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CARNET DE VOL 40 // Aviasport Une visite commentée de la salle d’approche radar et de la tour de contrôle (vigie) de l’aéroport de Lyon-Saint-Exupéry. De l’autre côté du miroir sur la planète et démontrer de l’humilité dans le domaine de la communication radio. Sous la surveillance bienveillante des contrôleurs, chaque manquement aux exigences sera remarqué et parfois l’impétrant pilote rappelé à l’ordre par les agents. Sachez que ces derniers appré- cieront la rigueur dans les phases de vol et d’échanges verbaux et vous féliciteront mentalement. Non, pas Alice, mais Sarah Malgré des visites dans différentes tours de contrôle, je demeurais perplexe sur les réalités au sol quand je survolais Saint-Exupéry et je rêvais de percer les mystères qui entourent ce monde radio- phonique. Où se trouvent les contrôleurs du SIV et des TMA (j’avais quand même compris que ceux de la CTR étaient dans la tour !) ? Combien sont-ils ? Comment communiquent-ils entre eux ? Et avec les autres tours ? Est-ce qu’ils nous voient visuellement ? Ai-je commis des erreurs ? D l existe une naviga- tion que j’affectionne particulièrement pour mes élèves et qui, au départ d’Albertville (LFKA), nous emmène vers Lyon–Bron (LFLY). Après un échauffement dans la TMA de Chambéry (LFLB) qui fut récemment re- classée de E à D pendant les week-ends de la saison hivernale, l’élève peut, dans les espaces de Lyon, expier ou non toutes ses fautes dues à une préparation inadé- quate et sommaire. Il faudra qu’il contacte le SIV de Lyon (Lyon-Info) ou l’approche (Lyon-Approche), la CTR de Saint-Exu- péry (St-Ex-Tour) pour finalement et très rapidement appeler la tour de Bron où le trafic prend parfois des proportions gar- gantuesques. L’expérience, toujours riche autant pour l’instructeur que pour son pro- tégé, se révèle systématiquement un clas- sique de la navigation. Le pilote doit être précis en cap, altitude, positionnement Comment puis-je faire pour leur rendre la tâche plus facile ? Que se passe-t-il en cas d’urgence aéronautique ? Ma curiosité se renforçait au fil de mes passages aériens, d’autant plus que je trouvais leur accueil radiophonique sys- tématiquement agréable et que je vantais leur « gentillesse et sympathie » auprès des autres pilotes. Mon inlassable questionnement allait fina- lement trouver son graal grâce à Rémy, un de mes anciens élèves et aventurier aéro- nautique. Sa sœur Sarah travaille comme contrôleuse à Lyon et accepta de me recevoir. Avec une efficacité redoutable, digne d’une… contrôleuse aérienne, elle obtient les autorisations nécessaires et vint m’accueillir avec mon badge un sa- medi d’avril. L’antre des contrôleurs Nul besoin de descendre profondément sous terre pour pénétrer dans la salle de d’approche. Une fois à l’intérieur, je peux admirer à ma guise toute une série

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CARNET DE VOL

40 // Aviasport

Une visite commentée de la salle d’approche radar et de la tour de contrôle (vigie) de l’aéroport de Lyon-Saint-Exupéry.

De l’autre côté du miroir

sur la planète et démontrer de l’humilité dans le domaine de la communication radio. Sous la surveillance bienveillante des contrôleurs, chaque manquement aux exigences sera remarqué et parfois l’impétrant pilote rappelé à l’ordre par les agents. Sachez que ces derniers appré-cieront la rigueur dans les phases de vol et d’échanges verbaux et vous féliciteront mentalement.

Non, pas Alice, mais SarahMalgré des visites dans différentes tours de contrôle, je demeurais perplexe sur les réalités au sol quand je survolais Saint-Exupéry et je rêvais de percer les mystères qui entourent ce monde radio-phonique. Où se trouvent les contrôleurs du SIV et des TMA (j’avais quand même compris que ceux de la CTR étaient dans la tour  !) ? Combien sont-ils ? Comment communiquent-ils entre eux ? Et avec les autres tours  ? Est-ce qu’ils nous voient visuellement ? Ai-je commis des erreurs ?

