Cas N°71 - Altoids

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CAS 71 : ALTOIDS

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CAS 71 : ALTOIDS

SYNTHESE

Altoids est la représentation assez remarquable de ce que la communication pour un produit grand public

peut créer comme différence, comme personnalisation, comme attractivité et donc comme essentialité. C’est la

preuve dans la durée qu’une communication performante, et donc au départ pertinente, peut

représenter plus et autrement que la seule définition de son offre.

Depuis une décennie, cette campagne évolue selon les pays et les nouvelles variétés de bonbons mentholés commercialisés. Pourtant, la marque transcende les

politiques commerciales et les innovations mais demeure une sorte d’OVNI qui communique autrement sur un

« goût étrange de menthe »…

L’ingrédient matériel devient une forme d’état d’esprit, une philosophie de vie, construisant ainsi une légitimité

très forte pour cette marque mais surtout une personnalité attractive de par cette différence.

1. LE CONTEXTE ET LA DEMARCHE

• L'Histoire des Altoids peut se résumer par la courte notice qui figuredans chaque boîte d'Altoids, expliquant leur création.

• « Altoids, les pastilles à la menthe originales reconnues pour leur goûtparticulièrement fort, ont d'abord été fabriquées en Angleterre au début duXIXe siècle sous le règne du roi George III. Par la suite, la société Smith & Co.(fondée en 1780), une petite entreprise londonienne ayant mis au point laformule des pastilles à la menthe particulièrement fortes, a été intégrée à Callard& Bowser, une prestigieuse entreprise de confiserie, fondée en 1837. Les pastillesAltoids à la menthe sont des pastilles spécialement formulées pour être plusieursfois plus fortes que les pastilles ordinaires. Leur puissance insolite vient del'emploi généreux d'huile à la menthe, tel que prescrite dans la recette originaleconçue par Smith & Co. au début du XIXe siècle.

• De nos jours, toutes les variétés d'Altoids comprenant : menthe, thé des bois,menthe verte, réglisse, cannelle, gingembre, et crème de menthe, sont fabriquéesselon les mêmes normes de qualité rigoureuses que les pastilles Altoids à lamenthe conçues il y a près de 200 ans. »

• http://fr.wikipedia.org/wiki/Altoids

• Cette fameuse pastille « au goût étrangement fort » comme il est écritsur chaque boîte (parfois la communication ne doit pas aller loin pourtrouver la vérité de la marque…) doit gagner des parts de marché pouraccroitre son référencement et gagner en présence internationale.

• En 1995, l’agence Leo Burnett prend en charge la campagne avec pourobjectif de bien positionner la différence du produit, la puissance de samenthe, qui lui donne un gout incomparable et donc inimitable.

• Il s’agit d’un important pari pour KGF qui compte sur cette marqueoutsider sur un segment en forte croissance : « Kraft declines to breakout sales, but in the $237 million breath-freshener category, Altoids hasbeen the star performer, according to market researchers InformationResources Inc. in Chicago. IRI, which tracks sales in big chains anddrugstores, figures Altoids rocketed ahead by almost a third last year, to$23.2 million. Adding in other channels such as convenience stores couldbring the total to more than $40 million.”(http://www.businessweek.com/stories/1997-

04-20/altoids-curiously-strong-ad-campaign

2. LES CHOIX STRATEGIQUES ET CREATIFS

• En 1995, Altoids, marque centenaire, occupe la 6° place de sa catégoriede produit et dispose aux États-Unis d’une distribution limitée, d’unenotoriété faible et de moyens encore plus faibles en matière decommunication.

• Ce qui joue en sa faveur, c’est le caractère unique du produit, unementhe ultra-forte figurant dans une boîte originale et qui correspondassez bien à une catégorie de jeunes adultes, en quête de produits quileur ressemblent et dont ils peuvent s’emparer comme symboles.

• Leo Burnett choisit de se concentrer sur les éléments reconnaissableset distinctifs du produit, donnant de la visibilité à la boîte, s’emparantde la phrase historique “the curiously strong mints”.

