Carolin Meister, Wihelm Roskamm, 2002, Deleuze Meets Worringer Ou Du Gothic Au Nomade (Fr)

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ligne abstraite

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    Deleuze meets Worringer,ou du gothique au nomadeCarolin Meister et Wilhelm Roskamm(traduction franaise dEmmanuel Faure)

    Deleuze et le gothique ?

    Le gothique est parvenu Gilles Deleuze par lintermdiaire de Wilhelm Worringer. Le moment o il sest pench sur les crits de Worringer sur le gothique peut tre selon toute vraisem-blance dtermin : il correspond la phase de son travail consacre au livre Mille Plateaux, ouvrage publi en 1980 avec Flix Guattari, dans lequel il sintresse de plus prs aux arts plas-tiques, mais aussi la thorie et la recherche sur lart1. Les conceptions et les thses de Wor-ringer ont laiss leur trace tout comme celles de son collgue viennois Alois Riegl divers endroits dans Mille plateaux. On trouve une rfrence dtaille et critique aux crits des deux historiens de lart au chapitre 14 1440 Le lisse et le stri . Le livre publi un an plus tard sur la peinture de Francis Bacon poursuit avec de lgers glissements thmatiques le dbat entam avec Worringer et Riegl2.

    Moins net est le chemin qui a amen Deleuze Worringer. Ce sont sans doute les crits dHenri Maldiney, auquel il se rfre constamment3 ; mais Jean-Franois Lyotard peut gale-ment tre considr comme un mdiateur4. Pour les deux auteurs, lenjeu nest toutefois pas cet lment dcouvert par Deleuze chez Worringer et qui sera dcisif pour sa rencontre avec lhistorien de lart : la ligne gothique, septentrionale (voir Ill. 1). Ainsi, contrairement Maldiney ou Lyotard, la rfrence majeure pour Deleuze nest pas la thse de doctorat de Worringer, Abstraktion und Einfhlung (1907, trad. sous le titre : Abstraction et Einfhlung)5, mais sa thse dhabilitation, parue quatre ans plus tard, Formprobleme der Gotik (1911, trad. sous le titre : LArt gothique)6.

    Ce qui atteint Deleuze, cest donc LArt gothique de Worringer, lecture dont limportance est surtout dordre thorique et dont Wolfgang Kemp juge quon ne peut rien retirer dutile pour notre comprhension du gothique7 . Pour Deleuze galement, ce quon peut retirer de Worringer, ce nest pas la vision dune poque, mais la modernit cache du gothique8. Son intrt pour lart et la culture gothique est limit, ou plutt, slectif : il porte sur le gothique en tant quexpression du nomadisme, telle quil la retrouve dans la conception du gothique selon Worringer.

    Le nomade, Deleuze lidentifie dans les difices monumentaux du gothique, dans les-quels Worringer voyait le dploiement architectural de la volont formelle (Formwille) gothique. Contre toute logique du matriau, les cathdrales de pierre dclenchent une puissance surhu-maine9 , dont les tendances verticales semblent dfier la loi de la pesanteur. Dans leur aspiration llvation structurellement infinie, qui traduit le jeu constructif des

    Regards croiss. Revue franco-allemande de recensions d'histoire de l'art et esthtique Numro 2 / 2014.

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    charges et des pousses en impulsions motrices verticales, Deleuze voit la ralisation de lespace lisse10 des nomades : En effet, le gothique est insparable dune volont de construire des glises plus lon-gues et plus hautes que les romanes. Toujours plus loin, toujours plus haut... [] La vote nest plus une forme, mais une ligne de variation continue des pierres. Cest comme si le gothique conqurait un espace lisse, tandis que le roman restait partiellement dans un espace stri []11.

    Mais Deleuze trouve avant tout le principe nomade dans la conception de la ligne gothique abstraite selon Worringer ligne ne, avant mme la construction des cathdrales gothiques, de lornementation septentrionale primitive et dans laquelle Worringer voit la plus pure expres-sion de la volont artistique du gothique. Peut-tre peut-on parler, pour cette dcouverte de la ligne gothique, dune reconnaissance. Car dans la ligne abstraite du gothique dcrite par Worringer, il est possible que Deleuze ait peru lcho du concept quil avait prcdemment baptis, avec Flix Guattari, ligne abstraite , nomade , ou encore en sinspirant deMaurice Blanchot ligne de fuite12 . Dans cette mesure, la rencontre de Deleuze avec le gothique de Worringer pourrait tre dcrite comme le moment o son concept de la ligne abstraite parcourt le plan esthtique. Ce qui soulve la question des transformations subies par cette ligne lorsquelle devient un concept de lesthtique.

    Le gothique de Worringer et labstraction

    Il serait erron de chercher les premires traces de la ligne gothique de Worringer dans lart gothique. Ce qui, dans Abstraction et Einfhlung (1907) et plus encore dans LArt gothique (1911), est baptis ligne gothique ou septentrionale par Worringer prcde en effet lpoque historique du gothique et fait partie de sa prhistoire cache 13. Contrairement ce quon pourrait supposer de prime abord, Worringer ne trouve pas le paradigme du gothique dans la construction des cathdrales, mais plutt dans les entrelacs ornementaux du Nord, loin de la Mditerrane, au premier millnaire de lre chrtienne. Dans la ligne de la psychologie des ges culturels (Kulturzeitalterpsychologie) de Karl Lamprecht, Worringer propose ainsi un concept du gothique relevant de la psychologie stylistique et caractrisant des courants artis-tiques fort divers, depuis lart des Mrovingiens et des Grandes invasions jusqu lpoque moderne, en passant par lart roman et le gothique historique14.

