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34 | La Lettre du Cancérologue • Supplément 2 au vol. XXI - n° 6 - juin 2012 COMPTE-RENDU ET ANALYSE Chicago 2012 Cancers digestifs Gastrointestinal cancers D. Malka* * Institut Gustave-Roussy, Villejuif. Cancers œsogastriques Une alternative au schéma Herskovic Chez les patients ayant un cancer de l’œsophage inopérable, le standard reste une radiochimio- thérapie (RCT) de 50 Gy en 5 semaines avec 5-FU et cisplatine (2 cures pendant la radiothérapie, 2 cures après) selon le schéma de A. Herskovic et al. (1). L’étude française de phase II/III PRODIGE 5-ACCORD 17 lui a comparé une RCT avec FOLFOX (3 cures de FOLFOX pendant, 3 cures après) chez 259 patients. La tolérance du FOLFOX a été meil- leure, avec moins de mucites, d’alopécies, d’insuf- fisances rénales et de décès toxiques (tableau I), mais avec davantage de neuropathies. La survie sans progression (SSP) [9,7 mois dans le bras FOLFOX versus 9,4 mois dans le bras 5-FU + cisplatine] et la survie globale (SG) [respectivement 20,2 et 17,5 mois] ont été similaires. En conclusion, même si cet essai de supériorité statistiquement négatif ne peut être considéré comme un essai de non-infériorité, il permet de poser la RCT avec FOLFOX, moins toxique et moins contraignante (ambulatoire) comme une option raisonnable en cas de cancer de l’œsophage inopé- rable (Conroy T et al., LBA4003). Quadrithérapie : plus, c’est trop L’étude de phase III REAL3 a comparé un schéma EOC (épirubicine 50 mg/m 2 , oxaliplatine 130 mg/m 2 , capécitabine 1 250 mg/m 2 /j × 21 j) à un schéma EOC modifié (mEOC ; épirubicine 50 mg/m 2 , oxaliplatine 100 mg/m 2 , capécitabine 1 000 mg/m 2 × 21 j) associé à du panitumumab (9 mg/kg) chez 730 patients avec adénocarcinome œsogastrique avancé. L’étude a été arrêtée prématurément après l’inclusion de 553 patients, une analyse intermédiaire ayant montré une SG plus courte chez les patients traités avec la thérapie ciblée. Le schéma mEOC + panitu- mumab a entraîné plus de mucites, de diarrhées et de rashs, mais moins de toxicités hématologiques ou neurologiques en raison d’une dose-intensité plus faible (Waddell TS et al., LBA4000). MET : la voie à suivre ? Une étude de phase II randomisée a montré une amélioration significative de la SSP (5,6 versus 4,2 mois ; p = 0,045) avec une association ECX (épirubicine, cisplatine, capécitabine) + rilotumumab, un anticorps dirigé contre l’HGF (Hepatocyte Growth Factor), le ligand du récepteur MET, fortement impliqué dans les mécanismes de survie cellulaire et de prolifération, par rapport à la chimiothérapie seule. La surexpression tumorale de MET en immuno- histochimie (IHC) était associée à une SG plus courte dans le bras chimiothérapie seule (5,7 mois versus médiane non atteinte ; HR = 3,2 ; IC 95 : 1,1-9,6 ; p = 0,023), mais à un bénéfice marqué du rilotu- mumab (figure 1) [Oliner KS et al., abstr. 4005]. Tableau I. PRODIGE 5-ACCORD 17 : toxicité (d’après Conroy T et al., LBA4003 actualisé). RT + 5-FU-cisplatine (n = 128) RT + FOLFOX (n = 131) p (tous grades) Grades Tous 3-4 Tous 3-4 Mucites (%) 32,0 2,3 26,7 6,9 0,011 Alopécie (%) 9,4 - 1,5 - 0,006 Insuffisance rénale (%) 11,7 3,9 3,0 0 0,036 Neuropathie périphérique (%) 0,8 - 18,3 - 0,0001 Décès toxiques (%) 6,4 1,1 0,06 Morts subites (%) 3,2 1,1 Toxicité hématologique : NS.

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34 | La Lettre du Cancérologue • Supplément 2 au vol. XXI - n° 6 - juin 2012

COMPTE-RENDU ET ANALYSEChicago 2012

Cancers digestifsGastrointestinal cancers

D. Malka*

* Institut Gustave-Roussy, Villejuif.

Cancers œsogastriquesUne alternative au schéma Herskovic

Chez les patients ayant un cancer de l’œsophage inopérable, le standard reste une radiochimio-thérapie (RCT) de 50 Gy en 5 semaines avec 5-FU et cisplatine (2 cures pendant la radiothérapie, 2 cures après) selon le schéma de A. Herskovic et al. (1). L’étude française de phase II/III PRODIGE 5-ACCORD 17 lui a comparé une RCT avec FOLFOX (3 cures de FOLFOX pendant, 3 cures après) chez 259 patients. La tolérance du FOLFOX a été meil-leure, avec moins de mucites, d’alopécies, d’insuf-fisances rénales et de décès toxiques (tableau I), mais avec davantage de neuropathies. La survie sans progression (SSP) [9,7 mois dans le bras FOLFOX versus 9,4 mois dans le bras 5-FU + cisplatine] et la survie globale (SG) [respectivement 20,2 et 17,5 mois] ont été similaires. En conclusion, même si cet essai de supériorité statistiquement négatif ne peut être considéré comme un essai de non-infériorité, il permet de poser la RCT avec FOLFOX, moins toxique et moins

contraignante (ambulatoire) comme une option raisonnable en cas de cancer de l’œsophage inopé-rable (Conroy T et al., LBA4003).

