Cahiers De Nutrition Et De Diététique

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ISSN 0007-9960

Socit de Nutrition et de Dittique de Langue Franaise

SNDLFvolume 36Cah. Nutr. Dit., 2001, 36, 2S1-2S163

2001

hors srie 1

SNDLF

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cahiers de nutrition dittiqueCollge des Enseignants de Nutrition

et de

SNDLF

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Indexs dans, indexed in Chemical Abstracts, EMbase (Excerpta Medica) et Pascal (INIST/CNRS)

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Liste des auteursA. Avignon P Barbe . A. Basdevant J.-L. Bresson C. Colette T. Constans J. Cosnes P Crenn . J. Delarue D. Fouque M. Gerber H. Gin F. Guebre-Egziabher B. Guy-Grand X. Hbuterne M. Krempf D. Lalau F. Lamisse B. Lesourd A. Martin J.-C. Melchior B. Messing L. Monnier P Moulin . J.-M. Oppert T. Piche D. Quilliot D. Raccah D. Rigaud C. Simon J.-L. Schlienger P Vague . K. Vahedi P Valensi . B. Vialettes O. Ziegler

Comit de rdactionJ.-L. Bresson J. Delarue M. Romon C. Simon

CoordinationJ.-L. Bresson

SOMMAIRE7 Besoins nutritionnels (16, 21, 24, 34, 110, 111, 179) Besoins et apports nutritionnels conseills Besoins nutritionnels au cours de la grossesse et de la lactation Conseils nutritionnels, valuation des apports et prescription dun rgime Alimentation du sportif Risques lis lalimentation (73) Les risques toxicologiques Les toxi-infections alimentaires Alimentation et cancer (139) Alcoolisme (45) Smiologie des troubles du comportement alimentaire de ladulte Anorexie et boulimie (42) Obsit de lenfant et de ladulte (267) Diabte de type II (17, 233) Physiopathologie Prise en charge Diabte et grossesse Athrosclrose (128, 129, 130) Physiopathologie, valuation du risque cardio-vasculaire, prvention nutritionnelle Facteurs nutritionnels de lHTA Les hyperlipoprotinmies Sdentarit, activit physique et prvention du risque

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111 Evaluation de ltat nutritionnel (110) 117 Dnutrition (110, 295) 126 Troubles nutritionnels du sujet g (61) 133 Amaigrissement (110, 295) 137 Alimentation entrale et parentrale (110) 150 Anmies nutritionnelles (222, 297) 157 Nutrition et insuffisance rnale (179, 253)

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PROGRAMME DE LA RFORME DU DEUXIME CYCLEArrt du 10/10/2000 (JO 17/10/2000)

Premire partie : enseignement transversalModule 2. De la conception la naissanceItem 16. Grossesse normale. Besoins nutritionnels dune femme enceinte Expliquer les particularits des besoins nutritionnels dune femme enceinte. Item 17. Principales complications de la grossesse Savoir diagnostiquer et connatre les principes de prvention et de prise en charge du diabte gestationnel. Item 21. Prmaturit et retard de croissance intra-utrin : facteurs de risque et prvention Expliquer les principaux facteurs de risque et savoir expliquer les lments de prvention de la prmaturit et du retard de croissance intra-utrin. Item 24. Allaitement Argumenter les techniques et les bnfices de lallaitement maternel.

Module 5. VieillissementItem 56. Ostoporose Savoir diagnostiquer une ostoporose. Argumenter les principes de traitement et la surveillance (au long cours). Item 61. Troubles nutritionnels chez le sujet g Savoir diagnostiquer un trouble nutritionnel chez le sujet g. Apprcier les signes de gravit et le pronostic. Argumenter les principes du traitement et la surveillance (au long cours).

Module 7. Sant, environnement, maladies transmissiblesItem 73. Risques sanitaires lis leau et lalimentation ; toxi-infections alimentaires Prciser les principaux risques lis la consommation deau et daliments dans les pays dvelopps et en voie de dveloppement. Prciser les paramtres de qualit des eaux dalimentation et les mthodes de contrle. Savoir diagnostiquer une toxi-infection alimentaire et connatre les principes de prvention. Adopter une conduite pratique devant une toxi-infection familiale ou collective. Item 110. Besoins nutritionnels et apports alimentaires de ladulte. Evaluation de ltat nutritionnel. Dnutrition Exposer les besoins nutritionnels de ladulte, de la personne ge, de la femme enceinte. Evaluer ltat nutritionnel dun adulte sain et dun adulte malade. Argumenter la prise en charge dune dnutrition. Mener une enqute alimentaire et prescrire un rgime dittique. Item 111. Sports et sant. Aptitude aux sports chez lenfant et chez ladulte. Besoins nutritionnels chez le sportif Exposer les besoins nutritionnels chez le sportif enfant et chez le sportif adulte.Cah Nutr Dit, 36, hors srie 1, 2001

Module 3. Maturation et vulnrabilitItem 34. Alimentation et besoins nutritionnels du nourrisson et de lenfant Expliquer les besoins nutritionnels du nourrisson et de lenfant. Prescrire le rgime alimentaire dun nourrisson. Argumenter les principes de la prvention et de la prise en charge de lobsit de lenfant. Item 42. Troubles du comportement alimentaire de lenfant et de ladulte Donner des conseils dhygine alimentaire. Savoir diagnostiquer une anorexie mentale et une boulimie. Argumenter les principes de la prise en charge des troubles du comportement alimentaire. Item 45. Addictions et conduites dopantes (alcool)2S2

Module 9. Athrosclrose - hypertension thromboseItem 128. Athrome : pidmiologie et physiopathologie Expliquer lpidmiologie et les principaux mcanismes de la maladie athromateuse et les points dimpact des thrapeutiques. Prciser lvolution naturelle. Savoir raliser la prise en charge au long cours dun malade polyathromateux. Item 129. Facteurs de risque cardio-vasculaire et prvention Expliquer les facteurs de risque cardio-vasculaire et leur impact pathologique. Prendre en charge les hyperlipoprotinmies. Appliquer la prvention primaire et secondaire des facteurs de risque cardio-vasculaire et les stratgies individuelles et collectives. Item 130. Hypertension artrielle de ladulte Expliquer lpidmiologie, les principales causes et lhistoire de lhypertension artrielle de ladulte. Savoir appliquer le traitement et la prise en charge au long cours de lhypertension artrielle.

Deuxime partie : maladie et grands syndromesItem 222. Anmie par carence martiale Savoir diagnostiquer une anmie par carence martiale. Savoir appliquer le traitement et la surveillance de lvolution. Item 233. Diabte de type I et II de lenfant et de ladulte. Complications Savoir diagnostiquer un diabte chez lenfant et ladulte. Apprcier les signes de gravit et le pronostic. Savoir diagnostiquer et traiter une dcompensation acido-ctosique. Argumenter les principes du traitement et la surveillance. Item 253. Insuffisance rnale Item 267. Obsit de lenfant et de ladulte Savoir diagnostiquer une obsit chez lenfant et ladulte. Apprcier les signes de gravit et le pronostic. Accompagner le patient et sa famille dans sa dmarche de contrle pondral. Connatre les facteurs favorisant lobsit de lenfant et de ladulte et les mesures de prvention ou argumenter les principes du traitement et de la surveillance.

Module 10. CancrologieItem 139. Facteurs de risque, prvention et dpistage des cancers Expliquer et hirarchiser les facteurs de risque des cancers les plus frquents. Expliquer les principes de prvention primaire (tabac) et secondaires (dysplasie du col utrin).

Troisime partie : orientation diagnostiqueItem 295. Amaigrissement Devant un amaigrissement : argumenter les hypothses diagnostiques et justifier les examens complmentaires pertinents. Item 297. Anmies

Module 11. Synthse clinique et thrapeutiqueItem 179. Prescription dun rgime dittique Prescrire un rgime dittique en fonction de la pathologie et du contexte clinique.

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AVANT-PROPOS

La rdaction des Cahiers organe de la SNDLF a le plaisir de mettre la disposition de ses lecteurs les textes de ce numro hors srie ralis linitiative du Collge des Enseignants de Nutrition dans le but de fournir un poly vocation nationale lusage des tudiants en mdecine de 2e cycle. Les diffrents chapitres suivent au plus prs les nouveaux programmes. Ces textes, non signs, ont t rdigs par des enseignants de nutrition de diverses facults de mdecine franaises, sous lgide dun comit de rdaction spcifique prsid par Jean-Louis Bresson et comprenant Jacques Delarue, Monique Romon et Chantal Simon. Ce poly tmoigne du dsir des responsables de lenseignement mdical de la nutrition dhomogniser leur enseignement et de fournir aux tudiants un guide compltant leurs cours. Les auteurs et le comit de relecture doivent en tre remercis. La ralisation matrielle de ce numro na t possible que grce laide de lInstitut Roche de lObsit. Ces textes sont accessibles gratuitement, sous Word et en PDF, sur les sites Internet suivants : e2med (Masson), AFN-SNDLF et Roche Pharma.

Bernard GUY-GRAND pour la Rdaction des Cahiers

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Besoins nutritionnels

Besoins nutritionnels (1) Besoins et apports nutritionnels conseills Besoins nutritionnels au cours de la grossesse et de la lactation Besoins nutritionnels au cours de la grossesse et de la lactationLes recommandations dapport en nergie les plus gnralement publies sont dpourvues de toute ralit physiologique. Intervenir sur la quantit dnergie spontanment consomme par la femme enceinte nest donc pas justifi, except, naturellement, en cas de gain pondral insuffisant ou excessif. Quant aux autres nutriments, tout indique actuellement que des mcanismes spcifiques dadaptation permettent des femmes bien nourries, en bonne sant, ayant leur disposition une alimentation varie, de mener une grossesse normale son terme, sans autre ressource que celle que procure laugmentation spontane de leur consommation alimentaire. Il nexiste, en particulier, aucune justification une supplmentation systmatique en vitamines et oligo-lments. Dans ces conditions, seul un complment dacide folique (prvention des dfauts de fermeture du tube neural), de vitamine D (prvention des ttanies nonatales) ou de fer (traitement de lanmie par carence en fer) peut tre utile. Seules certaines situations, exposant des risques bien dfinis, justifient une intervention sous la forme de supplments plus complexes.

