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UNIVERSITÉ TOULOUSE 1 – SCIENCES SOCIALES ANNÉE UNIVERSITAIRE 2008-2009 SEMESTRE 4 – Session 1 LICENCE EN DROIT – 2 ème NIVEAU GROUPE DE COURS N° II DROIT ADMINISTRATIF (Cours de M. COULIBALY) Examen (Lundi 4 mai 2009 – 15 h - 18 h) Cas pratique : Corrigé

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UNIVERSITÉ TOULOUSE 1 – SCIENCES

SOCIALES

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2008-2009 SEMESTRE 4 – Session 1

LICENCE EN DROIT – 2ème NIVEAU GROUPE DE COURS N° II

DROIT ADMINISTRATIF (Cours de M. COULIBALY)

Examen

(Lundi 4 mai 2009 – 15 h - 18 h)

Cas pratique : Corrigé

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Tribunal administratif de Trantor, mercredi 1er avril 2015. Dans une semaine, vous serez soumis au feu nourri des questions des étudiants de votre ancienne université, après que vous les aurez entre-tenus de votre première année de services en qualité de conseiller de tribunal administratif. Perspec-tive infiniment plus réjouissante que le défi qui vous attend aujourd’hui. Vos talentueux et facétieux nouveaux collègues (« juges administratifs ») ont mis au point un singulier « bizutage ». Il vous est remis un dossier contenant, d’une part, les faits pertinents de trois affaires et, d’autre part, les déci-sions correspondantes rendues par le tribunal. Vous avez la charge de reconstituer les motifs qui ont conduit le tribunal administratif à prendre chacune de ces décisions. Voici donc le résumé précis et concis des trois affaires.

Affaire n°13TR01. Deux mille six cent vingt-deux, tel était, il y a peu de temps, le nombre des attributions reconnues par le ministère de l’Intérieur au préfet de département. Le chiffre surprend plus que ses conséquences. Le préfet, cet « empereur au petit pied » (selon la formule ironique de Napoléon 1er, le créateur de l’institution), ne peut administrer correctement sans déléguer. On ne s’étonnera donc pas que, le 9 janvier 2013, le préfet du département de Trantor signe et publie, dans le respect des règles en vigueur, un arrêté accordant délégation de signature, pour ce qui concerne la chasse à tir, à deux agents de la préfecture : Mme Christine Rolez, Secrétaire générale de la Préfec-ture, et M. Gérard Garros, un chargé de mission (Voir annexes). Sur le fondement de cette délégation de signature, de leur propre initiative et sans solliciter le moindre avis, Mme Christine Rolez et M. Gérard Garros prennent chacun, le même jour – le 16 janvier 2013 – et à peu près à la même heure, une décision fixant les périodes pendant lesquelles la chasse à tir sera ouverte. Un habitant du département de Trantor forme un recours pour excès de pouvoir contre ces deux décisions. Dans son jugement du 29 janvier 2014, qui ne mentionne aucune règle de légalité interne (un soulagement pour le « bizut » que vous êtes), le tribunal administratif de Trantor estime que les décisions litigieuses sont toutes les deux entachées d’illégalité.

Affaire n°14TR02. Point n’est besoin d’être un expert en urbanisme pour reconnaître que l’on ne peut pas construire n’importe quoi, ni n’importe où sur le territoire d’une commune. La loi permet aux conseils municipaux d’adopter, par une délibération, un plan d’occupation des sols. Ce plan a pour objet de classer les différentes parties d’une commune selon l'usage qui doit en être fait, au regard de leur constructibilité : habitat, loisirs, activités diverses, espaces naturels à protéger… Le 12 février 2014, le conseil municipal de la ville de Trantor-Sur-Ciel adopte, par une délibération (donc par une décision administrative), son plan d’occupation des sols. Il est avéré que cette déci-sion a pour but d’attirer des entreprises sur le territoire de la commune et de contribuer ainsi à la création d’emplois. Mais il est également incontestable qu’elle vise accessoirement à permettre aux amis politiques des conseillers municipaux de vendre leurs terrains privés à des prix très élevés. Le 19 février 2015, statuant sur un recours pour excès de pouvoir dirigé contre la délibération, le tribunal administratif juge qu’au vu des faits pertinents celle-ci n’est pas illégale.

Affaire n°14TR03. Aujourd’hui plus largement qu’hier, la loi permet aux fonctionnaires de se li-vrer à des activités privées lucratives. À la date du 5 mars 2014, M. Eric Naomi, fonctionnaire mu-nicipal de la ville de Trantor-Sur-Ciel, n’ignore rien de cette évolution législative. Au demeurant, il compte se rendre à Seattle dans deux mois afin de participer à un concours de « Web Design » dont il est le grand favori. Hélas, le 12 mars 2014, le maire lui notifie, à sa grande surprise, un arrêté par lequel il lui inflige, sans préliminaire d’aucune sorte, une lourde sanction : la révocation. En proie à l’incompréhension et à la colère, M. Eric Naomi se retrouve privé d’emploi, de traitement et donc de la possibilité fi-nancière de se rendre à Seattle. Il sait qu’il n’a commis aucune faute, et il ne doute pas que le maire, lui, en a commis une, car, comme on le lui a enseigné, toute illégalité constitue une faute, et, selon lui, l’arrêté du maire est illégal. Le 19 mars 2014, il saisit le tribunal administratif d’une action en responsabilité dirigée contre la commune, au nom de laquelle bien sûr le maire a pris la décision litigieuse. Le jugement rendu par le tribunal le 25 mars 2015 se laisse résumer ainsi : premièrement, au seul vu des conditions dans lesquelles il est intervenu, l’arrêté du maire est déclaré illégal ; deuxièmement et par voie de consé-

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quence, la commune est condamnée à verser à M. Eric Naomi une indemnité calculée sur la base du montant du Grand prix du concours de Seattle.

Tel est donc le contenu du dossier qui constitue la substance de votre baptême du feu. Le résumé des affaires tout comme les questions que vos collègues juges ont eu la bonté d’y joindre sont libel-lés de telle manière que vos réponses seront nécessairement concises et précises.

1. Pour quels motifs le tribunal administratif a-t-il estimé que les décisions prises le 16 janvier 2013 étaient toutes les deux entachées d’illégalité ?

2. Pour quels motifs le tribunal administratif a-t-il jugé que la délibération du 12 février 2014 par laquelle le conseil municipal avait adopté le plan d’occupation des sols n’était pas illégale ?

3. Pour quels motifs le tribunal administratif a-t-il, d’une part, déclaré qu’au seul vu des conditions dans lesquelles il était intervenu, l’arrêté du maire était illégal, et d’autre part, par voie de consé-quence, condamné la commune à verser à M. Eric Naomi une indemnité calculée sur la base du montant du Grand prix du concours de Seattle ? »

Nota bene : Aucun document n’est autorisé. Le candidat choisit librement l’ordre de ses réponses. Total des points : 20. La répartition est la suivante :

- question n°1 : 7 points - question n°2 : 6 points - question n°3 : 7 points.

***

ANNEXES

1. Code de l'environnement Chasse à tir

Article R424-6 La chasse à tir est ouverte pendant les périodes fixées chaque année par arrêté du préfet, pris

sur proposition du directeur départemental de l'agriculture et de la forêt après avis de la commission départementale de la chasse et de la faune sauvage et de la fédération des chasseurs.

2. Décret n°2004-374 du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'État dans les régions et départements

Article 43 Le préfet de département peut donner délégation de signature : 1° En toutes matières et notamment pour celles qui intéressent plusieurs chefs des services

des administrations civiles de l'État dans le département, au secrétaire général et aux chargés de mission ; […]

3. Arrêté du 9 janvier 2013 portant délégation de signature Article 1er : Délégation est donnée à Mme Christine Rolez, secrétaire générale de la préfec-

ture, à l’effet de signer, au nom du Préfet de Trantor, toutes décisions concernant la chasse à tir. Article 2 : En cas d'absence ou d'empêchement de Mme Christine Rolez, la délégation prévue

à l'article 1er ci-dessus est donnée à M. Gérard Garros, chargé de mission à la Préfecture. .

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Corrigé didactique du cas pratique N.B. : Ce corrigé a une visée essentiellement didactique. En d’autres termes, l’auteur du

cas pratique ne s’attendait absolument pas à ce que le candidat rende une copie conforme à ce cor-rigé. Ce qui compte, c’est le respect des grandes lignes de la démarche.

INTRODUCTION [résumant les faits pertinents…] : sans conséquence sur la note

Réponses effectives aux questions posées : elles doivent conclure une démonstration conformément aux directives du bréviaire.

Rien dans le libellé du cas pratique ne permet de conclure avec certitude à l’existence de cir-

constances exceptionnelles, de situations d’urgence ou de compétence liée.

On aura relevé que les trois questions du cas pratique correspondaient à trois affaires diffé-rentes numérotées comme les vraies, et qu’en conséquence il était inutile de chercher à établir entre elles une quelconque relation. Le candidat pouvait ainsi, plus que jamais, choisir librement l’ordre de ses réponses.

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Sommaire (interactif à l’écran)

1 – Réponse à la question n°1 du cas pratique ......................................................... 6 Pour quels motifs le tribunal administratif a-t-il estimé que les décisions prises le 16 janvier 2013 étaient toutes les deux entachées d’illégalité ? ...................................................................... 6

Résumé des réponses .................................................................................................................. 6 Versions développées des réponses ............................................................................................ 8 Conclusion : réponse effective à la question n°1 du cas pratique dans son ensemble ............. 17

2 – Réponse à la question n°2 du cas pratique ....................................................... 20 Pour quels motifs le tribunal administratif a-t-il jugé que la délibération du 12 février 2014 par laquelle le conseil municipal avait adopté le plan d’occupation des sols n’était pas illégale ? .. 20

Résumé de la réponse ............................................................................................................... 20 Version développée de la réponse ............................................................................................ 21 Conclusion : réponse effective à la question n°2 du cas pratique ............................................ 26

3 – Réponse à la question n°3 du cas pratique ....................................................... 27 Pour quels motifs le tribunal administratif a-t-il, d’une part, déclaré qu’au seul vu des conditions dans lesquelles il était intervenu, l’arrêté du maire était illégal, et d’autre part, par voie de conséquence, condamné la commune à verser à M. Eric Naomi une indemnité calculée sur la base du montant du Grand prix du concours de Seattle ? .................................................. 27

Résumé des réponses ................................................................................................................ 27 Versions développées des réponses .......................................................................................... 29

I - Interrogation n°1 de la question n°3 du cas pratique : Pour quelles raisons de droit et de fait le tribunal administratif a-t-il jugé qu’au seul vu des conditions dans lesquelles il était intervenu, l’arrêté par lequel le maire avait révoqué M. Eric Naomi contrevenait à une ou plusieurs prescriptions de la légalité ? .................................................................... 31 II - Interrogation n°2 de la question n°3 du cas pratique : Pour quelles raisons de droit et de fait le tribunal administratif a-t-il condamné la commune à verser à M. Eric Naomi une indemnité calculée sur la base du montant du Grand prix du concours de Seattle ? ......... 34

Conclusion : réponse effective à la question n°3 du cas pratique dans son ensemble ............. 40

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1 – Réponse à la question n°1 du cas pratique

Pour quels motifs le tribunal administratif a-t-il estimé que les décisions prises le

16 janvier 2013 étaient toutes les deux entachées d’illégalité ? Nous exposerons successivement deux versions des mêmes réponses :

a. une version « synthétique », c’est-à-dire un résumé de la réponse à donner à la question posée ; cette réponse précise et concise est destinée au lecteur pres-sé qui souhaite juste prendre connaissance de la solution ;

b. une version « analytique », autrement dit une réponse développée correspon-dant dans ses grandes lignes à ce qui était attendu du candidat.

Pour dire les choses différemment afin d’éviter toute ambiguïté, le candidat doit formuler une réponse développée ; la réponse synthétique dont il est question ici n’a qu’un seul but : faciliter la lecture de ce corrigé.

Résumé des réponses À y réfléchir un peu, force est de concéder que cette question n°1 du cas pratique comporte en fait deux interrogations :

1. Interrogation n°1 : Pour quels motifs le tribunal administratif a-t-il estimé que la déci-sion prise le 16 janvier 2013 par M. Gérard Garros était entachée d’illégalité ?

2. Interrogation n°2 : Pour quels motifs le tribunal administratif a-t-il estimé que la déci-sion prise le 16 janvier 2013 par Mme Christine Rolez était entachée d’illégalité ?

Voici le résumé des réponses :

1. Interrogation n°1 : Pour quels motifs le tribunal administratif a-t-il estimé que la déci-sion prise le 16 janvier 2013 par M. Gérard Garros était entachée d’illégalité ?