Quadrithérapie : plus, c’est trop

L’étude de phase III REAL3 a comparé un schéma EOC (épirubicine 50 mg/m2, oxaliplatine 130 mg/m2, capécitabine 1 250 mg/m2/j × 21 j) à un schéma EOC modifi é (mEOC ; épirubicine 50 mg/m2, oxaliplatine 100 mg/m2, capécitabine 1 000 mg/m2 × 21 j) associé à du panitumumab (9 mg/kg) chez 730 patients avec adénocarcinome œsogastrique avancé. L’étude a été arrêtée prématurément après l’inclusion de 553 patients, une analyse intermédiaire ayant montré une SG plus courte chez les patients traités avec la thérapie ciblée. Le schéma mEOC + panitu-mumab a entraîné plus de mucites, de diarrhées et de rashs, mais moins de toxicités hématologiques ou neurologiques en raison d’une dose-intensité plus faible (Waddell TS et al., LBA4000).

MET : la voie à suivre ?

Une étude de phase II randomisée a montré une amélioration significative de la SSP (5,6 versus 4,2 mois ; p = 0,045) avec une association ECX (épirubicine, cisplatine, capécitabine) + rilotumumab, un anticorps dirigé contre l’HGF (Hepatocyte Growth Factor), le ligand du récepteur MET, fortement impliqué dans les mécanismes de survie cellulaire et de prolifération, par rapport à la chimiothérapie seule. La surexpression tumorale de MET en immuno-histochimie (IHC) était associée à une SG plus courte dans le bras chimio thérapie seule (5,7 mois versus médiane non atteinte ; HR = 3,2 ; IC95 : 1,1-9,6 ; p = 0,023), mais à un bénéfi ce marqué du rilotu-mumab (fi gure 1) [Oliner KS et al., abstr. 4005].

Tableau I. PRODIGE 5-ACCORD 17 : toxicité (d’après Conroy T et al., LBA4003 actualisé).

RT + 5-FU-cisplatine (n = 128)

RT + FOLFOX (n = 131)

p (tous grades)

Grades Tous 3-4 Tous 3-4

Mucites (%) 32,0 2,3 26,7 6,9 0,011

Alopécie (%) 9,4 - 1,5 - 0,006

Insuffi sance rénale (%) 11,7 3,9 3,0 0 0,036

Neuropathie périphérique (%) 0,8 - 18,3 - 0,0001

Décès toxiques (%) 6,4 1,10,06

Morts subites (%) 3,2 1,1

Toxicité hématologique : NS.

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SG (mois)

IC80

ECX + rilotumumab

11,1

9,2-13,3)

ECX + placebo

5,7

4,5-10,4

HR = 0,29 ; IC95

: 0,11-0,76 ; p = 0,012

Mois

0

0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17

20

40

60

80

100

Surv

ie g

loba

le (%

)

Rilotumumab + ECX (n = 27)

Placebo + ECX (n = 11) Figure 1. ECX + rilotumumab : survie globale des patients METhigh (d’après Oliner KS et al., abstr. 4005 actualisé).

SG médiane (mois)

Patients (n)

Événements

Tivantinib

17

22

7,2

15

15

3,8

Placebo

HR = 0,38 ; IC95

: 0,18-0,81 ; p = 0,01

Mois

0

0 5 10 15 20

20

40

60

80

100

Surv

ie g

loba

le (%

)

TivantinibPlacebo Figure 2. Amél iorat ion de la

survie globale dans le groupe avec sur expression de MET (d’après Rimassa L et al., abstr. 4006 actualisé).

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RésuméLa RCT avec FOLFOX est une nouvelle option pour les cancers de l’œsophage inopérables. L’inhibition de la voie HGF/c-Met est prometteuse dans les carcinomes œsogastriques et hépatocellulaires avancés. L’inhibition de la voie EGFR est décevante dans les carcinomes œsogastriques et biliaires avancés. Le bévacizumab est prometteur dans les TNE avancées. Après RCT pour cancer anal, il faut évaluer la réponse à 26 semaines, et réduire la surveillance après 3 ans. L’oxaliplatine en traitement adjuvant du cancer du côlon est possible chez le patient âgé, et n’est pas associé à des récidives plus agressives. La résection de la tumeur primi-tive pourrait être bénéfique en cas de CCRm avec métastases synchrones. La détection de faibles taux de mutations tumorales de KRAS et la détection sanguine des mutations tumorales de KRAS et BRAF sont prometteuses. Nouvelles pistes thérapeutiques dans le CCRm : la périfosine déçoit, les doubles inhibitions BRAF-MEK et VEGF-EGFR sont prometteuses, le régorafénib et l’aflibercept confirment. La poursuite du bévacizumab en L2 après progression en L1 améliore la SG comparé à la CT seule au cours du CCRm.

Mots-clésCancers digestifsChimiothérapieThérapies cibléesBiomarqueurs

Highlights » Chemoradiotherapy (CRT)

with FOLFOX is a new option for inoperable esophageal cancer.

» HGF/c-Met inhibition is promising in advanced hepato-cellular and gastroesophageal carcinomas.

» EGFR inhibition is disappoin-ting in advanced biliary and gastroesophageal carcinomas.

» Bevacizumab is promising in advanced neuroendocrine tumors.

» After CRT for anal cancer, tumor response should be assessed at 26 weeks, and monitoring for recurrences reduced after 3 years.

» Oxaliplatin as adjuvant treat-ment of colon cancer is possible in the elderly, and is not asso-ciated with more aggressive recurrences.

» Resection of the primary tumor could be beneficial in patients with metastatic colorectal cancer (mCRC) and synchronous metastases.

» The detection of low levels of KRAS mutations in tumor and the detection of tumor muta-tions of KRAS and BRAF in blood are promising methods.

» New therapeutic approaches in mCRC: perifosine is disap-pointing, the double inhibition of BRAF and MEK or EGFR and VEGF is promising, and régo-rafenib and afl ibercept confi rm.

» Continuation of bevaci-zumab after progression in 1st line improves overall survival compared to chemotherapy alone in mCRC.

KeywordsGastrointestinal cancers

Chemotherapy

Targeted therapies

Biomarkers

Carcinome hépatocellulaire

MET : la voie à suivre (bis) ?

