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CAHIER DE L’OBSERVATOIRE FIVES DES USINES DU FUTUR 1 e édition - 2013

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SOMMAIRE

ÉDITORIAL par Frédéric Sanchez . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6

L’OBSERVATOIRE FIVES DES USINES DU FUTUR

Introduction par Marc Aouston et Michel Dancette . . . . . . . . . 8

Méthodologie du sondage national . . . . . . . . . . 10

Méthodologie des entretiens d’experts . . 11

Méthodologie de la conférence de citoyens . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12

REGARD de Martine Griffon-Fouco Une approche inédite, citoyenne et innovante . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17

REGARD de Denis Martin Une démarche responsable . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19

LES FRANÇAISS ET L’USINE : DES « TEMPS MODERRNES » À L’USINE VERRTE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18

Un univers mal connu . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20

Des clichés qui persistent . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22

Une désindustrialisation mal vécue . . . . . . . . . . 26

Pour l’usine du futur, tous les espoirs sont permis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27

OPINION PUBBLIQUE ET RÉÉALITTÉ INDUSTRIELLEE : LE GRRANDD MALENTENDUU . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30

Des usines indésirables : les handicaps économiques français . . . . . . . . 32

Les Français et l’industrie : des intérêts qui se cannibalisent ? . . . . . . . . . . . . . 35

Pour une politique de réindustrialisation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38

L’usine de demain sera verte et intégrée, ou ne sera pas . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43

Les experts commentent les résultats du sondage national . . . . . . . . . . . . . . 46

1. 2.

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CONCLUSION ET PROSPECTIVEpar Armand Hatchuel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 94

BIOGRAPHIES Les experts interviewés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 98 Les membres du comité de pilotage . .100 Les experts formateurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .102 Les experts débatteurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .104 L’expert invité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .106

REMERCIEMENTS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .108

DANS LES ROUAGES DE L’USINE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 48

L’usine expliquée aux profanes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 50

Focus sur quatre enseignements : Les critères de localisation d’un site

industriel : pour un choix rationnel par Stéphane Caplier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 52 Petit précis d’économie industrielle

par Patrick Paris . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 58 La désindustrialisation : une fatalité ?

par Denis Ferrand . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 62 La logique économique et fi nancière

qui prévaut dans la gestion d’une usine par Emmanuel Julien . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 70

Des citoyens curieux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 76

DESSINE-MOII L’USINE DU FUUTUR . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 78

Un dispositif unique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 80

Reconstitution du débat public : Témoignage d’Hervé Novelli . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 81 Témoignage de Lydie Némausat . . . . . . . . . . . 82 Témoignage de Jérôme Frantz . . . . . . . . . . . . . . . 84 Témoignage de Jacques Khéliff . . . . . . . . . . . . . . 85 Témoignage d’Isabelle, porte-parole

des citoyens . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 86

Les citoyens prennent la plume… et la parole . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 89

3. 4.

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n cette période de crise économique, l’État français se mobilise pour défendre son industrie et sauvegarder

ses emplois industriels. Les médias et l’opinion publique, eux aussi, s’émeuvent du destin de ces ouvriers auxquels ils se découvrent attachés. Experts, professionnels et simples citoyens s’indignent de la désindustrialisation, prennent les armes pour le renouveau industriel et rivalisent d’idées et de propositions pour enrayer ce qui peut apparaître comme un déclin. Le déficit de compétitivité français dans la mondialisation est aujourd’hui connu et admis par tous. Une véritable inquiétude collective, pendant de notre fierté nationale passée, se fait jour et s’installe au cœur de l’actualité, que l’on pourrait formuler ainsi : « Au train où va la désindustrialisation, que produirons-nous encore dans les usines françaises dans 20 ans ? »Cette question ne relève pas seulement du contexte économique actuel du pays. Elle est aussi la signature du groupe Fives, dont la raison d’être est de « Concevoir aujourd’hui les usines du futur », d’anticiper les besoins à venir et de rechercher des produits

et des solutions de nouvelle génération en innovant continuellement. Depuis sa création en 1812, le Groupe s’est toujours inscrit dans le mouvement des évolutions et des révolutions industrielles. Il a à son actif l’invention et la modernisation d’équipements industriels fondamentaux dans l’histoire de l’industrie des XIXe et XXe siècles : machines à vapeur pour la fabrication du sucre, matériels électriques ou constructions métalliques d’envergure… Aujourd’hui, face à un monde industriel fragilisé sur lequel pèsent des défis économiques, sociétaux et environnementaux majeurs, nous nous sommes donné pour mission d’imaginer et de réfléchir aux usines de demain, en France et dans le monde.Parce que tout projet passe d’abord par l’analyse et l’amélioration de l’existant, nous avons voulu faire le point sur la véritable relation des Français d’aujourd’hui à leurs usines : désintérêt, peur, rejet, blocage culturel, défiance généralisée, comme le laissent entendre les discours ambiants depuis quelques années, ou bien attachement symbolique, espoirs économiques, confiance dans le progrès, dans les usines et leur avenir ? C’est ce que Fives a mesuré en 2012, au travers de l’Observatoire Fives des usines du futur, en donnant la parole aux Français grâce à un sondage national, des entretiens d’experts et même une conférence de citoyens. Une vraie mobilisation au service d’une connaissance plus fine du ressenti

« Au traain où va la désinduustrialisaation, quue produironns-nous encore dans

les usines françaaises dans 200 ans ? UUne quesstion au cœœur de la raisson d’êtrre de Fivves. »

Jamais les FFrançaais n’ont entrettenu dde rapports auussi ammbiggus, aussi contrraadictooires et aussi passsionnnels avec leurs uusiness.

ÉDITORIAL DE FRÉDÉRIC SANCHEZ, PRÉSIDENT DU DIRECTOIRE DE FIVES

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de nos concitoyens vis-à-vis de l’industrie.Les résultats ne nous ont pas déçus ! Bonne connaissance des réalités industrielles du pays, soif d’informations, espoir en l’avenir : les Français, dans leur majorité, aiment leur industrie et sont persuadés de sa capacité à se réinventer. Conscients de leur manque de compétitivité, ils estiment néanmoins que les usines d’aujourd’hui respectent de plus en plus l’environnement et concentrent des hautes technologies – autant de porte-drapeaux qui créent de la valeur pour tous. Plus optimistes qu’on aurait pu le penser, les Français ont donc foi en l’avenir de l’industrie. Ils sont convaincus que l’usine de demain peut et doit être innovante, internationale, économique, propre et sûre. Lucides sur ses faiblesses, ils estiment néanmoins qu’elle peut renaître en misant sur les technologies de pointe. Sollicités pour donner leur avis sur les conditions d’acceptabilité d’une usine près de chez eux, les citoyens se révèlent curieux et impliqués – un intérêt bien éloigné de leur prétendu désamour. Ils se montrent aussi subtils qu’équilibrés dans leur jugement.Surtout, les Français regrettent de n’être pas suffisamment informés sur les réalités de l’industrie et le monde de l’usine. Ils réclament un autre discours, plus proche de leurs préoccupations et qui s’éloigne du « prêt-à-penser » médiatique et politique. Là est, selon moi, le point-clé. Le problème n’est pas

que les Français n’aiment plus leurs usines, le problème est qu’ils ne les connaissent plus. C’est l’inconnu, et non les usines elles-mêmes, qui est porteur de craintes. S’ils sont persuadés de ses bienfaits pour l’économie globale, rares sont les jeunes Français à avoir déjà mis le pied dans une usine. Les moins jeunes, eux, ont souvent en tête les clichés d’un autre temps, faute de disposer d’une information objective et à jour. Or, un rebond national de notre industrie n’est possible qu’à la condition d’un effort collectif de grande ampleur. Concilier le défi de la réindustrialisation et les représentations des Français nécessite de leur donner, d’abord, les clés de la compréhension… et la parole. Le succès de notre démarche en France prouve qu’il est temps que l’ensemble des industriels rouvre les portes de l’usine pour lui redonner enfin la place qu’elle mérite, au centre de l’économie, au centre du débat et – osons cette expression – au centre de la cité. Ce dispositif national constitue pour Fives la première pierre d’un projet très ambitieux et auquel nous croyons profondément : ouvrir une réflexion de portée internationale pour devenir un accélérateur de progrès et concevoir partout dans le monde les usines du futur.

