Catherine Demedicis

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Catherine de Médicis 1. Nièce du pape et reine de France 1.1. Dauphine effacée Fille de Laurent II de Médicis, duc d'Urbino, et d'une Française, Madeleine de La Tour d'Auvergne, Catherine devint orpheline de bonne heure. Elle fut fiancée dès 1531 au second fils de François Ier, le duc d'Orléans Henri (futur → Henri II), et mariée deux ans après. Cette union d'un fils de France avec une nièce du pape était destinée dans l'esprit de François Ier à équilibrer l'influence de Charles Quint à Rome. La conscience de l'honneur qu'on lui avait accordé explique l'attitude de Catherine à la cour de France, avant et après son veuvage. Princesse très effacée devant son glorieux beau-père, reine éperdument éprise de son roi, éclipsée par sa brillante rivale Diane de Poitiers, elle accepta tout avec humilité. Devenue régente après la mort de son mari (1559), dont elle porta le deuil jusqu'à sa mort, elle s'attacha passionnément à sauvegarder pour ses fils l'héritage laissé par François Ier et Henri II. Cette Italienne fut, comme plus tard Mazarin, le meilleur serviteur de la monarchie française en des temps troublés. peinture de Jacopo Chimenti «II Empoll, 1554-1640, Florence 1.2. Au-dessus du fanatisme religieux La mort du Dauphin François en 1536 fit de l'époux de Catherine l'héritier du trône. Stérile durant dix ans, la Dauphine prit à cœur de s'imposer peu à peu par sa douceur et son intelligence. Elle s'instruisit et étudia particulièrement l'histoire. Elle trouva à la cour raffinée des Valois un terrain propice à la culture de son esprit. Aimant le luxe et les fêtes, elle fut une véritable princesse de la Renaissance, mais, à la

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Catherine de Mdicis

Catherinede Mdicis1. Nice du pape et reine de France

1.1. Dauphine effaceFille deLaurentII de Mdicis, duc d'Urbino, et d'une Franaise, Madeleine de La Tour d'Auvergne, Catherine devint orpheline de bonne heure. Elle fut fiance ds 1531 au second fils deFranoisIer, le duc d'Orlans Henri (futur Henri II), et marie deux ans aprs. Cette union d'un fils de France avec une nice du pape tait destine dans l'esprit de FranoisIer quilibrer l'influence de Charles Quint Rome.

La conscience de l'honneur qu'on lui avait accord explique l'attitude de Catherine la cour de France, avant et aprs son veuvage. Princesse trs efface devant son glorieux beau-pre, reine perdument prise de son roi, clipse par sa brillante rivaleDiane de Poitiers, elle accepta tout avec humilit. Devenue rgente aprs la mort de son mari (1559), dont elle porta le deuil jusqu' sa mort, elle s'attacha passionnment sauvegarder pour ses fils l'hritage laiss par FranoisIeretHenriII. Cette Italienne fut, comme plus tardMazarin, le meilleur serviteur de la monarchie franaise en des temps troubls. peinture de Jacopo Chimenti II Empoll, 1554-1640, Florence1.2. Au-dessus du fanatisme religieuxLa mort du Dauphin Franois en 1536 fit de l'poux de Catherine l'hritier du trne. Strile durant dix ans, la Dauphine prit cur de s'imposer peu peu par sa douceur et son intelligence. Elle s'instruisit et tudia particulirement l'histoire. Elle trouva la cour raffine desValoisun terrain propice la culture de son esprit. Aimant le luxe et les ftes, elle fut une vritable princesse de la Renaissance, mais, la diffrence de bien d'autres, elle se fit remarquer par la puret de ses murs et la fidlit tous ses devoirs.

La naissance d'un fils, le futurFranoisII, bientt suivie par celle de neuf autres enfants, dont six survcurent, acheva de consolider sa position. la mort d'HenriII (10juillet1559), les Guises, oncles de la reineMarie Stuart, la tinrent l'cart et gouvernrent sous le nom du faible et maladif FranoisII. Cependant, ds cette poque, pour la premire fois, elle apparat sur le devant de la scne. Au moment de laconjuration d'Amboise, lorsque les Guises perdent la tte et obtiennent une rpression cruelle, Catherine seule garde son sang-froid; elle publie une amnistie et s'efforce de sauver les coupables. Elle s'appuie sur le chancelier, le sageMichel de L'Hospital, pour imposer l'dit de Romorantin(mai 1560), qui attnue les perscutions contre les protestants. Cette attitude lui gagnera leur sympathie.

