Carnet 6 - Juin 1931, par Carlo Suarès

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    CARNETJ U I N 1 9 3 1

    LA FI N DU

    GRAND M YTHE

    ( 6 )

    ET TEXTES DE

    KRISHNAMURTI

    8 U A R E S

    France : le N 4 f rs. Carnets Mensuels Et ranger : le N 5

    A g e n t G n r a l : J o s C o r t i 6 R u e d e C l i c h y P a r i s

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    LA FIN DU GRAND MYTHE (6)

    J. KRISHNAMURTI

    fragments

    NOTES :

    Jean Cassou et lEspagne. Le plan quinquennal et le procs de Moscou. Edouard Dujardin et larnovation de la cri t ique, par Carlo Suars.

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    Carnets mensuels (sauf aot et septembre, soit dix numros par an).

    AGENT GENERAL: JOSE CORTI, 6, RUE DE CLICHY, PARIS.

    Adresser tout ce qui concerne ladministration et la rdaction

    M. Carl o Suars, 15 , Avenue de la Bourdonnai s. Paris VII* .

    Chques postaux Paris 152573.

    Abonnement pour lanne 1931 :

    Fiance et Colonies : 25 frs. Etranger : 35 frs.

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    LA FIN DU GRAND MYTHE

    VI

    Le laboureur et le berger

    Nous avons vu avec Can e t Abel que m ythiquem ent, le

    libr tue chaque in stan t le je mythique. Cest Can le la

    reur qui tue Abel le berger, afin de fconder une terre qui, rassa

    mais violente, refusera de le nourrir. Le berger a un troupe

    conserver et protger. Le laboureur na rien conserver protger. Disons quil nest pas sentimental. Mais les troup

    veulent des bergers, des bergers qui les consolent, des bergers

    charitables, qui sacrifieront quand mme, bien entendu, la cha

    la graisse des premiersns du troupeau. Cela, nestce^ pas

    disent quon ne peut pas lempcher. Puis tout le troupeau

    moutons doit se laisser tondre, puis se laisser manger. Cela

    plus on ne peut pas lempcher. Dieu, cote que cote, doit trbon berger, cest sa fonction, comme cest celle de son fils A

    Pour ces troupeaux affols lEternel demeure incomprhensible

    La fin comme moyen

    Afin de comprendre les personnages Dieu et Eternel, nou

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    l'quation jece la que virtuellem en t : aprs la cra tion

    cieux et de la te rre il n y a que des tnbres sur la surface de labet lesprit de Dieu se meut audessus des eaux. Puis quand vie

    lumire elle ne peut que se sparer des tnbres en devenan

    des termes dune dualit. Si lquation tait vraiment rsolue le

    de Dieu ne serait pas en mouvement audessus des eaux, il s

    partout et aussi dans les eaux ellesmmes, les eaux procrat

    de la chair et antinomiques de lesprit, car il aurait vaincu lan

    mie; quant la lumire elle ne sopposerait pas aux tnbresles pouserait.

    Mais lantinomie nest vaincue que thoriquement. Lespr

    Dieu commence par comprendre quil y a un problme, et inv

    la lum ire : q ue la lum ire so it. Il a la solution : cest de

    semblant davoir la solution. Ce nest pas absurde, cest la

    issue possible au problm e m taphysique : il faut utiliser l

    comme moyen. Nous reviendrons plus loin sur cette voie dconnaissance laquelle sopposent la plupart des systmes relig

    car ils ignorent la vraie mtaphysique. Aussitt que la lum

    est, elle tombe dans lantinomie fatale o tout se spare en d

    Dieu spara la lu m ire davec les tnbres..., etc...

    La dualit manifeste

    Comme par un sort magique, celui qui est dans la duali

    peut rien toucher qui ne soit aussitt scind en deux, chaque p

    tant ellemme scinde en deux, et scindant en deux ce qu

    touche et ainsi de suite indfiniment, vertigineusement. Mm

    nondualit que cherche celui qui est dans la dualit, mm

    quil veut appeler la nondualit absolue est frapp de ce m

    t ll t i if t i if t

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    ce qui explique toute sa cosmogonie. Il cre et multiplie dan

    temps et lespace, il est donc fm inin p ar r ap port lE ternel

    est fminin comme tout ce qui multiplie la matire. Pourtant c

    lui qui sest cri : Que la lum ire soit ! R em arquons que c

    exclamation nest pas du tout un acte de cration, mais une inv

    tion, dont le ton diffre totalement de tout ce qui suit dans le d

    loppement cosmogonique. Cette invocation donne dj en ge

    tout le thm e du Mythe : llm ent fm inin dem and e la lum

    et marque les tapes de la victoire, une une.

    Comment et pourquoi lire les textes

    Notre dessein est beaucoup trop vaste pour que nous puiss

    nous attarder des commentaires de textes dont la nature est d

    inpuisables. Nous y retracerons rapidement le droulemen

    thme mythique, en indiquant surtout des passages qui, san

    fil conducteur, demeureraient toujours obscurs. Grce ce fil ducteur chacun p ou rra lire et com prendre ce thm e trs sim

    linconscient humain a cr un rve qui doit tre vaincu, sou

    puis transmu, puis qui doit donner naissance la Vrit abs

    Ce thme est trs simple, mais il est exprim par des symb

    bibliques qui peuvent et doivent tre lus sur plusieurs registres

    lois; en outre chaque symbole tant lintrieur de la dualit

    masculin dun ct et fminin de lautre; ainsi le thme si sidevient assez difficile dchiffrer. Ce qui importe le plus cepen

    cest de comprendre le Mythe dans son ensemble, et de cons

    que les individus humains, dans tout le cours de lHistoire, se

    identifis aux symboles mythiques au point de jouer les rle

    de sidentifier eux. Nous avons dj beaucoup insist sur ce p

    et nous ne cesserons dy revenir, car il nous semble indispen

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    dont on appelle la dualit primordiale. Celleci est la dfin

    mme des je individuels, spars, que sont les hommesplutt les soushommes. Si nous parvenons cependant faire

    ger com pltem ent de linconscient ce tte dfinition, e t tous

    subterfuges que linconscient a invents pour calmer sa

    de ne pas savoir, alors les rles, avec toutes leurs vale

    religieuses, sociales, etc... tomberont et permettront la Vrit

    surgir. Tous les systmes, toutes les croyances, toutes les convict

    toutes les armatures morales o lon se rfugi pour ne pas mde dsespoir devant la donne toute nue du grand dilemne insol

    doivent tomber pour que la Vrit apparaisse, qui est la V

    la disparition du dilemne.