« Lucides sur les faiblessess de leur indusstrie, les Français restent plus opptimistes qu’on aurait ppu le penser et ont espoir en l’avenir. »

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L’OBSERVATOIRE FIVES DES USINES DU FUTUR Introduction par Marc Aouston et Michel Dancette

Notre missionLe groupe d’ingénierie industrielle Fives conçoit et réalise des équipements de procédés, des lignes de production et des usines clés en main pour les plus grands acteurs mondiaux des secteurs de l’aluminium, de l’acier, du verre, de l’automobile, de la logistique, du ciment, de l’énergie et du sucre. Son expertise technologique et sa compréhension des grands enjeux industriels internationaux font de Fives un observateur privilégié des besoins et des problématiques des grandes entreprises industrielles mondiales pour devenir un « accélérateur de progrès ». Fort de cette légitimité, le Groupe s’est lancé le défi de concevoir aujourd’hui les usines du futur tout en s’interrogeant sur leur place dans la société. L’anniversaire de Fives – qui fêtait en 2012 ses 200 ans de progrès industriel – se prêtait particulièrement à cette démarche de rétrospective sur l’ampleur du chemin parcouru et de prospective sur l’avenir des usines. Toutes les parties prenantes du Groupe y ont naturellement été associées. De Paris à Shanghai, d’Istanbul à Moscou en passant par Cleveland, les équipes, les clients, les fournisseurs et les partenaires de Fives se sont réunis pour célébrer son histoire, ses valeurs et ses ambitions.

Notre visionL’industrie française n’est pas condamnée à mourir. Fives en veut pour preuve les trois révolutions industrielles que la France a connues et au cours desquelles de nouveaux systèmes techniques ont

Marc Aouston

Michel Dancette

« En créant l’’Observvatoiire Fives des usiines duu futuur, Fives a vouluu poserr les premiers jaloons d’un déébat qui nous conncerne touss : celui de l’inddustrie qque nnouss voulons pouur demaain. »»

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émergé et se sont imposés, renouvelant sans cesse l’industrie française en dépit des crises et des guerres. En mauvaise posture aujourd’hui, elle conserve néanmoins une place et un rôle structurants dans l’économie nationale, mais aussi dans le cœur des Français. La réindustrialisation est possible si l’on réinvente l’usine à travers des engagements forts en termes de sécurité, de responsabilité sociale et de respect de l’environnement. Demain, il faudra toujours plus concilier développement durable et profit industriel, et permettre à l’industrie de croître en concevant des solutions à haute valeur ajoutée environnementale, réduisant la facture énergétique et les émissions de gaz à effet de serre. C’est cette vision que Fives a voulu partager avec ses parties prenantes.

Notre démarchhePartager d’abord, en créant l’Observatoire Fives des usines du futur. Fives a ainsi voulu poser les premiers jalons d’un débat qui nous concerne tous : celui de l’industrie que nous voulons pour demain. Y ont été associés le grand public, ainsi que des experts du monde industriel et de la société civile : ingénieurs, universitaires, architectes et représentants du monde associatif ont donné leur vision de l’industrie d’aujourd’hui et de l’usine de demain.Tester, ensuite, auprès des Français, qui sont les parties prenantes de l’activité des industriels et des usines : clients, riverains, citoyens, élus, soucieux du développement durable de leur territoire

et de concilier pérennité économique et préservation de l’environnement. En 2012, c’est avant tout à ces parties prenantes que Fives s’est adressé, avant de leur donner la parole.Trois temps forts ont ponctué cette démarche. Fives a d’abord interrogé l’ensemble des Français sur leurs rapports avec l’usine, grâce à un sondage national. Puis le Groupe s’est tourné vers une quinzaine d’experts du monde industriel et universitaire pour mesurer avec eux le décalage qui peut exister entre les représentations et la réalité, et dessiner les contours d’une France réindustrialisée. Enfin, Fives a organisé avec l’Ifop (Institut français d’opinion publique) un événement inédit en France : une conférence de citoyens qui a porté à la connaissance des pouvoirs publics, des clients, des équipes du Groupe et des médias, l’avis et les recommandations formulées par des représentants de l’opinion nationale sur la manière de remettre l’usine au cœur du pays, tout en tenant compte de leurs exigences d’aujourd’hui et des défis de demain.

La vocation de l’ouvrageeFives regroupe donc dans ce Cahier de l’Observatoire Fives des usines du futur l’ensemble des enseignements récoltés en 2012 à travers cette démarche, l’intégralité des résultats inédits des enquêtes menées par le Groupe, ainsi que les contributions riches et diverses des experts de cet Observatoire et des citoyens. Ces conclusions viennent enrichir un débat contemporain et alimenter la réflexion de chacun.

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MÉTHODOLOGIE DU SONDAGE NATIONAL

Du 27 au 30 mars 2012, en pleine campagne pour les élections présidentielles, Fives a demandé à l’Ifop de réaliser un sondage national afin d’affiner sa connaissance du ressenti des citoyens français vis-à-vis de leurs usines. Ce sondage se veut un premier pas dans la réflexion de Fives sur la place de l’industrie dans notre société et sur la conception de l’usine du futur. Exclusivement obtenus auprès des ménages français, les résultats de ce questionnaire ont vocation à être confrontés à la vision des experts de l’industrie française mais aussi – plus tard, pourquoi pas ? – à celles des populations d’autres cultures du monde où l’industrie occupe parfois une tout autre place dans les mentalités.

Réalisée auprès d’un échantillon de 1 004 personnes, cette enquête quantitative visait à recueillir l’opinion d’un panel représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus. Cette représentativité a été assurée par la méthode des quotas (sexe, âge, profession de l’interviewé(e) après stratification par région et catégorie d’agglomération). Les personnes interrogées ont répondu à un questionnaire auto-administré en ligne.

Des questions ouvertes et variées concernant des aspects très larges de l’usine et de sa conception en France ont donc été posées afin d’étudier :

la « cote de sympathie », les connotations positives ou négatives des mots liés à l’industrie : « usine », « manufacture », « ouvrier »… ;

les traits qui marquent le plus profondément la population française quand il s’agit des usines et de leur évolution dans le temps : les usines d’aujourd’hui sont-elles d’abord perçues comme créatrices d’emploi ou en perte de vitesse, polluantes ou faisant des efforts pour respecter les normes environnementales, parties intégrantes du patrimoine économique français ou issues d’un autre temps, ayant su se moderniser ou en déclin… ?

l’évolution de la perception des conditions de travail et du statut des travailleurs industriels ainsi que l’image du travailleur en usine aujourd’hui ;

la manière dont les Français perçoivent leur industrie nationale par rapport aux autres usines européennes, voire à celles des pays émergents ;

la qualité et la quantité d’information à laquelle la population française est aujourd’hui exposée, sa connaissance et sa curiosité sur le sujet ;

les jugements et les attentes des citoyens quant à l’action des pouvoirs publics en matière de politique industrielle ;

les attentes de ces mêmes citoyens vis-à-vis de l’action des industriels pour la conception des usines, leur intégration dans les villes…

À long terme, l’objectif de Fives est d’enrichir sa compréhension de la perception des usines par les Français, et de recueillir des résultats utiles et pertinents pour nourrir le débat public. Le Groupe ne manquera pas de s’en inspirer dans sa réflexion sur la manière de concevoir l’usine de demain, pour innover encore au bénéfice de ses clients.