Cependant, cette nice du pape tait en matire religieuse le contraire d'une fanatique. Son drame fut de devoir gouverner un pays o les passions confessionnelles les plus exacerbes, et compliques d'intrts politiques, n'allrent qu'en s'amplifiant jusqu' sa mort. On peut mme dire que son erreur la plus grande fut d'avoir minimis l'importance du facteur religieux.

2.1. Le rgne de CharlesIX

En qute de concorde

C'est la mort deFranoisII(5dcembre1560) qu'elle donne toute la mesure de son habilet.CharlesIXn'a que onze ans. Catherine profite du manque de sens politique des princes, d'un Bourbon, d'unCond, pour se faire accorder aux tats gnraux d'Orlans la rgence assortie des plus grands pouvoirs. Aussitt matresse du royaume, elle abolit la peine de mort en matire d'hrsie et autorise le prche dans les maisons prives. C'est dj l'esquisse de la politique que suivra le tiers parti, celui des politiques, et qui triomphera sous HenriIV.

Dsireusede conciliation, elle runit Poissy, en septembre 1561, les chefs des deux religions en vue de parvenir un accord. L'antagonisme entreThodore de Bzeet le cardinal de Lorraine lui montre l'abme qui les spare. Cependant, elle persiste dans son attitude malgr l'opposition du roi d'EspagnePhilippeII, qui craint de voir la France passer l'hrsie. Par l'dit de Janvier1562, elle accorde aux calvinistes la libert de conscience et le droit de clbrer un culte public hors des villes; c'est avec trente-six ans d'avance la prfiguration de l'dit de Nantesd'HenriIV.

Menacepar le triumvirat catholique

Alarms, les princes catholiques se regroupent, et leduc de Guise, le marchal deSaint-Andret le conntable deMontmorencyforment un triumvirat qui, aprs lemassacre de Wassy(1ermars 1562) et le soulvement de Cond, va s'imposer par la force la rgente.

Il faut ici considrer, pour comprendre l'pret des luttes qui ensanglantent la France, les mcanismes qui rgissent les rapports entre les Grands et le pouvoir royal. S'il n'y a plus de fodalit que comme fiction juridique, la ralit est ailleurs, dans ce qu'on appelle le patronage illimit des grands seigneurs, de ceux qui ont puissance et prestige par leurs charges et leurs possessions territoriales, ce qui leur donne des clientles impressionnantes et mme des armes de fidles qui vivent de leurs largesses.

Un autre facteur, non moins important, est le poids dcisif de l'attachement de la majorit des Franais d'alors la foi catholique. Cette pression de l'opinion, appuye sur les ambitions de quelques grandes familles, va imposer les troubles sanglants de la guerre une rgente pourtant assoiffe de paix.

En 1562 commence une srie de luttes confuses termines par des paix boiteuses o allis et ennemis changent tour tour leur rle dans un incroyable imbroglio. Aprs la prise de Rouen par les triumvirs au cours de la premire guerre, le hasard va dbarrasser Catherine des plus turbulents des princes; coup sur coup, Antoine de Bourbon est tu au Havre, Saint-Andr Dreux et Franois de Guise est assassin parPoltrot de Mr Orlans.L'impossiblepacificationAussi Catherine revient-elle sa politique de paix, elle proclame l'dit d'Amboise(19mars 1563), qui accorde aux protestants la libert de conscience et rglemente le culte public, puis elle rconcilie les adversaires, Cond et Montmorency, qui vont reprendre Le Havre aux Anglais. Au service de cette tche de pacification et de rconciliation, Catherine mettra une persvrance inlassable.

