Causes de la Persistance d'une Situation de Violence...
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Institut Supérieur Social de Mulhouse
4, rue Schlumberger
68 200 Mulhouse
CAUSES DE LA PERSISTANCE D'UNE
SITUATION DE VIOLENCE CONJUGALE
Mémoire Présenté par Olivia KUKER
EN VUE DE L’OBTENTION DU Diplôme d’Etat d’Assistant du Service Social
Session de Mai - Juin 2005 Strasbourg
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SOMMAIRE
SOMMAIRE
INTRODUCTION
METHODOLOGIE
I. PHASE EXPLORATOIRE II. LE CHOIX DU TERRAIN D’ENQUETE ET DE L’ECHANTILLON
TITRE II - LES « VIOLENCES CONJUGALES » EN FRANCE, APPROCHE ET
PRISE EN COMPTE DU PHENOMENE
I. APPROCHE DE LA VIOLENCE II. PRISE EN COMPTE DU PHENOMENE
TITRE III - LE SILENCE DES FEMMES
I. OCCULTATION OU AMENAGEMENT DES VIOLENCES II. TIRAILLEMENT ENTRE L’IMPOSSIBILITE ET L’ENVIE DE PARLER
TITRE IV - PARTIR OU RESTER ?
I. LE DEPART DES FEMMES : « UNE LONGUE MATURATION PSYCHOLOGIQUE » II. LA DECISION DE METTRE UN TERME AUX VIOLENCES : ELEMENTS DECLENCHEURS
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES
ANNEXE1 – TEMOINS
TABLE DES MATIERES
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INTRODUCTION « Longtemps minimisées, oubliées, les violences conjugales, sans faire la une des
journaux et toujours condamnées dans la rubrique des faits divers, apparaissent enfin au
grand jour ».1
La violence conjugale est un problème de grande ampleur : le rapport du
Professeur HENRION2, remis en février 2001 au ministère de la santé, révèle que « les
violences conjugales concernent 10% des femmes » et qu’elles sont « une des causes
principales de mortalité des femmes ». Selon ce même rapport, une femme mourrait, suite
à ces violences, « tous les cinq jours ».
Le nombre réel des femmes victimes de violences conjugales resterait cependant
difficile à établir, puisqu’en dehors des enquêtes d’opinion, les études s’appuieraient à la
fois sur des données policières et judiciaires, sur des interviews de femmes victimes de
violences et d’associations pouvant les accueillir. Mais nombreuses seraient encore celles
qui n’oseraient pas en parler ou porter plainte. Ces chiffres seraient donc sans doute peu
représentatifs de l’importance du phénomène.
Cette réflexion autour des violences conjugales a commencé dès ma deuxième
année de formation. En effet, ayant, effectué mes deux premiers stages en polyvalence de
secteur, en centres médico-sociaux, j’ai été fréquemment confrontée à ce type de
problématique. Parmi les femmes que j’ai pu rencontrer, rares ont été celles à trouver
une issue rapide à cette situation de violence. Cela m’a donné envie d’aller plus loin dans
la réflexion et la compréhension du phénomène, c’est d’ailleurs ce qui m’a décidée à
réaliser mon travail de mémoire sur le thème des violences conjugales. Il s’agit donc
d’une démarche de compréhension visant à expliquer comment certaines femmes peuvent
être amenées à vivre parfois longtemps dans cette situation, et bien évidemment en
aucun cas, à apporter un jugement à leurs comportements.
Dans leur cadre professionnel, les travailleurs sociaux sont amenés plus souvent
à rencontrer des femmes que des hommes victimes de violences, c’est pourquoi j’ai choisi
de limiter cette étude aux violences exercées à l’encontre des femmes. En tant que future
Assistante Sociale, il me paraît important d’être sensibilisée à cette problématique, afin
de contribuer à l’émergence de la parole des femmes ainsi qu’à une meilleure prise en
compte de leurs difficultés.
Mes recherches théoriques m’ont dans un premier temps apporté quelques
éléments de compréhension.
1 BIN-HENG Mary, CHERBIT Framboise, LOMBARDI Edith, Traiter la violence
conjugale, parcours pour une alternative, Paris, L’Harmattan, technologie de l’action
sociale, 1996, p. 9 2 Violences domestiques, le Rapport HENRION dénonce (2001), www.e-sante.fr
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Ainsi, selon R PERRONE et N.NANNINI (qui traitent de l’approche systémique
et communicationnelle), certaines personnes, construiraient, au sein de leur couple, un
cadre relationnel favorisant la violence et s’y enfermeraient3.
Par ailleurs, la brochure de la Fédération Nationale Solidarité Femme indique
que la violence conjugale est, dans une relation privée ou privilégiée, « une atteinte
volontaire à l’intégrité de l’autre, une emprise, un conditionnement dont il serait difficile
de se dégager quand on est la victime. »
D’après D. WELZER LANG,4 « les femmes se taisent par honte et culpabilité. »
La fuite, ajoute-il, serait l’aboutissement d’un long processus dans lequel la femme mûrit
son départ. »
S. KACZMAREK explique que les femmes battues ne réalisent que
progressivement le « cauchemar » qu’elles sont en train de vivre, d’autant plus que cette
violence génèrerait des sentiments de culpabilité.5. La situation de rupture conclut, selon
elle, un « long cheminement, équivalant peut-être à une lente maturation ». Elle évoque
enfin la métaphore de la « goutte faisant déborder le vase » pour justifier le départ de
certaines femmes.6
Ces apports théoriques m’ont amenée à réfléchir sur le fait que certaines femmes
vivant des violences conjugales décident de réagir et partir, alors que d’autres non. Ainsi
me suis-je alors posée les questions suivantes : Comment expliquer cette différence de
réaction ? Comment une femme violentée en vient-elle à quitter son conjoint ? Qu’est ce
qui provoque cette prise de décision ?
J’ai pu par la suite proposer l’hypothèse de compréhension suivante : certaines
femmes ne partent pas dès les premiers épisodes de violence puisqu’elles ne les
identifient pas immédiatement comme tels. Un temps de « maturation » plus ou moins
long leur est nécessaire pour prendre conscience de la situation de violences répétées
qu’elles subissent. Mais, bien souvent, avant de pouvoir réagir, la honte et la culpabilité
les empêchent de parler, jusqu’à ce qu’elles atteignent leur seuil de tolérance et prennent
la décision de mettre un terme à cet état de souffrance.
Ainsi, vais-je mettre en évidence les raisons qui peuvent amener une femme
victime de violences à demeurer au foyer conjugal, et ce qui peut, à un moment précis, la
3 PERRONE Reynaldo, NANNINI Martine,Violence et abus sexuels dans la
famille : une approche systémique et communicationnelle, Issy-les-Moulineaux, ESF
Editeur, Collection Art de la Psychothérapie. 4 WELZER LANG D., Arrête, tu me fais mal !, la violence domestique, 60
questions 59 réponses, Québec, VLB Editeur, collection « Changements », 1992, p.129 5 KACZMAREK S., Violences au foyer, Itinéraires de femmes battues, Paris,
Editions Auzas, Imago, 1990,p.45 6 KACZMAREK S., Ibid. p.68
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pousser à partir. Ma première partie consistera donc à dresser un état des lieux des
violences conjugales. Je développerai ensuite dans une seconde partie le silence des
femmes, et enfin je m’interrogerai sur leur difficulté à prendre une décision.
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METHODOLOGIE
I. Phase Exploratoire Afin de mieux comprendre le phénomène des violences conjugales et de cibler des
champs de recherche et de réflexion je me suis, dans un premier temps, constituée une
documentation. J’ai donc lu des ouvrages (de psychologie, sociologie, droit, biographies,
romans), des articles de journaux ; j’ai consulté les brochures, effectué des recherches par
le biais d’internet, sur les thèmes de l’histoire de la violence, de la violence conjugale, de
la place des femmes dans notre société, de la famille, de la culture et de l’éducation. Ces
recherches ont par ailleurs été complétées par la rencontre de nombreux professionnels
(personnes ressources), directement en lien avec des femmes en situation de violences
conjugales. Ainsi, ai-je eu l’occasion de rencontrer la directrice le l’association « SOS
Solidarité Femmes Battues », la directrice et la psychologues du Centre d’Information
des Droits des Femmes et des Familles, de nombreux travailleurs sociaux oeuvrant
auprès de femmes battues (Centre Hospitalier de Mulhouse….). J’ai, parallèlement
participé à une conférence sur les violences et visionné des émissions télévisées et des
films (dont des témoignages) traitant de ce problème.
Ces recherches et ces rencontres m’ont permis de mieux cerner la souffrance des
femmes vivant des violences conjugales, mais m’ont également amenées à prendre
conscience de toute la complexité de la relation existant entre les femmes et leurs
conjoints ou compagnon. Enfin, ces données m’ont confortée dans l’idée que la violence
conjugale nécessite une approche multifactorielle et que de nombreux éléments peuvent
influencer les réactions des femmes vivant ou ayant vécu des violences au sein de leur
couple. En choisissant ce sujet, je souhaitais tenter de comprendre comment de si
nombreuses femmes étaient amenées à vivre si longtemps des violences conjugales. Mais
suite à ces recherches, j’ai pris la décision de me pencher sur les raisons qui motivent le
fait, que dans des situations « à priori » semblables de violences au sein de leurs couples,
les réactions des femmes peuvent être si différentes. J’ai également souhaité comprendre
comment une femme vivant ce type de violence quitte ou non son conjoint ou compagnon,
tout en tentant de respecter l’histoire et l’unicité de chacune.
II. Le Choix du Terrain D’enquête et de l’Echantillon
A. Le Choix Du Public La violence conjugale peut être le fait de l’homme comme de la femme et peut
toucher les couples hétérosexuels comme les couples homosexuels. Or, comme le rappelle
Maïté ALBAGLY, secrétaire générale du Mouvement Français pour le Planning
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Familial7: « dans 95 % des cas, la femme en est la victime ». C’est donc parce que le
phénomène touche majoritairement des femmes et des couples hétérosexuels, mais aussi
parce que selon moi, les violences ne prennent pas le même sens à l’encontre des hommes
et à l’encontre des femmes (notamment du fait de la différence de leur force physique),
que j’ai choisi de traiter uniquement des violences conjugales exercées par des hommes à
l’égard de leurs épouses ou compagnes.
J’ai par conséquent, dans un premier temps, pris l’option d’interroger
uniquement des femmes vivant ou ayant vécu des violences au sein de leur couple. Je
souhaitais en effet, à travers le témoignage de leur vécu, comprendre leurs réactions
suite à ces violences. Pour cela, je me suis orientée vers des centres d’hébergement de
femmes victimes de violences et des centres accueillant un public plus varié, mais
également vers des travailleurs sociaux rencontrés au cours des mes stages et qui sont
amenés à rencontrer des personnes victimes de violences conjugales.
Aborder ce public m’a été cependant extrêmement difficile, pour des raisons que
j’aborderai ultérieurement. La rencontre des professionnels m’a permis à la fois de
compléter mes recherches mais aussi d’être plus facilement mise en relation avec le
public recherché. En outre, cela m’a permis de prendre du recul par rapport aux
témoignages apportés par les femmes.
J’ai ainsi pu rencontrer cinq femmes ayant vécu des violences au sein de leur
couple, dont deux qui m’ont été adressées par une éducatrice spécialisée (également
rencontrée) intervenant dans un centre d’hébergement pour femmes victimes de
violences. J’ai contacté les trois autres personnes directement, bénéficiant de l’appui de
professionnels du champ social, rencontrés durant ma formation.
J’ai également interrogé 6 professionnels :
• la directrice ainsi que l’éducatrice d’un Centre d’Hébergement Spécialisé
dans l’accueil des femmes victimes de violences,
• l’éducatrice d’un autre Centre d’Hébergement spécialisé dans l’accueil des
femmes victimes ou ayant vécu des violences conjugales,
• deux professionnels d’une association d’aide aux victimes (association
généraliste) à savoir : la responsable du service d’aide aux victimes et un
intervenant dans le cadre de la médiation pénale,
• une psychologue du service des Urgence d’un Centre Hospitalier.
Enfin, au cours des trois stages effectués dans le cadre de ma formation
d’assistant de service social, j’ai été amenée à rencontrer des femmes vivant ou ayant
vécu des violences au sein de leur couple. Ainsi, durant mon stage de 2ème année
effectué en polyvalence de secteur dans un centre médico-social, j’ai pu assurer le suivi de
certaines femmes ; et j’ai également eu l’occasion d’intervenir, en situation d’urgence, au
7 ALBAGLY M., Violences conjugales : comment s’en sortir ?, www.lien-social.com
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cours de mon stage de 3ème année effectué en Centre Hospitalier. Je n’ai pas sollicité ces
femmes pour mon travail de recherche, soit parce que leur situation ne s’y prêtait pas,
soit parce que le contexte ne l’a pas permis. Mais ces rencontres ont néanmoins enrichi
ma réflexion.
B. Le Choix de la Méthode Selon A. BLANCHET et A. GOTMAN8, les entretiens semblent tout à fait
adaptés pour tout ce qui traite des « microphénomènes sociaux », méthode qui serait
d’ailleurs utilisée par les sociologues traitant des problèmes liés à la famille.
J’ai donc choisi de m’approprier cette méthode dans le cadre de mon
mémoire et d’élaborer une grille d’entretien de type semi directif, pour les femmes comme
pour les professionnels. Le but étant de privilégier à la fois la parole des femmes, dans un
souci de mise en évidence de leur vécu et de leurs réactions suite aux violences subies,
mais également d’obtenir des renseignements plus approfondis à travers le discours des
professionnels.
Par ce choix, l’analyse qualitative a été privilégiée à l’analyse quantitative.
Cette grille d’entretien s’est articulée (pour les femmes comme pour les professionnels)
autour de grands thèmes qu’il me paraissait important d’aborder, à savoir :
• les profils des femmes vivant des violences au sein de leur couple,
• leur vie de couple,
• le commencement et les raisons de ces violences,
• les manifestations des violences,
• le vécu des femmes face à ces violences,
• leurs réactions et temps de réaction.
J’ai suivi la même trame pour les deux types de public rencontrés.
Dans un souci de confidentialité des propos recueillis chez les femmes
interrogées, je me suis assurée que chaque entretien se déroule dans un lieu neutre et
discret et sans la présence d’une tierce personne.
Le centre d’hébergement qui m’avait adressé deux d’entre elles a mis
gracieusement à ma disposition la pièce des loisirs. J’ai rencontré les trois autres femmes
dans une salle, sur mon lieu de formation. Les entretiens avec les professionnels se sont,
quant à eux, déroulés sur leurs lieux de travail respectifs. Avant le début de chaque
entretien je me suis présentée en tant qu’étudiante, en 3ème année, en service social. J’ai
expliqué le sens de ma démarche, le thème général de mon travail de mémoire, le but de
ma présence et l’intérêt que je portais aux témoignages apportés. Je me suis engagée
quant à la confidentialité des propos.
8 BLANCHET Alain et GOTMAN Anne, L’enquête et ses méthodes : l’entretien,
Editions Nathan Université, Paris, 1992, page 30.
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Cependant, je n’ai en aucun cas énoncé la question centrale de mon travail et
encore moins ma problématique et mes hypothèses, afin de ne pas influencer les
réponses. J’ai également demandé à chaque personne interviewée l’autorisation préalable
d’enregistrer l’entretien. Seule une éducatrice d’un centre d’hébergement et une femme
s’y sont opposées par crainte que la confidentialité de leurs propos ne soit pas totalement
respectée. En ce qui concerne ces deux entretiens, j’ai tenté de prendre des notes le plus
fidèlement possible aux propos tenus.
J’ai perçu les échanges comme particulièrement libres. Mais la nécessité de me
référer à la grille d’entretien9, afin de recentrer la conversation, s’est imposée
quelquefois. Il m’est également arrivé de répéter, de reformuler certaines questions par
souci de compréhension et toujours afin de ne pas s’éloigner des thèmes abordés.
L’étape suivante a consisté en la retranscription de l’ensemble des entretiens, le
plus fidèlement possible. Puis, j’ai procédé à une analyse individuelle de chaque
entretien, et recoupé les différents discours par thèmes.