Points comprendre Besoins et apports nutritionnels conseillsLe besoin physiologique en un nutriment est la plus faible quantit de ce nutriment, sous la forme chimique la plus adapte, ncessaire lorganisme pour maintenir un dveloppement et un tat de sant normaux, sans perturber le mtabolisme des autres nutriments. Lapport alimentaire le plus appropri correspondrait donc celui qui serait tout juste suffisant, compte tenu de la biodisponibilit, pour couvrir le besoin physiologique en ce nutriment, vitant de solliciter lextrme les mcanismes de rgulation et dentraner une dpltion ou une surcharge des rserves. Il est aujourdhui impossible dvaluer en routine le besoin physiologique en un nutriment chez un individu donn. Cette difficult tient au fait que sa valeur diffre dune personne lautre et que nous ne disposons daucun marqueur suffisamment prcis et fiable pour prdire ces variations. En consquence, il nest pas possible de dfinir, pour chaque individu, lapport alimentaire qui lui serait le plus appropri. En pratique, on cherche dterminer la quantit de nutriments quil faudrait apporter pour couvrir les besoins de presque tous les individus dune population donne afin de la protger, dans son ensemble, du risque de carence. On appelle cette valeur apport de scurit ou apport nutritionnel conseill (ANC). Par dfinition, les ANC sont donc suprieurs aux besoins de la plupart des membres de la population quils visent, sans que lon puisse prciser lampleur de la diffrence chez un individu donn. En aucun cas, ils ne doivent tre assimils la quantit de nutriment que chaque individu devrait consommer, mme si le terme dapport recommand a pu prter confusion par le pass. Ces valeurs ne permettent pas non plus de juger de la faon dont lapport alimentaire dun individu donn couvre ses besoins. Les ANC ne constituent donc quun guide utile pour lalimentation de collectivits.Cah. Nutr. Dit., 36, hors srie 1, 2001

Pour approfondirEstimation des besoins Evaluation partir des apportsUne des approches les plus anciennes consiste prendre pour rfrence la consommation spontane dnergie et de nutriments de groupes de sujets apparemment en bonne sant. La premire faiblesse de cette mthode est prcisment de prjuger de la bonne sant des membres du groupe tudi. Lautre est dadmettre a priori que le rgime quils consomment est dnu de tout effet indsirable long terme. Cette supposition appelle de srieuses rserves, notamment parce que : 1) lalimentation des premires annes de la vie pourrait laisser une empreinte mtabolique favorisant, long terme, lapparition dhypertension, de diabte, etc. ; 2) chez ladulte, les diffrences de risques de maladies, notamment cardio-vasculaires, selon les diffrentes rgions dEurope recouvrent aussi dimportantes dif2S7

Besoins nutritionnelsfrences de modes de vie et dhabitudes alimentaires. Enfin, la mesure de la consommation alimentaire demeure trs imprcise chez lenfant comme chez ladulte, et il nest pas possible den tirer dinformation fiable pour certains nutriments, tels les minraux, les vitamines ou les oligo-lments. Cependant, la mthode reste trs utilise chez le nourrisson allait exclusivement au sein : 1) de nombreuses raisons conduisent considrer le lait de femme comme laliment complet qui lui est le mieux adapt ; 2) il est possible de mesurer avec une bonne prcision la quantit de lait consomme par des nourrissons en bonne sant, ainsi que sa teneur en nutriments, puis den dduire la quantit moyenne apporte pour la prendre en rfrence (modle du lait de femme). En ralit, cette mthode ne mesure pas les besoins et aboutit des valeurs qui les surestiment. Dautre part, les estimations faites au cours de lallaitement maternel ne sont pas directement transposables aux prparations pour nourrissons, dans la mesure o la biodisponibilit de nombreux nutriments est sensiblement plus leve dans le lait de femme que dans les prparations drivant du lait de vache. apports beaucoup plus levs sont ncessaires pour viter lapparition des signes cliniques, en 4 6 semaines, chez des volontaires sains recevant un rgime carenc (technique de dpltion-rpltion). De mme, seuls des apports plus levs permettent de compenser les pertes de vitamine C lies son catabolisme au cours dun rgime normal. Assimiler le besoin en un nutriment la quantit minimum quil faut en fournir pour corriger ou juste viter la carence conduirait donc des apports insuffisants.

Ralisation des mesures et interprtationLvaluation des besoins repose sur des mesures (des apports, des pertes...) dont lobjectif est de dfinir avec prcision la distribution relle des besoins (moyenne et cart type) au sein dune population. Naturellement, il nest possible dtudier quun sous-groupe de sujets qui ne doit pas comporter de biais de slection et tre dun effectif suffisamment important pour reprsenter de faon satisfaisante la population vise. A lchantillonnage du nombre se superpose celui du temps : la dure des mesures doit tre dautant plus longue que la variabilit dun jour lautre du paramtre mesur est leve. Le coefficient de variation (cart type/moyenne) est habituellement de lordre de 15 %. Malheureusement, la distribution statistique des besoins nest pas toujours connue avec la prcision souhaitable, voire nest pas dfinie pour certains nutriments ou certaines classes dges. Par exemple, le besoin en protines a fait lobjet de nombreuses tudes chez le jeune enfant et ladulte, mais seuls deux articles portent sur la vingtaine dannes qui spare ces deux groupes. Dans ces conditions, le besoin moyen est estim par interpolation, en considrant que le besoin dentretien est constant et proportionnel la masse maigre et le besoin pour la croissance proportionnel sa vitesse. Tous ces calculs admettent implicitement que la distribution des besoins obit une loi normale. Cette hypothse nest pas toujours vrifie : le besoin en fer de la femme en priode dactivit gnitale sen carte notablement. Les valuations du besoin devraient tre interprtes en tenant compte des capacits individuelles dadaptation des apports trs diffrents. Le manque dinformation dans ce domaine limite notre aptitude valuer linfluence respective des facteurs alimentaires, digestifs et systmiques sur le devenir des nutriments. Ces facteurs dterminent pourtant leur biodisponibilit, cest--dire lefficacit avec laquelle ils sont absorbs et utiliss par lorganisme. Cette information est videmment ncessaire pour passer dun besoin physiologique un apport alimentaire de rfrence. Linfluence de lhte sur la biodisponibilit est gnralement nglige et le terme dsigne le plus souvent les seuls effets du rgime ou des aliments sur labsorption des nutriments. Ils peuvent tre trs importants, comme en tmoigne la diffrence dabsorption du fer hminique et minral. Cela implique que la biodisponibilit ne peut tre value quin vivo et quil est hasardeux de gnraliser des rsultats obtenus dans des conditions trs prcises.

La mthode factorielleLa mthode factorielle se fonde sur la somme des besoins de maintenance et de croissance, et, pour lnergie, de ceux lis lactivit physique. Le besoin de maintenance reprsente gnralement les pertes obligatoires par la peau, les phanres, les urines, les selles, etc. Dans certains cas, les pertes obligatoires peuvent conduire sous-estimer le besoin de maintenance. Cest le cas pour les protines. Dautre part, la couverture du besoin de maintenance ne dpend pas seulement du niveau dapport du nutriment considr : elle peut tre affecte par dautres nutriments. Ainsi, la quantit dnergie consomme interfre avec la couverture du besoin en protines, en favorisant ladaptation aux faibles apports.

La mthode des bilansLa mthode des bilans consiste valuer prcisment la diffrence entre les apports et les pertes dun nutriment donn, le besoin tant couvert lorsque cette diffrence est nulle. Plus gnralement, elle permet dobtenir des informations sur lutilisation nette dun nutriment. Cest une technique extrmement exigeante, qui prsente des erreurs systmatiques (surestimation des apports et sous-estimation des pertes), plus ou moins importantes selon le soin quon y apporte, conduisant sous-estimer les besoins. Ses rsultats dpendent aussi du temps ncessaire pour atteindre lquilibre du bilan aprs une modification des apports. Par exemple, si les rserves de lorganisme sont trs importantes par rapport aux apports quotidiens (comme dans le cas du calcium, du phosphore ou du magnsium), un temps trs long, probablement des mois, scoulera avant datteindre un nouvel quilibre. En dpit de ses limites, la plupart des informations fiables a t obtenue grce cette technique. Elle permet, au moins, de vrifier ladquation des apports habituels et, des niveaux dapports faibles ou nuls, de mesurer les pertes obligatoires de nutriments. Combine lusage de traceurs non radioactifs, elle permet de mieux caractriser labsorption ou les vitesses dchange entre les diffrents compartiments. Avec ces raffinements, la mthode des bilans demeure un outil de choix pour ltude des besoins, tant que de nouvelles mthodes nauront pas t parfaitement valides.

Deux exemples : besoins en nergie et en protines Besoin en nergieLe besoin nergtique de ladulte est trs variable dun individu lautre, mme au repos (mtabolisme de base ou MB, dun facteur 2 et plus). Cela est essentiellement li des diffrences de composition corporelle, puisque les variations de masse maigre expliquent 60 80 % de la variance interindividuelle du MB (dans une population normale, la masse maigre est troitement corrle la taille). Le sexe et la masse grasse ne rendent compte que de 2 % environ de ces diffrences. Le MB correspond lnergie ncessaire lentretien des gradients lectrochimiques, au renouvellement des constituants cellulaires, au fonctionnement des fonctions intgratives (ventilation, circulation, systme nerveux...), jeun et avant toute activit. Lactivit physique constitue lautre source majeure de variations interindividuelles de la dpense nergtique. Pourtant, il est presque impossible dvaluer avec prcision sa contributionCah. Nutr. Dit., 36, hors srie 1, 2001

La prvention des carencesLestimation du besoin peut aussi sappuyer sur les donnes cliniques, biologiques ou pidmiologiques relatives une carence spcifique. La prvention du scorbut dans la Royal Navy est le premier et, sans doute, le plus frappant exemple de cette dmarche. Des expriences beaucoup plus rcentes ont confirm quil est possible de prvenir ou de traiter le scorbut avec des doses aussi faibles que 10 mg/j. Cependant, des2S8