    Dans ce panorama audacieux de lensemble disparate des formes dexpression artis-tique places sous le signe du gothique, Worringer sappuie sur le concept, forg par Riegl, de volont artistique (Kunstwollen ; Deleuze parle de volont dart )15, qui reoit chez lui une signification relevant principalement de la psychologie stylistique. De Riegl, il reprend en outre la thse selon laquelle la volont artistique dune poque se manifeste en premier lieu dans lornementation ceci prs, comme on la dit, que la volont artistique du gothique dans sa plus pure expression nest pas dcele dans lornement gothique, mais dans lornementa-tion septentrionale primitive. En prsupposant une volont formelle prsente a priori, travers laquelle sexprime un certain sentiment du monde (Weltgefhl), Worringer prend dune part ses distances avec une esthtique normative soumettant lhistoire de lart, en tant quhistoire du savoir-faire, lobjectif dimiter la nature. Dautre part, il va lencontre dune historiogra-

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    phie de lart trop positiviste la manire de Gottfried Semper, en supposant, par son concept de volont artistique, un primat de la conception artistique par rapport aux facteurs tels que la technique, le matriau et la fonction16.

    Le rapport immanent quentretiennent entre elles ces expressions artistiques que Wor-ringer regroupe dans sa psychologie stylistique du gothique consiste par consquent en une dynamique de configuration enracine dans un sentiment du monde spcifique17. En 1907, il rsume la volont artistique gothique sous le concept prgnant dabstraction, quil comprend comme une pulsion fonde sur une peur du monde (Weltfurcht). Tout comme le concept oppos dempathie (Einfhlung), labstraction est en premier lieu saisie selon un sens psycho-logique, voire anthropologique, et sert dabord caractriser la volont artistique en ques-tion. Dans le cadre dune esthtique de labstraction ou de lempathie, les deux concepts sont ensuite appliqus la production artistique et fonctionnent comme des catgories lmen-taires, destines fonder une histoire de lart, la pulsion dabstraction comme lappelle galement Worringer se situant au dpart de toute forme dart et trouvant son expression la plus pure dans la volont artistique gyptienne, tandis que lempathie se manifeste de faon paradigmatique dans lart classique grec.

    Loin den rester une dfinition gnrale du concept dabstraction, Worringer parvient en partie ds Abstraction et Einfhlung, mais surtout dans LArt gothique des types dabs-traction totalement distincts, dont le point commun est quils sont motivs ngativement par la peur. Il distingue ainsi entre la ligne gomtrique abstraite, telle quon la trouve de manire exemplaire dans lart gyptien, et la ligne gothique, non plus gomtrique, mais encore ab-straite, qui constitue llment stylistique fondamental de lornementation septentrionale pri-mitive. Cest cette manifestation, et seulement celle-ci, de la ligne abstraite, galement appele ligne septentrionale par Worringer, qui trouve sa continuation dans la pense de Deleuze et peut, selon sa conception, tre considre comme ligne abstraite par excellence. Deleuze estime en effet que le concept de ligne abstraite est strictement li la sparation de la ligne de sa fonction de contour, ce qui entrane que mme une abstraction gomtrique ne peut tre considre comme abstraite, dans la mesure o ici encore, la ligne entoure des formes, aussi non-figuratives soient-elles18.

    La vie trangement inquitante de la ligne gothique

    Llment central que Deleuze reprend la ligne gothico-septentrionale de Worringer est la spcificit de sa vie. Ltrange pathos19 de cette ligne procde dune opposition dter-minante pour le systme de Worringer, lopposition de labstrait et de lorganique. Si la ligne gothique abstraite exclut lorganique, elle nen possde pas moins une vitalit que Worringer qualifie galement de mcanique , d inorganique ou de non-sensuelle (unsinnlich). De ce fait, la ligne gothique reprsente pour lui une sorte de couple contradictoire20 . En effet, elle nest pas inexpressive, comme la ligne gomtrique abstraite qui, face la contingence et linstabilit du rel, se voue entirement la loi loigne du vivant qui rgit linorganique-cristallin21. Il ne sagit pas non plus dune ligne de vie naturaliste et empathique comme la manifeste lorganique, qui projetterait dans le monde lordre et les rythmes de lorganisme

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    humain en leur confrant une forme artistique et transposerait le chaos du rel dans le cosmos du naturel22 .La force et lanimation de la ligne gothico-septentrionale sont trangres la vie orga-

    nique et pourtant en prise sur elle la diffrence de labstraction gomtrique. Elles lex-tirpent de son ordre bien tempr, allant au-del de ses possibilits dorientation sensible. Contrairement la beaut de lexpression de lart de lempathie, la puissance de lexpres-sion23 du gothique laisse lorganisme derrire elle et nous confronte, comme lcrit Worringer, une expression propre [] plus forte que notre vie24 . Dans LArt gothique, il esquisse ce dynamisme de la ligne septentrionale dans un passage qui sera repris par Deleuze :

    Une fois que les bornes naturelles de lactivit organique ont t rompues, il ny a plus de limites ; la ligne est brise, arrte dans son mouvement naturel, retenue par force dans sa course normale, dtourne pour de nouvelles complications dexpression, si bien que renforce par tous ces obstacles, elle donne toute sa force expressive ; finale-ment, prive de toute possibilit dapaisement naturel, elle meurt en convulsion dsor-donne, sarrte insatisfaite dans le vide ou se perd sans raison en elle-mme25.