Il m’a également paru important de relever certaines expressions récurrentes et
mots-clés repérés dans les propos. La mise en parallèle des différents profils de femmes
interviewées (âge, nationalité…) dans un tableau10, m’a permis de dresser une
photographie de cet échantillon. J’ai ainsi observé la diversité frappante de leurs profils.
La rencontre avec des femmes victimes de violences conjugales a été extrêmement
difficile, puisque je n’ai pas effectué de stage au sein d’un lieu spécialisé dans l’accueil de
ce public. Certains professionnels m’ont d’ailleurs refusé l’accès à leur établissement pour
ce motif. D’autres ont mis en avant leur préoccupation de préserver les femmes
accueillies. La psychologue d’un centre d’hébergement m’a ainsi expliqué que les
résidentes souffrent pour la plupart d’une « trop grande fragilité psychologique », ne se
prêtant pas à mon type de démarche.
Il est vrai que les violences conjugales sont un sujet difficile à aborder
puisqu’elles ont lieu au sein du couple et qu’elles relèvent de l’intimité des personnes. Je
me suis ainsi parfois confrontée aux réticences de certaines femmes à évoquer leur vécu.
Ces difficultés à obtenir des témoignages m’ont amenée à élargir le champ géographique
de mes recherches, mais également à diversifier le choix du public en interrogeant
également des professionnels. L’un d’entre eux m’a d’ailleurs permis, ensuite, de
rencontrer deux femmes victimes de violences.
9 Cf. : Annexes 1 et 2 10 Cf. : Annexe 3
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TITRE II - LES « VIOLENCES CONJUGALES »
EN FRANCE, APPROCHE ET PRISE
EN COMPTE DU PHENOMENE Avant de se pencher sur les raisons qui peuvent amener certaines femmes à
rester dans cette situation de violence, il convient au préalable de dresser un état des
lieux des violences conjugales.
I. Approche de la Violence Tentons dans un premier temps de comprendre ce que l’on entend par « violences
conjugales ».
A. Compréhension du Phénomène
1. Qu’est-ce que la Violence Conjugale ?
Il est extrêmement difficile d’apporter une définition unique du terme “violence”,
puisque celle-ci renvoie à une capacité de jugement sur ce qui est acceptable ou ne l’est
pas en terme de comportement. Jugement sans doute influencé par l’évolution des
valeurs et des normes sociales.
Les définitions peuvent donc être multiples, ainsi il convient tout d’abord de se
pencher sur son sens étymologique. La violence, du latin vis (force) et latus, participe
passé de fero (porter), renvoie dans son acceptation première à l’utilisation de la force
physique contre autrui.
Si certains auteurs s’en tiennent à cette définition restreinte, d’autres, en
revanche l’élargissent à des agressions autres que physiques. C’est le cas par exemple de
GARVER (1977) qui définit la violence comme « une atteinte pouvant prendre pour cible le
corps de celle-ci ou sa capacité d prendre des décisions autonomes pouvant s’exercer à
travers des formes de contraintes personnelles ou institutionnalisées »11.
Citons également la notion de violence symbolique développée par P.
BOURDIEU12 (1990) pour désigner des formes larvées et déguisées de contrainte qui ont
pour caractéristique de s’exercer avec « l’assentiment » des personnes qu’elles visent.
Cette analyse peut s’avérer utile pour comprendre les formes subtiles de dominations qui
ont cours au sein de la famille.
11 Gillioz, Définitions de la violence,www.eurowrc.org 12 Ibid.
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Les violences conjugales, quant à elles, ont cela de particulier qu’elles s’exercent
au sein du couple (elles interviennent dans les relations entre époux ou conjoints). Maïté
ALBAGLY, secrétaire générale du Mouvement Français pour le Planning Familial
définit le terme “ violence conjugale” comme « le processus au cours duquel un partenaire
exerce des comportements agressifs et violents à l’encontre de l’autre, dans le cadre d’une
relation privée ou privilégiée ». 13
Le Dr I. FRANCOIS-PURSSELL, spécialiste en victimologie à Paris V, donne
quant à lui une définition plus détaillée de la violence conjugale. Il la différencie tout
d’abord de la dispute, du désaccord quotidien, ainsi que de la simple mésentente au sein
du couple ; puis il la décrit comme « un système de relation dans lequel l’un des deux
conjoints utilise la peur, l’intimidation, l’humiliation, les coups, le contrôle du temps ou de
l’argent ou tout autre moyen de contrôler l’autre ».
Pour lui cette définition s’appliquerait à tous les types de couples : mariés ou non,
jeunes ou vieux, homosexuels ou hétérosexuels.
Pour ma part, j’ai pu retenir, suite à mes recherches, cinq grandes catégories de
violence conjugale.
Tout d’abord, les violences verbales : en dehors du contenu des paroles, elles
relèveraient le plus souvent des violences psychologiques. Elles réfèreraient plus au débit
de parole, à la violence perçue dans la voix, le ton, c’est à dire au mode de communication
entre partenaires. Elles se manifesteraient ainsi par des cris, des pressions, des
vociférations, des chuchotements, des silences, des insultes vulgaires ( visant à atteindre
l’autre).
On entendrait ensuite par violences psychologiques : toute action qui
porterait atteinte ou qui essayerait de porter atteinte à l’intégrité psychique ou mentale
de l’autre ( son estime de soi, son identité personnelle...). Elles pourraient ainsi prendre
la forme d’insultes, de dévalorisation, de remarques vexantes, de propos méprisants, de
menace de violence, d’intimidations, de menaces de représailles ou de viol, de menace de
mort, de chantages, de destruction permanente ou de dénégation de l’autre.
Les violences physiques : caractériseraient quant à elles les atteintes à
l’intégrité corporelle de l’autre, il s’agirait sans doute des plus identifiables et des plus
identifiées (puisque plus visibles), des plus dénoncées et des plus sanctionnées.
Les violences sexuelles : seraient les plus cachées. Ces violences
correspondraient au fait d’imposer son désir sexuel à son partenaire ou de l’obliger à se
prostituer.
Enfin, les violences économiques : pourraient se définir comme le contrôle
économique ou professionnel de l’autre. Elles priveraient ainsi le conjoint de ressources,
le rendant dépendant et réduisant ses libertés.
13 ALBAGLY M., op.cit.
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On peut comprendre aussi que si la violence est un problème sérieux entre les
nations, entre les différents groupes ethniques et dans les rues de nos villes, elle est
également un problème important au sein de la famille. JC CHESNAIS écrit à ce titre
que la famille « est le lieu du paradoxe. Centre d’affection, refuge contre l’adversité, c’est
aussi le premier foyer de violence, l’unique endroit où chacun peut découvrir, sans fard,
son vrai visage. ».14 Reynaldo PERRONE et Martine NANNINI écrivent encore de la
famille qu’elle peut se révéler comme un lien de souffrance, d’arbitraire, d’injustice,
d’oppression, de peine, de menace, de violence et d’abus sexuels.15 On est alors très loin
de l’image sécurisante que l’on peut se représenter de la famille.
La brochure réalisée par la Fédération Nationale Solidarité Femmes, en
partenariat avec la Société Philip Morris France SAS, dans le cadre du programme
« ensemble contre la violence domestique » indique en couverture « Pour beaucoup de
femmes, foyer rime avec danger ».
Autrefois, la violence semblait relever du destin et de l’inévitable. Nous avons en
effet hérité de l’empire romain où le mari avait, dans certains cas, droit de vie et de mort
sur son épouse et ses enfants, et où les femmes n’avaient ni le droit d’hériter ni celui
d’exercer un certain nombre de métiers. Comment, dans un tel contexte aurait-on pu se
préoccuper des violences exercées par les hommes sur les femmes ? La violence physique
était « requise comme un droit du mari, du père ou du frère aîné dans des cas bien
définis : l’adultère de la femme, sa désobéissance, la jalousie ou le grave mécontentement
du mari ».16
Les militantes féministes des années 1970 ont contribué à une émergence sociale
de ce phénomène. Leur action commence lors de la réunion du Tribunal International des
Crimes contre les Femmes, réuni à Bruxelles les 4 et 8 mars 1976, où Simone de
BEAUVOIR ouvre le débat en exposant pour la première fois devant un large public le
cas des femmes battues. Elle énonce : « le crime qu’il convient de condamner avec le plus
de vigueur est la façon dont les hommes font de la femme l’objet privilégié de leur
agression ».17
14 CHERNAIS JC, Histoire de la violence, Hachette pluriel référence, Paris, 1981,
p.98 15 PERRONE R. et NANNINI M., op. cit., p.19 16 BIN-HENG Mary, CHERBIT Framboise, LOMBARDI Edith, op. cit., p.18 17 ZEPHIR J., Le Néo-féminisme de Simone de Beauvoir, Editions
Denoël/Gonthier, Paris, 1982, 267 pages.
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2. La Violence Conjugale ou l’Exercice d’une Domination
sur son Partenaire
Dans toutes les définitions de la violence conjugale, le rapport de domination
qu’exerce un individu (l’homme) sur un autre (son épouse ou conjointe) est le fait
principal qui caractérise ce type d’agression.
Le rapport HENRION par exemple caractérise les violences comme l’exercice
d’un « processus évolutif au cours duquel un partenaire exerce, dans le cadre d’une
relation privilégiée, une domination qui s’exprime par des agressions physiques,
psychiques ou sexuelles ».18
Pour D.W. LANG19, il s’agirait d’abord d’un « mode de régulation d’une relation
inégalitaire où l’un domine l’autre ». Il inclus les violences conjugales dans ce qu’il appelle
« la violence domestique » (avec les violences familiales et les violences à l’égard des
enfants). Pour lui, cette violence domestique consisterait à « se croire autorisé à utiliser
sa force pour imposer ses désirs et sa volonté ». 20 En outre, les violences exercées sur les
femmes seraient, la plupart du temps, la forme individualisée que prendrait dans chaque
foyer la domination collective des hommes sur les femmes.
Pour Brigitte GRESY21, les violences faites aux femmes constituent une violence
spécifique perpétrée en raison du sexe de la victime. Ces violences seraient générées par
des apprentissages et une conformité à des règles et schémas sociaux différents pour les
deux sexes. Il serait donc question pour l’auteur de domination. Mais si l’on admet que
les violences conjugales sont effectivement la traduction d’une domination collective des
hommes à l’égard des femmes, comment alors le rapport de domination hommes/femmes
engendrant l’installation définitive des femmes dans un statut de victimes, s’impose-t-il à
ces dernières, au sein de la société ?
P. BOURDIEU22 apporte une forme de réponse à cette question. La domination
serait, selon lui, tellement ancrée dans nos inconscients que nous ne l’apercevons même
plus. Il analyse cette domination comme une violence qu’il qualifie de « symbolique ».
Ainsi, pour durer, les différentes formes de domination devraient être reconnues comme
légitimes. En les considérant comme « naturelles » les dominés eux-mêmes en
viendraient à adhérer à l’ordre dominant tout en méconnaissant le caractère arbitraire
18 Rapport HENRION, op. cit., c 19 WELZER-LANG D., op.cit., p.117 20 WELZER-LANG D., Ibid., p.27 21 GRESY B., Assises Nationales contre les violences envers les femmes. En cas
de violence, Brisez le silence, http://www.eurowrc.org 22 BOURDIEU P., De la domination masculine
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(en effet, sans cette méconnaissance, ils n’y adhéreraient pas). Cette violence symbolique
se traduirait donc par un rapport de domination dans lequel un agent utiliserait la force
pour imposer désirs et volonté. L’essentiel de cette domination s’imposant de par sa
légitimité apparente et ses formes à priori naturelles, bien qu’étant arbitraires.
Par ailleurs, cette violence introduirait, selon Michela MARZANO23 (psychologue
et chercheuse au CNRS), la non prise en compte d’autrui comme sujet ayant droit au
respect mais également un refus d’admettre que l’objet de son désir puisse se soustraire à
l’envie de posséder, préférant ainsi l’avaler, et le faire sien. Ainsi, ces hommes violents
seraient sans doute des individus n’ayant probablement pas développé chez eux ce que
FREUD qualifie de « compassion » et qui constitue le contrepoids de la « cruauté ». Ils ne
ressentiraient donc aucune compassion à l’égard des autres et notamment des femmes.
Ces dernières constituant à leurs yeux bien souvent des “choses”, des “objets” dont ils
pourraient, selon eux, disposer complètement. Les femmes ne seraient ainsi plus
reconnues en tant que sujet (et encore moins en tant qu’être sensible) pouvant contester
le pouvoir et la violence des hommes.
B. La Violence au Sein du Couple Parler de violence conjugale nous amène à nous pencher sur le profil des couples.
1. Pas de Profil Type de Femme ou de Partenaire Violent
Afin de mieux comprendre le vécu et les réactions des personnes vivant des
violences conjugales, il m’est apparu indispensable de se pencher préalablement sur leur
profil.
Le rapport de l’OMS rappelle à ce propos que bien que les femmes puissent faire
preuve de violence à l’égard de leurs partenaires masculins et qu’il puisse également y
avoir des actes de violence entre partenaires de même sexe, « l’essentiel du fardeau dans
ce domaine est supporté par les femmes victimes de leurs partenaires masculins. » 24. C’est
pourquoi nous ne nous pencherons durant cette étude que sur les violences exercées par
des hommes à l’égard de leurs femmes.
Comme l’indique justement Sylvie KACZMAREK25, il est extrêmement difficile
d’esquisser un profil de femmes battues, on se heurte alors immédiatement à
l’impossibilité de présenter un stéréotype. Selon elle, ces femmes posséderaient
simplement des traits de caractère, de comportements similaires et auraient souvent en
commun des éléments biographiques. On retrouverait à travers leurs propos un contexte
23 MARZANO M., Soigner l’homme violent, http://www.lien-social.com 24 Organisation Mondiale de la Santé, rapport d’octobre 2002 25 KACZMAREK, op. cit, p.23
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social familier à toutes : couple, mariage, maternité. Les liens affectifs y seraient
omniprésents, traduisant ainsi un réel désir de leur part de vivre des relations sociales
épanouissantes d’autant plus fortes qu’elles auraient le plus souvent manqué d’amour
parental. Cette idée de manque s’est un peu retrouvée dans le discours des femmes que
j’ai rencontrées et interrogées. L’une d’entre elles, d’origine marocaine m’a confié en effet
avoir beaucoup souffert de la pudeur des sentiments de ses parents, propre à leur culture
et me disait être à la recherche permanente d’amour pouvant pallier ce manque. De
même, S., rencontrée au cours de l’un de mes stages avait souffert durant son enfance
d’une carence affective due à l’alcoolisme de sa mère.
Pour Maïté ALBAGLY, secrétaire générale du Mouvement français pour le
planning familial, des femmes de tous les milieux culturels, intellectuels ou économiques
seraient touchées par ces violences26. Cette violence serait encouragée par l’oppression
sociale des femmes, amplifiée par l’inégalité et la dépendance économique. Et selon elle,
une femme dévalorisée ou battue durant son enfance aurait moins de ressources pour se
défendre qu’une femme avec une personnalité bien construite.
La Directrice d’un lieu de permanence et d’écoute pour femmes victimes de
violences que j’ai rencontrée m’expliquait à ce propos qu’il était difficile de parler de
« profils » et qu’il y avait une certaine différence entre les personnes accueillies ou
écoutées : « les femmes ne sont pas tout à fait les mêmes : à la permanence d’écoute qui ne
nécessite pas forcément d’hébergement, notre collègue reçoit des appels de tous milieux,
pouvant aller de l’avocat de renom au médecin de renom ; au niveau de la fonction
d’hébergement du centre, les « profils » sont plus resserrés dans la mesure où ce sont des
femmes extrêmement isolées, en rupture avec leur famille. ». Elles auraient, en outre, peu
de relations sociales puisque n’ayant pas ou très peu travaillé et nouant peu de relations.
Ces femmes isolées seraient sans solution, même temporaire en ce qui concerne leur
hébergement.