Dl existe une naviga-tion que j’affectionne p a r t i c u l i è re m e n t pour mes élèves et qui, au départ d’Albertville (LFKA), nous emmène vers Lyon–Bron (LFLY).

Après un échauffement dans la TMA de Chambéry (LFLB) qui fut récemment re-classée de E à D pendant les week-ends de la saison hivernale, l’élève peut, dans les espaces de Lyon, expier ou non toutes ses fautes dues à une préparation inadé-quate et sommaire. Il faudra qu’il contacte le SIV de Lyon (Lyon-Info) ou l’approche (Lyon-Approche), la CTR de Saint-Exu-péry (St-Ex-Tour) pour finalement et très rapidement appeler la tour de Bron où le trafic prend parfois des proportions gar-gantuesques. L’expérience, toujours riche autant pour l’instructeur que pour son pro-tégé, se révèle systématiquement un clas-sique de la navigation. Le pilote doit être précis en cap, altitude, positionnement

Comment puis-je faire pour leur rendre la tâche plus facile  ? Que se passe-t-il en cas d’urgence aéronautique ?Ma curiosité se renforçait au fil de mes passages aériens, d’autant plus que je trouvais leur accueil radiophonique sys-tématiquement agréable et que je vantais leur «  gentillesse et sympathie  » auprès des autres pilotes. Mon inlassable questionnement allait fina-lement trouver son graal grâce à Rémy, un de mes anciens élèves et aventurier aéro-nautique. Sa sœur Sarah travaille comme contrôleuse à Lyon et accepta de me recevoir. Avec une efficacité redoutable, digne d’une… contrôleuse aérienne, elle obtient les autorisations nécessaires et vint m’accueillir avec mon badge un sa-medi d’avril.

L’antre des contrôleursNul besoin de descendre profondément sous terre pour pénétrer dans la salle de d’approche. Une fois à l’intérieur, je peux admirer à ma guise toute une série

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Image radar qui inclut les VFR non contrôlés en espace de classe G et avec transpondeur.

Image radar avec juste les VFR contrôlés.

vée, en transit, VFR sous contrôle, VFR avec transpondeur hors contrôle), est at-tribuée une couleur afin de faciliter la lec-ture du panorama aérien. Intrigué par les mouvements des IFR à l’arrivée, j’appris que ceux-ci étaient guidés sur une tra-jectoire qui les emmenaient en finale. Les

d’écrans où clignotaient et se déplaçaient des points lumineux. Dans ce monde féé-rique, je pressentis que j’allais acquérir un peu plus de sagesse utile pour ma vie de pilote. Sarah commença mon initiation en me présentant les traces des avions. À chaque catégorie (IFR au départ, à l’arri-

contrôleurs doivent gérer caps, altitudes et vitesses afin d’obtenir les espacements garantissant l’écoulement sûr et ordonné du trafic. Les trajectoires des IFR en ap-proche, comme je le croyais naïvement, ne sont pas préétablis sur l’écran, mais l’expérience du contrôleur (qui doit tenir

compte de divers paramètres comme le vent) permet l’accomplissement du tra-vail dans le respect du règlement. Par exemple à Lyon, à l’atterrissage, chaque avion, en période normale, se pose à un intervalle de quatre-vingt-dix secondes. Cette durée peut s’allonger suivant les conditions météo. À la fin de ces explications, Sarah, qui était au poste SIV, fut interrompue par un

QUAND JE SURVOLAIS SAINT-EXUPÉRY, JE RÊVAIS DE PERCER LES MYSTÈRES QUI ENTOURENT CE MONDE RADIOPHONIQUE.