• Mais, et à la différence de démarches plus axées sur des sociostylesévidentes, l’agence pousse à fond la notion de “curious” jusqu’à faire dela communication une sorte d’OVNI étrange, attirant l’attention, pastoujours d’une compréhension immédiate.

• Le choc est au rendez-vous et les premiers résultats sontincontestables. La “marque a fait le trou” tant sur le plan de la visibilitéet de l’impact, qu’en matière de fond et d’image.

• Autour de cette étrangeté qui naît du goût puis qui se diffuse, qui passede la sensorialité à l’esprit, à un humour omniprésent, la marque vadévelopper des communications pour une variété de produits et decontextes nationaux... mais toujours avec la même cohérence, celle de“l’esprit Altoids” si difficile à définir, bien plus facile à retenir.

1. L’omniprésence de la marque à travers le produit et son emballage.

2. L’omniprésence de l’humour, de la distanciation, du décalage.

3. Un humour qui s’appuie souvent sur un décalage entre l’expression et la

présence de personnages, la création de rencontres étranges, inhabituelles,

étonnantes et qui, ainsi, ne peuvent que renforcer

l’étrangeté de la marque.

4. Une personnalité graphique qui bénéficie d’une reconnaissance plus forte car amplifiée par l’omniprésence du code couleur vert menthe.

5. L’esprit de la marque c’est une permanente folie née du renouvellementdes visuels, créant le sentiment (cf. Absolut) qu’il se « passe toujours

quelque chose de nouveau » chez l’étrange Altoids.

6. La marque ne cherche pasà s’enfermer dans des registrescréatifs précis. Les éléments de

reconnaissance et donc dedifférenciation sont toujours mis en œuvre… ensuite, la variété des

tons, des références, des inspirations, des personnages,

parfois des mots, crée cette abondance et cette actualité.

7. La boîte en fer, emballagehistorique d’Altoids, est

omniprésente et joue plus qu’un rappel de l’emballage. Sa forme, son originalité et

même sa constitution en fer… autant d’éléments pour

renforcer le récit et l’intérêt, pour capter l’attention

et « construire la légende ».

Née au milieu des années 90, la campagne a besoin de renouvellement. C’est par l’exposition de ces jeunes à la recherche d’autre chose que la normalité (on rejoint les films fondés sur ces ressorts) qu’Altoids devient le produit qui va les

amener ailleurs, qui va permettre d’explorer d’autres faces cachées de la vie. Largement primée, cette campagne de 2003 élaborée par Leo Burnett, agence

historique de la marque, va « rebooster » les ventes de la marque.

Quatre ans plus tard, la même agence, à partir des mêmes ingrédients et du même positionnement persévère et renouvelle le genre. Cette autre

campagne arrive à « boucler la boucle » si difficile : assurer la continuité mais créer une rupture ; rester soi-même mais apparaître comme

autrement.

8. Le code visuel fort, unique, international d’Altoids, luipermet de faire vivre sa communication sous de multiples

formes et médias, traditionnels ou évènementiels.

3. LES RESULTATS• Pour évoquer les résultats nous disposons d’une analyse sur le Net,

éclairant bien le succès (http://www.aef.com/pdf/arens_ch01.pdf).

• Yet, contrary to its lengthy history, the success of Altoids as we know it today has been arecent occurrence—just over the past decade. There are several reasons for this. First, thebrand’s price was three times higher than competitive products. Second, it had achievedonly very narrow distribution. Finally, it suffered from extremely low awareness due tovirtually no advertising. As a result, Altoids faced very limited success before the mid-1990s. Following a series of mergers and acquisitions in the consumer products industry—which resulted in Altoids being owned by Callard &Broward-Suchard, a subsidiary of KraftGeneral Foods—change finally, and suddenly, came about.