Tous les professionnels des centres d’accueil que j’ai interrogés se sont accordés à
dire que leur public n’est pas réellement représentatif de la réalité, puisqu’il ne
concernerait finalement que des femmes isolées ou en grande précarité, les autres n’étant
pas moins touchées par les violences conjugales, mais trouvant généralement d’autres
alternatives, ne serait- ce qu’au niveau de l’hébergement ou bénéficiant de l’appui de leur
entourage. Les hommes violents seraient également issus de tous milieux sociaux. Les
milieux défavorisés n’ont pas, selon le rapport HENRION la primeur de cette violence,
puisque cette raison n’est invoquée que dans 52% des cas. La violence s’observe aussi
chez les cadres, notamment parmi les « hommes autoritaires, investis de fonctions de
commandement ».27
26 ALBAGLY M., op. cit. 27 Rapport HENRION, op. cit.
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D’après la brochure de la Fédération Nationale Solidarité Femme : « On ne naît
pas violent, on apprend à le devenir. La construction sociale, le poids d’une culture
patriarcale conduisent certains hommes à des comportements sexistes et violents envers les
femmes »28. M. MARZANO, philosophe chercheuse au CNRS, indique que ces hommes
« ne supportent pas l’opposition à leurs désirs et qu’ils chercheraient à plier toute personne
leur opposant un refus ».29
2. La Naissance des Violences au Sein du Couple
Afin de mieux comprendre ces situations de violences conjugales, il peut paraître
intéressant de se pencher sur les causes des heurts dans l’histoire des couples pouvant
dégénérer en violences.
Le rapport HENRION précise à ce sujet que « quelle que soit la personnalité de
l’agresseur, certains facteurs sont reconnus comme déclenchants : la jalousie, la
séparation, le divorce, la mise au chômage récente du partenaire, la précarité, la grossesse,
la naissance d’un enfant ».
Sylvie KACZMAREK30 explique que des causes multiples sont évoquées par les
femmes : une trop importante différence de caractères, l’influence de facteurs sociaux
venant perturber l’équilibre précaire du couple (maternité, chômage, adultère….). Or,
elle précise que si tous ces éléments peuvent constituer des causes de mésentente, elles
n’expliquent en revanche ni la violence des hommes battants, ni la passivité des femmes
battues. Ainsi, de tous les couples amenés à vivre ce genre de situation n’en
deviendraient pas pour autant, violents. Par conséquent, selon elle, des réactions
communément répandues constitueraient, pour certains, des éléments déclencheurs. La
maternité par exemple (accidentelle ou non), pourrait ainsi être éprouvée par l’homme
comme une perte de position, ce dernier craignant de ne plus être l’unique objet d’amour
et d’attention et pouvant même être amené dans certains cas, à refuser cet enfant rival.
Elle ajoute, en outre que des désaccords existeraient, dans certains cas, sur le désir
même d’avoir une enfant. Les rapporteurs du rapport HENRION nous amènent en tout
cas à vérifier cette idée puisqu’ils considèrent la grossesse comme une période
particulièrement exposée aux violences conjugales. J’ai pour ma part constaté à travers
le discours des femmes que j’ai rencontrées, que les enfants, aux différentes étapes de
leur vie, étaient souvent liés à ces violences, y étant même parfois à l’origine.
G. était enceinte de 7 mois de son second enfant à la survenue des premières
violences : « Il m’a jetée hors de la voiture en me frappant dessus avec les pieds (….) entre
autre sur le ventre, alors que j’étais enceinte. Alors je me suis retrouvée sur le trottoir ».
28 Fédération Nationale Solidarité Femme, p.5 29 MARZANO M., op. cit., internet 30 KACZMAREK S., op. cit., p.60
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AD. m’explique, quant à elle, que pendant cinq ans, elle ne voulait pas d’enfants,
du fait de la poursuite de ses études, et cela malgré les pressions de son mari. « C’était
une des causes de disputes », me dit-elle. Afin « d’arranger les choses », elle finit
cependant par céder, mais la violence de son mari s’est encore accentuée.
Les enfants, même plus grands, pourraient également être liés à l’arrivée des
violences. C’est en tout cas ce qu’AN. a tenté de me démontrer en m’exposant toutes les
difficultés que généraient les familles recomposées ; notamment sur le plan relationnel,
puisque la place de chacun y est redéfinie : « Le problème qu’il y avait chez vous, c’est
qu’on avait déjà des enfants d’un premier mariage chacun. Et c’est surtout entre les
enfants que ça n’allait pas et c’est ce qui a crée des problèmes dans le couple, qui ont
dégénérés (…). Chacun protégeait ses enfants ». D’après S. KACZMAREK31, cette perte
de statut pour l’homme et l’affection de la femme envers sa progéniture lui donneraient
le sentiment d’être exclu. Refusant ce sentiment, il en viendrait donc à devenir violent.
Et il ne serait donc pas rare ensuite, selon elle, que ces enfants, après avoir participé au
conflit, deviennent à leur tour victimes de sévices.
Parallèlement aux enfants, les expériences extraconjugales pourraient également
engendrer des violences. Pour S. KACZMAREK en effet, si les relations extraconjugales
ne sont pas en elle-même la seule cause de violence, la négligence du mari, les reproches
ou la tolérance de la femme, aboutiraient dans certains cas, à long terme à une
destruction du couple. Et, quelle que soit l’attitude féminine, l’homme pourrait devenir
très violent envers sa conjointe, comme le montre le témoignage de G. ; « quand on en
parlait (des relations extraconjugales), la violence revenait. Je n’avais même pas intérêt à
aborder ce sujet car je risquais de reprendre des claques (…). Après, il a eu d’autres
femmes et jusqu’à nos 10 ans de mariage j’ai été trompée régulièrement. Il découchait (….)
et moi j’avais envie de fêter nos 10 ans de mariage (…). Ce soir là, d’anniversaire de
mariage, il a été d’une violence incroyable ».
Un intervenant dans le cadre de la médiation pénale, d’un centre d’Accueil d’Aide
aux Victimes, expliquait que, outre ces raisons, le passé qui ressurgit, la jalousie, le
mariage peuvent également générer des violences. Propos que sa collègue, responsable
du Service d’Aide aux Victimes, appuyait et justifiait en disant « qu’il suffit qu’un élément
change, ne serait-ce qu’un tout petit peu dans la vie habituelle du couple pour que cela
déclenche des crises, constituant le point de départ de ces violences ». De même, C., par
exemple, explique que les violences ont débuté lorsque son mari, demandeur d’asile, a
obtenu ses papiers. Elle s’exprime ainsi : « Avant, on se battait, pour la même chose (….),
puis une fois que mon mari a obtenu ce qu’il voulait (ses papiers) ».
Le décalage culturel et les différents niveaux d’études pourraient également,
dans certains cas, favoriser l’émergence de la violence au sein du couple. AD, par exemple
31 KACZMAREK, op. cit., p.62
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me disait qu’elle et son mari avaient des cultures différentes : « Il vient de l’étranger, il a
une culture différente de la culture française et il n’a pas su gérer toutes ces différences.
Pour lui, l’homme doit tout faire et la femme n’a pas à demander de comptes. Moi, je suis
arrivée en France à huit ans et demi (…) moi je pensais être capable de décider toute
seule ». S. KACZMARECK32 explique ainsi que dans certains couples, un fossé se creuse
entre le maintien d’un traditionalisme masculin et une forte déculturation féminine. AD,
jeune fille d’origine turque c’était en effet mariée de façon traditionnelle afin de regagner,
disait-elle, l’estime de son père : « Je l’ai forcé à me laisser suivre des études dans une
autre ville. » Son mari, ouvrier de profession, supportait également difficilement ce
décalage de statut.
Ces éléments, comme l’explique S. Kaczmarek, ne génèrent pas obligatoirement
de violences au sein des couples. Aussi, afin de comprendre pourquoi ils peuvent, dans
certains cas entraîner de la violence, j’ai choisi de me pencher sur le fonctionnement des
couples, afin de, peut-être, y trouver des éléments de réponse.
3. La violence : Phénomène Interactionnel
Pour S. KARZMARECK, les violences des hommes à l’égard des femmes
traduiraient une impossibilité à verbaliser l’amour ou la haine. Ainsi, les violences
conjugales s’expliqueraient par une déficience de communication au sein des couples.33
Selon l’approche systémique et communicationnelle34, la violence ne serait pas un
phénomène individuel mais la manifestation d’un phénomène interactionnel. Elle ne
trouverait ainsi pas seulement son explication dans l’intra psychisme, mais dans un
contexte relationnel. La violence serait donc la manifestation d’un processus de
communication particulier entre les partenaires. Les participants à cette interaction
seraient ainsi tous impliqués et responsables. La responsabilité est à prendre au sens
interactionnel et non au sens légal. Enfin, en principe, chaque personne majeure et
autonome serait garante de sa propre sécurité et si elle n’en assure pas la responsabilité,
elle stimulerait les aspects non contrôlables et violents de l’autre, et organiserait et
entretiendrait une interaction à caractère violent. Ainsi, une femme attendant son époux
qu’elle sait souvent violent en craignant d‘être violentée à nouveau à son retour, serait
une femme cédant à son partenaire l’initiative de mettre en acte ou non la violence, en se
montrant prête à subir et à se conformer à la violence de l’autre en lui accordant un
pouvoir arbitraire.
Et pour finir, un individu ne serait pas violent en soi, mais il manifesterait de la
violence dans un tel contexte en telle interaction particulière.
32 S. KACZMARECK, op. cit., p.58 33 S. KACZMARECK, ibid., p.60 34 Reynaldo PERRONE- Martine NANNINI, op. cit, p.20
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Une telle façon de penser permet de concevoir des issues à la violence, à l’inverse
d’une notion de violence où elle serait une caractéristique de certains individus et donc
inhérente à leur nature. Ces présupposés nous placent donc dans une perspective
systémique des violences conjugales c’est- à dire où la participation de chaque membre
du couple au fonctionnement du système serait examiné, et où l’on s’appuierait sur l’idée
que chacun doit devenir et se penser responsable de ses propres comportements, même si
la responsabilité pénale de l’un reste indiscutable. Il existerait donc des modèles
d’interaction conduisant à la violence.
Un intervenant en matière de médiation pénale d’une association d’aide aux
victimes semblait plutôt confirmer cette idée selon laquelle les interactions entre les deux
partenaires pouvaient générer de la violence sous une certaine configuration. Pour lui, en
effet, c’est le couple qui génère cette réaction.
La question qui se pose alors est de comprendre pourquoi certains individus
quand ils sont en interaction, engendrent de la violence. La psychologue du service des
urgences d’un centre hospitalier que j’ai rencontrée pensait trouver cette explication à
travers son outil de référence, à savoir la psychanalyse. Pour elle, en effet, quelque chose
ne tiendrait pas chez l’homme comme la femme au niveau de l’image du couple. La
plupart des femmes qu’elle aurait rencontrées disaient avoir vécu des rencontres quasi
idéales, magiques, sortant de l’ordinaire, comme dans les contes de fée, du moins décrites
comme telles. Puis, se serait produite une rupture suite un événement générant un
changement dans le fonctionnement du couple (mariage, grossesse, naissance d’un
enfant, vie commune). Ces femmes exprimaient selon elle l’idéal d’un couple amoureux,
passionnel, fusionnel décrit en ces termes : « On ne fait plus qu’un». Or la psychologue
disait avoir remarqué que ce fonctionnement durait rarement longtemps compte tenu de
l’empressement fréquent des hommes à vouloir se marier. Elle disait avoir noté en outre
qu’il n’était pas rare que des dates clés (le quatorze février, par exemple) soient retenues,
comme pour marquer l’événement : « Il quelque chose de presque grotesque, ils en font
beaucoup puisque ça ne tient plus qu’à ce prix-la ! » Mais le changement de statut du
couple provoquerait une cassure. Auparavant il y avait les deux membres du couple :
« lui et moi », mais le fait d’être inscrits comme « mari et femme », « père et mère » ou de
vivre ensemble casserait ce lien fusionnel puisqu’il créerait de nouvelles contraintes et
modifierait ainsi la perception de chacun de son partenaire.
Mais cet effondrement de l’image du couple s’expliquerait par un problème
préexistant chez les deux sujets au niveau de leur propre image, en tant qu’homme et
femme. Cela produirait un dysfonctionnement générant de la violence au sein du couple.
Cette fois encore, cette violence n’existerait qu’en raison des interactions entre deux
individus présentant ce même problème d’image : « Ca fonctionne à deux donc forcément
ça ne fonctionnerait pas avec quelqu’un qui n’aurait pas ce problème aussi au niveau de
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l’image et qui partirait au bout de la première claque. Car ces femmes restent ! ». Certains
propos de femmes, à l’évocation du fonctionnement de leur couple, m’ont interpellée. R.
par exemple, m’a rapporté qu’au début de leur relation, son ami lui envoyait une
trentaine de messages par jour, sur son portable. S. m’a dit quant à elle que lorsqu’ils se
séparaient une journée, son compagnon et elle ne cessaient de se téléphoner. Puis elle a
ajouté : « On ne peut pas se passer l’un de l’autre plus d’une seconde ! » Ces propos
traduisent, selon moi un fort désir de ces femmes de se lier à un homme, de manière
consciente ou non, sur un mode « fusionnel », c’est à dire où leur partenaire et elles ne
feraient plus qu’un, l’autre devenant en quelque sorte indispensable à leur survie.
A ce titre, S. KACZMAREK écrit : « Les femmes hébergées en foyers ont bien du
mal à comprendre le caractère excessif de leur attachement (…) Elles vivent par, dans et
pour leur couple uniquement. »35 . Elle ajoute que chez ces femmes, l’aliénation comme
forme de soumission à l’homme deviendrait un besoin à travers lequel elles trouveraient
leur seul impacte social. Cette dépendance affective, souvent liée par ailleurs à une autre
d’ordre économique, témoignerait d’un besoin de sécurité à travers le mythe de l’homme
fort physiquement et donc protecteur ou peut-être d’une conception particulière de
l’amour « don de soi ».
La Directrice d’un centre d’accueil et d’écoute pour femmes victimes de
violences pensait trouver l’origine de ce problème d’image de ces personnes, créant une
dépendance à l’autre, à travers leur histoire personnelle. Des événements traumatisants
vécus dans le passé tels que des maltraitances ou des abandons, justifieraient, d’après
elle, que ces femmes aient des difficultés à exister en tant que sujet et légitiment leur
existence grâce à leur conjoint. Elles seraient ainsi, je cite : « Toujours dans une espèce de
dépendance à l’autre qui les mène plus ou moins à rencontrer des gens qui vont les
dominer et les maltraiter. ». Cette existence de la femme à travers le partenaire s‘est
retrouvée un peu dans le témoignage de G., mariée jeune à un homme dont elle disait :
« Il m’a fait exister en tant que femme ».
II. Prise en Compte du Phénomène Il convient de s’interroger à présent sur la prise en compte de ce phénomène.
A. Les Violences Conjugales : un Problème Public « En France, une femme meurt de violences conjugales tous les cinq jours »,
explique le Professeur HENRION. Longtemps considérées comme relevant de la sphère
35 S. KACZMAREK, op. cit., p.65
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du privé les violences conjugales seraient prises en compte à l’échelle collectives, comme
un problème public.
1. Rapport Mondial sur la Santé
Le rapport mondial sur la violence et la santé (octobre 2002) est le
premier rapport du genre à envisager la violence comme un problème de santé public
mondial. Concernant les violences conjugales, il indique que les femmes sont souvent
exposées aux risques les plus importants à domicile et dans les lieux qu’elles connaissent
bien. Il ajoute en outre que la moitié des femmes victimes d’un homicide sont tuées par
leur mari, leur compagnon ou leur ancien partenaire. Les données disponibles semblent
indiquer qu’une femme sur quatre serait victime d’un acte de violence sexuelle de la part
de son partenaire pendant sa vie. La plupart des victimes d’une agression physique
subiraient des actes de violence à répétition pendant une période prolongée. Dans un
tiers à la moitié des cas, les brutalités seraient accompagnées de sévices sexuels. Le
rapport indique que bien que les femmes puissent faire preuve de violences à l’égard de
leurs partenaires masculins et qu’il puisse également y avoir des violences entre
partenaires de même sexe, l’essentiel du fardeau est supporté par les femmes victimes de
leurs partenaires masculins. Il y est précisé également que la violence entre partenaires
comporte des actes d’agression, du harcèlement psychologique, des rapports sexuels
imposés et divers types de comportements de contrainte comme isoler une personne de sa
famille et de ses amis ou de lui restreindre l’accès à l’information ou à une assistance.