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Poste radar pour les mouvements au sol.

ment que lors du premier appel, le pilote ne nous donne que la première et les deux der-nières lettres de l’immatriculation. Suivant notre charge de travail, nous n’avons pas toujours le temps de noter les cinq lettres. Au deuxième appel, nous sommes prêts et pouvons écrire l’ensemble du message ». Comme je le dis toujours à mes élèves, si le contrôleur commence à vous poser des

message radio d’un avion VFR. J’allais rentrer au cœur du débat et justifier la raison de ma présence en ces lieux saints. «  Voilà un message qui me plaît » me dit Sarah une fois la discus-sion terminée et elle ajoute « il m’a donné son immatricula-tion, son type d’appareil, sa po-sition, son aérodrome de départ et d’arrivée, son altitude et son parcours dans ma zone ». Comme elle note toutes les données sur un « strip », j’en profite pour lui demander des éclaircissements sur ce document (voir photo). En plus des informa-tions fournies par le pilote, Sarah ajoute le code transpondeur attribué, les heures de premier et de dernier contact et la date. Si l’appareil est sous plan de vol, elle coche la case adéquate. Une croix est mise dans la case téléphone pour signifier que l’agent à bien transmis le message d’acti-vation ou de clôture du plan de vol. Le QNH et le nombre de passagers à bord complètent le formulaire. Si néces-saire, ce document sera transmis à un de ses collègues du contrôle (la fréquence de transfert est entourée) ou sinon il sera systématiquement archivé. Ce strip peut servir d’excellent guide pour préparer son message radio.«  Au fait, je voulais vous dire que nous les contrôleurs, préférons générale-

questions comme « quel est le type d’appareil ? » ou «  quelle est votre altitude  ?  », c’est que vous avez omis de lui fournir ces informations

auparavant. Cela engage un dialogue très onéreux

en temps et démontre le manque de rigueur du pilote.

Localisation sur le globe

Une fois cette partie «  administrative  » terminée, le contrôleur va vous rechercher sur son écran. Il dispose de plusieurs mé-thodes. Tout d’abord, suivant votre position, il va savoir grossièrement où vous vous si-tuez. Les contrôleurs connaissent leur sec-teur, mais ne voient pas les petites agglo-mérations ou autres détails sur leur écran. Inutiles de fanfaronner en donnant un lieu-dit sur la carte, ce renseignement ne sera pas d’une grande utilité. Autant mentionner un endroit remarquable qui parle à la personne.

NE PENSEZ PAS QU’UNE VARIATION DE 100 PIEDS D’ALTITUDE PASSERA INAPERÇUE DES CONTROLEURS, LES RADARS FOURNISSENT CES PARAMÈTRES PRÉCISÉMENT.

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Les radars sont équipés d’une fonction-nalité gonio (car le gonio n’équipe pas le radar mais est couplé à une fréquence radio et peut être sélectionné ou non sur l’écran radar) qui donne une direction vers la station qui appelle. Un trait se matéria-lise sur l’écran. Finalement, le transpon-deur, une fois affiché, se lira sur l’écran. En mode S, l’immatriculation de l’appareil apparaît aussi ce qui facilite grandement le suivi. Le contrôleur peut alors mettre en surbrillance l’appareil sous sa respon-sabilité. Des indications s’affichent à la demande (un bouton permet de sélec-tionner celles que le contrôleur juge per-tinentes). Par exemple, un vecteur direc-tionnel donne le cap instantané de l’avion (et sa position calculée dans x minutes). Si vous avez donné, comme c’est re-commandé, votre itinéraire, le contrôleur pourra se projeter dans l’avenir et antici-per les conflits potentiels. Généralement, le personnel connaît les codes des terrains dans la région. Il est inutile de préciser le nom et le code. Par contre, si votre vol vous amène de l’autre côté de la France, les agents apprécieront si vous pouviez leur fournir ce code. Cela leur évitera de le rechercher.

