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LA REVUE DU DROIT DES RESSOURCES HUMAINES D Les cahiers du R H Mensuel – N° 135 – Septembre 2007 DOSSIER Le licenciement économique « aujourd’hui » LECTURE Le management à l’école du rugby LES FICHES CONSEIL DE SYLVAIN NIEL Faut-il un plan anti-Halde ? LES APARTÉS DE JACQUES BARTHÉLÉMY Durée du travail : un droit du paradoxe

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L A R E V U E D U D R O I T D E S R E S S O U R C E S H U M A I N E S

DLes

cahiers du

RH

Mensuel – N° 135 – Septembre 2007

DOSSIER

Le licenciement économique« aujourd’hui »

LECTURE

Le managementà l’école du rugby

LES FICHES CONSEIL DE SYLVAIN NIEL

Faut-il un plan anti-Halde ?

LES APARTÉS DE JACQUES BARTHÉLÉMY

Durée du travail :un droit du paradoxe

L e chef de l'Etat vient de tracer les contours d'un « nouveau contrat

social, profondément renouvelé et différent ».

En deux mots, il faut simplifier. Le chantier est gigantesque.

A commencer par notre droit de la durée du travail.

Jacques Barthélémy ne cesse de le dire : c’est un droit technocratique, tatillon,

entortillé, incompréhensible, inapplicable et inappliqué. C’est l’ensemble de

son architecture qui doit donc être remanié pour lui donner plus de cohérence

et d’efficacité.

Inutile de percer de nouvelles fenêtres pour créer des courants d’air dans l’espoir

d’évacuer les effluves délétères des 35 heures. Ce n’est plus la façade qu’il faut

modifier, c’est à la reconstruction de tout l’édifice

qu’il faut s’attaquer, en commençant, comme au

rugby, par les fondamentaux : les fondations et

les murs porteurs.

Mal conçus, ils sont aujourd’hui la cause de graves fissures.

La loi entre dans les détails et corsète la créativité des partenaires sociaux dont

elle semble se défier. Ce faisant, elle multiplie les sources de contentieux.

Alors qu’elle devrait, au nom de sa fonction protectrice, s’attacher uniquement

aux murs de soutènement : durées maximales, repos minimum, etc., et laisser

aux partenaires sociaux le choix des aménagements et de la décoration intérieurs :

cadre d’appréciation et répartition de la durée du travail, majorations de salaire, etc.

Mais pour que cela puisse se faire de manière équilibrée, en conciliant efficacité

économique et avancées sociales, les accords doivent être signés avec des

interlocuteurs légitimes, c’est-à-dire majoritaires. C’est la meilleure garantie

contre les malfaçons sociales car, pour obtenir alors de la souplesse, il faudra

inévitablement accorder des contreparties significatives. Mais avec à la clé,

n’en doutons pas, la promesse de belles moissons pour les temps futurs.

Alain Dupays

Ravalement oureconstruction ?

Reveniraux fondamentaux

ÉDITORIAL

Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 2007 1

Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 20072

SOMMAIRE DES CAHIERS DU DRH

N° 135

ÉCLAIRAGE D’ANDRÉ DERUE

Le controle Urssafnouveau est arrivé !Si en principe les sondages « ne se trompent jamais », là ce sont les entreprises qui sont trompées. Sous couvertd’améliorer les « droits des cotisants », ce sont les moyensde contrôle des Urssaf qui sont renforcés, en les autorisantà procéder à des vérifications sur pièces ou à recourir auredressement par sondage. Pourvu que tout cela ne setransforme pas en carottage ! P. 3

LECTURE

Le management à l’école du rugby.

De Brennus au gouvernement, le rugby mène à tout. Ecole de l’abnégation, du sacrifice et de la solidarité, sportà la fois collectif et individuel, culte de la passe décisive…,pourquoi ne pas adapter ces valeurs à l’entreprise ?C’est le parti pris des auteurs de cet ouvrage qui utilisentla métaphore sportive pour proposer aux managers dedévelopper leurs compétences et celles de leurs équipes.Bref, tout pour faire vibrer le cuir plutôt que gérer des ronds de cuir ! P. 9

LES APARTÉS DE JACQUES BARTHELEMY

Durée du travail :un droit du paradoxeLa loi, l’accord et le contrat… Non, ce n’est pas un westernoublié de Sergio Leone ! C’est l’architecture que devraitrespecter notre droit de la durée du travail.A la loi la fixation des principes, à l’accord leur adaptationau terrain et les précisions de détail et au contrat leurdéclinaison individuelle.Jacques Barthélémy démontre qu’on en est encore très loin,malgré la volonté politique affichée. La réalité est celle d’undroit rempli de paradoxes où la loi se mêle du détail et sedéfie de la créativité des partenaires sociaux. Le résultat,c’est une technocratisation et une complexité accrue d’undroit devenu inefficace. Quand nul n’est censé comprendrela loi… attention, danger ! P. 18

LES FICHES CONSEIL DE SYLVAIN NIEL

Faut-il un plananti-Halde ?Face au « testing », testez vos réactions ! Sinon, faute d’apporter la preuve de votre innocence, vos arguments ne vaudront pas un « COPEC ». C’est toute une culture d’entreprise qu’il faut donc modifier.Mais avant la mise en place d’un plan antidiscrimination, la désignation d’un « Monsieur Diversité » ou la rédactiond’une charte, des mesures d’urgence s’imposent. D’abord, rendre objectifs les critères de refus d’unecandidature. P. 30

DOSSIER

Le licenciementéconomique« aujourd’hui »Pourquoi moi et pas lui ? Pour quelle raison ?On va vous l’expliquer.C’est l’ordre des licenciements, leur notification et la prioritéde réembauchage qui sont au menu, ce mois-ci. P. 40

BLOC-NOTES

Rendez-vous P. 56

Reprenant à son compte une pratique lar-

gement répandue, en lui donnant doréna-

vant un fondement juridique qui ne rendra

plus contestable ce contrôle, le décret du

11 avril 2007 réglemente la possibilité de

« contrôles sur pièces », sous la dénomination

de « vérifications ».

Il ne s’agit plus ici de contrôler l’entreprise

dans ses locaux ou de procéder à un contrôle

de celle-ci dans les locaux de l’Urssaf, faculté

également reconnue dans certains cas par le

décret d’avril.

Si les textes nouveaux utilisent le terme de

« vérification », c’est sans doute pour bien mar-

quer la différence qu’il y a désormais entre

un contrôle qui se réalise nécessairement en

présence du cotisant ou de ses représentants

et une vérification qui est une opération uni-

latérale et solitaire menée dans les locaux de

l’Urssaf hors de leur présence.

C’est le sens du nouvel article R. 243-43-3 du

Code de la sécurité sociale qui prévoit que

les organismes de recouvrement procèdent

à la vérification de l’exactitude et de la confor-

mité à la législation en vigueur des déclara-

tions qui leur sont transmises.

Curieusement relatif aux

« droits des cotisants », c’est

en tout cas son intitulé, le

décret du 11 avril 2007 (1),

sorti dans l’indifférence gé-

nérale, ne va pas laisser insensibles très long-

temps les praticiens du contrôle Urssaf, au

premier rang desquels il convient bien sûr

de placer les entreprises, puisque l’essentiel

de ses redoutables dispositions sont entrées

en vigueur le 1er septembre dernier.

Nous ne commenterons pas ici chacune des

nombreuses mesures du dispositif nouveau

qui, à bien des égards, « révolutionnent » la

matière de telle sorte que de longs dévelop-

pements devraient y être consacrés (2).

Nous nous limiterons donc, pour cette fois, à

quelques observations sur deux des mesures

nouvelles qui sont, à notre sens, emblémati-

ques de certains des objectifs de la réforme.

Vérificationssur pièces…

Du « sur place » au « sur pièces »

On connaissait jusqu’à présent le contrôle « surplace » dans les locaux mêmes de l’entreprise,

tel qu’il est organisé par le fameux article

R. 243-59 du Code de la sécurité sociale.

Le contrôle Urssafnouveau est arrivé !Quelques semaines avant le beaujolais est arrivé le contrôle Urssaf nouveau !Le cru est prometteur mais charpenté et long en bouche. Et pourtant, celafaisait longtemps que l’on attendait une réforme, une vraie, du droit du contrôle Urssaf.C’est maintenant chose faite avec le décret du 11 avril 2007.

ÉCLAIRAGED’ANDRE DERUE

Par André DerueAndré Derue est Avocat, conseilen Droit Social, Associé du CabinetJacques Barthélémy et Associésdont il est membre du conseilscientifique et Responsable du Bureau de Lyon. Il est l’auteurde près d’une centaine d’articles,contributions et ouvragesessentiellement en Droit de la sécurité sociale.

(1) D. no 2007-546, 11 avr. 2007, JO 13 avr. (2) Voir « Contrôle Urssaf : du nouveau... ! », H.-G. Bascou, J.-C. Ranc et F. Taquet, CDRH no 134, juill. 2007.

Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 2007 3

du 1er septembre 2007, puisque le nouvel ar-

ticle R. 243-43-4 du Code de la sécurité so-

ciale prévoit que l’organisme de recouvre-

ment peut envisager un redressement à l’issue

de sa vérification.

Procédure

Pour pouvoir procéder valablement à un

contrôle « sur pièces », le contrôleur de l’Urs-

saf doit aviser l’entreprise par lettre recom-

mandée avec demande d’avis de réception :

- des déclarations et des documents qu’il a

examinés lors de sa vérification ;

- des périodes auxquelles se rapportent ceux-

ci ;

- du motif, du mode de calcul et du montant

du redressement envisagé ;

- de la faculté dont l’entreprise dispose de se

faire assister d’un conseil de son choix pour

répondre aux observations faites (sa réponse

devant être notifiée à l’organisme de recou-

vrement dans un délai de trente jours) ;

- et enfin du droit pour l’Urssaf d’engager la

mise en recouvrement en l’absence de ré-

ponse de sa part à l’issue du délai précité.

Si, dans le délai de trente jours, l’entreprise

a fait part de ses observations, ce qui ne

constitue d’ailleurs nullement une obliga-

tion pour elle même si elle entend contes-

ter ultérieurement le redressement notifié,

l’Urssaf a l’obligation de lui indiquer par

courrier si elle maintient ou non sa décision

A cet effet, ils peuvent rapprocher les infor-

mations qui résultent des déclarations de l’en-

treprise avec d’autres documents que celle-

ci a déjà transmis ou produits elle-même et

avec les informations que d’autres « institu-tions » peuvent également et légalement leur

communiquer.

La sécurisation réglementaire à destination

des Urssaf, des vérifications qu’elles mènent

sur le contenu des déclarations qui lui sont

transmises, ne soulève pas de critique sur le

principe.

Il en est d’ailleurs de même de la possibi-

lité, désormais actée dans le nouvel article

R. 243-43-3 du Code de la sécurité sociale,

pour les organismes de demander par écrit à

l’entreprise de leur communiquer tout docu-

ment ou information complémentaire néces-

saire pour procéder à de telles vérifications.

Vérification « sur pièces »sans vérification préalable« sur place »

La question s’était posée de savoir si des vé-

rifications « sur pièces » pouvaient entraîner

un redressement, ou s’il convenait que tout

redressement soit nécessairement précédé

du respect de la procédure de contrôle sur

place prévue par l’article R. 243-59 du Code

de la sécurité sociale.

Or, cette question n’a plus lieu de se poser

pour les « vérifications » engagées à compter

ÉCLAIRAGED’ANDRÉ DERUE

Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 20074

Notification de la vérification « sur pièces »

effectuée par l’Urssaf (LAR)

30 jours maximum

Observations de l’entreprise

Aucun délai maximum

Réponse de l’Urssaf

Aucun délai minimum

Procédure derecouvrement

30 jours

Silence de l’entreprise

30 jours minimum

Procédure derecouvrement

dont un exemplaire doit par ailleurs être

remis à l’entreprise.

Or, s’il résulte du deuxième alinéa de l’arti-

cle R. 243-59-2 du Code de la sécurité so-

ciale que l’entreprise peut s’opposer à l’uti-

lisation de telles méthodes, à la condition

d’en informer l’inspecteur du recouvrement

par écrit dans les quinze jours suivant la re-

mise des documents précités, on relèvera

que demander à l’entreprise de s’opposer

éventuellement à l’utilisation de telles tech-

niques n’est pas du tout comparable quali-

tativement à la défunte exigence jurispru-

dentielle qui faisait peser sur l’Urssaf

l’obtention d’un accord préalable de l’entre-

prise !

Effets dissuasifs des refus

Tout est fait dans le texte nouveau pour ré-

fréner toute velléité de refus de la part de

l’entreprise !

Qu’on en juge : dès lors qu’elle s’est opposée

à l’utilisation de telles techniques, l’inspecteur

du recouvrement doit lui faire connaître :

- le lieu dans lequel les éléments nécessaires

au contrôle doivent être réunis ;

- ainsi que les critères, conformes aux néces-

sités du contrôle, selon lesquels ces éléments

doivent être présentés et classés.

On ne peut qu’être surpris que le refus ex-

primé par l’entreprise à l’utilisation d’une

technique de sondage permette à l’inspec-

teur du recouvrement d’exiger unilatérale-

ment de celle-ci ce qu’il n’est pas en mesure

d’imposer lors d’un contrôle « classique », à

savoir un lieu de remise des documents se-

lon des critères de classement et de présen-

tation qu’il aura choisis.

Le fait que l’entreprise dispose de la faculté

de faire valoir ses observations en réponse

dans un délai de quinze jours n’est qu’un

leurre destiné à instrumentaliser l’idée d’un

vain débat contradictoire car, en toute hypo-

de redressement. Rien n’impose toutefois à

l’Urssaf de motiver sa réponse, ce que l’on

regrettera vivement.

La mise en recouvrement des cotisations cor-

respondantes, ainsi que des majorations et

des pénalités de retard, peut être engagée soit

à l’issue du délai de trente jours dans le cas

où l’entreprise n’a pas fait part de ses pro-

pres observations dans ce délai, soit après

l’envoi par l’Urssaf du courrier par lequel elle

répond à ces observations.

Sondages…

De l’accord préalableà l’absence de refusde l’entreprise contrôlée

Fort habilement, il semble, à première lec-

ture, que le nouvel article R. 43-59-2 du Code

de la sécurité sociale consacre la jurispru-

dence de la Cour de cassation selon laquelle,

à défaut d’accord préalable de l’entreprise,

l’utilisation par l’organisme de recouvre-

ment d’une méthode de contrôle par échan-

tillonnage et extrapolation n’est pas licite

dès lors que cette dernière a à sa disposi-

tion tous les éléments permettant d’établir

un redressement sur des bases réelles (3).

C’est ainsi que le premier alinéa du nouvel

article R. 243-59-2 du Code de la sécurité

sociale prévoit que les inspecteurs du recou-

vrement peuvent proposer à l’entreprise

d’utiliser des méthodes de vérification par

échantillonnage et extrapolation. A cet ef-

fet, l’inspecteur du recouvrement doit re-

mettre à celle-ci, au moins quinze jours avant

le début de l’utilisation de telles techniques,

un document lui indiquant les différentes

phases de la mise en œuvre de ces métho-

des ainsi que les formules statistiques utili-

sées pour leur application, lesquelles ont

été définies par un arrêté du 11 avril 2007

ÉCLAIRAGED’ANDRE DERUE

Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 2007 5

(3) Cass. soc., 24 oct. 2002, no 01-20.699.

d’extrapolation envisagée pour chacun

d’eux. Fort heureusement, l’entreprise peut

présenter ses observations tout au long de

la mise en œuvre de ces méthodes et son

désaccord écrit impose une réponse écrite

de l’inspecteur du recouvrement, mais mal-

heureusement pas une réponse motivée.

Par ailleurs, dans sa lettre d’observations,

telle que prévue par l’article R. 243-59 du

Code de la sécurité sociale, l’inspecteur

ayant utilisé de telles techniques doit

préciser :

- la population faisant l’objet des vérifica-

tions ;

- les critères retenus pour procéder au tirage

des échantillons ;

- le contenu des échantillons ;

- les cas atypiques qui ont été exclus ;

- les résultats obtenus pour chacun des échan-

tillons ;

- la méthode d’extrapolation appliquée ;

thèse, c’est l’inspecteur qui a le « dernier »mot puisqu’il notifiera à celle-ci « le lieu et lescritères qu’il a définitivement retenus » !

Seule la fixation du délai pour la mise à dis-

position des éléments demandés doit se faire

d’un commun accord dans la limite maxi-

male de soixante jours.

Comme si cela ne suffisait pas, le texte pré-

cise que si les conditions précitées ne sont

pas remplies, l’opposition de l’entreprise

« ne peut être prise en compte », ce qui signi-

fie que l’utilisation de méthodes de contrôle

par échantillonnage et extrapolation peut

alors lui être imposée.

Garanties procédurales

En revanche, légitime est l’exigence qui

pèse sur l’inspecteur d’informer l’entre-

prise des critères utilisés pour définir les

populations examinées, le mode de tirage

des échantillons, leur contenu et la méthode

ÉCLAIRAGED’ANDRÉ DERUE

Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 20076

Proposition de l’Urssaf de recours à la technique de l’échantillonnage

(par écrit)

Réalisation du sondage

Observations de l’Urssaf

15 jours maximum

Refus écrit de l’entreprise

Aucun délai maximum

Notification du recours au contrôle classique

15 jours maximum

Observations de l’entreprise

Aucun délai maximum

Fixation des modalités du contrôle

Aucun délai maximum

Réalisation du contrôle

15 jours

Silence de l’entreprise

30 jours

Silence de l’entreprise

Aucun délai maximum

Procédure de recouvrement

15 jours maximum

Accord de l’entreprise

30 jours maximum

Contestation de l’entreprise

30 jours maximum

Communication du chiffrage réalisé par l’entreprise

Aucun délai maximum

Procédure de recouvrement

Il n’est nulle intention de notre part de nier

qu’une sécurité juridique accrue a été offerte

depuis quelques années aux entreprises.

Il en est ainsi, notamment, et peut être sur-

tout, des dispositions contenues dans l’or-

donnance du 6 juin 2005 (4), relatives au res-

crit et à l’opposabilité des circulaires

ministérielles publiées. Il en est ainsi égale-

ment de certaines des dispositions du dé-

cret du 11 avril 2007, par exemple en ce qui

concerne la mise en œuvre des modalités

de saisine de l’agence centrale des organis-

mes de sécurité sociale lorsqu’une entre-

prise est confrontée à des interprétations

contradictoires de la part de différentes

Urssaf…

En revanche, on ne peut nier qu’une bonne

part des objectifs poursuivis par le décret du

11 avril porte sur la sécurisation juridique

de certaines pratiques des organismes de re-

couvrement dont la validité était contestée.

L’exemple des sondages est de ce point de

vue remarquable.

Quelle que soit l’appellation donnée (son-

dage, échantillonnage, extrapolation…), de

telles techniques sont depuis de nombreu-

ses années utilisées de manière récurrente

par les organismes de recouvrement à l’oc-

casion de leurs contrôles.

De manière non moins systématique, l’uti-

lisation de telles techniques, dès lors qu’el-

les n’avaient pas fait l’objet de l’approbation

de l’entreprise, était, à chaque fois que cette

dernière contestait la validité du redresse-

ment dont il faisait l’objet, annulée par les

tribunaux.

De ce point de vue, le décret du 11 avril

2007 offre une incontestable sécurité juri-

dique pour les Urssaf en leur permettant,

dans des conditions particulièrement aisées,

de pratiquer de telles méthodes, l’entreprise

étant fortement invitée à ne pas s’opposer

à celles-ci.

- les résultats obtenus par application de cette

méthode aux populations ayant servi de base

au tirage de chacun des échantillons.

Dans le délai de trente jours suivant la com-

munication de la lettre d’observations par

l’inspecteur du recouvrement, l’entreprise

peut informer, par lettre recommandée avec

demande d’avis de réception, l’organisme de

recouvrement de sa décision de procéder au

calcul des sommes dont elle est redevable ou

qu’elle a indûment versées pour la totalité des

salariés concernés par chacune des anoma-

lies constatées sur chacun des échantillons

utilisés. L’entreprise dispose ainsi de la faculté

de chiffrer elle-même son redressement… !

Une telle possibilité fait courir un nouveau

délai de trente jours pendant lequel l’entre-

prise doit adresser à l’inspecteur du recou-

vrement les résultats de ses calculs, accom-

pagnés des éléments permettant de s’assurer

de leur réalité et de leur exactitude, ce dont

l’inspecteur peut s’assurer en procédant à

l’examen d’un nouvel échantillon.

Double objectifde la réformeLes deux illustrations ci-dessus, tirées des

vérifications sur pièces et des sondages, par-

ticipent à un double objectif qui, en réalité,

n’a strictement rien à voir avec les « droitsdes cotisants » mis au fronton du décret du

11 avril 2007.

Ces deux objectifs traversent de toutes parts

les dispositions nouvelles au travers des deux

exemples précités.

Il s’agit d’atteindre un objectif de sécurité et

d’optimisation des contrôles et vérifications.

Sécurité juridique

Nous voulons parler ici, bien évidemment, de

la sécurité juridique des organismes de recou-

vrement et non de celle des entreprises.

ÉCLAIRAGED’ANDRE DERUE

Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 2007 7

(4) Ord. no 2005-651, 6 juin 2005, JO 7 juin.

De tels objectifs sont facilement identifiables

dans bien d’autres mesures du décret du

11 avril 2007, qu’il s’agisse de l’accès et de

l’utilisation des moyens informatiques qui

font l’objet du nouvel article R. 243-59-1 du

Code de la sécurité sociale, des possibilités

de contrôle dans les locaux de l’Urssaf pré-

vues par l’article R. 243-59-3 du Code de la

sécurité sociale, ou encore de l’extension

considérable du champ de la taxation forfai-

taire telle qu’elle résulte de la modification

de l’article R. 242-5 du même Code.

Les nécessités du financement du régime gé-

néral de Sécurité sociale ont leurs raisons

que la raison commune ne connaît point.

Ces raisons sont bien évidemment particu-

lièrement respectables.

Toutefois, on ne peut occulter, sur le terrain

des principes, qu’un nécessaire équilibre doit

être trouvé dans la relation entre l’organisme

en charge du contrôle et le contrôlé dont la

nécessaire protection doit être assurée.

Il est peu probable que les termes du dé-

cret du 11 avril 2007 parviennent à un tel

objectif.