« Interroger les citoyens françaiis pour connaîître leur ressenti vis-à-vvis de leurs usinnes. Une démarchhe initiiée par Fives danns sa voolontté de concevoirr les ussines du futur. »

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MÉTHODOLOGIE DES ENTRETIENS D’EXPERTS

La question de l’avenir de l’industrie française n’en finit pas de mobiliser les leaders d’opinion et les spécialistes de nombreux secteurs. Fives s’est entouré d’un groupe d’experts très qualifiés et issus de différents domaines d’activité pour imaginer ensemble l’usine de demain. Ces personnalités de renom ont accepté de mettre leur réflexion – économique, scientifique, sociologique, philosophique, voire artistique – au service d’une vision innovante et réaliste de l’usine inscrite dans la cité de demain. Les avis de chacun, indépendants et très informés, ont constitué un pendant idéal au sondage national réalisé début 2012. Les experts ont, en effet, commenté les résultats de cette enquête à la lumière de leur spécialité propre et de leur connaissance concrète de l’industrie française. Interrogés par l’Ifop, nos 15 experts ont pu confirmer, voire parfois infirmer, les tendances d’opinion identifiées par le sondage national, comparer ces perceptions aux réalités industrielles chiffrées desquelles ils sont familiers, et rechercher les causes du décalage éventuel ou expliciter les représentations sous-jacentes à certaines statistiques. Questionnés sur leur vision de l’usine de demain, ces experts ont fourni à Fives des contributions projectives particulièrement précieuses. La diversité des profils qui ont entouré le Groupe dans sa réflexion stratégique donne à voir la richesse de leurs éclairages sur le sujet des usines du futur.

Thierry Boogaerrt, fondateur du cabinet d’architecture Bogaert. Il intervient depuis longtemps pour des clients industriels et maîtrise parfaitement les nouvelles exigences et les tendances en matière de conception des usines et de leur intégration au sein des villes.

Daniel Booy, directeur de recherche du Cevipof (Centre de recherches politiques de Sciences Po), spécialiste des rapports entre sciences, technologies et société. Il a posé un regard sociologique sur la question de la place et du rôle de l’industrie dans son environnement social et environnemental.

Marc Gigeet, économiste international spécialiste des questions d’innovation industrielle, fondateur de l’Institut européen de stratégies créatives. Il possède une connaissance « terrain » des usines d’une grande variété de secteurs et de tous les continents, et a insisté sur la nécessité de relativiser les réalités industrielles.

Alex Jordi, ingénieur de formation, aujourd’hui consultant. Il a fait carrière au sein de Holcim (l’un des plus grands producteurs mondiaux de ciment) et s’est spécialisé dans le domaine des achats. Fin connaisseur du monde industriel américain, il a mis utilement en perspective la situation de l’industrie française dans la mondialisation.

Emmanueel Juliien, fondateur du cabinet de conseil indépendant en énergie et en développement durable Actys Bee. Grâce à sa connaissance internationale du monde industriel et de la gouvernance d’entreprise, il a fourni une perspective optimiste sur la réindustrialisation française.

Jean-Louis Leveet, économiste industriel ayant exercé (et exerçant toujours) de multiples responsabilités dans le domaine de l’action publique en faveur du développement technologique et industriel. Il est l’auteur d’une douzaine d’ouvrages, dont Pas d’avenir sans industrie (2007) et Réindustrialisation, j’écris ton nom (2012).

Claire Tuttenuitt, déléguée générale de l’association Entreprises pour l’Environnement (EpE), gérante de Clear Consult et présidente de la société Solsia qui produit des panneaux photovoltaïques. Experte des enjeux environnementaux et de la gestion du risque en usine, elle a contribué à identifier les attentes des Français et les opportunités d’action des industriels pour y répondre.

Parmi les 15 experts qui ont entouré Fives, se trouvaient notamment :

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MÉTHODOLOGIE DE LA CONFÉRENCE DE CITOYENSRenouveler le débat public en donnant la parole à des citoyens « éclairés »

Fort des enseignements du sondage national et de l’avis des experts, Fives s’est engagé dans une initiative inédite en France : l’organisation d’une conférence de citoyens pour donner la parole à un groupe de Français et recueillir son avis sur la question de l’avenir de l’industrie et de l’usine.

Une conférencee de citoyyens, comment ça marrche ?Il s’agit de recueillir l’opinion d’un groupe de citoyens et d’associer, à travers eux, le grand public à une réflexion sur un sujet complexe pour lequel les sondages classiques sont inopérants ou partiels. L’objectif n’est pas de rechercher une opinion spontanée, qui se construit à partir d’idées reçues, mais plutôt une opinion fondée sur une connaissance aussi complète que possible des différentes facettes du sujet : une opinion « éclairée ».Cette méthode originale trouve sa source dans les innovations liées à la démocratie participative, dont l’objectif est de réintroduire le citoyen dans des débats traditionnellement préemptés par les experts. Conçue et utilisée au Danemark depuis 1987 sous forme de « conférence de consensus », la première conférence de citoyens a été organisée en France en 1998 pour explorer les risques et les enjeux des OGM (Organismes Génétiquement Modifiés).

La conférence de citoyens de Fives s’est déroulée en trois temps : un temps de formation qui visait à

nourrir la connaissance des citoyens sur le sujet de la conférence, au cours de deux week-ends en septembre et octobre 2012.

De « profanes », les citoyens sont devenus non pas des « experts » du sujet, mais des « sachants ». De nombreuses disciplines ont été abordées – histoire, finance, économie, géographie, architecture, liens avec le territoire et les collectivités locales, environnement… – pour éclairer toutes les facettes du sujet ; un temps d’interpellation lors

d’un débat public qui s’est déroulé le 7 novembre 2012 au matin au Collège des Bernardins à Paris, et qui a mis face à face les citoyens et des porteurs d’intérêt (personnalités politiques, représentants de l’administration territoriale, chefs d’entreprises industrielles, représentants d’associations de défense des riverains…). Leurs échanges ont permis de mieux comprendre les différents enjeux,

intérêts et points de vue qui coexistent sur cette question et de répondre, très concrètement, souvent à partir de cas réels, aux questions des citoyens ; un temps de délibération et

de rédaction, le 7 novembre après-midi, au cours duquel les citoyens se sont réunis à huis clos pour élaborer une position consensuelle, et rédiger un avis et une charte de recommandations en réponse à la question posée.

Quelle questionn a été poosée aux citoyens ?Les membres du comité de pilotage ont réfléchi ensemble à la problématique qui sera soumise aux citoyens pour recueillir leur avis de manière objective et constructive sur une question qui soit la plus ouverte

Tout au long de la conception et de l’organisation de la conférence de citoyens, Fives s’est entouré d’un comité de pilotage constitué de membres de sa direction et de personnalités indépendantes issues du monde de l’industrie, des associations et de la société civile :

Marc Aouston, directeur marketing & communication du groupe Fives

Éric Ballott, enseignant-chercheur à l’École Mines ParisTech

Sylvie Berrnard-Grandjeann, à la tête de la filiale chinoise du groupe Redex, PME leader dans le domaine de la métallurgie

Thierry Boogaerrt, architecte

Michel Daancettte, directeur de la responsabilité sociale d’entreprise et de l’innovation du groupe Fives

Le comité de pilotage

Denis Ferrrand, directeur général de Coe-Rexecode

Martine GGriffoon-Fooucco, vice-président exécutif du groupe Assystem

Emmanueel Juliien, président d’Actys Bee, société de conseil en énergie et en développement durable

Un représsentannt associatiff, associations et fondations agissant dans le domaine de la protection de la nature et de l’environnement