Un essai de phase II randomisé a testé le tivan-tinib (ARQ 197), un inhibiteur de tyrosine kinase (ITK) de c-Met, en deuxième ligne de traitement après sorafénib (n = 67) ou sunitinib (n = 40) chez 107 patients avec carcinome hépatocellulaire (CHC) non résécable, en bon état général et avec une cirrhose compensée (scores de Child-Pugh B et C exclus). La dose de tivantinib a été réduite de 360 à 240 mg × 2/j après l’inclusion de 57 patients en raison de la fréquence des neutropénies. Là encore, la surexpression tumorale de MET était associée à une moindre SG dans le bras placebo (9,0 versus 3,8 mois ; HR = 2,94 ; IC95 : 1,16-7,43 ; p = 0,02) ainsi qu’à un bénéfi ce de SG marqué dans le bras tivantinib (fi gure 2) [Rimassa L et al., abstr. 4006].

MET : la voie à suivre (ter) ?

Le cabozantinib, un inhibiteur de Met et du VEGFR-2 (Vascular Endothelial Growth Factor Receptor 2), avait fait grand bruit lors de la précédente édition de ce congrès, notamment dans les cancers de la prostate avancés. Il a été évalué ici dans une étude de phase II en deuxième ligne à 100 mg/j pendant 12 semaines chez 41 patients atteints d’un CHC avancé. Un bilan était réalisé à 12 semaines : en cas de réponse objec-tive (RO), le cabozantinib était poursuivi en ouvert ; en cas de maladie stable, il y avait une randomisation entre cabozantinib et placebo. En cas de progression, le traitement était arrêté. Il y a eu 2 RO confi rmées (5 %) et 32 stabilisations (78 %). La SSP médiane a été de 4,2 mois, et la SG, de 15,1 mois. Les effets indésirables de grade 3-4 les plus fréquents ont été la diarrhée (17 %), le syndrome main-pied (15 %) et la thrombopénie (10 %).

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COMPTE-RENDU ET ANALYSEChicago 2012

Collectivement, ces résultats, combinés à ceux obtenus avec le tivantinib, justifi ent la poursuite du développement des inhibiteurs de Met dans le CHC avancé, qui devra sans doute se concentrer sur le sous-groupe de patients dont la tumeur surexprime Met (Verslype C et al., abstr. 4007).

Cancer du pancréas

FIRGEM : concurrent du FOLFIRINOX ?

L’essai français FIRGEM a comparé en première ligne la gemcitabine seule (à débit de perfusion fi xe à 10 mg/m2/mn) à une chimiothérapie alternant par séquences de 2 mois gemcitabine et FOLFIRI.3, ce dernier ayant été développé à partir d’un rationnel préclinique montrant une synergie optimale entre 5-FU et irinotécan lorsque l’irinotécan est admi-nistré avant et après le 5-FU. Dans cette étude de phase II randomisée, 98 patients avec adéno-carcinome pancréatique métastatique, en bon état général (indice de performance [PS] : 0-1), et avec bilirubine < 1,5 N ont été inclus. La SSP à 6 mois, critère principal de jugement, était supérieure avec l’alternance FOLFIRI.3-gemcitabine (49 % [34-63 %] versus 31 % [17-44 %]). La toxicité était principa-lement hématologique. Les données de SG et de qualité de vie sont en attente. Avec ces résultats, proches de ceux du FOLFIRINOX (2), il semble maintenant légitime de comparer ces 2 schémas en phase III (Trouilloud I et al., abstr. 4018).

Cancers biliaires

BINGO : raté

Le standard de traitement de première ligne des cancers biliaires avancés est, depuis l’essai de phase III ABC-02, une association de gemcitabine et de cisplatine (schéma GEMCIS) [3]. Le GEMOX (gemcitabine, oxaliplatine) est une alternative raisonnable (4). Les résultats d’un essai de phase III sud-coréen comparant GEMOX avec ou sans erlo-tinib, un ITK anti-EGFR (Epidermal Growth Factor Receptor), est malheureusement négatif pour son critère de jugement principal (la SSP) ainsi que pour la SG (9,5 mois dans les 2 bras) [5].L’essai randomisé de phase II BINGO a évalué, chez 150 patients avec cancer biliaire localement avancé ou métastatique (voies biliaires intra- ou extra hépatiques, vésicule biliaire ou ampoule de

Vater), une chimiothérapie par GEMOX seule ou associée au cétuximab. La tolérance a été acceptable et en accord avec ce qu’on pouvait attendre avec cette combinaison. L’objectif principal (taux de SSP à 4 mois > 60 %) a été atteint. Malheureusement, ni le taux de RO, ni la SSP, ni la SG ne semblaient améliorés par le cétuximab (tableau II). Une analyse encore préliminaire (56 tumeurs analysées), confi rme que les mutations tumorales de KRAS (20 %) et de BRAF (6 %) sont peu fréquentes au cours des cancers biliaires avancés. La corrélation de ces biomarqueurs avec l’effet des traitements sera importante pour tenter de dégager un sous-groupe de patients bénéfi -ciant de l’addition du cétuximab à la chimio thérapie. Pour l’heure, il s’agit du deuxième échec des anti-EGFR en essai randomisé chez des patients avec cancer biliaire sans sélection sur des biomarqueurs. Les doublets gemcitabine-platine restent le standard en situation palliative (Malka D et al., abstr. 4032).

Tumeurs neuroendocrines

C’est BETTER avec du bévacizumab

L’étude de phase II française multicentrique BETTER a traité 2 groupes parallèles :

➤ les tumeurs neuroendocrines (TNE) bien diffé-renciées (Ki-67 < 15 %) avancées pancréatiques, avec une association bévacizumab, 5-FU et strepto-zotocine ;

➤ les TNE digestives, avec une association bévaci-zumab-capécitabine. Dans le groupe des TNE pancréatiques, après 24 mois de suivi, la SSP (critère de jugement principal) médiane était de 23,7 mois, et 88 % des patients étaient vivants à 2 ans. Pour les TNE digestives, la SSP médiane était de 23,4 mois, et 85 % des patients étaient vivants à 2 ans. Le profi l de tolé-rance du bévacizumab a été classique, et la durée

Tableau II. Étude BINGO : effi cacité (d’après Malka D et al., abstr. 4032 actualisé).