    La ligne gothique dcrit donc une vie, sans pourtant imiter la nature ; elle possde une puis-sance expressive qui brise la structuration du sensible elle a une nature [] non sensuelle et une vivacit spirituelle dpassant les sens de loin26 . Sur le plan stylistique, Worringer revendique pour cette ligne plusieurs proprits, quil place galement sous le motif de la mlodie infinie ( unendliche Melodie ) : irrgularit du rythme, potentiel dinfinit, mobilit exponentielle sans point darrt, dcalage, asymtrie, enroulement labyrinthique sur soi-mme et disposition acentrique27. Ce sont justement ces rflexions de Worringer sur la vie inorganique de la ligne gothique qui attirent vers le gothique la pense de Deleuze et qui dans Mille pla-teaux, mais aussi dans Francis Bacon. Logique de la sensation, entrent en rsonance avec des concepts comme lespace lisse ou le corps sans organes :

    Cette ligne frntique de variation en ruban, en spirale, en zigzag, en S, libre une puis-sance de vie que lhomme rectifiait, que les organismes enfermaient, et que la matire exprime maintenant comme le trait, le flux ou llan qui la traverse. Si tout est vivant, ce nest pas parce que tout est organique et organis, mais au contraire parce que lorga-nisme est un dtournement de la vie. Bref, une intense vie germinale inorganique, une puissante vie sans organes, un Corps vivant dautant plus quil est sans organes, tout ce qui passe entre les organismes (une fois que les bornes naturelles de lactivit organique ont t rompues, il ny a plus de limites)28.

    Cela ne signifie pourtant pas que Deleuze tombe daccord avec Worringer sur la classification de cette ligne du point de vue de lhistoire de lart, ni sur sa contextualisation dans une vision du monde ou sa symptomatique contemporaine. la diffrence de lhistorien de lart, il ta-blit entre la ligne gomtrique abstraite de lart gyptien et la ligne abstraite septentrionale une diffrence non seulement de degr, mais de nature29. Le sentiment du monde ngatif, dterminant chez Worringer pour toutes les formes dabstraction, nest pertinent chez Deleuze que pour lart gyptien. Car contrairement au gothique, qui ralise un espace lisse, ce dernier effectue un striage. De l dcoule une diffrence radicale entre Deleuze et Worringer en ce qui concerne la vision du monde propre au gothique : si elle est pour Worringer lexpression dune volont artistique ancre dans une peur existentielle, Deleuze voit dans la ligne gothique, ou

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    nomade, non pas la tentative de bannir une ralit chaotique, mais plutt la libration de forces que seul freine le striage :

    Alors que la ligne gyptienne rectiligne (ou rgulirement arrondie) trouve une moti-vation ngative dans langoisse de ce qui passe, flue ou varie, et rige la constance et lternit dun En-soi, la ligne nomade est abstraite en un tout autre sens, prcis-ment parce quelle est dorientation multiple, et passe entre les points, les figures et les contours : sa motivation positive est dans lespace lisse quelle trace, et non dans le striage quelle oprerait pour conjurer langoisse et se subordonner le lisse. La ligne abstraite est laffect des espaces lisses, et non le sentiment dangoisse qui appelle au striage30.

    En liaison avec cette diffrence fondamentale entre Worringer et Deleuze, le concept dab-straction et la classification historique de la ligne gothico-septentrionale diffrent totalement. Pour le premier aspect, on se contentera de rappeler la motivation de toute volont artis-tique abstraite chez Worringer dans la peur du monde (Weltfurcht) sopposant la pit lgard du monde (Weltfrmmigkeit) caractristique de lempathie. Pour Deleuze en revanche, il nexiste pas de dualisme strict entre abstraction et empathie ou figuration, ni entre espace lisse et stri31. Il ne fait pas non plus remonter lhistoire de la ligne abstraite, comme Worringer, au gothique cach de lornementation septentrionale primitive, mais lart prhistorique32. On est tent de dire que Deleuze opre un renversement par rapport Worringer : pour lui, la ligne gothico-septentrionale dcrite par ce dernier est une manifestation particulire de la ligne abstraite en fonction des circonstances historiques o se dploie le gothique. Par consquent, il ny a pas non plus chez Deleuze de gothique cach , mais en revanche, une histoire de la ligne abstraite ou nomade, qui peut se manifester fort diversement au gr des circonstances historiques. Cette histoire va de lart prhistorique jusqu lpoque actuelle, en passant par le gothique et le baroque33.

    Dans Mille plateaux et Francis Bacon, Deleuze esquisse des moments de cette histoire et fait en mme temps le lien entre la ligne de lornementation septentrionale primitive et le retour au gothique de lpoque moderne34. Tandis que Worringer tablissait une corres-pondance avant tout idologique entre le gothique et son poque, les rflexions de Deleuze se situent tout dabord sur le plan de lart. Cest ainsi que, second par Michael Fried, il dcrit la ligne sans contour multidirectionnelle de Jackson Pollock (Ill. 2) comme une tape suppl-mentaire dans lhistoire de cette ligne, dont Worringer avait chant la mlodie infinie dans LArt gothique et qui, dans les circonstances modernes, peut aussi se manifester sous la forme dun diagramme manuel35.