Au pays des merveillesÀ partir du moment où vous êtes en es-pace aérien contrôlé, vous êtes soumis à des exigences particulières (cap, altitude, etc). Il va falloir les respecter scrupuleu-sement. Ne pensez pas qu’une variation de 100 pieds d’altitude passera inaper-çue, les radars (voir plus loin) fournissent aux contrôleurs ces informations précisé-ment. Ce point en mémoire, j’en profite

Contrôleur aérien

Les contrôleurs aériens ont un niveau d’ingénieur, ce qui implique la poursuite après le Bac d’un cursus scientifique. Il faut tout d’abord, soit commencer une formation à l’université en section Maths/Physique, soit de préférence suivre des classes préparatoires (Maths-Sup et Maths-Spé) et présenter à l’issue de cette étape, le concours de contrô-leur aérien. Éminemment sélectives, les épreuves une fois réussies permettent d’intégrer l’École nationale d’aviation civile (ENAC).La formation initiale se déroule sur trois ans et alterne théorie et stages pra-tiques dans des organismes de contrôle et aussi des entraînements sur simula-teur. Au début, les élèves fréquentent des tours relativement simples mais les cours sur le terrain se complexifient au fur et à mesure. Ils bénéficient aussi d’une formation de pilote et la plupart obtiennent leur PPL. Ils connaissent donc les exigences demandées à un pilote en navigation et les nécessités en terme de préparation de vol. Un stage d’anglais de plusieurs semaines dans un pays anglophone complète le cur-sus. Un classement est effectué à la fin du programme, classement qui, en fonction des postes disponibles et des vœux des impétrants, attribue par ordre décroissant les affectations. En France, les contrôleurs sont des fonctionnaires d’État. Quand ils arrivent sur leur lieu d’exercice, ils doivent passer par une

formation complémentaire. Comme le dit Olivier  : «  quand nous arrivons sur un poste, nous ne savons quasiment rien des situations réelles et nous débu-tons comme stagiaire, supervisé par un contrôleur expérimenté  ». Contrai-rement à d’autres pays comme l’Alle-magne, la France ne spécialise pas ses agents et ceux-ci peuvent occuper tous les postes, contrôleur sol, tour, SIV, ap-proche IFR, etc. Olivier rajoute : « nous préférons cette formule qui permet de varier les tâches et d’éviter une possible monotonie. Par contre, cela implique des efforts de travail importants et dans certains cas, de l’entrée à l’ENAC jusqu’à la qualification sur toutes les positions de contrôle de l’aéroport, il peut se passer cinq ans  ». Dans les salles de contrôle, ces changements de poste se font environ toutes les heures.De plus une expérience longue dans un centre complexe comme Roissy par exemple, ne garantit pas une position titulaire lors d’une mutation. Chaque contrôleur recommence comme sta-giaire jusqu’à ce qu’il ou elle possède intégralement les paramètres de sa nou-velle affectation. À Lyon, un contrôleur expérimenté devra rester environ deux ou trois mois comme stagiaire pour les mouvements au sol et plus pour les autres postes (environ d’un à deux ans pour obtenir la qualification maximale à Lyon). Il bénéficiera aussi d’entraîne-ments sur simulateur.

L’aéroport Lyon–Saint-Exupéry et la gare TGV le désservant.

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les pilotes font l’inverse de ce que l’on demande, on devient très tendu  ». Une situation typique à Saint-Exupéry arrive quand un VFR confond le seuil 17 avec l’autre bout de la piste. Le pilote peut se demander si le seuil est au nord ou au sud de la tour. Les pilotes doivent donc visua-liser les trajectoires en finale des IFR et anticiper les exigences de la tour. L’ATIS fournira ces informations.Certains pilotes de ligne ont demandé l’interdiction des vols VFR au-dessus du terrain car ils argumentent que lors d’une remise de gaz, ils ne peuvent pas gérer la présence d’un petit avion de tourisme. Ce serait dommage que l’on arrive à une telle extrémité car la traversée des axes est hautement pédagogique. À ce moment, le chef de tour décide de fermer la salle et l’équipe monte en vi-gie. Moment toujours magique que celui de se trouver à ce point culminant d’un tel aéroport et de voir l’ensemble du trafic. Ébloui, j’en oublie presque mes questions, mais je reprends mes esprits.