Les motifs pour lesquels le tribunal administratif a estimé que la décision prise par M. Gérard Garros était entachée d’illégalité se laissent exposer comme suit :

a. Par un arrêté signé et publié dans le respect des règles en vigueur le 9 janvier 2013, le préfet du département de Trantor a consenti une double délégation de signature qui portait sur « toutes décisions concernant la chasse à tir » ;

b. Les deux délégataires, Mme Christine Rolez et M. Gérard Garros, ne sont pas habili-tés dans les mêmes termes ;

c. Ils ne peuvent pas exercer au même moment la délégation qui leur a été accordée : i. Mme Christine Rolez, délégataire principale, a le droit d’exercer immédiate-

ment (c’est-à-dire dès le 9 janvier 2013, date de la publication de l’arrêté) la compétence qui lui a été déléguée ;

ii. M. Gérard Garros, délégataire secondaire, n’a le droit d’exercer la même compétence que si Mme Christine Rolez n’est pas en mesure de le faire à la suite d’une absence ou d'un empêchement ;

d. Il apparaît que M. Gérard Garros a méconnu le caractère conditionnel de la déléga-tion de signature qu’il a reçue :

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i. Sur le fondement de celle-ci, il a pris, le 16 janvier 2013, une décision fixant les périodes pendant lesquelles la chasse à tir sera ouverte ;

ii. Au même moment, Mme Christine Rolez prenait une décision identique, ce qui prouve qu’elle n’était ni absente ni empêchée ;

iii. La conclusion force l’adhésion : M. Gérard Garros ne pouvait ce jour-là exercer la délégation de signature qu’il avait reçue du préfet ;

e. La décision prise par M. Gérard Garros le 16 janvier 2013 est donc entachée d’illégalité, parce que son auteur était incompétent au jour de son édiction. Sachant que l’incompétence est un moyen d’ordre public, on peut soutenir que cette illégalité a été soit invoquée par le requérant, soit relevée d’office par le tribunal administratif.

2. Interrogation n°2 : Pour quels motifs le tribunal administratif a-t-il estimé que la déci-sion prise le 16 janvier 2013 par Mme Christine Rolez était entachée d’illégalité ?

Voici les motifs pour lesquels le tribunal administratif a estimé que la décision prise par Mme Christine Rolez était entachée d’illégalité :

a. Deux règles de procédure doivent être respectées lorsqu’il s’agit de fixer les dates de l’ouverture de la chasse à tir :

i. le préfet ne peut agir spontanément ; il doit attendre la proposition qui lui sera faite en ce sens par le directeur départemental de l'agriculture et de la forêt ;

ii. préalablement à la décision, le préfet doit solliciter l’avis de la commission départementale de la chasse et de la faune sauvage et l’avis de la fédération des chasseurs -Voir la question de l’interprétation de

l’article R424-6 plus loin dans la version développée de la réponse, page 13 ;

b. Ces deux règles de procédure s’imposent également au respect de quiconque agit au nom du préfet par l’effet d’une délégation de signature.

i. Ainsi, Mme Christine Rolez ou, le cas échéant, M. Gérard Garros, devait at-tendre la proposition du directeur départemental de l'agriculture et de la forêt

ii. et solliciter l’avis de la commission départementale de la chasse et de la faune sauvage ainsi que l’avis de la fédération des chasseurs ;

c. Ni Mme Christine Rolez ni M. Gérard Garros n’ont respecté ces deux règles de pro-cédure :

i. Ils n’ont pas pris leurs décisions sur proposition du directeur départemental de l'agriculture et de la forêt ;

ii. Ils n’ont pas davantage sollicité les avis prévus ; d. Ainsi les deux décisions sont-elles entachées de deux vices de procédure ; e. En ayant à l’esprit le principe de l’économie du raisonnement (rasoir d’Occam), sou-

lignons ce qui suit : i. le tribunal administratif a dû se contenter de relever un seul vice de procédure

puisque cela suffisait à justifier l’annulation ; ii. s’agissant de la décision de M. Gérard Garros, le tribunal n’a pas eu besoin de

relever l’un quelconque des deux vices de procédure, car cette décision était entachée d’incompétence – un moyen de légalité qui est autrement sérieux parce que d’ordre public ;

iii. c’est donc la décision de Mme Christine Rolez qui a été jugée entachée d’un vice de procédure ;

► Bien évidemment, le candidat n’était nullement tenu de s’aventurer dans ce dernier type de distinction.

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Versions développées des réponses

Définition des termes pertinents de la question n°1 du cas pratique :

motifs : raisons de droit et de fait, ce qui, en droit et en fait, justifie ;

décision : Une décision administrative est un acte administratif unilatéral qui affecte l’ordonnancement juridique, soit en modifiant le contenu de celui-ci, soit en le réaffirmant.

• Un acte administratif unilatéral est un acte de droit public (non législatif et non juri-dictionnel) destiné à régir le comportement d’une ou plusieurs personnes qui, tantôt étran-gères tantôt associées à son édiction, n’en sont pas, juridiquement, les auteurs ;

entaché d’illégalité : illégal, non conforme à une ou plusieurs prescriptions de la légalité, c’est-à-dire à une ou plusieurs règles dont le respect s’imposait à l’autorité administrative.

***

Exposé des faits pertinents et compréhension globale de la question n°1 du cas pratique

Comme toujours, cette compréhension s’appuie sur plusieurs éléments : la compréhension des termes pertinents de l’interrogation, les faits pertinents relatifs à l’interrogation et, le cas échéant, les autres questions ainsi que les annexes du cas pratique.

Exposé des faits pertinents :

À l’instar de ses homologues, le préfet du département de Trantor est titulaire de plusieurs centaines d’attributions administratives. Faute de disposer de journées comportant plus de vingt-quatre heures, il ne peut exercer lui-même l’intégralité de cette compétence pharaonique. Le 9 janvier 2013, il signe et publie, dans le respect des règles en vigueur, un arrêté accordant délégation de signature, pour ce qui concerne la chasse à tir, à Mme Christine Rolez, Secrétaire générale de la Préfecture et, en cas d'absence ou d'empêchement de Mme Christine Rolez, à M. Gérard Garros, un chargé de mis-

sion auprès de la préfecture. Sur la base de cette délégation de signature, de leur propre initiative et sans solliciter le moindre avis, Mme Christine Rolez et M. Gérard Garros prennent chacun, le même jour – le 16 janvier 2013 – et à peu près à la même heure, une décision fixant les périodes pendant lesquelles la chasse à tir sera ouverte. Un habitant du département de Trantor forme un recours pour excès de pouvoir contre ces deux décisions.

Dans son jugement du 29 janvier 2014, qui ne mentionnait aucune règle de légalité interne, le tribunal admi-nistratif de Trantor a estimé que les décisions litigieuses étaient toutes les deux entachées d’illégalité.

Pour quels motifs le tribunal administratif a-t-il estimé que les décisions prises le 16 janvier 2013 étaient toutes les deux entachées d’illégalité ?

► L’exposé des faits pertinents et la compréhension à laquelle nous sommes parvenu des termes de la question n°1 nous autorisent à reformuler cette question de la manière suivante :

Pour quelles raisons de droit et de fait le tribunal administratif a-t-il estimé que la décision prise par la secrétaire générale de la préfecture, Mme Christine Rolez, et la décision émanant du chargé de mission, M. Gérard Garros, édictées toutes les deux le 16 janvier 2013 sur le

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fondement de la délégation de signature du 9 janvier 2013, étaient toutes les deux non con-formes à une ou plusieurs prescriptions de la légalité ?

Répondre rigoureusement à la question n°1 ainsi comprise consistera à confronter les faits pertinents avec les règles pertinentes.

Deux interrogations dans cette question n°1 :

1. Pour quelles raisons de droit et de fait le tribunal administratif a-t-il estimé que la décision

prise par M. Gérard Garros le 16 janvier 2013, sur le fondement de la délégation de signature du 9 janvier 2013, n’était pas conforme à une ou plusieurs prescriptions de la légalité ?

2. Pour quelles raisons de droit et de fait le tribunal administratif a-t-il estimé que la décision prise par Mme Christine Rolez le 16 janvier 2013, sur le fondement de la délégation de signature du 9 janvier 2013, n’était pas conforme à une ou plusieurs prescriptions de la légalité ?

Une question vient immédiatement à l'esprit : ces deux interrogations sont-elles solidaires ? En d'autres termes, la réponse donnée à l'une conditionne-t-elle la réponse donnée à l'autre ? À ce stade, on ne peut répondre à cette question. Observons tout de même sans plus attendre que les deux interrogations se fondent sur des faits presque identiques et qu’elles semblent inciter à l’application de règles identiques. À preuve, la présence dans les

deux interrogations – reformulées - du membre de phrase « sur le fondement de la délégation de signature du 9 janvier 2013 ».

Par conséquent, nous sommes à même d’annoncer que nos réponses à ces deux interrogations au-ront plusieurs parties communes ; nous pensons en particulier à l’exposé des règles pertinentes, d’où l’intitulé générique qui suit.

***

I – L’exposé des règles pertinentes relatives à la question n°1 du cas pratique

Nous avons les faits pertinents ; nous les avons dégagés à l’étape de la compréhension globale de la question n°1. Il nous reste à indiquer les règles pertinentes.

Comment trouver ces règles pertinentes ?

Voici la question qui nous permettra d’avancer : au vu des faits pertinents, quelles sont les règles dont la question du respect revêt ici une certaine pertinence ?

La question n°1 du cas pratique soulève un problème de légalité. Cela dit, notons tout de suite que cette question n°1 ne nous incite pas à nous appesan-tir sur toutes les règles de la légalité.

La compréhension que nous en avons montre que la question n°1 met en exergue un problème de légalité externe. Voici les motifs qui nous ont conduit à cette conviction :

• Par un jugement daté du 29 janvier 2014, le tribunal administratif a annulé les deux décisions, faisant ainsi droit aux conclusions du (ou des) requé-rant(s) ;

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• Dans son jugement, le tribunal administratif n’a fait application d’aucune règle de légalité interne ;

• Le tribunal administratif a donc fait application d’une ou plusieurs règles de la légalité externe ;

• Nous pouvons déduire de tout ce qui précède que les décisions litigieuses ont méconnu une ou plusieurs règles de la légalité externe.

Quelles sont donc les règles de la légalité externe dont, d’une part le respect s’imposait aux auteurs des deux décisions contestées, et, d’autre part, la mécon-naissance a entaché d’illégalité lesdites décisions ?

Prima facie, nous devons rechercher ces règles pertinentes aussi bien dans le cours que dans les annexes au cas pratique, sachant que nous aurons pour guide les faits perti-nents de la question n°1.

Les annexes au cas pratique comportent-elles des règles s’appliquant à des faits qui correspondent peu ou prou aux faits pertinents de la question n°1 ?

De toute évidence, la réponse est positive : • L’article R424-6 du Code de l'environnement porte sur l’ouverture de la

chasse à tir ; • L’article 43 du décret n°2004-374 du 29 avril 2004, relatif aux pouvoirs des

préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'État dans les régions et départements, autorise le préfet à déléguer sa signature ;

• L’arrêté du 9 janvier 2013 opérant délégation de signature porte la même date et a le même objet que l’arrêté mentionné dans les faits pertinents du cas pratique.

Quant au cours, si, dans son état actuel, il ne contient pas de règles ayant spécifique-ment trait à la chasse à tir et aux délégations que peut consentir le préfet, il nous per-met tout de même de comprendre et de qualifier les règles qui, pour une large part, annexées au cas pratique, s’imposaient au respect des auteurs des deux décisions liti-gieuses :

• règles de compétence, et plus particulièrement, règles relatives aux déléga-tions de compétence,

• règles de procédure. Ni les faits pertinents, ni les règles pertinentes n’incitent à s’arrêter sur une quelconque règle de forme.

A – L’exposé des règles pertinentes concernant la délégation de signature

consentie par le préfet

1 – Les règles générales tirées du cours Définitions :

Compétence : aptitude légale d’une personne à prendre certains actes juridiques dans une matière déterminée, dans une zone géographique donnée, et pendant la période allant de son investiture à la fin de ses fonctions ; Incompétence : inaptitude légale d’une personne à prendre certains actes juri-diques dans une matière déterminée, dans une zone géographique donnée, ou pen-dant une certaine période ;

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Délégation de compétence : Il y a délégation de compétence lorsqu'une autorité administrative - autorité délégante - habilite une autorité qui lui est subordonnée - autorité délégataire - à exercer une partie de sa compétence à sa place. On distingue deux modalités : • la délégation de pouvoirs - délégation de compétence stricto sensu • et la délégation de signature.

Subdélégation : Il y a subdélégation lorsque le bénéficiaire d'une délégation dé-lègue à son tour une partie de la compétence qui lui a été déléguée. Elle obéit aux mêmes conditions que la délégation. Toutefois, deux principes la gouvernent spé-cifiquement :

1. un délégataire de pouvoirs peut subdéléguer la compétence qui lui a été délé-guée, mais uniquement sous la forme d'une subdélégation de signature ;

2. un délégataire de signature ne peut subdéléguer la compétence qui lui a été déléguée, sous quelque forme que ce soit. Exception : L’article 1er du décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement (entré en vigueur le 1er octobre 2005) institue une délégation de si-gnature automatique des ministres vers les agents assurant les principales fonctions d’encadrement de leur ministère. À leur tour, ces délégataires de signature peu-vent subdéléguer la signature du ministre (article 3 du décret susmentionné).