Besoins nutritionnelsau cours de la vie quotidienne dun individu donn. Les mesures ralises sur des groupes de sujets pratiquant une activit prcise (plus dune centaine de modes dactivit diffrents ont ainsi t tudis) napportent quun ordre de grandeur, dans la mesure o leurs valeurs diffrent sensiblement selon les conditions. Le plus grand progrs, dans ce domaine, vient de la possibilit de quantifier la dpense nergtique des 24 heures (DE24) par une technique lgante et trs peu contraignante pour les sujets qui sy prtent : la dilution de 2H218O. Elle ne donne pas un accs direct la dpense due lactivit, mais on estime que lessentiel de la diffrence entre DE24 et MB lui est imputable. La dpense dactivit peut alors tre chiffre sous la forme dun multiple du MB : le niveau dactivit physique (NAP), qui rsulte de la division de la dpense nergtique des 24 heures (DE24) par le MB. Ainsi, le NAP dun homme sdentaire sera denviron 1,5, alors que celui dun sujet physiquement trs actif pourra dpasser 2. La DE24 peut donc varier de 1 800 kcal chez une femme nayant aucune activit physique 3 400 kcal chez un homme ayant une activit physique trs importante. Le besoin de maintenance correspond lapport nergtique pour lequel le poids reste constant, cest--dire un apport dnergie gal la dpense. Chez le nourrisson et lenfant, le besoin pour la croissance est estim daprs la relation existant entre le gain pondral (y = g/jour) et la quantit totale dnergie consomme (x = kcal/jour). Dans un groupe de nourrissons, la pente de la droite de rgression de la vitesse de croissance pondrale en fonction de la consommation dnergie reprsente le besoin nergtique pour la croissance. Il est de 5 kcal par gramme de gain pondral. Grce une combinaison de techniques, il est possible de distinguer le cot de synthse des nouveaux tissus (1,5 kcal/g), de lnergie quils contiennent (3,5 kcal/g). En valeur relative, le cot nergtique de la croissance est trs lev au cours des premires semaines de vie (de lordre de 30 % de la dpense nergtique totale), mais ne reprsente plus que quelques pour cent de la dpense 5 ans. Dautre part, lintersection de la droite avec laxe des abscisses correspond la consommation nergtique croissance nulle, cest-dire la dpense de maintenance. Chez ladulte, le besoin nergtique reprsente la moyenne du besoin pour la maintenance du groupe de sujets pris en rfrence. Chez lenfant, cest la moyenne du besoin de maintenance plus celle du besoin de croissance du groupe denfants pris comme rfrence. dacides amins non essentiels peut tre immature. Dans ce cas, la synthse protique est transitoirement dpendante de lapport de cet acide amin, conditionnellement essentiel. De nombreuses analyses de la qualit des aliments consomms selon lge, le sexe ou les niveaux socio-conomiques taient disponibles ds le XIXe sicle en Europe, comme aux Etats-Unis. On a cru pouvoir conclure de ces informations quun apport protique de 118 125 g/j-1 constituait une limite en dessous de laquelle il ne faut pas descendre, si lon souhaite maintenir force et sant chez ladulte. Ce nest que pendant le premier quart du sicle dernier quil a t prouv que ces valeurs sont en fait trs suprieures au besoin minimum (estim moins de 60 g/j-1 en 1911), dmontrant que ltude de la consommation spontane nest pas un outil appropri la dtermination du besoin. La mthode factorielle permet de prdire le besoin en protines partir de la mesure des pertes obligatoires dazote. La dtermination des pertes minima urinaires et fcales est ralise chez des sujets sains recevant un rgime dpourvu de protines, mais fournissant nergie et micro-nutriments en quantits normales. Elles sont remarquablement reproductibles dune tude lautre et slvent 53 mg/kg-1/j-1 (41-69 mg N/kg-1/j-1). La quantit dazote perdue par transpiration ou dans les phanres, sans tre aussi importante, nest pas ngligeable. La perte dazote par la transpiration dans les quantits les plus habituelles est de lordre de 150 mg/j-1, mais peut atteindre 500 mg/j-1 lors dun rgime riche en protines et peut tre trs suprieure au cours dun exercice intense. On lestime en moyenne 250 mg/j-1 (4 mg N/kg-1/j-1) auxquels il faut ajouter des pertes mineures (salive, crachat... ; 2 mg/kg-1/j-1), soit un total de 6 mg/kg-1/j-1. La somme des pertes correspond environ 60 mg N/kg-1/j-1. Thoriquement, ces pertes devraient tre couvertes par un apport quivalent de protines (0,38 g/kg/j-1) entirement utilisables par lorganisme, soit peu prs 27 g/j-1 pour un sujet de 70 kg. En ralit, plusieurs tudes ont montr quil est impossible de maintenir constante la masse protique de lorganisme avec une telle ration et quun rsultat satisfaisant ne peut tre atteint quen la majorant de 30, voire 45 %. Il est donc apparu prfrable, chez ladulte, dtudier directement les conditions dquilibre du bilan azot. Le besoin pour la croissance peut tre calcul partir de la vitesse du gain pondral un ge donn, si lon admet que sa composition est constante et comporte 16 % des protines. Laccroissement de la masse protique passe ainsi de 0,93 g/kg1/j-1 1 mois moins de 0,2 g/kg-1/j-1 entre 9 et 12 mois. A mesure que le besoin pour la croissance diminue avec le ralentissement du gain pondral, le besoin de maintenance augmente en proportion de la masse protique, ce qui fait que la somme des besoins de croissance et de maintenance est constante pendant les 2 ou 3 premires annes de la vie. La mthode des bilans permet de dterminer la quantit dazote fixe ou perdue par lorganisme par diffrence entre la quantit apporte et la quantit limine. Une diffrence nulle reprsente le point dquilibre chez ladulte, alors que chez lenfant il correspond la diffrence positive qui accompagne la vitesse de croissance juge la plus satisfaisante. En pratique, un groupe de sujets reoit de faon squentielle pendant des priodes de 1 3 semaines (mthode courte), ou de plusieurs mois (mthode longue), diffrentes quantits de protines, lapport nergtique tant soigneusement maintenu constant. Le besoin minimum de chaque sujet correspond la plus faible des rations permettant datteindre le point dquilibre recherch. Les premires difficults, mais non les moindres, concernent videmment la mesure prcise des entres et des pertes. La construction dune courbe dose-rponse laide de plusieurs niveaux dapport permet de minimiser les variations intra-individuelles. Toutefois, il persiste des erreurs systmatiques, surestimant les apports et sous-estimant les pertes, qui expliquent que le bilan azot dun adulte normal lquilibre soit positif alors quil devrait tre nul. Une interpolation est souvent ncessaire pour cerner au plus prs la quantit minimum de protines couvrant exactement le besoin. Il faut alors prendre garde au fait que la relation entre bilan azot et apports nest pas linaire et2S9

Besoin en protinesChez ladulte jeune, la masse protique est stable, ce qui implique que synthse et protolyse soient, en moyenne, gales. Toutefois, le catabolisme des acides amins essentiel ne sannule pas compltement lorsque le rgime est appauvri en lun des deux ou en priode de jene. Un apport quotidien gal leur oxydation rsiduelle est donc ncessaire pour permettre la synthse en protique de compenser la protolyse. Il faut y ajouter la quantit dacides amins essentiels qui chappent au recyclage, soit parce quils sont entrs dans une voie de transformation (par exemple, tryptophane vers la srotonine), soit parce quils ont t incorpors dans des protines dfinitivement perdues (peau et phanres...). Ceci est galement vrai pour les acides amins non essentiels. Ces deux postes ne reprsentent quune trs faible part de la quantit totale dacides amins incorpors chaque jour dans les protines (de lordre de 200 300 g/j-1 ), lessentiel provenant de la protolyse. Chez lenfant, au contraire, la croissance se traduit par une augmentation de la masse cellulaire, donc de la masse protique totale. Cette dposition protique dpend donc dun apport dacides amins essentiels en quantit gale ce qui est incorpor dans lorganisme. Le besoin pour la croissance est donc la quantit dazote et dacides amins essentiels qui permet, lorsque le besoin de maintenance est couvert, dassurer laccroissement de la masse maigre. Chez le prmatur ou le nouveau-n, lune des voies permettant normalement la synthseCah. Nutr. Dit., 36, hors srie 1, 2001

Besoins nutritionnelsque la pente du bilan dazote diminue trs sensiblement mesure que la ration protique sapproche du besoin, comme si lefficacit dutilisation des protines tait maximum tant que lapport est insuffisant et diminuait sensiblement lorsquil approche ou dpasse le besoin. Les rsultats sont aussi influencs de faon sensible par lapport nergtique. Pour une mme quantit de protines alimentaires, laugmentation progressive de lapport dnergie amliore le bilan azot jusqu un maximum, caractristique de la ration protique utilise, au-del duquel il reste stable. Ainsi, lquilibre du bilan azot dun groupe de sujets a t assur avec 0,74 g/kg-1j.-1 de protines et 45 kcal/kg-1, tout aussi bien quavec 0,49 g/kg-1/j-1 et une ration nergtique porte 57 kcal/kg-1/j-1. A lintrieur de certaines limites, le bilan azot varie donc en plus ou en moins de 0,2 0,3 g dN par ration nergtique. Cet effet peut videmment conduire sous-estimer le besoin, critique habituellement faite aux premires mesures ralises chez ladulte. La compilation de lensemble des donnes disponibles permet dadmettre que le besoin moyen en protines de haute valeur biologique de 0,6 g/kg-1j/-1, chez lhomme et la femme, avec un coefficient de variation de lordre de 12 %. tive de lordre de 94 %, lANC pour les protines est donc de lordre de 0,8 g/kg-1/j-1 ({0,6 + 2 x 0,075}/ 0,94), ce qui a t confirm par lexprience. Cela reprsenterait une ration denviron 56 g/j-1 pour un homme de 70 kg, soit un peu plus de la moiti de la consommation spontane dans les pays dvelopps. Cependant, la distribution des besoins en nutriments nest pas toujours connue avec prcision, ce qui amne introduire des facteurs de correction majorant le rsultat, presque en proportion des incertitudes. En outre, la biodisponibilit (par exemple, du fer) nest pas uniforme dun aliment lautre et, dans tous les cas, diffre de 100 %. Il faut introduire, ici aussi, un facteur de correction destin tenir compte de la fraction de nutriment inutilisable ou indisponible. Enfin, lefficacit avec laquelle le nutriment est utilis dans lorganisme (par exemple, fraction des protines absorbes utilises pour la croissance) peut justifier dautres corrections. On comprend que, par construction, les ANC soient suprieurs aux besoins de la plupart des membres de la population quils visent, sans que lon puisse prciser lampleur de la diffrence chez un individu donn. Ils ne doivent donc pas tre assimils la quantit de nutriments que chaque individu doit consommer, mme si le terme apport recommand a pu prter confusion par le pass. Conscient de lambigut des mots utiliss, le comit scientifique europen a adopt une nouvelle terminologie : LTI : lowest threshold intake ou niveau dapport auquel la plupart des individus dune population risque une carence (besoin moyen moins 2 carts-types) ; AR : average requirement qui correspond au besoin moyen de la population ; PRI : population reference intake ou niveau dapport auquel les besoins de la plupart des individus dune population sont couverts (quivalent lANC). Elle permet de mieux comprendre quaucune conclusion valide ne peut tre tire de la comparaison entre la consommation alimentaire dun individu donn et les ANC quant au risque de carence, sauf lorsquelle est infrieure ou gale au LTI ou suprieure ou gale au PRI. Dans lintervalle, lincapacit de prdire les besoins de ce sujet interdit de tirer quelque conclusion que ce soit de cette seule donne.

Elaboration des ANC ANC en nergieLapport nergtique conseill pour une population adulte en bonne sant est bas sur la moyenne des besoins quotidiens de maintenance dun groupe de sujets normaux reprsentant la population vise, considrant que lobjectif principal est de maintenir leur poids stable long terme. Cependant, dans lespoir daboutir un conseil plus personnalis, les dpenses mesures (MB et DE24) ont t analyses en fonction des principales caractristiques (taille, poids, etc.) des sujets tudis, pour aboutir des quations permettant de prdire le MB ou la DE24 dun sujet donn, daprs sa taille, son poids, etc. Pour sduisante quelle soit, cette mthode fait courir des risques non ngligeables derreur : si le sujet concern nest pas rigoureusement comparable au groupe de sujets pris en rfrence, lerreur de la prdiction est dautant plus importante quil sen carte ; on dit que ces quations sont population-dpendantes ; elle nglige dlibrment le fait que les caractristiques physiques des individus ne rendent compte que de 60 80 % de la variation interindividuelle du MB ; elle nglige aussi les difficults considrables lies lestimation du niveau dactivit dun individu donn, puis lvaluation de son cot rel. A ces erreurs sajoutent celles qui sont lies lvaluation de lANC lui-mme dans le groupe de rfrence. Ainsi, lalimentation du nourrisson parat aise quantifier, surtout lorsquil ne consomme que du lait, particulirement au biberon. Pourtant, les apports nutritionnels recommands, labors daprs ces donnes, se sont avrs 15 25 % plus levs que leur besoin nergtique rel ! Compte tenu de la variabilit interindividuelle du besoin (cf. plus haut), matrialise par une distribution plus ou moins tale autour de la moyenne, des grandes incertitudes inhrentes aux techniques de prdiction, on comprend bien que lANC pour lnergie noffre quun repre dintrt gnral et ne constitue pas une valeur uniformment applicable tout individu.