    Se faire coup er le prpu ce po ur fa ire en trer Dieu da

    chair , ou communier pour la mme raison, ou se soumettre

    morale, une hirarchie sociale, ou possder de largent, ou

    dan s la famille, sans le savoir, les rles my thiques du pre , du fila mre, de la fille, ou jouer dans la vie sociale ces mmes rles

    mmes personnages mythiques sous des aspects diffrents, etc...,

    tout cela et jusqu la faon dont on satisfait ou dont on t

    les dsirs sexuels, cest assumer des rles inconscients dans

    pice que lon ne connat pas, cest vouloir prolonger la

    quand elle est finie.

    Cest ainsi quil faut lire les textes bibliques, mythologiphilosophiques et historiques : po ur voir com ment tout cela

    jou, comment tout cela n a t quune reprsentation, pour

    enfin spectateur, pour cesser de jouer cette Comdie soushum

    qui a assez dur, pour ramener to ut ce pass dans le prsent,

    l'amener les sicles dans linstant ternel o tout est consomm

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    1 le je progressif ind ividuel, compos dtats succe

    dont chacun est la rsultante de tous ceux qui prcdent et do

    mouvement gotiste est centripte, correspond la femme,

    deux lments, la terre et leau; la chair, la matire; tou

    qui est produit matriellement, la machine, etc... tout ce q

    donn na issance ce je isol : au somm eil qui cause la frag

    tation de la conscience; donc au principe mme de la dualit

    connaissance du bien et du mal, etc...) au sens analytique; au d

    nir, etc...

    2 le principe cela, impersonnel, absolu, ternel, less

    permanente des choses, absolument immuable et dont cepen

    mane un mouvement centrifuge qui sextriorise en univers, co

    pond lhomme et ses deux lments lair et le feu; au

    reprsentation du feu; au vin, reprsentation du sang; etc...

    Les personnages humains, fem m es e t hommes, sidentif

    selon leur sexe, lun de ces deux ples, et jouent travers celon appelle les vnem ents historiques, les rles que lquation

    thique primitive leur a assigns, et cela jusqu la fin des te

    cestdire jusqu la rsolution totale de lquation mtaphys

    En lisant les textes bibliques et mythologiques, nous nous

    cevons que chaque pisode o sont en scne les symboles du M

    contient lui seul la totalit du thme particulier qui se joue

    momentl. Cest ce que nous tcherons dexaminer. Nous trons aussi les situations o se trouvent les diffrents personn

    entre eux suivant quils appartiennent une quation ou lautr

    les changements qui se produisent dans ces situations au fur

    mesure que se rsout lquation, tout au long de lhistoire.

    verrons alors se rsoudre lquation par une admirable synt

    Le principe manant masculin qui jusqualors sobstinait to

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    terre a toujours t un point du ciel sans haut ni bas, que

    en fan t lE tern it, que lhom m e est n, et quil entend vivre

    sans cauchemars, heureux, en pleine possession de sa raison d

    ^vainqueur de la dualit soushumaine, libr mme de la consci

    Dieu meurt dans lEternel

    Rptons cependant que lquation primitive est inconscien

    rappelons la loi du renversement de ralit, qui, dans le th

    judochrtien donne naissance aux deux principaux personn

    bibliques : Dieu e t lEte rnel. De tous les personnages ce son

    plus importants, parce quils personnifient lquation ellemm

    Le Dieu de la gense est le rsultat dun cela, moins

    moins senti que le principe je, et qui, absorb par le je

    dsire le connatre) fait aussitt semblant davoir rsolu lqu

    que je ne peu t rsoudre. En som me Dieu, dans la Comdie m

    physique, est la solu tion virtuelle de lquation, qui devient lin

    sonnage. Ce personnage utilise la fin comme moyen. Ce

    quelque sorte un bluff, mais un bluff indispensable, puisqui

    la solution en puissance. La puissance est le bluff m ta

    sique qui n a en m ains que ce quil n a pas : lacte en lequ

    se transformera.

    Nous avons m on tr p lus ha u t que ce personnage Solu

    virtuelle pre nd en mains les deux term es de lquation, je

    cela. Nous avons dit que parce quil prtend connatre les

    termes, il devien t de ce fait plus r el que le seul term e je

    rel et connu) dont il apaise ainsi la peur de linconnu tou

    tablissant pour lui le seul mode de vie qui sadapte sa vo

    femelle, de durer dans le temps au moyen de crations succes

    Si tt ti d t l d l

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    pourrons quindiquer quelques traits des cosmogonies asiati

    celaje, dont le processus de cristallisation est exactement

    pos du jecela).

    Comme consquence de ce premier personnage pseudog

    siaque, Dieu, nous voyons surgir le second personnage, lEt

    qui, lui, est dans la Comdie mythique, la solution relle de l

    tion, mais qui devient personnage aussi. Notons ici un point e

    tiel : si la solution relle de lquation dev ient un person

    cest parce que lquation tant mythique sa solution lest a

    Nous avons dj dit que la Vrit ne se compose pas d

    quation flanque de sa solution, mais que dans la V

    l'quation a disparu, ainsi que sa solution. Nous pouvons donc

    quune fois que lquation est pose sa solution existe rellem

    nous pouvons galem ent et p a r dfinition dire que lE ter

    est la solution relle de lquation. Mais noublions pas qu

    lqua tion n i sa solution divine ne son t vraies. Nous verron

    effet plus loin comment, comme dans un dcor de thtre,

    peut tre la fois rel mais pas du tout vrai. Une fo

    reprsentation termine, les dcors de carton et les accessoires

    toujours l mais ne transmettent plus rien. Ainsi est, la fi

    Mythe, toute conception dune divinit, quelle quelle soit.

    LEternel, ou solution relle, nintervient jamais, aucun

    ment, dans le premier chapitre de la Gense (o Dieu, solvirtuelle, fa it sem blan t de c rer le Monde) ; dans les ch apitres 2

    (sur la formation de lhomme) lEternel et Dieu sont mls;

    le chapitre 4 ils se sparent, Dieu demeure avec Seth qui rem

    A bel , lE terne l sen va, disp ara t avec Gain. E t cest alor

    le texte en terminant ce chapitre, que lon commena invoqu

    nom de lE tern el .

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    mythique. In vo qu er le nom de lE tern el , d ire que FEt

    est Dieu , cest comprendre que la solution virtuelle, Dieu, nes

    virtuelle, et lamener devenir relle en se conformant au

    mythique, qui est le thme de la Comdie,

    Cette marche en avant de races entires vers la rsolutio

    Fquation prim ord iale jecela comm ence donc sex prim er

    un monothisme qui vou dra it tendre vers lE ternit ds lin

    o le je saperoit que la prem ire solution (tous les d

    ntait que virtuelle, et quil commence en tre inquiet.

    tourne alors aussitt vers la solution relle, que dans son lan

    mythique il appelle lunique, FEternel, etc...