On ne peut qu’espérer, et à la vérité nous ne

doutons pas un instant que le comportement

des organismes du recouvrement et de leurs

inspecteurs, sous l’œil bienveillant de leurs

autorités de tutelle, rétablira ce qu’un décret

n’a pas voulu faire. �

Optimisation des contrôles

L’objectif d’optimisation du contrôle est éga-

lement omniprésent dans de nombreuses

dispositions du décret du 11 avril 2007.

Il est d’ailleurs particulièrement respectable

puisqu’il vise à économiser le temps des agents

des organismes de recouvrement de telle ma-

nière que les redressements envisageables in-

terviennent dans des conditions optimales.

Les sondages en sont une utile illustration.

En effet, en évitant des contrôles exhaustifs,

dont la Cour de cassation a proclamé pen-

dant de nombreuses années qu’ils étaient la

seule méthode de nature à fonder juridique-

ment un redressement, au profit de l’utilisa-

tion de techniques d’échantillonnage et d’ex-

trapolation, le gain de temps est considérable

et précieux. Cela permet aux agents des or-

ganismes de recouvrement de procéder à des

redressements parfois conséquents, dans

des délais optimum.

Il en est de même en ce qui concerne les vé-

rifications sur pièces. D’une part, elles évi-

tent de procéder obligatoirement à des contrô-

les sur place avant de notifier un redressement,

ce qui constitue un gain de temps conséquent.

D’autre part, de telles vérifications peuvent

être faites par tout agent de l’Urssaf, ce qui

dégage en conséquence un temps précieux

pour que les inspecteurs du recouvrement

se consacrent à des contrôles sur place ou

à des contrôles dans les locaux de l’Urssaf,

lorsque ceux-ci peuvent avoir lieu, depuis le

décret du 11 avril 2007.

ÉCLAIRAGED’ANDRÉ DERUE

Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 20078

LECTURE

- le respect ;

- la solidarité.

Cela signifie aller chercher au plus profond

de soi des ressources physiques et mentales

pour aider son partenaire lorsque celui-ci se

trouve en difficulté et donc, le plus souvent,

accepter, pour aller au contact, de prendre

des coups et risquer de tomber ;

- l’humilité.

Au rugby, l’humilité va de paire avec l’excel-

lence. Comme l’excellence est fragile et tou-

jours à réinventer, si les joueurs ne se remet-

tent pas en cause, même après une victoire,

alors, non seulement ils n’avancent plus,

mais pire, ils risquent, par manque de vigi-

lance, de concentration ou de baisse de

condition physique, de se blesser très gra-

vement.

Regarder ce qui marche bien dans le monde

du rugby et, à partir de là, en tirer des ensei-

gnements utiles pour le monde de l’entreprise

est tout à fait pertinent.

Comme le rugby professionnel, l’entreprise

est engagée dans une compétition sans merci,

un championnat qui sent la poudre et où seu-

les les meilleures équipes survivent.

«Pour reprendre le slogan de la

Fédération française de rugby,

« le sport, une école de la vie »,le rugby peut être une formi-

dable école de vie pour l’en-

treprise. Plus que le sport d’une façon géné-

rale, le rugby recèle en effet au moins trois

atouts qui participent à créer un esprit d’équipe

tout à fait particulier et très proche de celui

qui doit animer les hommes et les femmes qui

font l’entreprise.

Très tôt, le rugby, ou plus sûrement ce qui n’était

sans doute encore qu’un entre-deux entre le

rugby et le football, a été utilisé pour forger les

caractères, modeler les qualités de fair-play, dé-

velopper de vraies personnalités et ainsi pré-

parer au mieux les étudiants aux responsabi-

lités du monde de l’entreprise.

Son deuxième atout réside dans la nature même

du rugby. C’est un sport de combat collectif

où chacun a sa place, quel que soit son gaba-

rit (même si c’est un peu moins vrai au-

jourd’hui).

Son troisième atout est lié aux valeurs que le

rugby véhicule :

- la convivialité ; � � �

LE MANAGEMENT ÀL’ÉCOLE DU RUGBY

Retrouver lesfondamentaux du

managementpar Jacques Delmas,

François Leccia etLoïck Roche

Ed. Dunod 2007Collection Stratégies

et Management224 pages

22 €

Le managementà l’école du rugbyRetrouver les fondamentaux du management

Les valeurs du rugby ne sont pas si éloignées de celles de l'entreprise quand elles s'appellent volonté, combativité, courage, surpassement de soi,solidarité, esprit d'équipe, défense du maillot, défense du village, amour et fierté, courage et altruisme.Dans la compétition économique mondiale qui se joue au quotidien, les entreprises ont donc sans doute beaucoup d'enseignements à tirer de ce sport.

Par AlexandreReymannd’après l’ouvrage de Jacques Delmas,François Leccia et Loïck Roche

Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 2007 9

LECTURE

fond de la personne un sursaut, des choses

qu’elle n’arrive pas à trouver spontanément

en elle pour pouvoir les donner.

La motivation, c’est aussi réussir à faire en sorte

que la personne puisse réussir.

Dans le rugby du XXe siecle, on se mettait des

coups contre le mur. Maintenant, on a un dis-

cours d’avant match, qu’on appelle la cause-

rie. L’idée, c’est de toucher avec deux ou trois

mots et d’aller chercher le meilleur de chacun

des joueurs pour que tous donnent le meilleur

d’eux-mêmes. Il s’agit de cibler l’objectif et de

dire comment on va y arriver. La même démar-

che peut être utilisée dans les entreprises.

Projet

Pour réussir, que ce soit dans l’entreprise ou

sur un terrain de sport, il faut parvenir à pen-

ser autrement et à inscrire l’organisation dans

un projet, autrement dit, à lui donner du sens.

Le projet, c’est le référentiel. Il faut se projeter

en fixant des objectifs. Si l’on veut que les in-

dividus s’inscrivent dans ce projet, il faut leur

donner une vision et leur montrer ce qu’ils

vont devenir, s’ils peuvent progresser.

On peut, par exemple, légitimer l’importance

d’un match en ce qu’il va permettre d’acqué-

rir un confort par rapport au championnat.

Pour ce qui est de l’entreprise, le fait de mon-

trer une détermination pleine de sens est un

outil de management puissant, un de ceux

qui peut transformer un groupe et le conduire

à réaliser de grandes choses.

Donner du sens, c’est ce plus qui va faire qu’un

métier va être vécu comme passionnant et pas

seulement intéressant ou, pis, ennuyeux.

Cette quête de sens permet aux joueurs, pour-

tant passionnés par ce qu’ils font, de trou-

ver en eux les ressources nécessaires pour

se surpasser sur le terrain. C’est cette même

quête de sens qui va, dans l’entreprise, pal-

lier l’absence de passion des hommes et des

femmes.

Match rugby/entreprise

L’entreprise impose de travailler selon des ob-

jectifs, souvent à court terme, pour atteindre

un objectif plus global sur un exercice.

Le rugby professionnel impose également

d’obtenir des résultats tous les week-ends si

l’on veut atteindre son objectif global à la fin

du championnat.

Comme dans l’entreprise, le suivi des objec-

tifs, presque au quotidien, est très important.

L’atteinte des résultats à court terme est condi-

tionnée par la nécessité d’une vision à long

terme. Dans le monde du rugby, comme dans

celui de l’entreprise, on est à la recherche de

compétitivité exacerbée et tout le monde doit

en être conscient.

Passion des joueurs

La différence essentielle entre une équipe de

rugby et une entreprise tient dans ce point

clé : les joueurs, et le plus souvent les per-

sonnes qui travaillent au sein d’un club, sont

passionnés par ce qu’ils font, au contraire de

ce qui se passe dans l’entreprise où c’est

rarement le cas.

La première raison tient en ce que beaucoup

n’ont jamais identifié ce qu’ils voulaient

vraiment faire de leur vie professionnelle.

La deuxième raison tient en ce que, parmi

les personnes qui ont identifié ce qu’elles

voulaient en faire, toutes n’ont pas réussi à

le mettre en œuvre.

En terme de motivation, on voit tout de suite

la difficulté dans laquelle l’entreprise va se

trouver.

Engagement des hommes

Pour obtenir des joueurs un sursaut, pour les

pousser à se supasser, il n’y pas d’autres solu-

tions que de les bousculer. Il ne faut pas par-

ler à leur intellect, mais à leurs tripes. Ce qu’on

appelle motivation, c’est obtenir au plus pro-

Donner du sens,c’est ce qui va faire

qu’un métier vaêtre vécu comme

passionnant

Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 200710

Famille

La famille est quelque chose de fondamental

dès lors que l’on parle de la culture et des va-

leurs dans le domaine du rugby.

Faire partie de la famille est une expression

courante dans le monde du rugby. Cela tra-

duit aussi bien l’appartenance au milieu du

rugby que l’adhésion à une mentalité fondée

sur des valeurs d’engagement, d’amitié et de

fidélité. Cette notion de famille, bien qu’elle

renvoie à l’idée d’échanges et de rapports non

marchands, a toujours trouvé un écho parti-

culier dans le monde de l’entreprise.

Au sein d’un club, on peut dire que la famille

est constituée de quatre groupes : les diri-

geants, les entraîneurs, les joueurs et le public.

S’il est difficile d’établir un lien de corrélation

entre la dynamique des supporters et la vic-

toire d’une équipe, ce qui est intéressant, c’est

le partage d’un sentiment d’appartenance et

d’un état d’esprit qui, parce qu’il repose sur

des valeurs fortes, justifie pleinement la place

du public au sein de la famille.

Le parallèle avec l’entreprise est possible si

l’on considère le public comme un segment

de clientèle du club. La place des clients, tout

comme celle du public, se situe « au cœur del’organisation ». Sans clients, il n’est pas d’en-

treprise, sans public, il n’est pas de spectacle.

Environnement « familial »

Au-delà du cercle familial, le club, comme l’en-

treprise, ne peut pas faire l’économie d’une ré-

flexion capable d’intégrer l’ensemble des par-

ties prenantes, au premier rang desquelles

figurent ses partenaires.

Sans résultats sportifs, le public ne va plus rem-

plir ni le stade, ni son rôle de seizième homme.

Le club va peiner pour recruter des joueurs et

des entraîneurs de talent ; les sponsors ne re-

signeront pas car communiquer sur une équipe

qui perd, ce n’est pas ce qu’ils recherchent ; les

médias vont s’intéresser à d’autres. � � �

Fondamentaux

Le premier objectif consiste à travailler sur la

culture et les valeurs, autrement dit sur le ter-

reau sur lequel le projet va pouvoir croître et

se développer.

Culture et valeurs communes

Force des histoires et des légendes

L’histoire d’un groupe, d’une équipe, peut de-

venir une épopée, une quête importante, un

voyage partagé dont les images donnent de la

force, une vision et une cohésion à un groupe,

et même un sens du destin… bref une légende !

Plus puissante que les discours, plus puis-

sante même que les règles de travail, cette lé-

gende est un formidable outil pour donner

de la cohésion et développer un comporte-

ment véritablement positif chez les hommes

et les femmes d’une même équipe et, ainsi,

créer une culture très forte.

Une culture de groupe faite de participation

et de sacrifice, où même les plus grands athlè-

tes arrivent à se départir de toutes formes

d’égoïsme, est le meilleur moyen de construire

une équipe qui gagne.

Rappel des racines

Si l’existence de racines est importante, il est

tout aussi important de rappeler celles-ci.

C’est ce qu’ont fait de nombreux clubs où, au

siège, les trophées, les photos, les fanions des

équipes adverses sont autant de marques qui

évoquent le chemin parcouru, scandent les

étapes franchies et retracent des moments de

vie qui, en véhiculant des émotions et de l’af-

fect, donnent un sens à l’identité collective.

Dans le même esprit, certaines sociétés, à

l’exemple de Citroën, ont créé des musées.

Ils sont autant de témoignages de l’évolution

d’entreprises fortement enracinées culturel-

lement.

Le management à l’école du rugby

Une culture degroupe est le

meilleur moyen de construire uneéquipe qui gagne

Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 2007 11

LECTURE

mi-temps sont autant d’événements qui rap-

pellent sans cesse l’histoire et les valeurs du

club.

Diffusion des valeurs et de la culture dans l’entreprise

Pour ce qui est de l’entreprise, les choses sont

plus complexes. Tout d’abord, parce que la

plupart d’entre elles ne peuvent pas prendre

appui sur des histoires « clé en mains ». En-

suite, parce les couleurs de l’entreprise sont

souvent moins repérables que celles d’un club.

Hormis l’exception des uniformes, il n’y a pas

de « maillots ». Le seul moyen de véhiculer une

culture et des valeurs consistera plutôt en une

action volontariste de la part de ses dirigeants.

Dans l’entreprise, une des meilleures actions,

pour diffuser et faire partager au plus grand

nombre une même culture et des valeurs com-

munes, est la narration. Les histoires et les lé-

gendes aident l’organisation à accueillir de

nouvelles personnes, à s’adapter au change-

ment, à définir ce que sont les hommes et les

femmes qui la composent et ce qu’ils font.

Un des grands raconteurs de ces histoires mo-

dernes est le cofondateur d’Apple, Steve Jobs.

Il s’est servi des histoires où s’affrontaient le

bien et le mal pour donner de l’énergie à son

équipe.

Pendant que les développeurs travaillaient

jour et nuit, Steve Jobs les poussait en racon-

tant des histoires où se côtoyaient l’ombre et

la lumière. L’ogre IBM se voyait ainsi fustigé :

« Si l’on ne réussit pas, prédisait Steve Jobs,IBM sera le maître du monde. Si nous ne réus-sissons pas à être compétitifs avec des produitsplus innovants et plus performants que les leurs,alors ils prendront tout. […] Ils auront le plusgrand monopole de tous les temps. […] À partnous, personne ne peut arrêter IBM. ».Les dirigeants exceptionnels parviennent ainsi

à donner à leurs équipes le sens de l’ambition,

le sentiment que la tâche qui leur incombe est

À l’inverse, avec de bons résultats, des phé-

nomènes positifs vont se créer : des joueurs

et des entraîneurs de talent vont signer. Ils

travailleront dans une ambiance sereine. Les

sponsors suivront et paieront souvent cher

pour figurer sur le maillot. Les collectivités

communiqueront sur l’appartenance du club

à leur territoire et les droits de retransmission

viendront alimenter les caisses du club. Il sera

alors plus facile de formuler de nouvelles exi-

gences aux entraîneurs et aux joueurs en ter-

mes d’objectifs. Le club pouvant les rémuné-

rer plus correctement, une nouvelle émulation

va naître de l’arrivée de nouveaux talents.

Adversaire

La notion de famille doit enfin inclure

jusqu’aux adversaires car, pour exprimer ses

talents et progresser, une équipe a besoin de

se confronter à d’autres équipes. Et mieux

même, elle a besoin de perdre aussi pour pro-

gresser. Mais cela veut dire également que

plus une équipe va grandir, plus elle va avoir

besoin d’adversaires à sa taille. En cela, à

l’image du monde économique qui, encore et

toujours, se recompose, le jeu et le club sont

en perpétuel mouvement et renouvellement.

Vouloir et savoir viser plus haut

Faute d’histoires et de légendes, faute de my-

thes, le groupe ou l’équipe perd la vigueur

créatrice qui est sa force naturelle. Mieux vaut

donc une légende, même imparfaite, que pas

de légende du tout. S’il n’existe pas de raci-

nes, il va falloir en inventer.

Diffusion des valeurs et de la culture au sein du club

Pour ce qui est du club, le maillot, les suppor-

ters, la fièvre qui peut saisir une ville, la ma-

nière de célébrer les victoires ou, tout simple-

ment, les rites de ce qu’on appelle la troisième

Une équipe a besoinde perdre aussi pour

progresser

Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 200712

Imprimer sa marqueSi avoir une identité est une nécessité pour

tout groupe humain, la mettre en mouvement

est la condition de sa survie. Dans un club,

comme en entreprise, cela se traduit dans un

projet, en quelque sorte, une feuille de route

qui fixe les objectifs à atteindre.

Pour cela, il faut un dirigeant qui porte cet

état d’esprit. Il est important, en plus de cela,

de s’assurer que cette vision est bien parta-

gée par tous.

Rôle du dirigeant

Une organisation qui n’a pas à sa tête un di-

rigeant qui « tient la route » est par essence

très fragile. Les grands entrepreneurs, tous à

leur manière et avec leur propre personna-

lité, ont imposé un style. En tant que tels, ils

ressemblent à des aventuriers nés pour en-

treprendre, créer et développer.

Le dirigeant est l’expression incarnée du pro-

jet, que ce soit dans son entreprise ou auprès

des partenaires et des concurrents.

Si le dirigeant doit être solide moralement et

capable d’une grande énergie dans l’action, il

doit surtout être porteur d’une vision. Il doit

être ce qu’on appelle une « personnalité ». Au

sens premier du terme, il en est l’âme.

Dans le même temps, si les contours de cette

vision doivent être très clairs, le contenu

même n’est pas précisément défini. Le pro-

jet ne saurait donc être conçu comme un pro-

duit fini, mais davantage comme une roue

en mouvement qui s’enrichirait des événe-

ments, des évolutions du groupe, des apports

des uns et des autres.

Le projet peut être symbolisé par le ballon qui

doit vivre en permanence. Chaque joueur par-

ticipe à son mouvement avec un objectif clair :

apporter quelque chose en plus chaque fois

qu’il s’en empare pour aider à atteindre les

objectifs fixés qui passent par la capacité à

marquer le plus de points possible. � � �

monumentale, y compris quand le travail quo-

tidien n’a pas pour vocation de changer le

monde. C’est le cas, par exemple, de la so-

ciété Charles Schwab. Le PDG, David Pot-

truck, refusant de voir l’activité de son en-

treprise comme seulement de la gestion

financière, préfère dire à ses employés qu’ils

sont les conservateurs des rêves de leurs

clients. En s’assignant une cause qui dépasse

le simple commerce, en opposant une mis-

sion à une tâche, il a pu convaincre les em-

ployés que leur travail était essentiel pour le

bien-être de leurs clients.

Création d’histoires

La culture et les valeurs peuvent être véhicu-

lées à partir :

- d’un socle historique. Les racines de la terre

pour un club, la légende des entrepreneurs

pour l’entreprise ;

- d’histoires qui vont opposer le bien et le mal,

comme par exemple les nouveaux entrants

sur un marché qui vont se frotter aux « te-nants du titre » ;

- d’un scénario plus complexe souvent plus

efficace que les simples oppositions entre le

bien et le mal.

Pour l’entreprise qui ne pourrait se réclamer

d’une légende accompagnant ses créateurs,

ou pour un club qui ne pourrait s’appuyer sur

les seules racines de la terre, plusieurs points

doivent être réunis. La culture et les valeurs

doivent :

– être porteuses de sens : les salariés veulent

que ce qu’ils font soit important et crée une

différence concurrentielle ;

– engager ceux qui y adhèrent à faire partie de

quelque chose de plus grand qu’eux : cha-

cun doit se reconnaître comme partie pre-

nante d’une mission collective qui, de par

son importance et ses perspectives, consti-

tue une véritable aventure ;

– être porteuses de l’espérance d’appartenance.

Le management à l’école du rugby

Chacun doit sereconnaître comme

partie prenanted’une mission

collective

Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 2007 13

LECTURE

Facteurs clés de succès pour atteindre un objectif

Selon les plus grands entraîneurs, il faut pour

réussir :

- une capacité à « banaliser » l’objectif majeur

que l’on veut atteindre.

Pour atteindre un objectif, il faut le banali-

ser et, dans le même temps, rendre hom-

mage à la qualité et au travail exceptionnels

de l’équipe. C’est ce qu’a fait Aimé Jacquet

avec l’Équipe de France lors de la Coupe du

monde en 1998. Tout son discours a consisté

à répéter : « C’est mérité, c’est normal […] Ona tellement travaillé pour en arriver là », sous-

entendu, on a plus travaillé que les autres ;

- définir un objectif plus grand encore, de

sorte que l’atteinte du véritable objectif

fixé se fasse presque « de surcroît », pour

ne pas dire « par inadvertance ».

Pour atteindre un objectif, il faut l’intégrer

dans un objectif plus grand encore, un « méta-objectif ». C’est peut-être une des raisons pour

lesquelles le BO a perdu en finale de la Coupe

d’Europe 2006. L’objectif affiché, depuis le

début de la saison, était de devenir champion

d’Europe. Cet objectif était bien devenu l’ob-

jectif numéro 1. Peut-être donc aurait-il été

pertinent de relativiser cet objectif en l’inté-

grant dans un objectif plus grand encore

comme, par exemple, faire le doublé cham-

pion d’Europe et champion de France la même

année. Cela aurait peut-être enlevé un peu de

pression en finale du championnat d’Europe,

quitte à en remettre après pour faire le dou-

blé, mais, à ce moment-là, l’objectif d’être

champion d’Europe aurait été atteint ;

- de l’expérience.

L’expérience, c’est être déjà passé par-là, c’est

avoir déjà vécu physiquement une situation.

Cela permet de ne pas perdre d’influx. La

première fois, avant quelque chose d’impor-

tant, on ne dort pas toujours ; la quinzième

L’évaluation du degré de partage de la vision

du dirigeant est un indicateur de la cohésion

du groupe.

On est, à ce stade, véritablement dans la di-

mension stratégique.

Pour cela, le dirigeant va s’entourer d’un pre-

mier cercle de compétences qui est, dans les

grandes entreprises, celui du top manage-

ment.

Une des forces du dirigeant est d’attirer à lui

des talents et, surtout, de les fidéliser.

Fixer des objectifs et tutoyer l’excellence

Une fois le projet défini, il faut fixer des

objectifs.

Cela veut dire dessiner un plan de progres-

sion qui va permettre au groupe, non pas d’ac-

céder à l’excellence, mais de « réussir à la tu-toyer ».Se développer, progresser, atteindre des ob-

jectifs de plus en plus ambitieux, cela peut

être une force et une faiblesse. Une force parce

que, sans cette dimension, il y a fort à parier

que nous serions encore, à l’heure qu’il est,

au fond de quelques grottes. Une faiblesse

parce qu’une ambition mal maîtrisée peut

conduire au plus retentissant des échecs.

Ce n’est pas parce que des objectifs ont été

atteints qu’il faut à tous crins travailler tou-

jours à des objectifs encore plus ambitieux.

Un club peut très bien, en plein accord avec

son projet, avec ses valeurs, avec sa culture,

se trouver à sa place dans une division du

championnat qui n’est pas forcément l’élite.

Ce qui est vrai sur le terrain de rugby est

vrai aussi au niveau de l’entreprise. Comme

pour le rugby, il existe des temps de jeu, des

temps forts, des temps de développement

et des temps, a priori moins forts mais tout

aussi importants, de récupération des bal-

lons, de consolidation de position pour les

entreprises.