Situations o les ANC sont pris en dfautLa grossesse en est probablement lun des meilleurs exemples. Les ANC au cours de la grossesse ont t, jusqu ces dernires annes, estims daprs les quantits de nutriments (graisses, protines, calcium, fer, etc.) dposes dans lorganisme ftal, le placenta et lorganisme maternel, auxquelles sajoutent, pour lnergie, les cots de maintenance de lunit fto-placentaire et de lorganisme maternel. Ces donnes sont gnralement majores pour tenir compte de la biodisponibilit et des variations interindividuelles, puis exprimes sous la forme de recommandations quotidiennes, soit uniformment rparties sur la dure de la gestation, soit adaptes chaque trimestre en proportion de la vitesse de croissance ftale. Les valeurs obtenues reprsentent donc, pour chacun des nutriments considrs, la quantit quil faudrait thoriquement fournir en plus de lalimentation normale pour couvrir lensemble des besoins de la grossesse. Ces rsultats ne tiennent aucun compte de lefficacit avec laquelle le placenta tire parti des rserves maternelles, ni du rle tampon que celles-ci peuvent jouer entre les besoins du ftus et les fluctuations des ressources alimentaires. Pourtant, le contrle prcis des transferts materno-ftaux constitue une puissante barrire de scurit. Ainsi, le statut en fer, en calcium ou en vitamine A des nouveau-ns reste, dans de larges limites, indpendant de celui de leur mre. Ce mode de calcul nglige aussi les capacits dadaptation de lorganisme maternel, alors que le mtabolisme de certains nutriments est profondment affect par la grossesse au cours du deuxime trimestre, voire ds le premier, cest--dire un moment o lesCah. Nutr. Dit., 36, hors srie 1, 2001

ANC en protines et autres nutrimentsLe raisonnement suivi pour tablir les ANC en protines, comme pour chacun des autres nutriments, est diffrent. Lobjectif prioritaire est ici dviter toute carence dans lensemble de la population vise, do le terme apport de scurit. Il est intuitivement vident quil faut dpasser le besoin moyen pour latteindre. LANC reprsente alors le besoin moyen auquel on ajoute la valeur de 2 carts-types de sa distribution pour couvrir les besoins de 97,5 % de la population considre. Si le besoin moyen en protines est de 0,6 g/kg-1/j-1, son coefficient de variation de 12,5 % et le coefficient dutilisation diges2S10

Besoins nutritionnelsbesoins du ftus sont encore trs modestes ou ngligeables. Une part importante des besoins serait donc couverte grce un ajustement anticip du mtabolisme maternel, permettant la constitution de rserves mobilisables au cours du dernier trimestre, lorsque la croissance ftale est plus rapide. Cet ajustement anticip permettrait la femme de couvrir les besoins de son ftus, sans grande modification de son alimentation. La dure de la grossesse et la particulire lenteur de dveloppement du ftus humain facilitent ce type dadaptation, puisque ses exigences nutritionnelles, exprimes par unit de temps, sont les plus faibles de lensemble des mammifres. populations favorises. A lvidence, laugmentation de la dpense qui tend sopposer une surcharge nergtique ne peut tre assimile un besoin. La prise en compte de cette rponse dans le calcul des cots de la grossesse conduirait invitablement leur surestimation. Laugmentation de la masse grasse constitue lautre poste majeur, du seul fait de la densit nergtique des lipides (9 kcal/g) mis en rserve. Dans les populations favorises, le gain pondral comporte, en moyenne, prs de 3 kg de graisse ( peu prs 2,5 kg pour lorganisme maternel et 0,4 kg pour le ftus), reprsentant 27 Mcal. Soixante pour cent du dpt est dj prsent la 18e semaine et prs de 90 % ds la 24e semaine. Cet investissement est donc presque entirement ralis avant que la dpense nergtique maternelle naugmente de faon significative. Toutefois, labsence de relation entre gain lipidique maternel et poids de naissance, chez les femmes bien nourries, suggre que la constitution de ces rserves nest pas une condition ncessaire au dveloppement optimum du ftus. Dautre part, lextrme variabilit interindividuelle des dpts lipidiques acquis lors de la grossesse rend trs dlicate la dtermination du gain souhaitable. Il nexiste pas aujourdhui de meilleur choix que de retenir la valeur moyenne fournie par lobservation, tout en sachant que cette dpense peut tre partiellement couverte par une rduction du MB et de la DE au cours des premires semaines de la gestation. Le calcul du cot thorique total de la grossesse ne tient donc aucun compte des capacits individuelles dadaptation qui peuvent pourtant conduire de substantielles conomies. De plus, son rsultat intgre trs probablement, au moins dans les pays favoriss, les dpenses lies aux mcanismes qui sopposent une surcharge nergtique. Les valeurs actuellement retenues ne peuvent donc que surestimer notablement le besoin rel. Dautre part, lextrme variabilit des rponses de la dpense nergtique et de la masse grasse la grossesse rend illusoire toute recommandation personnalise, dans la mesure o il nexiste aucun moyen de prdire lvolution mtabolique et comportementale individuelle. Ltude de la consommation alimentaire offre une autre possibilit, indirecte, dvaluer le cot nergtique de la grossesse. Le principal constat qui en ressort est que son augmentation est loin de couvrir les cots calculs par la mthode factorielle. La mme conclusion vaut pour les tudes o les cots lis aux variations de la dpense nergtique et de la composition corporelle ont t simultanment mesurs. Leurs rsultats rvlent nouveau une grande dispersion, laugmentation de la consommation nergtique allant de 50 230 kcal/j en fin de grossesse. Les tudes longitudinales indiquent que laugmentation moyenne de la consommation dnergie (normalise sur lensemble de la grossesse) est quivalente environ 70 kcal/j (30, 90 et 100 kcal/j pour chaque trimestre), soit un total de 20 Mcal ou 25 % du cot thorique. En tenant compte de la sous-estimation propre ce type dtudes (environ 50 kcal/j), il apparat que lapport nergtique est en moyenne suprieur de 120 kcal/j celui qui prcde la grossesse, soit un total de 33 Mcal de la conception au terme, ce qui ne reprsente toujours que 42 % du cot thorique. Il existe donc un hiatus considrable entre le cot thorique de la grossesse et la quantit dnergie apparemment consomme pour y faire face. Cette diffrence peut naturellement provenir derreurs rsiduelles, positives et ngatives, dans lestimation des termes du bilan. Cependant, elle pourrait aussi rsulter, au moins en partie, dune adaptation physiologique, spcifique la grossesse, qui aboutirait une utilisation de lnergie disponible plus efficace quil nest gnralement admis. Soulever cette question revient se demander si le bon droulement de la gestation, donc de la croissance ftale, est directement li aux fluctuations du rgime. Lvolution des poids de naissance au cours des famines qui ont svi Leningrad en 1942 et dans louest de la Hollande au cours de lhiver 1944 dmontre effectivement quun apport nergtique trs faible (de lordre de 0,7 Mcal/j) provoque une rduction significative du poids ( 300 g) et de la taille du nouveau-n, ainsi que du poids placentaire. Toutefois, cet effet nexiste que lorsque la famine a2S11

ANC en nergieLe besoin en nergie pour la grossesse peut tre calcul par la mthode factorielle, en faisant la somme de la quantit dnergie utilise pour la croissance du ftus et de ses annexes, de celle qui correspond aux modifications de composition de lorganisme maternel et de laugmentation de la dpense nergtique maternelle correspondant au cot de maintenance des produits de la conception. Dans les pays dvelopps, le cot total dune grossesse normale a t estim prs de 80 000 kcal, ce qui a conduit le comit dexperts de lOMS conseiller aux femmes enceintes daccrotre leur consommation quotidienne dnergie de 150 kcal au cours du premier trimestre et de 350 kcal au cours des deux suivants pour faire face cette charge supplmentaire. En ralit, les cots directement lis la croissance ftale et placentaire, au dveloppement de lutrus et des glandes mammaires ne reprsentent que 10 12 Mcal, soit lquivalent de 45 kcal par jour (ou 2 % de la dpense nergtique), si lon admet quils se rpartissent uniformment sur lensemble de la grossesse. Cela implique que laccroissement de la masse grasse et de la dpense nergtique maternelles reprsentent la part la plus importante (85 %) du cot thorique total. Toute incertitude sur la valeur de ces deux postes aura donc des consquences critiques sur lestimation du besoin nergtique li la grossesse, donc sur les recommandations qui en dcoulent. La dpense nergtique des 24 heures (DE), comme le mtabolisme de base (MB) qui en reprsente la principale composante, augmentent de faon perceptible partir de la 24e semaine de gestation pour atteindre, 36 semaines, des valeurs suprieures de 20 % (+ 290 380 kcal/j) celles qui ont t mesures avant la grossesse. Laugmentation de la maintenance nest pas lie un accroissement de lactivit physique, ni de son cot qui reste remarquablement constant en dpit du gain pondral. Sur lensemble de la dure de gestation, laugmentation du MB (ou de la DE) reprsenterait une dpense supplmentaire moyenne de 35 Mcal, soit 45 % du cot thorique total. Toutefois, il existe de trs importantes variations dun pays lautre et, dans un mme pays, dune femme lautre. En Gambie, le dbut de la grossesse saccompagne dune rduction rapide du MB, suivie dune augmentation modeste aprs la 18e semaine (de lordre de 105 kcal/j 36 semaines). De ce fait, le cot li aux variations de la DE natteint que le quart (6 Mcal) de ce que lon observe dans les pays europens, lconomie ralise au cours des premiers mois compensant presque exactement laugmentation de la dpense en fin de grossesse. Cette capacit dpargne en dbut de grossesse se retrouve aussi dans les populations europennes. Certaines femmes, notamment les plus minces, peuvent ainsi rduire de faon significative leur MB en dbut de grossesse, ralisant des conomies substantielles sans affecter pour autant la croissance ftale. Inversement, celles dont les rserves avant la grossesse taient plus leves augmentent leur MB ds son dbut et dans dimportantes proportions. Laugmentation de la dpense en fonction des rserves prexistantes ou de la masse grasse au cours de la grossesse soppose donc un gain pondral excessif, inutile, voire nfaste pour le dveloppement ftal. La nature divergente de ces deux rponses explique sans doute lextrme dispersion du cot de la maintenance ( 13 65 Mcal) dans lesCah. Nutr. Dit., 36, hors srie 1, 2001