    Inquitudes

    Le je commence sinq uite r lorsque la solution virt

    parvient lui imposer le sentiment que lui, qui se sentait so

    ment rel, pourrait ne ltre pas. Nous avons vu comment et quoi seffectue ce changement, ce renversement de ralit. On

    prend bien cependant quil ne seffectue pas dun coup. Il lui fa

    contraire une longue priode historique. Nous voyons mme

    pour saccomplir ce changement a eu besoin pendant longtemp

    deux expressions complmentaires, bien quappartenant toute

    deux au mme Mythe : la branche grecque et la branche ju

    chrtienne. Toutes deux partent de la mme souche gyptiennse runissent dans le Christianisme; cependant la branche gre

    tant fminine dans un cycle fminin se dveloppe et m

    aussi sans inquitud e sauf dans sa crise dyonisiaque que

    tudierons plus loin; tandis que la branche judochrtienn

    mle dans un cycle fminin, et exprime par consquent une

    tion trs dramatique... Dieu, solution virtuelle, entrane lhom

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    dro nt les dernie rs, et ainsi de suite indfiniment. Le je se tr

    pris dans une aventure insense dont il ne peut sortir, dont

    peut pas ne pas sortir, o il ne cesse de mourir et de ressusc

    Ce quil y a de plus certain cest quil ne peut pas revenir en arr

    ce qui apparat moins, cest quil ne peut mme pas avancer...

    Nous arrivons ici dcouvrir un des caractres les plus m

    rieux de lE tern el : si en effet la solution virtue lle, D ieu, sef

    par tous les moyens possibles de parvenir sa ralit, la solu

    relle, lEternel, se drobe constamment, se refuse, semble bru

    ment vouloir dmolir tout ce qui a t fait, puis de nouveau

    grande hte, exige des efforts inous pour que tout sachve,

    encore une fois, au dernier moment, tenter de tout dtruire d

    propres mains.

    Linquitude de lhomme ct de celle de lEternel nest

    langoisse dun enfant. Parfois lEternel a lair dtre complte

    fou. Ainsi, il apparat Mose, il lui parle, il lui explique sa misil le pousse aller en Egypte pour arracher son peuple du jou

    Pharaon; quand Mose hsite il lencourage; quand Mose h

    encore parce quil na pas la parole facile, et cause de mille a

    difficults, il le rassure encore; Aaron parlera sa place; toute

    difficults seront vaincues... bref Mose se dcide. Va, lui dit V

    nel, car tous ceux qui en voulaient ta vie sont morts. Mos

    rassur, il est enfin confiant, il est sur le point de partir. Sa miest de demander Pharaon de laisser partir ce peuple auquel l

    nel tient tellement. Alors lEternel, comme dernire promess

    dit : Vois tous les prodiges que je mets en ta m ain : tu les f

    deva nt Pharaon. Et m oi f endurcirai son c ur, et il ne laissera p

    aller le peuple .

    Cest admirable, et trs clair : lEternel a un pouvoir sur

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    quille, ce que je veux que tu demandes Pharaon, je ferai en s

    qu il ne te laccorde pa s . Dune p a rt il pre nd une peine inpour combiner des prodiges, qui forceront un consentement, da

    part il prend la mme peine pour quil y ait refus. Et tout cela n

    encore rien, car aprs avoir pris Mose sous sa protection, a

    lavoir dsarm en lui disant que tous ceux qui en voulaient

    vie sont m orts, que com mencetil im m diatem ent p a r fa ire ?

    dant le voyage, en un lieu o Mose passa la nuit, VEternel latta

    et voulu t le faire m ou rir !Nous reviendrons plus loin sur la faon ahurissante dont S

    ra sauva Mose. Tout cet pisode qui pourrait se passer dan

    asile dalins est au contraire sublime quand on sait le lir

    tout instant lEternel joue un double jeu. Nous lavions dj vu

    Gain et Abel, et maintenant, que nous le savons cela ne peut

    nous chapper.

    Les deux fonctions de lEternel

    Nous avons dit que le Mythe est le devenir qui transform

    solution virtuelle de lquation humaine en solution relle. Ce m

    dveloppe une modalit Temps, dont la dure est dtermine

    les masses humaines en prsence. Or si dune part la rsolu

    virtuelle (Dieu) tend uniquement vers sa rsolution relle (PEter

    il apparat que le rle de lEternel est double. En effet, sa prem

    fonction est damener Dieu lui, de montrer la voie, dtr

    somme lauteur, le metteur en scne et lanimateur de la p

    Mais sa deuxime fonction est dempcher par tous les moyens

    sibles que le dnouement se produise trop tt. Ce serait en effe

    catastrophe pouvantable, un accouchement avant terme, un

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    Eve larbre de vie, car lavortement aurait t certain, cest a

    quil confond tous les langages d es homm es, qui, unis dans une ad

    rable fraternit avaient entrepris, avant terme, de construire

    tour jusquau ciel, quil transforme en tour de Babel.

    Dans les premiers chapitres de la Gense, lorsque Dieu et lE

    nel sont encore des personnages trs distincts, ce rle de l Ete

    est trs clair. Le geste dfinitif ce nest jamais Dieu qui le fait, m

    cest lui. Dieu ordonne No de construire larche, mais cest lE

    nel qui lui dit dy entrer. Ensuite Dieu ordonne No de fen tre r avec lui de toute cha ir deux deux ayan t souffle de v

    et cest lEternel qui ferme la porte sur lui. Dieu remplit son

    de devenir fminin, lEternel marque lacte. Cest Dieu, ce n

    jam ais lE ternel qui d it soyez fcond, m ultip liez et rem plisse

    terre, car cette fcondationl est femelle. Ce nest que gradu

    m ent que les deux personnages se confondent, jusqu ce que lE t

    soit remplac par Dieu, dans la violente affirmation des vangA ce m om ent il semble que le rle de re ta rd a teu r nait plu

    raison dtre, car si laccomplissement nest pas encore l, du m

    le dernier acte atil commenc, Dieu et la femme ayant dfini

    ment cess dtre femelles.

    Afin de com prendre ce rle de re ta rd a teu r nous voici

    traints dabandonner provisoirement Dieu, lEternel, Adam,

    et toute la Bible, et daller chercher encore plus loin que nou

    lavons fa it jusquici lorigine de lquation hum aine. Le rle

    reta rdem en t est en effet essentiel car il em poisonne encore

    conscient de presque tous les hommes, alors que le Mythe est term

    Le d sir de re tard er m arqu e au jou rdhui, aprs lenfan tem

    la volont dtouffer le nouveaun en le faisant rentrer dan

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    serait quemprunt et illusoire, nous voyons en chacun ce p

    mne naturel se dformer du fait quil devient artificiel et sappuie sur des donnes inconscientes et des solutions irrelle

    Le complexe du retardement

    La volont que chacun a de drober ceux quil estime

    faibles ce quil considre comme une v rit dan gereuse

    les autres), cette volont de retarder la rvlation de cette v

    ju squau m om ent o les autres devront la rracher est ce que

    appellerons le complexe du retardement, dont nous recherche

    la cause originelle antrieurement mme la formation de l

    tion p rim ord iale jece la.