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et la plus concrète possible. Cette problématique devait ainsi être l’occasion de définir précisément l’objet « usine ». Au cours des réflexions, l’usine a en effet recouvert de nombreuses réalités : unité de production, mais aussi écosystème, sujet de représentations, objet d’évolutions multiples depuis l’atelier du XIXe siècle, élément de la vie sociale locale, objet de « géolocalisation », intégrateur de compétences… Au terme de ses travaux, le comité de pilotage a décidé de poser la question suivante aux citoyens : « À quelles conditions (en termes d’espérance de développement pour vous et votre territoire, mais aussi de garanties pour l’environnement et la population) accepteriez-vous, vous personnellement, qu’un site industriel s’installe près de chez vous ? »

Cette problématique a été élaborée de manière à permettre d’explorer avec les citoyens les grandes questions suivantes, dont les réponses sont susceptibles de faire avancer non seulement la réflexion de Fives sur l’usine du futur mais aussi le débat public sur la politique industrielle française : À quelles conditions une usine enrichit-elle

un territoire et est-elle perçue comme telle ? Quelle notion de durée intervient

dans l’acceptabilité et la perception de l’usine ? Comment concilier le désir de pérennité et les besoins à court terme, ou encore la perception paradoxalement négative d’une installation industrielle lourde et le gage de longévité, de respect et d’intensité de capital fixé qu’elle représente pourtant ?

Comment les citoyens vivent-ils et comprennent-ils le Made in France ? Quelles sont les nouvelles exigences

sociales incontournables et prioritaires pour les citoyens en matière de respect de l’environnement, du paysage et de la santé des riverains, qui accompagnent toute installation industrielle en France ? Comment concilier la perception interne

de l’usine (le regard souvent positif que les ouvriers portent sur leur métier) et sa perception externe ?

Qui sont les cittoyens ?Le groupe de 15 citoyens appelé à répondre à la question de la conférence a été recruté par l’Ifop selon une méthode rigoureuse qui vise à refléter le mieux possible la diversité de la population française en termes d’âge, de sexe, de territoire, de profession et de niveau d’éducation… tout en gardant à l’esprit qu’une représentativité au sens statistique n’est pas atteignable sur un échantillon si étroit.L’Ifop a, bien entendu, volontairement écarté de son processus de recrutement les personnes ayant une expérience personnelle trop « impliquante » par rapport au sujet (notamment les professions en lien direct avec le travail à l’usine). L’objectif premier était de réunir des Français de tous horizons, de toutes les régions et de toutes les professions, qui étaient à l’origine – comme la plupart des Français – peu au fait de la réalité de l’usine et de son évolution, mais potentiellement concernés par cette problématique.Des enquêteurs se sont donc rendus dans toute la France à la rencontre de citoyens correspondant à la grille de critères établie par l’Ifop. Quinze d’entre eux se sont portés volontaires et ont montré un grand

enthousiasme pour participer à cette démarche innovante. Curieux de découvrir les coulisses d’un sujet d’actualité, heureux de pouvoir donner leur avis dans un débat très impliquant pour l’économie française, ils ont accepté de consacrer leur temps et leur énergie à ce projet.

Le panel de citoyens était constitué de 15 personnes (huit femmes et sept hommes) âgées de 19 à 69 ans et issues de différentes régions françaises. Étudiant en école de commerce, retraités, ancienne directrice d’hôpital, femme au foyer, manager de clientèle, vendeur en librairie, éducateur spécialisé, secrétaire médicale, responsable d’un musée… Leurs profils et parcours très différents ont suscité une dynamique de groupe riche et des échanges de points de vue intenses qui ont permis de faire naître des idées nouvelles tout au long de la préparation et de la tenue de la conférence de citoyens.

Ces 15 citoyens, originellement « profanes » sur le sujet de l’industrie, ont reçu une formation préparatoire dispensée par des experts de différents horizons avant de débattre avec des représentants du monde politique, économique et associatif, pour enfin rédiger leurs recommandations. La charte des citoyens a été remise à Frédéric Sanchez, président de Fives, le 7 novembre 2012. Elle dresse un constat précis et exhaustif des bénéfices d’une réindustrialisation de la France, mais également des freins et des contraintes qui s’y opposent. Elle éclaire les débats actuels sur la place de l’usine dans son environnement local et le rôle qu’elle doit jouer auprès de ses parties prenantes.

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14 Cahier N°1 - Édition 2013

L’usine fait, depuis toujours, partie intégrante de mon parcours et de ma vie professionnelle. J’ai dirigé pendant dix ans un site nucléaire et je suis passionnée par les usines de fabrication, dont les productions sont tangibles, ainsi que par le monde ouvrier. Au cours de ma formation en ingénierie, mais aussi en ergonomie et en psychologie du travail, je me suis intéressée de près aux conditions de travail en usine et j’ai été témoin de l’évolution du travail à la chaîne. Ma génération a vu d’abord les hommes passer des campagnes vers les usines, vers un monde alors reconnu et valorisé, puis elle a vu ensuite ce monde disparaître peu à peu.

Lorsque Fives m’a proposé de faire partie du comité de pilotage (« CoPil ») pour l’organisation de la conférence de citoyens sur les usines du futur, j’ai d’abord été perplexe, sceptique même. Je n’avais jamais entendu parler d’une telle initiative : le principe de composer un échantillon de 15 personnes totalement étrangères au monde de l’industrie et de les faire réfléchir à un sujet aussi technique me paraissait pour le moins périlleux ! Pourtant, en me familiarisant avec cette démarche citoyenne, j’ai découvert son caractère innovant et fécond. Elle permet, en effet, d’aborder d’une manière inédite un sujet dont on parle beaucoup aujourd’hui mais qui était auparavant

totalement occulté dans le débat public, pendant des années. Il me paraissait d’autant plus crucial de travailler sur ce sujet que, selon moi, si l’on ne fait pas bouger les lignes maintenant, il sera bientôt trop tard pour réindustrialiser la France, si ce n’est pas déjà le cas.

J’ai principalement pris part aux réflexions et aux réunions du comité de pilotage de l’Observatoire Fives des usines du futur, chargé d’établir le sujet, le programme et le casting des formations et du débat de citoyens. Échanger avec les membres du « CoPil » issus d’horizons différents – architecture, environnement, macroéconomie… – m’a beaucoup enrichie personnellement, car nous étions très complémentaires, et m’a permis de voir le sujet sous un angle nouveau et bien plus large.

J’ai également assisté à la première partie de ce débat que nous avions préparé depuis plusieurs mois, et j’ai été bluffée par le cheminement de pensée et la perspicacité de ces 15 citoyens qui représentaient la France dans toute sa diversité. On nous en avait décrit les profils, bien sûr, mais les découvrir vraiment et les voir au travail a été une révélation. Alors que, très sincèrement, je doutais qu’ils puissent apporter des idées originales sur un sujet si rebattu, que les « experts » avaient essoré au fil des débats, j’ai au contraire été impressionnée par la qualité de leur travail collectif. Leur prise de parole a été libre et riche, ils ne se sont pas laissé intimider et n’ont pas eu peur de poser des questions. Face à eux, les chefs d’entreprises « porteurs d’intérêt »

« En assistantt à la premièree partie duu débat, jj’ai été bluffée par le chemminement de pensée et lla perspiccacité

de ces 15 citoyens qui rreprésentaaient la FFrance ddans toutee sa diverrsité. »

REGARD DE MARTINE GRIFFON-FOUCO

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Observatoire Fives des usines du futur 15

étaient de très bon niveau, ils ont passé leurs messages clairement et sans langue de bois, ce qui est finalement peu courant.