GEMOX + cétuximab (n = 76)

GEMOX (n = 74)

Réponse objective (%) [IC95]* 23 (13-33) 29 (18-40)

Contrôle de la maladie (%) [IC95]* 87 (79-95) 77 (67-88)

Survie sans progression à 4 mois (%) [IC95] 63 (52-74) 53 (41-64)

Survie sans progression (mois) [IC95] 6,0 (5,0-7,4) 5,3 (3,7-6,6)

Survie globale (mois) [IC95] 11,0 (8,9-13,7) 12,4 (8,6-16,0)

* Patients évaluables, n = 131.Suivi médian : 30 mois (1-36).

pg

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Cancers digestifs

COMPTE-RENDU ET ANALYSEChicago 2012

médiane de prescription, particulièrement longue : 14 mois. Ces résultats incitent à poursuivre le déve-loppement du bévacizumab dans ces tumeurs en phase III (Ducreux M et al., abstr. 4036 ; Mitry E et al., abstr. 4071).

Tumeurs stromales gastro-intestinales (GIST)Un nouveau venu : le masitinib

Si l’imatinib demeure le médicament de référence en première ligne dans les GIST, seulement un tiers des patients restent contrôlés à 3 ans ; en cas de progres-sion, seul le sunitinib peut être prescrit. Le masitinib est une nouvelle molécule ciblée très sélective pour les formes sauvages, mais aussi pour les formes mutées de KIT et PDGFR (Platelet-Derived Growth Factor Receptor). Une étude de phase II randomisée a comparé, chez des patients avec GIST résistante, sunitinib (50 mg/j) et masitinib (12 mg/ kg/j). La tolé-rance du masitinib a été globalement meilleure (toxi-cité de grade 3-4 : 17 versus 62 % ; diarrhée, nausées, asthénie) ; les arrêts pour intolérance ont été plus fréquents avec le sunitinib (11 versus 5 %). La SSP (critère de jugement principal) était identique dans les 2 groupes. La SG médiane a été spectaculaire-ment améliorée dans le bras masitinib (HR = 0,27 ; IC95 : 0,09-0,78). Ces résultats très encourageants doivent être analysés avec précaution en raison de la taille de l’étude et du recul limité du suivi. Une étude de phase III a commencé afi n de confi rmer ces données (Adenis A et al., abstr. 10007).

Régorafénib : revigorant

L’essai GRID est une étude de phase III en double aveugle comparant chez des patients avec GIST avancée le régorafénib (160 mg/j, 3 semaines sur 4), un ITK anti-PDGFR, FGFR (Fibroblast Growth Factor Receptor), c-KIT, VEGFR 1-3, RAF et RET, à un placebo en troisième ligne après échec de l’imatinib et du sunitinib.Les résultats montrent une amélioration signifi ca-tive de la SSP, critère principal de l’essai (4,8 versus 0,9 mois ; HR = 0,27 ; IC95 : 0,19-0,39 ; p < 0,0001). Du fait du crossover à la progression (ayant concerné 85 % des patients sous placebo), l’étude n’a pas pu mettre en évidence d’amélioration de la SG (HR = 0,77; IC95 : 0,42-1,41 ; p = 0,199). La SG médiane n’est pas encore atteinte dans les 2 bras.

Les patients initialement sous placebo ont béné-fi cié du régorafénib après crossover dans les mêmes proportions que ceux du bras expérimental. Le trai-tement était bien toléré, avec des effets indésirables de grade 3 de type hypertension artérielle (23 %), syndrome main-pied (20 %) et diarrhée (5 %). Seuls 8 patients (6 %) ont arrêté le régorafénib pour into-lérance.Le régorafénib s’inscrit donc comme une nouvelle ligne de traitement dans les GIST métastatiques ou non résécables déjà traitées par imatinib et sunitinib, avec un bénéfi ce important en troisième ligne (Demetri GD et al., LBA10008).

Cancer du canal anal

RCT : quand évaluer ? Combien de temps surveiller ?

L’étude britannique de phase III ACT II avait montré, chez 940 patients avec carcinome épidermoïde du canal anal, que d’une part la RCT avec 5-FU + cispla-tine n’est pas supérieure au schéma classique FUMIR (RCT avec 5-FU + mitomycine C), et d’autre part (plan factoriel 2 × 2) l’absence de bénéfi ce conféré par une chimiothérapie (2 cycles de 5-FU-cisplatine) après la RCT. Globalement, 83 à 84 % des sujets ont une réponse complète (RC) à 26 semaines. Les auteurs montrent que 60 % des patients non en RC à 11 semaines le sont à 26 semaines. Ces résul-tats suggèrent de considérer désormais, en routine comme dans les futurs essais, le délai de 26 semaines comme le standard pour l’évaluation de ces patients.Par ailleurs, les 18 % de rechutes surviennent dans 54 % des cas lors de la première année, dans 26 % des cas dans la deuxième année, et dans 13 % des cas dans la troisième année. Les rechutes au-delà de 3 ans ne surviennent donc que dans 7 % des cas. Les auteurs suggèrent donc de limiter les examens de surveillance passé ce délai (Glynne-Jones R et al., abstr. 4004 ; Sebag-Montefi ore D et al., abstr. 4029).

Cancer du côlon : traitement adjuvantOxaliplatine : fi nalement possible chez les sujets âgés ?

Dans une analyse groupée de 4 essais adjuvants (X-ACT, XELOXA, AVANT, NSABP C-08), D.G. Haller et al. ont corrélé comorbidités (déterminées par

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l’index de Charlson et par celui du National Cancer Institute [NCI]), âge et chimiothérapies chez 4 819 patients avec cancer du côlon de stade III. Le bénéfi ce de l’oxaliplatine, bien qu’atténué après 70 ans, restait signifi catif aussi bien en survie sans maladie qu’en SG, et ce sans que les comorbidités n’infl uencent le résultat. L’oxaliplatine reste donc un standard en adjuvant y compris chez les sujets âgés. L’augmentation des effets indésirables chez les patients après 70 ans et l’atténuation des résultats obtenus doivent cependant faire évaluer avec minutie la balance bénéfi ce/risque de l’oxali-platine dans cette classe d’âge (Haller DG et al., abstr. 3522).