    Ce complexe ne provient ni de lesprit dautorit ni de lorg

    mais il est antrieur eux, ainsi que nous le verrons plus lo

    ne sappuie pas sur certains traits de caractres, mais sur des

    nes psychologiques qui symbolisent un tat de choses inhren

    nature humaine. Il existe donc indpendamment de toutes le

    constances, mais chaque individu le possde en germe, au poi

    le retourner non seulement contre les autres mais aussi contre

    mme. Nous voyons ainsi selon la loi habituelle du renversem

    que ce qui tait une vrit devient le pire obstacle de la vrit

    Nous avons dj dit que ce qui alimente constamment le M

    est la peur. La peur qua lindividu de vivre au sein dune qu

    non rsolue deviendrait intolrable au bout de quelques seco

    si cette mme peur ninventait aussitt des raisons pour se rass

    Or la meilleure de toutes les raisons possibles de se rassurer e

    la Vrit est dangereuse, donc quil vaut beaucoup mieux ne

    encore tenter de la conqurir car on nest pas encore prt! De

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    bouleverser lexistence entire. Parce quon ne veut pas vivre da

    reusement on explique pourquoi on ne connat pas la solu

    de son tre: on nest pas prt!... Cette pression de la

    maintient lindividu dans son modus vivendis provisoire (sa fam

    ses occupations, ses distractions, ses lois civiles, morales, religieu

    etc...) en apaisant son esprit, et littralement refoule lindividu

    une position o il demeure endea de luimme, en lui impo

    lide que cest bien .

    Or, tout modus vivendi, quel quil soit, est en somme

    solution provisoire de lquation, un pis aller, mais un pis

    possible, dont la base, le sol, est un substratum inconscient,

    dont nous avons dj parl plus haut, qui identifie lindividu

    choses (objets, ides, sentiments, etc...) qui le rassurent parce qu

    sont familires.

    En somme tout individu que lon rencontre, au lieu de s

    creus profondment jusqu son quation primordiale et irrtible, sest repos un moment donn sur des explications secon

    des causes secondes, sy est install, a refus daller plus loi

    refus de se labourer encore, est devenu le berger de tous

    troupeaux inconscients. Il est arrt au moment o le iabour la

    vraiment drang, o il aurait commenc larracher ses po

    sions, ses amours, son sens personnel, voire son propre

    Si ce momentl il navait trouv une excellente raison de sarril aurait t contraint, pouss par son affolement, de dtruir

    propre ralit, au bnfice de la ralit que malgr lui cherche

    imposer la solution virtuelle de lquation jecela (ainsi que

    lavons dj vu avec la loi du renversement de ralit). Et

    raison que cherche lindividu, il la trouve prcisment dan

    volont de retardement qui appartient la solution relle avec

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    Il app lique ainsi un principe vra i en le renve rsan t, cest

    en sop posan t lui. Cest ainsi que les catas trop hes finissent paproduire, car il est impossible daller indfiniment reculons.

    a une limite la compression : lorsquon a trop comprim, que

    chose clate quelque part; et cest prcisment au moment o

    clate que cesse la marche reculons, dans des rvolutions.

    Il nest point ncessaire de stendre sur des exemples d

    complexe du retardement. Appliqu aux autres : on le trouve

    les pa ren ts qui indfinim ent pro tgen t leurs enfants e t dgu

    pour eux tout lunivers afin de retarder le plus possible le mom

    o ils verront les choses face face; on le trouve dans tous les gr

    Mystres religieux o des initis conservent avec le plus grand

    des secrets quils ne peu vent pas d ivulguer, car les foules, n

    pas prtes, ne pourraient pas les recevoir sans danger; o

    trouve dan s toutes les Eglises dont le bu t est de distrib ue r q

    que chose, mais en retardant le plus possible lavnement dfi

    de la Vrit qui rendrait inutiles toutes les Eglises; on le tro

    chaque fois quun pays en gouverne un autre en dclarant que c

    ci nest pas encore assez mr pour se gouverner tout seul; o

    trouve chez tous les politiciens qui ne dosent les vrits des bud

    et des situations politiques en gnral, que dans la mesure o

    public acceptera ces situations sans trop protester; on le trodans tous les communiqus de tous les pays tous les jours, de

    Aot 1914 jus qu la p rocha ine gu erre; on le trouve pa rtou t et touj

    chaque fois que quelquun croit possder une vrit quelcon

    et que pour une raison quelconque, goste ou altruiste, il sima

    devoir la doser, ladutrer, la diminuer, la voiler, afin den reta

    leffet. Cest une des donnes inconscientes les plus enracines

  • 7/30/2019 Carnet 6 - Juin 1931, par Carlo Suars

    18/34

    fois que sous un prtexte quelconque un individu retard e le mom

    o enfin il vivra conformment ce quil croit tre la vrit

    se trouve trop faible; il a des devoirs envers les autres; il ne

    pas faire de la peine ceux quil aime; il nest pas assez vo

    les autres ne sont pas assez volus; on ne le comprendrait

    il ne comprendrait plus les autres; il a besoin davaler dabord to

    la Somme thologique; il a lu trop de livres, il doit les oub

    011 a besoin de lui; il a besoin des autres; la Vrit est inhuma

    indfiniment; chacun peut ajouter cette liste ses propres rais

    (excellentes) ; cela revient tou jou rs ceci : on se protge soim

    con tre une vrit qui si elle arriv a it trop vite p rodu irait les p

    calam its .

    Le complexe du retardement na quun mot pour qualifie

    vrit : elle est intem pestive. Nous allons essayer de re tracer

    origine.

    Lquation cosmique

    P ou rtan t lEte rnel biblique na pas ces mmes raisons p

    exercer son rle de re ta rd ateu r . Aussi bien lexercetil tou t

    autrement. Ce rle dpasse considrablement les diffrents po

    de vue individuels. LEternel semble vritablement devoir enfa

    et semble dcid ne pas enfanter trop tt. Ce quil doit enfacest la ralisation de la solution, cestdire quil doit senfa

    luimme, et le fait de retarder cette ralisation nest pas a

    chose que la cration du Temps. Ainsi il cre du temps, il inter

    toujours du temps entre lui virtuel et lui rsolu, afin que lui vir

    le rattrape en dvorant ce temps, en le dtruisant. Si donc la cra

    du temps est une sparation dans la conscience, elle est auss

  • 7/30/2019 Carnet 6 - Juin 1931, par Carlo Suars

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    loppant en ellemme le pouvoir de courir assez vite pour la ra

    per. Cest ce pouvoir qui a de la valeur : une conjonction artificoctroye par la solution relle qui consentirait sarrter ne se

    ce quun instant dans sa fuite ne donnerait aucun rsultat.