Conditions et modalités des délégations :

Elles résultent d’une jurisprudence bien établie : 1. La possibilité même de déléguer ses pouvoirs ou sa signature doit avoir été

autorisée par un texte en vigueur. Qui plus est, la délégation ne doit pas in-tervenir dans une matière où elle est explicitement ou implicitement inter-dite par la loi ou par la Constitution.

2. La délégation doit être explicite et précise, de manière à ne laisser aucun doute raisonnable sur son existence, sur l’identité du délégataire et sur l’étendue des compétences déléguées. Bien entendu, le délégataire commet une incompétence s’il méconnaît les limites de la compétence qui lui a été déléguée.

3. La décision qui confère délégation - qui réalise le transfert - ayant un carac-tère réglementaire, elle doit être publiée.

4. La délégation ne saurait être totale - seulement partielle. Elle ne peut transfé-rer l’ensemble des pouvoirs du délégant au délégataire. Il n'est pas possible de se débarrasser de toute sa compétence.

2 – Les règles spécifiques tirées des annexes

La compétence du préfet. ► Aux termes de l’article R424-6 du Code de l’environnement, « la chasse à tir est ouverte pen-

dant les périodes fixées chaque année par arrêté du préfet ».

La possibilité pour le préfet de déléguer sa compétence. L’article 43 du décret n°2004-374 du 29 avril 2004, relatif aux pouvoirs des préfets, à l'orga-

nisation et à l'action des services de l'État dans les régions et départements, dispose : « Le préfet de département peut donner délégation de signature :

1° En toutes matières et notamment pour celles qui intéressent plusieurs chefs des services des administrations civiles de l'État dans le département, au secré-taire général et aux chargés de mission ; […] »

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La délégation de signature consentie par le préfet. ► Elle résulte de l’arrêté du 9 janvier 2013 : « Article 1er : Délégation est donnée à Mme Christine Rolez, secrétaire générale de la pré-fecture, à l’effet de signer, au nom du Préfet de Trantor, toutes décisions concernant la chasse à tir. Article 2 : En cas d'absence ou d'empêchement de Mme Christine Rolez, la délégation prévue à l'article 1er ci-dessus est donnée à M. Gérard Garros, chargé de mission à la Préfecture. »

Notons au passage que, conformément à la définition même de la délégation de signature, les délé-gataires sont nommément désignés dans l’arrêté préfectoral – une délégation de signature est, en principe, consentie intuitu personae. De toute façon, il est indiqué que la délégation est intervenue dans le respect des règles en vigueur (partielle, publiée, etc.).

***

B – L’exposé des règles de procédure concernant la fixation de la date de l’ouverture de la chasse à tir

Définitions tirées du cours :

Règle de procédure : formalité requise dans le processus conduisant à l’édiction d’un acte administratif. Une règle de procédure peut être ou ne pas être substan-tielle ; Formalité substantielle : règle de procédure obligatoire dont la méconnaissance totale ou partielle exerce une influence déterminante sur le sens de la décision dont elle régit l’édiction ; Vice de procédure : illégalité résultant de l’inobservation d’une formalité subs-tantielle requise pour l’édiction d’un acte administratif. Observons, au passage –pour y revenir plus tard – que le juge assimile à des cas d’incompétence certaines illégalités qui, du point de vue théorique, répondent à la définition du vice de pro-cédure. Exemple : la méconnaissance de l’obligation de ne décider que sur avis conforme.

► Malgré « nos efforts », nous n’avons pas souvenance d’une quelconque référence dans le cours à… la chasse à tir.

► Ce n’est donc pas du cours, mais des annexes au cas pratique que nous puiserons les règles qui régissent la procédure relative à la fixation des dates de l’ouverture de la chasse à tir. En effet, l’article R424-6 du Code de l’environnement (annexé au cas pratique) dispose :

« La chasse à tir est ouverte pendant les périodes fixées chaque année par arrêté du préfet, pris sur proposition du directeur départemental de l'agriculture et de la forêt après avis de la commission départementale de la chasse et de la faune sauvage et de la fédération des chasseurs. »

► Il résulte de ces dispositions que deux règles de procédure doivent être respectées lorsqu’il s’agit de fixer les dates de l’ouverture de la chasse à tir :

1. le préfet ne peut agir spontanément ; il doit attendre la proposition qui lui sera faite en ce sens par le directeur départemental de l'agriculture et de la forêt ;

2. préalablement à la décision, deux avis doivent être recueillis : l’avis de la commission départementale de la chasse et de la faune sauvage et l’avis de la fédération des chasseurs.

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► C’est le moment de signaler un sérieux problème d’interprétation : qui doit solliciter les deux avis ? Le préfet ou le directeur départemental de l'agriculture et de la forêt ?

La question présente un intérêt certain, car, selon la réponse retenue, un éventuel vice de pro-cédure aura pour origine le comportement du préfet ou celui du directeur départemental de l'agricul-ture et de la forêt.

Nota bene : il est hors de question de reprocher au candidat une éventuelle ignorance dans ce domaine, car tous les développements présentés ici autour de la question de l’interprétation ont une portée purement pédagogique.

1. Première réponse possible : c’est le directeur départemental de l'agriculture et de la forêt qui doit solliciter les deux avis.

► Cette réponse se fonde sur une interprétation purement grammaticale ou littérale de l’article R424-6 du Code de l’environnement :

l’article R424-6 du Code de l’environnement se compose de deux parties sépa-rées par une virgule ;

la première partie, qui va du début de la phrase à la virgule, donne compétence au préfet pour fixer les dates de l’ouverture de la chasse à tir : « La chasse à tir est ouverte pendant les périodes fixées chaque année par arrêté du préfet, »

la seconde partie, qui commence après la virgule, comprend elle-même deux groupes de mots : • le premier groupe de mots concerne la proposition émanant du directeur dépar-

temental de l'agriculture et de la forêt ; • le second groupe de mots vise l’avis de la commission départementale de la

chasse et de la faune sauvage et l’avis de la fédération des chasseurs ; étant donné que ces deux groupes de mots ne sont pas séparés par une virgule, il est logique de penser que le directeur départemental de l'agriculture et de la forêt formule sa proposition après avoir recueilli les deux avis susmentionnés.

2. Deuxième réponse possible : c’est le préfet qui doit solliciter les deux avis. ► Ici, l’interprétation n’est pas grammaticale, mais constructive ou raisonnable :

le préfet est le destinataire de l’ensemble des dispositions de l’article R424-6 du Code de l’environnement ;

le préfet est ainsi le titulaire du pouvoir prévu à l’article R424-6 du Code de l’environnement, c’est-à-dire du pouvoir de fixer les dates de l’ouverture de la chasse à tir ;

le préfet est logiquement celui qui doit respecter les conditions auxquelles l’article R424-6 du Code de l’environnement subordonne l’exercice du pouvoir qu’il pré-voit ; au surplus, il serait peu pratique d’obliger le préfet à s’assurer que le direc-teur départemental de l'agriculture et de la forêt a bien sollicité les avis dont il s’agit.

► Quelle est donc la bonne interprétation ? Ou, plutôt, quelle interprétation les préfets de la République ont-ils retenue ? La réponse ne devrait guère surprendre : c’est la seconde interprétation, celle suivant la-

quelle il incombe au préfet, et non au directeur départemental, de solliciter les avis de la commis-sion départementale de la chasse et de la faune sauvage et de la fédération des chasseurs.

Une telle affirmation s’appuie sur les visas de plusieurs arrêtés pris en la matière par des pré-fets ou des autorités ayant reçu délégation de signature de préfets.

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On n’ignore pas en effet que l’autorité administrative signale dans les visas (motifs de droit et de fait) les formalités qu’elle a elle-même accomplies préalablement à l’édiction de sa décision.

Le fait est que, dans tous les arrêtés fixant les dates de l’ouverture de la chasse à tir, les avis en question sont expressément visés. Une manière pour les auteurs de ces arrêtés d’attester qu’ils ont eux-mêmes sollicité – et recueilli – l’avis de la commission départementale de la chasse et de la faune sauvage et l’avis de la fédération des chasseurs.

Nota bene : il est hors de question de reprocher au candidat une éventuelle ignorance dans ce domaine, car, répétons-le, tous les développements présentés ici autour de la question de l’interprétation ont une portée purement pédagogique.

Exemple (authentique) d’arrêté :

DIRECTION DÉPARTEMENTALE DE L’AGRICULTURE ET DE LA FORET Service de l’eau, de la forêt, et de l'environnement Arrêté N° 2008-173 Le Préfet, Chevalier de la Légion d’Honneur, Officier de l’Ordre National du Mérite,

PRÉFECTURE DU JURA

ARRÊTÉ D’OUVERTURE ET DE CLÔTURE DE LA CHASSE

POUR LA CAMPAGNE 2008/2009 DANS LE DÉPARTEMENT DU

JURA

VU le code de l'environnement, notamment les articles L.424-2, L.425-15 et L. 426-5, R.424-1 à R.424-9, R.426-4, R.426-5, R.428-17 et R.428-8 ; VU l'arrêté ministériel du 28 mai 2004 fixant les dates de la chasse au vol des oiseaux sé-dentaires ; VU l’arrêté ministériel du 1er août 1986 modifié concernant les procédés de chasse ; Vu le Schéma départemental de gestion cynégétique (SDGC) approuvé par arrêté préfecto-ral n° 2006-194 du 3 juillet 2006 ; VU l'avis de la Fédération départementale des chasseurs du Jura (FDCJ) en date du 5 juin 2008 ; VU les propositions de plans de gestion présentées par la FDCJ à la Commission départe-mentale de la chasse et de la faune sauvage (CDCFS) en application du SDGC ; VU l’avis de la Commission départementale de la chasse et de la faune sauvage du 18 juin 2008 ; SUR PROPOSITION de Monsieur le directeur départemental de l'agriculture et de la forêt ;

ARRÊTE ARTICLE 1er – La période d’ouverture générale de la chasse à tir est fixée, pour le dépar-tement du Jura, du 14 septembre 2008 à 8 heures au 31 janvier 2009 au soir. ARTICLE 2 – Par dérogation à l’article 1er ci-dessus, les espèces de gibier figurant au ta-bleau ci-après ne peuvent être chassées que pendant les périodes comprises entre les dates et aux conditions spécifiques de chasse suivantes […]

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► Ainsi la pratique confirme-t-elle l’interprétation selon laquelle il appartient non pas au direc-teur départemental mais au préfet ou à la personne qui a reçu délégation de lui, de procéder aux consultations prévues.

► Au demeurant les données pertinentes du cas pratique incitaient à privilégier cette interpréta-tion : « Sur le fondement de cette délégation de signature, de leur propre initiative et sans solliciter le moindre avis, Mme Christine Rolez et M. Gérard Garros prennent chacun, le même jour – le 16 janvier 2013 – et à peu près à la même heure, une décision fixant les périodes pendant lesquelles la chasse à tir sera ou-verte. »

► Vu de toute cette débauche d’énergie aux fins de l’interprétation de ces dispositions, on ne peut s’affranchir de l’impression que, si la pratique suivie dans les préfectures est correcte, la ré-daction de l’article R424-6 du Code de l’environnement est quelque peu défectueuse.

L’impression devient certitude à la lecture de l’article R424-5 qui le précède et qui a trait, non à la chasse à tir, mais à la vénerie :

« Le préfet peut, sur proposition du directeur départemental de l'agriculture et de la forêt et après avis de la commission départementale de la chasse et de la faune sau-vage et de la fédération des chasseurs, autoriser l'exercice de la vénerie du blaireau pour une période complémentaire à partir du 15 mai. »

Cet article R424-5 désigne sans équivoque le préfet comme l’autorité devant solliciter les avis de la commission départementale de la chasse et de la faune sauvage et de la fédération des chas-seurs. L’absence d’ambiguïté est due à la présence de la conjonction de coordination « et » : « sur

proposition du directeur départemental de l'agriculture et de la forêt et après avis […] » Une conjonction de coordination omise lors de la rédaction de notre R424-6.

► En raison de cette faiblesse rédactionnelle, on ne tiendra pas rigueur au candidat qui re-tiendrait l’interprétation suivant laquelle il incombe au directeur départemental de l'agricul-ture et de la forêt de recueillir les avis.

► D’ailleurs, quelle que soit l’interprétation retenue, la décision du tribunal administratif restera la même : les deux décisions litigieuses seront considérées comme illégales.