pour questionner Sarah sur les problèmes que créent les pilotes VFR. «  Je note souvent des problèmes de compréhen-sion avec ces appareils. Parfois, je dois les appeler plusieurs fois avant qu’ils ne répondent. D’autres fois, ils ne respectent pas les consignes imposées et nous de-vons modifier la circulation du trafic IFR en conséquence ». Sarah et son collègue Olivier, qui est aussi instructeur à Pé-rouges, rajoutent avec grande honnêteté : « Nous notons parfois un manque de pré-paration du vol (Notam, météo, route…), un manque de respect des consignes en espace contrôlé et une demande insis-tante pour obtenir une clairance malgré un refus. Mais globalement, nous n’avons pas de gros problèmes avec les pilotes VFR  ! En fait, notre patience est parfois mise à rude épreuve…  ». Si certains écarts semblent insignifiants au pilote, ils peuvent cependant engendrer des situa-tions potentiellement sérieuses. Sarah précise  : «  certaines incompréhensions entre les exigences du contrôle et l’action des aviateurs nous mettent parfois en alerte. Par exemple, la traversée des axes de Saint-Exupéry peut nous faire faire des nœuds au cerveau. Un départ d’un avion de ligne et une traversée VFR est relati-vement simple, car on peut faire passer le pilote qui transite au seuil d’où décolle le premier. Par contre, des arrivées toutes les quatre-vingt-dix secondes demandent plus de réflexion. Il faut tenir compte d’une possible remise de gaz. Et quand

Mais alors comment se passe une tra-versée d’est en ouest depuis le premier contact ? En avion, je ne me rendais pas compte de l’assemblage du puzzle. Quand un pilote appelle le SIV ou l’ap-proche et formule une destination vers Bron, le contrôleur prend l’information et demande soit par téléphone, soit de vive voix à ses collègues (si ces derniers se trouvent dans la même salle) s’ils peuvent accepter le VFR. Si la réponse est néga-tive, le pilote devra éviter les zones. Il est donc essentiel de connaître les horaires des périodes de pointe (voir encadré) pour éviter de se retrouver dans une conges-tion de trafic. Si la demande est positive, un contrôleur téléphone à Bron pour les avertir de l’arrivée et déterminer s’il y a des contraintes ou restrictions à respecter (point d’entrée par exemple). Ensuite, les informations sont transmises au pilote qui devra être prêt à changer de fréquence et potentiellement de code transpondeur. Attention, un contact avec un SIV ne vaut pas une autorisation d’entrée dans une

La salle radar de Lyon.

CERTAINS PILOTES DE LIGNE ONT DEMANDÉ L’INTERDICTION DES VOLS VFR AU-DESSUS DU TERRAIN CAR ILS ARGUMENTENT QUE LORS D’UNE REMISE DE GAZ, ILS NE PEUVENT PAS GÉRER LA PRÉSENCE D’UN PETIT AVION DE TOURISME.

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TMA/CTR. Seule une clairance énoncée permet le franchissement de la ligne. Olivier précise  : «  il est possible que l’on donne trois codes transpondeur dans les traversées de nos zones. Il faut être réac-tif  ». Dans ces circonstances et surtout par forte circulation aérienne, l’amateu-risme est diversement apprécié, jamais positivement. Lors du passage au-dessus du terrain (un moment magique pour le pilote), le contrôleur cherche toujours un contact visuel par sécurité et il faut savoir que ce contact n’est pas toujours facile suivant les conditions de luminosité. Car acquérir ce contact permet de compen-ser le léger retard du radar qui a toujours un temps de rafraîchissement.

