entreprise en 1928 par M. l'abbé Millot, curé-doyende Vitteaux. Ce bas-relief semble confirmer l'existence d'un culterendu aux eaux sur la commune de Massingy-lès-Vitteaux : deuxmonuments analogues avaient été signalés par M. de Truchis dansle tome XIII des Mémoires de la Commission (p. CLXXXVI).

M. Oursel signale une délibération du Conseil municipal de Dijondu 30 janvier dernier relative à un projet d'aménagement de larue de la Liberté et de la place d'Armes ; il fait remarquer à ce proposque, vu l'importance de cette question, qui intéresse au plus hautpoint le patrimoine artistique de notre ville, il serait indispensableque la Commission des Antiquités fût entendue par la Commissiondépartementale d'aménagement et d'embellissement des villes dela Côte-d'Or.

Après un échange de vues à ce propos, il est décidé que le présidenten écrira à M. le Préfet, lui demandant de bien vouloir accréditerune délégation de notre Compagnie auprès de ladite Commissiond'aménagement.

M. A. Guillaume, associé, propose de fonder dans notre départe-ment, ainsi qu'il en existe dans d'autres régions de la France, parexemple en Champagne, une « association pour la conservation desédifices religieux anciens non classés de la Côte-d'Or » : cet organismese donnerait comme tâche d'assurer la sauvegarde des églises intéres-santes au point de vue archéologique. La Commission, entrant dansles vues de M. Guillaume, nomme un comité composé de MM. A. Bau-dot, Ch. Oursel, abbé M. Chaume, c4 Charrier, H. David, A. Guil-laume, A. Forey, de Simony, R. Viney, P. Œschlin.