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II – L’application des règles pertinentes aux faits pertinents de la question n°1 du cas pratique

A – L’application aux faits pertinents des règles pertinentes concernant la délégation de signature consentie par le préfet

Rappelons, au titre des règles pertinentes, que, par son arrêté du 9 janvier 2013, le préfet a consenti une double délégation de signature :

« Article 1er : Délégation est donnée à Mme Christine Rolez, secrétaire générale de la préfecture, à l’effet de signer, au nom du Préfet de Trantor, toutes décisions con-cernant la chasse à tir. Article 2 : En cas d'absence ou d'empêchement de Mme Christine Rolez, la déléga-tion prévue à l'article 1er ci-dessus est donnée à M. Gérard Garros, chargé de mission à la Préfecture. »

Aux termes des dispositions de l’arrêté préfectoral,

les deux délégataires ne peuvent exercer au même moment la délégation qui leur a été accor-dée ;

Mme Christine Rolez, délégataire principale, a le droit d’exercer immédiatement (c’est-à-dire dès le 9 janvier 2013, date de la publication de l’arrêté) la compétence qui lui a été déléguée ;

M. Gérard Garros, délégataire secondaire, ne peut exercer la même compétence que si Mme Christine Rolez n’est pas en mesure de le faire à la suite d’une absence ou d'un empêchement. Il apparaît que M. Gérard Garros a méconnu le caractère conditionnel de la délégation de si-

gnature qu’il a reçue : Sur le fondement de celle-ci, il a pris, le 16 janvier 2013, une décision fixant les

périodes pendant lesquelles la chasse à tir sera ouverte ; À la même heure, Mme Christine Rolez prenait une décision identique, ce qui

prouve qu’elle n’était ni absente ni empêchée ; La conclusion force l’adhésion : M. Gérard Garros ne pouvait ce jour-là exercer la

délégation de signature qu’il a reçue. La décision prise par M. Gérard Garros le 16 janvier 2013 est donc entachée d’illégalité, parce

que son auteur était incompétent au jour de son édiction. Sachant que l’incompétence est un moyen d’ordre public, on peut soutenir que cette illégalité a été soit invoquée par le requérant, soit relevée d’office par le tribunal administratif.

B – L’application aux faits pertinents des règles procédure concernant la fixa-

tion de la date de l’ouverture de la chasse à tir On a bien sûr encore en mémoire les deux règles de procédure qui doivent être respectées lors-qu’il s’agit de fixer les dates de l’ouverture de la chasse à tir :

1. le préfet ne peut agir spontanément ; il doit attendre la proposition qui lui sera faite en ce sens par le directeur départemental de l'agriculture et de la forêt ;

2. préalablement à la décision, deux avis doivent être recueillis : l’avis de la commission départementale de la chasse et de la faune sauvage et l’avis de la fédération des chasseurs.

Ces deux règles de procédure s’imposent également au respect de quiconque agit au nom du préfet par l’effet d’une délégation de signature.

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► Ainsi, Mme Christine Rolez ou, le cas échéant, M. Gérard Garros, devait 1. attendre la proposition du directeur départemental de l'agriculture et de la forêt 2. et solliciter l’avis de la commission départementale de la chasse et de la faune sauvage ain-

si que l’avis de la fédération des chasseurs.

► Ni Mme Christine Rolez ni M. Gérard Garros n’ont respecté ces deux règles de procé-dure :

1. Ils n’ont pas pris leurs décisions sur proposition du directeur départemental de l'agriculture et de la forêt. Données pertinentes du cas pratique : « Sur le fondement de cette délégation de signa-ture, de leur propre initiative […], Mme Christine Rolez et M. Gérard Garros prennent chacun […] » ;

2. Ils n’ont pas davantage sollicité les avis prévus. .Données pertinentes du cas pratique : « Sur le fondement de cette délégation de signature, […] sans solliciter le moindre avis, Mme Christine Ro-lez et M. Gérard Garros prennent chacun […] »

► Il est, en conséquence, facile de concéder que les deux décisions sont entachées de deux vices de procédure.

En ayant à l’esprit le principe de l’économie du raisonnement (rasoir d’Occam), soulignons que, le tribunal a dû se contenter de relever un seul vice de procédure puisque cela

suffisait à justifier l’annulation et que, s’agissant de la décision de M. Gérard Garros, le tribunal n’a pas eu besoin de

relever l’un quelconque des deux vices de procédure, car cette décision était entachée d’incompétence – un moyen de légalité qui est autrement sérieux parce que d’ordre pu-blic.

***

Conclusion : réponse effective à la question n°1 du cas pratique dans son ensemble

Cette question n°1 du cas pratique comporte en fait deux interrogations :

1. Interrogation n°1 : Pour quels motifs le tribunal administratif a-t-il estimé que la décision prise le 16 janvier 2013 par M. Gérard Garros était entachée d’illégalité ?

2. Interrogation n°2 : Pour quels motifs le tribunal administratif a-t-il estimé que la décision prise le 16 janvier 2013 par Mme Christine Rolez était entachée d’illégalité ?

Voici le résumé des réponses :

1. Interrogation n°1 : Pour quels motifs le tribunal administratif a-t-il estimé que la déci-sion prise le 16 janvier 2013 par M. Gérard Garros était entachée d’illégalité ?

Les motifs pour lesquels le tribunal administratif a estimé que la décision prise par M. Gérard Garros était entachée d’illégalité se laissent exposer comme suit :

a. Par un arrêté signé et publié dans le respect des règles en vigueur le 9 janvier 2013, le préfet du département de Trantor a consenti une double délégation de signature qui portait sur « toutes décisions concernant la chasse à tir » ;

b. Les deux délégataires, Mme Christine Rolez et M. Gérard Garros, ne sont pas habili-tés dans les mêmes termes ;

c. Ils ne peuvent pas exercer au même moment la délégation qui leur a été accordée :

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i. Mme Christine Rolez, délégataire principale, a le droit d’exercer immédiate-ment (c’est-à-dire dès le 9 janvier 2013, date de la publication de l’arrêté) la compétence qui lui a été déléguée ;

ii. M. Gérard Garros, délégataire secondaire, n’a le droit d’exercer la même compétence que si Mme Christine Rolez n’est pas en mesure de le faire à la suite d’une absence ou d'un empêchement ;

d. Il apparaît que M. Gérard Garros a méconnu le caractère conditionnel de la déléga-tion de signature qu’il a reçue :

i. Sur le fondement de celle-ci, il a pris, le 16 janvier 2013, une décision fixant les périodes pendant lesquelles la chasse à tir sera ouverte ;

ii. Au même moment, Mme Christine Rolez prenait une décision identique, ce qui prouve qu’elle n’était ni absente ni empêchée ;

iii. La conclusion force l’adhésion : M. Gérard Garros ne pouvait ce jour-là exercer la délégation de signature qu’il avait reçue du préfet ;

e. La décision prise par M. Gérard Garros le 16 janvier 2013 est donc entachée d’illégalité, parce que son auteur était incompétent au jour de son édiction. Sachant que l’incompétence est un moyen d’ordre public, on peut soutenir que cette illégalité a été soit invoquée par le requérant, soit relevée d’office par le tribunal administratif.

2. Interrogation n°2 : Pour quels motifs le tribunal administratif a-t-il estimé que la déci-sion prise le 16 janvier 2013 par Mme Christine Rolez était entachée d’illégalité ?

Voici les motifs pour lesquels le tribunal administratif a estimé que la décision prise par Mme Christine Rolez était entachée d’illégalité :

a. Deux règles de procédure doivent être respectées lorsqu’il s’agit de fixer les dates de l’ouverture de la chasse à tir :

i. le préfet ne peut agir spontanément ; il doit attendre la proposition qui lui sera faite en ce sens par le directeur départemental de l'agriculture et de la forêt ;

ii. préalablement à la décision, le préfet doit solliciter l’avis de la commission départementale de la chasse et de la faune sauvage et l’avis de la fédération des chasseurs ;

b. Ces deux règles de procédure s’imposent également au respect de quiconque agit au nom du préfet par l’effet d’une délégation de signature.

i. Ainsi, Mme Christine Rolez ou, le cas échéant, M. Gérard Garros, devait at-tendre la proposition du directeur départemental de l'agriculture et de la forêt

ii. et solliciter l’avis de la commission départementale de la chasse et de la faune sauvage ainsi que l’avis de la fédération des chasseurs ;

c. Ni Mme Christine Rolez ni M. Gérard Garros n’ont respecté ces deux règles de pro-cédure :

i. Ils n’ont pas pris leurs décisions sur proposition du directeur départemental de l'agriculture et de la forêt ;

ii. Ils n’ont pas davantage sollicité les avis prévus ; d. Ainsi les deux décisions sont-elles entachées de deux vices de procédure ; e. En ayant à l’esprit le principe de l’économie du raisonnement (rasoir d’Occam), sou-

lignons ce qui suit : i. le tribunal administratif a dû se contenter de relever un seul vice de procédure

puisque cela suffisait à justifier l’annulation ;

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ii. s’agissant de la décision de M. Gérard Garros, le tribunal n’a pas eu besoin de relever l’un quelconque des deux vices de procédure, car cette décision était entachée d’incompétence – un moyen de légalité qui est autrement sérieux parce que d’ordre public ;

iii. c’est donc la décision de Mme Christine Rolez qui a été jugée entachée d’un vice de procédure ;

Bien évidemment, le candidat n’était nullement tenu de s’aventurer dans ce der-nier type de distinction.

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2 – Réponse à la question n°2 du cas pratique

Pour quels motifs le tribunal administratif a-t-il jugé que la délibération du 12

février 2014 par laquelle le conseil municipal avait adopté le plan d’occupation des sols n’était pas illégale ?

Nous exposerons successivement deux versions de la même réponse : a. une version « synthétique », c’est-à-dire un résumé de la réponse à donner

à la question posée ; cette réponse précise et concise est destinée au lecteur pressé qui souhaite juste prendre connaissance de la solution ;

b. une version « analytique », autrement dit une réponse développée corres-pondant dans ses grandes lignes à ce qui était attendu du candidat.

Pour dire les choses différemment afin d’éviter toute ambiguïté, le candidat doit formuler une réponse développée ; la réponse synthétique dont il est question ici n’a qu’un seul but : faciliter la lecture de ce corrigé.

Résumé de la réponse

► Il n’était pas vraiment difficile de découvrir les motifs pour lesquels le tribunal administratif a jugé que la délibération du 12 février 2014 par laquelle le conseil municipal avait adopté le plan d’occupation des sols n’était pas illégale, sachant que le détournement de pouvoir était la seule illégalité dont l’invocation trouvait un appui dans les faits pertinents du cas pratique :

Contrairement à ce qu’a pu penser le requérant, il n’y a pas eu de détournement de pou-voir ;

Certes, l’opération poursuivait un but d’intérêt privé ou politique : permettre aux amis po-litiques des conseillers municipaux de vendre leurs terrains privés à des prix très élevés ;

Mais ce n’était pas là le seul but de l’opération ; Celle-ci visait également un deuxième but, lequel correspondait à un « bon but d’intérêt général » : attirer des entreprises sur le territoire de la commune et contribuer ainsi à la création d’emplois ;

Et nous savons qu’il n’y a pas de détournement de pouvoir lorsque l’autorité administrative poursuit à la fois un bon but d’intérêt général et un (ou plusieurs) but (buts) d’intérêt privé ou politique - C.E., 20 juillet 1971, Ville de Sochaux.

Nota bene : pour des raisons qui seront exposées plus loin, l’invocation d’une compétence liée ou de circonstances exceptionnelles n’aurait aucune pertinence. Toutefois, elle ne constituerait pas un malus pour le candidat… à condition qu’elle soit bien structurée.

***

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Version développée de la réponse

Définition des termes pertinents de la question n°2 du cas pratique :

motifs : raisons de droit et de fait, ce qui en droit et en fait justifie (Cf. réponse à la question n°1) ;

plan d’occupation des sols : selon la définition figurant dans le libellé du cas pratique, do-cument ayant pour objet de classer les différentes parties d’une commune selon l'usage qui doit en être fait, au regard de leur constructibilité : habitat, loisirs, activités diverses, espaces naturels à protéger…

ne pas être illégal : ne contrevenir à aucune des prescriptions de la légalité, c’est-à-dire à au-cune des règles dont le respect s’imposait à l’autorité administrative (Cf. réponse à la ques-tion n°1).

***

Exposé des faits pertinents et compréhension globale de la question n°2 du cas pratique

Cette compréhension prend appui sur plusieurs éléments : la compréhension des termes pertinents de l’interrogation, les faits pertinents relatifs à l’interrogation et, le cas échéant, les autres questions ainsi que les annexes du cas pratique.

Exposé des faits pertinents :

Il y a de moins en moins de raisons de contester le fait que l’on ne peut pas construire n’importe quoi, ni n’importe où sur le territoire d’une commune. En effet, la loi habilite les conseils municipaux à adopter, par délibération, un plan d’occupation des sols. Ce plan a pour objet de classer les différentes parties d’une commune selon l'usage qui doit en être fait, au regard de leur constructibilité : habitat, loisirs, activités di-verses, espaces naturels à protéger… Le 12 février 2014, le conseil municipal de la ville de Trantor-Sur-Ciel (la ville et le département portent des noms voisins) adopte, par une délibération son plan d’occupation des sols. En prenant cette décision administrative, le conseil municipal poursuit deux buts :

1. attirer des entreprises sur le territoire de la commune et contribuer ainsi à la création d’emplois et 2. permettre aux amis politiques des conseillers municipaux de vendre leurs terrains privés à des

prix très élevés. Le 19 février 2015, statuant sur un recours pour excès de pouvoir dirigé contre la délibération, le tribunal administratif a jugé qu’au vu des faits pertinents celle-ci n’était pas illégale.

Pour quels motifs le tribunal administratif a-t-il jugé que la délibération du 12 février 2014 par laquelle le conseil municipal avait adopté le plan d’occupation des sols n’était pas illé-gale ?