La violence entre partenaires aurait de nombreux effets immédiats et à long
terme, sur la santé, se traduisant par l’altération de l’état de santé de celui ou celle qui la
subit. Les troubles seraient variés : traumatismes physiques ; troubles gastro-
intestinaux ; dépression et comportements suicidaires. La violence entre partenaires
aurait également des répercussions sur la santé génésique et pourrait entraîner des
troubles gynécologiques, des grossesses non désirées, accouchements et naissances
prématurées, des maladies sexuellement transmissibles et le VIH/sida. En moyenne les
femmes vivant ce type de violences subiraient plus d’interventions chirurgicales, iraient
d’avantage consulter le médecin et auraient plus d’hospitalisations au cours de leur vie
que celles qui ne sont pas exposées à ce type d’abus. Cette violence aurait donc un coût.
Le rapport ajoute en outre que bien que la violence entre partenaires n’influe pas
sur la probabilité moyenne d’une femme à trouver un emploi, elle pourrait avoir des
conséquences sur les revenus, sur les performances au travail et sur les capacités à
garder son emploi.
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2. Enquête ENVEFF
L’Enquête Nationale sur les Violences Envers les Femmes en France
(ENVEFF)36 a été pilotée par le secrétaire d’Etat aux droits des femmes (Nicole PERY)
et réalisée en 2000, par téléphone, sur un échantillon de 6970 femmes âgées de 20 à 59
ans et publiée en juin 2002. Son but était d’évaluer la fréquence des différents types de
violence exercées à l’encontre des femmes, et d’analyser les conséquences de la violence
sur la santé, la vie familiale et sociale. Cette enquête montre que les différents types de
violences se superposent et s’entrecroisent (violences verbales, psychologiques physiques
et sexuelles). De même, elle fait apparaître que les violences conjugales se rencontrent à
tous les âges mais surtout chez les plus jeunes (moins de 25 ans), que la présence des
enfants et la longévité du couple ne seraient pas corrélés à la présence des violences et à
leur gravité. Elle note qu’il y aurait en revanche un lien entre les écarts d’âge et la
violence. Les femmes vivant avec leur conjoint déclareraient un peu moins les violences
que celles qui vivent séparément. Les violences conjugales toucheraient en plus tous les
milieux sociaux (le niveau de revenu n’interviendrait que peu) puisque : 11,1% des
victimes seraient au chômage contre 8.7% de cadres. La présence d’alcool aggraverait les
violences, or 70% des agressions se produiraient en dehors de toute absorption d’alcool.
3. Rapport HENRION
Longtemps considéré comme un problème social et judiciaire, la violence est
aujourd’hui considéré comme un problème majeur lié aux droits de la personne humaine.
A cet égard, le secrétariat d’Etat à la santé et aux handicapés à réuni, fin 2000, un
groupe d’experts (dont les membres de la Fédération Nationale Solidarité Femme fait
partie), placés sous la présidence du Professeur Roger HENRION (membre de l’Académie
Nationale de médecine et responsable de cette étude par le ministère de la santé). Sa
mission : recenser les données existantes sur le sujet, évaluer l’impact des violences sur
la santé physique et mentale des victimes.
Ce rapport a été rendu public en février 2001 : il s’agit du rapport HENRION.
La définition qu’il a retenue pour qualifier les violences conjugales est la
suivante : « les violences étudiées ont pour facteur commun un processus évolutif au cours
duquel un partenaire exerce, dans le cadre d’une relation privilégiée, une domination qui
s’exprime par des agressions physiques, psychiques ou sexuelles. Elles se distinguent des
conflits de couples en difficulté ».
Son équipe a interrogé au hasard un échantillon de 7000 femmes, âgés de 20 à 59
ans, habitant la capitale et sa petite couronne. Le résultat est terrifiant, il en ressort que
10% d’entre elles ont subi des violences conjugales au cours des douze derniers mois. La
36 ENVEFF, 2001, www.idup.univ-paris1.fr,
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liste de ces sévices commis dans l’intimité des couples est longue (insultes, harcèlement
moral, agressions physiques, viols, etc.)
Les conséquences seraient à chaque fois dramatiques. Certaines femmes
souffriraient de troubles émotionnels (dépression, boulimie, anorexie..), certaines même,
à bout de nerfs, se suicideraient. Et surtout, pour une autre partie, elles mourraient sous
les coups de leurs conjoints (30% auraient été abattues à l’arme à feu, 20%auraient été
étranglées, 10% auraient été rouées de coups jusqu’à la mort).
Ces violences, selon ce rapport, resteraient trop souvent taboues et franchiraient
peu les murs des domiciles familiaux.
B. La Loi : un pas vers la Reconnaissance des Violences faites aux Femmes La violence conjugale est-elle reconnue par la loi ?
1. Ce que dit la Loi
La loi numéro 92-683 du 22 juillet 1992 du nouveau Code Pénal (applicable
depuis le 1er mars 1994) réformant les dispositions du Code Pénal ne différencie pas les
violences conjugales des autres délits. Le droit sanctionne donc les violences envers
autrui (ou atteintes à l’intégrité de la personne) selon trois classifications37 :
• les contraventions : concernant les violences ayant entraîné une incapacité
totale de travail (ITT) inférieure à huit jours (article R 624.1 et 625.1 du
Code Pénal), les infractions relèvent du Tribunal de police et sont passibles
d’une amende. Le délai pour porter plainte est de un an.
• les délits comprennent les violences ayant entraînées une ITT supérieure à
huit jours (article 222-7 à 222-16 du Code Pénal). Ces infractions relèvent
du Tribunal Correctionnel et sont passibles d’amendes et/ou
d’emprisonnement (pouvant aller jusqu’à dix ans). Le délai est de trois ans
pour porter plainte.
• les crimes sont définis comme des infractions graves aux prescriptions de la
morale, et punis de peines afflictives et infamantes (viols, meurtres,
assassinats…). Ils sont jugés en cours d’assises et sont passibles de peines de
réclusions pouvant aller jusqu’à la perpétuité. Le délai pour porter plainte est
de dix ans.
La loi numéro 92-683 du 22 juillet 1992 mentionne en outre que « la qualité de
conjoint ou de concubin de la victime constitue une circonstance aggravante des atteintes à
la personne ». Il en ressort que « même s’ils n’ont entraîné aucune incapacité totale de
37 Cf. : Annexe 4
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travail, ces faits de violences sont constitutifs d’un délit, donc passibles du tribunal
correctionnel ».
2. Evolution de la Prise en Compte du Phénomène
La ministre de la Parité et de l’Egalité Professionnelle, Nicole AMELINE a
présenté le mercredi 24 novembre 2004 en conseil des ministres, le plan de lutte contre
les violences faites aux femmes. Ce plan contient dix mesures destinées à accompagner
les femmes victimes de violences et renforcer la cohérence des partenariats sur le terrain.
La ministre indiquait que « la violence est contre toute idée de progrès » et que la société
est dans son rôle lorsqu’elle y répond. Elle soulignait l’importance des violences faites
aux femmes, rappelant qu’aujourd’hui en France une femme sur dix est victime de
violence, qu’elle soit morale, physique ou psychologique et qu’en moyenne six femmes
meurent chaque mois à la suite de ces violences.
En l’état actuel du droit, la loi française ferait un pas vers la
reconnaissance des violences faites aux femmes. Ainsi, la loi relative au divorce du 26
mai 200438 prévoit un dispositif sur l’éviction du conjoint violent afin d’éviter,
comme l’a expliqué N. AMELINE, d’ajouter l’errance à la souffrance des femmes. Et la loi
portant création de la Haute Autorité de lutte contre la discrimination et pour l’égalité
votée par le Sénat le 23 novembre 2004, comporte dix mesures pour lutter contre la
discrimination faite aux femmes.39 Cette loi est applicable depuis le 1er janvier 2005. Elle
vise à simplifier et moderniser les procédures instituées par la loi du 11 juillet 1975. Elle
prévoit notamment la protection du conjoint victime de violences conjugales parmi ces
dispositions majeures :
Le ministère de la Parité et de l’Egalité professionnelle a voulu que l’éviction du
conjoint violent du domicile conjugale puisse être une des mesures permettant de
protéger les femmes victimes de violences. Outres des avantages d’ordre pratique pour
les femmes et les enfants, cette mesure doit permettre de souligner la répression des
auteurs de violences et aider les femmes victimes de violences à se reconstruire. Elle
figure dans la loi relative au divorce, mais pourra être mise en œuvre sans qu’aucune
procédure de divorce ne soit engagée. Néanmoins les dispositions prises dans ce cadre
deviennent caduques, si à l’expiration d’un délai de quatre mois à compter de leur
prononcé, aucune requête de divorce ou de séparation de corps n’a été déposée. Ainsi,
38 Loi numéro 2004.439 du 26 mai 2004 relative au divorce, Journal Officiel du 27
mai 2004 39 http:/www.premier-ministre.gouv.fr/information/actualités
L’Alsace, jeudi 25 novembre2004, p.3 : Dix mesures pour aider les femmes battues
Dominique MERCIER
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l’article 22 de la loi dispose que « lorsque des violences exercées par l’un des époux
mettent en danger son conjoint, ou un ou plusieurs enfants, le juge peut statuer sur la
résidence séparée des époux en précisant lequel des deux continuera à résider dans le
logement conjugal ». Le texte précise que « sauf circonstances particulières, la jouissance
de ce logement est attribuée au conjoint qui n’est pas l’auteur des violences ».
Enfin, le Garde des Sceaux s’est engagé à donner des instructions de politique
pénale pour l’éviction du domicile conjugal de l’auteur de violences dans les couples non
mariés, qui ne rentrent pas dans le cadre des dispositions de l’article 220-1 du code civil
consacré aux époux. Il a annoncé qu’un groupe de travail interministériel piloté par le
ministère de la justice doit formaliser la manière dont ces instructions seront transmises
au parquet40.
L’âge légal du mariage des filles pourrait en outre passer de quinze à six huit ans
et s’aligner ainsi sur celui des garçons. Le ministre de la Justice, Dominique Perben a
soutenu in amendement en ce sens au Sénat dans le cadre de la discussion d’une
proposition de loi sur les violences conjugales. Il s’agirait, selon lui de « lutter contre les
mariages forcés » car explique-t-il, « Il faut se méfier de le fausse liberté de se marier plus
jeune qui débouche sur l’absence de liberté ». Cette modification semblaient d’ailleurs
être attendue par les associations depuis des années41. Elle a été adoptée par le Sénat le
29/03/2005.
40 http:/www.social.gouv.fr/femmes/gd doss/divorce/sommaire.htm 41 http://www.liberation.fr, La mariée sera jeune par Audrey SIOURD, 25 mars
2005)
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TITRE III - LE SILENCE DES FEMMES Texte Introductif
I. Occultation ou Aménagement des Violences Nombreuses sont les femmes qui gardent encore ces violences sous silence malgré
l’évolution de la prise en compte de ce phénomène.
A. Le Cycle de la Violence et l’espoir des Femmes Le silence des femmes trouverait de nombreuses explications.
Depuis quelques années, nombre de permanences de lieux d’accueil utilisent les
concepts de cycle et de spirale de la violence dans les couples. Ces concepts leur auraient
été transmis par la Canadienne Ginette LAROUCHE et auparavant par l’Américaine
Leonor WALKER42. Ils offriraient l’avantage de décrire le fonctionnement des violences,
mais également de saisir quelque chose de leur durée. Enfin, ils nous éclaireraient sur la
« non réaction » de ces femmes confrontées au sein de leur couple à des violences,
montrant notamment que celles-ci n’auraient pas forcément conscience d’être des
victimes de violences, étant prise dans une spirale à répétition. Ce terme de cycle
reviendrait à dire que, même dans les situations les plus graves, la violence intervient de
façon discontinue, avec des temps, des respirations, des pauses et des reprises.
Ainsi, afin de comprendre que ces violences s’installent et durent, il conviendrait
d’avoir à l’esprit leur fonctionnement en dents de scie : drame et repos, crise et
retrouvailles. Ce cycle est généralement décrit comme suit dans les ouvrages que j’ai
étudiés :
Dans un premier temps, on observerait une période de tension, plus ou moins
longue et explicite, de montée de violence, avec mise en place d’un scénario qui se
révélerait souvent de même type, même si les raisons évoquées paraissent différentes :
soupe trop salée, enfants trop bruyants, etc.
Cette période aboutirait à un éclat de violence de la part du conjoint (temps 2),
c’est-à dire à une scène ou un déchaînement, de durée et de gravité variables, pouvant
être physique mais également morale (coups, insultes, humiliations, destruction d’objets,
etc.…)
Après cette crise, s’installerait dans un troisième temps une période d’accalmie
dite de « lune de miel ». Le conjoint aurait alors tendance à regretter ses actes et à
vouloir se faire pardonner. Craignant sans doute de perdre sa partenaire, il minimiserait
les faits et justifierait son comportement par des facteurs extérieurs à lui, promettant de
42 Battered women , Leonor Walker, Editions Harper and Row, 1979
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ne plus recommencer, contractant même parfois des sortes de « gages » en fixant lui-
même les conditions attentionnées vis-à-vis de sa partenaire (s’occuper des enfants, ou
autre). Il demanderait également pardon, offrant même parfois un cadeau, cela pendant
un temps. Car on assisterait ensuite à un retour à la phase première de reprise des
tensions puis des violences (phase 2), et cela, dans un temps plus restreint. Il y aurait
donc un va-et-vient permanent entre la première et la troisième phase, et ce, dans un
laps de temps de plus en plus court. Dans cette troisième phase, on retrouverait, selon F.
CHERBIT43, l’un des moteurs de ce qui explique que la femme victime reste très attachée
à son conjoint pourtant agresseur, et qu’en même temps, il y ait quelque chose qui
l’empêche de renoncer à la relation : il s’agit de l’espoir. Son partenaire redevenant celui
qu’elle avait connu auparavant ou devenant tel qu’elle l’avait longuement souhaité, la
femme resterait « prisonnière » de cette relation, ce qui permettrait d’ailleurs de
nouveaux passages à l’acte. La partenaire espérerait parvenir à le faire changer par son
amour pour lui (associé souvent à la venue d’un enfant, à l’achat d’un logement, etc.)
Et comme l’explique le Docteur I. FRANÇOIS-PURSSEL (DU victimologie, Paris
V), c’est « durant cette période de lune de miel que la femme retire la plainte qu’elle a
éventuellement déposée, renonce aux aides qu ‘elle a pu demander, et se montre confiante
de ce qui lui semble être un nouveau départ ». Ce fonctionnement de la violence tiendrait
ainsi à expliquer pourquoi les femmes victimes de violences continuent à les vivre, des
années durant, sans réagir, ou alors, quand elles décideraient d’y mettre fin, pourraient
être amenées ensuite à revenir sur leur décision. C. disait pour sa part avoir pris
conscience, à un moment donné, que cette situation de violence ne pouvait plus durer. Or,
elle me racontait qu’elle était partie plusieurs fois, de courtes périodes de deux ou trois
semaines, avant de partir définitivement après deux ans. « Je ne recommencerai plus »,
lui disait-il, tu es la « femme de ma vie », la « mère de mon fils », « tu es la femme
parfaite ». Ces propos la poussaient à revenir. Le cas de A.D. est également assez
parlant, lorsqu’elle décrit les violences au sein de son couple : « il cassait tout : la
télévision, …tout ! Ce climat de violence m’impressionnait. Une heure après, il était calme,
j’étais sa reine. ». On comprend à travers ces propos une certaine incompréhension face à
ces changements subits de comportement. Puis elle m’explique ses tentatives afin de
l’aider : « j’ai essayé de tout faire pour l’aider, je lui ai présenté des gens d’association ».