    Nous voici lin trieur d un problm e tem ps qu de

    nous navions pas encore envisag jusquici. Nous navions consi

    le tem ps que comm e un e notion de d ure lint rieu r des

    spars, individuels, soushumains. Ici nous nous trouvons l

    rieur dun temps prmythique, puisque les personnages en sence (les deux solutions, virtuelle et relle, de lquation) nexi

    d j q uen fonction dune m odalit tem ps dont lhistoire m

    que ne sera que la projection. La comdie psychologique et his

    que don t le thm e est jecela ou celaje n est donc ellem

    que la p rojection d une comdie purem ent m taphysique don

    personnages, rduits leurs noms les plus simples, ne peu

    cette foisci que sap peler qu elque chose et ? .

    Le ?, ce point dinterrogation (qui ressemble assez

    serpent) englobe toutes les questions que chacun p eu t se po

    il y a quelque chose, soit, mais quoi? pourquoi? comment?...

    Ce ? veut dire po urq uo i n y atil pas un n an t ? Simple

    un nant, qui, nexistant pas, naurait pas chercher sa r

    d tre ? Le na n t est la seule chose (si lon peut a insi sexpri

    que nous puissions comprendre et quil nous soit impossibl

    concevoir, tandis que quel que soit lobjet que nous concevio

    nous est impossible en fin de compte de le comprendre. En

    ceux dont le dsir de connaissance est insatiable ne peuven

    aucune faon se repose r en pa ix d ans une cause Nm e ou

    mire, car celleci, parfaitement indiffrente lnorme gym

    il f ll f i i ll d

  • 7/30/2019 Carnet 6 - Juin 1931, par Carlo Suars

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    sommes de rsoudre linconnu mtaphysique ne servent rien

    plus, car si en quelque mesure elles nous dcrivent les rsultat

    certains phnomnes, elles laissent intact le ? originel.

    L'homme ou le ?

    Si nous navons pas pos, ds le dbut de cet expos, le prob

    fondamental de cette faon, mais si nous lavons dabord prs

    sous sa forme mythique je et cela cest dabord parce

    chacun porte en soi ce problme sous son aspect mythique, enpour que nous puissions situer les mtaphysiques, les philosop

    les religions que nous connaissons, ainsi que toute lhistoire hum

    lintrieur de leur vritable cadre, qui est mythique. Nous na

    jusquici donn que quelques illustrations du Mythe, et que

    cls qui permettront ceux que ce point de vue intresse de d

    vrir des aspects nouveaux de lhistoire de linconscient. Mais

    voici parvenus un point o il nous est possible dentrer dandomaine do lordre chronologique nest plus tout fait ab

    les personnages bibliques nous obligent remonter lEg

    lEgypte aux priodes totmiques, les totems aux priodes incal

    blement lointaines des nombreuses prhistoires, et cellesci

    gine de lhomme.

    La p rem ire question qui se prsente nous est : quel e

    temps chronologique qui intervient ici et qui existerait mmlon balayait de la surface de la Terre tous les tres humains? Q

    ce que cest que le temps dune montre?

    Or il est vident que nous ne trouverons pas la rponse

    question en remontant les sicles. Les res innombrables au

    desquelles sest droule lvolution du globe ne nous font

    assiter la naissance du phnomne Temps : le commence

  • 7/30/2019 Carnet 6 - Juin 1931, par Carlo Suars

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    pendamment du fait que des tres quelconques aient prouv

    non cette dure , et voici que surgit de no uveau le ? ironique,

    ductible : quest donc cette dure qui existe par ellemme, ind

    damment du fait quelle se sait ou non? pourquoi quelque ch

    pourquoi ces sicles? Ainsi, bien que nous ayions dpersonn

    lqu ation celaje (ou je ce la ) bien que nous ayions rem

    le je p a r ? et le cela ob jectif p ar quelque chose

    nest ni objectif ni subjectif mais les deux la fois ou aucun

    deux, nous revoici, aprs un plongeon o nous avons voulu dratre , en tra in dm erge r du ? de lquation m taphysique

    personnelle en nous identifiant linterrogation. Nous voici en

    d affirm er qu e mm e si le ? ne sex prim ait pas luim m

    ta it l en puissance, cach dan s que lque chose , pr t se

    mer. Or q ue l est ce ? sil nest encore qu elque chose

    pourquoi donc se sparetil de luimme? Pourquoi soppos

    luimm e quelque chose (comme sil tait en dehors dquelque chose) si ce nest pour se constater luimme? Le

    veutil dire, en se pla an t endehors de quelqu e chose ,

    nest rien? Non, au contraire, il ne se pose que parce qui

    quelque chose , il est donc ce quelque chose luimm e,

    en se constatant il se nie.

    Nous venons de voir que notre nature nous oblige nous

    tifier toujours, en fin de compte, ce ? jusqu son anan

    ment. Nous nous identifions lui sur tous les registres de

    pense, depuis le quel est lhorloger qui a fait cette mont

    jusquau ? prim ordial, inexprim able, irrductible, jusqu

    ? qui dep uis longtemps a renonc po ursu ivre indfinim en

    effets et des causes, jusq u ce ? de contem plation qui dp

  • 7/30/2019 Carnet 6 - Juin 1931, par Carlo Suars

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    chose pour co nsta ter que qu elque chose cest lui; ce ?

    sinterroge pour se contempler et se contemple en se niant; ce qui a toujours t l, dans quelque chose , puisquil est que

    chose ; ce ? d oit cons tater quil est la fois linterro gat io

    la rponse, lhomme et lunivers entier : lunivers cest lhomm

    Devant une constatation aussi simple nous nous sentons pres

    obligs de nous excuser. Nous sommes presqu e confus : ce

    mme pas nouveau! A la rigueur une combinaison tonnante

    Brahma, de Jhovah et de Einstein nous aurait permis de runiune religion toutes les religions de la terre; en un vangile unive

    tous les livres sacrs de tous les pays y compris la philosophie

    science et les arts; en un culte universel tout le bien , le bea

    etc..., etc... Excusonsnous donc en disant que nous ne cherchon

    ni le bien ni le beau mais la Vrit, et passons une prem

    conclusion que voici :

    Le ? ternel d un quelque chose ternel, est ternment rsolu. En e ffet le ? qui est ce quelque chose luim

    ne peut trouver sa rponse quen luimme, donc la possde d

    Cette rponse est en dehors de la notion de dure, en dehor

    Temps compltement, cette rponse est la Vrit ternelle

    nous avons dj parl au dbut de cet expos, Vrit extramythi

    inconditionne, absolue.