► L’exposé des faits pertinents et la compréhension à laquelle nous sommes parvenu des termes de la question n°2 nous conduisent à reformuler cette question de la manière suivante :

Pour quelles raisons de droit et de fait le tribunal administratif a-t-il jugé que la délibération du 12 février 2014 par laquelle le conseil municipal avait adopté le plan d’occupation des sols ne contrevenait à aucune des prescriptions de la légalité ?

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Répondre rigoureusement à la question n°2 ainsi comprise consistera à confronter les faits pertinents avec les règles pertinentes.

***

I – L’exposé des règles pertinentes relatives à la question n°2 du cas pratique

Nous avons les faits pertinents ; nous les avons dégagés à l’étape de la compréhension globale de la question n°2. Il nous reste à indiquer les règles pertinentes.

Comment trouver ces règles pertinentes ?

Voici la question qui nous permettra d’avancer : au vu des faits pertinents, quelles sont les règles dont la question du respect revêt ici une certaine pertinence ?

La question n°2 du cas pratique soulève un problème de légalité : Un recours pour excès de pouvoir a été formé contre la délibération du 12 février 2014 par laquelle le conseil municipal avait adopté le plan d’occupation des sols. Définition du recours pour excès de pouvoir : acte de procédure par lequel on saisit le juge admi-nistratif d'une demande tendant à l'annulation d’un acte administratif que l'on estime illégal. Le tribunal administratif a jugé que cette délibération n’était pas illégale.

Dire, comme l’a fait le tribunal administratif, que la décision litigieuse n’est pas illé-gale, c’est dire qu’elle n’est entachée d’aucune des illégalités étudiées en cours :

• incompétence, • vice de procédure, • vice de forme, • violation directe de la loi, • erreur de droit, • erreur de fait, • erreur dans la qualification juridique des faits, • erreur manifeste d'appréciation et • détournement de pouvoir.

Faut-il en déduire que le tribunal administratif s’est demandé à propos de cha-cune de ces illégalités si la délibération en était entachée ?

Certainement pas ! Nous n’avons, pour ainsi dire, jamais lu une décision juridiction-nelle (arrêt, jugement ou ordonnance) passant en revue toutes les illégalités susexpo-sées.

La juridiction administrative limite son examen aux illégalités invoquées par le requé-rant et, le cas échéant aux moyens d’ordre public, qu’elle a, bien entendu, le droit de soulever d’office.

Quant au requérant, s’il a une connaissance acceptable du droit administratif, il invo-quera seulement les illégalités dont l’existence est rendue plausible par les faits perti-nents de l’espèce et les règles pertinentes qui leur sont applicables.

En l’espèce, quelles sont les illégalités dont l’existence est rendue plausible par les faits pertinents et les règles pertinentes qui leur sont applicables ? Autrement dit,

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quelles sont les illégalités dont le rejet ou l’admission incite à puiser des arguments dans les faits pertinents ? Ou encore, en sens inverse (Cf. méthodologie du cas pra-tique), quelles sont les illégalités que rien, dans les faits pertinents du cas pratique, ne nous incite ni à retenir, ni à rejeter, et que nous devons donc écarter faute de données suffisantes ?

Il apparaît que seul le détournement de pouvoir peut donner lieu à un débat (sur son admission ou son rejet) fondé sur les faits pertinents de l’espèce.

Données pertinentes du cas pratique : « Il est avéré que cette décision a pour but d’attirer des entreprises sur le territoire de la commune et de contribuer ainsi à la création d’emplois. Mais il est également incontestable qu’elle vise accessoirement à permettre aux amis poli-tiques des conseillers municipaux de vendre leurs terrains privés à des prix très élevés. »

Nous sommes ainsi amené à donner une signification plus pratique à la question n°2 du cas pratique :

Pour quelles raisons de droit et de fait le tribunal administratif a-t-il jugé que la délibération du 12 février 2014 par laquelle le conseil municipal avait adopté le plan d’occupation des sols n’était pas entachée de détournement de pouvoir ?

Notre quête arrive à son terme : les règles pertinentes que nous exposerons sont celles qui ont trait aux buts poursuivis par le conseil municipal.

Prima facie, nous devons rechercher les règles pertinentes aussi bien dans le cours que dans les annexes au cas pratique, sachant que nous aurons pour guide les faits perti-nents.

Les annexes au cas pratique comportent-elles des règles s’appliquant à des faits qui correspondent peu ou prou aux faits pertinents de la question n°1 ?

De toute évidence, la réponse est négative.

C’est uniquement du cours que nous puiserons les règles pertinentes.

Exposé des règles pertinentes relatives aux buts poursuivis par le conseil

municipal

► Le but ne se confond ni avec le motif ni avec le mobile.

Le motif et le mobile sont de l’ordre des causes - le second terme étant moins officiel que le premier. Ce sont les considérations qui ont incité l’autorité administrative à prendre sa décision ou à agir. Il s’agit, en principe, de données objectives. Chronologiquement, le motif et le mobile se si-tuent en amont de la décision ou de l’action.

Le but est de l’ordre des effets. C’est le résultat en vue duquel l’autorité administrative a pris sa décision ou a agi. Il s’agit d’une donnée à la fois objective et psychologique. Chronologique-ment, le but se situe en aval de la décision ou de l’action. Ou plus exactement, c’est la réalisation du but qui se situe en aval de la décision ou de l’action.

► L’autorité administrative doit respecter deux principes : 1. Elle ne doit agir qu’en vue d’un but d’intérêt général. Seul le service de l’intérêt général justi-

fie les prérogatives exorbitantes dont bénéficient les autorités administratives, 2. Une autorité administrative ne peut agir en vue de n’importe quel but d’intérêt général. En ef-

fet, à chaque domaine de compétence est assigné un but d’intérêt général spécifique.

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En somme, une autorité administrative ne doit pas seulement viser un but d’intérêt général, elle doit également viser le bon but d’intérêt général sinon elle pourrait commettre un détournement de pou-voir.

Définition : Il y a détournement de pouvoir lorsqu’une autorité administrative use de sa compétence - de ses pouvoirs - en vue d’un but autre que celui que pour le-quel cette compétence lui a été attribuée.

► Il est deux manières de méconnaître les deux principes précités, donc deux modalités du dé-tournement de pouvoir :

1. L’édiction d’un acte dans un but étranger à l’intérêt général Dans cette hypothèse, le détournement de pouvoir résulte du fait que l’administration a usé de ses pouvoirs en vue d’un but d’intérêt particulier ou, en tout cas, non général. L’acte administratif liti-gieux peut avoir été inspiré par des mobiles privés, personnels ou politiques (Cf. C.E., 13 janvier 1995, Syndicat autonome des inspecteurs de l’administration ; 8 janvier 1971, Association des magistrats et anciens magistrats de la Cour des Comptes Ass., 13 juillet 1962, Sieur Bréart de Boisanger).

Toutefois, en cas de pluralité de buts, le juge considère qu’il n’y a pas de détournement de pouvoir si l’un des buts poursuivis est légal, même si les autres ne le sont pas - C.E., 20 juillet 1971, Ville de Sochaux (Rec. p.561, AJDA 1972, p.227). Par exemple, lorsqu’une décision est prise en vue d’un but d’intérêt général, le fait qu’elle favorise aussi des intérêts particuliers ne l’entache pas nécessairement de détournement de pouvoir. Encore faudrait-il que l’administration ait poursuivi le « bon » but d’intérêt général - d’où la restric-tion ci-dessus énoncée : « pas nécessairement ».

On doit ajouter qu’il n’y a pas non plus détournement de pouvoir lorsque l’administration a compétence liée – mais cette remarque vaut pour presque toutes les autres illégalités.

2. L’édiction d’un acte dans un but d’intérêt général différent du but légalement prévu Dans cette hypothèse, le détournement de pouvoir résulte du fait que l’administration a usé de ses pouvoirs en vue d’un but d’intérêt général autre que celui pour lequel ces pouvoirs lui ont été confé-rés. L’illustration la plus parlante en est fournie par l’exercice du pouvoir de police en vue d’un but fi-nancier – Cf. C.E., C.E., 26 novembre 1875, Pariset (Rec. p.934) ; 26 novembre 1875, Laumonnier-Carriol (Rec. p.936) ; 3 juillet 1998, Commune de la Bruguière (RFDA 1998, pp.1062-1063).

Toutefois, le juge estime qu’il n’y a pas de détournement de pouvoir en cas de coexistence du « bon » but d’intérêt général et d’un « mauvais » but d’intérêt général. Par exemple, si l’autorité de police poursuit à la fois un but financier et un but de police, elle ne commet pas de détournement de pouvoir - Cf. C.E., 6 avril 1951, Vila et Ribouleau (Rec. p.180).

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II – L’application des règles pertinentes aux faits de la question n°2 du cas pratique

Ainsi que nous l’avons montré au stade de la quête des règles pertinentes applicables aux faits per-tinents de la question n°2, il est possible et opportun de donner à la question n°2 une signification plus pratique :

► Pour quelles raisons de droit et de fait le tribunal administratif a-t-il jugé que la délibé-ration du 12 février 2014 par laquelle le conseil municipal avait adopté le plan d’occupation des sols n’était pas entachée de détournement de pouvoir ? Nous répondrons à cette question en nous servant des règles et faits pertinents dégagés plus haut. Et nous nous servirons de ces règles et faits pertinents en nous inscrivant résolument dans la dé-marche annexée au cours sur le détournement de pouvoir.

► Nous devrons donc faire face à une série d’interrogations.

► Le conseil municipal avait-il compétence liée en adoptant, par sa délibération du 12 février 2014, le plan d’occupation des sols de la commune ?

Si la réponse est positive, notre tâche est achevée, car il n’y a pas de détournement de pouvoir lors-que l’autorité administrative a compétence liée.

En l’espèce, nous ne pouvons soutenir que le conseil municipal avait compétence liée :

1. Première raison (décisive) : Rien dans le libellé du cas pratique ne nous permet de conclure à l’existence d’une compétence liée ; celle-ci ne se présume pas, car elle limite la liberté de l’autorité administrative, et nous savons que nous ne devons rien ajouter au libellé d’un cas pra-tique - observons que ce raisonnement vaut également pour l’invocation éventuelle de circons-tances exceptionnelles. Il suffit de se rappeler ce qu’est la compétence liée pour convenir qu’elle constitue l’exception et que donc elle ne saurait être présumée.

Définition de la compétence liée : Il y a compétence liée lorsqu’en présence de certaines circonstances - de certains motifs de fait - l’autorité administrative est légalement tenue d’agir ou de décider dans un sens déterminé sans pouvoir choisir une autre solution ni appré-cier librement lesdites circonstances de fait - C.E., Sect., 3 février 1999, M. Montaignac (AJDA juillet-août 1999).

2. Deuxième raison (fondée sur le bon sens). L’objet même du plan d’occupation des sols ex-clut que son adoption procède de l’exercice d’une compétence liée : classer les différentes parties d’une commune selon l'usage qui doit en être fait, au regard de leur constructibilité - habitat, loisirs, activités diverses, espaces naturels à protéger…Il serait aberrant qu’une loi prédétermine le con-tenu du plan d’occupation des sols de plus de 36 000 communes ; c’est pourtant cette aberration qu’impliquerait une compétence liée en la matière. Ajoutons qu’il serait inutile de plaider en faveur de la qualification de compétence liée en es-

sayant de retenir une définition édulcorée de cette notion.

Soutenir, par exemple, que le conseil municipal avait compétence liée parce que la loi l’obligeait à adopter un plan d’occupation des sols, ce serait méconnaître la portée de l’arrêt Montaignac précité. La compétence liée porte non seulement sur l’obligation de décider mais aus-si sur le contenu même de la décision.

Bien sûr, dans toute compétence, il ya des aspects liés, mais en l’espèce, l’aspect qui im-porte n’est nullement lié, et ne saurait l’être pour les raisons exposé au 2e ci-dessus. Le conseil municipal a ainsi décidé dans l’exercice d’une compétence discrétionnaire.

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► Le conseil municipal, qui n’avait pas compétence liée, a-t-il poursuivi un seul but ou plusieurs buts ?

Réponse : Le conseil municipal a poursuivi plusieurs buts.

Deux buts, pour être précis :

1. Attirer des entreprises sur le territoire de la commune et contribuer ainsi à la création d’emplois et

2. Permettre aux amis politiques des conseillers municipaux de vendre leurs ter-rains privés à des prix très élevés.

Quelle est la nature des deux buts poursuivis par le conseil municipal ?

Réponse : 1. le premier de ces deux buts est d’intérêt général : attirer des entreprises sur le

territoire de la commune et contribuer ainsi à la création d’emplois ; 2. le second est un but d’intérêt privé ou politique : permettre aux amis poli-

tiques des conseillers municipaux de vendre leurs terrains privés à des prix très élevés.

N’éludons pas l’ultime interrogation. ► Le but d’intérêt général poursuivi correspond-il au « bon » but d’intérêt général ?

Réponse : Une réponse positive s’impose avec la force de l’évidence. Attirer des entre-prises sur le territoire de la commune et contribuer ainsi à la création d’emplois est un but que l’on peut légalement assigner à l’adoption d’un plan d’occupation des sols.