• In 1995, Altoids launched its first major marketing campaign in its 215- year history. Witha budget far below what its competitors were spending, Altoids and its ad agency, LeoBurnett Chicago, developed a marketing strategy that would prove to be deceivingly simpleyet amazingly effective. According to its research, Altoids found that its customers tended tobe young, urban, socially active, and culturally aware—but somewhat difficult to reach viaconventional advertising media. The solution: to place advertisements outdoors, inlocations nobody could miss.

• According to Gary Singer, a senior vice president and account director at Burnett, “Withoutdoor [advertising], we could place [ads] wherever these people live and work and inbetween.” Billboards, bus shelters, phone booths, and subway cars became the ideal mediato get the Altoids message across.

• Most important, the ads themselves were great—they were highly creative and just assimple as the media that carried them. Focusing on the product’s unique, exceptionallystrong flavor and its one-of-a-kind tin packaging, the ads generally featured an Altoids’signature tin, with a simple, humorous catch phrase at the bottom. The ads were indicativeof the mint—simple, clean, and fresh. One of the very first ads featured a “muscle man”holding an Altoids tin with the words “Nice Altoids” appearing on the bottom…/…(For moreexamples of Altoids ads see the Portfolio of Curiously Strong Ads on pages 20–23 and theAltoids website at www.Altoids.com.).

• The results: the campaign was consistent with Altoids slogan “CURIOUSLY STRONG!”Withina year, studies showed a substantial increase in brand awareness an consumption.Moreover, the brand jumped from number six in U.S. breath mint ranking to number one in2001. The moral of this story is simple: good advertising can have a curiously strong effecton a brand’s success.

“…Over the six short years since Altoids’ advertising began, the brand name has achieved a level of recognition and value

comparable to that of some of the top brands in the country. That is an amazing success story! Success stories like this are what

encourage companies and organizations in the United States to spend over $245 billion annually on advertising, and they will

likely continue to spend even more in the future”.

Et comme le souligne le communiqué de presse suivantl’obtention en 1999 du Prix Effie pour Altoids aux Etats-Unis :The agency/client team aimed for an increase of 20 percent in each of

three key areas: • Aided awareness stood at 32 percent. They'd look for 38.4 percent.

• For every 100 pounds of Altoids shipped in 1997, 120 pounds would have to move to distributors in 1998.

• 1997's market share was 9 percent. 1998's would have to be 10.8 percent.2

4. LES LENDEMAINS

• À partir des années 2000 la marque va être confrontée à la gestion dela diversification de son offre, elle qui n’est plus, loin s’en faut, unmono-produit à l’étrange goût de menthe.

• En même temps, et parce que son succès aussi puissant que rapide nepouvait laisser indifférent la concurrence, de nouveaux produits (dontListerine) vont porter atteinte à sa dynamique (à la fois en matière deventes qu’en présence dans la distribution), obligeant la marque àréagir sur plusieurs fronts.

• Plusieurs campagnes furent des déclinaisons puis des exploitations dufilon initial (Leo Burnett 2003, 2007) mais à partir des années 2010l’innovation fut au cœur de la stratégie de la marque, tant en matière deproduits que de supports de communication.

Trois réactions face à la concurrence : modernisation des packagings, diversification de l’offre (nouveaux parfums, pastilles plus petites), dynamique de l’innovation (que faire avec la boîte)

qui crée le buzz, qui enrichit le storytelling de la marque.

5. LES ENSEIGNEMENTS

• La campagne, publicitaire au départ, par l’intermédiaire des médiaspresse et affichage, a vite trouvé d’autres terrains d’expression :vidéos, buzz sur le net, actions promotionnelles remarquables…

• Ce qu’enseigne le cas Altoids, c’est que toute expression d’unemarque en communication, indépendamment des médias et desmoyens, doit répondre à un cahier des charges, à 6 obligations (auminimum…).

• Nous utiliserons ce cas pour rappeler ces règles qu’on retrouve danstoute volonté de positionner une institution, une marque, unproduit… autant de conditions sine qua non à toute réussite :

• 1. “Grab attention” : Communiquer, mettre en oeuvre un ensemble(forme, fond, ton, ingrédients sonores, visuels) destiné à attirer leregard, à capter l’attention… dans un monde qui n’a jamais autantconnu de communications. Sans cela, tout le reste est inutile.