Pour atteindre unobjectif, il faut le

banaliser et, dans lemême temps, rendrehommage au travail

exceptionnel del’équipe

Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 200714

Résister aux tentations des illusions

Proche de la tentation manipulatoire, le ma-

nagement par l’affectif est une illusion car on

est dans le domaine de la performance et de

l’excellence.

En revanche, il faut se prémunir de l’illusion

qu’il y aurait à ne manager que de façon asep-

tisée. On peut dire les choses avec chaleur mais

en sachant doser.

Par ailleurs, si on souhaite manager par les

sentiments, c’est plus à des vertus positives,

telles que la générosité, la solidarité, l’engage-

ment, qu’il faut faire appel.

Elles permettent à l’individu de se mettre au

service du groupe et d’aller un peu plus loin

que ce qui était imaginé au départ.

Réussir à être authentique

Ce qui importe surtout, c’est que les entraî-

neurs ou les managers soient authentiques. Il

n’y a rien qui ne sonne plus faux que quelqu’un

qui voudrait faire du « chaleureux » alors qu’il

ne sait pas faire ou qui voudrait nettoyer son

discours de tout affect alors que ce n’est pas

sa façon de s’exprimer.

Les sept qualités du manager

Hors les tentations et les illusions, l’entraî-

neur, comme le manager, doit surtout déve-

lopper un certain nombre de qualités.

Il doit :

- être un relais des dirigeants.

Ils doivent élargir la perspective des hom-

mes dont ils ont la responsabilité. Ils sont

les relais, les courroies de transmission, un

peu de ce ballon qui doit ensuite passer à

chacune des personnes qui fondent l’équipe.

Comme le dirigeant, cela n’est possible que

si l’entraîneur et le manager ont suffisam-

ment confiance en eux ;

- savoir travailler en équipe.

Ils doivent être capables de réfléchir avec les

personnes de leur équipe à la meil- � � �

fois, on a du mal à se tenir éveillé. Pour pal-

lier, pour partie, à l’expérience globale d’une

équipe, on peut se reposer sur des joueurs

qui, parce qu’ils ont fait partie d’autres aven-

tures, ont acquis de l’expérience. Cela est évi-

demment très vrai pour l’entreprise. L’expé-

rience est infiniment plus utile que les cours

ou les théories car il n’y a pas deux situations

semblables. Il va donc falloir gérer l’incer-

tain, avoir une vision du métier à long terme

pour savoir où l’on veut aller, comment on

veut y aller et avec qui.

Mais, qu’il s’agisse de la définition d’un pro-

jet, de la définition des objectifs, de l’atteinte

de ces mêmes objectifs, qu’il s’agisse enfin

des techniques de banalisation, d’intégra-

tion de ce même objectif au sein d’un mé-

taobjectif, pour que cela fonctionne, il faut

créer un climat de confiance tel que rien,

désormais, une fois décidé, ne puisse être

impossible.

Management

Apprendre à l’école de l’entraîneur

Résister aux tentations de la « toute-puissance »

L’entraîneur, et le manager, doivent se défier

de la tentation « toute-puissante » de vouloir

courir plus vite que les athlètes, être meilleur

que les joueurs sur le terrain, être plus com-

pétent que les hommes et les femmes de son

équipe. Le manager doit se méfier d’autres ten-

tations telles que la tentation manipulatoire :

« réussir à faire penser les hommes et les femmesde mon équipe comme moi je pense », faire chan-

ger l’autre. En revanche, en tant que manager,

on peut travailler pour permettre aux hom-

mes et aux femmes de ses équipes de déve-

lopper des qualités, de travailler à l’améliora-

tion de leur mode de communication.

Le management à l’école du rugby

Ce qui importesurtout, c’est que les

entraîneurs ou lesmanagers soient

authentiques

Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 2007 15

LECTURE

- être capable de dire les choses.

Dans le même mouvement, la franchise est

une qualité indispensable de l’entraîneur et

une qualité essentielle pour la réussite de

l’équipe. Il faut dire les choses clairement,

même si c’est difficile pour un joueur d’ac-

cepter la critique. La franchise est l’une des

bases du métier d’entraîneur ;

- être solide moralement mais aussi, par

certains côtés, physiquement.

La septième qualité, enfin, mais elle sous-

tend toutes les autres, est la solidité de l’en-

traîneur. Il faut pouvoir tenir le coup psy-

chologiquement et physiquement.

« Mouiller le maillot »

L’entraîneur, au quotidien, comme le mana-

ger, n’est confronté qu’à une seule question :

celle de la décision. Cette question, si elle n’est

pas toujours présente, refait surface chaque

fois qu’un système de jeu prévu et mis en place

doit évoluer, chaque fois que les automatismes

doivent être modifiés.

Savoir prendre des initiatives

Savoir prendre des initiatives, profiter des oc-

casions et des opportunités, doit être le réflexe

de chacun.

Pour innover, une équipe sur le terrain peut,

par exemple, mettre en place une nouvelle dé-

fense, travailler de nouvelles combinaisons de

jeu ; elle peut aussi, dans le cours du match,

« improviser » et inventer en fonction de telle

ou telle situation.

S’inscrire dans une démarche de progrès

Il faut tout mettre en œuvre au quotidien pour

se donner les moyens de progresser. Ces pro-

grès se faisant finalement beaucoup par essai

de solution et élimination de l’erreur.

Il faut aussi regarder ce qui se passe ailleurs

pour s’en inspirer et créer de nouvelles com-

binaisons pertinentes.

leure solution possible. Ils doivent impliquer

les hommes et les femmes avec qui ils travail-

lent pour les solliciter, pour recueillir leurs

avis, leurs suggestions. Enfin, et surtout, ils

doivent savoir déléguer, bref faire confiance ;

- savoir se remettre en cause.

Au-delà de leur remise en cause au niveau

personnel, ils doivent être capables de re-

mettre en cause les choix qui ont pu être

faits, et notamment en matière de stratégie.

Cette faculté à se remettre en cause doit al-

ler de pair avec une grande modestie par

rapport à leurs résultats ;

- faire progresser les personnes individuel-

lement et collectivement.

Ils doivent faire progresser chaque personne

et, au-delà, toute l’équipe. C’est même la rai-

son d’être de l’entraîneur et du manager.

Pour faire progresser un joueur, on peut tra-

vailler sur sa polyvalence (sa capacité, à la

fois, à pénétrer, à jouer au pied, à distribuer,

à défendre…) ou lui donner d’autres respon-

sabilités ;

- avoir des relais au sein même de ses équipes.

Le premier de ces relais, c’est le capitaine.

Le capitaine a un rôle de leader sur le ter-

rain. Il a pour mission de regrouper les for-

ces, de resserrer et de reconcentrer les équi-

piers. C’est lui qui met en place la stratégie

que l’on va adopter et qui est soumise aux

joueurs en essayant d’être le plus persuasif

possible.

Le deuxième de ces relais, ce sont les joueurs

cadres. Les joueurs cadres sont souvent des

meneurs ; ils ont un impact fort et même une

certaine ascendance sur les autres joueurs.

Ils portent et ils véhiculent les valeurs du

club. Si ce n’est pas obligatoire, ils sont sou-

vent un peu plus âgés que les autres joueurs.

Cela signifie également qu’on ne veut pas de

star dans une équipe. Des gars solidaires :

oui. Des gars généreux : oui. Mais des « ga-lactiques » : non. « La star, c’est le club. » ;

Savoir prendre desinitiatives, profiter

des occasions et desopportunités, doitêtre le réflexe de

chacun

Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 200716

Le succès ne doit pas apparaître

comme une fin en soi mais comme

une étape quipermet d’envisager

de nouvellesconquêtes

Savoir rester concentré

Tout se joue sur les détails, à commencer par

la victoire. Une des questions que va donc

devoir résoudre l’entraîneur est la capacité à

garder ses joueurs sous une bonne pression,

que ce soit pendant les matchs ou pendant

les entraînements, de façon à ce qu’ils res-

tent le plus concentrés possible.

Ce qui importe, c’est de réussir à faire en sorte

que la pression ne soit pas vécue comme un

facteur négatif mais qu’elle puisse être vécue

comme un facteur positif. Pour exploiter son

potentiel et même trouver des ressources qu’un

joueur ne soupçonne pas en lui, pour que,

dans le match, cela devienne naturel, il faut

que la pression soit mise pendant toute la du-

rée des entraînements. On peut imposer des

exercices de façon plus rapide que ce qui se

passe durant les matchs. C’est la condition

pour qu’un geste puisse se faire, par la suite,

sans que le joueur ne se pose de question.

Savoir gérer les succès et les échecs.

Un succès, cela rend plus fort. C’est une évi-

dence.

Le succès ne doit pas apparaître comme une

fin en soi mais comme une étape qui permet

d’envisager de nouvelles conquêtes. Un som-

met a été atteint, mais la chaîne des Pyrénées

qui s’étend devant les joueurs et les entraî-

neurs est pleine de nouvelles promesses. Si

ce travail n’est pas fait, alors le sommet d’après

ne sera pas atteint.

Quant aux défaites, cela fait partie de l’aven-

ture humaine. On en tire toujours des ensei-

gnements.

Pour surmonter une défaite, pour relever la

tête, pour se remobiliser, pour repartir de

l’avant, c’est exactement comme pour dépas-

ser un succès. Il faut l’analyser, le disséquer

et le décortiquer de A à Z. Il faut prendre en

compte tous les paramètres,

poser toutes les questions,

aller au fond de l’analyse et

s’expliquer clairement. �

Le management à l’école du rugby

Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 2007 17

Un autre ouvrage consacré au même sujetvient également d’être récemment publié.Il décrit, en sept chapitres, les chemins parallèlesdu management et du rugby.

« L’esprit rugby, pour un autre leadership »de Vincent Lafon et Pierre VillepreuxEditions Village Mondial, Août 2007200 pages, 19 €

A l’heure où Nicolas Sarkozy annonce vouloir une nouvelle fois assouplir les 35 heures,Jacques Barthélémy alerte sur le technocratisme de notre droit de la durée du travail etpointe du doigt les paradoxes qui le caractérisent.Voilà un droit qui incite de plus en plus à la négociation d’accords dérogatoires maismaintient, voire accroît, parallèlement le poids de la loi au prétexte de la fonctionprotectrice qu’il est censé assurer.Malgré la volonté de simplification proclamée par tous les gouvernements, le législa-teur entre dans le détail au lieu de poser des principes et délimite inutilement l’espacelaissé aux accords collectifs. Ce qui aboutit à une complexité accrue et une ineffectivitédes textes.La méprise sur la vraie portée de la durée légale du travail et l’ignorance des souplessesnégociables avec les partenaires sociaux empêchent le déploiement de stratégies har-dies et adaptées au contexte de l’entreprise.Le temps partiel est, dans le Code du travail, une déclinaison du temps choisi alors qu’ilest en réalité souvent subi. Sous l’impulsion des partenaires sociaux, c’est un droit au« libre choix » du temps de travail et des heures supplémentaires qui devrait être ins-tauré, permettant de gommer la différence entre temps plein et temps partiel.Enfin, l’emboîtement les uns dans les autres des articles du Code du travail, souventpar simple commodité technique, conduit en cas d’infraction à des condamnations encascade, ce dont personne n’a vraiment conscience…

LES APARTÉS DE JACQUES BARTHÉLÉMY

Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 200718

Durée du travail :un droit du paradoxe

incitatives, à savoir neutralité fiscale des rému-

nérations correspondantes pour le salarié,

exonération de charges sociales pour le sala-

rié et pour l’employeur. Quelle que soit in finel’efficacité du dispositif en terme de pouvoir

d’achat, donc de croissance économique (et

d’emploi ?), celui-ci va une nouvelle fois accen-

tuer la tendance à la technocratisation d’un

droit dont la maîtrise est réservée à quelques

initiés. C’est plus qu’un toilettage qui serait

nécessaire pour que l’usager du droit puisse y

voir clair ; une refonte totale est indispensable.

La loi médiatisée par le slogan

« travailler plus pour gagnerplus » doit être saluée comme

un tour de force en ce qu’elle

réussit à ne modifier en rien le

Code du travail ! Seuls le droit de la sécurité

sociale et le droit fiscal sont touchés. Plutôt

que réformer le droit de la durée du travail

— dont la complexité est telle qu’elle induit

son ineffectivité — on s’attache à (seulement ?)

créer l’envie (le besoin ?) d’augmenter le vo-

lume des heures de travail par des mesures

Par Jacques BarthélémyAvocat conseil en droit socialAncien Professeur associé à laFaculté de droit de MontpellierCréateur du Cabinet JacquesBarthélémy et associés

elle a pour objet de décliner une autre direc-

tive en date du 12 juin 1989, consacrée spéci-

fiquement à la santé. Certes, cette filiation re-

lève d’un souci d’augmenter les chances de

donner vie à ce texte : si, en effet, la directive

de 1993 avait été conçue sous l’angle de l’or-

ganisation du travail, l’unanimité était requise.

Or, la Grande-Bretagne était hostile à un texte

communautaire sur la durée du travail. En po-

sitionnant le débat sur le terrain de la santé,

la majorité qualifiée suffisait. Ceci étant, cet

ancrage du droit de la durée du travail sur

celui de la santé et de la sécurité ne peut que

produire des effets. C’est ainsi que la Cour

de justice des communautés européennes a

annulé le dispositif de cette directive concer-

nant le repos dominical (2). Si, au nom de la

santé et de la sécurité des travailleurs, un re-

pos chaque semaine s’impose, cet objectif ne

saurait justifier que ce repos soit pris le diman-

che. Plus fondamentalement, cette finalité exige

des durées maxima de travail et encore plus

un repos minima entre deux jours, deux se-

maines, deux années de travail. Elle ne peut

par contre se concrétiser par une durée légale,

surtout si celle-ci n’est — comme c’est le cas

dans le droit français — qu’un seuil de déclen-

chement de droits à rémunération majorée et

à repos compensateur.

Un autre exemple illustre l’importance de

l’ancrage du droit de la durée du travail sur

celui de la santé : c’est le régime des équi-

valences. Au regard de la définition du temps

de travail effectif telle qu’elle résulte de l’ar-

ticle 2 de la directive, la notion française

des temps d’équivalence ne peut prospérer.

Ceci étant, la requalification en temps de

travail effectif n’a d’effet que pour la déter-

mination de la durée maximum de travail

et les repos minima. Elle ne saurait

Durée du travail : un droit du paradoxe

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Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 2007 19

Désintérêt des universitaires

Pendant longtemps, le droit de la durée du tra-

vail n’a pas intéressé la doctrine. Ses représen-

tants le dédaignaient en raison de son carac-

tère trop réglementaire. Il est significatif, par

exemple, que, dans la célèbre collection Ca-merlynck, le tome sur la réglementation — dont

la durée du travail est un élément important

— soit le seul à avoir été confié non à un uni-

versitaire mais à un praticien (certes excellent).

Pourtant, d’importantes questions se posaient,

telles que la convergence de la définition du

temps de travail en droit du travail et en droit

de la sécurité sociale, le caractère impératif (ou

non) du module hebdomadaire d’un côté et

de l’horaire collectif d’un autre côté, l’identifi-

cation de ce qui est d’ordre public au sens strict

et civiliste du terme, d’autant plus essentielle

que, en cette matière, les normes concrétisent

un objectif de protection de la santé et de la

sécurité des travailleurs.

En préambule de l’ouvrage des conseillers Syl-vie Bourgeot et Michel Blatman, consacré à « l’étatde santé du salarié » (1), le président de la cham-

bre sociale de la Cour de cassation, Pierre Sar-gos, indique avec pertinence que l’ensemble

des normes intéressant la protection de la santé

consacre un véritable droit fondamental du

travailleur, son droit à l’intégrité physique.

Durée du travailet protection de la santé

A cet égard, il n’est pas inutile de rappeler que

la directive du 23 novembre 1993 sur la du-

rée du travail — que les lois Aubry ont, par cer-

taines de leurs dispositions, transposée dans

notre droit interne — s’inscrit dans un objec-

tif de protection de la santé et de la sécurité

des travailleurs. Non seulement ladite direc-

tive fait allégeance à cet objectif, mais encore

(1) Bourgeot S. et Blatman M., L’Etat de santé du salarié, Edition Liaisons, collection droit vivant, 2005. (2) CJCE, 12 nov. 1996,aff. C-84/94, Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande c/ Conseil de l’Union européenne.

LES APARTÉS DE JACQUES BARTHÉLÉMY

affecter les effets de la durée légale (qui n’est

qu’un seuil de déclenchement des droits),

en particulier sur les rémunérations (3).

Durée du travail et progrès social

Quelle que soit l’importance de l’objectif de

protection de la santé et de la sécurité, le droit

de la durée du travail se justifie pourtant à

d’autres titres : celui du progrès social qui,

pour le coup, peut expliquer une durée lé-

gale, peu important que celle-ci ne soit pas

impérative. Cela peut notamment impulser

la réduction de la durée effective du travail

ou le libre choix, éléments d’amélioration des

conditions de travail, et optimiser le fonction-

nement des entreprises à partir d’horaires

adaptés à l’activité.

Rôle déterminantde la négociation collective

Ces objectifs, distincts mais complémentai-

res de celui de protection de la santé, ne peu-

vent qu’inviter à une réflexion sur la source

de droit la plus apte à faciliter la concrétisa-

tion de ce droit.

Si l’on excepte les normes impératives inspi-

rées du souci de protection de la santé, c’est

au tissu conventionnel qu’il faut confier cette

responsabilité.

La nature contractuelle prioritaire de la

convention collective lui permet d’adapter

les normes à un contexte précis et/ou à un

objectif déterminé, ce qui favorise la conci-

liation entre efficacité économique et pro-

grès social ; sa nature complémentaire de

loi professionnelle, consacrée par sa fonc-

tion normative, l’autorise à créer au profit

des travailleurs ces droits qu’il leur est im-

possible de négocier individuellement en

raison du caractère déséquilibré de la rela-

tion contractuelle.

Nécessité d’un droitlégal de la durée du travail

On peut alors soutenir que fixer une durée

légale du travail est important, même si un

débat doctrinal est nécessaire pour en cerner

à la fois le niveau et la nature ainsi que les

avantages tirés par le salarié de son dépas-

sement. Plus fondamentalement, un droit

légal de la durée du travail est indispensable.

Au demeurant — et pour la raison première

exprimée ci-dessus — les premiers textes in-

téressant le droit du travail ont concerné la

durée du travail (protection des femmes, des

jeunes, repos hebdomadaire…). Ce n’est pour-

tant qu’assez tard qu’une législation d’en-

semble sur ce thème voit le jour au travers

de lois phares du Front Populaire, celle du

21 juin 1936 immortalisée par la semaine de

40 heures et celle du même mois (20 juin

1936) instaurant un droit à congés annuels

(deux semaines à l’époque).

Extrême sensibilité des questionsde durée du travail

Le thème de la durée du travail est chargé d’af-

fectivité, la réduction du volume des heures

travaillées étant au cœur des revendications

sociales depuis l’aube de l’ère industrielle. La

récente loi votée par le Parlement visant à

concrétiser le slogan « travailler plus pour ga-gner plus » l’est tout autant, et ceci quelle que

soit la justification de ce dispositif au plan

économique. Rien d’étonnant en conséquence

à ce que la tension monte chaque fois qu’un

texte intéressant ce domaine est en prépara-

tion. Ce contexte conduit du reste, souvent

au mépris du rationnel, à louer (ou rejeter)

des projets qui s’inscrivent dans la continuité

par rapport aux textes préexistants que l’on

avait critiqués (ou loués). Ainsi, et au-delà des

polémiques, la loi Seguin de 1987 et la loi

(3) Cass. soc., 13 juin 2007, no 06-40.823.

Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 200720

élargi et l’importance des effets de celles-ci s’est

accrue, mais encore l’atteinte au principe de

faveur qui résulte de cette technique suscitait

la nécessité de compléter l’exigence de repré-

sentativité des acteurs de la négociation par

une exigence complémentaire de légitimité.

Représentativitédes organisations syndicales

Tant que l’objet de la négociation n’est que de

créer des avantages plus favorables, il importe

peu que le syndicat signataire ait une audience

modeste puisque l’ordre public social interne

à la collectivité concernée n’est pas menacé. La

légitimité des acteurs s’impose par contre lors-

que le principe de faveur voit son champ et sa

portée relativisés ; la négociation tend alors à

privilégier l’intérêt de la collectivité sur celui

de l’individu. Cela permet de soutenir que la

technique de dérogation confère à la collecti-

vité concernée une certaine consistance juri-

dique : si, en effet, des syndicats de salariés si-

gnent un accord écartant une norme légale —

ou instaurant un avantage moins favorable que

celui émanant d’un accord de rang supérieur —

c’est que, en contrepartie, ils ont obtenu des

avantages et qu’ils estiment cet accord plus fa-

vorable dans l’ensemble. On peut ainsi avoir

échangé flexibilité (des horaires) contre réduc-

tion du nombre des heures et niveau de l’em-

ploi, ce qui revient à sacrifier un avantage in-

dividuel au profit d’un avantage collectif. Le

problème est d’autant plus sérieux que, selon

l’article L. 135-2 du Code du travail, les avan-

tages nés d’un accord collectif, s’ils s’appliquent

aux contrats de travail en cours sauf disposi-

tion plus favorable, ne s’y incorporent pas.

Au vu de ce qui précède, la loi Fillon sur le dia-

logue social peut apparaître comme l’aboutis-

sement d’un processus engagé par l’ordon-

nance des 39 heures, ce qui en surprendra

plus d’un ! En facilitant la mesure positive de

la légitimité grâce à l’accord majoritaire,

quinquennale de 1993 s’inscrivent dans le

prolongement de l’ordonnance des 39 heu-

res du 16 janvier 1982. De même, la loi de

janvier 2003 sur les heures supplémentaires

n’est pas aussi attentatoire aux lois Aubry

qu’on veut bien le soutenir. Ceci étant, le jeu

politicien a des effets d’autant plus graves sur

l’économie de cette réglementation que,

contrairement à ce qui vaut dans nombre

d’états voisins, la part de responsabilité des

élus de la nation y est excessive. Cela conduit

à une situation paradoxale, d’autant plus à

fustiger qu’elle contribue à la complexifica-

tion, donc à l’ineffectivité, de ce droit !

Premier paradoxe

On incite au développement du droit conven-

tionnel et, en même temps, on accroît subs-

tantiellement le poids de la loi.