Qui plus est, c’est la seule réponse possible étant donné que le tribunal administratif a jugé que la délibération du 12 février 2014 par laquelle le conseil municipal avait adopté le plan d’occupation des sols n’était pas illégale

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Conclusion : réponse effective à la question n°2 du cas pratique

► Voici les motifs pour lesquels le tribunal administratif a jugé que la délibération du 12 février 2014 par laquelle le conseil municipal avait adopté le plan d’occupation des sols n’était pas illégale, sachant que le détournement de pouvoir était la seule illégalité dont l’invocation trouvait un appui dans les faits pertinents du cas pratique :

Contrairement à ce qu’a pu penser le requérant, il n’y a pas eu de détournement de pouvoir ; Certes, l’opération poursuivait un but d’intérêt privé ou politique : permettre aux amis poli-tiques des conseillers municipaux de vendre leurs terrains privés à des prix très élevés ;

Mais ce n’était pas là le seul but de l’opération ; Celle-ci visait également un deuxième but, lequel correspondait à un « bon » but d’intérêt général » : attirer des entreprises sur le territoire de la commune et contribuer ainsi à la création d’emplois ;

Et nous savons qu’il n’y a pas de détournement de pouvoir lorsque l’autorité administrative poursuit à la fois un bon but d’intérêt général et un (ou plusieurs) but (buts) d’intérêt privé ou politique - C.E., 20 juillet 1971, Ville de Sochaux.

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3 – Réponse à la question n°3 du cas pratique

Pour quels motifs le tribunal administratif a-t-il, d’une part, déclaré qu’au seul

vu des conditions dans lesquelles il était intervenu, l’arrêté du maire était illégal, et d’autre part, par voie de conséquence, condamné la commune à verser à M. Eric Naomi une indemnité calculée sur la base du montant du Grand prix du concours de Seattle ?

Nous exposerons successivement deux versions de la même réponse : c. une version « synthétique », c’est-à-dire un résumé de la réponse à donner à

la question posée ; cette réponse précise et concise est destinée au lecteur pres-sé qui souhaite juste prendre connaissance de la solution ;

d. une version « analytique », autrement dit une réponse développée correspon-dant dans ses grandes lignes à ce qui était attendu du candidat.

Pour dire les choses différemment afin d’éviter toute ambiguïté, le candidat doit formuler une réponse développée ; la réponse synthétique dont il est question ici n’a qu’un seul but : faciliter la lecture de ce corrigé.

Résumé des réponses Cette question n°3 du cas pratique comporte deux interrogations explicites :

1. Pour quels motifs le tribunal administratif a-t-il déclaré qu’au seul vu des conditions dans lesquelles il était intervenu, l’arrêté du maire était illégal ?

2. Pour quels motifs le tribunal administratif a-t-il condamné la commune à verser à M. Eric Naomi une indemnité calculée sur la base du montant du Grand prix du concours de Seattle?

Voici le résumé des réponses :

1. Interrogation n°1 : Pour quels motifs le tribunal administratif a-t-il déclaré qu’au seul vu des conditions dans lesquelles il était intervenu, l’arrêté du maire était illégal ?

Réponse :

a. L’arrêté que le maire a notifié à M. Eric Naomi le 12 mars 2014 avait pour ob-jet d’infliger à son destinataire une sanction – lourde qui plus est, car il s’agissait d’une révocation ;

b. Selon une jurisprudence bien établie - et reprise d’ailleurs dans les textes ; cf. infra -, l’autorité administrative ne peut prononcer une sanction que dans le respect des règles constitutives de la procédure contradictoire ;

c. Les faits pertinents font apparaître que le maire n’a pas satisfait aux exigences de la procédure contradictoire ; les droits de la défense ont été méconnus ;

d. Rien, dans le libellé du cas pratique, ne permettant d’affirmer l’existence de circonstances exceptionnelles ou d’une compétence liée, et étant donné la déci-sion du tribunal administratif, on doit reconnaître que l’arrêté du maire est en-taché d’un vice de procédure.

Nota : Rien dans le libellé du cas pratique ne nous permet de nous prononcer sur l’effectivité de la motivation – que du reste la question posée ne recouvre pas.

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2. Interrogation n°2 : Pour quels motifs le tribunal administratif a-t-il condamné la com-mune à verser à M. Eric Naomi une indemnité calculée sur la base du montant du Grand prix du concours de Seattle ?

En postulant, comme toujours, que le tribunal ne s’est pas écarté de la jurisprudence du Conseil d’État, nous pouvons soutenir que ces motifs ou raisons sont deux ordres.

a. En premier lieu, les conditions prescrites par les règles générales du droit de

la responsabilité administrative étaient réunies en l’espèce : i. un préjudice direct, certain, évaluable en argent et réparable a été causé

à M. Eric Naomi : au minimum, la perte chance sérieuse de réussir à un concours ;

ii. il y a eu un fait de l’administration : l’administration (en l’espèce, le maire de la commune de Trantor-Sur-Ciel) a pris un arrêté révoquant M. Naomi ;

iii. une relation de causalité existe entre le fait de l’administration et le pré-judice : du fait de sa révocation décidée par le maire, M. Eric Naomi s’est retrouvé privé d’emploi, de traitement et donc de la possibilité financière de se rendre à Seattle ;

b. En second lieu, étaient réunies les conditions induisant l’admission spéci-fique de la responsabilité pour faute devant être prouvée par la victime :

i. À l’occasion de son recours de pleine juridiction, M. Eric Naomi a con-testé la légalité de l’arrêté par lequel le maire l’avait révoqué ;

ii. Il a invoqué comme moyen de légalité le vice de procédure – ce n’est pas un moyen d’ordre, donc le juge ne l’a pas relevé d’office ;

iii. Selon les données du cas pratique, le tribunal administratif a jugé qu’au seul vu des conditions dans lesquelles il était intervenu, l’arrêté du maire était illégal parce que, comme l’a soutenu M. Eric Naomi, il était entaché d’un vice de procédure dû à la méconnaissance du prin-cipe du contradictoire ;

iv. Une illégalité étant une faute, M. Eric Naomi a donc prouvé que la commune, par le truchement de son maire, avait commis une faute de nature à engager sa responsabilité ;

v. Rien dans le libellé du cas pratique ne permet de conclure à l’existence de l’une des quatre causes exonératoires invocables ici : la force ma-jeure, la faute de la victime, le cas fortuit et le fait d’un tiers.

Le quantum de la réparation est la conséquence de l’application d’un principe bien établi : la réparation doit couvrir l’intégralité du préjudice.

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Versions développées des réponses

Définition des termes pertinents de la question n°3 du cas pratique :

motifs : raisons de droit et de fait, ce qui en droit et en fait justifie (Cf. réponse aux questions n°1 et n°2) ;

arrêté : nom donné à la quasi-totalité des décisions administratives, celles du Président de la République et du Premier ministre recevant, en principe, la dénomination de décrets ;

• Décision administrative : acte administratif unilatéral qui affecte l’ordonnancement juridique, soit en modifiant le contenu de celui-ci, soit en le réaffirmant ;

• Acte administratif unilatéral : acte de droit public (non législatif et non juridic-tionnel) destiné à régir le comportement d’une ou plusieurs personnes qui, tantôt étrangères tantôt associées à son édiction, n’en sont pas, juridiquement, les auteurs ;

déclarer illégal un acte : juger, sans l’annuler, qu’un acte contrevient à une ou plusieurs prescriptions de la légalité, c’est-à-dire à une ou plusieurs règles dont le respect s’impose à l’autorité administrative ;

par voie de conséquence : synonyme de « comme suite logique de ce qui précède » ; indemnité : somme d’argent versée ou reçue à titre de compensation pour un préjudice causé ou subi.

***

Exposé des faits pertinents et compréhension de la question n°3 du cas pratique

Cette compréhension prend appui sur plusieurs éléments : la compréhension des termes pertinents de l’interrogation, les faits pertinents relatifs à l’interrogation et, le cas échéant, les autres questions ainsi que les annexes du cas pratique.

Exposé des faits pertinents :

M. Eric Naomi, fonctionnaire municipal de la ville de Trantor-Sur-Ciel, a… un violon d’Ingres auquel il peut s’adonner grâce aux récentes évolutions de la loi sur le cumul d’un emploi public avec des activités privées lucratives : la conception de sites Web. À la date du 5 mars 2014, M. Eric Naomi fait savoir sa décision de se rendre à Seattle dans deux mois afin de participer à un concours de « Web Design » dont il est le grand favori. Hélas, le 12 mars 2014, le maire lui notifie, à sa grande surprise, un arrêté par lequel il lui inflige, sans préli-minaire d’aucune sorte, une lourde sanction : la révocation. En proie à l’incompréhension et à la colère, M. Eric Naomi se retrouve privé d’emploi, de traitement et donc de la possibilité financière de se rendre à Seattle. Il sait qu’il n’a commis aucune faute, et il ne doute pas que le maire, lui, en a commis une, car, comme on le lui a enseigné, toute illégalité constitue une faute, et, selon lui, l’arrêté du maire est illégal. Le 19 mars 2014, il saisit le tribunal administratif d’une action en responsabilité dirigée contre la commune, au nom de laquelle bien sûr le maire a pris la décision litigieuse. Le jugement rendu par le tribunal le 25 mars 2015 se laisse résumer ainsi : premièrement, au seul vu des conditions dans lesquelles il est intervenu, l’arrêté du maire est déclaré il-

légal ; deuxièmement et par voie de conséquence, la commune est condamnée à verser à M. Eric Naomi une

indemnité calculée sur la base du montant du Grand prix du concours de Seattle.

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Pour quels motifs le tribunal administratif a-t-il, d’une part, déclaré qu’au seul vu des condi-tions dans lesquelles il était intervenu, l’arrêté du maire était illégal, et d’autre part, par voie de conséquence, condamné la commune à verser à M. Eric Naomi une indemnité calculée sur la base du montant du Grand prix du concours de Seattle ?

► L’exposé des faits pertinents et la compréhension à laquelle nous sommes parvenu des termes de la question n°2 nous conduisent à reformuler cette question de la manière suivante :

Pour quelles raisons de droit et de fait le tribunal administratif a-t-il, d’une part, jugé qu’au seul vu des conditions dans lesquelles il était intervenu, l’arrêté par lequel le maire avait ré-voqué M. Eric Naomi contrevenait à une ou plusieurs prescriptions de la légalité, et d’autre part, par voie de conséquence, condamné la commune à verser à M. Eric Naomi une indemni-té calculée sur la base du montant du Grand prix du concours de Seattle?

Deux interrogations dans cette question n°3 :

1. Pour quelles raisons de droit et de fait le tribunal administratif a-t-il jugé qu’au seul vu des

conditions dans lesquelles il était intervenu, l’arrêté par lequel le maire avait révoqué M. Eric Naomi contrevenait à une ou plusieurs prescriptions de la légalité ?

2. Pour quelles raisons de droit et de fait le tribunal administratif a-t-il condamné la commune à verser à M. Eric Naomi une indemnité calculée sur la base du montant du Grand prix du con-cours de Seattle ?

Suivant une habitude bien ancrée, une question doit immédiatement venir à l'esprit : ces deux interrogations sont-elles solidaires ? En d'autres termes, la réponse donnée à l'une conditionne-t-elle la réponse donnée à l'autre ? L’expression par voie de conséquence, qui les réunit dans la formulation de la question n°3, impose une réponse affirmative : la réponse à l’interrogation n°2 dépend étroitement de celle que reçoit l’interrogation n°1.

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I - Interrogation n°1 de la question n°3 du cas pratique : Pour quelles raisons de droit et de fait le tribunal administratif a-t-il jugé qu’au seul

vu des conditions dans lesquelles il était intervenu, l’arrêté par lequel le maire avait révoqué M. Eric Naomi contrevenait à une ou plusieurs

prescriptions de la légalité ?

Répondre rigoureusement à l’interrogation n°1 ainsi comprise consistera à confronter les faits pertinents avec les règles pertinentes.

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A – L’exposé des règles pertinentes applicables à l’interrogation n°1 de la question n°3 du cas pratique

Nous avons les faits pertinents ; nous les avons dégagés à l’étape de la compréhension globale de la question n°3. Il nous reste à indiquer les règles pertinentes.

Comment trouver ces règles pertinentes ?

Voici la question qui nous permettra d’avancer : au vu des faits pertinents, quelles sont les règles dont la question du respect revêt ici une certaine pertinence ?

L’interrogation n°1 de la question n°3 du cas pratique soulève un problème de légali-té : statuant sur une action en responsabilité dirigée contre la commune, le tribunal administratif a jugé que l’arrêté par lequel le maire avait révoqué M. Eric Naomi con-trevenait à une ou plusieurs prescriptions de la légalité ;

Dire, comme l’a fait le tribunal administratif, que la décision litigieuse est illégale, c’est dire qu’elle est entachée de l’une ou de plusieurs des illégalités étudiées en cours :

• incompétence, • vice de procédure, • vice de forme, • violation directe de la loi, • erreur de droit, • erreur de fait, • erreur dans la qualification juridique des faits, • erreur manifeste d'appréciation et • détournement de pouvoir ;

Faut-il en déduire que le tribunal administratif s’est demandé à propos de cha-cune de ces illégalités si l’arrêté du maire en était entaché ?