Aventures de pilotes VFROlivier conseille même en dehors des zones de Lyon de contacter le SIV pour bénéficier du service d’alerte et des infor-mations de vol. À défaut, il est conseillé de veiller sur la fréquence et de brancher son transpondeur sur 7 000 en mode C. Il cite l’exemple du chef-pilote de Pérouges qui, en écoute radio avec le contrôle alors qu’il était en espace G, a eu des problèmes

moteur et a alerté le SIV d’un atterris-sage imminent en campagne. Les fonc-tionnaires ont pu mobiliser les secours plus rapidement, secours qui ont trouvé l’appareil et les passagers dans un champ sans blessure grâce notamment à la dex-térité du commandant de bord. Tout avion qui contacte un organisme de contrôle bénéficie d’un traitement particu-lier et demeure sur l’écran. Un contrôleur peut, afin d’avoir une meilleure visibilité des machines sous sa surveillance et du trafic IFR, décongestionner son écran et faire disparaître les VFR en espace G qui ne l’ont pas contacté même s’ils ont bran-ché leur transpondeur. Par contre, sans transpondeur, le contrôleur ne verra rien (si l’appareil n’est pas capté par le radar primaire) et ne pourra pas tenir compte de cet appareil dans sa gestion du trafic. Donc allumez systématiquement votre transpondeur. En fonction de la météo, les deux sec-teurs d’info de vol seront dégroupés  : à chaque fréquence d’info correspond alors un radar et un contrôleur. À ce propos, le SIV de Lyon était partagé sur deux fré-quences (135,525 et 135,200) sur une ligne est-ouest. En 2017, cet axe est maintenant nord-sud pour des raisons de meilleure répartition des flux de trafic VFR. Mais dans ce milieu, chaque instant amène une situation inhabituelle. Un pilote

ArmementÀ Lyon–Saint-Exupéry, l’organisation du personnel dans la vigie et dans la salle d’approche s’articule autour de huit équipes d’une dizaine de personnes. À la tête de chaque groupe se trouve un contrôleur qui a suivi une formation par-ticulière et qui supervise l’ensemble du personnel sous sa responsabilité (trois chefs de tour par équipe pour assurer un roulement, un seul en fonction par vacation). En cas de situation délicate, il prend l’ultime décision pour s’assurer de la sécurité. Lors de ma visite de la tour, un vol commercial qui venait de décol-ler a annoncé au niveau 70 une alarme consécutive à une mauvaise fermeture de porte. Il a demandé à atterrir et le chef de tour a décidé de mettre les pompiers en veille (dans leur camion) pour s’assu-rer de la célérité d’une intervention si celle-ci s’avérait nécessaire (ce ne fut pas le cas). Au sein d’une même équipe, les relations entre le personnel s’avèrent très soudées. Ils travaillent ensemble toute l’année et doivent gérer grâce à une bonne communication les situations qui se présentent à eux. Par contre, cer-taines équipes ne se rencontrent jamais car leurs emplois du temps respectifs ne

coïncident pas. Habituellement deux équipes travaillent ensemble pendant la journée. Une dans la salle d’approche et l’autre en vigie. L’aéroport de Lyon connaît trois périodes quotidiennes de trafic chargé  : le matin entre 07 h 00 et 09 h 00, l’après-midi entre 14 h 00 et 16 h 00 et le soir entre 18 h 30 et 20 h 30. Les compagnies arrivent et repartent quasiment toutes en même temps afin de minimiser le temps d’at-tente en correspondance pour les passa-gers. Le trafic aérien s’intensifie considé-rablement et le nombre de positions de contrôle ouvertes/postes occupés aug-mente également. Aux autres moments de la journée et la nuit l’armement en personnel s’adapte en fonction du trafic et du nombre de positions de contrôle nécessaires pour traiter ce trafic. Durant la saison d’hiver, avec les charters neige le week-end, l’espace aérien contrôlé est assez congestionné, les contrôleurs sont aussi extrêmement occupés et peuvent se décharger sur les espaces aériens non contrôlés en refusant les entrées VFR dans leurs zones. Dans les deux cas pré-cités, il vaut mieux éviter de programmer un vol à ces périodes.

Touches rapides pour les autres services de contrôle.