Des tentatives se soldant par des échecs « ça n’a rien changé, au contraire, sa colère s’est
accentuée (…). Je lui ai dit de prendre rendez-vous chez le psy. Il a pris rendez-vous mais
n’y est jamais allé ».
L’exemple de R. est selon moi celui qui représenterait quant à lui le mieux la
période de rémission. R. venait en effet d’être violentée par son conjoint lorsque j’ai été
amenée à la rencontrer, dans le cadre d’un stage, à son domicile. En entrant, mon regard
43 CHERBIT F, www.enm-justice.fr
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s’est immédiatement porté sur un splendide bouquet de roses rouges posé sur la table du
salon. Son conjoint venait de les lui offrir, m’a-t-elle dit, lui rappelant combien il l’aimait
et tenait à elle. Le visage de cette jeune fille était couvert de bleus. Comment ne pas être
frappée par ces deux images parallèles si paradoxales ?
B. Le Réflexe de Défense des Femmes Les femmes mettraient parfois en place des stratégies de protection.
1. Normalisation de l’Acte Violent
Aux premiers coups, écrit S.KACZMAREK44, la femme est choquée. Les femmes
battues ne réalisent que progressivement qu’elles vivent un vrai cauchemar. D’autant
plus que les coups amènent des sentiments de culpabilité. On assisterait donc, d’après
elle, à un fort désir de normaliser l’acte violent. Et c’est seulement la verbalisation de son
expérience conjugale qui permettrait à la femme de comprendre enfin ce qui lui est
arrivé. Beaucoup de femmes rencontrées seraient ainsi dans le doute : « Elles doutent
qu’il s’agisse de violences conjugales. Quand elles évoquent ces violences, c’est bien souvent
comme si elles venaient « vérifier » qu’elles sont dans ce cas », selon F.CHERBIT.45
La psychologue des urgences d’un Centre Hospitalier me disait que toutes les
femmes qu’elles rencontraient n’en n’étaient pas au même niveau dans leur parcours de
femmes victimes de violences, et que de ce fait, elle ne tenaient pas le même type de
discours. Elle m’a évoqué l’histoire d’une jeune femme de vingt six ans, victime pour la
première fois des violences de son conjoint, qui semblait être dans le déni et disait : « Oui
mais enfin il me gifle, quand on reçoit une gifle ça ne veut pas dire qu’on est une femme
battue, être une femme battue c’est quand ça revient plusieurs fois et pendant des années ».
Cependant, rajoute la psychologue, aux vues des traces jaunes que portaient ses
pommettes, cette femme semblait avoir subi d’avantage qu’une simple gifle.
2. Stratégie de Survie
Dire non à la violence ne signifie pas forcément partir46, mais décider de ne plus
subir cette violence ; c’est commencer à envisager qu’on peut faire quelque chose pour
s’en écarter.
J’ai constaté avec un certain étonnement, à travers les témoignages de
femmes que si effectivement, elles étaient restées, parfois très longtemps avec leur
partenaire violent, elles avaient, pour certaines, mis en place des « stratégies de survie »,
44 S.KACZMAREK, op. cit., p.45 45 F.CHERBIT, op. cit., internet 46 BIN-HENG Mary, CHERBIT Framboise, LOMBARDI Edith, op. cit., p.133
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trouvant des solutions propres à chacune de leurs situations leur permettant de
continuer à supporter la violence ou encore plus, à l’éviter ou l’ « apprivoiser ». Ainsi pour
AN., cela consistait-il à donner à ses enfants un ensemble de recommandations afin de ne
pas fâcher son mari : aller dans leur chambre, se taire etc. G, quant à elle, allait se
cacher : « A chaque fois que je l’énervais, pour éviter qu’il m’agresse, j’allais me planquer,
je partais. Par exemple, il arrivait, pour pas exploser devant les enfants, surtout quand ils
étaient là, j’allais dans les escaliers, là où il y avait le vide ordure, pour qu’il ne me voie
pas, que ça donne rien. ».
La stratégie de survie serait encore dans le registre de l’espoir. La femme
tenterait de trouver une solution pour mieux supporter la violence car elle ne renoncerait
pas à l’idée de faire changer son partenaire.
Cette stratégie pourrait ainsi être comparée à une « mécanique bien
huilée » dans laquelle la femme continuerait à fonctionner. Sa logique interne serait en
tout cas issue des lois édictées par le partenaire violent et intégrées par la femme, en
dehors de toute logique extérieure apparente, et renforcée par l’isolement.
Pour chaque personne, l’aménagement de la violence serait donc différent.
Ces aménagements procéderaient d’une réponse individuelle fermée à un problème vécu
individuellement dans le monde clos du privé.
II. Tiraillement entre l’Impossibilité et l’Envie de
Parler Les femmes victimes de violences conjugales seraient assez souvent réduites au
silence.
A. Honte et Enfermement. Selon F. CHERBIT47, la non identification comme victime procède de plusieurs
éléments que l’on retrouve quasi systématiquement dans les paroles de femmes
rencontrées : l’enfermement, le peur, la honte.
L’enfermement serait double : la victime de violences conjugales serait
enfermée dans la loi du silence puisque souvent, les seuls à être au courant de cette
situation de violence sont les deux partenaires. Ils seraient liés très fortement dans et
par cette relation qui serait, en quelque sorte « bétonnée » par le silence de la femme qui,
en avouant à l’extérieur qu’elle est violentée craindrait de « trahir » son partenaire.
F.CHERBIT compare ce silence au milieu carcéral puisqu’il s’agit, selon elle d’un monde
de secret et d’enfermement. Mais cet enfermement proviendrait également de l’isolement
47 F.CHERBIT, op. cit., internet
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dans lequel la femme serait confinée par le partenaire violent, un peu comme le tissage
d’une toile, où il lui serait interdit de voir amis, puis famille, puis de parler avec les
voisins, jusqu’à ne plus avoir du tout de contact, voire même être séquestrée. R. avait
ainsi été séquestrée deux jours durant par son concubin. Ce dernier l’avait également
coupée progressivement de ses amis.
Puis il y aurait la peur qui serait, selon l’auteur : le meilleurs cadenas de
l‘« enfermement » : peur de la violence, de la mort (réelle ou symbolique), la peur de
rester, la peur de partir, la peur qui tétanise et envahit la pensée, ne laissant aucune
place pour autre chose. Ainsi R. m’expliquait qu’elle ne disait plus rien car elle craignait
son compagnon : « J’avais envie de partir depuis longtemps mais je me disais que si je
partais il me retrouverait et me tuerait. Il y a des moments où j’étais comme paralysée
tellement il me faisait peur ! »
Un des enseignements de l’enquête ENVEFF a été de mettre en évidence
l’ampleur du silence et l’occultation des violences par les femmes qui les subissent. « En
cas de violence, brisez le silence. » dit le slogan des assises nationales contre les violences
envers les femmes.
Je me suis alors interrogée sur les raisons qui font que ces femmes gardent le
silence malgré les violences qu’elles subissent. Le livre de D.W. LANG48 m’a apporté un
élément de réponse à ce questionnement. Il écrit en effet que les femmes se taisent « par
honte, par culpabilité, par peur ou parce qu’elles pensent ne pouvoir vivre autrement ».
La honte justifierait-elle ainsi le fait que les femmes victimes de violences ne
parlent pas ? Mais la honte de quoi ?
Pour Vincent de GAULEJAC49 , « la honte est une souffrance d’autant plus forte
que par nature on en parle peu. » Il différencie l’humiliation, amenant à taire les
violences subies, à se replier sur soi-même, à cultiver un sentiment d’illégitimité, et à se
voire comme « un moins que rien », de la gêne éprouvée face à la honte d’autrui, qui
conduit le plus souvent à une mise à distance, un refus d’entendre ce qui dérange. Il
ajoute à cela que l’écoute de celle ou celui qui a honte est difficile. Les deux attitudes se
complètent et se renforcent. La gêne des uns contribuerait au rejet des autres, et au
silence de tous. « Comprendre, écouter, dire la honte, c’est s’affranchir d’une partie de la
souffrance qu’elle provoque. ». Les violences extrêmes associeraient l’humiliation à la
violence physique. Face à ces traumatismes, l’homme montrerait ses capacités de
résistances insoupçonnées, qui ne seraient pas sans conséquence psychique. En étudiant
les témoignages de ceux qui ont été confrontés à de telles expériences « ont été frappé par
l’importance donnée, pour assurer la survie, à la question de la honte ». La honte
présenterait un double visage : elle rongerait de l’intérieur celui qu’elle habite, mais
48 D.W. LANG, op. cit., p.129 49 Vincent de GAULEJAC49, Les sources de la honte, Desclée de Brouwer, p.119
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permettrait également de préserver un lien fondamental, là où la violence risquerait de
tout détruire.
Dans les situations de maltraitance, il observe que les victimes sont partagées
entre l’impossibilité et la nécessité d’en parler. Et lorsqu’elles arrivent à se faire
entendre, elles évoquent toutes le sentiment de honte qui les habite. Il s’étonne alors
même : « Alors que l’on pourrait attendre la honte du côté des bourreaux, on la trouve
surtout du côté des victimes ». Vincent de GAULEJAC explique le sentiment de honte à
travers le cas de D. BISSON50, enfermé durant huit années de sa vie, enchaîné, ligoté,
violenté par sa mère et son beau-père.
Le sentiment de dévalorisation, de mésestime de soi, serait souvent présent chez
les personnes ayant fait l’objet de violences. Ce qui les amène souvent »à s’identifier
souvent à un objet qui symbolise la saleté, la déjection, le rejet ». C’est un constat que j’ai
fait souvent au cours de mes entretiens. G. par exemple, m’a dit que souvent, suite à des
violences, elle pensait en ces termes : « je suis une merde, je ne vaux rien ». S.
KACZMAREK51 écrit que les femmes se vivent souvent dans le négatif : « Je suis
incapable, je ne comprends jamais, je n’y arrive pas ».
Vincent de GAULEJAC ajoute en outre que la capacité de dire la honte ne dépend
pas seulement de la possibilité de parler, Elle dépendrait également de la nécessité d’être
écouté et entendu. Et pour accepter d’entendre la honte d’autrui, il faudrait pouvoir
entendre l’écho qu’elle provoque en soi. Cela nous amène inévitablement à nous
interroger sur la capacité d’écoute des travailleurs sociaux, des policiers, gendarmes et
tout autre intervenant pouvant être amené à intervenir dans le cadre de problèmes de
violences conjugales :
• Comment écoutons-nous les femmes victimes de violences ?
• Qu’est-ce que ces violences nous renvoient ?
• Quel impact cela peut-il avoir sur nos réactions et sur la manière
d’appréhender ces femmes et donc leur ressenti ?
Dénouer la honte reviendrait donc à se confronter au regard d’autrui dans ce qu’il
comporte d’évaluation pour soi, mais aussi comme « un miroir de l’âme » qui exprime la
détresse intérieure, la peur de l’autre, la honte de soi.
L’auteur52 note en plus les différentes contradictions régissant les rapports entre
ceux qu’il nomme « tortionnaires » et leurs « victimes ». Ces « bourreaux », afin d’évacuer
la culpabilité, rejetteraient toute la responsabilité de leurs actes sur les autres ; ainsi,
dans le cas des violences conjugales, sur leur épouse ou conjointe. Cela peut même
50 D. BISSON, E. de SCHONEN, 1993, page 49. 51 S. KACZMAREK, op. cit. 52 Vincent de GAULEJAC, op. cit., p.119
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parfois déboucher sur une situation pouvant paraître paradoxale dans laquelle les
coupables se vivraient comme innocents et ceux qu’ils auraient avilis, comme honteux.
L’impuissance à réagir, à s’opposer, à refuser ce qu’il y a d’inhumain dans une
situation pourrait souvent, selon lui, susciter un sentiment de honte. Dans ce type de
situation, en effet, la honte permettrait, dit-il de « résoudre » la contradiction entre la
nécessité de réagir face à l’intolérable et l’impossibilité de la faire sans risquer sa vie. On
pourrait alors faire un parallèle avec la honte qu’a suscité l’immobilisme de millions de
personnes face aux déportations d’êtres humains et à l’horreur des camps de
concentration.
Ainsi, dans le cadre des violences conjugales, certaines femmes seraient donc
amenées à accepter avec résignation des conditions de vie et des situations de violence
que chacun pourrait d’ailleurs considérer comme intolérables et inhumaines. Cette
acceptation suscite cependant des sentiments de honte. R. après avoir été violentée par
son conjoint, m’a ainsi fait part de la honte qu’elle éprouvait face à son propre manque de
réaction. Elle disait en avoir pleinement conscience mais justifiait son attitude par la
peur que suscitait en elle la violence de son conjoint et surtout par la crainte qu’il ne la
tue.
Selon un membre de la Fédération Nationale Solidarité Femmes Battues,53 le
corps des femmes victimes de violences serait aussi l’objet de honte. De ce fait, les
femmes chercheraient à cacher ce corps, preuve de honte, de manque d’amour et de
violence. Honteuses de cette violence, elles se sentiraient responsables et coupables du
comportement de leur partenaire. Ainsi, ai-je pu relever parmi les témoignages de
femmes, des paroles de culpabilité et de honte du type : « qu’est-ce que j’ai fait pour
mériter ça ? », ou « Ca doit être de ma faute », « je ne comprends pas ce que j’ai fait … ». En
cherchant la cause de ces violences, elles auraient en quelque sorte préalablement
intégré une légitimité de cette violence qu’elles subissent. Cette punition (la violence)
serait la conséquence d’une faute qu’elles auraient commise. Leur corps deviendrait donc
gênant pour elles, puisque objet de honte. Ainsi en rabaissant les manches de son pull
R…me dit avec gêne : « quelle honte ! J’ai des traces sur tout le bras, qu’est-ce que j’ai fait
pour ça ? Je n’imaginais pas que cela pouvait m’arriver, à moi ».
J’ai cependant observé différents comportements. La honte, face à
l’incompréhension d’autrui, membres de la famille, médecins, policiers….est un élément
qui m’a frappée. J’ai noté plusieurs témoignages de femmes : Mme M. m’expliquait lors
d’un entretien, au cours de l’un de mes stages, qu’elle ne voulait plus aller chez son
médecin traitant car elle avait trop honte : « je ne veux pas retourner chez le docteur….car
il ne comprendra pas que je reste avec mon mari. D’ailleurs personne ne le comprend,
même pas moi-même ».
53 BIN-HENG Mary, CHERBIT Framboise, LOMBARDI Edith, op. cit., p.63
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J’ai retrouvé chez certaines femmes différentes sources de honte :
• la honte du regard des personnes sur leur propre situation,
• la honte de l’image qu’elles ont d’elles-mêmes,
• la peur d’être catégorisée.
R. dit : « Je n’imaginais que cela pouvait m’arriver ». On peut sans doute,
entendre sa crainte d’être à son tour catégorisée parmi les femmes battues.
B. Le Poids de l’Entourage dans le Silence des Femmes L’entourage jouerait également parfois un rôle important dans la réaction de
passivité des femmes vivant des violences au sein de leur couple. 54
On peut alors distinguer, selon que les situations de violences sont connues ou
non par cet entourage.