Besoins nutritionnelsconcid avec le dernier trimestre de la grossesse, une restriction de svrit comparable pendant le premier ou le second trimestre nayant aucune influence dcelable. Dautre part, on ne dtecte aucun changement significatif, lorsque la restriction nergtique maternelle est plus modre, ce qui suggre que la croissance ftale nest affecte quen de dune certaine limite (de lordre de 1,7 Mcal/j). Lexistence dun seuil critique est confirme par les tudes dintervention utilisant des supplments alimentaires au cours de la grossesse. Ceux-ci naffectent de faon incontestable la croissance ftale que chez des femmes subissant une restriction alimentaire grave. Dans les pays dvelopps, leur consommation naboutit qu des rsultats quivoques ou nuls, ds lors que les femmes qui en bnficient ne sont pas notoirement mal nourries. Dans ces conditions, les recommandations actuelles ne sont pas seulement dpourvues de toute ralit fonctionnelle, mais elles sont critiquables dans la mesure o elles peuvent inciter les femmes enceintes manipuler leur poids, action dont lintrt, ou mme la faisabilit, nont jamais t prouvs. Inversement, sy conformer strictement pourrait conduire un gain pondral sensiblement plus important, un rsultat dont le rapport bnfice-risque est vivement contest. Intervenir sur la quantit dnergie spontanment consomme par la femme enceinte nest donc pas justifi, except, naturellement, en cas de gain pondral excessif. Il nexiste aucune donne sur lventuel effet de la teneur en lipides du rgime sur le dveloppement ftal et les tudes portant sur les consquences de sa composition en acides gras sont trs peu nombreuses. Les recommandations les plus rcentes fixent la teneur lipidique maximum 30 % de la ration nergtique, une quantit suffisante pour couvrir les besoins du ftus, et 55-70 % celle des sucres. La scrtion lacte semble assez peu affecte par les conditions nutritionnelles ambiantes. Le volume de lait produit par des femmes bengladaises ou kenyanes pendant les dix premiers mois nest pas trs diffrent de ce que lon observe chez des Amricaines bien nourries (environ 750 g/j) et ne parat pas trs sensible ltat nutritionnel de la mre. La teneur en protines et en lipides du lait est aussi pratiquement constante, que lindice de Qutelet (P/T2) des mres soit infrieur 16,8 ou suprieur 21,3, la lactation ntant compromise que dans des situations de quasi-famine. Si lon admet que la teneur nergtique du lait de femme mature est denviron 610 kcal/l, cette production reprsente peu prs 450 kcal/j. Le cot rel dpend naturellement du rendement de la synthse des constituants du lait. Dans la mesure o la lipogense de novo y contribue peu, le rendement moyen est lev (de 90 95 %). Si lon tient compte du transport et du stockage des nutriments venant de lalimentation, il ne serait plus que de 85 % environ, ce qui porterait le cot de la lactation 530 kcal/j. Il est vident quune partie des prcurseurs du lait, notamment lipidiques, proviennent des rserves maternelles et que le rendement effectif sera intermdiaire ces deux valeurs. Les donnes disponibles indiquent que le BMR nest pas sensiblement diffrent de celui de femmes qui nallaitent pas, mais ne permettent pas de juger avec certitude de lvolution de la dpense dactivit ni de celle des 24 heures, notamment dans le sens dune rduction. La consommation alimentaire est lgrement accrue (de 70 380 kcal/j), mais, comme pendant la grossesse, ne couvre pas les dpenses calcules. Ceci suggre que les estimations actuelles sont encore excessives et/ou que lorganisme maternel comble la diffrence, soit en adaptant ses dpenses, soit grce ses rserves. A ce propos, il faut souligner que lvolution du poids corporel en fin de grossesse ou de lactation ne rvle pas de retour spontan de la masse grasse sa valeur initiale et que le gain acquis cette occasion constitue un facteur de risque dobsit. En dehors des cas o lapport lipidique est trs faible, la composition du lait reflte celle de lalimentation. Il est donc important que celle-ci fournisse les acides gras insaturs ncessaires au dveloppement du nourrisson. On estime que cet objectif est atteint ds lors que le rgime apporte environ 0,5 % de la teneur nergtique totale sous forme dacides gras n 3 et 3 % de n 6.2S12

ANC en protinesLe besoin en protines peut tre calcul par la mthode factorielle, cest--dire daprs la quantit de protines dposes dans le ftus et ses annexes, ainsi que dans lorganisme maternel. Il a t estim entre 925 et 992 g, soit 3,3 3,5 g/j rpartis sur lensemble de la grossesse. Toutefois, la dposition des protines ne seffectue pas selon un rythme uniforme. De lordre de 0,7 g/j pendant le premier trimestre, elle atteint 3,3 et 5,8 g/j au cours des second et troisime trimestres. Les bilans dazote suggrent que la dposition est en fait plus importante que ne le suggre la mthode factorielle. Des tudes plus rcentes fournissent des rsultats plus proches des calculs thoriques, bien que les quantits retenues soient encore suprieures ce qui est dpos dans les tissus du ftus et de ses annexes. Chez lanimal, lanalyse des carcasses rvle que la dposition seffectue essentiellement dans lorganisme maternel au cours des deux premiers tiers de la gestation, la quasi-totalit de ces protines tant mobilise au bnfice des ftus en fin de gestation. Ceci suggre que les besoins pourraient tre beaucoup plus uniment rpartis dans le temps que ne lindiquent les calculs thoriques. Quoiquil en soit, les rsultats de la mthode factorielle, corrigs en fonction de la variabilit du poids de naissance et de lefficacit de conversion des protines alimentaires en protines tissulaires, permettent de prdire quun apport de 1,3, 6,1 et 10,7 g/j de protines en sus du besoin de base (0,75 g/kg/j) est suffisant pour couvrir ceux de la grossesse au cours des premier, second et troisime trimestres. En tenant compte de laccroissement du besoin de maintenance li laugmentation de la masse maigre, lapport de scurit pour une femme de 60 kg est de 47, 52 et 61 g/j pour chaque trimestre de la grossesse. La teneur moyenne en azote du lait mature est de 180-190 mg N, soit 1,1 1,2 g de protines pour 100 ml. Connaissant le dbit moyen, on aboutit une production de protines de lordre de 9 g/j. Lutilisation de cette valeur conduirait une surestimation grossire, dans la mesure o une part importante du lait de femme (environ 20 %) nest pas sous forme de protines, mais dure. La synthse quotidienne de protines du lait est donc plus proche de 7 g/j et lapport de scurit denviron 60 g/j pour une femme de 60 kg. Les tudes de consommation alimentaire ralises dans les pays dvelopps font apparatre que lapport dpasse gnreusement ces valeurs. Il en est de mme dans notre pays, o il stablit entre 85 95 g/j et est constitu en majorit de protines animales. Dans ces conditions, toute espce de recommandation serait futile.

ANC en ferLa plupart des tudes montrent que la quantit de fer absorbe, rapporte la quantit ingre, est beaucoup plus leve 36 qu 12 semaines, une adaptation mtabolique qui est indpendante de toute anmie. Bien que laugmentation de labsorption induite par la grossesse soit maintenant parfaitement tablie, quelques incertitudes demeurent sur son amplitude. Les diverses estimations montrent un accroissement dun facteur 3 10 par rapport labsorption mesure chez des femmes non carences, qui ne sont pas enceintes ni nallaitent. Cette dispersion, qui pourrait tre lie la biodisponibilit du fer consomm, conduit des conclusions opposes. Les calculs bass sur les valeurs les plus leves suggrent quune alimentation adquate suffirait amplement couvrir lensemble des besoins de la grossesse, alors que ceux qui utilisent les plus faibles impliquent quune part plus ou moins importante de ces besoins devrait provenir des rserves maternelles. Les donnes les plus rcentes indiquent sans ambigut que la couverture des besoins peut tre acquise des niveaux dapports tout fait comparables ceux observs dans la population franaise, la seule condition que la ration alimentaire soit suffisante (> 2 000 kcal) et varie, sans exclusion des aliments dorigine animale. Les risques daccouchement prmatur et de naissance denfants de faible poids sont respectivement 2,5 et 3 fois plus levs chez les femmes prsentant une anmie ferriprive en dbut de grossesse que chez celles ayant une anmie dune autre cause,Cah. Nutr. Dit., 36, hors srie 1, 2001

Besoins nutritionnelssuggrant que cest bien la carence en fer et non lanmie qui en est responsable. Lexistence de saignements augmente aussi les risques daccouchement prmatur et la conjonction des deux facteurs est additive, le risque tant alors multipli par 5. La concentration de lhmoglobine ds le premier examen prnatal est prdictive de lissue de la grossesse. Les valeurs basses, mais aussi les valeurs leves, sont associes un plus grand risque de mortalit prinatale, de prmaturit et de petit poids de naissance. Au contraire, lapparition dune anmie ferriprive au cours du dernier trimestre de la grossesse naugmente pas les risques de prmaturit ou de naissance denfants pesant moins de 2,5 kg. De plus, lanmie du post partum nest pas lie au statut martial au cours du troisime trimestre, ce qui ne manque pas de soulever des questions sur le bien-fond dune supplmentation en fer ralise en fin de grossesse. Compte tenu des risques de carence plus levs chez les adolescentes, les femmes qui ont eu des grossesses rptes, celles qui ont des mnorragies importantes ou une alimentation pauvre en fer hminique (viande, poisson), et dune manire gnrale les femmes appartenant des milieux dfavoriss, une supplmentation en fer la dose de 30 mg/j ds le dbut de la grossesse est recommande dans ces groupes. En dehors de ces facteurs de risques, il ny a aucune justification la supplmentation systmatique en fer des femmes enceintes. La teneur en fer du lait de femme diminue progressivement de 0,55 mg/l, deux semaines aprs la naissance, 0,4 mg/l aprs 6-8 semaines et environ 0,3 mg/l vers 3-5 mois post partum. En cas dallaitement maternel exclusif, la perte est donc comprise entre 0,2 et 0,4 mg/j, ce qui reprsente une fraction minime de lpargne quassure lamnorrhe qui y est associe. Elle est dailleurs compense par laugmentation de labsorption qui accompagne la lactation. Ni le statut maternel en fer, ni ladministration de supplments ne semblent affecter sa concentration dans le lait. Il nexiste donc aucun argument en faveur dune supplmentation des femmes en bonne sant. Labsorption du calcium augmente trs tt au cours de la grossesse. Le pourcentage absorb, de lordre de 33 % avant, atteint 54 % au cours du troisime trimestre de gestation, soit environ 600 mg Ca/j, une quantit largement suffisante pour les besoins du ftus, mme en tenant compte de laccroissement de lexcrtion urinaire. Labsence de toute variation significative de la densit osseuse maternelle dmontre bien que les rserves nont pas t mises contribution. Au cours de la lactation, labsorption du calcium retourne des valeurs comparables celles qui prcdent la grossesse, son excrtion urinaire diminue, alors que les rserves minrales osseuses, particulirement des os trabculaires, sont mobilises. Ladministration dun supplment de calcium na aucun effet sur lvolution de la densit osseuse, ni sur la teneur en calcium du lait. Aprs le sevrage, la dminralisation osseuse se corrige spontanment et probablement compltement, comme le suggre le fait que ni la dure de lallaitement, ni le nombre denfants ainsi aliments ne constituent un facteur de risque dostoporose ultrieure. Les besoins du ftus sont donc couverts par laugmentation de labsorption intestinale et ceux de la lactation par la mobilisation rversible du calcium osseux et la rduction de ses pertes urinaires. Il est donc inutile de recommander aux femmes en bonne sant, enceintes ou allaitantes, daugmenter leur apport alimentaire qui est de lordre de 900 1 100 mg/j dans notre pays.