IL EST CONSEILLÉ, MÊME EN DEHORS DES ZONES DE LYON DE CONTACTER LE SIV POUR BÉNÉFICIER DU SERVICE D’ALERTE ET DES INFORMATIONS DE VOL.

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déclencher le service d’alerte. Le déclen-chement de cette alerte est soumis à l’appréciation du contrôleur suivant les conditions du moment». Cependant, je lis un peu d’inquiétude sur son visage. Je tente de la rassurer car je connais le coin et comme il avait passé le verrou, il est dans la vallée qui est large, mais Oli-vier me répond que l’on ne connaît pas la situation réelle. J’ai perdu une fois de plus une bonne raison de me taire ! Pilote VFR, si cela vous arrive, ayez une pensée pour les contrôleurs qui œuvrent pour

qui vient du sud et qui souhaite rejoindre la vallée du Grésivaudan appelle le SIV et demande l’autorisation du survoler Gre-noble à 4  000 pieds (il existe un verrou entre la Chartreuse et le Vercors et par mauvais temps les sommets des deux côtés sont accrochés). Mais l’agglomé-ration de Grenoble doit être survolée à 5 000 pieds AGL. Sarah m’en informe et me dit  : «  je ne peux pas autoriser un avion à commettre un acte non conforme aux règles de survol. Je lui ai conseillé de rester en VMC et de rappeler une fois au nord de la ville ». Le pilote informe donc le contrôle qu’il allait survoler le relief et demande la dernière météo à Chambéry. Olivier appelle LFLB et Sarah commu-nique le bulletin au pilote. On suit tou-jours sa trace au radar et soudain Sarah m’informe qu’elle ne le voit plus. Elle tente de l’appeler sans succès. « Comme il est en espace G, je ne suis pas obligée de

votre sécurité. Contactez le plus rapide-ment possible une tour – dans ce cas Le Versoud (LFLG) était juste à côté – pour leur dire que vous avez perdu le contact avec votre organisme de la circulation aérienne. Le personnel au sol appellera les agents concernés pour les informer de la situation. Finalement, tout se termi-na bien et le pilote responsable, une fois arrivé près de sa destination, Challes-les-Eaux (LFLE), appela Chambéry (LFLB) qui contacta Lyon. Un certain soulagement parcourut mes interlocuteurs.

Les pupitres, dans la vigie de la tour de contrôle.

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« NOUS NE SOMMES PAS DES GENDARMES QUI SANCTIONNENT DES ERREURS. NOUS SOUHAITONS AMENER LES PILOTES À BON PORT. »

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Donc si vous avez violé un espace aé-rien autour de Saint-Exupéry, il est inu-tile de couper votre transpondeur et de croire que vous allez comme le dit la for-mule « disparaître des écrans radar ». Il vaut mieux prendre les devants, appeler le contrôle et annoncer votre erreur. Les contrôleurs vous guideront pour vous remettre dans le droit chemin. Ils sont bienveillants, je les ai vus en action. Une fois de plus, la pratique vient corrobo-rer la théorie. Sarah me montre un avion (WT-9) qui frôle la TMA, alors qu’il est en contact avec le SIV : « il est vraiment très proche de la ligne. Je trouve qu’il est préférable de rester un peu plus à l’écart pour éviter une incursion  » me confie-t-elle. Je pense qu’il doit avoir un GPS pour être si précis, mais peu de temps après, le voilà qui entre allégre-ment dans la TMA. Immédiatement, son identification apparaît en orange et les trois lettres APW (Area Proximity War-ning) s’inscrivent dans la même cou-leur. La procédure oblige le contrôleur à informer le pilote de la situation et à lui demander soit de quitter la zone im-médiatement soit à le transférer à son collègue sur une fréquence différente car comme indiqué précédemment, les séparations entre avions suivant leur catégorie changent en TMA. Ces incursions sont gérées professionnel-lement pour assurer la sécurité. Il faut aussi savoir que comme sur les avions de ligne, les contrôleurs bénéficient d’une alarme visuelle (rouge et qui cli-gnote) si deux avions risquent de se percuter. Ils peuvent alors émettre des consignes d’évitement.Par contre les militaires, surtout en pé-riode d’état d’urgence, sont très vigi-lants. Leur réseau de radars primaires captera immédiatement une incursion dans une zone R active (sachez que les contrôleurs ont bien toutes les zones D, R ou P qui concernent leurs espaces, qui sont affichées quand actives. Ils ont aussi quelques zones limitrophes qui s’affichent, type Orange ou R-130C, mais ils ne connaissent pas toujours l’activité en temps réel de celles qui sont vraiment en dehors de leur zone), ou une zone P. Si des avions chasse sont en vol dans les environs, ils les dirigeront vers l’appareil qui a commis l’infraction. Rémy, lors de sa visite de la tour a vu un tel incident en direct. Deux points à très grande vitesse ont vite rattrapé l’appa-reil volant à 100 Kt. Autrement, vous bénéficierez à destination d’un accueil pas nécessairement chaleureux de la