Lorsqu’elles sont connues, on peut noter en général deux grands types de
réactions « négatives ». Dans certain cas en effet, si l’on en croit l’éducatrice d’un centre
d’hébergement pour femmes victimes de violences, celles-ci sont « vues ou entendues par
l’entourage qui n’en fait pas grand-chose ». Ainsi, AD. raconte : « J’ai eu mes premières
claques, j’ai saigné. Ses sœurs sont venues, je saignais de la lèvre : elles ont poussé des
éclats de rire et sont parties. ». A.D. aurait également été confrontée à la passivité de son
beau-père. « J’ai tenté d’en parler avec lui, disant que ça n’allait plus. Il m’a répondu que
son fils avait toujours été comme ça et ne changerait pas. Pour lui, ce n’était rien : juste
des gros mots.». Dans d’autres cas, l’entourage peut aussi pousser à la persistance de la
situation de violence. Ainsi, Madame K. m’a-t-elle expliqué que dans sa famille, on l’avait
incitée à ne pas réagir : « Quand j’ai dit à mon cousin que mon mari était violent, il m’a
consolée, puis m’a dit de rester raisonnable et de ne pas divorcer ». Comme si finalement,
elle était responsable de la bonne marche du ménage et qu’il lui incombait de rechercher
en elle les causes du problème. On peut alors se demander comment une femme qui
aurait subi ce type de maltraitance peut être amenée à les dénoncer ou à les fuir, quand
son entourage lui-même se refuse à les entendre, à les voir, et les relativise, voir même
les nie. A ce propos, G. m’a avoué avoir beaucoup souffert de cette réaction de déni de ses
beaux-parents ; elle m’a dit, je cite : « après ce premier truc, j’en ai parlé à mes parents qui
sont allés voir mes beaux-parents et tout a été nié. Je racontais des conneries, ce n’était pas
vrai, et puis c’est moi qui l’avais cherché, c’est moi qui avais exagéré ».
Mais il arriverait également souvent que ces violences à l’égard des femmes ne
soient pas crues, si l’on en croit l’intervenante d’une association d’aide aux victimes, ceci,
compte tenu du décalage existant entre l’image positive renvoyée par l’homme concerné,
et les accusations portées à son encontre. L’exemple de C. tendrait à confirmer cela :
54 KACZMAREK S., op. cit., p.29
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« c’est vrai qu’il avait une double face : calme et gentil. Et puis ma mère ne me croyait pas
au début ».
Dans d’autres situations, les tentatives d’aborder ce problème des violences
seraient multiples, mais avorteraient à chaque fois face aux reproches effectués par les
proches d’où le choix de ces femmes de ne pas persévérer dans cette démarche. C’est le
cas notamment pour A.N., qui m’a exprimé son découragement après avoir essuyé des
reproches de la part de sa famille et de ses amis, du type : « tu t’es déjà mariée, c’est déjà
la seconde fois, il ne fallait pas te remarier, faire un enfant et acheter une maison !
Maintenant, il faut assumer ! ». Et si elle admet n’avoir jamais évoqué les violences
réelles de son mari, mais plutôt les difficultés rencontrées dans leur couple, ainsi que ses
inquiétudes face à la répétition des comportements agressifs de son mari à l’égard des
enfants ; elle disait en revanche que l’attitude de ses proches l’avait profondément incitée
à se taire par la suite. « On me répondait, dit-elle, c’est peut-être les enfants aussi qui le
cherchent, alors bon ! ».
Le silence de ces femmes s’expliquerait également par la honte ressentie vis-à-vis
de l’entourage, selon la Directrice d’un Centre d’Accueil et d’Ecoute : l’aspect honteux de
la situation les amènerait dans un premier temps à protéger leur mari mais elles-mêmes
également, notamment, lorsqu’elles travaillent. « Elles vont raconter qu’elles se sont cogné
dans la porte ou sont tombées dans les escaliers, par crainte du jugement de leurs
collègues et de leur entourage », m’a-t-elle confié. R. craindrait quant à elle le jugement de
sa famille. Etant d’origine marocaine, elle redoute que ses parents apprennent qu’elle vit
avec un garçon sans être mariée : « J’aurais trop honte s’ils l’apprenaient. Et je ne préfère
même pas envisager leur réaction ! ». Une psychologue m’a expliqué qu’il est rare que
l’entourage soit mis dans la confidence de ce qui se passe dans le couple : « certaines vont
cacher leurs bleus, parce qu’il y a un paraître à l’extérieur du couple, avec souvent un
homme qui est perçu par les autres comme charmant, très sociable, et ce qui se passe dans
le couple n’est pas interposable avec ce qui se passe à l’extérieur du couple ». Pour elle, en
effet, il y aurait une sorte de façade à entretenir, « le verni du premier jour » devant être
maintenu. Les explications de ce silence seraient donc multiples, mais il conviendrait
avant tout, selon elle, de comprendre combien il est difficile de parler à d’autres de ce que
l’on supporte quotidiennement (et qui plus est, des personnes se préoccupant de sa santé
et de son moral) et qu’ils ne supporteraient certainement pas.
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TITRE IV - PARTIR OU RESTER ? Certaines femmes restent avec leur mari ou conjoint (compagnon) malgré les
violences qu’elles subissent. D’autres, partent puis reviennent. Je me suis demandée ce
qui les retenait.
I. Le Départ des Femmes :
« Une Longue Maturation Psychologique » La décision de départ constitue pour les femmes un choix difficile.
A. La Décision et la Remise en Cause du Lien avec le Partenaire Le lien unissant les femmes à leur partenaire constituerait un frein à leur
décision, de même que l’apparence passionnelle de leur relation.
1. La Force du Lien unissant les Partenaires
Pour S. KACZMAREK55: le sentiment amoureux expliquerait pour une part leur
passivité ou cette difficulté à réagir. Ainsi, même si cela peut sans doute paraître difficile
à comprendre, il semblerait donc que l’amour ait une part d’explication dans
l’instauration de la situation de violence. Daniel WELZER-LANG 56 reprend cette idée en
soulignant qu’amour et violence ne s’opposent pas nécessairement mais que ce sont
simplement deux réalités distinctes à géométrie variable.
J’ai pour ma part retrouvé de grands témoignages d’amour à travers les
témoignages de femmes ; certains m’ont même parfois frappée. A.N., par exemple, m’a
expliqué qu’elle a mis de nombreux mois avant de partir et se justifie « parce qu’en fait,
j’aime énormément mon mari malgré tout ça…les sentiments sont là…donc…c’est les
sentiments pour mon mari qui m’ont fait rester aussi longtemps ». Puis elle rajoute, la
voix tremblante et les larmes aux yeux : « je l’aime encore [...] Disons que si je pouvais
enlever cette violence, je donnerais bien ma main droite pour faire ma vie avec lui. » Puis,
après un court silence : « Il y a que lui, quoi [...] ! Quand j’ai connu mon mari, pour moi,
c’était l’homme de ma vie, mais vraiment ! Et pour moi, c’est même difficile à expliquer, en
fait. J’ai jamais cru au coup de foudre jusqu’à ce que je le rencontre. Et je suis encore
persuadée que c’est l’homme de ma vie. ». A.N. était partie depuis quelques mois de son
domicile quand je l’ai rencontrée. Mais son amour pour son mari semblait resté intact, en
55 S. KACZMAREK, op. cit., p.64 56 D. WELZER-LANG, op. cit., p.38
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dépit des violences vécues par le passé et les quelques mois de séparation. En la quittant,
je n’ai pu m’empêcher de me demander si l’appel de l’amour ne serait pas plus fort que
son besoin de se préserver.
J’ai par la suite retrouvé ce fort sentiment amoureux à travers les propos de G. :
« J’étais relativement dépendante de lui, j’étais très jeune, très amoureuse », me confia-t-
elle. « Pour moi, c’était le Prince Charmant, c’était l’homme de ma vie. C’était le père de
l’enfant qu’on allait avoir [...]. j’étais un peu jalouse et puis c’était un peu normal». Puis,
elle m’a expliqué qu ‘après quatre ans de mariage et des épisodes de violence, son mari a
eu une aventure avec une autre, pour laquelle d’ailleurs il a fini par la quitter. Pourtant,
a-t-elle continué : « Il est revenu. Mais j’ai appris après que c’est ses parents qui l’ont forcé
à revenir. On se serait peut-être séparés là, sinon… Et c’est vrai que j’étais sur le fond très
contente… ». Puis, elle m’a expliqué la douleur ressentie ensuite : « J’étais très mal de
voir que j’avais été trompée, qu’il aimait ailleurs…Pour moi, le monde s’écroulait…J’ai
pris ma première claque, là ! ». Puis, et le parallèle avec A.N est ici frappant : « Autant les
violences c’était autre chose, autant le fait d’être trompée, qu’il soit parti, d’être
abandonnée : j’ai pris une claque maison ! » a-t-elle continué, comme si finalement, les
violences subies avaient pris à ce moment là moins d’importance que les souffrances
ressenties dans son cœur. Avec du recul, mais toujours troublée, elle comprend sa
situation de la manière suivante : « C’était mon premier amour, le premier homme de ma
vie. C’était vraiment mon premier grand amour. C’était vraiment l’homme, le premier, qui
a posé un regard sur moi. C’était vraiment les sentiments. J’ ai été vraiment amoureuse de
lui, et puis voilà… Et en même temps, à chaque fois, tu lui trouves des excuses… ».
L’amour que ressentent ces femmes pour leur mari expliquerait donc leur
tolérance face aux maltraitances. Dans certains cas, elles penseraient même parvenir,
par leur amour et leur présence, aider cet homme à surmonter ce problème. Ainsi A.D.
m’avait confié qu ‘elle aimait son mari, qu’elle en avait même pitié, et qu’elle pensait
l’aider et le changer. Il arrivait en outre à la faire céder en la prenant par les sentiments,
et cela, cinq années durant. D’après la Directrice d’un centre d’accueil et d’écoute pour
femmes victimes de violences, ces femmes aiment leur mari, car « elles vivent avec et ne
l’ont pas épousé par hasard, pour la plupart d’entre elles du moins ». D’une manière
générale, elles auraient donc un lien les unissant à cet homme (des enfants, par
exemple), lien qu’il serait difficile de couper sans par ailleurs en souffrir horriblement.
Par expérience, m’a-t-elle dit, « on sait que parfois, elles peuvent prendre une décision
sans que le lien ait été coupé. On peut alors imaginer la suite… ». Les propos de C.
semblent d’ailleurs confirmer cette idée : « J’ai quand même fait un enfant avec lui, je me
suis mariée ; c’est un engagement, quand même ! ».
Les professionnels que j’ai rencontrés s’accordent à dire qu’il est important de
comprendre que ces femmes ont besoin de temps, avant de prendre une décision si
difficile, compte tenu de la remise en cause préalable de la relation qu’elle nécessite.
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« C’est dur d’admettre que cette relation est finie. C’est quelque chose que l’on comprend,
que les gens aient besoin de plusieurs départs », m’explique l’intervenante d’une
association d’aide aux victimes. Elle ajoute en outre que déposer plainte contre une
personne que l’on aime est une démarche extrêmement difficile, parce qu’en dépit des
violences, l’amour et l’espoir de changement resteraient très présents. Selon elle en effet,
l’amour serait quasiment toujours présent, malgré les violences, et ce, des deux côtés.
Son collègue relevait d’ailleurs la récurrence de cet aspect sentimental, à travers un
propos qui revient souvent : « Il me frappe, mais je l’aime toujours ».
L’éducatrice d’un centre d’hébergement pour femmes victimes de violences notait
quant à elle une certaine perversité dans le couple, engendrée par cet amour. Les femmes
accueillies oublieraient selon elle très rapidement ce qui s’est passé et les a menées à
fuir.
2. Légitimation de la Violence par la Passion ?
Ces témoignages m’ont amenée à me demander, si, outre le fait que l’amour
ressenti par ces femmes explique en partie leur passivité face aux maltraitances subies,
les violences ne sont pas l’expression d’une relation passionnée ayant mal tourné. Un
parallèle a en effet souvent été effectué, dans les histoires de violence conjugale, entre
violence et passion. L’histoire tragique de Marie TRINTIGNANT en est sans doute l’une
des meilleures illustrations.
De fait, il semblerait qu’il existe de nombreuses caractéristiques communes entre
une relation passionnelle et une relation de violence, la seconde étant une caricature de
la première.57 Toutes deux seraient en effet des situations extrêmes dont le crime
passionnel constituerait l’exemple paroxystique. Ainsi donc, serait-il justifié de parler
d’amour dans la relation de violence ou de passion amoureuse (nous rappelant l’histoire
de Roméo et Juliette). Pour les membres de la Fédération Nationale Solidarité des
Femmes, la relation de violence ne serait pas une relation d’amour qui aurait mal tourné.
Elle reprendrait les caractéristiques d’une relation passionnelle, sans pour autant en
avoir la même origine, c’est à dire : l’amour, l’état amoureux. La relation de violence se
réfèrerait à l’imagerie de l’amour pour se légitimer.
C’est en tout cas ce que dénonce Valérie TORANIAN, journaliste de Elle, dans son
article portant sur Marie TRINTIGNANT, décédée des suites de violences conjugales, et
repris dans le livre de Nadine Trintignant, sa mère, en guise d’hommage et de souvenir.
Elle écrit : « De quelle passion parle-t-on ?... De quels gestes d’amour s’agit-il ? Je cogne
ton visage, je démolis ta chair, je fais jaillir ton sang…Marie Trintignant n’est pas morte
de l’amour et de la passion, c’est un habillage insupportable de la réalité, comme si le
crime trouvait là son expression sublime ; pire, comme si la passion l’anoblissait, le
57 Mary BIN-HENG, Framboise CHERBIT, Edith LOMBARDI , op. cit., p.50 s.
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légitimait. ». Puis elle ajoute : « L’amour peut briser les cœurs. Pas les corps. L’amour
reste ce que nous avons de meilleur à proposer. Pas le pire. »58
Ainsi, au début, la femme violentée ne parviendrait pas à décrypter ce code
comme provenant de la violence, ni comme inspiré par l’amour. Le comportement violent
se cacherait derrière le comportement passionnel (amoureux / excessif) pour ne pas être
repérer comme inacceptable. L’histoire sordide de Marie TRINTIGNANT en est sans doute
l’illustration parfaite, puisque souvent présentée dans les médias comme une histoire
passionnelle à fin tragique, souvent comparée d’ailleurs à celle de Roméo et Juliette ; elle
ne fait que traduire en réalité l’issue tragique de la violence au sein d’un couple. Une
femme victime de violence aurait donc besoin de se raccrocher, selon cette analyse à un
concept idéalisé : celui de l’amour, un concept positif, pour ne pas basculer dans
l’incompréhensible. Et cette confusion serait d’ailleurs fortement édifiée et entretenue
par le partenaire violent. Cette analyse explique sans doute la remarque de S. qui, après
avoir été violentée par son conjoint me disait : « Il m’a frappée parce qu’il est trop jaloux.
Il m’aime vraiment. »
Ainsi, selon M. BIN HENG, F. CHERBIT et E. LOMBARDI, il serait précis, plutôt que
de relations de violence, de parler de passions haineuses. Car la passion serait
effectivement présente comme dans l’amour passionnel, bien que ce soit la haine qui lui
donne ses caractéristiques violentes, sadiques, destructrices, cela devant l’amour de la
haine (s’ancrant dans la relation et auto fonctionnant dans son mode clos).
La société dans laquelle nous vivons nous donnerait en outre un ensemble de
représentations où il y aurait identification entre possession et amour. Chez l’homme
violent, cette identification se retrouverait renforcée par le rôle de dominant qui lui serait
habituellement dévolu. Dans la passion, classiquement, il y aurait le désir de possession
dans la trajectoire qui unit les deux partenaires en présence : on voudrait l’autre, se
perdre dans l’autre, ne faire plus qu’un. Un sujet tendrait à se perdre dans l’autre mais à
l’intérieur d’un jeu dont les règles serait établies, connues par les deux et permettant le
changement de rôle. La passion amoureuse serait ainsi une inter possession, jeu de
réciprocité, où l’on jouerait à perdre l’autre et à se dérober de l’autre. Or la femme battue
ne parviendrait plus à utiliser ce changement de rôle. Au début seulement peut-être,
pouvant être la maîtresse, sa mère, sa confidente ou sa complice. Mais au fur et à mesure
que la violence s’installerait et augmenterait, son champ d’action se rétrécirait : il y
aurait en effet de moins en moins de rôles possibles. Le jeu dans la passion favoriserait
l’érotisation du rapport, alors que dans la violence, elle engendrerait la haine, la
morbidité.
58 Journal Elle, Valérie TORANIAN, dans Ma fille Marie , pages 59-60, Nadine
TRINTIGNANT, éditions Fayard, Octobre 2003.