Vers une autre approche des conseils nutritionnelsLobjectif principal des ANC reste la prvention des carences, qui ne constituent pourtant que lun des lments affectant les relations entre alimentation et sant. Il en est dautres qui peuvent intervenir trs tt, ds la vie ftale, et dterminer ltat de sant long terme : apparition dun diabte de type II plusieurs dcennies aprs la naissance ou dune ostoporose lore de la snescence. Il faut donc sattendre ce que les proccupations actuelles des ANC connatre la quantit de nutriments la plus faible permettant de couvrir les besoins de maintenance ou de croissance voluent vers la recherche de la forme et du niveau dapport les plus adapts au maintien prolong dun bon tat de sant, cest--dire qui enrayeraient ou, au moins, ralentiraient le dveloppement de certaines maladies.

ANC en calciumAvant la naissance terme, le ftus accumule prs de 30 g de calcium et 15 g de phosphore. Laccrtion calcique se fait essentiellement en fin de grossesse (20 g de calcium et 10 g de phosphore) et on estime quelle est de lordre de 200 mg/j au cours du troisime trimestre. Les recommandations concernant lapport calcique au cours de la grossesse varient dun pays lautre et se situent entre 750 et 1 200 mg/j de calcium lment. Elles sont du mme ordre de grandeur pour la lactation, afin de compenser les 200-300 mg/j scrts dans le lait.

Pour en savoir plusMartin A. - Apports nutritionnels conseills pour la population franaise. (ed). Paris, Tec et Doc, 2001.

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Besoins nutritionnels

Besoins nutritionnels (2) Conseils nutritionnels, valuation des apports, et prescription dun rgimedir). Elles dpendent essentiellement de la composition corporelle et principalement de la masse maigre. Les DE totales des 24 h sont calcules en fonction du niveau habituel dactivit physique (NAP) par une formule simple : DE 24 h = DER x NAP Quatre niveaux de NAP . [1,4 : niveau faible ; 1,6 niveau moyen ; 1,8 niveau fort ; 2 (hommes), 1,9 (femmes) : niveau trs lev] permettent de dcrire avec suffisamment de prcision les dpenses habituelles du sujet (ANC 2001). On voit ici que lactivit physique quotidienne joue un rle rgulateur majeur. En considrant lvolution moyenne de la corpulence lge adulte dans les pays industrialiss, on ralise combien il est difficile de rguler ce bilan nergtique : une erreur quotidienne de moins de 1 % permet dexpliquer la prise de poids de 6 kg chez les femmes et de 8 kg chez les hommes entre lge de 20 ans et celui de 50 ans !

Points comprendreAvant denvisager de donner des conseils nutritionnels, il est hautement souhaitable de connatre : - le concept de besoins nutritionnels et dapports recommands en macro et micro-nutriments, - les principales caractristiques des aliments, - les risques de carences ou dexcs alimentaires de certains groupes de la population, - les maladies dterminisme nutritionnel et les moyens de les prvenir. Par ailleurs, ce conseil, sil sadresse un individu, doit tenir compte de son mode de vie et de ses habitudes alimentaires, cest pourquoi tout mdecin doit savoir les valuer, en sachant quil sagit plus de sintresser la typologie de consommation que de se lancer dans un calcul de calories qui sera approximatif et inutile.

Les glucidesLes glucides devraient, en rgle gnrale, reprsenter 5055 % des apports nergtiques totaux (AET). Cest rarement le cas ! Les apports spontans sont souvent insuffisants (39-41 % des AET dans les enqutes franaises). La consommation daliments contenant des glucides complexes, sous une forme non ou peu raffine, devrait tre favorise pour au moins deux raisons : ils sont une bonne source damidon dune part et ils sont souvent riches en micro-nutriments (oligo-lments et vitamines) et en fibres dautre part. Ce sont en particulier les produits craliers peu transforms et les lgumineuses. Les tudes pidmiologiques ont montr que la consommation de crales compltes et de fibres diminuait sensiblement le risque de maladies cardio-vasculaires et de diabte. Celle de fruits et de lgumes est particulirement conseille pour diminuer le risque de cancer et le risque vasculaire. La quantit de sucres simples (glucose, fructose, saccharose) doit-elle tre limite ? La rgle de ne pas dpasser 10 % des AET ne repose pas sur des arguments scientifiques irrfutables. Leffet hyperglycmiant du saccharose (cf. la notion dindex glycmique) est voisin de celui du pain blanc ou de la pomme de terre. Nanmoins, les aliments riches en sucres le sont souvent aussi en lipides (barres chocolates, ptisseries, collations diverses) etCah. Nutr. Dit., 36, hors srie 1, 2001

A savoir absolument Les besoins nutritionnelsLes apports nutritionnels conseills (ANC) pour la population franaise, qui ont t actualiss en 2001, constituent une bonne base dinformation et de rflexion pour le clinicien. Mais il ne faut pas oublier quils sont destins couvrir les besoins de la quasi-totalit de la population et ne correspondent pas une norme individuelle. En pratique, il est admis que si les apports dun individu se situent entre le besoin moyen, correspondant un peu plus des deux tiers des ANC, et lANC, les risques de carences nutritionnelles sont faibles.

Apports nergtiques et macro-nutrimentsLe bilan nergtique doit tre quilibr pour que le poids et la composition corporelle restent stables : il convient donc dadapter les entres aux sorties (et vice versa). Les dpenses nergtiques de repos (DER) peuvent tre estimes par diverses quations (prenant en compte lge, le sexe, le poids et ventuellement la taille, cf. pour approfon2S14

Besoins nutritionnelsapportent donc beaucoup de calories sous un faible volume (densit nergtique leve). Cest galement le cas des boissons sucres qui sont souvent consommes en grandes quantits, notamment par les enfants ou les adolescents. On dit que ces aliments sont sources de calories vides car ils sont pauvres en micro-nutriments (cf. notion de densit nutritionnelle). Par consquent, mme sans diaboliser les aliments riches en sucres simples, il ne faut pas en favoriser la consommation excessive. Cela est particulirement vrai pour les sujets sdentaires. A linverse, ils sont utiles au sportif car le glucose est le nutriment de leffort. Les rgimes hyperglucidiques (> 55 % des AET) nont pas dinconvnients pour la sant. Toutefois, ils peuvent dans certains cas avoir des effets mtaboliques dfavorables en augmentant la concentration plasmatique des triglycrides et baissant celle du cholestrol-HDL. Ces anomalies sont favorises par lobsit androde et font partie du syndrome plurimtabolique (ou syndrome X dinsulino-rsistance). par la consommation de poisson, danimaux marins et chez le nourrisson par le lait maternel. Lacide arachidonique (C 22 : 4 n-6) est le reprsentant des AGPI-LC de la srie n-6. Les principales sources alimentaires sont la viande, luf et le lait maternel. Du fait de phnomnes de comptition entre les deux familles n-6 et n-3, le rapport C 18: 2 n-6/ C 18 : 3 n-3 ne doit tre ni trop haut ni trop bas. Il a t fix 5 dans les derniers ANC. Un excs dapport de DHA entrane par exemple une carence en acide arachidonique.

Les protinesLes ANC ont t revus la baisse pour les protines, soit 0,8 g/kg/j ( la place des 1 g/kg/j), pour des protines de bonne qualit (uf, lait, viande, poisson). Cela correspond 11-15 % des AET, pour des protines de qualit moyenne (ANC 2001). Lalimentation de la population franaise est habituellement riche en protines (14 18 % des AET ou 1,3-1,6 g/kg /j). Les effets dltres de cet excs ne sont pas clairement tablis. Mais il faut souligner que les aliments riches en protines le sont souvent aussi en lipides. Cela est particulirement vrai pour les produits dorigine animale (viande, charcuterie, fromage). En pratique, on est donc souvent amen proposer une diminution des apports de protines animales, qui reprsentent 65 % des apports protiques en France, au profit de la consommation de protines vgtales. Nanmoins, les protines animales ont lavantage dtre trs digestibles et ont une teneur leve en acides amins indispensables. Les protines vgtales ont des proprits variables en fonction de leur origine (crales ou lgumineuses), tant pour leur digestibilit que pour leur composition en acides amins indispensables (de lordre de 40 %). Les crales sont dficitaires en lysine et les lgumineuses en acides amins soufrs ; do lintrt de les associer, notamment dans les rgimes vgtariens. Les rgimes vgtaliens, qui excluent tous les produits animaux, sont carencs en acides amins essentiels et en vitamine B12.

Les lipidesLes lipides alimentaires devraient fournir 30-35 % des AET. Or, les enqutes de consommation montrent que les Franais consomment en moyenne trop de lipides (38-40 % des AET). De plus, lexcs dapport concerne particulirement les acides gras saturs (AGS), dont la consommation est associe un risque accru dobsit, de maladies cardio-vasculaires et de certains cancers dans de nombreuses tudes pidmiologiques. Selon les ANC, il faudrait donc limiter leur consommation environ 8 % des AET, soit 19,5 g /j chez lhomme et 16 g/j chez la femme, pour un apport nergtique respectivement de 2 200 et de 1 800 kcal/j. Les aliments en cause sont les produits dorigine animale : viande-charcuterie et produits laitiers. En revanche, les acides gras monoinsaturs (AGMI) et les acides gras polyinsaturs (AGPI) ont des proprits intressantes. Leurs apports sont parfois insuffisants ! Les AGMI sont favoriss dans les dernires recommandations (ANC : 20 % des AET), car ils ne sont pas athrognes. Lintrt nutritionnel spcifique des 2 familles dAGPI, la srie n-6 et la srie n-3 est reconnu. Les AGPI 18 carbones sont considrs comme des acides gras essentiels car ils ne sont pas synthtisables par lhomme ou lanimal et car ils sont indispensables pour la croissance et les fonctions physiologiques. Ce sont lacide linolique (C 18 : 2 n-6) et lacide alpha-linolnique (C 18 : 3 n-3). Le premier est abondant dans les huiles de tournesol et de mas ; lANC est de 10 g/j chez lhomme et de 8 g /j chez la femme, soit 4 % des AET. Le second est apport par les huiles de soja, de colza ou de noix. LANC est de 0,8 % des AET, soit environ 2 g/j. Ces deux acides gras sont les prcurseurs dacides gras drivs longue chane (AGPI-LC), qui ont plus de 18 carbones et qui ont galement des fonctions physiologiques spcifiques. Les AGPI-LC sont considrs comme indispensables sous conditions. Il faut donc veiller un apport alimentaire suffisant dans certaines situations physiologiques ou pathologiques. Les personnes risque de carences sont en France : les nouveau-ns prmaturs, les femmes enceintes ou allaitantes, les personnes ges, les patients souffrant de malabsorption intestinale ou dautres pathologies graves. Pour la srie n-3, il sagit de lacide eicosapentanoque (C 20 :5 n-3 ou EPA) et lacide docosahexanoque (C 22 : 6 n-3 ou DHA), qui sont apportsCah. Nutr. Dit., 36, hors srie 1, 2001