Extension des dérogationsconventionnelles

Le droit de la durée du travail est le domaine

dans lequel la place conférée au contrat col-

lectif est la plus importante dans notre arse-

nal juridique et, simultanément, le volume des

textes légaux y est hypertrophié. A cet égard,

il est important de souligner que le dispositif

le plus marquant de l’ordonnance des 39 heu-

res n’est pas la réduction de la durée légale du

travail mais l’introduction de la technique de

dérogation ; elle permet de rendre la norme

légale ou réglementaire supplétive d’un dis-

positif conventionnel. Du reste, c’est cela qui

est à l’origine de l’intérêt de la doctrine pour

le droit de la durée du travail. Toutefois, on n’a

pas pris alors la mesure du bouleversement

que cette brèche dans la hiérarchie des sour-

ces allait provoquer : non seulement loi après

loi — que le gouvernement soit de droite ou

de gauche — le champ des dérogations s’est

Durée du travail : un droit du paradoxe

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Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 2007 21

LES APARTÉS DE JACQUES BARTHÉLÉMY

Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 200722

cette loi affine en effet un dispositif — le droit

d’opposition — qui ne la mesure que négati-

vement.

Fonction protectrice de la loi

On peut comprendre que, au nom de la fonc-

tion protectrice du droit du travail, le tissu lé-

gislatif reste abondant tant que, par la mise

en œuvre de la technique de dérogation, le

droit conventionnel n’a pas de fait été mis en

situation d’assurer cette fonction au-delà des

normes consacrant un objectif de protection

au sens civiliste de la notion d’ordre public.

Le thème de la durée du travail est celui sur

lequel on a le plus négocié depuis 20 ans, ceci

en raison des gains potentiels de productivité

susceptibles de naître de l’optimisation des

normes grâce à la technique de dérogation

mais aussi aux mesures d’incitation, spéciale-

ment sous forme d’exonérations de charges

sociales. Le tissu conventionnel, de branche

aussi bien que d’entreprise, est dès lors très

abondant concernant le thème de la durée du

travail et, dans de nombreux domaines, il a

rendu de fait caducs certains règlements.

Boulimie législative

Pourquoi conserver un tissu législatif aussi

dense et, pire, pourquoi continuer à le faire

enfler ? Ainsi, alors que, usant de la faculté of-

ferte à la convention de branche étendue et à

l’accord d’entreprise de déroger aux modali-

tés de répartition et d’aménagement des ho-

raires fixés réglementairement, les conventions

collectives ont largement adapté les normes

aux mutations du travail nées des effets des

progrès des TIC, pourquoi n’abroge-t-on pas

les décrets d’application de la loi des 40 heu-

res ? Ils sont en effet les textes d’application

d’une loi dont l’économie générale est radica-

lement différente de celle d’aujourd’hui, née

de l’ordonnance des 39 heures. Pourquoi, de

même, encadrer dans le détail la dérogation ?

On peut considérer que, en raison du déséqui-

libre contractuel, elle doit être prohibée. Si on

y a recours, c’est qu’on admet que, contraire-

ment à ce qui vaut pour le contrat de travail,

l’équilibre des pouvoirs est possible dans la

négociation de l’accord collectif. D’où, du reste,

la nécessaire relativisation de la critique ma-

jeure à l’égard de la loi Fillon sur le dialogue

social : la réduction du champ du principe de

faveur n’est pas attentatoire à la fonction pro-

tectrice du droit du travail à la double condi-

tion que l’exigence de représentativité des né-

gociateurs soit complétée par une exigence de

légitimité et que les règles de conduite de la

négociation soient fixées par accord des par-

ties afin de garantir équilibre des pouvoirs,

comportement de bonne foi, exécution loyale

pour que le contrat puisse faire la loi des par-

ties au sens de l’article 1134 du Code civil. La

loi Fillon n’a toutefois concrétisé que la pre-

mière de ces deux exigences.

Le goût du législateur pour les détails au mé-

pris de la Constitution, qui lui assigne comme

tâche de surtout fixer les principes, témoigne

de sa suspicion à l’égard de la capacité des ac-

teurs sociaux à créer leur loi commune. En ou-

tre, cet excès de lois contribue largement à

l’ineffectivité de la loi car, devenue trop com-

plexe, nul ne la connaît. Enfin, le législateur

devrait, par souci déontologique, examiner

scrupuleusement la compatibilité de disposi-

tifs qu’il entend ajouter à ceux préexistants.

Le droit des repos compensateurs atteste qu’en

n’ayant pas ce réflexe, il pollue gravement le

droit de la durée du travail.

Deuxième paradoxe

L’intention de chaque gouvernement est de sim-

plifier et de contractualiser le droit de la durée

l’usine à celle du savoir et où l’autonomie de

plus en plus grande des travailleurs induite

des progrès des TIC susciteront l’évolution

des critères identitaires de la notion de du-

rée du travail comme de ceux de la subordi-

nation juridique qui les conditionnent. Par

contre, quel intérêt tire-t-on de la déclinaison

de cette définition pour l’appliquer à des ca-

tégories de travailleurs et/ou à certaines sé-

quences de la vie du travailleur ? La notion

de temps de travail étant d’ordre public, c’est

des éléments de fait que doit se déduire la

qualification juridique des différents temps.

En définissant le régime juridique des temps

de travail des cadres ou en ciselant les temps

d’astreinte ou de déplacement, le législateur

ne fait que compliquer les choses dès lors

que le juge, qui doit tenir compte des élé-

ments de fait, ne peut que tenter alors de pro-

céder à des subdivisions, ce à quoi, du reste,

la doctrine le prépare (4).

Encadrement législatifexcessif des dérogationsconventionnelles

Le législateur doit fixer les domaines où la

dérogation peut prospérer, faute de quoi les

principes sur lesquels le droit du travail a

fondé son autonomie seraient bafoués. Pour

autant, est-il nécessaire qu’après avoir ou-

vert cet espace d’autonomie au droit conven-

tionnel il brime la créativité des acteurs so-

ciaux en fixant des limites à la dérogabilité,

lesquelles ne devraient naître que de l’ap-

plication de règles d’ordre public ortho-

doxe ?

Par ailleurs, cette pratique législative ex-

pose le tissu conventionnel à un risque de

judiciarisation excessive, le contrat faisant

alors difficilement (seul) la loi des parties.

Enfin, elle a pour effet de maintenir

du travail. In fine, c’est à plus de complexité et

plus de tissus législatifs qu’on assiste.

De la volonté affichéeà la réalité

Chaque ministre du Travail auteur d’un des

projets de lois intéressant la durée du tra-

vail depuis l’ordonnance des 39 heures a af-

fiché la belle intention de simplifier et de fa-

voriser la contractualisation en cette matière.

Après le vote du Parlement, on arrive systé-

matiquement à la situation inverse, marquée

par plus de complexité et un volume de tex-

tes législatifs plus abondant.

Il est certes des complexités qui se justifient

par la fonction protectrice du droit du tra-

vail, notamment pour promouvoir les droits

et libertés fondamentaux. Ailleurs, elles sont

d’autant plus critiquables qu’elles condui-

sent à l’effet inverse de celui poursuivi, donc

à l’ineffectivité du droit, en rendant inintel-

ligibles les textes et en provoquant une dé-

rive technocratique dans la déclinaison de

la règle.

Définition illusoire du tempsde travail effectif par la loi

Un exemple, plus qu’un long discours, éclai-

rera ce propos. On ne peut qu’approuver la

loi Aubry I d’avoir défini le temps de travail

effectif, encore que l’on s’en soit passé sans

dommage pendant 60 ans, la jurisprudence

ayant largement suppléé à cette carence.

Mieux, ses définitions ont évolué dans le

temps pour tenir compte des effets des mu-

tations du travail. Mais il fallait transposer

la directive du 23 novembre 1993 qui défi-

nit le temps de travail.

Ceci étant, le texte actuel de l’article L. 212-

4 ne résistera pas à l’épreuve du temps dans

la mesure où le passage de la civilisation de

(4) Barthélémy J., « La notion de temps de travail effectif, son évolution, sa déclinaison », Semaine juridique social, oct. 2005.

Durée du travail : un droit du paradoxe

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Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 2007 23

LES APARTÉS DE JACQUES BARTHÉLÉMY

Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 200724

le volume de la loi à un niveau anormale-

ment élevé, au mépris de l’intérêt tant des

salariés que des entreprises.

Technocratisme, dévaluationet judiciarisation du droitde la durée du travail

Au demeurant, la boulimie législative conduit

à une dérive technocratique qui a des effets

inverses de ceux que peut procurer la place

plus importante du tissu conventionnel qu’au-

torise la technique de dérogation. Cette dé-

rive est d’autant plus préjudiciable à l’intérêt

général qu’employeurs et salariés sont

confrontés en permanence au droit social.

Cette technocratisation et la complexité du

droit de la durée du travail font alors que les

stratégies sont conduites sans s’inquiéter du

droit que l’on ne sollicite que pour mettre en

forme les actes et même seulement pour dé-

nouer les litiges. Il en résulte une dévalua-

tion du droit, perçu alors seulement comme

une somme de contraintes. Il en résulte aussi

une judiciarisation excessive du droit du tra-

vail qui ne peut qu’entraîner des réflexes

contraires à la dynamisation et à la créativité

en matière d’emploi.

Troisième paradoxe

L’opposition entre apparence et réalité conduit

à des stratégies déviantes.

Apparence et réalité

De l’ordonnance du 16 janvier 1982, on n’avait

retenu que la réduction de la durée légale du

travail de 40 heures à 39 heures, donc la remise

en cause d’un symbole quasi mythique. Déjà

les critiques se focalisaient sur les effets dévas-

tateurs sur le plan économique, donc sur le

plan de l’emploi, de la réduction du volume des

temps de travail. C’était confondre durée légale,

qui n’est qu’un seuil, et durée effective, la confu-

sion étant toujours vivace 20 ans plus tard, ses

effets dans l’opinion ayant été accentués par la

réduction de la durée légale à 35 heures.

Partie immergée de l’iceberg

Le passage de la durée légale de 40 à 39 heu-

res, aujourd’hui de 39 à 35 heures, outre

qu’on lui confère des effets directs qu’elle

ne peut pas avoir, était (en 1982, puis en

1998) la partie visible de l’iceberg. L’essen-

tiel est ailleurs, masqué par la ligne de flot-

taison et dont, de ce fait, on méprise, voire

on ignore, l’impact. L’économie de la régle-

mentation de la durée du travail actuelle née

de l’ordonnance du 16 janvier 1982 tranche

avec celle de la loi du 21 juin 1936, dite des

40 heures, par trois caractéristiques essen-

tielles.

Effet de simple seuil de la durée légale

On est d’abord passé d’un régime d’auto-

risation systématique de toutes les heures

supplémentaires à un régime de simple dé-

claration dans la limite d’un contingent an-

nuel. Cela a considérablement accru la qua-

lification de simple seuil de la durée légale,

davantage du fait qu’au contingent régle-

mentaire on pouvait déroger en plus ou en

moins par convention collective de bran-

che étendue. La qualification de simple seuil

de la durée légale est encore plus nette de-

puis que, par les effets conjugués de la loi

de janvier 2003 et de celle du 4 mai 2004,

d’un côté le droit à repos compensateur de

100 % est aligné sur le contingent conven-

tionnel et non plus réglementaire, de l’au-

tre la source de droit créatrice de ce contin-

gent dérogatoire peut aussi être un accord

d’entreprise.

Autant dire que l’affirmation, très habituelle,

selon laquelle on a obligé, avec les lois Au-

bry, à ramener l’horaire collectif à 35 heures

l’horaire collectif en simple horaire de réfé-

rence, entrées et sorties décalées, est désor-

mais possible sous différentes formes. Une

nouvelle fois, on s’aperçoit que la critique

faite aux lois Aubry de construire un carcan

administratif ne tenant pas compte de la spé-

cificité de l’activité professionnelle doit être

tempérée dès lors que dérogations aux mo-

dalités de répartition de l’horaire collectif

dans la semaine ou sur une période plus lon-

gue et les aménagements des temps par des

entrées et sorties décalées sont largement fa-

cilités, particulièrement au travers d’accords

dérogatoires tant de branche que d’entre-

prise. Au demeurant, cette critique ne sau-

rait viser que les lois Aubry dès lors que, sur

ce domaine des aspects qualitatifs du droit

de la durée du travail, ces lois s’inscrivent

dans le chemin tracé par l’ordonnance de

1982 et élargi par les lois intermédiaires, Se-

guin de 1987 et quinquennale de 1993 no-

tamment. La relativisation de la portée du

modèle hebdomadaire et la réduction du rôle

de l’horaire collectif au rang de simple ho-

raire de référence sont des instruments de

flexibilité d’autant plus à utiliser que, par la

négociation collective, la plus grande har-

diesse est possible en la matière.

Extension des dérogationsconventionnelles

Le caractère désormais supplétif de nom-

bre de normes légales et réglementaires à

l’égard du tissu conventionnel autorise en-

fin une ingénierie juridique permettant d’op-

timiser le fonctionnement de l’entreprise

par l’adaptation des normes aux spécifici-

tés de l’activité et aux objectifs stratégiques.

Sous cet angle, la technique de dérogation

doit être rapprochée des dispositions de la

loi du 13 novembre 1982 relative à � � �

Durée du travail : un droit du paradoxe

Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 2007 25

est totalement infondée, surtout si l’on prend

en considération que, pour la jurisprudence,

le maintien de l’horaire de 39 heures n’oblige

pas à l’augmentation des salaires de 39/35e (5).

Si réduction massive de la durée effective du

travail il y a eu, les causes en sont davantage

à rechercher dans les exonérations de char-

ges accompagnant la signature d’un accord

dit « ARTT » et la réduction de l’horaire col-

lectif échangée contre la flexibilité. Au de-

meurant, il est significatif que, au moment

où l’on entend inverser la tendance en inci-

tant à travailler plus, on ne songe même pas

à modifier, sinon supprimer, la durée légale,

ce qui atteste qu’elle est un seuil de moins

en moins contraignant. Un simple accord

d’établissement pourrait — en portant le

contingent à 440 heures (au lieu de 220 heu-

res) — permettre un horaire collectif égal à la

durée maximum de 44 heures en moyenne

sur deux semaines consécutives ! Si l’on en-

tend donner sa pleine mesure à la loi récente

consacrant le slogan « travailler plus pour ga-gner plus », il faudra bien que, notamment

dans les entreprises, on négocie une déroga-

tion au contingent réglementaire, par exem-

ple en contrepartie d’un relatif libre choix du

salarié dans l’exécution des heures supplé-

mentaires au-delà de l’horaire collectif (le-

quel peut être fixé au-delà de 35 heures).

Relativisation du cadre hebdomadaireet de l’horaire collectif

Le module hebdomadaire s’est transformé

ensuite en simple module de droit commun

auquel on peut aisément substituer — par la

négociation — un cycle plurihebdomadaire

ou la modulation annuelle alors que précé-

demment il était impératif, sauf cycles pré-

vus par le décret professionnel de la loi des

40 heures. De même, la transformation de

(5) Cass. soc., 13 juin 2007, no 05-44.843 ; Cass. soc., 13 juill. 2005, no 04-47.265.

LES APARTÉS DE JACQUES BARTHÉLÉMY

Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 200726

la négociation annuelle obligatoire (L. 132-

27 à L. 132-29). Les objets de cette négo-

ciation — salaires et temps de travail — sont

ceux traitant des moyens de concrétiser les

projets que l’entreprise poursuit pour un

exercice. Or, salaire et temps de travail sont

des domaines où la dérogation est possi-

ble. Cela permet d’optimiser les moyens

servant à la réalisation des objectifs sans

pour autant faire perdre au droit du travail

sa fonction protectrice naturelle. Sous cet

angle et une nouvelle fois, la loi Fillon sur

le dialogue social accroît la tendance en re-

lativisant le champ et les effets du principe

de faveur dans les rapports entre conven-

tion de branche et accord d’entreprise et

en permettant à ce dernier de déroger à la

loi dans tous les domaines où la conven-

tion de branche est autorisée à le faire, donc,

pour l’essentiel, dans celui de la durée du

travail. Il faut aussi souligner la relation sus-

ceptible d’exister concrètement — à partir

de la stratégie sociale de l’entreprise — en-

tre négociation triannuelle sur la GPEC et

technique de dérogation (6).

Bref, le droit de la durée du travail est le

creuset d’un droit du travail conciliant éco-

nomique et social grâce à une plus grande

autonomie du droit conventionnel. Le fait

qu’on n’en ait généralement pas conscience

empêche concrètement le déploiement de

stratégies adaptées. Mais il est vrai que cela

passe inévitablement par le recours à la né-

gociation et que nombre de dirigeants de

PME y sont allergiques. Certaines organi-

sations répugnent par ailleurs à entrer dans

le jeu de la négociation dérogatoire et de

l’accord « gagnant-gagnant » qui en découle (7).

Il n’est pas inutile de souligner alors que la

loi du 4 mai 2004 autorise le transfert du

pouvoir de négociation dans les PME sur

les institutions représentatives du person-

nel à condition que la convention collec-

tive de branche l’ait prévu et ait organisé la

procédure « d’agrément » de ces accords

d’entreprise par la commission paritaire de

la branche. Il convient alors de définir si le

contrôle de celle-ci est d’opportunité ou

seulement de légalité. Il est surprenant que

les négociateurs de branche ne se saisissent

pas de ce qui pourrait être un levier formi-

dable de développement de la négociation

d’entreprise.

Quatrième paradoxe

L’architecture de l’opposition entre temps

choisi et temps subi est gauchie par l’oppo-

sition entre temps plein et temps partiel. Les

dérives en ce domaine sont une nouvelle fois

la résultante d’approches affectives condui-

sant à des postulats faux. Ainsi, derrière

« temps choisi » on entend généralement

« temps partiel » qui est souvent du temps

contraint. Des clarifications s’imposent donc,

dont dépendent des évolutions positives.

Réglementation élaboréepour un travail à temps plein

La loi des 40 heures a été construite en fonc-

tion de l’objectif de modélisation des horaires

par voie réglementaire et d’un temps effectif

de travail de 40 heures. La stricte hiérarchie

entre loi, règlement et convention suscitait le

caractère impératif de normes simplement

aménagées en fonction de la nature de l’acti-

vité. D’où les quelques quarante-cinq décrets

professionnels d’application, toujours en vi-

gueur mais que plus personne ne connaît. Il

n’est pas sûr que toutes les directions dépar-

tementales du travail les possèdent !

(6) C. trav., art. L. 320-2. (7) Soubie R., « Quelques observations sur les accords donnant-donnant », Droit social, 1985.

pour le temps plein. Ceci étant, le temps

partiel est souvent contraint, essentielle-

ment du fait du niveau élevé du chômage

mais aussi du recours systématique à cette

forme de contractation dans certaines ac-

tivités. D’où, du reste, la qualification de

travail précaire attachée au temps partiel.

On notera que l’architecture nouvelle née

de l’ordonnance du 12 mars 2007 de reco-

dification contribue à une plus grande cla-

rification en ce domaine (9).

Respect de la vie privée

Cette question est cruciale dans la mesure

où le respect de la vie personnelle à l’inté-

rieur de la sphère professionnelle tend à de-

venir une liberté individuelle ne pouvant être

bafouée qu’à la marge au nom de l’intérêt de

l’entreprise, lequel, sous l’effet de l’article

L. 120-2 du Code du travail légalisant le prin-

cipe de proportionnalité, tend à prendre de

la consistance par la conjugaison des inté-

rêts catégoriels de la collectivité du person-

nel et de celle des actionnaires. De même, la

conciliation entre vie professionnelle et vie

privée devient un objectif favorisant la ci-

toyenneté du salarié, d’autant plus facile à

fixer que la stratégie de Lisbonne en fait un

moyen de promouvoir la « flexi-sécurité » dans

la perspective du plein emploi.

Vers un droit au libre choix

Dès lors, plutôt qu’opposer temps plein et

temps partiel, mieux vaut favoriser l’oppo-

sition temps contraint-temps choisi. Pour

que le libre choix soit effectif, y compris pour

le temps plein, il faut déployer des règles de

conduite de la négociation, de la conclusion

et de la révision du contrat de travail qui fa-

vorisent l’égalité de pouvoir malgré

Ces décrets ne concernent que les salariés à

« temps plein », ce qui a conduit par exemple

à conclure que le régime d’équivalence, orga-

nisé par ces décrets, ne s’applique pas au temps

partiel, ni en valeur absolue, ce qui serait

contraire au principe de proportionnalité, ni

en valeur relative. Si le régime d’équivalence

naît d’un accord collectif, la règle de propor-

tionnalité devrait donc s’appliquer — contrai-

rement à la position généralement admise et

à la jurisprudence (8) — au nom de l’égalité de

traitement. C’est important à souligner dès

lors qu’un régime d’équivalence d’origine

conventionnelle est possible même s’il ne peut

prendre vie que par la truchement d’un dé-

cret simple.

Différentes formesde temps choisi

Le Code du travail a consacré une section

au temps choisi. Il y figure l’article sur les

horaires individualisés, solution logique

puisque le salarié dispose d’un relatif libre

choix pour fixer le volume des heures ef-

fectuées sur une journée ou une semaine

ainsi que le moment du travail. Au demeu-

rant, à l’époque où ce texte a été promul-

gué (en 1974), il apparaissait comme une

dérogation à un principe, celui du carac-

tère impératif de l’horaire collectif. Cette

section traite aussi du temps partiel auquel

il faut associer le travail intermittent. Ici,

l’idée de temps choisi peut s’admettre dès

lors que le salarié intervient par son

contrat — obligatoirement écrit — pour fixer

durée et répartition de l’horaire. En revan-

che, c’est important à souligner, le recours

aux heures supplémentaires comme la ré-

partition de l’horaire collectif sont du do-

maine du pouvoir normatif de l’employeur

(8) Cass. soc., 27 sept. 2006, no 04-43.446. (9) Barthélémy J., « L’architecture du droit de la durée du travail », CDRH n°132,mai 2007.

Durée du travail : un droit du paradoxe

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Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 2007 27

LES APARTÉS DE JACQUES BARTHÉLÉMY

Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 200728

la subordination juridique et la dépendance

économique. Il appartient dès lors aux ac-

teurs sociaux de concevoir un contenu plus

qualitatif des accords sur la durée du travail.

La connaissance parfaite du contexte grâce

à une information ciblée obligatoire, l’assis-

tance possible d’experts, un délai de réflexion

avant d’arrêter la décision, la durée limitée

d’application des nouvelles conditions de

travail, une procédure interne destinée à ré-

soudre préventivement par la conciliation,

voire l’arbitrage, les désaccords, etc., sont

autant d’éléments permettant de donner un

sens à l’expression « libre choix ».