    Le temps et lobservateur

    Quil y ait ou non un observateur du temps cela ne chang

    rien la question, puisque lobservateur nest quune modalit

    temps luimme.

    Si lon se souvient de ce que nous disions au sujet du te

    d d d i

  • 7/30/2019 Carnet 6 - Juin 1931, par Carlo Suars

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    son propre quilibre (sens du je , sens dtre, sens de dure, e

    se penche vers lobjet quil sagit dexaminer, et le fait cons

    par la modalit mme autour de laquelle sest tabli lquilibr

    lobservateur. Cest ainsi (nous lavons dj indiqu) que toute

    ontologies sont mythiques, ainsi que toutes les cosmogonies,

    que toutes les sciences objectives, ainsi que les philosophies :

    sappuient sur une pseudorsolution inavoue de lquation pe

    nelle de lobservateur.

    Le point de vue extramythique ne peut se laisser bluffe

    des philosophies de ce genrel qui, si elles ne rsidaient entire

    davance dans une position prise par linconscient ne pourraien

    mm e sexprim er. E n disan t lun ivers est rel ou le tem p

    rel, quil y ait ou non un observateur pour le constater, nou

    faisons que dire si luniverstempsespace se pense comme j

    pense m oimme, il ne peut que se trouver rel ; ce qui revidire une chose la fois vidente, puisque sil se pense comm

    pense ce je qui se base sur sa propre ralit il ne peu

    penser quen fonction de luimme, et inutile puisque sil ne se p

    pas ce ne sont que des je qui peuvent le trouver rel e

    attribuant la notion quils ont euxmmes de leur ralit prop

    Un je qui se trouve irrel dit de la mme faon que lun

    est irrel, et que le temps est irrel, mme sil y a un observpour le constater objectivement. Cette constatation nexprime

    le re fus de ce je de se cro ire plu s re l que cela (qu

    Orient).

    En repre na nt m aintena nt no tre p rem ire dfinition de lho

    (lhomme est la dualit au moment o elle constate lantinom

    ses deux term es a u m oyen dun je indiv idua lis et isol),

  • 7/30/2019 Carnet 6 - Juin 1931, par Carlo Suars

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    antinomiques, rien car elle ne peut jamais rien ajouter e

    mme. Quil y ait ou non observateur la situation est donc la m

    car lobservateur, ainsi que nous lavons vu, ntant quune modde la donne primordiale, ne peut rien apporter qui ny soit

    entirement. Donc la dualit primordiale ne peut travers le te

    et lespace dvelopper la vie sur la terre et crer le type humai

    plus parfait possible que pour se dire ellemme quelle nex

    pas cause mme quelle se pose. Cette dualit primordiale

    partie de sa propre fin, qui est lhomme universel, et cest ainsi

    les deux dfinitions se rejoignent.Nous venons de voir que cette dualit primordiale (dont n

    avons dj indiqu quelle soblige prendre conscience d

    mme par une reprsentation sexuelle) lorsquelle est rduite

    essence, ne peut en sinterrogeant ou en dautres termes e

    constatant que se nier puisquelle est ternellement rsolue

    toute vrit, elle existe de ne pas exister, ou lon peut dire en

    quelle nexiste pas du fait mme quelle existe. Ce point, la

    point de dpart et point darrive, la fois point de conscienc

    espace, est commun tout devenir , celui des je individ

    comme celui de la plante qui leur donne naissance : lhum

    qui est laboutissement, est ds lorigine de sa propre reprsenta

    totalement prsent, intgralement rsolu. Ds linstant o la T

    a commenc se condenser et dvelopper la vie, elle na

    fait autre chose quamener le problme constater sa propre r

    lution ternelle. De ce fait, en vrit, le problme nexiste pa

    tant que problme, mais il est luniversel humain; et sa pr

    constatation najoute rien cette suprme Vrit, ainsi que

    Javons vu de toutes les constatations.

  • 7/30/2019 Carnet 6 - Juin 1931, par Carlo Suars

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    non mythique du dveloppement de la vie sur la plante doit

    compte de cet absolu mtaphysique, sous peine dtre une m

    que tournant vide. Nous constaterons, en fait, que la science a

    avoir pass par des priodes dhypothses puriles rejoint au

    d hui, dans le dom aine rigoureusem ent scientifique, lindestruc

    ralit mtaphysique. Nous donnerons titre dexemple un ap

    extrm em ent rap ide de la nouvelle doctrine biologique dE

    Daqu, professeur lUniversit de Munich, dont M. Hans M

    stein a donn un rsum dans Cahiers dArt (N 10 de 1930).

    doctrine, dont M. Mlilestein nous dit quelle est base sur

    tudes palontologiques trs rigoureuses (mais ceci dpasse n

    comptence et dailleurs nous ne lindiquons ici, nous le rp

    que comme exemple dune fusion possible de la science ex

    m entale et de la m taphysique) cette doctrine qui dm ontre

    possibilit du point de vue de lhistoire de la nature e

    ncessit du point de vue de la philosophie de la nature d

    hum an it prdiluvienne, oppose au rationalism e prim itif qui

    blit une volution progressive depuis le protozoaire jusqu lho

    moderne... le concept plus profond de ladaptation intrieure

    fin, concept de vraie raison, dorigine mtaphysique. Au sei

    chaque genre de type, selon Daqu, il ne peut y avoir de prog

    mais des spcialisations successives. Le reprsentant du type le

    parfait qualitativement en ce quil comporte la totalit de

    possibilits, doit donc toujours se trouver au dbut de son ap

    tion.

    En se basant sur des indices que donnent des poques go

    ques extrmement anciennes, le prof. Daqu reconstruit un a

    gnalogique, et fait partir lhomme immdiatement de la fo

    primitive hypothtique de toute la srie des vertbrs. De c

  • 7/30/2019 Carnet 6 - Juin 1931, par Carlo Suars

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    entrer en ligne de compte comme ses anctres, mais ne sont que

    branches latrales sans prolongement, spcialises outrance

    tronc commun... Dans la mesure o nous pouvons tablir un rap

    gntique entre lhomme et les mammifres, ils apparaissent com

    des spcialisations plus limites. Mais cela rev ient dire

    l 'homme est plus proche de la forme idale primitive, que lhom

    est plus ancien, et que par consquent bien que la crature supr

    il nest certainement pas une crature trs spcialise parmi

    pareils .