Les minraux et les vitaminesLes lments minraux sont classs en 2 catgories : les minraux majeurs ou macro-lments (apports quotidiens de lordre du gramme) et les oligo-lments ou lments trace (apports infrieurs une centaine de microgrammes). Les macro-lments sont le sodium, le potassium, le chlore, le calcium, le phosphore et le magnsium. Les oligo-lments sont beaucoup plus nombreux. Ce sont par exemple le fer, le zinc le cuivre le manganse, liode... Les tudes sur le statut minral et vitaminique de la population franaise ont montr quil nexistait pas de carence majeure deux exceptions prs : 1) lanmie ferriprive chez les femmes enceintes, les femmes en ge de procrer et les jeunes enfants ; 2) les carences multiples des sujets gs en institution. Les dficiences moins svres ne saccompagnent pas de signes cliniques vidents et sont donc diagnostiques sur des critres biologiques, parfois imprcis. Elles posent par consquent des problmes dapprciation. Il nest pas certain que leur traitement permette damliorer ltat de sant. Des tudes dintervention sont en cours. Les apports de vitamine A, bta-carotne, vitamine E pour les vitamines liposolubles, de vitamines B1, B2,2S15

Besoins nutritionnelsB6, C et acide folique pour les vitamines hydrosolubles seraient insuffisants dans certains groupes de la population franaise. En ce qui concerne les minraux, des dficits en cuivre, en slnium et en iode ont t observs. Retenons, en rgle gnrale, quune alimentation quilibre et donc diversifie apporte suffisamment de micronutriments lorsque les apports nergtiques sont suprieurs 1 500 kcal/j. Les besoins sont facilement couverts par la consommation de certains aliments courants avec une frquence adquate (tableau I). Il faut particulirement insister sur les besoins en calcium qui sont plus levs (ANC : 1 200 mg/j) chez ladolescent (de 10 18 ans) et dans la deuxime partie de la vie (femmes de plus de 55 ans et homme de plus de 65 ans) que chez ladulte jeune (ANC : 900 mg/j). Les apports en sodium dpassent largement les besoins physiologiques (< 4 g/j de chlorure de sodium), les Franais en consommant en moyenne 7,9 g/j de NaCl. La pression artrielle est susceptible daugmenter chez les gros consommateurs de sel, mais ce problme ne concerne que certains sujets hypertendus (rpondeurs aux variations des apports de sel). Les besoins de potassium et de phosphore sont couverts par une alimentation normale. Il en va de mme pour le magnsium, mais il peut nanmoins exister des carences dapports (< 2/3 des ANC) lorsque les apports nergtiques sont insuffisants.

EauLe comportement dipsique est finement rgul. Pourtant les apports en eau sont souvent inadapts. Les insuffisances dapports sont frquentes, notamment chez le sujet g. Les excs ne sont pas rares et doivent tre recherchs chez linsuffisant cardiaque ou rnal. Rappelons que les besoins de base sont estims 2 600 ml/j et quils sont couverts par des apports exognes (1 300 ml pour leau des boissons, 1 000 ml pour leau contenue dans les aliments) et par la production endogne deau par le mtabolisme.

Lvaluation de lapport alimentaireLes mthodesOn peut individualiser 4 groupes de mthodes utilisables pour le recueil des donnes nutritionnelles. Elles ont t mises au point pour les tudes pidmiologiques, aucune de ces approches napporte une image relle de lalimentation habituelle, mais ce sont des outils que lon peut adapter la pratique clinique.

Tableau I Frquence de consommation des aliments permettant un apport adquat notamment en acide folique (1), calcium (2), iode (3), fer (4) et vitamine C (5) (ANC 2001) Un produit laitier (en variant laitages frais et fromages) (1.2.3) Viande ou jambon (4), poisson ou fruits de mer (3.4) et/ou de temps en temps de luf (1.3), de la charcuterie chaude, du pt de foie (1.4), ou du foie (au plus 1 fois/semaine) (1.4) Lgumes** (1) cuits : haricots verts, petits pois, pinards, endives, courgettes, choux-fleurs, tomates, carottes, champignons (frais, surgels, ou mme en conserve) Ou Pomme de terre, riz, ptes, ou lgumes secs (1.4), chtaignes, mas, pois chiches (1), avec salade verte ou crudits (dont avocat et melon) ou potage de lgumes (1.5) 1 fruit de saison (pomme, poire, fruits rouges, raisins, abricot, pche) (1.5) + 1 agrume (1.5), + ventuellement fruits secs (1.4) Dessert sucr ou viennoiserie Du pain : varier les pains, les prfrer aux crales Des matires grasses varies (huiles diversifies, beurre, crme frache, margarine) De leau (si eaux minrales ou de source, varier les origines) Utiliser du sel enrichi en iode (3)* La vitamine C facilite labsorption du fer ; il est donc conseill de consommer au mme repas des aliments contenant ces deux nutriments. ** Les lgumes surgels sont aussi conseills que les lgumes frais pour la teneur en acide folique ; dans les deux cas, il est dconseill de cuire trop longtemps les lgumes. 2S16 Cah. Nutr. Dit., 36, hors srie 1, 2001

A chacun des trois principaux repas 1 fois par jour

2 fois par jour

1 fois par jour de chaque sorte Au plus 1 fois par jour A tous les repas Crues de prfrence A volont

Besoins nutritionnels Les enregistrements alimentaires On demande au sujet de noter les aliments et boissons consomms sur une priode donne, en prcisant les quantits. Lenregistrement alimentaire apporte potentiellement des informations prcises sur les aliments consomms pendant la priode denregistrement, mais le fait de noter les aliments peut modifier la fois le type daliments, leur nombre et les quantits consommes. Le rappel de 24 heures Dans le rappel de 24 heures, on demande au sujet de se rappeler et de rapporter tous les aliments et boissons consomms pendant les 24 heures qui ont prcd lentretien. Cette mthode est rapide et ne demande pas dimplication du rpondant, mais du fait de la variabilit intra-individuelle de lapport alimentaire, elle ne permet pas de caractriser lalimentation dun individu ; de plus, les sujets peuvent ne pas rapporter la ralit de leur prise alimentaire, soit par dfaut de mmorisation, soit en raison de lintervention de facteurs cognitifs tels que le dsir dapprobation sociale. Les questionnaires de frquence de consommation Contrairement aux deux mthodes prcdentes, la mthode des questionnaires de frquence sintresse non pas la consommation relle, mais la consommation habituelle. Elle consiste demander au sujet de reporter la frquence habituelle de consommation de chaque aliment dune liste pr-tablie De nombreux questionnaires de frquence ont t mis au point. Lutilisation dun questionnaire rpond une population et un but donns. Ils peuvent tre utiliss pour dpister dventuelles carences dapports comme le fer ou le calcium chez la femme enceinte. L histoire alimentaire Lhistoire alimentaire consiste estimer lapport habituel sur une priode donne. Elle est base sur un interrogatoire dtaill de lalimentation habituelle du sujet, auquel sajoute parfois un rappel de 24 heures et un questionnaire de frquence. Le principal avantage de la mthode de lhistoire alimentaire rside dans le fait quelle permet dtudier la rpartition habituelle de la prise alimentaire et les dtails de lalimentation sur une priode prolonge. Cependant, lapproche base sur les repas qui est pratique dans lhistoire alimentaire est difficilement applicable chez les sujets, de plus en plus nombreux, dont la rpartition de lalimentation ne suit pas la rpartition classique par repas. Elle peut amener les sujets omettre volontairement ou non les prises alimentaires inter-prandiales et donc accentuer la sous-estimation de lapport alimentaire. Les mthodes simplifies Un questionnaire de frquence complet contient plus de 100 questions. Lorsque lon sintresse un seul nutriment ou une seule catgorie daliments, 15 30 questions peuvent suffire. Plusieurs mthodes simplifies ont t dveloppes. Ces instruments sont utiles dans les situations qui ne ncessitent pas la mesure de lensemble de lalimentation, ou lorsquil nest pas utile davoir une approche relativement prcise. Par exemple, ces mthodes peuvent tre utiles pour slectionner des groupes risque, pour sensibiliser les sujets lintrt dune information nutritionnelle, ou valuer limpact de campagne dinformation. De tels instruments peuvent tre utiles en clinique ou des fins ducatives. CesCah. Nutr. Dit., 36, hors srie 1, 2001

mthodes peuvent tre des questionnaires de frquence simplifis ou peuvent sintresser davantage aux attitudes par rapport lalimentation.

Lvaluation des apports dans le cadre dun suivi nutritionnel thrapeutiqueLvaluation des apports doit sintgrer dans la dmarche ducative du patient, il faut distinguer la premire consultation des consultations de suivi qui ont des objectifs spcifiques diffrents.

La premire consultationLors du premier entretien, lobjectif de lvaluation des apports est : - dvaluer les pratiques alimentaires habituelles du sujet : type daliments, rpartition des prises alimentaires, ce qui permettra dadapter le conseil nutritionnel ; - de sensibiliser le patient son alimentation. Changer un comportement est un phnomne complexe qui comprend plusieurs tapes et le premier entretien peut permettre une prise de conscience de la ncessit de certains changements ; - de dpister dventuels troubles du comportement alimentaires, notamment dans le cadre dune prise en charge pour obsit. Deux mthodes peuvent tre utilises : lhistoire alimentaire et le carnet alimentaire. Le choix de la mthode dpend des prfrences du mdecin et de la manire dont est organise la consultation, mais aussi du patient. Dans ce contexte, il peut tre utile, notamment chez lenfant, de sintresser aux habitudes familiales et au comportement de la famille par rapport lalimentation et lactivit.