Rien ne s’oppose à ce que les acteurs sociaux

s’engagent dans une telle voie… sauf peut-

être un défaut de créativité d’autant plus net

que généralement ils ne conçoivent le droit

que comme une source de contraintes et un

moyen de mettre en forme des stratégies ar-

rêtées sans son concours. Il est grand temps

qu’on prenne en compte l’intérêt de l’appro-

che organisationnelle du droit social (10) !

La confusion entre les expressions « tempschoisi » et « temps partiel » est d’autant plus

néfaste que l’ingénierie juridique donnant

corps à la notion de temps choisi, ou plus

généralement de libre choix, permettrait de

gommer la différence entre temps plein et

temps partiel qui devient partiellement sur-

réaliste et a des effets pervers.

Ainsi, lorsque l’horaire collectif coïncide

avec la durée légale, soit 35 heures par se-

maine, l’employeur peut imposer au sala-

rié d’effectuer des heures supplémentaires

tandis que, s’il effectue 34 h 59, les heures

complémentaires sont contractualisées !

Même remarque en ce qui concerne les mo-

dalités de répartition de l’horaire. Où est le

bon sens dans tout ceci ?

Cinquième paradoxe

Le cinquième des paradoxes, et non des moin-

dres en raison des nombreuses hypothèses

où il est en état de s’exprimer, est hérité de

ce que, dans le domaine de la durée du tra-

vail, les articles du Code du travail s’emboî-

tent les uns dans les autres comme des

poupées gigognes.

Interaction entre duréeet modalités de répartition

Ainsi, l’article L. 212-1, qui fixe la durée légale,

est conditionné à la fois par l’article L. 212-4

qui définit le temps de travail et par l’article

L. 212-2 qui détermine les modalités de répar-

tition de l’horaire. La relation entre ces arti-

cles est logique puisque, pour évaluer le nom-

bre d’heures effectivement travaillées, on a

besoin de séparer temps de travail et autres.

Il faudrait aller un peu plus loin en distinguant

parmi les autres ceux qui sont de repos, ceux

qui correspondent à une sujétion et ceux qui

sont du domaine de la vie personnelle. La tâ-

che pour les distinguer devient de plus en

plus difficile en raison des mutations du tra-

vail induites des TIC.

Cette relation est également logique puisqu’il

est nécessaire de savoir sur quelle période on

décompte les temps : semaine, multiple de

semaines, année.

Durée légale,heures supplémentaireset repos compensateur

Mais au-delà, le champ du droit aux heures

supplémentaires (L. 212-5) est déterminé par

référence à celui de la durée légale et celui du

droit au repos compensateur (L. 212-5-1) par

(10) Barthélémy J., « Le droit social, technique d’organisation de l’entreprise », Editions Liaisons, 2003.

législateur dans des questions de détails da-

vantage de la compétence du contrat sont à

l’origine d’une tendance paroxysmique (11) qui

s’explique d’autant moins que ce domaine est

le creuset d’une nouvelle conception du droit

du travail laissant une place plus importante

au tissu conventionnel dans la déclinaison de

sa fonction protectrice.

Les outils juridiques existent pour mieux

concilier efficacité économique et aspirations

sociales grâce à l’autonomie du contrat col-

lectif à l’égard de la loi, autonomie vectrice

d’optimisation des normes sans altérer la fonc-

tion protectrice du droit du travail.

Mieux, l’abondance du tissu conventionnel

est telle aujourd’hui dans ce domaine de la

durée du travail que l’on peut, sans risque de

vide, imaginer un reflux de la loi sur les prin-

cipes fondamentaux, concrétisés ici par le

souci de préserver la santé et la sécurité du

travailleur, c’est-à-dire l’ordre public de pro-

tection, d’autant plus à prendre en compte

que l’employeur est tenu à une obligation gé-

nérale de sécurité de résultat. Sans doute fau-

dra-t-il, pour donner plus de cohérence et d’ef-

ficacité à l’ensemble, s’intéresser aussi aux

rapports de l’accord collectif et du contrat de

travail. Le régime des temps partiels, celui de

l’intermittence et celui du travail de nuit y in-

vitent et peuvent servir de points d’appui à

une réflexion prospective d’ensemble. �

référence à celui concernant les heures sup-

plémentaires… En conséquence, la manière

dont on va évaluer le temps de travail effec-

tif en application de l’article L. 212-4 aura des

répercussions en cascade sur le salaire ma-

joré, les repos compensateurs, le moment où

sera épuisé le contingent d’heures pouvant

être utilisées sans autorisation préalable de

l’inspecteur du travail !

Or, les litiges soumis au Conseil de prud’hom-

mes en matière de durée du travail relèvent

souvent d’une demande de salaire pour non-

respect de la majoration pour heures supplé-

mentaires. Le moyen auquel il est recouru par

le demandeur est tiré de l’application du cri-

tère de disposition à l’égard de l’employeur

définissant le temps de travail. Dès lors, la dé-

cision du tribunal d’accepter une demande

de complément de salaire se traduit indirec-

tement par un éventuel droit à repos compen-

sateur, par l’imputation d’heures sur le contin-

gent, par le dépassement de la durée

maximum, etc., avec des effets possibles sur

le plan pénal. De cela, les acteurs sociaux n’ont

pas nécessairement conscience.

La complexification du droit de la durée du

travail née d’un excès de lois comme sa dé-

rive technocratique née de l’implication du

(11) Barthélémy J., « Les tendances paroxysmiques du droit de la durée du travail », CDRH no 57, avr. 2002.

Durée du travail : un droit du paradoxe

Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 2007 29

Par Sylvain Niel Vice-Président d’Avosial

Directeur du département GRH FIDAL

14, bd du Général Leclerc92527 Neuilly-sur-Seine Cedex

Tél. : 01 47 38 54 [email protected]

FICHES CONSEIL DE SYLVAIN NIEL

Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 200730

ressemble à s’y méprendre à un autre CV

qu’elle a déjà reçu la semaine dernière.

La candidate aurait-elle écrit deux fois

par erreur ?

Elle fouille, trouve et découvre un se-

cond CV en tous points semblable mais

dont le nom du candidat est à conso-

nance étrangère alors que celui men-

tionné sur l’autre est d’origine française.

Perplexe, elle montre sa découverte à

un collègue qui s’exclame « fais atten-tion, nous sommes testés ! ».

Par acquis de conscience, elle tente de

joindre les candidats sur leur portable,

laisse des messages qui resteront sans

réponse.

Elle décide malgré tout de les convo-

quer pour des entretiens de recrute-

ment. Evidemment personne ne se pré-

sente. L’entreprise fait de toute évidence

l’objet d’un « testing ».

Certains cherchent à sensibiliser les di-

rections d’entreprises en piégeant leurs

recruteurs pour obtenir à leur encon-

tre des sanctions exemplaires qu’ils es-

pèrent dissuasives.

Comment procèdent-ils ?

Comment l’entrepr ise peut-elle se

protéger ?

Face à l’activisme des associationsantiracistes et à la recrudescencedes testing et des interventions dela Halde, les DRH ne peuvent pas se permettre de rester statiques.Sylvain Niel propose plusieurs pistes d’action.

«Etre âgée de 18 à 22 ans,faire une taille de vête-ments entre 38 à 42 etavoir le type BBR (bleu,blanc, rouge) » men-

tionne le fax brandi par l’avocat de l’as-

sociation antiraciste. Le président de la

cour d’appel se caresse le menton et vise

de son regard inquisiteur les trois diri-

geants accusés qui baissent les yeux,

déjà coupables.

Pour les plaignants, le propos est sans

ambiguïté puisque, suite à ce fax, le pour-

centage des candidates maghrébines ou

africaines recrutées est passé de 40 % à

moins de 4 %. Pour faire un exemple, la

cour condamne les entreprises à

30 000 € d’amende et l’auteur du fax à

trois mois de prison avec sursis (1).

Autre lieu, un siège social en région pa-

risienne où une assistante en recrute-

ment se demande si elle n’a pas des hal-

lucinations. Voici un nouveau CV qui

Faut-il un plananti-Halde ?

DISCRIMINATIONS

(1) Le 1er juin, le tribunal correctionnel de Paris a relaxé les sociétés en cause ainsi que d’anciens cadres, qui étaient poursuivis pour avoir pratiquéla discrimination raciale lors du recrutement de démonstratrices.

qui porte la responsabilité de « l’apar-theid ». Tous les moyens sont bons.

Cela va de la délation anonyme à l’en-

quête discrète menée en interne par

les syndicats, ou certains salariés, en

passant par l’interception de mails,

de fichiers, de logiciels ou de dos-

siers d’évaluation compromettant.

Un stagiaire a ainsi signalé, à une as-

sociation antiraciste, l’existence d’une

banque de données informatique où

les collaborateurs étaient classés en

fonction de leur couleur de peau

(PRI : bonne présentation, PRII : pré-

sentation passable, PRIV : collabora-

teur de couleur).

Certains conseillent de recueillir la

preuve par testing en présence d’un

huissier de justice. D’un coût

Comment procèdentles « victimes » ?

Pièges tendusaux entreprises

Pour « frapper fort », les associations

antiracistes portent leurs actions de-

vant les tribunaux répressifs : en l’oc-

currence, le tribunal correctionnel.

La loi le leur permet désormais.

Elles recourent, pour ce faire, à tous

les moyens de preuve. C’est d’abord

le témoignage des salariés ayant reçu

l’ordre de rejeter les personnes de

couleur, de rayer les noms à conso-

nance maghrébine ou africaine, ou

d’exclure les candidats âgés. Certai-

nes associations n’hésitent pas à sai-

sir le président du Tribunal de grande

instance pour obtenir une ordon-

nance permettant de faire procéder

par un huissier à une saisie et à un

contrôle de fichiers ethniques. D’au-

tres enfin recourent au « testing ».

Cette pratique consiste à simuler une

demande émanant d’une personne

issue d’une « minorité apparente » afin

de susciter un traitement discrimi-

natoire et de pouvoir le prouver.

La Cour de cassation considère que

le testing est un mode de preuve va-

lable. Aucune disposition légale ne

permet, selon elle, aux juges répres-

sifs d’écarter des éléments fournis à

l’appui d’un recours au seul motif

qu’ils auraient été obtenus de façon

illicite ou déloyale. Il appartient seu-

lement au magistrat d’en apprécier

Faut-il un plan anti-Halde ?

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Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 2007 31

la valeur probante après les avoir sou-

mis à une discussion contradictoire (2).

Le testing a par ailleurs été légalisé

par l’introduction d’un article spéci-

fique dans le dispositif répressif de

lutte contre la discrimination (3).

Pour lancer un testing, les associa-

tions antiracistes suggèrent d’établir

un protocole d’enquête.

En tout premier lieu, elles préconi-

sent de définir un échantillon repré-

sentatif. Afin d’éviter toute contesta-

tion ultérieure sur la qualité du panel

retenu, elles recommandent de dé-

multiplier le nombre de CV, en mo-

bilisant, pour ce faire, plusieurs per-

sonnes. Elles suggèrent de donner à

cette opération un côté festif en l’agré-

mentant d’un repas !

La seconde étape consiste à « tendreun piège » en mettant en évidence la

discrimination. Le comportement re-

proché à la personne testée doit ap-

paraître dicté par une seule et uni-

que raison : l’appartenance de la

victime à une minorité apparente.

C’est le cas de « l’audit par couple »où deux CV sont adressés à l’entre-

prise, l’un d’un blanc, l’autre d’un

homme de couleur. Précision utile :

les CV étant identiques et risquant

d’attirer l’attention des recruteurs, ils

sont souvent envoyés à des dates sé-

parées de plusieurs jours et à des des-

tinataires différents.

La dernière étape consiste à identi-

fier le discriminateur potentiel. Du

président au cadre opérationnel, en

passant par le DRH, il s’agit d’établir

Quand la Halde testeles entreprises….

La Halde a testé, en 2006, le recrute-ment de trois grandes entreprises. Ellea adressé 1 080 CV, soit plus de 300 pargroupe. L’enquête a conclu à des diffé-rences de traitement « faibles et non si-gnificatives » entre les candidats. Toute-fois, elle a noté que :- le critère d’âge semble avoir l’impact

le plus négatif sur les chances de suc-cès des candidats ;

- l’apparence semble également avoir plusd’impact négatif sur le traitement desCV de cadres que d’autres variables ;

- s’agissant des emplois non cadres, l’âge,l’origine maghrébine et, à un moindredegré, l’apparence paraissent avoir uneinfluence sur le traitement des CV lesmoins qualifiés.

(2) Cass. crim., 11 juin 2002, no 01-85.559. (3) C. pén., art. 225-3-1 : les délits prévus par la présente section sont constitués même s'ils sont commis à l'encontre d'une ou plusieurs personnes ayantsollicité l'un des biens, actes, services ou contrats mentionnés à l'article 225-2 dans le but de démontrer l'existence du comportement discriminatoire, dès lors que la preuve de ce comportement estjudiciairement établie.

FICHES CONSEIL DE SYLVAIN NIEL

Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 200732

relativement élevé, cette pratique

conduit certaines associations à re-

commander de contacter une CO-

PEC (4) pour demander à bénéficier de

l’aide judiciaire. A défaut, elles conseil-

lent de se rapprocher de la police. En-

fin, d’autres suggèrent de faire appel

aux services de l’inspection du travail

car ces derniers peuvent accéder à tout

document utile dans le cadre d’une

enquête en discrimination et relever

par procès-verbal les infractions.

L’objectif de toutes ces actions est d’ob-

tenir le renseignement qui va permet-

tre d’engager un recours judiciaire

contre l’entreprise. Information d’au-

tant plus délicate à obtenir qu’elle est

souvent codée, secrète et protégée.

Poursuites judiciaires

Une fois la discrimination mise à jour,

la victime peut :

- saisir la Halde ;

- porter plainte ;

- ou assigner l’auteur devant le conseil

des prud’hommes.

Les associations antiracistes peuvent

également déposer une plainte au

nom d’une victime de discrimina-

tion. Sont concernées celles qui sont

constituées depuis au moins cinq ans

pour la lutte contre les discrimina-

tions. Elles doivent cependant justi-

fier d’un accord écrit de la victime.

Elles peuvent aussi se porter partie

civile à ses côtés.

Un syndicat peut par ailleurs exercer

toute action en justice en faveur d’un

salarié ou d’un candidat pour des in-

fractions relatives aux règles d’égalité

professionnelle ou de rémunération (5).

Il peut assigner l’auteur de l’infraction

sous réserve d’en avoir informé la vic-

time par écrit et qu’elle ne s’y soit pas

opposée. Celle-ci n’est pas obligée de

se présenter à l’audience.

Les intéressés peuvent assigner le res-

ponsable ou porter plainte contre lui.

Deux actions aux caractères fonda-

mentalement différents en raison de

leurs conséquences.

Assignation devantles prud’hommes

L’action devant le conseil des

prud’hommes peut être engagée par

des collaborateurs de l’entreprise ou

par ses anciens salariés.

Elle peut aussi l’être, s’agissant d’une

discrimination à l’embauche, par des

candidats alors qu’aucun contrat de

travail n’a encore été conclu (6).

Lorsque la discrimination concerne

des stages d’étudiants, il semble que

ce soit également le conseil des

prud’hommes qui soit compétent et

non le TGI. Cette question n’a pas

encore été tranchée par la jurispru-

dence.

Compte tenu de l’application aux sta-

giaires des dispositions de l’article

L. 122-45 du Code du travail relatif

aux discriminations prohibées, la com-

pétence prud’homale peut, selon

nous, être retenue sur le fondement

du « bloc de compétence » établi en la

matière par la Cour de cassation « auprofit du juge naturel du travail » (7).

(4) Commissions pour la promotion de l’égalité des chances et de la citoyenneté. (5) C. trav., art. L. 123-6, al. 1 ; C. trav., art.L. 123-1 ; C. trav., art. L. 140-2 ; C. trav., art. L. 140-4. (6) Cass. soc, 20 déc. 2006, no 06-40.662 ; Cass. soc., 20 déc. 2006,no 04-16.550. (7) Cass. soc., 20 déc. 2006, n° 06-40.66 ; Rapport annuel 2006 de la Cour de cassation, La Documentation fran-çaise.

Ce type de recours vise à obtenir des

dommages et intérêts, ou à faire an-

nuler la décision qui a été prise (8).

Les demandes d’annulation émanent

en général de collaborateurs en poste

ou d’anciens salariés contestant la

validité de la rupture de leur contrat

de travail.

En cas d’annulation de licenciement,

le juge peut condamner l’entreprise

à réintégrer le salarié concerné. Dans

ce cas, celui-ci peut prétendre à un

rappel de salaire depuis la date de la

fin de son préavis jusqu’au jour de

sa réintégration.

Si la mesure discriminatoire l’a

conduit à être évincé d’une promo-

tion ou d’une évolution de carrière,

il est rétabli dans ses droits et indem-

nisé (9). Il est alors classé dans l’em-

ploi qui lui a échappé et bénéficie

d’un rattrapage de salaire (10).

Le demandeur doit présenter des élé-

ments de fait laissant supposer l’exis-

tence d’une discrimination directe

ou indirecte.

Au vu de ces éléments, l’entreprise

doit prouver que sa décision est jus-

tifiée par des éléments objectifs étran-

gers à toute discrimination.

Dans cette perspective, le juge peut

ordonner toute mesure d’instruction

utile. Il en va fréquemment ainsi en

présence de discriminations indirec-tes apparentes.

A la différence de la discrimination

directe qui est nécessairement vo-

lontaire et intentionnelle, la discri-

mination indirecte résulte d’un

constat objectif. C’est le cas des or-

Faut-il un plan anti-Halde ?

Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 2007 33

Médiatisation de la plainte

Certaines associations antiracistes ré-

clament une condamnation exem-

plaire devant les tribunaux et sollici-

tent la publication du jugement dans

des quotidiens de grande audience.

C’est d’ailleurs souvent cette média-

tisation de l’affaire qui est recherchée.

C’est le « naming shaming ». Elles es-

comptent une publication de nature

à ruiner une réputation ou suscepti-

ble d’affecter les ventes de l’entre-

prise concernée. Malheureusement,

la médiatisation du procès dépasse

souvent celle de la condamnation

prononcée à l’issue d’un long déli-

béré : fait révélateur de cette tendance,

l’affaire du « BBR » a été largement

médiatisée, alors que la cour d’appel

n’avait pas encore rendu sa décision.

Pour ces associations, il est plus effi-

cace de communiquer sur le testingqui soutient la plainte que sur le ré-

sultat du procès. Elles n’hésitent donc

pas à inciter à la publication des ré-

sultats du test sans attendre la déci-

sion de justice. Pour intensifier le pré-

judice commercial de l’entreprise

testée, elles recommandent par ail-

leurs aux victimes de distribuer des

tracts, par exemple, à l’entrée d’un

magasin un jour de grande affluence

ou de défilé en centre-ville.

Un risque que les DRH doivent an-

ticiper.

Saisine de la Halde

La victime d’une discrimination peut

choisir de saisir la Halde au lieu d’as-

signer l’auteur devant le

ganes de direction dont les femmes

sont exclues, des ouvriers d’origine

africaine employés exclusivement

pour certains travaux, des seniors

écartés des services commerciaux,

ou des obèses évincés de certains

emplois…

Dépôt de plainte

Le dépôt de plainte a pour objet l’ob-

tention à la fois de la condamnation

pénale de l’auteur de la discrimina-

tion et de la réparation du préjudice

qu’il a occasionné.

L’administration de la preuve n’obéit

pas, devant le tribunal correctionnel,

au même régime qu’en matière

prud’homale. Il faut que l’intention

de discriminer soit établie. Le seul

constat de faits laissant supposer

l’existence d’une discrimination ne

suffit pas à caractériser cet élément

intentionnel. C’est notamment pour

cette raison qu’une même affaire peut

amener le conseil des prud’hommes

à condamner un employeur pour dis-

crimination alors que celui-ci serait

relaxé par le tribunal correctionnel.

Devant le juge répressif, l’enjeu est ce-

pendant tout autre que devant les

prud’hommes, dans la mesure où le

coupable risque jusqu’à trois ans d’em-

prisonnement ferme et 45 000 €

d’amende (11). Les condamnations à

des peines d’emprisonnement sont

néanmoins relativement rares, voire

exceptionnelles, car l’intention crimi-

nelle est difficile à établir, et c’est pour

cette raison que certaines associations

recourent à d’autres voies dissuasives.

(8) C. trav., art. L. 122-45, dernier al. (9) Cass. soc., 24 févr. 2004, no 01-46.499. (10) Cass. soc., 23 nov. 2005, no 03-40.826. (11) C. pén., art. 225-1 et s.

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FICHES CONSEIL DE SYLVAIN NIEL

Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 200734

conseil de prud’hommes ou de por-

ter plainte.

Quel est le rôle exact de cette auto-

rité et quels sont ses pouvoirs ?

Rôle et pouvoirs de la Halde

En matière de discrimination, diffi-

cile d’ignorer la Halde (Haute auto-

rité de lutte contre les discrimina-

tions et pour l’égalité) mise en place

en 2005 (12). Comme la Cnil, c’est

une autorité administrative indépen-

dante qui intervient aussi bien pour

sensibiliser que pour sanctionner

les auteurs de discriminations, di-

rectes ou indirectes.

Pour la conduite de sa mission, la

Halde est dotée de moyens et de pou-

voirs particulièrement importants.

Elle peut émettre des recommanda-

tions, lancer des investigations, pro-

poser une médiation ou une trans-

action pénale.

Elle peut engager des poursuites de-

vant les tribunaux, suite à sa saisine

par une victime, une association ou

un parlementaire.

Elle peut également s’autosaisir uni-

quement sur la base de faits portés

à sa connaissance.

Une fois saisie, la Halde dispose de

pouvoirs d’investigation qui vont de

la demande d’informations ou de do-

cuments, assortie d’une mise en de-

meure, à des auditions et des vérifi-

cations sur place diligentées par ses

agents. Elle peut convoquer toutes

les personnes qu’elle désire enten-

dre. Les intéressés sont prévenus au

préalable, dans un délai d’au moins

quinze jours, de l’objet de l’audition.

Ils peuvent se faire assister d’un avo-

cat. Un procès-verbal contradictoire

de l’audition est dressé durant l’in-

terrogatoire, dont un exemplaire leur

est remis. Pour compléter son dos-

sier, la Halde peut interroger les ser-

vices de police et les inspecteurs du

travail.