Ainsi, et c’est dans le fond l’essentiel, la charte rédigée par les citoyens à l’issue du débat public est d’une très grande qualité, en particulier la partie diagnostic de la situation de l’industrie française, qui est excellente. J’ai trouvé remarquable que des personnes aussi différentes et a priori éloignées du sujet, n’ayant reçu que deux week-ends de formation, puissent élaborer un raisonnement aussi complet et aussi juste.

Sur le fond, j’ai noté que, à l’époque de la décentralisation, les citoyens plaident pour un retour à une planification nationale de l’industrie. Il est vrai que la construction de centrales nucléaires en France n’aurait jamais eu lieu sans un programme national établi sur plusieurs années. Il en va de même, selon moi, pour la réindustrialisation de notre pays. Mais je ne m’attendais pas à trouver cette recommandation dans l’avis citoyen.

Bien souvent, l’implantation d’une usine est perçue comme générant plus d’inconvénients que d’avantages. Les citoyens, eux, ont pris conscience des bénéfices potentiels d’une usine pour son territoire et ont pris en compte ces deux aspects, les apports et les contraintes. Faire basculer la perception de l’usine, pour l’heure essentiellement négative, est aujourd’hui à mes yeux la priorité pour les industriels. La charte des citoyens a aussi montré que l’usine de demain devra être transparente et connectée à son environnement. Je suis convaincue,

comme eux, qu’elle doit être en harmonie avec les lieux par son architecture, avec la population par la création d’emploi et avec le monde de l’éducation «par la formation des jeunes à ces emplois. L’usine de demain, je la vois comme un cœur qui irrigue le territoire. Elle doit s’adresser à ses parties prenantes avec clarté, sincérité et considération.

Je regrette cependant, même s’il est compréhensible que tout n’ait pas été traité, que les citoyens aient omis un point qui me paraît, à moi, tout à fait central : l’usine de demain devra respecter son personnel. J’ai visité de nombreux sites industriels et certains imposent encore de terribles conditions de travail à leurs ouvriers (les forges et fonderies par exemple, même si elles ont pour la plupart disparu en France). Subir un environnement sonore ou des températures extrêmes est parfois plus pénible que de travailler à la chaîne. Pour moi, l’usine de demain œuvrera à l’amélioration des conditions de travail des ouvriers et à la diminution de la pénibilité de certains métiers. Pour moi, l’usine de demain devra être transparente vis-à-vis de l’extérieur, mais aussi respectueuse vis-à-vis de l’interne. Elle procurera à ses équipes une véritable fierté d’appartenance.

Les travailleurs doivent être fiers que leur entreprise soit reconnue par le grand public, afin qu’ils en tirent aussi une reconnaissance personnelle. L’usine de demain saura promouvoir et développer cette fierté.

Les idées que les citoyens ont exprimées peuvent être utiles à l’ensemble du monde productif français. Il pourrait être intéressant que Fives élargisse cette démarche à l’international, pour comparer les perceptions des usines et les conditions de l’acceptabilité industrielle dans des pays comme la Chine ou la Russie, par exemple. Étudier et comparer les « terreaux » industriels et sociaux à l’étranger peut permettre de mieux s’adapter à ces marchés pour s’y implanter. Mais, au-delà des enseignements de fond, les résultats surprenants de cette méthode très particulière qu’est la conférence de citoyens ont surtout constitué pour moi un formidable message d’espoir. Si l’on informe correctement une population, qu’on lui ouvre l’esprit à tous les arguments, elle est tout à fait capable de faire preuve de clairvoyance, même sur des sujets complexes et aux connotations émotionnelles fortes. Cette conférence de citoyens a été un pari aussi ambitieux que réussi.

« Pour moi, l’usine de demmain veillera à ddiminuer la pénibiilité de certains métiers, sera trransparente viis-à-vis dee l’extérieeur, et aussi respectueuse vis-àà-vis de l’interrnne. Elle prrocurera à ses équipes une véritable fierté d’appaartenance.. »

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16 Cahier N°1 - Édition 2013

C’est avec un grand intérêt que j’ai accepté de participer à la démarche de la conférence de citoyens de Fives pour échanger sur un sujet qui me tient particulièrement à cœur : celui de l’industrie en France, et plus spécialement de la « réindustrialisation », qui constituent un enjeu majeur pour la dynamique économique de notre pays. J’étais curieux de découvrir cette démarche originale qui va dans le sens d’un développement responsable des entreprises et qui permet d’intégrer le point de vue des citoyens en amont d’un projet d’implantation - une problématique complexe et difficile à appréhender. Je suis convaincu que ce sont de telles initiatives qui permettront un véritable déclic français en faveur de l’industrie.

Je suis intervenu en tant qu’expert formateur devant les citoyens afin de leur présenter un panorama des métiers qu’offrent aujourd’hui les usines et de faire le point sur leur attractivité. Pendant mon intervention, j’ai été frappé par la grande implication et l’ouverture d’esprit dont le groupe a fait preuve. Sa franchise et la pertinence de ses questions ont permis des échanges directs, variés et constructifs. Même si les notions présentées n’étaient pas

toujours pleinement assimilées et que certains concepts techniques restaient flous, j’ai eu le sentiment que chacun des citoyens s’était approprié le sujet. Ils ont été particulièrement réceptifs et attentifs aux enseignements issus de mon expérience d’industriel, plus parlante et concrète.

J’ai été agréablement surpris de constater que la charte de recommandations élaborée par les citoyens reflète la manière dont, à mon sens, nous devons penser la réindustrialisation et dont nous la pensons déjà chez PSA Peugeot Citroën. La réindustrialisation est un objectif commun à tous. Nos actions en sa faveur doivent être menées en concertation avec les parties prenantes avec pragmatisme et discernement, dans le respect et la bienveillance, mais aussi en faisant preuve de réalisme économique et environnemental. Si elles ne sont pas toutes nouvelles, les recommandations de la charte des citoyens me paraissent néanmoins généralisables et adaptables aux contextes spécifiques. Il me semble même que cette conférence de citoyens pourrait constituer un modèle de concertation avec les parties prenantes en vue de l’implantation d’un site industriel et un moyen « d’éduquer » davantage la population française sur les questions d’industrie.

Car ces questions nous concernent tous. Nous avons tous, dans nos familles, un parent ou un grand-parent qui a travaillé en usine. Dans ce contexte de crise économique et sociale, comme

« J’ai été fraappé par la ggrande immplicatioon et l’ouverture d’esprit dont le grouupe de ciitoyens a fait preuve tout commme sa franchisse et sa ppertinennce. »

REGARD DE DENIS MARTIN

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Observatoire Fives des usines du futur 17

l’ont eux-mêmes souligné les citoyens, la désindustrialisation – avec son lot de restructurations, de fermetures de sites et de pertes d’emploi – occupe le devant de la scène. La vision qu’ont les Français des usines reste trop souvent associée au travail à la chaîne, aux nuisances et aux pollutions, ou encore aux mouvements de populations. Pourtant, la réalité des usines a beaucoup évolué. La santé et la sécurité au travail sont désormais la première priorité d’un industriel. La formation et le développement des hommes et des femmes sont des sources de progrès et de croissance désormais privilégiées. Le développement responsable des entreprises exige une concertation avec les parties prenantes, des mesures de protection de l’environnement et une intégration forte dans la vie locale.

En vérité, je crois qu’une usine est tout sauf une « entité fermée », comme l’ont écrit les citoyens dans leur charte. Elle est, au contraire, en constante interaction avec son environnement, ses salariés, ses fournisseurs et ses clients, pour ne nommer qu’eux. Oui, l’usine du futur devra garantir la sécurité de la population. Oui, elle se devra d’être propre, de limiter son impact environnemental, d’utiliser les énergies renouvelables et de limiter les déchets. Mais, surtout, elle devra être compétitive à la fois par le hard, avec des installations qui bénéficient des meilleures technologies et conditions de fonctionnement, et par le soft, avec un système de production d’excellence et un management efficace.