La réponse est négative ! Le libellé du cas pratique comme celui de la question n°3 (et donc de cette interrogation n°1) contiennent une formule qui circonscrit la dé-marche du juge : au seul vu des conditions dans lesquelles il est intervenu, l’arrêté du maire est déclaré illégal.

Dans le respect des principes du contentieux administratif, le tribunal a donc limité son examen aux règles de la légalité externe qui ont trait aux conditions de l’élaboration de l’arrêté du maire : les règles de procédure ;

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La forme (par exemple, la motivation) ne relève pas des conditions de l’élaboration d’un acte ;

Il ressort de tout ce qui précède que le tribunal administratif a jugé que l’arrêté du maire avait été pris en méconnaissance de règles de procédure obligatoires.

► Nous sommes ainsi amené à donner une signification plus pratique à la question n°2 du cas pratique :

Pour quelles raisons de droit et de fait le tribunal administratif a-t-il jugé qu’au seul vu des conditions dans lesquelles il était intervenu, l’arrêté par lequel le maire avait révoqué M. Eric Naomi contrevenait à une ou plusieurs règles de procédure obligatoires ?

Notre quête s’achève : les règles pertinentes que nous exposerons sont celles qui ont trait aux règles de procédure dont le respect s’imposait au maire.

Prima facie, nous devons rechercher les règles pertinentes aussi bien dans le cours que dans les annexes au cas pratique, sachant que nous aurons pour guide les faits perti-nents.

Les annexes au cas pratique comportent-elles des règles s’appliquant à des faits qui correspondent peu ou prou aux faits pertinents de l’interrogation n°1 de la question n°3 du cas pratique ?

De toute évidence, la réponse est négative.

C’est uniquement du cours que nous puiserons les règles pertinentes.

Exposé des règles de procédure obligatoires applicables aux faits pertinents

Définitions :

Règle de procédure : formalité (substantielle) requise dans le processus condui-sant à l’édiction d’un acte administratif. La violation d’une règle de procédure obligatoire constitue en principe un vice de procédure.

► Au vu des faits pertinents du cas pratique, les règles de procédure dont la question du respect revêt ici une certaine pertinence sont les règles relatives à la procédure contradictoire. Données pertinentes du cas pratique : « Le le 12 mars 2014, le maire lui notifie, à sa grande surprise, un arrêté par lequel il lui inflige, sans préliminaire d’aucune sorte, une lourde sanction : la révocation. »

Nota bene : C’est le terme de sanction qui renvoie à la procédure contradictoire.

Définition :

Procédure contradictoire : « Manière d’agir impliquant qu’une mesure indivi-duelle d’une certaine gravité, reposant sur l’appréciation d’une situation person-nelle, ne peut être prise par l’administration sans que soit entendue, au préalable, la personne qui est susceptible d’être lésée dans ses intérêts moraux ou matériels par cette mesure. » - Bruno Genevois (Cf. cours).

► Le respect de la procédure contradictoire s’impose pour :

a. Toute mesure prise par une autorité administrative à titre de sanction, c’est-à-dire en vue de punir ou de réprimer un comportement Exemples : sanction disciplinaire ; retrait d’une autorisation décidé à titre de sanction - C.E., Sect., 5 mai 1944, Dame veuve Trompier-Gravier ; C.E., Ass., 26 octobre 1945, Aramu et autres ;

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b. Toute mesure prise en considération de la personne et présentant une certaine gravité Exemples : le licenciement d’un agent public pour inaptitude physique - C.E., Sect., 26 oc-tobre 1984, Centre hospitalier général de Firminy c/ Mme Chapuis ; le retrait d’une qualité ou d’un avantage opéré en considération de la personne du bénéficiaire - C.E., Ass., 31 oc-tobre 1952, Ligue pour la protection des mères abandonnées : retrait de la reconnaissance d’utilité publique à un groupement ;

c. Les mesures devant être motivées selon la loi du 11 juillet 1979. C’est désormais la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les adminis-trations qui les inclut dans le champ de la procédure contradictoire.

Toutefois, la loi excepte ces mesures du champ de la procédure contradictoire • lorsqu’il est statué sur une demande, • en cas d'urgence ou de circonstances exceptionnelles • ou lorsque la mise en œuvre de la procédure contradictoire serait de nature à compro-mettre l'ordre public ou la conduite des relations internationales.

► Il est nécessaire d’exposer les règles relatives à la manière de conduire la procédure con-

tradictoire, car elles nous permettront de savoir si cette procédure a été suivie par le maire.

La jurisprudence et les textes ont défini les modalités du respect des droits de la défense : 1. L’administration doit informer l’intéressé de la mesure qu’elle envisage de prendre. Le cas

échéant, elle accomplit toutes diligences raisonnables pour le retrouver si elle ignore son adresse. L’information doit parvenir à l’intéressé dans un délai raisonnable et suffisant pour lui permettre de préparer sa défense ;

2. L’administration doit également communiquer à l’intéressé les raisons ou les griefs qui mo-tivent son intention ;

3. L’administration ne peut retenir la mesure envisagée qu’après avoir pris connaissance des observations écrites ou orales et des moyens de défense de l’intéressé, à condition que ce dernier les ait présentés dans un délai raisonnable. La personne concernée peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix.

***

B – L’application des règles pertinentes aux faits pertinents de l’interrogation n°1 de la question n°3 du cas pratique

► En confrontant les faits pertinents aux règles de procédure susexposées, force est de constater que le maire n’a pas satisfait aux exigences de la procédure contradictoire.

Données pertinentes du cas pratique : « Hélas, le 12 mars 2014, le maire lui notifie, à sa grande surprise, un arrêté par lequel il lui inflige, sans préliminaire d’aucune sorte, une lourde sanction : la révocation. » « À sa grande surprise », « sans préliminaire d’aucune sorte », ce sont là des informations qui,

sans conteste, en révèlent d’autres : 1. Le maire n’a pas informé M. Eric Naomi de la mesure qu’il envisageait de prendre ; 2. Il ne lui a pas non plus communiqué les raisons ou les griefs qui motivaient son intention ; 3. Il ne lui a pas davantage donné l’occasion de présenter ses observations écrites ou orales, c’est-à-dire, en fait ses moyens de défense. Ajoutons que le maire devait également consulter le conseil de discipline, mais le candidat ne disposait pas en la matière des éléments de droit (droit de la fonction publique) et de fait pertinents.

► En conclusion, l’arrêté par lequel le maire a révoqué M. Eric Naomi est entaché d’un vice de procédure parce qu’il a été pris en méconnaissance des exigences de la procédure contradictoire.

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II - Interrogation n°2 de la question n°3 du cas pratique : Pour quelles raisons de droit et de fait le tribunal administratif a-t-il condamné la commune à verser à M. Eric Naomi une indemnité calculée sur la base du

montant du Grand prix du concours de Seattle ?

Répondre rigoureusement à l’interrogation n°1 ainsi comprise consistera à confronter les faits pertinents avec les règles pertinentes.

***

A – L’exposé des règles pertinentes applicables à l’interrogation n°1 de la question n°3 du cas pratique

Nous avons les faits pertinents ; nous les avons dégagés à l’étape de la compréhension globale de la question n°3. Il nous reste à indiquer les règles pertinentes.

Comment trouver ces règles pertinentes ?

Voici la question qui nous permettra d’avancer : au vu des faits pertinents, quelles sont les règles dont la question du respect revêt ici une certaine pertinence ?

L’interrogation n°2 de la question n°3 du cas pratique soulève un problème de res-ponsabilité. Données pertinentes du cas pratique : « Le 19 mars 2014, il saisit le tribunal administratif d’une action en responsabilité dirigée contre la commune, au nom de laquelle bien sûr le maire a pris la décision litigieuse. Le jugement rendu par le tribunal le 25 mars 2015 se laisse résumer ainsi : premièrement, au seul vu des conditions dans lesquelles il est intervenu, l’arrêté du maire est déclaré illégal ; deuxièmement et par voie de conséquence, la commune est condamnée à verser à M. Eric Naomi une indemnité calculée sur la base du montant du Grand prix du concours de Seattle » ;

Les règles dont le tribunal a fait application sont donc celles qui régissent la res-ponsabilité de l’administration ;

Devrons-nous exposer toutes les règles relatives à la responsabilité de l’administration ?

La réponse est négative ! Toutes les règles relatives à la responsabilité de l’administration n’ont pas vocation à s’appliquer à tous les cas de responsabilité de l’administration ;

Une distinction doit en effet être faite entre 1. d’une part, les règles générales du droit de la responsabilité administrative : elles

s’appliquent à tous les cas de responsabilité de l’administration, et elles reçoivent la qualification de principes généraux du droit de la responsabilité ;

2. et d’autre part, les règles qui régissent spécifiquement certains cas de responsabili-té administrative : en raison de leurs effets, elles font figure d’exceptions aux principes généraux ;

► En conséquence,

1. nous exposerons d’abord les règles applicables à tous les cas de responsabilité de l’administration,

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2. puis nous nous demanderons s’il y a lieu, au regard des faits pertinents, d’exposer des règles spécifiques applicables à l’espèce.

Nous sommes ainsi amené à donner une signification plus pratique à l’interrogation n°2 de la question n°3 :

Pour quelles raisons de droit et de fait le tribunal administratif a-t-il estimé que l’application des règles générales ainsi que, le cas échéant, celle des règles spéci-fiques du droit de la responsabilité administrative avaient pour conséquence la condamnation de la commune à verser à M. Eric Naomi une indemnité calculée sur la base du montant du Grand prix du concours de Seattle ?

Notre quête des règles pertinentes est presque achevée, car la réponse se trouve en partie dans la question, ce qui confirme le principe épistémologique selon lequel le fait de bien poser (ou reformuler) une question constitue déjà un début de réponse à ladite question.

Prima facie, nous devons rechercher les règles pertinentes aussi bien dans le cours que dans les annexes au cas pratique, sachant que nous aurons pour guide les faits perti-nents.

Les annexes au cas pratique comportent-elles des règles s’appliquant à des faits qui correspondent peu ou prou aux faits pertinents de l’interrogation n°2 de la question n°3 du cas pratique ?

De toute évidence, la réponse est négative.

C’est uniquement du cours que nous puiserons les règles pertinentes.

***

1 – L’exposé des règles générales du droit de la responsabilité administrative

► Quelles sont donc les règles applicables à tous les cas de responsabilité administrative? Il y en a… un certain nombre, mais une seule nous paraît pertinente au regard de notre es-

pèce. Elle a trait aux conditions de l’engagement de la responsabilité administrative. Pour engager valablement la responsabilité de l’administration - ici de la Commune -, il

faut qu’il y ait eu 1. un préjudice qui soit

a. direct - il doit avoir pour cause directe le fait imputé à l’administration, b. certain - Mais un préjudice certain n’est pas nécessairement un préjudice actuel, déjà réalisé. Un préjudice futur peut donner lieu à réparation dès lors que sa réalisation est certaine. Exemples : la perte d’une chance sérieuse

de réussir à un concours ou à un examen - C.E., 3 novembre 1971, Dlle Cannac, de conclure un contrat - C.E., 8 juillet 1991, OPHLM de l’Aisne, d’obtenir le renouvellement de ses fonctions pour une année en qualité de professeur associé - à l’université de Toulouse III : C.E., 24 janvier 1996, Collins (Rec. p.14),

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de recourir à l’avortement : C.E., Sect., 14 février 1997, Centre hospitalier régional de Nice c/ Époux Quarez.

c. évaluable en argent et d. réparable – en effet, par exception au principe de la responsabilité de l’administration, certains préjudices ne donnent pas lieu à réparation. Exemples : les dommages causés par des mesures purement gracieuses ;

2. un fait de l’administration – il doit être une faute si l’action se situe sur le terrain de la responsabilité pour faute ; il peut ne pas être une faute si le terrain retenu est celui de la responsabilité sans faute ;

3. une relation de causalité entre le fait de l’administration et le préjudice : le fait de l’administration doit avoir été la cause directe du préjudice.

Au surplus, la jurisprudence exige également que la situation de la victime ait été lé-gitime et légale.

2 – L’exposé des règles qui régissent de manière spécifique les faits perti-nents de l’interrogation n°2

► Comme il sera souvent question de principes et d’exceptions dans les lignes, il n’est pas su-perflu de rappeler quelques préceptes méthodologiques qui ne déparent pas un corrigé didactique comme celui-ci.