Les consultations de suiviLors du suivi, lexamen de la prise alimentaire a pour but : - dencourager le patient en soulignant les points positifs, - de prciser les lments ventuellement mal compris, - de laider adapter des stratgies de contrle des prises alimentaires. Deux mthodes peuvent rpondre ces objectifs : Le rappel des dernires 24 heures Cette mthode nest pas un reflet exact de lalimentation habituelle, mais elle permet de faire dire au patient ce quil mange, de parler de lalimentation relle et ainsi de permettre au soignant de percevoir la manire dont les conseils donns ont t entendus. Le carnet alimentaire peut galement tre utile Tenu par le patient, il permet de noter les diffrentes prises alimentaires de la journe et les circonstances des prises alimentaires, notamment celles quil na pas pu contrler. La tenue quotidienne de ce carnet demande au patient un effort considrable, il na de sens que si le soignant accorde une attention et un temps suffisants lanalyser, de concert avec le patient. Dans le contexte clinique qui privilgie le dialogue, linformatique a rarement sa place en dehors des services spcialiss ; mais elle peut tre utilise, notamment chez les sujets jeunes, pour les aider se familiariser avec les aliments et leur composition. Le logiciel utilis doit donc tre davantage conu pour lducation que pour le calcul des apports.2S17

Besoins nutritionnels

Quels conseils nutritionnels ?Mme sil va sadapter une pathologie, le conseil nutritionnel doit rpondre des principes gnraux, regroups sous le terme usuel dquilibre alimentaire. Ces conseils sadressent tous, et peuvent dans la gnralit tre regroups dans les objectifs du PNNS (tableau II), dans certains cas, il va tre ncessaire de les adapter dans le cadre dune pathologie.

Lquilibre alimentaireDfinitionLe concept dquilibre alimentaire est souvent utilis dans la pratique clinique, car cest un bon outil pdagogique pour faire passer des ides simples. Mais le dfinir nest pas facile. Une alimentation quilibre doit permettre dassurer la couverture des besoins en macro et micro-nutriments, qui varient en fonction des situations physiologiques, la croissance harmonieuse chez lenfant ainsi quun vieillissement physiologique dans la deuxime partie de la vie. Le but dune alimentation saine est aussi de retarder lapparition des maladies dgnratives dterminisme nutritionnel. Spontanment, aucune population na une alimentation quilibre. Dans les pays industrialiss, labondance alimentaire conduit souvent favoriser les excs tout en ne supprimant pas le problme des carences. Un des seuls exemples que lon puisse citer est le rgime mditerranen des annes 60. Sur quelle priode de temps faut-il quilibrer les prises alimentaires ? La priode dune semaine est probablement lunit de temps retenir, plus par commodit que pour des raisons scientifiques. Equilibrer chaque repas est nanmoins recommand pour la restauration collective, que ce soit lcole ou dans lentreprise. Le jeune enfant est capable de rguler ses apports nergtiques sur une dure de quelques jours, alors que ses choix alimentaires sont trs variables dun repas lautre. Mais il semble que cette facult dadaptation soit moins efficace lge adulte pour de multiples raisons. En effet, le comportement alimentaire a aussi des fonctions socioculturelles et un dterminisme psychologique.

tires grasses, sucres et produits sucrs. La varit correspond la possibilit de choisir des aliments diffrents au sein dune mme catgorie. Pourquoi diversifier et varier lalimentation ? Aucun aliment, lexception du lait maternel, napporte lensemble des nutriments. Une alimentation monotone, limite quelques aliments, est donc source de carences nutritionnelles. De plus, elle est susceptible daugmenter les risques toxicologiques si, le cas chant, un des aliments contient des contaminants ou des substances antinutritionnelles. Apprendre au jeune enfant manger de tout et lui donner la possibilit de choisir est donc important en matire dducation nutritionnelle. Les gots et les prfrences alimentaires sont en grande partie acquis au cours de la priode dapprentissage. Ajuster les frquences de consommation de certains aliments Aucun aliment, prsum consommable, nest mauvais en lui-mme pour lquilibre alimentaire ou la sant ! Le plaisir alimentaire et la convivialit des repas autorisent quelques excs Limportant est dvaluer les habitudes alimentaires. Le paramtre essentiel est la frquence de consommation. Pris quotidiennement en dehors des repas, les aliments de type snacks, souvent riches en graisses et/ou en sucres simples, peuvent avoir un effet dfavorable sur la corpulence, sils contribuent dsquilibrer le bilan nergtique A loppos, la consommation daliment de recharge peut tre favorise en situation de carence ou de besoins accrus. Ce sont les produits carns pour le fer, le zinc et les protines, le foie riche en vitamine A, les produits laitiers pour le calcium et les protines, les fruits de mer pour liode, le zinc et le slnium Savoir lire ltiquetage nutritionnel La notion dapports journaliers recommands (AJR) est utilise pour ltiquetage. Les AJR, qui sont moins levs que les ANC, correspondent approximativement aux besoins moyens de la population. Ils rpondent des rgles fixes au niveau europen. Ltiquetage nutritionnel est obligatoire lorsquune allgation nutritionnelle est faite par le fabricant, qui est alors tenu dinformer le consommateur sur la teneur en nergie, en macro et en micro-nutriments de son produit.

Le choix des aliments Diversifier lalimentation La varit et la diversit alimentaires ont des dfinitions prcises. La diversit est assure par la consommation quotidienne daliments de chacune des grandes catgories daliments : produits craliers-lgumineuses, fruitslgumes, produits laitiers, viandes-poissons-ufs, ma-

Rythme des prises alimentairesLa rpartition des apports alimentaires au cours de la journe se fait habituellement en 3 repas principaux : le petit djeuner couvrant environ 20-30 % des AET, le djeuner 30-40 % et le repas du soir ou dner (30 %). Le

Tableau II Les neuf objectifs nutritionnels spcifiques visant des populations particulires dans le Programme National Nutrition Sant (PNNS). 1) rduire la carence en fer pendant la grossesse, 2) amliorer le statut en folates des femmes en ge de procrer, notamment en cas de dsir de grossesse, 3) promouvoir lallaitement maternel, 4) amliorer le statut en fer, calcium et vitamine D des enfants et adolescents, 5) amliorer le statut en calcium et vitamine D des personnes ges, 6) prvenir la dnutrition des personnes ges, 7) lutter contre les dficiences vitaminiques et minrales et les dnutritions chez les personnes en situation de prcarit, 8) lutter contre les dficiences vitaminiques et minrales et les dnutritions chez les personnes suivant des rgimes restrictifs et les problmes nutritionnels des sujets prsentant des troubles du comportement alimentaire, 9) prendre en compte les problmes dallergies alimentaires.2S18 Cah. Nutr. Dit., 36, hors srie 1, 2001

Besoins nutritionnelsgoter constitue un 4e repas chez lenfant, ladolescent et parfois chez ladulte. Il nexiste pas darguments scientifiques pour proposer un nombre idal de repas. Leur frquence comme leurs modalits (composition et horaires) sont essentiellement influences par des facteurs socio-culturels et varient beaucoup dun pays lautre. Le petit djeuner ne doit pas tre considr comme obligatoire ! La prise dune collation dans la matine pourra viter un jene de longue dure (de 19 h midi le lendemain) et qui nest peut-tre pas idal sur le plan physiologique. Le fractionnement organis de lalimentation pourrait avoir lavantage, au moins pour certains individus, dviter les prises extra-prandiales, anarchiques et irrgulires, sous forme de grignotages ou de compulsions, qui peuvent constituer de vritables troubles du comportement alimentaire. Il permet alors de mieux rguler les apports nergtiques. Pour lobsit - Equilibrer le bilan nergtique en limitant la consommation daliments densit nergtique leve. - Promouvoir lactivit physique Pour le diabte de type 2 Les mesures sont les mmes que pour lobsit. - Afin dviter les pics hyperglycmiques post-prandiaux, on vise rpartir les apports glucidiques en tenant compte de leffet hyperglycmiant des aliments valu par lindex glycmique. Pour approfondir, on peut consulter le site suivant : http://www.alfediam.org/alfediam_fr/recomandations/ alfediam-nutrition-diabete.htm Pour lostoporose Veiller aux apports de calcium et de vitamine D.

La structure et lorganisation des repasTraditionnellement dans la culture franaise, la structure du repas est ternaire : entre, plat garni, fromage ou dessert Le mangeur a donc loccasion de consommer sous forme froide ou chaude, sucre ou sale, lensemble des aliments ncessaires lquilibre alimentaire. Mais les normes et les pratiques voluent. Ce phnomne de transformation sociale des habitudes alimentaires ne doit pas tre interprt trop rapidement comme nfaste, au profit dun ordre alimentaire qui na pas de relle justification scientifique. Cependant, les repas pris hors du domicile sont souvent limits un seul plat ou un sandwich et il est donc ncessaire dvaluer les consquences de ce type de pratiques sur lquilibre nutritionnel Le terme de repas destructur est purement descriptif et ne doit pas tre associ un jugement de type normatif. La prise du repas devrait tre considre comme un moment privilgi de dtente et de rencontre.

Pour qui ?A lchelon individuelIl est important que les conseils nutritionnels soient personnaliss. Prendre en compte toutes les caractristiques de lindividu (ge, sexe, situation familiale, activit professionnelle, got et prfrences, pratiques religieuses...) est donc essentiel, de mme que connatre son mode de vie (horaires de travail, dplacements professionnels, loisirs). Lanalyse de ces facteurs et des antcdents personnels et familiaux permet dvaluer le risque de maladies dterminisme nutritionnel. Les messages seront donc cibls sur certains facteurs. Lintrt de la prvention primaire et/ou secondaire de ces maladies sera dvelopp ailleurs. Il nest pas raisonnable dans ltat actuel des connaissances de soigner un patient diabtique, dyslipidmique, obse ou coronarien sans prendre en compte sa faon de manger. Les traitements dittique et mdicamenteux sont complmentaires et ont souvent des effets synergiques.

Conseils spcifiques pour les maladies dterminisme nutritionnelLalimentation joue un grand rle dans la prvention et le traitement de certaines maladies frquentes, comme la soulign rcemment le Programme National Nutrition Sant (PNNS, janvier 2001). Certes, les facteurs nutritionnels ne sont pas les seuls en cause, quils soient des facteurs de risque ou des facteurs de protection. Ces maladies multifactorielles rsultent de linteraction de facteurs gntiques et de facteurs denvironnement. Mais elles concernent lensemble de la population. La promotion de comportements favorables la sant est un des buts affichs de ce plan. Les dtails des mesures spcifiques seront donns dans les chapitres correspondants de cet ouvrage. Nous rappellerons ici brivement quelques messages essentiels : Pour les maladies cardio-vasculaires - Pour lutter contre lhypercholestrolmie, limiter lapport lipidique, notamment en rduisant la consommation dAG saturs. Des Indices dathrognicit ont t tablis en fonction de la composition en AG saturs des aliments (cf. pour approfondir). - Rgime anti-thrombogne : mmes consignes. Favoriser la consommation de fruits et lgumes et de poisson. - Rgime de lhypertension artrielle : perte de poids en cas dobsit et contrle des apports de sodium. Pour les cancers Favoriser la consommation de fruits et de lgumes.Cah. Nutr. Dit., 36, hors srie 1, 2001

Population gnraleLalimentation de la population gnrale change en France comme dans dautres pays industrialiss en fonction de dterminants socio-conomiques et culturels. Parmi les facteurs les plus importants, il faut citer le vieillissement de la population et le dveloppement de lalimentation hors foyer. Ajoutons que limmense majorit de nos aliments sont fabriqus par lindustrie agroalimentaire. Celle-ci peut donc avoir une influence importante sur les choix des consommateurs, selon les lois de loffre et de la demande. Lanalyse des comportements a permis rce