« La charte de recommanddations élaboréée par les citoyens reflète la mannière dont, à mmon sens, nous devons penser la réinndustrialisatioon. »

L’usine du futur sera « apprenante » pour s’adapter aux évolutions de son environnement et permettre aux hommes et aux femmes d’évoluer en même temps qu’elle.

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Observatoire Fives des usines du futur 19

LES FRANÇAIS ET L’USINE :

DES « TEMPS MODERNES »

À L’USINE VERTE La première étape

de la démarche de concertation nationale

entreprise par Fives est un sondage réalisé

par l’Ifop en mars 2012. Il ancre la réfl exion sur

les relations entre les Français et leurs usines dans

la réalité des chiffres et fait le point sur l’image

de l’industrie dans l’opinion publique.

1.

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20 Cahier N°1 - Édition 2013

UN UNIVERS MAL CONNU

Les Français sont réalisttes, voiire pessimistes, sur lla situatioon de leur industrie…Les Français perçoivent de manière assez réaliste les difficultés de l’industrie française. 92 % d’entre eux estiment à juste titre que le pays perd chaque année quelques dizaines d’usines et que 500 000 emplois industriels ont disparu en dix ans. Ils sont 85 % à être conscients des problèmes de recrutement que connaît aujourd’hui le secteur.Pourtant, les sondés ont une vision moins précise des données positives sur la contribution de l’industrie à l’économie française : ils sont moins nombreux à déclarer que l’industrie emploie 13 % de la population active du pays (73 %) et à savoir que l’industrie réalise 85 % des dépenses de recherche et développement en France (64 %). 65 % des Français sont même convaincus que, certaines années au cours des dernières décennies, aucun nouveau site industriel n’a ouvert en France – ce qui est largement erroné.

POUR CHACUNE DES AFFIRMATIONS SUIVANTES, DIRIEZ-VOUS QU’ELLE EST VRAIE OU FAUSSE ?

Mal informés, les Franççaais ont une vvision rellaativemeennt négative de l’usine et dduu monde inddustriel een Francee.

Chaque année, la France perd quelques dizaines d’usines

Ces dix dernières années, plus de 500 000 emplois industriels ont disparu en France

Certains secteurs de l’industrie sont confrontés à des difficultés de recrutement

L’industrie emploie 13 % de la population active du pays

85 % des dépenses de recherche et développement des entreprises françaises sont réalisées dans l’industrie

Certaines années, on n’ouvre aucun nouveau site industriel en France

Vraie Fausse

92 % 8 %

92 % 8 %

85 % 15 %

73 % 27 %

64 % 36 %

65 % 35 %

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Observatoire Fives des usines du futur 21

Ils estiment êtrre mal infforméss sur leurs usines, ssurtout lees jeunnesLes Français connaissent moins – ou moins bien – la situation de l’industrie française et ses conditions de travail. Ils reconnaissent d’ailleurs eux-mêmes, à 86 %, que les usines sont aujourd’hui trop peu connues du grand public (cf. p.26). Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, l’emploi ouvrier représentait 39 % de la population française et chaque citoyen connaissait le monde de l’usine, ne serait-ce que par l’intermédiaire d’un père, d’un conjoint ou d’un cousin ouvrier. Aujourd’hui, l’industrie concerne moins d’un emploi sur quatre et les Français semblent avoir perdu la connexion qui les liait à leurs usines et leur permettait d’en percevoir la réalité concrète.

DIRIEZ-VOUS QUE VOUS ÊTES TRÈS BIEN, ASSEZ BIEN, ASSEZ MAL OU TRÈS MAL INFORMÉ(E) CONCERNANT LE FONCTIONNEMENT ET LA VIE DES USINES EN FRANCE AUJOURD’HUI ?

ET DIRIEZ-VOUS QUE VOUS SOUHAITERIEZ ÊTRE MIEUX INFORMÉ(E) CONCERNANT LE FONCTIONNEMENT ET LA VIE DES USINES EN FRANCE AUJOURD’HUI ?

/ LES FRANÇAIS ET L’USINE

Une perception de l’usine différente selon les générations

Un véritable fossé générationnel s’est ainsi creusé entre l’usine et les jeunes Français : 57 % des moins de 35 ans confirment que les usines leur sont distantes et mal connues - une proportion qui atteint 62 % chez les jeunes de 18 à 24 ans. En fait, seuls 38 % des Français affirment être bien informés sur le fonctionnement et la vie des usines en France. Ce niveau d’information, déjà plutôt bas, est encore inférieur chez les jeunes (27 % chez les 18-24 ans) et guère plus élevé chez les premiers concernés, à savoir les ouvriers eux-mêmes (44 %). Ce déficit de connaissance s’accompagne d’une très forte demande d’information : 79 % des Français souhaiteraient être davantage sensibilisés au fonctionnement et à la vie des usines en France, avec une limite cependant : seuls 14 % d’entre eux sont demandeurs d’une information « beaucoup » plus abondante. Ce souhait est logiquement exprimé plus fortement chez les personnes âgées de 65 ans et plus (87 %).

55 % Assez mal informé(e)

Très mal informé(e) 7 %

Très bien informé(e) 4 %

Assez bien informé(e) 34 %

Au total : 38 % Bien informé(e)

Au total : 62 % Mal informé(e)

Au total : 79 % Oui

Au total : 21 % Non

17 % Non, plutôt pas

4 % Non, pas du tout Oui, beaucoup plus 14 %

Oui, plutôt plus 65 %

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22 Cahier N°1 - Édition 2013

DES CLICHÉS QUI PERSISTENT

Malgré une perception a priori peu vvalorisannte des usines françaises, lees Français émmettent ddes aviss positifs sur certaines caaractéristiquees de l’usiine, liées à l’innovation et auu travail.

Les Français meettent la sécurité dans les usines eet la proteection de l’environnemeent au preemier rang de leurs prééoccupatioonsLes premiers résultats de l’enquête révèlent une certaine forme de défiance, principalement des doutes relatifs aux impacts sociaux et environnementaux de l’usine, dans les perceptions des Français. Ainsi, deux tiers des sondés estiment encore que les usines polluent beaucoup et, pour la moitié d’entre eux, qu’elles présentent un risque de sécurité pour les riverains.

QUELLES SONT POUR VOUS LES VALEURS PRINCIPALES QU’UNE USINE DOIT RESPECTER ?

Santé/Sécurité65 %

29 %

Qualité45 %

14 %

Protection de l’environnement 46 %

14 %

Travail38 %

13 %

Esprit d’équipe32 %

10 %

Innovation26 %

7 %

Éthique20 %

7 %

Performance28 %

6 %

En premier Total des citations

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Observatoire Fives des usines du futur 23

/ LES FRANÇAIS ET L’USINE

Ils conservent pparfois unne percceptioon des usines digne ddes « Tempps modderness * » Une image tout droit tirée des « Temps modernes » semble coller à la peau des usines qui, selon 55 % des sondés, constituent encore moins qu’autrefois un lieu de développement personnel (cf. p. 26). Les Français perçoivent toujours, à une large majorité (80 %), l’activité des ouvriers à l’usine comme un travail à la chaîne, qui plus est, mal rémunéré. Au niveau des rapports humains aussi, le constat est plutôt négatif : seul un tiers des interviewés estime que les ouvriers ont de bonnes relations avec leur encadrement et la direction (37 %) et sont plus solidaires entre eux que par le passé (34 %).La capacité de l’usine à tordre défi nitivement le cou à cette image ne fait pas non plus l’unanimité, puisque seuls 60 % des sondés estiment que l’usine de demain sera valorisante pour ses employés, et moins de la moitié (45 %) qu’elle sera intégrée dans la ville. Déconnectés de l’univers de l’usine, trop peu ou trop mal informés, les Français peinent donc à percevoir les progrès réalisés par l’industrie française en matière de valorisation de son capital humain.