Ses services peuvent exiger de pren-

dre connaissance d’informations à

caractère confidentiel ou secret. En

cas de refus, ils peuvent mettre en

demeure les réfractaires, par lettre re-

commandée avec avis de réception,

de leur répondre dans le délai qu’ils

fixent. Si le destinataire ne répond

toujours pas, la Halde peut saisir le

juge des référés afin d’obtenir une or-

donnance assortie d’une astreinte fi-

nancière à l’encontre de l’intéressé.

Elle peut en outre charger ses agents

de procéder à des vérifications dans

les locaux de l’entreprise en procé-

dant, le cas échéant, à des auditions.

En principe, un avis préalable est

adressé aux personnes intéressées et

leur accord est sollicité. En cas de re-

fus, la Halde peut également saisir le

juge des référés afin qu’il autorise

cette visite. Elle donne lieu ensuite à

un rapport écrit qui est communi-

qué par lettre recommandée avec avis

de réception aux personnes intéres-

sées. Celles-ci sont invitées à faire

connaître leurs observations dans un

délai d’au moins dix jours.

La saisine de la Halde ne suspend

pas les délais relatifs à la prescription

des actions en matière civile et pé-

nale et aux recours administratifs et

contentieux.

(12) L. no 2004-1486, 30 déc. 2004 ; D. no 2005-215, 4 mars 2005.

Il faut envisager des mesures con-

crètes pour :

- éviter toute mesure discriminatoire ;

- mais aussi prévoir les moyens d’une

défense efficace contre toute accu-

sation.

Plan d’actionantidiscrimination

Correspondant égalité des chances

Les plus grandes entreprises dési-

gnent fréquemment un correspon-

dant antidiscrimination, appelé quel-

quefois « Monsieur ou MadameDiversité ». Il, ou elle, anime un

groupe de travail en charge de pré-

coniser des actions correctives.

Certaines entreprises mettent en

place une procédure interne permet-

tant à tout collaborateur victime de

discrimination de saisir la direction

des ressources humaines ou le cor-

respondant « Diversité ». La saisine

de cet interlocuteur est confiden-

tielle et est facilitée pour favoriser

une communication libérée de toute

contrainte ou menace de représail-

les. D’un point de vue logistique,

c’est d’abord un numéro vert. C’est

ensuite un guide d’entretien à des-

tination de l’enquêteur où sont men-

tionnées les questions à poser au

plaignant. Suite à ces entrevues, un

rapport est rédigé, dans lequel sont

préconisées des mesures correcti-

ves en présence de discrimination

établie. Dans ce cas, la direction pro-

pose souvent une transaction pour

indemniser la victime du préjudice

passé et sa réintégration dans ses

droits s’il a été écarté d’une

nel. Dans les autres cas, le procureur

doit autoriser la Halde à transiger,

en indiquant éventuellement le mon-

tant minimal de l’amende à propo-

ser à l’auteur de l’infraction.

Si l’action publique n’a pas été dé-

clenchée et que l’auteur accepte les

sanctions proposées par la Halde,

la transaction n’est pas pour autant

valable. Elle doit être homologuée

par le procureur de la République.

Le procureur, saisi par la Halde, doit

se prononcer dans le mois suivant

la réception du dossier de demande

d’homologation. Le ministère pu-

blic peut refuser l’homologation si

la sanction pénale négociée est dis-

proportionnée au regard de la gra-

vité des faits et de la personnalité

de l’intéressé. Le Parquet conserve

donc la main sur la transaction pé-

nale. Par ailleurs, si la transaction

pénale inclut la réparation du pré-

judice supporté par la victime, la va-

lidation est soumise à son accord.

Une fois homologuée par le Parquet

et acceptée par la victime, la transac-

tion pénale éteint les poursuites et

n’est pas inscrite au casier judiciaire

du responsable.

Que peut fairel’entreprise ?

Compte tenu des risques de testinginopinés ou de poursuites judiciai-

res, la plupart des directions estiment

qu’il n’est pas envisageable de rester

statique.

L’adhésion à la charte sur la diversité

ne suffit pas à prévenir ces risques.

Transaction pénale

A l’issue de son enquête, la Halde,

convaincue d’avoir démasqué un ou

plusieurs actes discriminatoires, peut

proposer une transaction pénale à l’au-

teur de l’infraction. En présence d’une

discrimination qu’elle juge avérée, la

Halde peut suggérer à l’auteur des faits

le versement d’une amende transac-

tionnelle. Cette proposition finan-

cière est limitée à 3 000 € pour une

personne physique et à 15 000 €pour

une personne morale. La Halde peut,

en plus, proposer une indemnisation

de la victime et des mesures d’affi-

chage ou de publicité de sa décision.

La personne incriminée peut refu-

ser cette proposition. Dans ce cas, la

Halde peut mettre elle-même en mou-

vement l’action publique au moyen

d’une citation directe devant le tri-

bunal correctionnel.

En revanche, si la transaction est ac-

ceptée et exécutée dans les délais

prescrits, il y a extinction de l’action

publique, sous réserve qu’elle n’ait

pas été engagée.

En principe, la transaction n’est plus

possible si une action publique est

déjà enclenchée. Cela peut être le cas

si une enquête est en cours. Le pro-

cureur de la République doit dans

ce cas indiquer à la Halde s’il accepte

la transaction qu’elle entend propo-

ser. Le ministère public peut refuser

la proposition transactionnelle si les

faits ne constituent pas le délit de

discrimination ou si, au contraire,

ils sont d’une telle gravité que des

poursuites pénales doivent être en-

gagées devant le tribunal correction-

Faut-il un plan anti-Halde ?

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Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 2007 35

FICHES CONSEIL DE SYLVAIN NIEL

Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 200736

évolution professionnelle méritée.

En ce qui concerne l’immunité du

correspondant « Diversité », la juris-

prudence considère qu’un collabo-

rateur ne commet aucune faute s’il

signale de bonne foi à sa hiérarchie

les propos racistes tenus par le res-

ponsable du personnel à l’encontre

des candidats à l’embauche, ces faits

étant en rapport avec ses attribu-

tions, notamment celle de veiller à

l’éthique de l’entreprise (13).

Audit diversité

Certaines entreprises procèdent à

un état des lieux pour identifier les

risques de discrimination. L’objec-

tif est d’identifier les secteurs, ser-

vices ou équipes où la diversité est

insuffisante. Cela passe par une me-

sure quantitative du poids de cer-

taines minorités apparentes telles

que les femmes, les seniors, les per-

sonnes issues de l’immigration ou

les handicapés. Ce rapport apparaît

toutefois très délicat à réaliser.

Tout d’abord, l’analyse de la diver-

sité nécessite le recueil, le traitement

et la conservation d’informations

personnelles. L’exploitation d’un

tel fichier est soumis à une déclara-

tion préalable auprès de la Cnil.

Celle-ci estime que l’instauration

d’un fichier « ethno-racial » doit être

limitée à un traitement statistique

des données issues des fichiers de

personnel (ex : nom, prénom, na-

tionalité, lieu de naissance, adresse).

Elle recommande plutôt de déve-

lopper des enquêtes par question-

naires anonymes (14). La Cnil évoque

le lancement dans les grandes en-

treprises d’un « audit diversité » tous

les ans au moins. Enquête notam-

ment conseillée pour celles qui ont

adhéré à la charte de la diversité.

Cette étude peut être réalisée éven-

tuellement sous le contrôle de la

Halde. Cnil et Halde en examine-

ront les modalités de réalisation et

ses résultats. Dans ce cadre, des

mentions relatives à la nationalité

et au lieu de naissance des parents

peuvent être admises.

Il existe ensuite un autre danger car

le résultat d’une telle enquête doit

être communiqué, à leur demande,

à l’inspection du travail ou à la Halde.

En outre, un des experts du comité

d’entreprise peut en prendre connais-

sance. Son caractère confidentiel ap-

paraît de ce fait très limité.

D’autres firmes procèdent au testingde leur propre service pour révéler

d’éventuelles discriminations à l’em-

bauche. Cette pratique ne va pas sans

soulever des difficultés dans la me-

sure où, bien qu’admise contre l’em-

ployeur, elle apparaît discutable lors-

que c’est ce dernier qui l’utilise contre

ses propres salariés. De toute éviden-

ces « l’autotesting » doit suivre la pro-

cédure applicable à l’utilisation de

tout système de surveillance : consul-

tation des représentants du person-

nel et information des salariés sont

dès lors indispensables.

Formation

Les grands groupes recourent égale-

ment à des stages de formation des-

tinés au management. La prévention

(13) Cass. soc., 8 nov. 2006, no 05-41.504. (14) Rapport de la Cnil du 15 mai 2007.

Ce sont souvent non seulement les pra-

tiques à risques qui doivent être iden-

tifiées et révisées mais aussi toute la

procédure de recrutement qui doit être

mise en examen.

Si le recrutement ne peut être cen-

tralisé ou externalisé vers des spé-

cialistes, il faut impérativement sen-

sibiliser et former l’ensemble des

collaborateurs qui participent à son

processus. C’est-à-dire les « recru-teurs ».

Chaque recruteur doit établir un pro-

fil pour le poste à pourvoir et rem-

plir une grille de présélection.

Cette grille précise pour chaque

poste :

- le diplôme exigé ;

- la formation professionnelle suivie ;

- la pratique d’une langue ;

- la maîtrise de certaines techniques

à l’instar de certains développements

en informatique ;

- l’expérience dans le métier ou la

branche d’activité.

Il s’agit de critères apparents qui doi-

vent figurer sur l’offre d’emploi.

- date de naturalisation ;

- modalités d’acquisition de la natio-

nalité française ;

- nationalité d’origine ;

- numéros d’immatriculation ou d’affi-

liation aux régimes de Sécurité sociale ;

- détail de la situation militaire : sous

la fome « objecteur de conscience,ajourné, réformé, motifs d’exemptionou de réformation, arme, grade » ;

- adresse précédente ;

- entourage familial du candidat

(nom, prénom, nationalité, profes-

sion et employeur du conjoint ainsi

que nom, prénom, nationalité, pro-

fession et employeur des parents,

des beaux-parents, des frères et

sœurs et des enfants) ;

- état de santé ;

- taille ;

- poids ;

- vue ;

- conditions de logement (proprié-

taire ou locataire) ;

- vie associative ;

- domiciliation bancaire ;

- emprunts souscrits.

10 questions pour révéler les modificationsà envisager dans le processus de recrutement

1. Qui peut recruter dans l’entreprise ?

2. Le recruteur connaît-il les règles antidiscrimination ?

3. Qui rédige l’offre d’emploi ?

4. L’une des mentions proscrites par la Cnil figure-t-elle sur l’offre d’emploi ou dansles dossiers de candidature ?

5. Tous les candidats non retenus reçoivent-ils une réponse ?

6. Le refus est-il motivé ?

7. Existe-t-il une liste de réponses types ?

8. Une liste de critères de sélection est-elle établie avant le recrutement ?

9. Les lettres de réponse aux candidats sont-elles conservées ?

10. Les candidatures spontanées suivent-elles la procédure définie pour le recrute-ment lancé par annonce ?

des discriminations peut être le thème

même du stage, ou bien être une sé-

quence d’une action de formation

plus globale portant, par exemple,

sur la responsabilité des managers.

Charte diversité

Certaines grandes entreprises orga-

nisent une communication en faveur

de la diversité. Elles y voient une rai-

son de développer une politique nou-

velle dans la gestion des ressources

humaines en mettent en avant le bras-

sage des cultures, des races et des

ethnies. Leurs sites Internet et jour-

naux d’entreprise sont mobilisés pour

faire connaître les mesures concrè-

tes prises en faveur des « jeunes desquartiers », des « mères de familles »,

des « handicapés » ou des « seniors ».

Dans la perspective d’un véritable

engagement, elles révisent leurs pro-

cédures de recrutement. Certains cri-

tères de sélection sont éliminés pour

favoriser l’intégration de minorités

apparentes qui sans cela seraient éli-

minées. C’est l’émergence d’une dis-

crimination positive.

Révision des procéduresde recrutement

Toujours dans le registre de la pré-

vention, certaines entreprises révi-

sent leurs méthodes de recrutement.

Elles confrontent les dossiers de can-

didatures qu’elles font remplir avec

les normes admises par la Cnil.

En ce qui concerne les opérations de

recrutement, la Cnil estime que la

collecte des informations suivantes

est irrégulière :

- date d’entrée en France ;

Faut-il un plan anti-Halde ?

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Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 2007 37

FICHES CONSEIL DE SYLVAIN NIEL

Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 200738

CV anonyme

La loi relative à l’égalité des chances

a imposé le recours au CV anonyme

dans les entreprises de 50 salariés et

plus (15). Ses modalités d’application

devaient être fixées par un décret.

Mais entre-temps, l’accord interpro-

fessionnel sur la discrimination (16) a

opté pour l’expérimentation.

Pour l’instant, l’anonymat du CV n’est

donc pas obligatoire.

Certaines entreprises ont toutefois

mis en place une procédure de re-

crutement assurant l’anonymat des

Les réponses à adresser à un candidat dont vous ne retenezpas la lettre

Choisissez l’un des motifs de rejet suivants :

� Formation initiale inadaptée au poste

� Absence de diplôme exigé pour le poste

� Absence de certificat ou de permis de conduire

� Absence de mentions sur la (ou les) langue(s) étrangère(s) indispensable(s)

� Méconnaissance du secteur d’activité

� Absence d’expérience dans le secteur d’activité

� Absence d’expérience dans l’emploi proposé

� Incohérence du parcours professionnel par rapport à la formation

� Inadéquation des expériences professionnelles

� Date de disponibilité inadaptée

� Insuffisance de la durée des expériences professionnelles

� Filière et niveau d’étude non adaptés

� Information incomplète sur la lettre de candidature

� Information incomplète sur le CV

� Niveau de connaissance de la langue insuffisant

� Absence d’expérience du management

� ...

(15) C. trav., art. L. 121-6-1 : dans les entreprises de 50 salariés et plus, les informations mentionnées à l'article L. 121-6 et com-muniquées par écrit par le candidat à l'emploi doivent être examinées dans des conditions préservant son anonymat. Les modali-tés d'application du présent article sont déterminées par décret en Conseil d'Etat. (16) ANI relatif à la diversité dans l’entreprise,12 oct. 2006.

Il est même fortement conseillé de

préciser sur cette offre que l’absence

de ces précisions sur la lettre du can-

didat entraînera automatiquement le

rejet de son dossier.

Puis vient le tri où chaque candidat

est noté en fonction des critères ap-

parents auxquels il satisfait.

Les meilleurs sont alors convoqués

pour un entretien de recrutement et

ceux qui ne sont pas retenus doivent

recevoir une réponse courte mention-

nant le ou les critères qu’ils ne rem-

plissent pas.

mesure où cet organisme a la nature

juridique « d’autorité administrative »,

les recours dirigés à son encontre doi-

vent être portés devant les tribunaux

administratifs.

Il n’est pas possible d’utiliser le recours

pour excès de pouvoir car, selon le

Conseil d’Etat, les recommandations

émises par la Halde « ne constituent pas,par elles-mêmes, des décisions adminis-tratives ». C’est donc un recours de droit

commun qui doit être exercé. A l’ins-

tar des décisions de la Cnil, celles de

la Halde semblent pouvoir être soumi-

ses au même contrôle, notamment

lorsqu’elles sont particulièrement coer-

citives ou lorsque le droit est manifes-

tement bafoué. Cela peut être le cas

d’une transaction pénale signée alors

que les droits de la défense n’ont pas

été respecté ou encore d’un testing im-

prudemment médiatisé.

Face au « gendarme » de la lutte anti-

discrimination, il faut s’apprêter à dres-

ser « les légions des droits de la défense ». �

- aux supérieurs hiérarchiques ou à

l’employeur de la personne dénon-

cée.

Ce délit vise également les saisines

injustifiées de la Halde.

La dénonciation calomnieuse est lour-

dement sanctionnée dans la mesure

où le coupable risque jusqu’à cinq

ans d’emprisonnement et 45 000 €

d’amende.

Ainsi, Monsieur Omar X qui avait dé-

noncé anonymement à la Cnil un des

responsables d’une caisse d’assurance

maladie qui aurait tenu, selon ses di-

res, un fichier discriminatoire pour

les personnes d’origine étrangère a,

après enquête ayant révélé la calom-

nie et démasqué le délateur, été

condamné à un an d’emprisonne-

ment avec sursis et mise à l’épreuve

ainsi qu’au versement de 3 500 € de

dommages-intérêts (18). En présence

d’une saisine fantaisiste de cette au-

torité, la direction doit s’interroger

sur l’opportunité de porter plainte

pour dénonciation calomnieuse.

L’employeur peut en outre envisager

la rupture du contrat de travail du

délateur coupable puisque la juris-

prudence qualifie de faute grave le

fait pour un salarié de porter de faus-

ses accusations contre son employeur,

ces imputations diffamatoires étant

de nature à porter atteinte à sa répu-

tation personnelle et à celle de la so-

ciété qu’il dirige.

L’entreprise peut par ailleurs contes-

ter les décisions de la Halde. Dans la

(17) C. pén., art. 226-10 : la dénonciation, effectuée par tout moyen et dirigée contre une personne déterminée, d'un fait qui est de nature à entraîner des sanctions judiciaires, administratives oudisciplinaires et que l'on sait totalement ou partiellement inexact, lorsqu'elle est adressée soit à un officier de justice ou de police administrative ou judiciaire, soit à une autorité ayant le pouvoir d'ydonner suite ou de saisir l'autorité compétente, soit aux supérieurs hiérarchiques ou à l'employeur de la personne dénoncée, est punie de cinq ans d'emprisonnement et de 45 000 € d'amende. Lafausseté du fait dénoncé résulte nécessairement de la décision, devenue définitive, d'acquittement, de relaxe ou de non-lieu déclarant que la réalité du fait n'est pas établie ou que celui-ci n'est pasimputable à la personne dénoncée. En tout autre cas, le tribunal saisi des poursuites contre le dénonciateur apprécie la pertinence des accusations portées par celui-ci. (18) Cass. crim., 5 sept. 2006,no 06-80.320.

candidatures. Pour ce faire, elles uti-

lisent l’outil Internet. Le recruteur

reçoit une candidature où sont mas-

quées les données concernant l’ori-

gine du postulant (photo, nom, pré-

nom, âge, adresse, sexe et nationalité

sont cachés).

L’examen du CV est exclusivement

axé sur la formation et les compéten-

ces du candidat. Toutefois, d’après

certains utilisateurs, le recours au CV

anonyme n’a pas fondamentalement

modifié les caractéristiques des per-

sonnes recrutées.

Faire face aux accusationsde discrimination

La prévention, c’est aussi protéger l’en-

treprise contre une fausse accusation !

La discrimination est un délit, la dé-

noncer un droit. Accuser faussement

une personne d’une pratique discri-

minatoire est une calomnie.

La dénonciation, effectuée par tout

moyen et dirigée contre une personne

déterminée, d’un fait qui est de na-

ture à entraîner des sanctions judi-

ciaires, administratives ou discipli-

naires et que l’on sait totalement ou

partiellement inexact, constitue le

délit de dénonciation calomnieuse (17).

Cela concerne les dénonciations

adressées :

- à un officier de justice ou de police

administrative ou judiciaire ;

- à une autorité ayant le pouvoir d’y

donner suite ou de saisir l’autorité

compétente ;

Faut-il un plan anti-Halde ?

Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 2007 39

DOSSIER

Par le Cabinet JacquesBarthélémy et AssociésSous la direction deDominique Jourdan

Les Cahiers du DRH - nº 135- Septembre 200740

Le Cabinet Jacques Barthélémy poursuit l’actualisation de ses fiches pratiquespubliées en juillet 2003 dans le supplément des Cahiers du DRH (1).Après les préalables au licenciement économique, les procédures applicables, lesmesures d’accompagnement…, c’est à l’ordre des licenciements, à la notificationet à la priorité de réembauchage qu’est consacrée cette mise à jour.

Dominique Jourdan est directeur technique du Cabinet d’avocats « Jacques Barthélémyet associés ».Ce cabinet poursuit l’activité du cabinet fondé en 1965 par Jacques Barthélémy dont il partagela philosophie et poursuit la démarche.Forte de 130 collaborateurs dont 80 avocats et une vingtaine d’associés, et sous l’animation de sonfondateur historique, Jacques Barthélémy, cette société exerce au sein de 8 barreaux : Paris, Lyon,Bordeaux, Clermont-Ferrand, Montpellier, Nîmes, Rennes et Strasbourg.A l’instar de Jacques Barthélémy, et de son rôle majeur dans l’élaboration du droit et dont l’œuvrecréatrice et l’expérience est reconnue au plus haut niveau, le conseil scientifique du cabinet, dontDominique Jourdan est membre avec le doyen Paul-Henri Antonmattei, développe la rechercheappliquée en droit social à vision prospective et pratique.

(1) « Le licenciement économique après la loi Fillon », Les Cahiers du DRH, supp. au no 85, juill. 2003.

LE LICENCIEMENTECONOMIQUE« AUJOURD’HUI » (suite)

Le licenciement économique « aujourd’hui »

Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 2007 41

licenciement économique, l’employeur n’est

alors pas tenu de consulter le comité d’entre-

prise sur les critères d’ordre des licencie-

ments (6).

Les règles relatives à l’ordre des licenciements

ne s’appliquent toutefois pas lorsque l’em-

ployeur ne peut opérer de choix parmi les

salariés à licencier. Il en est ainsi lorsque tous

les salariés d’une entreprise de la même ca-

tégorie professionnelle sont licenciés (7), ou

quand au moment du licenciement le sala-

rié occupe le seul poste relevant de la caté-

gorie dont est décidée la suppression (8).

Attention, si le salarié est seul à occuper le

poste supprimé, il n’est pas nécessairement le

seul salarié de sa catégorie, situation qui exige

alors que soient définis les critères de licencie-

ment (9).

Etablissement des critères

Prise en comptedes critères légaux

Aux termes de l’article L. 321-1-1 du Code du

travail, en l’absence de convention ou d’accord

applicable, l’employeur doit prendre notam-

ment en compte :

- les charges de famille et en particulier cel-

les des parents isolés ;

- l'ancienneté de service dans l'établissement

ou l'entreprise ;

- la situation des salariés dont les caractéris-

tiques sociales rendent leur réinsertion pro-

fessionnelle très difficile, notamment

Le choix des salariés touchés par le li-

cenciement économique n’est pas en-

tièrement discrétionnaire. Il doit ré-

pondre pour partie à des critères objectifs et

être établi selon un ordre prédéterminé.