► Rappel méthodologique. Extraits du Lexique Les mots du programme : « L’exception confirme la règle : prise au pied de la lettre, cette expression est une faribole, un tour pendable que le sens commun a joué aux juristes. Examinons donc ce fameux sens littéral : l'exception conforte la règle. Comment une exception pourrait-elle avoir pour effet de renforcer la règle à laquelle elle dé-roge? Si une exception a cet effet, que dire d'un cas qui ne constitue pas une exception ? Les règles qui ne comportent pas d'exception seraient-elles plus faibles que les règles qui en admettent ? En réalité, le sens littéral de l'expression correspond à une affirmation absurde, car une excep-tion, loin de conforter la règle, l'affaiblit plutôt. Qui plus est, la prolifération des exceptions finit par ruiner la règle. On en vient donc à prendre l'expression L'exception confirme la règle dans un sens moins littéral : l'existence d'un cas qui ne relève pas d'une règle (par ailleurs établie) ne met pas cette règle en cause. Cette signification encourt la même objection que la précédente. En fait, notre expression est la version tronquée d'un adage juridique : Exceptio firmat regulam in casibus non exceptis. Cet adage signifie que l'exception confirme la règle – permet son application - pour les cas qui ne sont pas explicitement exceptés de la règle. Démonstration :

• nous sommes en présence d'une règle et d'une liste exhaustive d'exceptions à l'appli-cation de cette règle, • il nous est soumis un cas dont nous demandons s'il relève de la règle ou des excep-tions, • l'existence de la liste exhaustive des exceptions à la règle nous permet de prendre la bonne décision, • en effet, il nous suffit de parcourir la liste exhaustive des exceptions à la règle pour savoir si notre cas problématique y figure ou non,

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• s'il y figure, nous ne lui appliquerons pas la règle ; dans le cas contraire, nous lui ap-pliquerons la règle puisque la règle n'admet pas d'autres exceptions que celles qui sont contenues dans la liste exhaustive des exceptions à la règle ; • en conséquence, nous pouvons dire que les exceptions ont confirmé la règle, en ce sens qu'elles nous ont permis d'appliquer la règle à un cas qui n'en était pas explici-tement excepté. Une suggestion : éviter la version tronquée de l'expression. »

► La quête des règles qui régissent de manière spécifique les faits pertinents de l’interrogation

n°2 de la question n°3 de ce cas pratique nous conduit à énoncer sommairement des distinctions faites de principes et d’exceptions.

► L’énonciation de chaque distinction sera pour nous l’occasion de nous demander si les faits pertinents de l’interrogation n°2 de la question n°3 de ce cas pratique relèvent du prin-cipe ou de l’exception.

► La méthode suivie sera celle qui a été indiquée dans l’extrait du Lexique – Cf. ci-dessus. a. L’espèce relève-t-elle de la responsabilité pour faute ou de la responsabilité

sans faute ?

Il existe deux systèmes de responsabilité : la responsabilité pour faute et la responsabilité sans faute. Comme la responsabilité pour faute constitue le principe et la responsabilité sans faute, naturel-lement, l'exception, si nous voulons répondre à la question de savoir si l’espèce relève de la res-ponsabilité pour faute ou de la responsabilité sans faute, il nous suffit de nous demander : le pré-judice subi par M. Eric Naomi l’espèce figure-t-il sur la liste des dommages relevant de la res-ponsabilité sans faute ? Rappel succinct de la liste des dommages relevant de la responsabilité sans faute :

• responsabilité sans faute fondée sur le risque : les dommages consécutifs à des activités ou à des choses dangereuses et les dommages subis par les collaborateurs occasionnels des ser-vices publics ; • responsabilité sans faute fondée sur la rupture de l'égalité devant les charges publiques : les dommages consécutifs à des lois, à des conventions internationales ou à des décisions admi-nistratives légales ; dommages permanents de travaux publics.

► Réponse à la question : le préjudice subi par M. Eric Naomi ne figure pas sur la liste des dommages relevant de la

responsabilité sans faute ; Par conséquent, l’espèce relève de la responsabilité pour faute.

b. L’espèce relève-t-elle de la responsabilité pour faute simple ou de la responsa-bilité pour faute lourde ?

En principe, une faute simple suffit. Mais, par exception, dans certains cas, la jurisprudence exige une faute lourde. Rappel succinct de la liste des activités à l’occasion desquelles les dommages causés par l’administration ne donnent lieu à réparation que si une faute lourde a été commise : services pénitentiaires, service public de la justice administrative, détermination et le recouvrement des créances publiques, service public de la police administrative (opérations matérielles), activités militaires, activités de contrôle, de tutelle.

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► Réponse à la question : le préjudice subi par M. Eric Naomi ne figure pas sur la liste des dommages dont la répa-

ration est subordonnée à la commission, par l’administration, d’une faute lourde ; Par conséquent, l’espèce relève de la responsabilité pour faute simple.

c. L’espèce relève-t-elle de la responsabilité pour faute simple devant être prou-vée par la victime ou de la responsabilité pour faute simple présumée ?

En principe, il incombe à la victime de prouver l’existence d’une faute. Mais, par exception, dans certains cas, la jurisprudence renverse la charge de la preuve. Il ap-partient à l’administration de prouver qu’elle n’a pas commis de faute. Il y a alors présomption de faute à la charge de l’administration. C’est le cas pour les dommages causés aux usagers d’un ouvrage public, c’est-à-dire, par exemple d’une voie publique, d’une route - automobilistes, piétons… De tels dommages sont aussi appelés dommages de travaux publics. La jurisprudence présume que l’accident résulte d’une faute de l’administration, d’un défaut d’entretien normal de l’ouvrage public.

► Réponse à la question : le préjudice subi par M. Eric Naomi n’est pas un dommage de travaux publics ; Par suite, l’espèce relève de la responsabilité pour faute simple devant être prouvée

par la victime.

► Par faute simple, il faut entendre une faute dont on n’exige pas qu’elle soit d’une certaine… gravité. Qu’est-ce qu’une faute ?

Selon Marcel Planiol, « c’est un manquement à une obligation préexistante. » Autrement dit, « on est en faute lorsque l’on n’a pas agi comme l’on devait agir. » La faute peut prendre la forme d’une action ou d’une omission. En tout cas, elle « suppose un acte accompli avec une volonté suffisante. »

Si une faute n’est pas nécessairement une illégalité, toute illégalité constitue une faute - C.E., Sect., 26 janvier 1973, Ville de Paris c/ Sieur Driancourt. Mais toute illégalité n’engage pas né-cessairement la responsabilité de l’administration - réserve du dommage ou des illégalités de pure forme.

Une décision légale n’est jamais constitutive d’une faute.

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B – L’application des règles pertinentes aux faits pertinents de l’interrogation n°1 de la question n°3 du cas pratique

1 – L’application des règles générales du droit de la responsabilité adminis-

trative De toute évidence, sont réunies les conditions prescrites par les règles générales du droit de la res-ponsabilité administrative :

1. M. Eric Naomi a subi un préjudice qui était a. direct - il a eu pour cause directe le fait imputé à la commune, b. certain – Nous savons qu’un préjudice certain n’est pas nécessairement un préjudice actuel, déjà réalisé. Un préjudice futur peut donner lieu à réparation dès lors que sa réalisation est certaine. En l’espèce, M. Eric Naomi a perdu une chance sérieuse de réussir à un concours. La question du traitement ne se pose pas en tant que telle. Données pertinentes du cas pratique : « […] il compte se rendre à Seattle dans deux mois afin de participer à un concours de "Web Design" dont il est le grand favori. »

c. évaluable en argent et d. réparable – le préjudice subi par M. Eric Naomi ne fait pas partie des pré-judices qui ne donnent pas lieu à réparation.

2. un fait de l’administration – la révocation prononcée par le maire ; 3. une relation de causalité entre le fait de l’administration et le préjudice :

Données pertinentes du cas pratique : « En proie à l’incompréhension et à la colère, M. Eric Naomi se retrouve privé d’emploi, de traitement et donc de la possibilité financière de se rendre à Seattle. »

Au surplus, rien dans le libellé du cas pratique ne permet de soutenir que la situation de M. Eric Naomi était illégale ou illégitime – bien au contraire vu la décision du tri-bunal administratif.

2 – L’application des règles spécifiques du droit de la responsabilité pour faute simple devant être prouvée par la victime

Se trouvent également réunies les conditions prescrites par les règles spécifiques du droit de la res-ponsabilité pour faute simple devant être prouvée par la victime :

a. À l’occasion de son recours de pleine juridiction, M. Eric Naomi a contesté la légalité de l’arrêté par lequel le maire l’avait révoqué ; b. Il a invoqué comme moyen de légalité le vice de procédure – ce n’est pas un moyen d’ordre, donc le juge ne l’a pas relevé d’office ; c. Selon les données du cas pratique, le tribunal administratif a jugé qu’au seul vu des con-ditions dans lesquelles il était intervenu, l’arrêté du maire était illégal parce qu’il était en-taché d’un vice de procédure comme l’a soutenu M. Eric Naomi ; d. Une illégalité étant une faute, M. Eric Naomi a donc prouvé que la commune, par le truchement de son maire, avait commis une faute de nature à engager sa responsabilité ; e. Rien dans le libellé du cas pratique ne permet de conclure à l’existence de l’une des quatre causes exonératoires invocables ici : la force majeure, la faute de la victime, le cas fortuit et le fait d’un tiers.

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Conclusion : réponse effective à la question n°3 du cas pratique dans son ensemble Nous sommes à même de répondre à la question n°3 du cas pratique, à savoir : Pour quels motifs le tribunal administratif a-t-il, d’une part, déclaré qu’au seul vu des conditions dans lesquelles il était intervenu, l’arrêté du maire était illégal, et d’autre part, par voie de conséquence, condamné la commune à verser à M. Eric Naomi une indemnité calculée sur la base du montant du Grand prix du concours de Seattle ? Cette question n°3 du cas pratique comporte deux interrogations explicites :

1. Pour quels motifs le tribunal administratif a-t-il déclaré qu’au seul vu des conditions dans lesquelles il était intervenu, l’arrêté du maire était illégal ?

2. Pour quels motifs le tribunal administratif a-t-il condamné la commune à verser à M. Eric Naomi une indemnité calculée sur la base du montant du Grand prix du concours de Seattle?

Voici le résumé des réponses :

1. Interrogation n°1 : Pour quels motifs le tribunal administratif a-t-il déclaré qu’au seul vu des conditions dans lesquelles il était intervenu, l’arrêté du maire était illégal ?

Réponse :

a. L’arrêté que le maire a notifié à M. Eric Naomi le 12 mars 2014 avait pour ob-jet d’infliger à son destinataire une sanction – lourde qui plus est, car il s’agissait d’une révocation ;

b. Selon une jurisprudence bien établie - et traduite d’ailleurs dans les textes -, l’autorité administrative ne peut prononcer une sanction que dans le respect des règles constitutives de la procédure contradictoire ;

c. Les faits pertinents font apparaître que le maire n’a pas satisfait aux exigences de la procédure contradictoire ; les droits de la défense ont été méconnus ;

d. Rien, dans le libellé du cas pratique, ne permettant d’affirmer l’existence de circonstances exceptionnelles ou d’une compétence liée et étant donné la déci-sion du tribunal administratif, on doit reconnaître que l’arrêté du maire est en-taché d’un vice de procédure.

2. Interrogation n°2 : Pour quels motifs le tribunal administratif a-t-il condamné la com-mune à verser à M. Eric Naomi une indemnité calculée sur la base du montant du Grand prix du concours de Seattle ?

En postulant, comme toujours, que le tribunal ne s’est pas écarté de la jurisprudence du Conseil d’État, nous pouvons soutenir que ces motifs ou raisons sont deux ordres.

a. En premier lieu, les conditions prescrites par les règles générales du droit de

la responsabilité administrative étaient réunies en l’espèce : i. un préjudice direct, certain, évaluable en argent et réparable a été causé

à M. Eric Naomi : au minimum, la perte chance sérieuse de réussir à un concours ;

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ii. il y a eu un fait de l’administration : l’administration (en l’espèce, le maire de la commune de Trantor-Sur-Ciel) a pris un arrêté révoquant M. Naomi ;

iii. une relation de causalité existe entre le fait de l’administration et le pré-judice : du fait de sa révocation décidée par le maire, M. Eric Naomi s’est retrouvé privé d’emploi, de traitement et donc de la possibilité financière de se rendre à Seattle ;

b. En second lieu, étaient réunies les conditions induisant l’admission spéci-fique de la responsabilité pour faute devant être prouvée par la victime :

i. À l’occasion de son recours de pleine juridiction, M. Eric Naomi a con-testé la légalité de l’arrêté par lequel le maire l’avait révoqué ;

ii. Il a invoqué comme moyen de légalité le vice de procédure – ce n’est pas un moyen d’ordre, donc le juge ne l’a pas relevé d’office ;

iii. Selon les données du cas pratique, le tribunal administratif a jugé qu’au seul vu des conditions dans lesquelles il était intervenu, l’arrêté du maire était illégal parce que, comme l’a soutenu M. Eric Naomi, il était entaché d’un vice de procédure dû à la méconnaissance du prin-cipe du contradictoire ;

iv. Une illégalité étant une faute, M. Eric Naomi a donc prouvé que la commune, par le truchement de son maire, avait commis une faute de nature à engager sa responsabilité ;

v. Rien dans le libellé du cas pratique ne permet de conclure à l’existence de l’une des quatre causes exonératoires invocables ici : la force ma-jeure, la faute de la victime, le cas fortuit et le fait d’un tiers.

Le quantum de la réparation est la conséquence de l’application d’un principe bien établi : la réparation doit couvrir l’intégralité du préjudice.

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