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    Ill. 1 gauche: Wilhelm Worringer, Formprobleme der Gotik, Munich : Piper, 1912, p. 5.

    Ill. 2 droite: Jackson Pollock, Numero 14 : Gris, 1948.

    mail sur placopltre et papier (57,78 x 78,74 cm), Collection Katherine Ordway, New

    Haven / Conn., dans : Elizabeth Frank, Jackson Pollock, Munich et Lucerne : C. J. Bucher,

    1984, p. 74.

    De la ligne de fuite la ligne abstraite

    La ligne abstraite, septentrionale chez Worringer, llment le plus pur dexpression de la volont artistique du gothique nest donc pas en premier lieu chez Deleuze un principe visuel de configuration. Bien avant quil ne se penche plus en dtail sur les arts plastiques et ltude scientifique de lart, la notion de ligne abstraite est fondamentale pour sa philosophie. Les lignes abstraites relvent, paralllement dautres lignes, dune analyse gnrale des lignes que Deleuze napplique pas seulement aux domaines qui en disposent de manire vidente. Au contraire, la pense en fonction de lignes forme la base de sa philosophie ultrieure.

    Ds lAnti-dipe, Deleuze et Guattari avaient introduit la ligne de fuite comme lun des concepts primordiaux. Mais leur tendance penser les choses comme des ensembles de lignes36 , devient particulirement nette lorsque dans Mille plateaux lagencement lui-mme est dfini comme un ensemble de lignes37 et lev au rang de concept central. Ils tudient ainsi les agencements les plus divers quils soient de nature sociale ou artistique, quils fassent rfrence des figures de pense, des animaux, ou autres :

    Nous croyons que les lignes sont les lments constituants des choses et des vne-ments. Cest pourquoi chaque chose a sa gographie, sa cartographie, son diagramme. Ce quil y a dintressant mme dans une personne, ce sont les lignes qui la composent, ou quelle compose, quelle emprunte ou quelle cre38.

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    Le concept de ligne abstraite apparat pour la premire fois dans la confrence Deux rgimes de fous, que Deleuze prononce en 1974 Milan39. Ds ce moment, il procde la distinction fondamentale de trois types de lignes, quil reprendra dans Mille plateaux40. Sans entrer dans les dtails sur ces diffrents types, il est dterminant pour notre problmatique dexaminer quelles sont les caractristiques attribues par Deleuze la ligne abstraite, dans la mesure o elle ne doit pas tre apprhende comme un lment de la configuration. Deux rgimes de fous est tout fait appropri, car le caractre immatriel et en mme temps rel de la ligne abstraite y est prsent au moyen de lanalyse de lessai de Kleist ber das Marionettentheater ( Sur le thtre de marionnettes ).

    Selon Deleuze, deux lignes de mouvement concrtes et perceptibles se rejoignent dans le spectacle de marionnettes : le droulement de lhistoire prsente, dune part, et les mou-vements et gestes avec lesquels la marionnette parcourt cette histoire, dautre part. Ces deux lignes concrtes sont en relation avec une ligne imperceptible et abstraite, par laquelle le mon-treur de marionnettes fait mouvoir sa poupe41. Le point essentiel pour le spectacle est que les gestes et mouvements de la marionnette sont produits par dplacement du centre de gravit sur cette troisime ligne, verticale. Cela tant, le rapport entre les mouvements visibles de la marionnette et la ligne invisible sur laquelle se dplace le centre de gravit nest pas figura-tif, mais compltement abstrait. cela sajoute que cette ligne abstraite est en soi mutante, chacun des fils attachs aux membres de la marionnette formant des points o se rencontrent diffrentes forces et o la ligne se ramifie. Mme si elle se modifie travers les autres lignes (les fils de la marionnettes), celles-ci sont nanmoins dpendantes delle : seule la ligne abstraite permet la marionnette de dployer sa propre vie mcanique dans laquelle Worringer avait dj dcouvert ce pathos trange qui sattache la vivification de linorganique42 .

    Dans le jeu mcanique de mise en mouvement de la marionnette, Worringer trouve une comparaison parlante avec lantinaturalisme de la vitalit gothique. Les observations de Deleuze, en revanche, ne visent pas limage que produit lapparition de la poupe anime artificiellement, mais cette ligne abstraite imperceptible, qui est celle qui lui donne vie. Comme Kleist, il dfinit le pouvoir du montreur de marionnettes en ceci quil dplace le centre de gra-vit de la marionnette sur cette ligne de vie invisible, si bien que les lignes de mouvement visibles se succdent deux-mmes de faon mcanique, sans quaucune intervention [soit] ncessaire43 . Et si cette ligne est elle aussi abstraite, elle est pourtant selon Deleuze la plus vivante. Cest la raison pour laquelle elle est appele par Kleist chemin de lme et mise en relation avec le concept de grce44.