Oxaliplatine : des récidives plus agressives ?

Avec la même méthodologie, C. Twelves et al. ont analysé l’effet de l’administration d’oxaliplatine en adjuvant en cas de récidive métastatique. Les résul-tats des études MOSAIC et NSABP C-07 (6, 7) avaient en effet suggéré que la survie après rechute était plus courte chez les patients ayant reçu de l’oxaliplatine que chez ceux qui n’avaient reçu que du 5-FU/acide folinique. Dans les groupes ayant présenté une réci-dive, aucune différence de survie après la récidive n’a été mise en évidence (23,8 versus 21,7 mois ; HR = 0,94 ; IC95 : 0,82-1,07 ; p = 0,33) [Twelves C et al., abstr. 3523].

Cancer colorectal métastatique

Chirurgie

◆ Métastases synchrones : faut-il réséquer la tumeur primitive ?L’équipe de l’institut Gustave-Roussy (Villejuif) a repris les données de 4 essais randomisés de chimiothérapie de première ligne et a séparé les patients avec métastases synchrones (810 des 1 155 patients inclus) en 2 groupes selon qu’ils avaient eu une résection de leur tumeur primitive (n = 478 ; 59 %) dans les 6 mois précédant leur randomisation, ou non (n = 332 ; 41 %). La résection de la tumeur primitive était corrélée à une meilleure SG (HR = 0,6 ; IC95 : 0,5-0,7), avec un bénéfi ce absolu de SG à 24 mois entre 10 et 22 % selon les essais. S’agissant d’une étude rétrospective, elle n’est pas exempte de biais, dont celui d’avoir éliminé de fait tous les patients ayant eu des complications sévères

après l’opération et qui n’étaient donc pas éligibles pour intégrer un essai randomisé de chimiothérapie. Il n’en reste pas moins que ces résultats incitent à réaliser une étude randomisée : un tel essai devrait commencer prochainement en France (Faron M et al., abstr. 3507).

Biologie

◆ Mutations de KRAS : jusqu’où aller dans la précision ?Les anti-EGFR sont inefficaces en cas de cancer colorectal métastatique (CCRm) KRAS sauvage. La détection en routine des mutations tumorales de KRAS repose sur un séquençage classique de l’ADN. Mais ce séquençage ne permet pas de détecter de faibles taux de mutations, lorsque le clone tumoral muté est minoritaire (moins de 10 % des cellules tumorales). Il existe des techniques de détection plus sensibles, comme par exemple le pyroséquen-çage, utilisé dans l’étude rétrospective présentée par David Tougeron, dans laquelle les auteurs ont analysé l’influence de la présence de mutations de KRAS rares sur la réponse chez 168 patients avec CCRm traités par anti-EGFR. Toutes les tumeurs, étiquetées KRAS sauvage par séquençage direct, ont donc été de nouveau analysées par pyro-séquençage.Le pyroséquençage a confirmé le statut KRAS sauvage (taux de mutation : 0-2 %) de 138 tumeurs mais a trouvé des mutations de KRAS à faible taux (entre 2 et 10 %) dans 30 tumeurs (KRAS lowMT). Ces patients avaient un taux de RO et une SSP signifi cativement moindres que ceux avec CCRm KRAS sauvage, la différence de SG n’atteignant pas la signifi cativité statistique (tableau III).Ainsi, ces résultats suggèrent qu’on pourrait traiter moins de patients par anti-EGFR, mais avec une effi cacité supérieure – bref, de mieux cibler… Reste à confi rmer ces données prospectivement et sur de plus grandes séries (Tougeron D et al., abstr. 3520).

Tableau III. Mutations de KRAS à faible taux : infl uence sur l’effi cacité du cétuximab.

KRAS lowMT KRAS sauvage p

Réponses objectives (%) 7 37 < 0,01

Stabilisations de la maladie (%) 23 33

Progressions de la maladie (%) 70 29

Survie sans progression (mois) 2,7 ± 0,5 6,0 ± 0,3 < 0,01

Survie globale (mois) 30,4 ± 1,1 32,6 ± 1,7 0,86

Page 6: Cancers digestifs - Edimark

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Cancers digestifs

COMPTE-RENDU ET ANALYSEChicago 2012

◆ Détection sanguine des mutations de KRAS et de BRAF : prometteuse !A.R. Thierry (Inserm U896, IRCM, Montpellier) a présenté les résultats d’une nouvelle méthode de détection par PCR (Polymerase Chain Reaction) quantitative (Q-PCR) des mutations des gènes KRAS (codons 12 et 13) et BRAF (V600E) dans l’ADN tumoral circulant à partir d’une série rétrospective de 70 patients atteints de CCRm non traités par chimiothérapie et RCT dans le mois précédant le prélèvement sanguin, comparée en aveugle aux résultats du séquençage classique sur tissu tumoral.Les résultats montrent une très bonne concordance entre les 2 méthodes de détection. Pour KRAS (23 mutations), seuls 3 faux négatifs sur 70 ont été trouvés (statut tumoral KRAS muté sur tissu et KRAS sauvage sur sang) [sensibilité (Se) : 87 %, spécifi cité (Sp) : 100 %, fi abilité (Fi) : 96 %]. Pour BRAF (5 mutations), la concordance a été parfaite (Se, Sp et Fi : 100 %).Cette méthode est peu onéreuse et surtout très rapide (moins de 48 h). Toutefois, le nombre de patients mutés est faible, et les résultats sont à prendre avec prudence. On aimerait également une comparaison avec des méthodes d’analyse de l’ADN tumoral circulant plus sophistiquées, comme la PCR digitale (Thierry AR et al., abstr. 10505).