• 2. “Stick in memory”: communiquer pour une institution, unemarque, un produit, c’est créer à un moment donné une rencontreentre un émetteur et un récepteur qui “laisse quelque chose”, lacompréhension d’un message, un son ou une image associé à uneémotion, une formule… Sans cela vous êtes remarqués… pour rien.

• 3. “Cement belief”: installer une conviction, créer les conditions de laperception d’un point de vue sur le sujet (“un étrange goût”) et doncne pas se cantonner à l’association de la marque à une expressioncréative mais à une croyance relative à la marque, au produit…

• 4. “Tell interesting stories” : pour créer une relation, un dialogue,éveiller une curiosité auprès de populations au fait des “trucs et desastuces” de la communication, il faut installer les conditions propicesà une écoute, l’intérêt pour un récit (le fameux “storytelling””).

• 5. “Communicate quickly” : Il ne s’agit pas de se précipiter mais decréer les conditions pour un intérêt, une compréhension, unemémorisation. En quelques secondes, on doit arriver à ce que lapersonne interpellée ressente, comprenne, se souvienne.

• 6. “Anchor associations” : se souvenir ne signifie pas adopter lediscours mais instaurer les conditions favorables à des associationspositives, souvent dans les sphères de la sensation, de l’émotion, du“feeling” parce que ce sont les plus fortes, les mieux ancrées dansl’imaginaire, les plus propices au souvenir et au passage à l’acte.

Une cohérence totale de la communication de la marque, des

médias traditionnels au web, de la PLV à l’action promotionnelle.

6. SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE

• MORRIS, Evan. From Altoids to Zima: The surprising stories behind 125 famousbrand names. Simon and Schuster, 2004.

• TERDIMAN, Daniel. Altoids, the curiously strong tin; The container stylishlystores battery chargers, iPods and more. New York Times.

• JACKSON, Christina. Driving brand loyalty on the web. Design ManagementReview, 2006, vol. 17, no 1, p. 62-67.

• VANDEN BERGH, Bruce et STUHLFAUT, Mark. Is advertising creativityprimarily an individual or a social process?. Mass Communication & Society,2006, vol. 9, no 4, p. 373-397.

• GERARD, J. Handbook of Advertising. The SAGE Handbook of Advertising, 2007,p. 3.

• BEVERLAND, Michael. Building brand authenticity: 7 habits of iconic brands.Palgrave Macmillan, 2009.

• Pour découvrir une grande partie des campagnes un site de collectionneur :http://altoidsads.com/

• http://www.strategies.fr/actualites/marques/r26425W/etats-unis-leo-burnett-pour-altoids.html

• http://shop.altoids.com/

• http://www.businessweek.com/stories/1997-04-20/altoids-curiously-strong-ad-campaign

• http://adage.com/article/media/altoids-leo-burnett-win-grand-kelly-yorker-ads/109922/

• http://articles.chicagotribune.com/1999-10-07/business/9910070163_1_mints-altoids-kraft-foods

• http://www.brandchannel.com/features_profile.asp?id=106

• Une étrange utilisation de la marque pour les innovateurs en herbe : http://www.metalsmith.org/pub/mtlsmith/V26.1/altoids.htm

• Pour mieux connaître les fondements historiques de la marque un rappel trouvé sur le net: https://www.google.fr/?gfe_rd=cr&ei=FmyQU4KTL5TSjwep-IHQDA&gws_rd=ssl#q=success+of+altoids&start=30

• Un exemple de buzz crée autour de comment utiliser une boîte vide d’Altoids de manière créative et astucieuse : https://homes.yahoo.com/news/5-things-altoids-tins-180626715.html

Ces slides ont été réalisés dans le cadre du projet IONIS Brand Culture.

Pour découvrir l'intégralité des cas étudiés, rendez-vous sur :

www.ionisbrandculture.com.