Incursions dans un monde bien réelSaint-Exupéry possède un radar pri-maire et dispose des informations pro-venant de nombreux radars secondaires dont les deux principaux sont situés à Four et à Pierre-sur-Haute. Chambéry ne bénéficie pas du premier mais reçoit ses informations de l’ensemble des autres radars secondaires. Les mesures des deux types de radar permettent à un logiciel de déterminer la position, l’altitude ou le niveau de vol exact de l’appareil. Cette information s’affiche sur l’écran pour aider le contrôleur à main-tenir la séparation réglementaire entre avions (en espace aérien de classe C, 1 000 pieds verticalement ou 5 NM laté-ralement entre un avion de catégorie L, donc de tourisme, et un de catégorie M), nécessaire pour tenir compte de la turbulence de sillage.

part d’hommes et de femmes vêtus en bleu. Quand une telle situation arrive, les militaires appellent Saint-Exupéry et les contrôleurs leur fournissent toutes les informations sur l’avion fautif.Au terme de ma visite, je demande à Sa-rah quelles sont les différences entre les pilotes IFR de nationalités diverses. Glo-balement et sans surprise, la mentalité du pays se retrouve dans leur comporte-ment. Plus détendue pour les personnes des pays du Sud, contrairement à ceux du Nord et très carrée pour les pilotes al-lemands par exemple. Les Français sont un mixte des deux. Comme cette des-cription s’applique sans aucun doute aux pilotes VFR, il convient donc de méditer cette observation. Au terme de ce voyage dans ce pays des merveilles, je garderai en mémoire que même si l’aviation est une contrée où les diverses splendeurs éblouissent nos yeux au quotidien, il ne faut pas, durant un vol, se laisser bercer vers un monde où les illu-sions prennent le pas sur la réalité.

Pierre-Philippe REILLER,

photos de l’auteur

CONSEIL DE CONTRÔLEURS

On ne répétera jamais assez que les contrôleurs ne cherchent pas à sanc-tionner le pilote mais souhaitent si né-cessaire leur apporter leur soutien. Ad-mettre une situation délicate n’est pas un signe de faiblesse, bien au contraire. Les contrôleurs, s’ils sont alertés rapi-dement d’une situation délicate qui peut potentiellement dégénérer, réagi-ront plus rapidement (par exemple en déclenchant une alerte en espace G). N’oublions pas qu’ils ont tous participé à une formation PPL et que certains ont maintenu leur licence de pilote. Ils pourront facilement se mettre dans la peau du pilote VFR. Lors de ma forma-tion instructeur, on m’a raconté l’his-toire d’un contrôleur qui a pu emmener un pilote jusqu’à Grenoble alors que la visibilité était mauvaise et le plafond très bas. En s’imaginant dans le cockpit, il a pu avertir le pilote des obstacles. Concluons donc avec Sarah et Olivier : « nous ne sommes pas des gendarmes qui sanctionnent des erreurs. Nous souhaitons amener les pilotes à bon port et les aider si la situation empire ».