Hypothèses de miseen œuvre

La prise en compte de critères pour détermi-

ner les salariés à licencier concerne tous les

licenciements pour motif économique, qu’ils

soient individuels ou collectifs.

Ceux-ci peuvent être fixés par la convention

collective de branche ou par l’accord d’entre-

prise. L’employeur devra alors s’y conformer (2).

En l’absence de dispositions conventionnel-

les, les critères seront établis à l’occasion de

chaque licenciement. Il ne peut se prévaloir

d’un document établi unilatéralement par

l’employeur à l’occasion d’un précédent licen-

ciement économique (3).

Cette obligation ne joue que lorsque les licen-

ciements sont projetés (4). Tel n’est pas le cas,

par exemple, lorsqu’une entreprise s’est bor-

née à prévoir le passage du travail à temps

complet au travail à mi-temps, une mobilité

interne et le volontariat au départ sans qu’au-

cun licenciement ne soit prévu (5). De même,

si la réduction d’effectif envisagée ne doit se

réaliser, selon le plan de sauvegarde, qu’aux

moyens d’accords de rupture négociée conclus

avec les seuls salariés souhaitant quitter vo-

lontairement l’entreprise, à l’exclusion de tout

Ordre des licenciements

(2) Cass. soc., 20 janv. 1993, no 91-42.032. (3) Cass. soc., 8 avr. 1992, no 89-43.288. (4) Cass. soc., 3 déc. 1996, no 94-22.163 ; Cass. soc., 14 mars 2000,no 98-42.446. (5) Cass. soc., 10 mai 1999, no 96-19.828. (6) Cass. soc., 12 juill. 2004, no 02-19.175. (7) Cass. soc., 27 mai 1997, no 95-42.419 ; Cass. soc.,14 janv. 2003, no 00-45.700. (8) Cass. soc., 1er avr. 2003, no 01-41.775 ; Cass. soc., 24 janv. 2007, no 04-41.648. (9) Cass. soc., 16 déc. 1997, no 95-44.628.

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DOSSIER

Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 200742

- autonomie : 1 à 3 points ;- esprit d’initiative : 1 à 3 points.

Charges de famille :- 1 enfant : 1 point ;- 2 enfants : 2 points ;- 3 enfants : 3 points ;- 4 enfants et plus : 4 points ;- majoration de 2 points pour parents

isolés.Sont pris en compte les enfants à charge ausens de la législation fiscale.Ancienneté dans l’entreprise :

- de 0 à 4 ans : 1 point ;- de 5 à 9 ans : 2 points ;- de 10 à 14 ans : 3 points ;- 15 ans et plus : 4 points.

Caractéristiques sociales rendant la réinser-tion professionnelle particulièrement difficile :

- âge :- de 18 à 39 ans : 1 point,- de 40 à 49 ans : 2 points,- 50 ans et plus : 4 points ;

- handicap reconnu par la COTOREP :10 points.

Les salariés qui obtiendraient le même nom-bre de points seraient départagés en appli-quant successivement les critères suivants :

- 1) handicap reconnu par la COTOREP ;- 2) qualités professionnelles ;- 3) charges de famille ;- 4) ancienneté dans l’entreprise ;- 5) âge.

des personnes handicapées (10) et des sala-

riés âgés ;

- les qualités professionnelles appréciées par

catégorie.

La liste n’est pas limitative. L’employeur peut

la compléter par d’autres critères objectifs,

à condition qu’ils ne soient pas discrimina-

toires (nationalité, sexe, religion, temps par-

tiel/temps plein, etc.).

A titre d’exemple, ces critères pourraient être

les suivants :

- niveau de diplôme ;

- possibilité de bénéficier d’une préretraite (13).

Une fois la liste des critères arrêtée, il est per-

mis à l’employeur de privilégier l’un d’entre

eux dès lors qu’ils ont tous été pris en compte (14).

A noter que l’ordre dans lequel le Code du

travail énumère les critères ne lie pas l’em-

ployeur. Il peut être opportun de pondérer

chacun des critères selon l’importance qu’on

souhaite lui attribuer en fixant, par exemple,

un nombre de points.

Exemple de grille d’application des critèresfixant l’ordre des licenciements économiques :Qualités professionnelles :

- compétences techniques : 1 à 3 points ;- polyvalence : 1 à 3 points ;- capacités d’adaptation : 1 à 3 points ;

La prévention du risque discrimi-

natoire commande de se fonder sur des élé-

ments aussi objectifs que possible. En cas

de contentieux, l’employeur pourra en effet

être amené à communiquer au juge les élé-

ments objectifs et étayés sur lesquels il s’est

appuyé pour arrêter son choix (11), par exem-

ple des grilles d’évaluation des qualités pro-

fessionnelles qui auront pu être établies lors

d’entretiens annuels (12).

CONSEIL

(10) Cass. soc., 11 oct. 2006, no 04-47.168. (11) Cass. soc., 16 sept. 2003, no 01-40.349. (12) Cass. soc., 28 nov. 2000, no 98-23.451 ; TGI Nanterre,23 janv. 2004, CCE Aventis Pharma France c/ SA Aventis Pharma. (13) Cass. soc., 21 juin 1984, no 82-40.264. (14) Cass. soc., 2 mars 2004, no 01-44.084.(15) Cass. soc., 27 oct. 1999, no 97-43.130.

L’employeur qui décide d’exclure

d’un licenciement économique collectif cer-

taines catégories de salariés objectives, par

exemple les plus âgés et ceux ayant un certain

nombre d’enfants, doit d’abord exclure ceux-

ci de la liste des salariés susceptibles d’être li-

cenciés et ensuite appliquer à l’ensemble les

critères relatifs à l’ordre des licenciements (15).

OBSERVATION

Lorsque, au contraire, le licenciement dans un

ou plusieurs établissements s’inscrit dans le

cadre d’une mesure générale arrêtée par le

siège, le comité central d’entreprise doit alors

être saisi pour consultation sur l’ensemble du

projet. C’est donc au niveau de l’entreprise,

c’est-à-dire du comité central d’entreprise, que

sera réalisée la consultation sur les critères de

choix. On peut s’interroger sur la nécessité de

consulter les comités d’établissement sur les

critères retenus au niveau du comité central

d’entreprise lorsqu’ils sont identiques à tous

les établissements, sauf à devoir évaluer leur

impact potentiel dans chacun d’eux.

Par ailleurs, rien ne paraissant interdire la fixa-

tion de critères propres à chaque établisse-

ment en fonction de ses caractéristiques pro-

pres en pareil cas, la double consultation

devrait s’imposer.

Consultation des représentantsdu personnel

L’employeur définit les critères retenus pour

fixer l’ordre des licenciements après consul-

tation du comité d’entreprise ou, à défaut, des

délégués du personnel. Concrètement, le chef

d’entreprise communiquera son choix au

moment de la remise du document d’infor-

mation sur le projet de licenciement visé à

l’article L. 321-4 du Code du travail et les re-

présentants du personnel se prononceront à

l’occasion de la réunion de consultation sur

le projet de licenciement.

Mise en œuvre des critères

Prise en comptedes catégories professionnelles

La mise en œuvre des critères correspond au

choix nominatif des salariés après que le prin-

cipe du licenciement ait été adopté. L’appli-

cation des critères doit être objective

Cadre de la déterminationdes critères

Sous réserve des critères fixés par voie conven-

tionnelle, depuis qu’ils ne relèvent plus des

dispositions du règlement intérieur, les cri-

tères sont définis par l’employeur après

consultation du comité d’entreprise, et ce à

l’occasion de chaque licenciement pour mo-

tif économique. Ils peuvent être donc diffé-

rents d’une opération à une autre.

Si l’appréciation de la réalité du motif écono-

mique et l’examen des possibilités de reclas-

sement doivent se faire dans l’entreprise, voire

dans le groupe auquel appartient l’employeur,

la détermination des critères de l’ordre des

licenciements ne peut se faire qu’au niveau

de l’entreprise. Le cadre du groupe ne peut

être retenu, y compris dans la situation d’une

restructuration concernant plusieurs socié-

tés du même groupe.

La seule question est celle du niveau à rete-

nir au sein de l’entreprise, lorsque celle-ci

comporte des établissements distincts, étant

précisé que l’article L. 321-1-1 du Code du

travail n’écarte pas le niveau de l’établisse-

ment puisqu’il vise « les entreprises ou établis-sements visés à l’article L. 321-2 ».Le niveau de détermination des critères est

en fait étroitement lié à la procédure mise en

œuvre dans les entreprises à structures com-

plexes au sein desquelles sont en place des

comités d’établissement et un comité central

d’entreprise. Les règles habituelles de répar-

tition des compétences entre ces différents

niveaux de représentation doivent à notre

avis s’appliquer.

Lorsque le licenciement sera décidé au sein

d’un établissement en considération de la

seule situation de l’établissement, dans la

limite des pouvoirs du chef d’établissement,

les critères, soumis au comité d’établisse-

ment, seront déterminés à ce niveau.

Le licenciement économique « aujourd’hui »

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Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 2007 43

DOSSIER

Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 200744

Cadre d’application des critères

Par ailleurs, le cadre d’application est celui

de l’entreprise toute entière (21), c'est-à-dire

que les critères retenus sont à apprécier pour

la totalité des salariés d’une même catégo-

rie dans l’ensemble de l’entreprise, ce qui a

pour conséquence que les salariés dont les

emplois sont supprimés ne sont pas néces-

sairement ceux que l’application des critè-

res désigne pour être licenciés, y compris si

un service est supprimé dans sa totalité (22).

Dans l’hypothèse d’une entreprise à établis-

sements multiples, le cadre retenu devrait,

en l’absence de dispositions conventionnel-

les, être celui de l’entreprise ou, à tout le

moins, englober l’ensemble des établisse-

ments concernés par le projet de licencie-

ment (23). Un accord collectif peut néanmoins

valablement prévoir que l’ordre des licencie-

ments s’effectuera dans le cadre de l’établis-

sement ou à un échelon inférieur (24). Il en

est de même par « accord » avec le comité

d’entreprise (25).

Quand un accord collectif définit le cadre

d’appréciation des critères d’ordre des licen-

ciements, le juge veille à sa correcte applica-

tion. Ainsi en est-il de l’article 49 de la conven-

tion collective du personnel des banques qui

stipule que « les licenciements collectifs poursuppression d’emploi sont effectués dans unemême localité, par établissement et par natured’emploi, après avis du comité d’entrepriselorsqu’il en existe un ou, à défaut, des déléguésdu personnel, et suivant un classement établientre toutes les personnes occupées dans cha-cun des établissements de cette même localité ».

Ce faisant (26), elle valide le cadre convention-

nellement défini. C’est somme toute logique

quand on considère la rédaction de l’article

et vierge de toute discrimination. Ainsi la

charge de famille d’un salarié ne saurait-elle

être appréciée différemment selon que le sa-

larié est d’origine européenne ou non (16).

C’est par catégorie professionnelle qu’il faut

appliquer les critères retenus.

Attention, la Cour de cassation semble pri-

vilégier un critère formel sur une apprécia-

tion in concreto : a été ainsi cassée la décision

d’une cour d’appel ayant retenu comme ca-

tégorie professionnelle l’ensemble des sala-

riés qui exercent dans l’entreprise des fonc-

tions de même nature supposant une

formation professionnelle commune au lieu

de rechercher si l’ordre des licenciements

avait été respecté dans la catégorie profes-

sionnelle dont relève le salarié au sens de la

convention collective (19). Il est opportun, à

cet égard, de définir expressément, notam-

ment dans le plan de sauvegarde, ce que l’em-

ployeur entend par « catégorie professionnelle ».

En tout état de cause, la mise en œuvre des

critères de licenciement peut conduire à ce

qu’un salarié dont l’emploi n’est pas sup-

primé soit licencié (20).

Une catégorie professionnelle

peut être définie comme l’ensemble des sa-

lariés qui exercent au sein de l’entreprise des

fonctions de même nature supposant une

formation professionnelle commune (17). Il n’y

a pas lieu à cet égard de distinguer de caté-

gories entre les salariés à temps partiel et

ceux à temps plein. Ainsi, même en cas de

suppression d’un poste à mi-temps dans une

entreprise comportant deux salariés dont l’un

occupe le poste à mi-temps et l’autre un

poste à plein temps, l’employeur doit appli-

quer les règles relatives à l’ordre des licen-

ciements (18).

OBSERVATION

(16) Cass. soc., 8 avr. 2002, no 90-41.276. (17) Cass. soc., 13 févr. 1997, no 95-16.648. (18) Cass. soc., 7 juill. 1998, no 96-45.014. (19) Cass. soc., 16 mars2005, no 02-45.753. (20) Cass. soc., 29 juin 1994, no 92-44.466. (21) Cass. soc., 1er déc. 1998, no 96-43.980. (22) Cass. soc., 24 mars 1993, no 90-42.002.(23) CA Aix-en-Provence, 1er juin 1994, SA Griffine Maréchal c/ Barral. (24) Cass. soc., 23 sept. 1992, no 90-17.000 ; Cass. soc., 18 mai 2004, no 02-41.374 :solution implicite. (25) Cass. soc., 24 mars 1993, no 90-42.002. (26) Cass. soc., 27 janv. 1998, no 96-12.123.

Le salarié doit formuler sa demande par let-

tre recommandée avec demande d'avis de ré-

ception ou par lettre simple remise en main

propre contre décharge, avant l'expiration d'un

délai de dix jours à compter de la date à la-

quelle il quitte effectivement son emploi.

L'employeur doit faire connaître sa réponse

soit par lettre simple remise en main propre

contre décharge, soit par lettre recommandée

avec demande d'avis de réception envoyée au

plus tard dix jours après la présentation de la

lettre du salarié (27). L’absence de réponse de

l’employeur, si elle ne rend pas le licenciement

sans cause réelle et sérieuse, donne lieu à ré-

paration du préjudice résultant de cette irré-

gularité formelle (28).

L. 321-1-1 et la place qu’il donne à la conven-

tion ou à l’accord collectif.

Le comité d’entreprise, appelé à se pronon-

cer sur les critères de choix, peut également

se prononcer sur le cadre d’application de ces

critères, sachant que celui de l’établissement

peut s’avérer le plus approprié. En effet, même

si l’appréciation du motif économique et des

possibilités de reclassement doit se faire au

niveau de l’entreprise, retenir l’application

systématique des critères au niveau de l’en-

treprise risque d’aboutir à des solutions où

des salariés seront licenciés, compte tenu du

choix des critères retenus, dans un autre éta-

blissement, géographiquement éloigné de ce-

lui qui connaît des difficultés.

Information du salarié

Selon l’article L. 122-14-2 du Code du travail,

l’employeur est tenu, à la demande écrite du

salarié, de lui indiquer par écrit les critères

retenus pour fixer l’ordre des licenciements.

Le salarié qui n’aurait pas usé de

la faculté de demander au chef d’entreprise

les critères retenus pour fixer l’ordre des

licenciements n’est pas privé de la possibilité

de se prévaloir, ultérieurement, de ces critè-

res et de demander réparation du préjudice (29).

A NOTER

(27) C. trav., art. R. 122-3. (28) Cass. soc., 20 janv. 1998, no 96-40.930 ; Cass. soc., 24 juin 2003, no 01-42.932 ; Cass. soc., 2 févr. 2006, no 03-45.443.(29) Cass. soc., 18 mai 2004, no 02-41.179.

Le licenciement économique « aujourd’hui »

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Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 2007 45

DOSSIER

Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 200746

Schéma de réponse à la demande d’énonciation des critères de choix retenus

< Date >, < Lieu >

Monsieur (ou Madame) < Adresse >

Lettre recommandée avec AR

(ou Lettre remise en main propre contre décharge)

Monsieur (ou Madame),

VARIANTE (si les critères retenus sont prévus par la convention ou un accord collectif)

En réponse à votre demande en date du <>, nous vous informons que les critères de choix retenus pour votre licenciement pour motif écono-

mique ont été ceux prévus par la convention collective <> du <> (ou l’accord collectif <> du <>), à savoir < préciser les critères >.

VARIANTE (si les critères retenus ne sont pas prévus par la convention ou un accord collectif)

En réponse à votre demande en date du <>, nous vous informons que les critères de choix retenus pour votre licenciement pour motif écono-

mique sont les suivants : < à préciser >.

Veuillez agréer, Monsieur (ou Madame), <>.

< Signature >

Le licenciement économique « aujourd’hui »

Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 2007 47

ployeur un avis écrit précisant la nature de

l’irrégularité relevée, l’employeur est tenu de

lui répondre. Sous réserve du respect des dé-

lais énoncés ci-dessus, l’employeur ne peut

adresser les lettres de licenciement tant qu’il

n’a pas répondu aux observations de l’admi-

nistration ;

- le second concerne les salariés protégés.Les lettres de licenciement des salariés bé-

néficiant d’une protection au titre d’un ou

de plusieurs mandats détenus ne peuvent

être adressées qu’après obtention de l’auto-

risation de l’inspecteur du travail.

Réduction des délais

Lorsqu’un accord collectif portant sur les condi-

tions du licenciement, et notamment sur les

mesures sociales d’accompagnement,

Délais de notificationdes licenciementsDélais normauxLes délais sont essentiellement fonction du

nombre de licenciements pour motif écono-

mique envisagé (voir tableaux infra).

Ces délais ne s’appliquent qu’à défaut de dis-

positions conventionnelles plus favorables.

Il s’agit de jours calendaires.

Allongement des délais

Les délais peuvent être prolongés pour deux

motifs :

- le premier concerne uniquement les licenciementscollectifs portant sur au moins 10 salariés.Lorsque l’autorité administrative à laquelle

est notifié le projet de licenciement relève une

irrégularité de procédure et adresse à l’em-

Notificationdes licenciementspour motif économique

Catégories de personnel Entreprise avec ou sans IRP

Autres que personnel d’encadrement 7 jours ouvrables (1)

Personnel d’encadrement 15 jours ouvrables (1)

Catégories de personnel Entreprise avec ou sans IRP

Toutes sans distinction 7 jours ouvrables (1)

Importance du licenciement Délais Point de départ du délai

Moins de 100 salariés 30 jours • Notification du projet à laDDTEFP• 14 jours suivant la notifica-tion du projet à la DDTEFP si unexpert-comptable a été désigné

De 100 à 249 salariés 45 jours

250 salariés et plus 60 jours

Licenciement individuel

Licenciement collectif de 2 à 9 salariés

Licenciement collectif d’au moins 10 salariés

(1) Il s’agit d’un délai entre la date de l’entretien préalable et la date d’envoi de la lettre de notification du licenciement. Il est exprimé en jours ouvrables.

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DOSSIER

Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 200748

ou celles visées à l’article L. 439-6 (comité

d’entreprise européen) ou L. 439-1 (comité

de groupe) dès lors qu’elles occupent ensem-

ble au moins 1 000 salariés.

Si l’information des salariés sur les condi-

tions de mise en œuvre du congé de reclas-

sement doit être faite au cours de l’entretien

préalable, lorsque celui-ci est requis, ou après

la dernière réunion de consultation du co-

mité d’entreprise (ou des délégués du per-

sonnel), la lettre de licenciement doit com-

porter la proposition du bénéfice de ce congé.

Proposition de la conventionde reclassement personnalisé

Dans les entreprises de moins de 1 000 sa-

lariés, le salarié dispose, pour accepter ou re-

fuser le bénéfice de la convention de reclas-

sement personnalisé, de 14 jours à compter

de l’entretien préalable, s’il a lieu, ou de la

dernière réunion de consultation des repré-

sentants élus du personnel.

Deux situations peuvent se présenter :

- à la date de notification du licenciement, le

délai de 14 jours n’est pas encore expiré.

Dans ce cas, la lettre doit rappeler au sala-

rié la date d’expiration du délai d’accepta-

tion ou de refus de la CRP et préciser qu’en

cas de refus cette lettre constituera la noti-

fication du licenciement ;

- à la date de notification du licenciement,

le délai de 14 jours est expiré. Dans ce cas,

si le salarié n’a pas répondu, ce qui s’assi-

mile à un refus, ou a expressément refusé

le bénéfice de la CRP, la lettre peut rappe-

ler ce refus. Si, à l’inverse, le salarié a ac-

cepté le bénéfice de la CRP, la lettre de no-

tification du licenciement n’a pas lieu d’être.

En effet, le contrat est alors rompu d’un

commun accord entre les parties, cette

rupture prenant effet à l’expiration du dé-

lai de 14 jours.

a été conclu à l’occasion du projet de licencie-

ment ou lorsque l’entreprise applique les dis-

positions préexistantes d’une convention ou

d’un accord ayant le même objet, l’autorité ad-

ministrative peut réduire le délai légal dans la

limite de celui qui lui est imparti pour faire part

de ses observations sur le projet de licencie-

ment notifié (21, 28 ou 35 jours selon l’impor-

tance du licenciement).

Contenu de la lettrede licenciement

La lettre de licenciement doit obligatoirement

comporter plusieurs éléments.

Enoncé du motif économique

Doivent être indiqués de manière précise les

motifs qui justifient et caractérisent le licen-

ciement.

Le motif énoncé doit comporter obligatoire-

ment deux éléments :

- l’élément causal, c’est-à-dire la raison éco-

nomique (difficultés économiques, muta-

tions technologiques, réorganisation de

l’entreprise...) ;

- l’élément matériel, c’est-à-dire l’incidence

de la raison économique sur l’emploi ou le

contrat de travail (suppression ou trans-

formation d’emploi, modification du contrat

de travail).

Compte tenu de l’obligation de reclassement

préalable à la charge de l’employeur, il est

indispensable d’exposer également les mo-

tifs qui s’opposent au reclassement du salarié.

Proposition de congéde reclassement

Cette mention ne concerne que les entrepri-

ses ayant l’obligation de mettre en œuvre les

congés de reclassement, c’est-à-dire celles

ayant un effectif d’au moins 1 000 salariés

droit, et ce dans le même délai. Ce droit de

priorité joue pour les emplois devenus dis-

ponibles qui sont compatibles avec sa quali-

fication ou avec celle(s) qu’il aurait acquise(s)

postérieurement à la rupture de son contrat

de salarié, sous réserve d’en avoir informé

l’employeur.