Nouvelles molécules

◆ Inhiber BRAF et MEK : un espoir lorsque BRAF est mutéLes CCRm avec mutation V600E de BRAF ont un pronostic péjoratif, et sont plus résistants aux chimiothérapies et aux anti-EGFR du fait notam-ment d’une activation constitutive de MEK, situé sur la voie de signalisation de l’EGFR (RAS/RAF/MAPK). Les premiers espoirs de traitement par un inhibiteur de BRAF en monothérapie ont été déçus.Cependant, des données précliniques suggèrent que l’association avec un inhibiteur d’un autre élément de la voie de signalisation − anticorps ou ITK anti-EGFR, inhibiteur de MEK −, permet d’obtenir une synergie antitumorale (8, 9). C’est dans ce contexte qu’une étude de phase I/II associant un inhibiteur de BRAF, le dabrafénib, à un inhibiteur de MEK, le tramétinib, a été menée chez 26 patients avec CCRm BRAF muté prétraité. Trois patients ont eu une RO, 4 patients ont eu une réponse mineure et 9 une stabilisation. La recherche de marqueurs prédictifs de la réponse est en cours.

Cette étude est à rapprocher de celle présentée lors de ce congrès dans le mélanome BRAF muté avec la même association, dont les résultats étaient prometteurs. Le principe de l’association de 2 inhi-biteurs sur la même voie fait donc son chemin avec des signaux encourageants pour cette sous-popula-tion de patients au pronostic particulièrement grave (Corcoran RB et al., abstr. 3528).

◆ Périfosine : un espoir déçuLa périfosine, un alkylphospholipide présentant une similarité de structure avec les phospholipides de la membrane cellulaire inhibant NFκB et la signa-lisation Pi3K-Akt-PKB, avait montré des résultats prometteurs en association avec la capécitabine en deuxième et troisième ligne dans une étude de phase II randomisée publiée l’an dernier, avec notam-ment un doublement du temps jusqu’à progres-sion (10).J.C. Bendell a présenté les résultats de l’essai de phase III X-PECT comparant capécitabine + périfosine et capécitabine + placebo chez 468 patients lour-dement prétraités (médiane : 4 lignes antérieures). L’objectif principal était de démontrer une amélio-ration de la SG. Les résultats sont sans appel, ne montrant aucun bénéfice de la périfosine en association avec la capécitabine (taux de RO : 3 % dans les 2 bras ; SSP : 10,9 versus 11,4 semaines ; SG : 6,4 versus 6,9 mois ; p = 0,31). On notera l’amélioration de la SSP par la périfosine chez les patients ayant arrêté l’oxaliplatine pour toxicité plutôt que pour progression : faut-il alors faire l’hypothèse que les résultats auraient été meilleurs chez des patients moins lourdement prétraités (comme dans la précédente étude de phase II randomisée) ? Il est difficile aujourd’hui d’en dire plus (Bendell JC et al., LBA3501).

◆ Régorafénib : un inib dans le CCRm !L’essai de phase III versus placebo CORRECT démontre pour la première fois au cours du CCRm l’effi cacité d’un ITK oral : le régorafénib. En 10 mois, 760 patients, lourdement prétraités (près de 60 % des sujets avaient reçu au moins 4 lignes de trai-tement), mais à l’état général et aux paramètres biologiques encore conservés, ont été inclus.L’objectif principal, qui était l’amélioration de la SG, a été atteint (HR = 0,77 ; IC95 : 0,64-0,94 ; p = 0,0052), de même que la SSP (HR = 0,49 ; IC95 : 0,42-0,58 ; p < 0,000001). L’action thérapeutique du régorafénib est visible dans le contrôle de la maladie (45 versus 15 %) plus que dans le taux

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Bévacizumab

BévacizumabBévacizumab + erlotinib

Bévacizumab + erlotinib

Patients (n)

SSP (IC95

)

HR (IC95

)

p

222

5,7 (4,5-6,2)

0,73 (0,59-0,91)

0,0050

224

4,6 (4,1-5,5)

Mois

0

0 2 4 6 8 10 12

224

222

BévacizumabBévacizumab + erlotinib

Patients à risque (n)172

176

110

116

67

73

40

53

26

37

15

28

20

40

60

80

100

SSP

en m

aint

enan

ce (%

)

Figure 3. DREAM-OPTIMOX 3 : survie sans progression en maintenance (d’après Tourni-gand C et al., LBA3500 actualisé).

La Lettre du Cancérologue • Supplément 2 au vol. XXI - n° 6 - juin 2012 | 41

COMPTE-RENDU ET ANALYSEChicago 2012

de RO, quasiment nul (1 %). Il n’y a pas de différence de résultats en fonction du statut tumoral KRAS, du nombre de lignes reçues ou des caractéristiques des patients. Le profi l de tolérance est similaire à celui du sorafénib (syndrome main-pied, diarrhée, fatigue, hypertension artérielle), qui a une structure moléculaire très proche.Le régorafénib représente donc une nouvelle ligne thérapeutique dans le CCRm. En corollaire, les résultats de cet essai confortent le concept de contrôle continu de l’angiogenèse au cours du CCRm, validé par les résultats des essais VELOUR et TML dans cette même session orale (Van Cutsem E et al., abstr. 3502).

◆ Erlotinib : un autre inib effi cace dans le CCRm !L’étude DREAM, menée en France, en Autriche et au Canada, a comparé 2 traitements d’entretien chez des patients ayant un CCRm contrôlé après une chimiothérapie d’induction (bévacizumab + FOLFOX, XELOX ou FOLFIRI, au choix de l’investi-gateur). Sur les 700 patients enregistrés en début de première ligne, 446 ont été randomisés entre la poursuite du bévacizumab (7,5 mg/kg/3 semaines) en monothérapie et une association bévacizumab-erlotinib (150 mg/j). L’objectif principal – démontrer un allongement de la SSP en maintenance – a été atteint (fi gure 3). Les données de SG ne sont pas encore disponibles. La tolérance a été satisfaisante, hormis la toxicité cutanée (20 % de grade 3-4) et les diarrhées (9 % de grade 3-4) sous erlotinib.Cette étude relance donc la question de l’associa-tion de thérapies ciblées dirigées contre la voie du VEGF et de l’EGFR. Il faudra attendre les analyses complémentaires, notamment sur le statut KRAS,

pour déterminer si un groupe de patients est plus à même de bénéfi cier de l’association bévacizumab-erlotinib (Tournigand C et al., LBA3500).