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De même, la relation de violence s’inscrirait dans la possession de l’autre, dans le
pouvoir sur l’autre en rejetant l’altérité. L’homme violent serait amené à réduire cette
altérité à rien. Autant dans la relation passionnelle, on chercherait à deux à former une
unicité, un tout, autant dans la passion haineuse, la violence, la fusion tendrait à la
négation de l’autre, à sa destruction physique et morale, réelle et symbolique.
Le docteur I. FRANÇOIS PURSELL, a quant à lui un point de vue très catégorique.
Pour lui, « La violence conjugale n’a rien à voir avec l’amour ou le non amour. ». Le
partenaire violent ne supporterait simplement pas que l’autre ne soit pas conforme à ce
qu’il attend, ni que l’autre lui échappe, vive quelque chose en dehors de lui. Pour
certains, il s’agirait de la seule façon dont il disposerait pour nouer un lien.
B. Un Départ Maintes Fois Différé Pour certaines femmes, le départ nécessiterait une longue réflexion, compte tenu
des conséquences qu’il implique.
1. Aller-retour
Daniel WELSER LANG 59 dit dans son livre qu’il aurait observé que plutôt que
de parler de « rupture », il serait plus juste de parler d’« espace de rupture ». La fuite
serait en effet, selon lui, l’aboutissement d’un long processus dans lequel la femme mûrit
son départ. Dans cet espace, explique-t il, il y a une distance entre l’idée de partir et la
décision définitive de partir, entre la tentative d’échapper au mari et l’obtention de
moyens matériels et/ou psychologiques pour vivre de manière autonome. Si l’auteur
admet que l’on peut considérer que l’amour explique en partie la difficulté des femmes à
rompre cette situation de violence au sein de leur couple, cela ne suffit pas, selon lui, à
comprendre les nombreux allers et retours, domicile/foyer ou domicile/lieu
d’hébergement, que font certaines femmes violentées. Partir ou rester serait en effet la
question qui se poserait à toutes et à chacune60. Une question qui serait d’ailleurs posée
le plus souvent brutalement par l’entourage, en raison de l’incompréhension qu’elle peut
susciter : « Mais pourquoi ne partent-elles pas ? Si je subissais des outrages de cette façon,
je partirais », sont des propos qu’il n’est pas rare d’entendre.
Ainsi l’on peut se demander ce qui fait que cette décision : celle de partir, soit si
souvent difficile à tenir et surtout pourquoi, le plus souvent, elle est remise en question ?
Le fait de montrer qu’elles peuvent partir représenterait pour certaines, un pas décisif
vers leur émancipation.61Car outre une réponse ponctuelle à une peur de mourir, la fuite
59 Daniel WELSER LANG, op. cit., p.140 60 Mary BIN-HENG, Framboise CHERBIT, Edith LOMBARDI , op. cit., p.108 61 Daniel WELZER LANG, op. cit., p. 141
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pour violences conjugales serait aussi une déclaration publique de la violence du
partenaire, une forme de dénonciation du secret qui entourait jusque là ses pratiques.
Les accueillantes de centres d’hébergements s’accordent à dire que le fait de
rester ou de partir se pose à toutes les femmes vivant ce type de violence et que c’est à
elles seules d’en prendre la décision. Or, selon ces professionnelles, la prise de décision,
quant une femme a vécu dans la peur demanderait des efforts considérables de sa part,
puisqu’elle aurait en quelque sorte « désappris » à décider. Elle aurait en effet pris
l’habitude de laisser son partenaire faire les choses, puisqu’il s’imposait et malgré
quelques tentatives de s’y opposer, son manque de force l’aurait rapidement contrainte à
abandonner. R. m’a ainsi fait part de ses envies fréquentes de s’affirmer, riposter ou
décider. Mais, me disait-elle : « Je savais qu’il allait s ‘énerver et devenir violent, par
contre, je ne savais jamais comment cela pouvait finir ! Et puis, j’en ai eu marre, qu’est-ce
que je pouvais faire ? Alors à la fin, je ne disais plus rien. Je lui donnais toujours
raison ! ». Prendre une décision engendrerait une certaine panique chez ces personnes, et
c’est pourquoi, d’après les accueillantes, ce moment serait repoussé. Certaines femmes
attendraient ainsi des années avant de partir. « Rarement c’est le premier départ qui est
le bon », écrivent des professionnelles de centres d’accueil 62selon elles, quand les femmes
s’interrogent sur les possibilités qui s’offrent à elles, il serait important de se montrer
vigilant et décoder avec elles leur demande réelle, afin de comprendre si elles ont
vraiment le souhait de partir et éprouvent le besoin d’être rassurées, ou si elles veulent
rester et simplement signifier leur souffrance, ou enfin prendre le temps d’agir en
connaissance de cause. La psychologue des urgences d’un centre hospitalier me disait
justement qu’à son sens « on ne tient pas assez compte de ce que veut la femme pour son
couple. ».
Les professionnels de centres d’hébergement s’accordent à dire que les moments
d’indécision de ces femmes peuvent être parfois durables et qu’il arrive même parfois que
les décisions contradictoires alternent et soient vécues par les intéressées comme pour les
professionnels comme des retours en arrière. J’ai effectivement retrouvé cette idée au
travers des entretiens : « Il y a une illusion qui retombe, on se dit c’était bien reparti, on
reconstruisait quelque chose de nouveau (…) et c’est un rêve qui s’effondre » m’a dit C..
AN. m’a confié quant à elle que : « C’était difficile, parce qu’en fait, on espère que ça ira
mieux et en même temps, je savais que ça serait encore pire ». En ce qui concerne les
professionnels, cela ne les ramène-t-il pas à une certaine humilité, leur rôle s’en tenant à
la solidarité, au soutien, à l’accompagnement et en aucune façon à un pouvoir de décision
sur les autres ? Une éducatrice d’un centre d’hébergement pour femmes victimes de
violences m’a rappelé en effet que l’on ne peut pas décider pour ces femmes. Leur retour à
62 Mary BIN-HENG, Framboise CHERBIT, Edith LOMBARDI , op. cit., p.116
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domicile signifierait seulement qu’elles ne sont pas prêtes à partir, par appréhension de
la solitude, comme le faisait remarquer AN. : « C’était aussi la peur d’être seule avec trois
enfants », ou par crainte d’être à nouveau violentée.
2. Peur du Départ
Les membres de la Fédération Nationale Solidarité Femme 63 soulignent que
toute nouveauté fait peur et que le fait de se séparer de son compagnon violent n’est pas
forcément perçu comme un confort. Se soustraire en tant que victime, ce serait perdre un
statut auquel on s’identifiait, et affronter l’inconnu avec toutes les difficultés que cela
comporte. Après avoir entériné la possibilité d’une vie sans violence, il pourrait être ainsi
plus confortable pour ces femmes de retourner en terre connue, là où elles sauraient à
peu près comment se comporter pour survivre.
Il convient d’ajouter que les conditions matérielles de même que le manque de
places en centres d’hébergements ne semblent pas sans importance dans la prise de
décision des femmes subissant des violences à quitter leur domicile. D.WELZER LANG64
indique qu’il y a une distance entre la tentative d’échapper au mari et l’obtention de
moyens matériels et/ou psychologiques pour vivre de manière autonome. Il écrit
que : « Quelques mois après la fuite, quand la situation matérielle ou morale demeure
largement insatisfaisante, elles préfèrent retourner auprès de leur conjoint. »
En effet, après cette décision de départ, que trouvent ces femmes ? La Directrice
et les éducateurs d’un centre d’accueil et d’écoute pour femmes victimes de violences
précisaient que pour accéder au foyer d’hébergement, il fallait, au préalable être inscrit
sur une liste d’attente et soulignaient en outre, que le manque de place des
établissements d’accueil est une réalité non négligeable, d’autant plus que toutes les
femmes ne bénéficient pas du soutien de leur entourage et que nombreuses sont celles
qui ont des enfants à charge et sont sans ressources.
AD. était ainsi étudiante et sans revenu lorsqu’elle a quitté avec sa petite fille,
son mari et AN. m’a dit s’être débrouillée seule lorsqu’elle est partie avec ses trois
enfants : « J’ai dormi à droite à gauche et puis après j’ai fini par arriver ici. »
63 Mary BIN-HENG, Framboise CHERBIT, Edith LOMBARDI , ibid., p.118 64 Daniel WELZER LANG, op. cit., p. 148
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II. La Décision de Mettre un Terme aux Violences :
Eléments Déclencheurs Je me suis beaucoup questionnée sur les raisons qui pouvaient amener les
femmes vivant des violences à prendre la décision d’y mettre un terme. Et ce, d’autant
plus lorsque les violences perduraient depuis des mois, voir des années.
A. La Modification de la Scène de Violence Il semblerait que la modification de la scène de violence ait un impact sur la prise
de décision.
1. « Frappée de se Voir d’Etre Battue »
Chaque histoire de vie est différente et il serait, de ce fait sans doute maladroit
de généraliser les déclenchements de cette prise de décision. Ainsi, la psychologue des
urgences d’un Centre Hospitalier m’a dit ne pas être en mesure d’apporter une réponse
précise par rapport à l’origine de cette prise de décision : « Je pense qu’il y a un déclic »
m’a-t-elle dit mais, précise-t-elle : : « Le déclic, il ne se fait pas comme ça : un jour, elle se
réveille et décide de remédier à ça ! Non ! » Souvent, m’explique-t-elle, les femmes qu’elles
rencontre mettraient en avant le fait qu’elles partent, à un moment donné parce que les
enfants sont grands ou plutôt elles ne sont pas parties avant à cause des enfants. Mais
selon elle, le fait que les enfants aient grandi ne suffirait pas à expliquer ce fameux
« déclic », que les femmes évoqueraient d’ailleurs en ce terme. Cette psychologue m’a dit
en revanche avoir repéré à travers le discours de ses patientes deux phénomènes
récurrents ayant sans doute, d’après elle un impact sur leur prise de conscience de ce
qu’elles vivaient.
Tout d’abord, un changement dans le fonctionnement de la scène de violence,
une sorte de « déplacement » permettant d’opérer un décentrage, soit, en d’autres termes,
un changement à un moment donné amenant à une certaine prise de recul, illustré par
les propos d’une patiente : « D’habitude, il me frappait dans la cuisine et me menaçait au
couteau de cuisine (…) Ca se passait toujours au même endroit. Là, le ton montait,
toujours au même endroit, il me frappait et me laissait après là, sur la carrelage. » Mais
ce jour la, au bout de dix sept ans, explique la psychologue, les violences ce sont déroulées
dans le salon, les enfants auraient ainsi pu entendre puisqu’ils n’étaient pas loin, dans
leur chambre. Les violences se sont produites à un autre endroit, sur une autre scène. Et
le fait que cela se déroule ailleurs qu’à l’endroit habituel aurait fait prendre conscience à
cette femme qu’elle était battue, selon ses dires, qu’elle se voyait en train de se faire
battre, elle voyait l’insupportable, l’horreur de ce qu’elle était en train de vivre : l’horreur
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consentie ! Elle se voyait là, d’un coup être frappée, c’est un peu cela, résume la
professionnelle : « Frappée de se voir être battue ! ». Plusieurs personnes lui auraient
ainsi expliqué que l’épisode violent se serait passé un peu différemment. Il se serait
produit, en quelque sorte un « déplacement » permettant d’opérer un décentrage, ayant
par ailleurs amené ces femmes à se voir en train de se faire violenter par leur conjoint ou
mari. Comme si finalement elles n’avaient réalisé qu’à cet instant ce qu’elles subissaient
pourtant parfois depuis longtemps.
Pour d’autres femmes cette prise de conscience aurait été suscitée par le
regard ou l’intervention d’un tiers, souvent un ou les enfants, parfois même à l’âge
adulte, de la femme ou du couple. Cette personne s’interposant, criant par exemple
d’arrêter ou ne disant rien, faisant seulement acte de présence durant la scène violente.
Là encore, selon la psychologue, ces femmes diraient avoir pris conscience de quelque
chose à travers le regard que leur enfant aurait porté sur elles durant la scène. Ce regard
amènerait ces femmes à réaliser ce qu’elles sont en train de vivre. Cette prise de
conscience provoquée par une présence extérieure se retrouve un peu dans le récit de C.
lorsqu’elle raconte : « C’est le petit, c’est le jour où j’ai été vraiment mal au point et le petit
est venu, il faut savoir quand même que je saignais au visage et le petit est venu avec une
serviette, à un an et demi ! Il faut quand même voir ça ! Et après il venait vers moi et il
savait que « maman bobo ». A un moment je me suis dit ça ne va pas, il ne faut pas qu’il
reste avec ce genre de souvenir de son enfance ». On peut observer dans cette scène
l’importance de la présence du fils de C., puisqu’à travers le regard et les réactions de son
petit enfant elle semble dans l’incapacité de nier ce qui se passe et réaliser à cet instant
la gravité de la situation qu’elle est en train de vivre ainsi que des répercussions sur son
enfant.
2. Rupture du Consensus Implicite Rigide
Cette idée de réaction de la femme suite à une modification du fonctionnement
habituel de la scène violente apparaît un peu dans l’approche systémique et
communicationnelle65. Dans cette dernière, en effet, on considère que la violence se
manifeste sous une forme ritualisée, la scène violente se répéterait de manière identique
(cf. : partie sur le fonctionnement de la violence). Les partenaires construiraient
ensemble un consensus et s’y enfermeraient, dans lequel serait défini tout ce qu’il serait
permis de faire « à l’exception de ». C’est justement sur cette notion d’exception qu’il
convient de s’arrêter.
Selon les approches systémiques et communicationnelles, la violence se
manifesterait sous une forme ritualisée, les scènes se répétant à chaque fois de façon
65 R PERRONE et N.NANNINI, op. cit., p.45-47
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quasi identiques. On observerait donc, la plupart du temps, une anticipation et même
une préparation de la séquence de violence.
Les partenaires construiraient un « consensus implicite rigide » et s’y
enfermeraient, les notions de limite et de frontière seraient détournées ; elle définiraient
en effet tout ce que l’on peut faire « à l’exception de » : « Tu peux dire ce que tu veux, mais
n’insulte pas ma mère », par exemple. Dans le cas de violences, les limites et interdictions
seraient toujours posées de façon paradoxale, elles seraient des possibilités plutôt que
des impossibilités, des consentements plutôt que des refus. Cet accord ne serait pas
équivalent à la volonté que les choses se passent ainsi, mais il s’agirait d’une sorte de
verrou relationnel conforté par le sentiment négatif d’estime de soi. En outre ce contrat
comporterait un aspect spatial, un aspect temporel et un aspect thématique.
Par aspect spatial, on entendrait le territoire où la violence serait admise, c’est à
dire le lieu de l’interaction violente. Il serait souvent désigné et délimité avec autant de
rigueur qu’un ring, une arène ou un stade. Ceci aurait un rapport avec la délimitation du
territoire individuel ou collectif, intime ou public, la frontière du dedans / dehors, la
présence ou l’exclusion des tiers. Ainsi, par exemple, une femme « accepterait » d’être
battue à l’intérieur de la maison, mais pas en public. Le fait d’être giflée devant les
voisins pourrait ainsi l’amener à s’autoriser à porter plainte et à se réfugier dans un
centre spécialisé. Le mari ayant en effet transgressé l’aspect spatial du consensus
implicite rigide, elle pourrait dès lors se soustraire à son « engagement ».
Cet accord comporterait en plus un aspect temporel. Ainsi, le moment
déclencheur de l’interaction et la chronologie de l’action serait prédéterminé. Il s’agirait
de moments ritualisés où l’émergence de la violence semblerait hautement probable, ceux
par exemple des devoirs scolaires de enfants, des repas ou du retour du travail.
Enfin, on y trouverait un aspect thématique dans le sens où des contextes bien
particuliers entraîneraient systématiquement disputes et violences au sein du couple.
Ainsi, à chaque évocation de son infidélité, le compagnon de G. devenait violent.
La transgression des règles implicites contenues dans le consensus expliquerait
la dénonciation soudaine de certaines situations bloquées depuis longtemps. De ce fait, le
franchissement par l’un des membres du couple d’une limite établie, permettrait à l’autre
de s’autoriser à briser ce consensus. Ainsi, une femme pourrait accepter que son concubin
puisse la frapper, mais à condition qu’il ne touche pas ses enfants à elle. La transgression
de cet accord par son conjoint expliquerait qu’elle parte se réfugier dans un centre
d’accueil.