    Lexemple du thtre de marionnettes montre que la ligne abstraite nest pas percep-tible en elle-mme, tout en se trouvant en relation avec les lignes visibles de la marionnette. Elle passe entre les lignes visibles du spectacle, leur donne une orientation, mais se modifie aussi travers elles. De cette manire se constitue cet espace intermdiaire, o se joue lessentiel. La ligne abstraite se meut dans un interstice : cest pourquoi elle est immatrielle, bien quelle ne puisse exister sans les autres lignes matrielles.

    Linvisibilit originelle de la ligne abstraite se retrouve galement dans Mille plateaux notamment lorsquelle apparat en lien avec la philosophie du devenir de Deleuze. Dans la mesure o elle passe au-dessus ou au-dessous du seuil de visibilit, la ligne abstraite surgit ici comme une force du devenir-invisible : son mouvement mutant, non localisable, dpasse

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    lordre de lorganisme et dissout le striage de lespace. Auto-ressemblance et unit font place une situation dans laquelle les lments particuliers communiquent les uns

    avec les autres, parce quils se dissipent dans un rythme commun, un mouvement partag. Quelques phrases, qui comptent peut-tre parmi les plus belles de ce livre, dcrivent la ligne

    abstraite en ce sens, comme une ligne du devenir : tre lheure du monde. Voil le lien entre imperceptible, indiscernable, impersonnel, les trois vertus. Se rduire une ligne abstraite, un trait, pour trouver sa zone dindiscer-nabilit avec dautres traits, et entrer ainsi dans lheccit comme dans limpersonnalit du crateur. Alors on est comme lherbe : on a fait du monde, de tout le monde un deve-nir, parce quon a fait un monde ncessairement communicant, parce quon a supprim de soi tout ce qui nous empchait de nous glisser entre les choses, de pousser entre les choses45.

    En fin de compte, ce qui est prsent dans ce passage comme une thique du devenir touche aussi dans Mille plateaux la problmatique de la configuration et tablit ainsi une passerelle la reliant au gothique de Worringer. Mais que se passe-t-il lorsque cette ligne en soi invisible rencontre un mdium visible ?

    La visibilit de la ligne abstraite

    La dcouverte que fait Deleuze chez Worringer dans le contexte de son travail sur Mille pla-teaux peut aussi tre vue comme la confrontation dun concept gnral, philosophique, avec un concept concret, relevant de lhistoire du style, driv du domaine visible de la configuration artistique. La question est de savoir comment analyser le rapport entre les concepts philoso-phique et historico-stylistique de la ligne abstraite.

    Notons que pour Deleuze, un concept philosophique nest pas un concept uniforme qui serait applicable diffrentes disciplines, mais une multiplicit arpentant les composantes qui la dfinissent et variant selon les divers domaines46. Les variations dun concept peuvent tre trs diverses en fonction de la discipline, mais relvent nanmoins toutes dun mme concept47. Si lon emploie un concept dans un autre domaine, on doit alors tenir compte des conditions discursives et des moyens dfinissant ce domaine. Ainsi, le concept philosophique de ligne abstraite ne peut tre transpos tel quel dans le contexte des arts plastiques. Au contraire, la diffrence de moyen employ entrane une divergence essentielle, notamment en ce qui concerne laspect que prend la visibilit.

    Pour leur dfinition de la ligne abstraite dans le domaine des arts plastiques, Deleuze et Guattari sappuient principalement sur la conception que se fait Worringer de la ligne gothique dans lornementation septentrionale primitive ; mais la description faite par Michael Fried des lignes sans contour multidirectionnelles des drippings* de Jackson Pollock est galement mentionne48. Dans ces deux formes de configuration artistique, la ligne abstraite affleure de manire visible la surface de luvre dart et peut tre dtermine comme un phnomne concret.

    Toutefois, la ligne abstraite, mme en tant que concept de la science de lart, ne se rsume pas ses formations visibles. En permanence, Deleuze prend position contre lanalyse formelle, soulignant que lenjeu rside moins dans les traits stylistiques que dans ceux dordre

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    gntique et matriel49. Cest ainsi par exemple que dans son livre sur la peinture de Francis Bacon, il parle de lensemble opratoire de ce faisceau de lignes abstraites quil appelle ici galement diagramme50. Bref, dans le domaine de lart non plus, la ligne abstraite ne peut tre rduite son apparence matrielle ou visuelle. Par son caractre dynamique et manuel, elle renvoie dj au-del de la simple visibilit et libre un espace que lil ne sait plus matriser51. Ligne de force, elle implique un surcrot qui dpasse son identit matrielle et renvoie indirec-tement sa gense. Cet aspect gntique de la ligne abstraite est ce qui est dterminant selon Deleuze.

    Une rfrence supplmentaire Worringer permet de lillustrer. Worringer indiquait que lon peut trouver dans lornementation septentrionale primitive encore un autre procd stylis-tique o sexprime la volont artistique gothique. Tandis que la ligne abstraite, labyrinthique, se dfinit par ses caractristiques asymtriques et acentriques, ce sont prcisment des ornements centriques, comme la turbine ou la roue dite solaire (Ill. 3) qui, par la composition de leurs parties, sont mme de reprsenter le mouvement mcanique se multipliant indfiniment52 . Deleuze reprend cette caractrisation de Worringer et la retrouve dans les rhombodes des tableaux de Mondrian. propos de ces compositions, il souligne la tension interne qui se cre entre les divers lments picturaux et libre, linstar de la roue solaire, des forces centrifuges (Ill. 4). Pour apprhender le caractre immatriel de cette tension qui nat dans les interstices de la composition visible, Deleuze parle galement de diagonale virtuelle53 . De mme que les impulsions motrices, qui poussent vers un dehors du tableau, la ligne virtuelle renvoie un champ de forces agissant sur luvre et contribuant la constituer et qui, ct de la surface visible de luvre dart, peut tre dfini comme un second niveau, gntique.