◆ Afl ibercept : effi cace après bévacizumab ou non en première ligneL’afl ibercept (ou VEGF trap) est une protéine de fusion soluble composée de fragments du domaine extracellulaire des récepteurs de type 1 et 2 du VEGF (VEGFR-1 et VEGFR-2) associés à un fragment Fc d’IgG1 humaine. Il cible le VEGF et le PlGF (Placenta Growth Factor). L’étude de phase III VELOUR avait montré en 2011 l’effi cacité de l’afl ibercept sur la SG en association avec une chimiothérapie par FOLFIRI chez des patients avec CCRm en échec de l’oxaliplatine. Le bénéfi ce en SSP reste signifi catif

Tableau IV. VELOUR : résultats (d’après Allegra CJ et al., abstr. 3505 actualisé).

FOLFIRI + placebo FOLFIRI + afl ibercept HR

Survie globale (mois)

Tous patients (n = 1 226) 12,1(11,07-13,11)

13,5(12,52-14,95)

0,817(0,713-0,937)

Sans bévacizumab (n = 853) 12,4(11,2-13,5)

13,9(12,7-15,6)

0,788(0,669-0,927)

Avec bévacizumab (n = 373) 11,7(9,8-13,8)

12,5(10,8-15,5)

0,862(0,673-1,104)

Survie sans progression (mois)

Sans bévacizumab (n = 853) 5,4(4,2-5,7)

6,9(5,8-8,2)

0,797(0,679-0,936)

Avec bévacizumab (n = 373) 3,9(2,9-5,4)

6,7(4,8-8,7)

0,661(0,512-0,852)

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Surv

ie g

loba

le (%

)

Mois

100

80

60

40

20

0 0 6 12 18 24 30 36 42 48

Patients à risque (n)

CT : chimiothérapie.Facteurs de stratification : CT de première ligne (oxaliplatine ou irinotécan), SSP en première ligne (≤ 9 mois, > 9 mois),délai entre la dernière dose de bévacizumab et la randomisation (≤ 42 jours, > 42 jours), ECOG (O, ≥ 1).

CT Bévacizumab + CT

9,8 11,2

Chimiothérapie (n = 410)

Chimiothérapie Bévacizumab + CT

Bévacizumab + chimiothérapie (n = 409)

HR sans stratification 0,83 0,81

IC95

0,71-0,97 0,69-0,94

p (log-rank test) 0,0211 0,0062

410 409

293 328

162 188

51 64

24 29

7 13

3 4

2 1

0 0

Figure 4. Étude TML : survie globale (ITT) [d’après Arnold D et al., CRA3503 actualisé].

Figure 5. Étude TML : analyse de sous-groupes pour la SG (ITT) [d’après Arnold D et al., CRA3503 actualisé].

Catégories n HR (IC95)

Tous 819 0,81 (0,69-0,94)

Population AIO 260 0,86 (0,67-1,11)

ML18147 559 0,78 (0,64-0,94)

Sexe Femmes 294 0,99 (0,77-1,28)

Hommes 525 0,73 (0,60-0,88)

Âge < 65 ans 458 0,79 (0,65-0,98)

≥ 65 ans 361 0,83 (0,66-1,04)

Indice ECOG 0 357 0,74 (0,59-0,94)

≥ 1 458 0,87 (0,71-1,06)

SSP en première ligne ≤ 9 mois 449 0,89 (0,73-1,09)

> 9 mois 369 0,73 (0,58-0,92)

CT de première ligne À base d’oxaliplatine 343 0,79 (0,62-1,00)

À base d’irinotécan 476 0,82 (0,67-1,00)

Délai depuis la dernière administration de bévacizumab ≤ 42 jours 630 0,82 (0,69-0,97)

> 42 jours 189 0,76 (0,55-1,06)

Métastases hépatiques isolées Non 592 0,81 (0,67-0,97)

Oui 226 0,79 (0,59-1,05)

Nombre de sites métastatiques 1 307 0,83 (0,64-1,08)

> 1 511 0,77 (0,64-0,94)

1HR

20

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Cancers digestifs

COMPTE-RENDU ET ANALYSEChicago 2012

que les patients aient été prétraités en première ligne par bévacizumab (n = 373, 30 %) ou non. Le béné-fi ce en SG n’atteint cependant pas la signifi cativité statistique dans ce sous-groupe, mais la puissance est probablement insuffi sante (tableau IV, p. 41). On notera que les taux de RO sont plus bas chez les patients prétraités par bévacizumab que chez les patients naïfs, tant dans le bras afl ibercept (12 versus 23 %) que dans le bras placebo (8 versus 12 %). Là encore, l’effi cacité après bévacizumab en première ligne de l’afl ibercept en deuxième ligne conforte le concept de blocage continu de l’angiogenèse (Allegra CJ et al., abstr. 3505).