Pourtant, les cllichés néggatifs ssont moins nombreuxx sur les ccaractééristiqques des usines dans lleur détaiil Lorsqu’on interroge les Français de manière plus précise sur la valeur, positive ou négative, qu’ils attribuent à certaines composantes des usines actuelles, les avis se révèlent bien plus favorables. Ainsi, des termes tels que « innovation », « travail » ou « ingénieur » recueillent plus de 90 % d’avis positifs chez les interviewés. Les mots « ouvrier » (81 %) et « industrie » (81 %) sont également bien perçus. En dépit du caractère daté de ces dénominations, « contremaître » (68 %) et « site industriel » (67 %) recueillent également une majorité d’avis positifs. Enfi n « l’usine » demeure un concept bien connoté pour 55 % des Français.

* Expression tirée du fi lm de Charlie Chaplin faisant référence au monde industriel des années 1930 (fordisme, travail à la chaîne…)

POUR CHACUNE DES AFFIRMATIONS SUIVANTES CONCERNANT LES OUVRIERS TRAVAILLANT DANS DES USINES EN FRANCE, INDIQUEZ SI VOUS ÊTES TOUT À FAIT, PLUTÔT, PLUTÔT PAS OU PAS DU TOUT D’ACCORD. LES OUVRIERS TRAVAILLANT DANS LES USINES EN FRANCE AUJOURD’HUI ONT ...

POUR CHACUN DES MOTS SUIVANTS, DIRIEZ-VOUS QU’IL ÉVOQUE POUR VOUS QUELQUE CHOSE DE POSITIF OU DE NÉGATIF ?

Innovation

Performance

Travail

Ouvrier

Ingénieur

Industrie

Entreprise

Usine

Des métiers qualifi és

De bonnes relations avec leur encadrement et la direction

Des salaires corrects

Tout à fait d’accord Plutôt d’accordPlutôt pas d’accord Pas du tout d’accord

Très positif Assez positif Assez négatif Très négatif

Des conditions de travail meilleures que par le passé

75 %

70 %

37 %

33 %

95 %

90 %

90 %

90 %

83 %

81 %

81 %

55 %

17 % 58 % 21 % 4 %

11 % 59 % 28 % 2 %

4 % 33 % 55 % 8 %

5 % 28 % 53 % 14 %

56 % 39 % 4 % 1 %

40 % 50 % 8 % 2 %

8 %37 % 53 % 2 %

1%30 % 60 % 9 %

33 % 50 % 14 % 3 %

29 % 52 % 17 % 2 %

2 %24 % 57 % 17 %

13 % 42 % 39 % 6 %

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24 Cahier N°1 - Édition 2013

… et les progrès réaliséss sont reconnusLes progrès réalisés par l’industrie en matière de développement durable et de sécurité ne sont pas non plus ignorés. Les usines d’aujourd’hui sont perçues comme plus respectueuses de l’environnement et plus sûres par une majorité de Français (respectivement 59 % et 58 %). Par ailleurs, les trois quarts des Français estiment que les conditions de travail des ouvriers sont meilleures que par le passé. L’image des ouvriers évolue elle aussi, puisque 70 % des interviewés jugent qu’ils ont des métiers qualifiés et 55 % qu’ils ont des responsabilités. L’usine française d’aujourd’hui brille par les compétences qu’elle réunit.

DES CLICHÉS QUI PERSISTENT

Les usines sontt même pperçuess comme créatrices de valeeur…Si les usines évoquent – comme montré précédemment – certaines caractéristiques négatives, elles sont en même temps massivement associées à des traits d’image fortement valorisants : elles ont la réputation de « concentrer beaucoup de technologies » (86 %), de « faire partie du patrimoine français » (82 %), de « créer de la valeur » (82 %) et de « valoriser un savoir-faire » (73 %).

POUR CHACUNE DES AFFIRMATIONS SUIVANTES CONCERNANT LES USINES, INDIQUEZ SI VOUS ÊTES TOUT À FAIT, PLUTÔT, PLUTÔT PAS OU PAS DU TOUT D’ACCORD. LES USINES EN FRANCE AUJOURD’HUI...

Sont trop peu connues du grand public

86 %

86 %

82 %

82 %

73 %

70 %

Sont un lieu de valorisation du savoir-faire

Participent à la formation des salariés

Concentrent beaucoup de technologies

Font partie du patrimoine français

Sont un lieu de création de valeur

Tout à fait d’accord Plutôt d’accordPlutôt pas d’accord Pas du tout d’accord

ET PAR RAPPORT À IL Y A 50 ANS, D’APRÈS CE QUE VOUS EN SAVEZ, DIRIEZ-VOUS QUE LES USINES EN FRANCE AUJOURD’HUI SONT PLUS, MOINS OU AUTANT QU’AVANT... ?

Automatisées

Un lieu de formation professionnelle

Une fierté pour la région

Visibles

Un lieu de développement personnel

Respectueuses de l’environnement

Déshumanisées

Sûres

Plus Autant qu’avant Moins

28 % 58 % 13 % 1 %

26 % 60 % 13 % 1 %

15 %28 % 54 % 3 %

25 % 16 %57 % 2 %

21 % 52 % 24 % 3 %

17 % 53 % 27 % 3 %

90 % 5 %5 %

59 % 17 % 24 %

25 %59 % 16 %

58 % 28 %14 %

41 % 22 % 37 %

33 % 26 % 41 %

28 % 22 % 50 %

23 % 22 % 55 %

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Observatoire Fives des usines du futur 25

/ LES FRANÇAIS ET L’USINE

Les perceptions des Français sur les usines ne sont pas monolithiques

La résistance de certaines opinions qui s’apparentent parfois à des stéréotypes dépassés peut s’expliquer, en partie, par le fait que les avis recueillis au cours de cette étude ne sont pas monolithiques. Le regard porté sur l’usine est, en effet, loin d’être le même selon l’âge ou le parcours professionnel des personnes interrogées.

De fait, l’usine a une image plus positive chez les personnes âgées, familières d’une époque où l’industrie était davantage présente dans la vie quotidienne et où la figure de l’ouvrier était plus visible. Ils sont donc plus nombreux à attribuer une valeur positive à des termes comme « ouvrier » (95 % des plus de 65 ans, + 14 points par rapport au taux moyen), « industrie » (94 %, + 13 points par rapport au taux moyen) et « usine » (74 %, + 19 points par rapport au taux moyen). Au contraire, les jeunes sont plus nombreux à voir en l’usine une source de pollution (72 % chez les moins de 35 ans contre 67 % sur l’ensemble de la population).

La profession des sondés constitue, elle aussi, un facteur de clivage qui explique certaines différences de perception. Ainsi, les ouvriers ont un avis plus sévère sur leurs propres conditions de travail que l’ensemble des Français : ils sont plus nombreux à estimer qu’ils travaillent à la chaîne (88 %, + 8 points par rapport à l’ensemble de la population) et moins nombreux à reconnaître que les ouvriers des usines françaises ont de bonnes relations avec leur hiérarchie (27 %, soit - 10 points par rapport à l’ensemble de la population), qu’ils sont plus solidaires entre eux que par le passé (25 %, soit - 9 points par rapport à l’ensemble de la population) ou qu’ils ont des salaires corrects (26 %, soit - 7 points par rapport à l’ensemble de la population).

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26 Cahier N°1 - Édition 2013

UNE DÉSINDUSTRIALISATION MAL VÉCUE

Les Français jugent aveec sévérité l’inndustrie nnationalle. Nettement en déclin, ellle est pourtaant aux soources de leurs préoccupationns.