    Ill. 3 gauche: Michael Palomino, Schma de la rosace de la chapelle du bas-cot dans

    la cathdrale de Lyon, dans : Ruediger Dahlke, Mandalas der Welt: Ein Mal- und Medita-

    tionsbuch, Munich : Kailash, 2006, S. 95.

    Ill. 4 droite: Piet Mondrian, Tableau I ; Losange avec quatre lignes et gris, 1926, huile

    sur toile (80,5 x 80,5 cm), Museum of Modern Art, New York, dans : Yves-Alain Bois, Joop

    Joosten et al. (dir.), Piet Mondrian 18721944, cat. exp., La Haye, Gemeentemuseum, et alii,

    Berne : Benteli 1995, p. 224.

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    Pour saisir les spcificits de cet aspect gntique, immatriel, de la ligne abstraite et le distinguer, mme dans le domaine de lart, des aspects visibles de celle-ci, Deleuze

    et Guattari introduisent de manire consquente le concept de machine abstraite . Et si les deux auteurs affirment que [d]une certaine manire, tout art est abstrait54 , cette affirmation ne se rfre pas aux rsultats de lart, la seule visibilit des tableaux, mais aux aspects gn-tiques et processuels : Lart, machine abstraite55.

    Limportance de prendre en compte cette machine abstraite tout en envisageant aussi les aspects gntiques est clairement souligne dans les rflexions de Deleuze sur quelques uvres de la dernire priode de Francis Bacon. Les figures ont disparu de ces tableaux, en raison de la monochromie des champs chromatiques et de la gestualit des lments pictu-raux, on pourrait les catgoriser, dun point de vue purement formel, comme relevant de lex-pressionnisme abstrait. Mais si lon part de la conception globale de Bacon, de sa machine abstraite , on arrive alors un tout autre rsultat. Deleuze montre ainsi que la possibilit de labstraction tait dj prsente dans les uvres prcdentes, dans la mesure o les figures de Bacon avaient toujours tendance se fondre dans la structure matrielle du tableau. Cette tendance sest impose dans les uvres ultrieures : La Figure sest dissipe en ralisant la prophtie : tu ne seras plus que sable, herbe, poussire ou goutte deau56.

    Ce qui se rvle dans ces propos, cest la correspondance dj mentionne entre lethos du devenir et lide qui y est lie de ligne abstraite, ou bien du devenir-invisible, qui peut tre envisag comme ligne de fuite de la philosophie deleuzienne. Par l-mme, on comprend com-ment une mthode micrologique et gntique permet de dpasser la diffrence entre forme et contenu et notamment de rendre possible la rencontre entre la philosophie et lart, en dpit de toutes leurs diffrences.

    1. Gilles Deleuze et Flix Guattari, Mille plateaux

    Capitalisme et schizophrnie 2, Paris : d. de

    Minuit, 1980.

    2. Voir Gilles Deleuze, Francis Bacon. Logique de la

    sensation, Paris : ditions de la Diffrence, 1996

    (orig. 1981). Dautres rfrences de Deleuze

    Worringer figurent dans : Gilles Deleuze et Flix

    Guattari, Quest-ce que la philosophie?, Paris :

    ditions de Minuit, 1991, p. 172 sqq. ; Gilles

    Deleuze, Limage-mouvement. Cinma 1, Paris :

    ditions de Minuit, 1983, p. 70.

    3. En particulier dans Francis Bacon, on trouve de

    nombreuses rfrences Henri Maldiney, Regard,

    parole, espace, Paris 1976. Dans Mille plateaux

    galement, il est frquemment fait rfrence

    cet ouvrage. La discussion ultrieure, dtaille,

    dAbstraction et Einfhlung de Worringer par

    Maldiney, publie en 1985 dans Art et existence,

    nest pas mentionne par Deleuze.

    4. Jean-Franois Lyotard, Discours, figure, Paris :

    ditions Klincksieck, 1986. La confrontation de

    Lyotard avec Worringer se limite une longue

    note de bas de page propos dAbstraction et

    Einfhlung, voir: Wilhelm Worringer, Abstraction

    et Einfhlung. Contribution la psychologie

    du style, Trad. fr. dEmmanuel Martineau, Paris :

    Klincksieck, 1978, ici : p. 195.

    5. Wilhelm Worringer, Abstraction et Einfhlung.

    Contribution la psychologie du style, Trad. fr.

    dEmmanuel Martineau, Paris : Klincksieck, 1978.

    6. Wilhelm Worringer, LArt gothique, Trad. fr. de

    Daniel Decourdemanche, Paris : Gallimard, 1941.

    7. Kemp se rfre ici la version originale alleman-

    de de LArt gothique, Formprobleme der Gotik.