Stratégie multilignes

◆ TML : le Traitement est Meilleur quand il est LongLe bévacizumab est, en association avec la chimio-thérapie, un standard de traitement du CCRm tant en première ligne que, chez les patients naïfs de bévacizumab, en deuxième ligne. Les grandes études observationnelles BRiTE et ARIES avaient suggéré que la poursuite du bévacizumab, en association avec une chimiothérapie de deuxième ligne, au-delà de la progression après une première ligne de chimio-thérapie plus bévacizumab, était associée à une SG supérieure par rapport à une chimiothérapie de deuxième ligne seule (sans bévacizumab) [11, 12]. D. Arnold a présenté en session orale les résultats de l’essai intergroupe de phase III TML (ML18147), premier essai randomisé visant à confirmer, ou infi rmer, cette hypothèse. Le critère de jugement principal de cette étude était la SG. La randomisation a été stratifi ée sur la chimiothérapie de première ligne (avec oxaliplatine ou avec irinotécan), la durée de la SSP en première ligne (≤ ou > 9 mois), le délai depuis la dernière administration de bévaci-zumab (maximum autorisé : 3 mois) et le PS ECOG (0-1 versus 2). Les patients adultes (sans limite d’âge supérieure) avec CCRm étaient éligibles sous réserve que leur maladie ne soit pas résécable et qu’il n’y ait pas eu une progression précoce (< 3 mois) au cours de la première ligne. Les caractéristiques des 820 patients inclus étaient équilibrées entre les bras. L’objectif principal de l’essai a été atteint, avec une amélioration signifi cative de la SG dans le bras avec bévacizumab (11,2 versus 9,8 mois ; HR = 0,81 ; IC95 : 0,69-0,94 ; p = 0,0062) [fi gure 4]. Ce bénéfi ce de SG était observé dans tous les sous-groupes de patients, à l’exception, peut-être, des femmes (mais le test d’interaction était non signifi catif) [fi gure 5]. Le bénéfi ce de SSP était également statistiquement

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Surv

ie sa

ns p

rogr

essio

n (%

)

MoisPatients à risque CT 410 119 20 6 4 0 0 0

Bévacizumab + CT

409 189 45 12 5 2 2 0

4,1 5,7

1 Facteurs de stratification :

CT de première ligne (oxaliplatine ou irinotécan),

SSP en première ligne (≤ 9 mois, > 9 mois),

délai entre la dernière dose de bévacizumab

et la randomisation (≤ 42 jours, > 42 jours), ECOG (0, ≥ 1).

2 Méthode par test du log-rank.

100

80

60

40

20

0

CT (n = 410) Bévacizumab + CT (n = 409)

0 6 12 18 24 30 36 42

Chimiothérapie Bévacizumab + CT

HR sans stratification 0,671 0,682

IC95

0,58-0,78 0,59-0,78

p (log-rank test) p < 0,0001 < 0,0001

Figure 6. Étude TML : survie sans progression (ITT) [d’après Arnold D et al., CRA3503 actualisé].

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signifi catif (5,7 versus 4,1 mois ; HR = 0,68 ; IC95 : 0,59-0,78 ; p < 0,0001) [fi gure 6]. En revanche, même si le taux de contrôle a été signifi cativement amélioré, il n’y a pas eu de différence signifi cative pour la RO, qui a été – comme dans l’essai VELOUR – faible tant dans le bras avec bévacizumab que dans le bras chimiothérapie seule (tableau V). Environ 2 tiers des patients ont reçu une ou plusieurs lignes ultérieures, notamment un anti-EGFR (environ 40 % des cas), mais aussi du bévacizumab (environ 12 % des cas), sans déséquilibre entre les 2 bras. Seize pour cent des patients ont eu un effet indésirable nécessitant l’arrêt du traitement dans le bras avec bévacizumab (contre 9 % dans le bras chimio thérapie seule), mais majoritairement la chimiothérapie (13 %) plutôt que le bévacizumab (2 %). Les effets indésirables spécifi ques du bévacizumab ont été assez rares, le plus fréquent étant, sans surprise, l’hypertension artérielle (tableau VI). On peut regretter l’absence de données concernant la qualité de vie, de données sur la survie après le début de la première ligne, et de données concernant les biomarqueurs, y compris le statut tumoral de BRAF (dont on connaît l’impact pronostique) et de KRAS (dont la valeur pronostique, voire prédictive chez les patients traités par bévacizumab, n’est pas totale-ment éclaircie à ce jour). Mais qu’on ne s’y trompe pas : cet essai positif est de nature à changer les pratiques, puisqu’il s’agit du premier essai rando-misé confi rmant que la poursuite du bévacizumab après progression est bénéfi que chez les patients avec CCRm ayant échappé à une chimiothérapie de première ligne avec bévacizumab en termes de SSP et de SG. On dispose donc désormais d’une nouvelle option thérapeutique en deuxième ligne, et ce avec un profi l de tolérance acceptable (et bien connu des oncologues). En attendant les résultats, chez

les patients avec CCRm KRAS sauvage, des études head-to-head (bévacizumab versus anti-EGFR) en cours tant en première ligne (CALGB 80405, FIRE-3, PEAK) qu’en deuxième ligne (PRODIGE 18, SPIRITT) [Arnold D et al., CRA3503]. ■

Liens d’intérêt. L’auteur déclare avoir des liens d’intérêt avec Roche, Merck Serono, Amgen, Sanofi Aventis, Pfi zer et Novartis.

Tableau V. Étude TML : taux de réponse objective (d’après Arnold D et al., CRA3503 actualisé).

CT Bévacizumab + CT p

Réponse objective (%) 3,9 5,4 0,43

Réponse complète (%) < 1 < 1

Réponse partielle (%) 3 5

Stabilisation de la maladie (%) 50 63

Contrôle tumoral (%) 54 68 < 0,0001

Tableau VI. Étude TML : tolérance du bévacizumab (d’après Arnold D et al., CRA3503 actualisé).

Événements indésirables imputables au bévacizumab (%)

CT (n = 409) Bévacizumab + CT (n = 401)

Tous grades Grades 3-5 Tous grades Grades 3-5

21 6 41 12

Hypertension artérielle 7 1 12 2

Protéinurie 1 – 5 < 1

Saignements/hémorragies 9 < 1 26 2

Abcès et fi stules – – 1 < 1

Perforations digestives < 1 < 1 3 2

Insuffi sance cardiaque congestive < 1 < 1 < 1 –

ETE veineux 4 3 6 5

ETE artériels 1 < 1 < 1 < 1

Troubles de la cicatrisation < 1 < 1 1 < 1

Encéphalopathie postérieure réversible

– – – –

CT ; chimiothérapie ; ETE : événements thromboemboliques.