Cet accord liant les deux membres du couple comporterait trois aspects, à savoir :
un aspect spatial (territoire où la violence est admise, lieu de l’interaction violente) ; un
aspect temporel (des moments ritualisés propices à la violence) ; et un aspect thématique
(événements ou circonstances générant systématiquement dispute et violence dans
certains couples). Ce consensus impliquerait donc tout un ensemble de règles, permettant
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de ritualiser la scène violente. Les membres du couple seraient ainsi liés par cet accord
aux règles définies de manière implicite (communicationnelle). Or la transgression de ces
règles expliquerait, selon cette même logique, la dénonciation soudaine de situations
bloquées depuis longtemps, puisque le franchissement de la limite établie par l’un des
membres du couple autoriserait l’autre à briser le consensus. Ainsi, par exemple, une
femme pourrait être amenée à accepter d’être violentée par son compagnon, à condition
qu’il ne touche pas les enfants ou que cet acte ne se produise pas sous les yeux des
enfants.
C’est une perception que l’on retrouve un peu à travers le discours d’AN. : « Par
rapport à moi, c’était des coups au départ. Et puis, en fait, il voyait que les coups ça ne me
touche pas alors il s’en est pris à mes enfants ». Puis elle m’explique avoir pris la décision
de mettre fin à ces violences quand les menaces à l’égard de sa fille aînée sont allées trop
loin. A travers ses paroles apparaît l’idée du franchissement des limites, par son mari. En
effet, après avoir été violentée par ce dernier, elle ne semble pas non plus réagir aux
agressions à l’égard de ses enfants. Puis un certain seuil de tolérance semble être atteint à
un moment donné, l’amenant à décider de mettre un terme à cette situation de violence.
Dans l’approche systémique et communicationnelle on pourrait parler de
transgression des règles établies dans l’accord implicite.
B. Le Rôle des Enfants Quelles que soient les approches expliquant cette prise de décision subite des
femmes à réagir face aux violences et parmi les différents témoignages de femmes, j’ai
relevé que les enfants étaient cités de manière récurrente comme élément déclencheur à
la volonté de mettre fin à la situation de violence.
Sylvie KACZMAREK écrit à ce sujet que les mères se servent des enfants pour
intensifier leur motivation de départ : « Un enfant à besoin d’une famille équilibrée », « Je
souffrais, j’endurais pour les enfants puis j’ai craqué, je suis partie » sont des paroles
qu’elles aurait entendu fréquemment chez les femmes.
Le fait que le mari menace de s’en prendre aux enfants ou commence à s’en
prendre aux enfants produirait dans certains cas un « électrochoc », d’après la Directrice
d’un centre d’accueil et d’écoute pour femmes victimes de violences. Daniel WELZER-LANG
écrit 66 que la faculté d’abnégation des mères est une chose qui l’a toujours étonné. Le
seuil de tolérance qu’elles supportent pour elles même, dit-il, est nettement supérieur à
ce qu’elles acceptent que leurs enfants endurent. Les enfants d’AN. ont ainsi joué un rôle
considérable dans sa prise de décision de mettre un terme aux violences et cela, jusqu’à
66 D. WELZER-LANG, op. cit., p. 141
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son départ effectif. En effet, après avoir commencé à lever la main sur elle, son mari s’en
était pris à ses enfants d’un premier mariage afin, selon ses dires, de l’atteindre
d’avantage. Elle raconte que ses enfants avaient peur de rentrer à la maison, qu’ils
faisaient constamment l’objet de menaces : « Quand je devais aller quelque part et que je
savais que mon fils rentrait avant moi, en fait, j’avais une peur bleue. Alors tout le temps
c’était des recommandations : " tu te tais " ; " tu vas dans ta chambre "; " ne dit rien pour
qu’il puisse se fâcher ". Et puis c’était plus possible, quoi ! » Mais son mari continuait
malgré tout à s’en prendre aux enfants (il menaçait la grande car elle ne mangeait pas
assez vite). Cette situation devenait difficile à vivre, se souvient-elle, les enfants avaient
peur constamment. Puis le danger s’est accentué, notamment à l’égard de sa plus grande
fille : « Il allait la faire saigner du nez quand dans les escaliers elle n’allait pas assez vite,
il la poussait, ce que je trouvais franchement un peu dangereux…Parce qu’a quatre, cinq
ans, il donne une claque, on ne descend pas encore très vite les escaliers, ça peut mal
finir ! » Mais son départ se serait concrétisé lorsque son mari aurait commencé à s’en
prendre à la plus petite, J., fruit de leur union. En fait, dit-elle, « Il ne la supportait pas et
puis dès qu’elle pleurnichait un peu, il la jetait dans son lit et puis moi je trouvais que
c’était un bébé, j’ai trouvé ça extrêmement dangereux et je me suis dit, en fait, si
maintenant il s’en prend à sa propre fille, il n’y a plus rien à sauver ! ». Ces atteintes,
toujours plus importantes, portées à l’égard de ses enfants l’ont sans doute amenée vers
un départ de plus en plus éminent.
Mais les comportements des enfants témoins de violences conjugales pourraient
également avoir un impact dans cette prise de décision. Ainsi, le fait que le fils d’AN. de
douze ans ait décidé, de par son sentiment de culpabilité face à cette violence, d’aller
vivre à Marseille, chez son père a sans doute influencé cette décision. Elle me dit que son
fils lui disait : « Bon, écoute, si le problème c’est moi, je vais aller vivre à Marseille avec
papa » mais me confie-t-elle : « c’était inimaginable que je me sépare de mes enfants et
surtout pour élever se enfants à lui. Je me suis dit non c’est pas possible ! Tu ne vas pas en
arriver là, de te séparer de ton fils pour élever ses enfants à lui et de toute façon, il va
continuer avec les deux petites ».
De la même manière, la Directrice d’un centre d’accueil et d’écoute pour femmes
victimes de violences m’a relaté la situation d’une femme dont le fils de quinze ans, un an
auparavant, poussait sa mère à partir : « Il faut partir pour mes petites sœurs », disait-il.
Alors s’il est évident que dans ces situations, les enfants n’ont pas décidé pour
leur mère, il parait en revanche, vraisemblable que cela ait permis à ces personnes de
franchir le pas et quitter leur partenaire violent.
Le vécu des violences par les enfants constituerait enfin un élément
déclencheur non négligeable dans cette prise de décision. AD. me disait en effet, avoir été
très inquiète pour sa fille, qui présentait des troubles respiratoires, les trois premiers
mois suivant sa naissance. Après avoir enchaîné les visites aux urgences, chez le
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médecin, chez la puéricultrice, elle avait fini par apprendre que sa fille était cyanosée
mais également que sa fille réagissait aux épisodes de violence : « Ma fille m’a permis une
prise de conscience » me dit-elle. Puis elle m’explique : « quand la petite nous voyait
ensembles, elle tremblait et stressait ». AN me rapporte quant à elle que sa fille présentait
des troubles alimentaires et du sommeil.
L’éducatrice d’un centre d’hébergement pour femmes victimes de violences
observait que s’il n’était pas rare que les enfants menacent de partir si leur mère ne
réagissait pas, il pouvait également arriver qu’ils réagissent à ces violences en
reproduisant à leur tour les actes de violences. Cela générerait également chez les mères,
des réactions immédiates.
Le départ des enfants marquerait souvent le point de départ de la décision de ces
femmes de quitter le domicile conjugal. C’est en tout cas ce que disait l’intervenante
d’une association d’aide aux victimes. Elle avait, en effet, été confrontée à des femmes
chez lesquelles la violence était installée depuis des années et au bout de tout ce temps,
elles décidaient de quitter leur conjoint violent puisque les enfants étaient partis de la
maison. Et pour finir, il convient de noter également que les pressions et menaces de
placement exercées par les services sociaux, peuvent, dans certains cas dissuader les
femmes de rester plus longtemps avec leur partenaire violent.
Les enfants joueraient donc un rôle important dans le processus de prise de
décision des femmes victimes de violences. En effet, même si l’amour de ces femmes pour
leur conjoint peut constituer parfois un frein à la dénonciation par les femmes des actes
violents, l’amour qu’elles peuvent porter à leurs enfants créerait sans doute un
contrepoids non négligeable. C’est en tout cas ce qu’il est ressorti de la plupart des
entretient et notamment à travers le témoignage de AN. : « c’est les sentiments poumon
mari qui m’ont fait rester aussi longtemps et c’est les sentiments pour mes enfants qui
m’ont fait partir ».
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CONCLUSION
Je suis partie dans ce travail de recherche de l’hypothèse suivante : certaines
femmes ne partent pas dès les premiers épisodes de violence puisqu’elles ne les
identifient pas immédiatement comme tels, un temps de « maturation » plus ou moins
long leur est nécessaire pour prendre conscience de la situation de violences répétées
qu’elles subissent. Bien souvent, avant de pouvoir réagir, la honte et la culpabilité les
empêche de parler, jusqu’à ce qu’elles atteignent leur seuil de tolérance et prennent la
décision de mettre un terme à cette situation de souffrance.
Le fonctionnement de la violence sous forme de cycles expliquerait en partie que
les femmes ne réagissent pas aux premiers épisodes. Les périodes de rémission et leur
sentiment de culpabilité (ressentie après la scène violente) amèneraient les femmes à
considérer cette violence comme un événement exceptionnel, à la normaliser et garder
l’espoir qu’elle ne se reproduise plus.
Mais ces femmes se trouveraient en outre assez souvent dans une situation
d’enfermement, dans laquelle elles seraient confinées par leur conjoint. La peur, les
sentiments de honte et de culpabilité, pousseraient ces femmes à garder le silence,
d’autant plus qu’elles ne bénéficieraient pas toutes du soutien de leur entourage.
Les liens très forts les unissant à leur partenaire, souvent assimilés d’ailleurs à
de la passion, expliqueraient qu’il soit si difficile pour elles de partir, et ce, d’autant plus
si l’on considère les difficultés qu’engendre un départ.
Compte tenu de tous ces éléments, un long temps de réflexion s’avèrerait parfois
nécessaire aux femmes avant qu’elles ne décident de mettre un terme à cette situation.
Ces périodes seraient souvent marquées par des allers-retours entre leur domicile
conjugal et le lieu d’accueil.
La subite prise de conscience de ce qu’elles sont en train de vivre, provoquée
souvent par un changement du théâtre des violences, ou les enfants, seraient souvent à
l’origine du départ de ces femmes.
En dépit de l’évolution de la reconnaissance des violences conjugales en France, il
reste encore aujourd’hui des progrès à faire. Aujourd’hui, en Europe, seules l’Espagne et
la Suède reconnaissent la violence conjugale comme un délit spécifique. Mais la France
semble progressivement les suivre. En effet, le Sénat a adopté en 1ère lecture dans la
nuit du mardi 29 au mercredi 30 mars 2005 une proposition de loi sur la lutte contre les
violences conjugales au sein du couple, qui aggrave les peines encourues par les auteurs.
On peut imaginer que cette loi inciterait un plus grand nombre de femmes à intenter des
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actions à l’encontre de leur conjoint violent. En effet, cela porterait reconnaissance de
leur statut particulier de victime. En outre, cela atténuerait peut-être leur sentiment de
crainte.
En attendant, certains travailleurs sociaux semblent se montrer favorable à l’idée
d’une médiation pénale entre les protagonistes. Pourtant, le fait de mettre ainsi sur le
même pied d’égalité l’homme violent et la femme violentée risque de remettre en cause la
reconnaissance de son statut de victime.
C’est là qu’apparaît toute l’importance d’une bonne sensibilisation des
différents intervenants médicaux et sociaux (sages-femmes, infirmiers, médecins et
travailleurs sociaux). Ils sont en effet des interlocuteurs importants, qu’il ne faut pas
négliger, et ce, d’autant plus qu’ils constituent parfois le seul lien avec l’extérieur.
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BIBLIOGRAPHIE
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- ENVEFF : INED, population et société n°367, janvier 2001
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ANNEXES
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TABLE DES MATIERES
SOMMAIRE.............................................................................................................................. 2
INTRODUCTION .................................................................................................................... 3
METHODOLOGIE .................................................................................................................. 6
I. PHASE EXPLORATOIRE .......................................................................................................... 6 II. LE CHOIX DU TERRAIN D’ENQUETE ET DE L’ECHANTILLON............................................ 6 A. LE CHOIX DU PUBLIC............................................................................................................. 6 B. LE CHOIX DE LA METHODE .................................................................................................... 8
TITRE II - LES « VIOLENCES CONJUGALES » EN FRANCE, APPROCHE ET
PRISE EN COMPTE DU PHENOMENE............................................................................ 10
I. APPROCHE DE LA VIOLENCE............................................................................................... 10 A. COMPREHENSION DU PHENOMENE....................................................................................... 10 1. Qu’est-ce que la Violence Conjugale ?................................................................................. 10 2. La Violence Conjugale ou l’Exercice d’une Domination sur son Partenaire ....................... 13 B. LA VIOLENCE AU SEIN DU COUPLE ...................................................................................... 14 1. Pas de Profil Type de Femme ou de Partenaire Violent ....................................................... 14 2. La Naissance des Violences au Sein du Couple ................................................................... 16 3. La violence : Phénomène Interactionnel ............................................................................... 18 II. PRISE EN COMPTE DU PHENOMENE .................................................................................. 20 A. LES VIOLENCES CONJUGALES : UN PROBLEME PUBLIC....................................................... 20 1. Rapport Mondial sur la Santé ............................................................................................... 21 2. Enquête ENVEFF ................................................................................................................. 22 3. Rapport HENRION............................................................................................................... 22 B. LA LOI : UN PAS VERS LA RECONNAISSANCE DES VIOLENCES FAITES AUX FEMMES .......... 23 1. Ce que dit la Loi.................................................................................................................... 23 2. Evolution de la Prise en Compte du Phénomène .................................................................. 24
TITRE III - LE SILENCE DES FEMMES...................................................................... 26
I. OCCULTATION OU AMENAGEMENT DES VIOLENCES ........................................................ 26
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A. LE CYCLE DE LA VIOLENCE ET L’ESPOIR DES FEMMES........................................................ 26 B. LE REFLEXE DE DEFENSE DES FEMMES ............................................................................... 28 1. Normalisation de l’Acte Violent ........................................................................................... 28 2. Stratégie de Survie ................................................................................................................ 28 II. TIRAILLEMENT ENTRE L’IMPOSSIBILITE ET L’ENVIE DE PARLER ................................. 29 A. HONTE ET ENFERMEMENT.................................................................................................... 29 B. LE POIDS DE L’ENTOURAGE DANS LE SILENCE DES FEMMES .............................................. 33
TITRE IV - PARTIR OU RESTER ?............................................................................... 35
I. LE DEPART DES FEMMES : « UNE LONGUE MATURATION PSYCHOLOGIQUE ».............. 35 A. LA DECISION ET LA REMISE EN CAUSE DU LIEN AVEC LE PARTENAIRE.............................. 35 1. La Force du Lien unissant les Partenaires............................................................................. 35 2. Légitimation de la Violence par la Passion ?........................................................................ 37 B. UN DEPART MAINTES FOIS DIFFERE.................................................................................... 39 1. Aller-retour ........................................................................................................................... 39 2. Peur du Départ ...................................................................................................................... 41 II. LA DECISION DE METTRE UN TERME AUX VIOLENCES : ELEMENTS DECLENCHEURS. 42 A. LA MODIFICATION DE LA SCENE DE VIOLENCE................................................................... 42 1. « Frappée de se Voir d’Etre Battue ».................................................................................... 42 2. Rupture du Consensus Implicite Rigide................................................................................ 43 B. LE ROLE DES ENFANTS......................................................................................................... 45
CONCLUSION ....................................................................................................................... 48
BIBLIOGRAPHIE.................................................................................................................. 51
ANNEXES ............................................................................................................................... 53
ANNEXE1 – TEMOINS............................................................................................................... 53
TABLE DES MATIERES...................................................................................................... 55