    Voir id., Der ber-Stil. Zu Worringers Gotik

    Carolin Meister et Wilhelm Roskamm

  • 101

    ( Le sur-style. propos du gothique de Worrin-

    ger ), dans Wilhelm Worringers Kunstgeschichte,

    d. par Hannes Bhringer et Beate Sntgen, Mu-

    nich 2002, p. 9-22, ici p. 11 (Trad. E. F.).

    8. Voir lvocation rpte du gothique cach

    par Worringer : Le but propre de ces consid-

    rations esquisses tait dexposer aux regards le

    gothique cach antrieur au gothique propre. Il

    faudrait un nouveau travail pour poursuivre ce go-

    thique cach aprs lpoque historique jusquaux

    temps modernes. Dans Wilhelm Worringer, LArt

    Gothique, op. cit., p. 203 ; voir galement la thse

    de Deleuze sur la reprise dlments gothiques

    dans lart moderne, dans Francis Bacon, op. cit.,

    p. 70.

    9. Voir Worringer, LArt gothique, op. cit., p. 114.

    10. Lespace lisse nest pas un espace amorphe in-

    dfinissable qui ne peut tre rendu dfinissable

    que par le striage, cest--dire une sorte de trame

    labore de lextrieur, cest au contraire un

    espace rel possdant son ordre propre, dfini

    par des intensits et des vecteurs-forces. Sur le

    rapport complexe entre le lisse et le stri, voir le

    chapitre correspondant de Mille plateaux, op. cit.,

    p. 592-625.

    11. Deleuze et Guattari, Mille plateaux, op. cit., p.

    451.

    12. Le concept de ligne de fuite est employ pour

    la premire fois dans lAnti-dipe. Cette notion

    marque en schizo-analyse la possibilit de trouver

    une issue, dpassant plus ou moins les limites,

    une situation paradoxale ou apparemment sans

    issue. Voir galement la relation avec le concept

    de fuite chez Blanchot : Gilles Deleuze et Flix

    Guattari, LAnti-dipe Capitalisme et schizo-

    phrnie 1, Paris : ditions de Minuit, 1972, p. 408

    sqq. La proximit avec le concept de ligne abs-

    traite apparatra dans la suite du texte.

    13. Voir note 8.

    14. Worringer, LArt gothique, op. cit., p. 43.

    15. propos du concept de Kunstwollen ( volont

    artistique ) chez Riegl et de lhistoire de sa r-

    ception, voir Andrea Reichenberger, Kunstwol-

    len. Riegls Pldoyer fr die Freiheit der Kunst ,

    dans kritische berichte 1, 2003, p. 69-85.

    16. Par ce concept de volont artistique, Worringer

    ne se dmarque cependant pas seulement de

    lesthtique normative et de la science matria-

    liste de lart. Dans Abstraction et Einfhlung, il

    dfinit ainsi le concept de manire positive : Par

    le terme de vouloir artistique absolu, on doit

    entendre cette exigence latente et intime qui,

    totalement indpendante de lobjet et du mode

    de cration, subsiste pour soi et se comporte en

    tant que volont de forme (sich als Wille zur Form

    gebrdet). Elle est le moment premier de toute

    cration aritistique, et toute uvre dart nest

    dans son essence la plus intime quobjectivation

    de ce vouloir artistique absolu donn a priori.

    Worringer, Abstraction et Einfhlung, op. cit., ici

    p. 46-47.

    17. Sabine Mainberger parle dune weltanschauli-

    che Aufrstung des Formalismus ( rarmement

    idologique du formalisme ). Voir id., Experi-

    ment Linie. Knste und ihre Wissenschaften um

    1900, Berlin 2010, p. 294.

    18. Les lignes abstraites et sans contours ont la prf-

    rence de Deleuze : Il y a des lignes qui, abstrai-

    tes ou non, font contour, et dautres qui ne font

    pas de contour. Celles-l sont les plus belles.

    Gilles Deleuze, Entretien sur Mille plateaux ,

    dans id., Pourparlers. 1972-1990, Paris : ditions

    de Minuit, 1990, p. 39-52, ici p. 50.

    19. Worringer mentionne plusieurs reprises

    ltrange pathos en rapport avec la vie de la

    ligne septentrionale ; cest ainsi quil voque dans

    Abstraction et Einfhlung cet trange pathos

    qui sattache la vivification de linorganique .

    Voir op. cit., p. 103.

    20. Worringer, Abstraction et Einfhlung, op. cit., p.

    128.

    21. Ibid., p. 43.

    22. Voir Worringer, LArt gothique, op. cit., p. 65.

    23. Ibid., p. 55.

    24. Ibid., p. 50 (en italiques dans loriginal).

    25. Ibid., p. 50 ; en partie cit par Deleuze dans : De-

    leuze et Guattari, Mille plateaux, op. cit., p. 623 et

    dans Deleuze, Limage-mouvement, op. cit., p. 76.

    26. Voir Worringer, LArt gothique, op. cit., p. 66 et

    p. 55.

    Deleuze meets Worringer

  • 102

    27. Sur tous ces points, voir notamment le chapitre

    La mlodie infinie de la ligne septentrionale ,

    dans Worringer, LArt gothique, op. cit., p. 56-60.

    28. Deleuze et Guattari, Mille plateaux, op. cit., p.

    623 ; voir galement Joseph Vogl, Anorganis-

    mus. Worringer und Deleuze , dans Wilhelm

    Worringers Kunstgeschichte, op. cit., p. 181-192.