Prioritéde réembauchage

Le salarié licencié pour motif économique

bénéficie d’une priorité de réembauchage du-

rant un délai d’un an à compter de la date de

rupture du contrat de travail, à condition qu’il

ait manifesté l’intention de bénéficier de ce

Le licenciement économique « aujourd’hui »

Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 2007 49

Notification du licenciement pour motif économique dans une entreprise de moins de 1 000 salariés

(Délai d’acceptation de la CRP non expiré)

Lettre recommandée avec AR

Monsieur (ou Madame),

Dans le cadre d’une mesure de licenciement collectif, nous vous avons remis le <> une proposition de convention de

reclassement personnalisé. Nous vous rappelons que vous avez jusqu’au <> inclus pour nous faire connaître votre

décision d’y adhérer.

Nous vous rappelons également :

qu’en cas d’adhésion, votre contrat de travail se trouvera réputé rompu d’un commun accord des parties, aux condi-

tions qui figurent dans le document d’information remis à la date du <> ;

qu’à défaut d’adhésion de votre part, la présente lettre constituera alors la notification de votre licenciement, sa date

de première présentation fixera le point de départ du préavis de <> au terme duquel votre contrat de travail sera

définitivement rompu.

(En cas de dispense de préavis) Nous vous précisons cependant que nous vous dispensons de l’exécution de ce préavis

et que vous percevrez donc :

(soit) au mois le mois l’indemnité compensatrice correspondante.

(soit) l’indemnité compensatrice correspondante en même temps que le solde de votre compte que nous tenons à

disposition.

(soit) l’indemnité compensatrice correspondante en même temps que le solde de votre compte qui vous sera adressé

prochainement.

En ce qui concerne les motifs de ce licenciement, il s’agit de ceux qui vous ont été exposés lors de l’entretien précité du

<>, à savoir : < les mentionner de manière précise >.

Nous vous informons que, conformément à l’article L. 321-14 du Code du travail, vous pourrez bénéficier d’une priorité

de réembauchage durant un délai d’un an à compter de la date de rupture de votre contrat de travail. Pour ce faire,

vous devrez nous faire part de votre désir d’user de cette priorité au cours de cette année. Cette priorité concerne les

emplois compatibles avec votre qualification actuelle ou avec celles que vous viendriez à acquérir, sous réserve que vous

nous ayez informés de celles-ci.

Nous vous indiquons, par ailleurs, que vous pouvez faire valoir les droits que vous avez acquis au titre du droit indivi-

duel à formation (DIF), sous réserve d’en formuler la demande avant l’expiration de votre préavis. A défaut d’une telle

demande dans le délai imparti, ce droit sera définitivement perdu. Pour votre parfaite information, nous vous précisons

que vous bénéficiez au titre du DIF d’un volume de <> heures qui, dans le cadre de la rupture de votre contrat de tra-

vail, peut se traduire par le versement d’une allocation.

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DOSSIER

Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 200750

Cette allocation doit être utilisée pour financer, en tout ou partie et à votre initiative, une action de bilan de compéten-

ces, de validation des acquis de l’expérience ou de formation.

Dans le cas où vous en feriez la demande dans le délai imparti, le versement de cette allocation interviendra donc

à réception du justificatif de suivi de l’une des actions susvisées.

(Eventuellement) En application de l’article L. 321-16 du Code du travail, les actions en contestation de la régularité

ou de la validité du licenciement doivent être engagées dans le délai de douze mois à compter de la notification

de la présente.

Veuillez agréer, Monsieur (ou Madame), <>.

< Signature >

Notification du licenciement pour motif économique dans une entreprise de moins de 1 000 salariés

(Délai d’acceptation de la CRP expiré)

Lettre recommandée avec AR

Monsieur (ou Madame),

Dans le cadre d’une mesure de licenciement collectif et en l’absence d’adhésion (ou de refus d’adhésion) à la conven-

tion de reclassement personnalisé qui vous a été proposée lors de cet entretien, nous sommes au regret de vous notifier,

par la présente, votre licenciement pour motif économique.

La date de première présentation de cette lettre fixera le point de départ du préavis de <> au terme duquel votre

contrat de travail sera définitivement rompu.

(En cas de dispense de préavis) Nous vous précisons cependant que nous vous dispensons de l’exécution de ce préavis

et que vous percevrez donc :

(soit) au mois le mois l’indemnité compensatrice correspondante.

(soit) l’indemnité compensatrice correspondante en même temps que le solde de votre compte que nous tenons à

disposition.

(soit) l’indemnité compensatrice correspondante en même temps que le solde de votre compte qui vous sera adressé

prochainement.

En ce qui concerne les motifs de ce licenciement, il s’agit de ceux qui vous ont été exposés lors de l’entretien précité du

<>, à savoir : < les mentionner de manière précise >.

Nous vous informons que, conformément à l’article L. 321-14 du Code du travail, vous pourrez bénéficier d’une priorité

de réembauchage durant un délai d’un an à compter de la date de rupture de votre contrat de travail. Pour ce faire,

vous devrez nous faire part de votre désir d’user de cette priorité au cours de cette année. Cette priorité concerne les

emplois compatibles avec votre qualification actuelle ou avec celles que vous viendriez à acquérir, sous réserve que vous

nous ayez informés de celles-ci.

Nous vous indiquons, par ailleurs, que vous pouvez faire valoir les droits que vous avez acquis au titre du droit indivi-

duel à la formation (DIF), sous réserve d’en formuler la demande avant l’expiration de votre préavis. A défaut d’une telle

demande dans le délai imparti, ce droit sera définitivement perdu. Pour votre parfaite information, nous vous précisons

que vous bénéficiez au titre du DIF d’un volume de <> heures qui, dans le cadre de la rupture de votre contrat de tra-

vail, peut se traduire par le versement d’une allocation.

Le licenciement économique « aujourd’hui »

Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 2007 51

Notification du licenciement pour motif économique dans une entreprise de 1 000 salariés et plus

Lettre recommandée avec AR

Monsieur (ou Madame),

Dans le cadre d'une mesure de licenciement collectif, nous sommes au regret de vous notifier, par la présente, votre

licenciement pour motif économique.

La date de première présentation de cette lettre fixera donc le point de départ du préavis de <> au terme duquel votre

contrat de travail sera définitivement rompu.

(En cas de dispense de préavis) Nous vous précisons cependant que nous vous dispensons de l’exécution de ce préavis

et que vous percevrez donc :

(soit) au mois le mois l’indemnité compensatrice correspondante.

(soit) l’indemnité compensatrice correspondante en même temps que le solde de votre compte que nous tenons à

disposition.

(soit) l’indemnité compensatrice correspondante en même temps que le solde de votre compte qui vous sera adressé

prochainement.

En ce qui concerne les motifs de ce licenciement, il s’agit de ceux qui vous ont été exposés lors de l’entretien précité du

<>, à savoir : < les mentionner de manière précise >.

Conformément aux dispositions de l'article L. 321-4-3 du Code du travail, nous vous proposons le bénéfice d'un congé

de reclassement dont les conditions de mise en œuvre vous ont été communiquées (par écrit) le <>. Nous vous rappe-

lons que vous disposez d'un délai de 8 jours à compter de la date de notification de la présente pour nous faire part de

votre décision. L'absence de réponse expresse de votre part sera assimilée à un refus de cette proposition.

Nous vous informons que, conformément à l'article L 321-14 du Code du travail, vous pourrez bénéficier d'une priorité

de réembauchage durant un délai d'un an à compter de la date de rupture de votre contrat de travail. Pour ce faire,

vous devrez nous faire part de votre désir d'user de cette priorité au cours de cette année. Cette priorité concerne les

emplois compatibles avec votre qualification actuelle ou avec celles que vous viendriez à acquérir, sous réserve que vous

nous ayez informés de celles-ci.

Nous vous indiquons par ailleurs que vous pouvez faire valoir les droits que vous avez acquis au titre du droit individuel

à la formation (DIF), sous réserve d’en formuler la demande avant l’expiration de votre préavis. A défaut d’une telle

demande dans le délai imparti, ce droit sera définitivement perdu. Pour votre parfaite information, nous vous précisons

que vous bénéficiez au titre du DIF d’un volume de <> heures qui, dans le cadre de la rupture de votre contrat de tra-

vail, peut se traduire par le versement d’une allocation.

Cette allocation doit être utilisée pour financer, en tout ou partie et à votre initiative, une action de bilan de compéten-

ces, de validation des acquis de l’expérience ou de formation.

Dans le cas où vous en feriez la demande dans le délai imparti, le versement de cette allocation interviendra donc à

réception du justificatif de suivi de l’une des actions susvisées.

(Eventuellement) En application de l’article L. 321-16 du Code du travail, les actions en contestation de la régularité ou

de la validité du licenciement doivent être engagées dans le délai de douze mois à compter de la notification de la pré-

sente.

Veuillez agréer, Monsieur (ou Madame), <>.

< Signature >

DOSSIER

Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 200752

Cette allocation doit être utilisée pour financer, en tout ou partie et à votre initiative, une action de bilan de compéten-

ces, de validation des acquis de l’expérience ou de formation. Dans le cas où vous en feriez la demande dans le délai

imparti, le versement de cette allocation interviendra donc à réception du justificatif de suivi de l’une des actions

susvisées.

(Eventuellement) En application de l’article L. 321-16 du Code du travail, les actions en contestation de la régularité ou

de la validité du licenciement doivent être engagées dans le délai de douze mois à compter de la notification de la

présente.

Veuillez agréer, Monsieur (ou Madame), <>.

< Signature >

Le droit des salariés à bénéficier de la prio-

rité de réembauchage doit figurer dans la

lettre notifiant le licenciement, de même que

ses conditions de mise en œuvre.

� Pour des modèles de lettres delicenciement, voir pages 10 et suivantes.

Exercice du droit

Demande du salarié

Le salarié dispose du délai d’un an, à comp-

ter de la date de la rupture de son contrat

de travail, pour demander à bénéficier de la

priorité de réembauchage. Cette priorité ne

jouera alors que pendant l’année suivant la

rupture de son contrat et non celle de sa de-

mande. Des dispositions conventionnelles

peuvent néanmoins aménager cette règle

dans un sens plus favorable.

La date à partir de laquelle court le délai d’un

an a été précisée par la jurisprudence : il s’agit

du moment où prend fin le préavis, qu’il soit

exécuté ou non (33), ce qui laisse une période

de creux entre l’obligation de reclassement

préalable et la priorité de réembauchage, du-

rant laquelle l’employeur pourrait procéder

au recrutement de salariés autres que ceux

venant d’être licenciés pour motif économi-

que. On peut néanmoins raisonnablement

penser que ceux-ci pourraient valablement

reprocher au chef d’entreprise de ne pas s’être

acquitté loyalement de son obligation.

Le licenciement économique « aujourd’hui »

Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 2007 53

Priorité de réembauchage

(30) Cass. soc., 5 mars 2002, no 00-41.429. (31) Cass. soc., 5 févr. 2002, no 99-46.345. (32) Cass. soc., 10 mai 1999, no 96-19.828 ; Cass. soc., 13 sept.2005, no 04-40.135. (33) Cass. soc., 27 nov. 2001, no 99-44.240.

� � �

T out salarié licencié pour motif éco-

nomique bénéficie d'une priorité

de réembauchage durant un délai

d'un an à compter de la date de rupture de

son contrat s'il manifeste le désir d'user de

cette priorité au cours de cette année.

BénéficiairesLa priorité de réembauchage joue quelle que

soit l’ampleur du licenciement ou l’effectif

de l’entreprise et peut bénéficier à tout sa-

larié quelle que soit son ancienneté. Par ail-

leurs, l’article L. 321-14 du Code du travail

n’exclut nullement son application dans le

cas où le salarié a retrouvé un autre em-

ploi (30). Elle subsiste en cas de reprise de

l’entité économique par un autre em-

ployeur (31).

S’agissant de la nature de la rupture inter-

venue, la Cour de cassation a jugé qu’en ap-

plication de l’article L. 321-1, alinéa 2, du

Code du travail, les dispositions d’ordre pu-

blic des articles L. 321-1 à L. 321-15 du

Code du travail sont applicables à toute

rupture pour motif économique. Dès lors,

la priorité de réembauchage peut être invo-

quée par tout salarié ayant accepté un dé-

part volontaire (32). Elle est également appli-

cable aux salariés ayant accepté la

convention de reclassement personnalisé

emportant rupture d’un commun accord

du contrat.

DOSSIER

Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 200754

Compatibilité de l’emploi avecla qualification du salarié licencié

L’emploi disponible doit être compatible avec

la qualification du salarié licencié (41), c'est-à-

dire soit celle de l’emploi quitté lors de la rup-

ture, soit celle acquise par le salarié depuis

la rupture, entendu qu’il appartient à celui-

ci d’en informer l’employeur.

La durée du temps de travail, à temps partiel

ou à temps complet, de même que la nature

temporaire ou à durée indéterminée du

contrat ne sont pas déterminantes. Il semble

également que des emplois de qualification

inférieure mais que le salarié aurait pu occu-

per doivent être proposés (42).

Choix à opérer en cas de pluralitéde bénéficiaires

Si plusieurs salariés demandent à bénéficier

de la priorité de réembauchage, l’employeur

n’a pas à suivre un ordre déterminé et peut

choisir ses collaborateurs en fonction de

l’intérêt de l’entreprise, sauf à communiquer

au juge, en cas de contestation du salarié,

les éléments objectifs sur lesquels il s’est ap-

puyé pour arrêter son choix (43).

Sanctions

Deux sanctions peuvent frapper l’employeur

qui n’aura pas respecté les obligations liées

à la priorité de réembauchage :

- l’indemnisation du préjudice nécessairement

du fait de l’absence de mention relative à la

Propositions au titrede la priorité

Notion de poste disponible

La priorité de réembauchage ne s’exerce que

lorsque l’employeur procède à des embau-

ches. Dès lors, ne sont pas concernés les mou-

vements de postes par mutation interne (34).

De même, un emploi occupé par un salarié

dont le contrat de travail est momentané-

ment suspendu n’est pas disponible au sens

de l’exigence légale. Ainsi jugé que n’avait pas

à être proposé au titre de la priorité de réem-

bauchage le recrutement de salariés :

- pour remplacer temporairement des sala-

riés en congés payés (35) ;

- pour remplacer temporairement un salarié

absent (36) ;

- pour remplacer temporairement un salarié

en arrêt de maladie (37) ;

- pour faire face à l’arrêt momentané d’une

chaîne (38).

Curieusement, la Cour de cassation consi-

dère qu'alors même que les salariés ont été

licenciés pour motif économique en raison

du refus de la modification de leur contrat

de travail, l'employeur est tenu, s'ils le de-

mandent, de leur proposer, au titre de la prio-

rité de réembauchage, ces postes devenus va-

cants (40).

(34) Cass. soc., 6 juill. 1999, no 97-40.546. (35) Cass. soc., 1er juill. 1998, n° 95-44.428. (36) Cass. soc., 12 déc. 1995, no 94-40.827. (37) Cass. soc., 6 févr.1997, no 94-41.379. (38) Cass. soc., 21 oct. 1998, no 96-43.056. (39) Cass. soc., 26 janv. 1994, no 92-43.839. (40) Cass. soc., 24 oct. 2000, no 97-43.065.(41) Cass. soc., 21 oct. 1998, préc. (42) Cass. soc., 18 juill. 2000, no 98-42.542. (43) Cass. soc., 2 déc. 1998, no 96-44.416.

Les représentants du personnel doivent

être tenus informés des postes disponibles, la liste

de ceux-ci devant par ailleurs faire l’objet d’un

affichage dans l’entreprise.

A NOTER

Il ne faut pas déduire des exemples ci-

dessus que la priorité se limite aux seuls emplois sous

contrat à durée indéterminée : la priorité joue s’il s’agit

de pourvoir un emploi devenu disponible parce qu’il

n’a plus de titulaire, peu important que l’employeur

entende y faire face en recourant à un contrat

précaire (39).

ATTENTION

Cette sanction n’est toutefois pas applica-

ble aux licenciements des salariés qui ont

moins de deux ans d’ancienneté ou lorsque

l’effectif de l’entreprise est inférieur à onze

salariés. �

priorité dans la lettre de licenciement et dont

le juge appréciera le montant (44) ;

- le non-respect de la priorité elle-même, sanc-

tionné par l’octroi d’une indemnité qui ne

peut être inférieure à deux mois de salaire (45).

Proposition de lettre à adresser au salarié l’informant de l’existence d’un poste disponible

Lettre recommandée avec AR

Monsieur (ou Madame),

Suite à votre demande du < date >, nous faisant part de votre intention de bénéficier d’une priorité de réembauchage

dans le cadre de l’article L. 321-14 du Code du travail, nous vous informons qu’un poste de < nature du contrat, du

poste, qualification, rémunération, location, etc. >, compatible avec votre qualification, est devenu disponible.

Vous voudrez bien nous faire savoir avant le < date > si vous êtes intéressé par cette proposition, faute de quoi nous

considérerons que vous la refusez.

Veuillez agréer, Monsieur (ou Madame), <>.

< Signature >

(44) Cass. soc., 25 avr. 2007, no 05-44.234. (45) C. trav., art. L. 122-14-4, dernier alinéa.

Le licenciement économique « aujourd’hui »

Les Cahiers du DRH - nº 135 - Septembre 2007 55

Un débat sera ensuite organisé avec le

public autour de la thématique : com-ment « consolider le dialogue social »au niveau de l’entreprise ?Place ensuite aux arbitres :

Jean-Denis Combrexelle, directeur gé-

néral du Travail, ministère du Travail et

des Relations sociales, fera le bilan dela loi du 4 mai 2004 et abordera les

perspectives envisagées pour demain.

Marie-Laure Morin, conseiller à la cham-

bre sociale de la Cour de cassation,

traitera du rôle du juge dans l’inter-

prétation et l’application des accords

à travers le prisme de la loyauté de lanégociation.

L’après-midi fera la place belle à la

prospective :

- négociation collective et droit com-munautaire avec Jean-Philippe Lher-

nould, professeur à l’Université de Poi-

tiers, et Jean-François Renucci,

secrétaire général adjoint EMCEF (Eu-

ropean Mine Chimical and Energy

Workers Federation) ;

- accord de groupe avec Paul-Henri

Antonmattei, doyen de la faculté de

droit de Montpellier, et Henri-José Le-

grand, avocat au Barreau de Paris ;

- accords collectifs et restructura-tions avec Antoine Mazeaud, profes-

seur à Paris II (Panthéon-Assas), et Yves

Chagny, doyen honoraire, chambre

sociale de la Cour de cassation ;

- accords sur la « responsabilité so-ciale de l’entreprise » avec Christine

Neau-Leduc, professeur à la faculté de

droit de Montpellier, et Jacques Khe-

liff, directeur du développement dura-

ble et membre du comité exécutif,

Groupe Rhodia.

Bref, de quoi réfléchir sur les thèmes,

les points de frictions et d’achoppe-

ment et anticiper la prochaine réforme !Lieu : Paris, Hôtel de CrillonRenseignements : 08 25 08 08 00

Mercredi 10 octobre 2007(de 9 h à 11 h 30)

Evaluation des salariés :nouveaux enjeux,nouveaux risques

Il est aujourd’hui essentiel de disposer

d'outils fiables et objectifs, permettant

à l’entreprise de faire de l’évaluation

un levier de motivation et de perfor-

mance des salariés… tout en se pro-

tégeant des éventuels contentieux en

matière de discrimination.

- Comment mettre en place un sys-

tème d’évaluation des salariés sans

bafouer les règles de droit ?

- Comment utiliser l’évaluation pour

individualiser les rémunérations ?

Sylvain Niel, avocat associé, directeur

du département GRH, Fidal, Alexandre

Linden, conseiller à la chambre sociale

de la Cour de cassation, et Laurent Lim,

responsable pôle social, Cnil, répon-

dront à toutes ces questions et à cel-

les que vous leur poserez au cours d’une

prochaine matinée-débats, organisée

par la Lettre des Juristes d’Affaires et

la Semaine Sociale Lamy.Lieu : Hôtel de CrillonRenseignements : 08 25 08 08 00

RENDEZ-VOUS

Mercredi 10 octobre 2007(de 9 h à 11 h 30)

28e colloque de la revue« Droit social »

Quel droit pour lanégociation collectivede demain ?2004 fut l’année de la réforme.

En 2008, préparez-vous à la révolution !

C’est un peu sur ce constat qu’a été

conçu, cette année, le colloque de la

revue « Droit social ».

L’avenir proche pourrait bien être en

effet à la représentativité sur base élec-

torale et à l'accord conclu par des syn-

dicats réellement majoritaires.

Avant que ces pistes débouchent sur

un ANI ou une loi, il fallait donner la

parole aux différents acteurs. C’est l’ob-

jectif de ce colloque présidé par Jean-

Emmanuel Ray, professeur à l’Univer-

sité Paris I (Panthéon-Sorbonne).

Et avec quel plateau !!

Laurence Parisot, présidente du MEDEF,

François Chereque, secrétaire général

de la CFDT, et Christian Larose, mem-

bre du Bureau de la Fédération Textile

CGT, ouvriront le bal pour présenter ce

que veulent les partenaires sociaux.

BLOC-NOTES

Les Cahiers du DRH � Président, Directeur de la publication : J.-P. Novella � Rédacteur en chef : A. Dupays � Ont participé à ce numéro :J. Barthélémy - J. Hurtaud - J.-R. Le Meur - S. Niel - C. Phérivong - A. Reymann - A. Derue � Réalisation PAO : A. Benesti - S. Richard - A. Milic� Éditeur : WOLTERS KLUWER FRANCE - 1, rue Eugène et Armand Peugeot - 92856 Rueil-Malmaison Cedex � N° Indigo : 0 825 08 08 00

� Fax : 01 76 73 48 09 � SAS au capital de 220 037 000 € - RCS Nanterre 480 081 306 � Associé unique : Holding Wolters Kluwer France � Nº Commission paritaire :1011 T 79085 - Dépôt légal : à parution - Nº ISSN : 1297-0824 - Périodicité : mensuelle � Abonnement annuel : 748,39 €TTC - Prix du numéro : 61,26 €TTC - Prix de la reliure :25,53 €TTC

� Imprimerie Delcambre - 45, rue Delizy, 93500 PantinToute reproduction ou représentation intégrale ou partielle par quelque procédé que ce soit, des pages publiées dans la présente publication, faite sans autorisation de l’éditeur est illicite et constitue une contrefaçon.Les noms, prénoms et adresses de nos abonnés sont communiqués à nos services internes et organismes liés contractuellement avec la publication, sauf opposition motivée. Dans ce cas, la communication sera limi-tée au service abonnement. Conformément à la loi du 6 janvier 1978, ces informations peuvent donner lieu à l’exercice d’un droit d’accès et de rectification auprès de Lamy S.A. – Direction Commerciale.

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