De 1564 1566, elle entreprend un long voyage travers la France par Lyon, la Provence, le Languedoc et Bordeaux, dans le dessein de montrer le jeune roi CharlesIX au royaume et de revivifier la foi monarchique des populations. Durant ce voyage, elle rforme, elle ordonne, elle rend la justice; surtout elle prend contact avec les forces vives du pays.

son retour, en 1567, les troubles reprennent lorsque Cond etColigny, pour mettre la lgitimit de leur ct, essaient d'enlever le roi. C'est un chec. En mars 1568, lapaix de Longjumeaurtablit exactement l'dit d'Amboise. Mcontente des protestants, Catherine commet l'erreur de renvoyer le chancelier Michel de L'Hospital.

Se sentant menacs, les huguenots reprennent la lutte, soutenue par le cardinal de Lorraine,BiragueetTavannes. Catherine prend l'offensive en Poitou contre les huguenots, qui sont battus Jarnacet Moncontour (1569) par son fils prfr, le duc Henri d'Anjou (futur Henri III).

2.2. Le rgne de HenriIII

Sauver la monarchie

Lorsque CharlesIX meurt en 1574, Catherine rappelle de France l'ancien duc d'Anjou, qui a t lu roi de Pologne en 1573. MaisHenriIIIn'est pas CharlesIX: il entend gouverner par lui-mme, et Catherine commence passer au second plan. Toutefois, elle va continuer sa mission de conciliatrice et de pacificatrice. Son dernier fils, Franois, le nouveau duc d'Anjou, ancien duc d'Alenon, est un brouillon sans envergure que les calvinistes mettent leur tte. Catherine part sa poursuite et le ramne Paris; elle signe au trait d'tigny lapaix de Monsieur(7mai 1576), et octroie aux protestants l'dit de Beaulieu, qui leur accorde de grands avantages: la libert de culte partout, sauf Paris, et huit places de sret. Mais la raction catholique ne se fait pas attendre. Pronne, le 8juin 1576, est cre laLigue catholique. Les Guises en sont les chefs; ils s'appuient sur le peuple de Paris et de nombreuses villes, et sont soutenus par l'Espagne. Mais Henri de Navarre se rvolte de nouveau, et la vieille reine, infatigable, repart sur les routes et signe avec lui en fvrier 1579 la paix de Nrac

Ce voyage lui montre les passionsreligieusesdes Franais portes leur paroxysme. Aussi, dsormais, conjointement avec HenriIII, va-t-elle s'efforcer avant tout de sauver le pouvoir royal. En 1584, la mort du duc Franois d'Anjou pose la question de la succession. Le roi n'ayant pas d'enfants, le trne revient au protestant Henri de Navarre (futur Henri IV). Devant cette menace, on assiste une recrudescence de la Ligue. Les Guises, au trait de Joinville (janvier1585), s'allient avec PhilippeII et dcident que la couronne reviendra au cardinal de Bourbon, oncle d'Henri de Navarre.

Dbord, HenriIII, sur les conseils de sa mre, cde aux ligueurs et leur livre le pouvoir; Catherine signe avec le cardinal de Bourbon le trait de Nemours (juillet1585), qui le reconnat hritier du trne. Mais elle ne renonce pas pour autant voir son gendre succder son fils, et, l'anne suivante, elle le supplie de quitter les calvinistes et de se convertir.

Cependant, la guerre civile se rallume. Le 20octobre 1587, Henri de Navarre est vainqueur Coutras. Lorsque le duc Henri de Guise pntre dans Paris contre l'avis du roi, Catherine essaie de s'interposer: voyant la partie perdue dans la capitale, la suite de lajourne des Barricades(12mai 1588), elle conseille HenriIII de s'enfuir. Le roi se rfugie Blois, o il convoque les tats gnraux, pendant lesquels il fait assassiner le duc Henri de Guise et son frre le cardinal de Lorraine. Catherine de Mdicis ne joue aucun rle dans les vnements de Blois; seulement, le 1erjanvier 1589, elle fait relcher le vieux cardinal de Bourbon, qui a t arrt, et s'emploie ngocier avec lui. Elle meurt peu aprs.Tombeau de Henri II et de Catherine de Mdicis Saint-Denis