    29. Selon Deleuze, cette diffrence ressurgit dans des

    circonstances modernes comme diffrence de na-

    ture entre art abstrait et expressionnisme abstrait.

    Voir Deleuze, Francis Bacon, op. cit., p. 68 sqq.

    30. Deleuze et Guattari, Mille plateaux, op. cit., p.

    620.

    31. Sur la dconstruction de labstraction et de la

    figuration, voir Carolin Meister et Wilhelm Ros-

    kamm, Abstrakte Linien. Jackson Pollock und

    Gilles Deleuze , dans Claudia Blmle, Armin

    Schfer (ds.) : Struktur, Figur, Kontur. Abstrakti-

    on in Kunst und Lebenswissenschaften, Zurich,

    Berlin : Diaphanes, 2007, p. 233-237. Pour le

    jugement port sur les espaces lisses et stris,

    voir la fin du chapitre Le lisse et le stri dans

    Mille plateaux et la conclusion qui y est formule :

    Ne jamais croire quun espace lisse suffit nous

    sauver , dans Deleuze et Guattari, Mille plateaux,

    op. cit., p. 625.

    32. Ibid., p. 620.

    33. Sur la thse de Worringer sur le retour de la ligne

    gothique dans le baroque, voir Beate Sntgen,

    Geheime Moderne. Worringers Barock ( Mo-

    dernit secrte. Le baroque de Worringer ), dans

    Wilhelm Worringers Kunstgeschichte, op. cit., p.

    55-65 ; en outre, sur le pli en tant que manifes-

    tation de la ligne abstraite, voir Gilles Deleuze,

    Le Pli Leibniz et le baroque, Paris : ditions de

    Minuit, 1988.

    34. Voir Deleuze, Francis Bacon, op. cit., p. 70.

    35. Voir ce sujet Wilhelm Roskamm, Die diagram-

    matische Malerei von Jackson Pollock, Berlin :

    epubli, 2011.

    36. Gilles Deleuze, Sur Leibniz , dans id., Pourpar-

    lers, op. cit., p. 213-222, ici p. 219.

    37. Gilles Deleuze, Huit ans aprs : entretien 80 ,

    dans id., Deux rgimes de fous. Textes et entre-

    tiens 19751995, d. par David Lapoujade, Paris :

    ditions de Minuit, 2003, p. 162-166, ici p. 164.

    38. Deleuze, Entretiens sur Mille plateaux , op. cit.,

    p. 50.

    39. Gilles Deleuze, Deux rgimes de fous , dans

    id., Deux rgimes de fous, op. cit., p. 11-16.

    40. Voir en particulier les chapitres 8 1874 Trois

    nouvelles ou Quest-ce qui sest pass ? et 9

    1933 Micropolitique et segmentarit , dans :

    Mille plateaux, op. cit., p. 235-252 et p. 253-283.

    41. Deleuze, Deux rgimes de fous , op. cit., p. 11.

    42. Comme lcrit Worringer en pensant au gothique

    dans Abstraction et Einfhlung, op. cit., p. 128.

    43. Heinrich von Kleist, ber das Marionetten-

    theater , dans id., Smtliche Werke und Briefe.

    Band II, d. par Helmut Sembdner, Munich : Carl

    Hanser Verlag, 1984, p. 338-345, ici p. 339 ; trad.

    fr. de Raymond Prunier, Sur le thtre des ma-

    rionnettes , http://jepeinslepassage.lenep.com/

    jepeinslepassage/2010/07/15/kleist-sur-le-theatre-

    de-marionnettes-13/.

    44. Idem, ber das Marionettentheater, op. cit., p.

    340. ; trad. fr., ibid.

    45. Deleuze et Guattari, Mille plateaux, op. cit., p.

    343 sq..

    46. Sur la thorie de ce concept, voir le premier cha-

    pitre de Deleuze et Guattari, Quest-ce que la

    philosophie ?, op. cit..

    47. Lexemple-type de la multiplicit dun concept

    est certainement le chapitre 14 de Mille plateaux,

    1440 Le lisse et le stri . Dans ce chapitre,

    Deleuze et Guattari montrent de faon trs par-

    lante comment, en arpentant les diffrents

    domaines depuis le modle physique jusqu

    lesthtique, en passant par le modle de la mer

    on tablit les rapports entre ces deux concepts

    selon les diverses circonstances du domaine

    considr et comment ces concepts gnrent

    certaines variations dans chaque domaine, sans

    les superposer.

    48. Deleuze et Guattari, Mille plateaux, op. cit., p.

    624.

    49. Gilles Deleuze, La peinture enflamme

    lcriture , dans id., Deux rgimes de fous, op.

    cit., p. 167-172, ici p. 167.

    50. Deleuze, Francis Bacon, op. cit., p. 66.

    51. Ibid., p. 69.

    52. Worringer, LArt gothique, op. cit., p. 60.

    Carolin Meister et Wilhelm Roskamm

  • 103

    53. Deleuze, Francis Bacon, op. cit., p. 68. Voir ga-

    lement, avec davantage de dtails concernant

    Mondrian : Deleuze et Guattari, Mille plateaux,

    op. cit., p. 366.

    54. Ibid., p. 624.

    55. Ibid., p. 619.

    56. Deleuze, Francis Bacon, op. cit., p. 25.

    Deleuze meets Worringer