    Au contraire, la crature suprme est celle en qui sont en

    toutes les possibilits de spcialisation, et qui sest maintenue

    vitant chaque fois de se spcialiser, ou en dautres termes

    retardant chaque fois sa spcialisation, tandis que sombraient to

    les branches latrales dans une spcialisation sans issue. SA

    lembryon humain passe travers toutes les formes animales

    en prenant bien garde de ne jamais sarrter dans ces formesen se dtachant du tronc primitif, ont tu en elles, dans le r

    animal, Jes possibilits, qui par dfinition sont infinies et un

    selles, du germe primordial. Le seul but du germe humain

    de lutter contre ces spcialisations qui chaque instant le s

    citent. Sa seule fonction en somme est de retarder sa chute ind

    ment. Nous arrivons ici une des donnes les plus importantes e

    plus secrtes du mythe humain, et nous voyons rapparatre icrle de re ta rd a teu r de lE terne l, sous un aspect qui ne m anq

    pas de jeter de vives lumires sur le Mythe tout entier.

    D aqu peut, du res te (selon M. Mhlestein) se rc lam er

    lement dautres autorits importantes de lanthropologie. Cest a

    que le savant dAmsterdam, Bolk, dclare que lanimal supr

    na point la forme humaine non point parce quil ne latteint

  • 7/30/2019 Carnet 6 - Juin 1931, par Carlo Suars

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    maturit; et cest prcisment en gardant cette forme de lemb

    primitif, quil dpasserait justement le rgne animal... Mais D

    va p lus loin et tire les deux consquences capitales suivante

    I o Lhom m e est son prop re type, sa pro pre form e p

    et son arbre gnalogique est termin.

    2 Lhomme sous la forme primordiale la plus lointaine q

    puisse imag iner, savoir sous la forme em bryonnaire, est

    lhomme.

    Enfin, Daqu dmontre que lhomme constitue la forme p

    tive de tout ce qui vit. La crature animale se montre dautant

    semblable lhomme quelle a surgi plus tard de larbre gna

    que idal : en dernier lieu apparaissent les anthropopithques,

    tout rcemment, lhomme de lpoque glacire encore un peu

    proche du pithque, les Australiens, etc... Ainsi la doctrine d

    laquelle le rgne animal serait sorti de lhomme rpondelle

    coup mieux aux faits tablis scientifiquement que les doctrines

    winiennes, etc... Cette doctrine fa it surg ir nos yeux dans r

    tion de la vie sur la terre des ges nouveaux, des res dpassa

    beaucoup tou t ce que nous tions hab itus concevoir . Au

    de ces res lhomme aurait vcu sous des formes biologiques t

    fait diffrentes des formes actuelles. Nous verrons plus loin

    ment lhomme, entit psychique, a peuttre t reprsent pa

    formes qui on t beaucoup vari. Mais toutes ces questions

    encore trs sujettes discussion, et la science ne fait que comm

    des investigations travers des res incalculables, quil y a que

    annes encore elle ne souponnait mme pas. Retenons ceci

    toute doctrine scientifique dpourvue de connaissance mtaphy

    ne peut qualler se perdre dans des illusions striles, et qu

    t il t i ibl d ili l h i t l

  • 7/30/2019 Carnet 6 - Juin 1931, par Carlo Suars

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    lexamen physique de la nature) quelque chose daussi absurd

    soi, savoir que le suprieur descend de linfrieur, sans qusuprieur vive dj virtuellement enclos dans linfrieur. Sil

    depuis les temps de la prhistoire jusqu nos jours une volu

    organique de la vie, une volution relle fonde dans la natur

    faut que la forme suprme, la forme la plus parfaite, soit en m

    temps le sens et le contenu de la forme primordiale ellemme

    fallait donc que la cration des types primordiaux animau

    vgtaux prcdt la cration de la forme humaine, en vertu dncessit interne. En dautres term es il falla it que dans le t

    primitif de lhomme, dj dfinissable intrieurement dans les

    physiques originels de la vie, llment animal gntique se disti

    et se scinde sous une forme de plus en plus forte, de plus en

    semblable l'homme, afin que la forme physique humaine

    mme, finisse par apparatre de plus en plus pure, de plus en

    indpendante, de plus en plus conforme au type primordial, que nous la connaissons actuellement. Et Daqu se rsume d

    faon suivante : toute science la fin dune culture, offre la r

    tition et la confirmation des convictions qui taient celles des

    miers ges dans le domaine de la philosophie de la nature et d

    religion, mais sous un nouveau costume, intellectualis .

    Nous pouvons maintenant reprendre notre rcit mythique

    lhomme mtaphysique vient de nous livrer le secret de sa vode retardement : il ne pouvait senfanter quen se maintenant j

    sement. Nous verrons surgir dans linconscient mythique des so

    nirs effroyables de chutes et de catastrophes, de Satan, du Serpe

    de son complice le grand Crocodile sur lesquels dut triomph

    Dieu R; mais nous verrons dabord dans les poques les plus

    les comment par des totmisations successives lhomme mta

  • 7/30/2019 Carnet 6 - Juin 1931, par Carlo Suars

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    LE CHANT DE LA VIE

    (Fr a gm en t s)(1)

    A im e la vie. N i le com m encem ent ni la fin ne savent d o

    vient, car elle na ni commencement ni fin, elle est.

    Dans Vaccomplissement de la vie il n y a pas de m ort n

    douloureuse solitude. La voix de mlodie, la voie de dsolatio

    rire, le cri dangoisse, ne sont que la Vie qui va vers son accom

    sement.

    Regarde dans les yeux de ton voisin , et rencontresy la Vie

    se trouve limmortalit, la vie ternelle, immuable.

    Celui qui nest pas amoureux de la Vie porte Vangoissant

    deau du doute et la dtresse de la solitude. Pour lui il ny a qu

    mort.

    A im e la Vie, et ton amour ne connatra pas la corruption. A

    la Vie, et ton entendement te soutiendra. Aime la Vie et t

    tgareras pas en dehors du chemin de la Connaissance.

    Comm e les champs de la terre sont diviss, ainsi lho m m e d

    la Vie, et cre la douleur.

    . N adore pas les anciens D ieu x avec de lencens et des fl

    mais aime la Vie et ses grandes joies. Crie dans lextase de la

  • 7/30/2019 Carnet 6 - Juin 1931, par Carlo Suars

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    Va chercher lobjet que poursuit secrtement ton dsir;

    tu ne vivras plus dans lillusion.

    Que peuxtu connatre du bonheur, si tu nas pas march

    la valle de la misre? Que peuxtu connatre de la libert, si tu

    pas cri tout haut dans tes chanes? Que peuxtu connatr

    lamour, si tu nas pas cherch ta dlivrance dans les bourbiertes amours?

    Jai vu les fleurs spanouir dans les heures sombres dune

    immobile.

    ' I IH B I

    Ne te laisse pas prendre par la beaut dune branche. Son im

    isole se fane dans le cur. Mais aime larbre tout entier. Tu aim

    alors la beaut des branches, les feuilles tendres ou sches, les

    tons timides et les fleurs panouies, les ptales tombs e

    sommets ondulants, lombre splendide du plein amour.

    Oh! aime la vie dans sa plnitude. Elle ne connat pas de d

    position.

    J. KRISHNANIURTI.

  • 7/30/2019 Carnet 6 - Juin 1931, par Carlo Suars

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    N O T E S

    JEAN CASSOU : Lit trat ure Espagnole (N ,le d. revue, remi

    j our et augmente) Kra.

    La rvolution espagnole na tonn que ceux qui se faisaien

    lEspagne une image moyengeuse et statique. Il est trs probable q

    tonne demain le monde entier, car elle ne fait encore que commence

    bien quil nous soit impossible de prvoir ce quelle nous apportersplendide, soyons assurs quelle peut et quelle doit aller trs loin

    fondements de notre civilisation scroulent partout. LEspagne,

    linfluence est norme aussi bien en Afrique quen Amrique latine,

    saisir aujourdhui une destine superbe, et dcider du sort du mond

    comme la Russie, elle parvient tirer un avantage du fait mme qu

    souffert dtre pendant si longtemps la proie des pires despotismes.

    Aprs des sicles de despotism e, franc ou dguis, lEspagne va,

    la premire fois, et en sinspirant de sa propre destine, dcider en

    libert lorganisation de sa vie, disent Gregorio Maranon et Jos Ort

    Gasset dans un rcent manifeste. Loriginalit parfois douloureuse de

    histoire fait augurer selon tonte probabilit des solutions nouvelles que

    peu souponnent aujourdhui. En tous cas, il n y a pas grand risque prtiser que lEspagne ne sera pas comme le disent certains une rpu

    bourgeoise. Cest mconnatre entirement notre conformation historiqu

    de croire cela... tout annonce au contraire que lEspagne arrivera sorg

    comme un peuple de travailleurs... Et le manifeste termine en ex

    implacablement laccomplissement du par destin espagnol, et non pasautre, invent ou emprunt .

    Tout cela Jean Cassou le disait depuis bien longtemps tous ceune voulaient pas lentendre. On a sans doute lu son magnifique Homm

  • 7/30/2019 Carnet 6 - Juin 1931, par Carlo Suars

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    Ce que lEspagne a dunique cest prcisment la notion quelle a dunique, une notion particulire et inviolable. Cassou la connat et la

    Bien mieux, il nous la fait comprendre et nous entrane dans sa foi. Mencore, il nous donne le moyen de la dcouvrir. Son tude sur la littr

    espagnole moderne, appuye dune prface et dun appendice qui nous inc

    cette dcouverte, ne contient que le ncessaire : le stimulant qui nous po

    mieux connatre lEspagne, quelques esquisses rapides, nettes, parfois

    lentes; puis des noms, des titres de: livres espagnols traduits, et mm

    noms des diteurs. Cette prcision me plat. Ce petit volume de deux

    pages devient tout coup indispensable, surtout si lon sait quel poi

    littrature (qui dans une socit platement bourgeoise nest trop sou

    quune distraction strile) est, en Espagne, vivante, prs de la terre, un moine du peuple, une expression puissante et vraie non pas dune cparticulire mais de la race.

    LIVRES A LIRE : Discours sur le plan quinquennal, par Stapubl. librair ie Val oi s). Le pians dint ervention contre l US. S., par Ren IWaugal (Documents de la Russie Neuve, 66 Lepic, Paris.

    Deux livres de documentation : des chiffres sur la construction sovitdes dtails sur le procs des intellectuels Moscou. Ce procs lU.R.S.S. v

    lui donner toute la publicit possiblq parce qu il tablissait 1 que des cent

    de techniciens systmatiquement organiss, avaient fortement sabot le quinquennal; 2 quils taient appuys par une organisation internati

    dont le but est de lutter par tous les moyens, y compris la guerre, c

    lU.R.S.S. Le dsir de faire connatre ce procs ne rencontra dans le mentier que le silence. La seule thse officielle que lon admt partout fut

    ci : ce procs ntait quune mise en scne destine camoufler lche

    plan quinquennal, et les aveux des coupables ntaient que des menso

    de complices ou le rsultat de tortures. M. Maugal dmontre que

    thse est fausse... dailleurs six mois nont pas encore pass, et personn

    peut plus croire lchec du plan quinquennal...

    EDOUARD DUJARDIN : Grandeur et Dcadence de la cri t iqurnovation. Le cas de labb Turmel (Albert Messlin, d.)

    P i bibli i l l b

  • 7/30/2019 Carnet 6 - Juin 1931, par Carlo Suars

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    quon appelle les Ecritures, ne nous met pas en contact avec cet inconna aucune valeur de vrit.

    Un texte authentique nest donc pas authentique du fait quil a t par X... ou par Y... mais lorsque son auteur, quel quait t son tat

    la crit en prenant conscience de donnes qui jusque l navaient pas m

    dans la conscience humaine. De ce point de vue l, des textes diffrents

    mme auteur peuvent tre les uns authentiques et les autres non.

    Dans labsurde controverse au sujet de Bacon et de Shakespeare l

    dfinitif fut que si Bacon a t lauteur des uvres de Shakespeare il

    qu appeler Bacon Shakespeare et ne plus en parler. Les ouvragM. Henri Delafosse sont ennuyeux, et lon est tent de rpondre plaisam

    ses controverses striles que si Paul tait Marcion le plus simple

    une fois pour toutes dappeler Marcion Paul, et que les livres de M.

    fosse luimme sont tels quils sont, bien que nous sachions aujourdhu

    M. Delafosse est labb (excommuni) Turmel.

    Non. Le rle du savant est beaucoup plus grave. Certes il doit disce qui appartient tel auteur, et ce qui appartient tel autre, et ce dis

    ment nous est prcieux lorsquil traite de ralits et non pas de thartificielles. Lintuition potique dun lecteur non prvenu nest certain

    pas capable de dgager de textes considrablement altrs rien que ce qprcieux et tout ce qui est prcieux et de le rassembler en une unit

    savant doit dcouvrir et tailler le diamant. Il doit tre la fois sav

    pote, et aimer le texte quil tudie. Que M. Edouard Dujardin soit do

    merci. Il est humain. Nous attendons beaucoup de lui. Nous attendons critique rnove quelle nous donne des textes authentiques et des concl

    authentiques.

    c. S.

  • 7/30/2019 Carnet 6 - Juin 1931, par Carlo Suars

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    L I B R A I R I E

    JOS CORTI6, RUE DE CLICHY - PARIS-IX

    LA REVOLUTION SURREALISTE

    LES CAHIERS DU SUD

    L E G R A N D J E U

    V A R I E T E S

    F R O N T

    NOR DP L A N S

    LA NOUVELLE EQUIPE

    C A R N E T S M E N S U E L 8

    A R T E T L I T T R A T U R E D A V A N T - GA R DE

    T O U S L E S L I V R E S S U R L E C I N M A