Les Français perçoivent le mannque de compétitivitéé et d’attrractivitté de leur industrieLes Français sont conscients des difficultés de leur industrie nationale, en particulier des secteurs issus de la révolution industrielle durement frappés depuis les années 1980. Seuls 3 % d’entre eux considèrent les industries chimique et mécanique innovantes, contre 2 % pour l’industrie textile et à peine 1 % pour l’extraction minière. Ils partagent le sentiment de déclin de l’industrie française (industries de pointe mises à part) souvent relayé dans le débat public, estimant à 81 % que l’industrie en France est aujourd’hui en perte de vitesse. Ceux qui jugent qu’elle constitue encore un secteur économique attractif (45 % des Français), compétitif par rapport aux autres pays (35 %) ou attractif pour les jeunes (35 %) sont minoritaires.Les Français, préoccupés par l’avenir de l’industrie, perçue comme menacée, sont cependant convaincus de la possibilité d’une réindustrialisation du pays.

Ils trouvent les usines trrop peu présentes dans lee discourss des politiquuesCet attachement des Français à leurs usines se traduit par des attentes d’autant plus fortes vis-à-vis des politiques. 68 % d’entre eux regrettent ainsi que les enjeux industriels ne fassent pas suffisamment l’objet de l’attention des hommes politiques de tout bord, malgré le coup de projecteur de la campagne présidentielle (le sondage ayant été réalisé avant les élections de mai 2012).

DIRIEZ-VOUS QUE L’INDUSTRIE EN FRANCE AUJOURD’HUI EST... ?

SELON VOUS, NOS HOMMES POLITIQUES PARLENT-ILS TROP, SUFFISAMMENT OU PAS ASSEZ DE L’INDUSTRIE ET DE LA RÉINDUSTRIALISATION DE LA FRANCE ?

En perte de vitesse

Respectueuse des contraintes environnementales actuelles

Un secteur économique attractif pour les jeunes

81 %

54 %

35 %

35 %Compétitive par rapport aux autres pays

Oui, tout à fait Oui, plutôtNon, plutôt pas Non, pas du tout

68 % Pas assez

Trop 5 %

Suffisamment 27 %

19 % 62 % 18 % 1 %

5 % 49 % 40 % 6 %

5 % 30 % 55 % 10 %

5 % 30 % 58 % 7 %

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Observatoire Fives des usines du futur 27

POUR L’USINE DU FUTUR, TOUS LES ESPOIRS SONT PERMIS

Innovante, compétitivee, responsablee et duraable l’usine de demain est ddéjà en constrruction ppour une majorité des Franççais.

L’innovation sera le défi des usines du futturLes Français croient en l’avenir de leur industrie. L’innovation, qualité prioritaire à leurs yeux, en sera le maître mot. Pour 85 % des Français, les usines de demain seront compétitives et tournées vers le commerce international. Leurs efforts s’orienteront aussi vers l’amélioration de leur empreinte environnementale, 81 % des interviewés estimant que les usines de demain seront économes en énergie et en matières premières, 77 % qu’elles seront propres et 74 % qu’elles seront sûres.

SELON VOUS, L’USINE DE DEMAIN SERA... ?

Innovante/source d’innovation

Sûre

Tournée vers le commerce international

Intégrée dans la ville

Économe en énergie

Propre

Oui Non

/ LES FRANÇAIS ET L’USINE

POUR CHACUNE DES AFFIRMATIONS SUIVANTES, INDIQUEZ SI VOUS ÊTES TOUT À FAIT, PLUTÔT, PLUTÔT PAS OU PAS DU TOUT D’ACCORD.

L’industrie a de l’avenir si elle mise sur les industries de pointe

86 %

83 %

49 %

Aujourd’hui, l’industrie ne peut être envisagée sans une dimension internationale, qu’il s’agisse des approvisionnements, des débouchés ou des marchés finaux

Grâce à l’exportation de nos technologies industrielles, nous pouvons compenser les effets de la désindustrialisation

Tout à fait d’accord Plutôt d’accord

Plutôt pas d’accord Pas du tout d’accord

Pour la compéttitivité fraançaisee, l’usine du futur ddoit miserr sur les secteurs de pointe Parmi les secteurs industriels jugés « stratégiques » et qui peuvent jouer un rôle dans la compétitivité française, les interviewés placent en tête les industries de pointe ou à forte valeur ajoutée : énergie (citée en premier par 26 % des interviewés), aéronautique et spatial (14 %), pétrole (11 %) et défense (11 %). Les industries considérées comme « stratégiques » sont ainsi fortement valorisées. En revanche, les secteurs plus traditionnels se retrouvent en bas du classement, avec 1 à 4 % de citations seulement pour l’industrie métallurgique, textile…

88 % 12 %

85 % 15 %

81 % 19 %

77 % 23 %

74 % 26 %

45 % 55 %

28 % 58 % 12 % 2 %

25 % 58 % 15 % 2 %

8 % 41 % 44 % 7 %

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POUR L’USINE DU FUTUR, TOUS LES ESPOIRS SONT PERMIS

L’usine du futurr sera proopre et sûre Les attentes les plus fortes concernent bien sûr la protection de l’environnement et la sécurité des populations, qui semblent constituer la préoccupation principale des interviewés, en particulier des plus de 65 ans (71 %). L’usine de demain devra être propre et éviter toute sorte de rejet toxique (pour 64 % des personnes interrogées), émettre peu de gaz à effet de serre (10 %), intégrer des dispositifs de recyclage (10 %) et être économe en énergie (9 %).

L’usine du futurr est déjàà en constructionAutre indicateur de confiance : pour 77 % des Français, il est d’ores et déjà possible de construire des usines propres et respectueuses de l’environnement. Pour 20 % d’entre eux, cela deviendra possible demain. En définitive, seuls 3 % des interviewés doutent réellement de la possibilité de construire des usines pouvant s’intégrer dans des espaces habités sans les dénaturer ni les polluer.

POUR VOUS, QUE DOIT EN PREMIER RESPECTER UNE USINE PROPRE ?

Éviter tout rejet toxique81 %

64 %

Intégrer des dispositifs de recyclage 27 %

10 %

Émettre peu de gaz à effet de serre 39 %

10 %

Être économe en énergie 39 %

9 %

Bien s’intégrer dans son environnement urbain et paysager 15 %

7 %

En premier Total des citations

SELON VOUS, EST-IL POSSIBLE DE CONSTRUIRE DES USINES PROPRES ET RESPECTUEUSES DE L’ENVIRONNEMENT ?

20 % Non, ce n’est pas possible aujourd’hui mais ce sera possible demain

Oui, c’est déjà possible 77 %

Au total : 77 % Oui

Au total : 23 % Non

Non, et ce ne sera pas possible 3 %

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Observatoire Fives des usines du futur 29

/ LES FRANÇAIS ET L’USINE

L’industrie française a unn avennirLes Français concentrent des espoirs particulièrement forts sur l’industrie de demain. Ils attendent d’elle qu’elle respecte des valeurs humaines et honore ses engagements, d’abord en matière de santé et de sécurité pour 65 % des interviewés, puis en matière de protection de l’environnement (46 %), de travail (38 %) et d’esprit d’équipe (32 %). Si les valeurs d’innovation et de performance apparaissent bien plus tard dans les priorités des Français pour les usines du futur, c’est sans doute parce que ces qualités leurs paraissent déjà pouvoir être mises au crédit des usines d’aujourd’hui.

Les Français approuventt les valeurs des ussines du ffuturCes attentes et ces exigences des Français à l’endroit des usines de demain esquissent un « cahier des charges » que les entretiens d’experts et la conférence de citoyens ont permis de préciser.

« L’INDUSTRIE FRANÇAISE A UN AVENIR ». ÊTES-VOUS TOUT À FAIT D’ACCORD, PLUTÔT D’ACCORD, PLUTÔT PAS D’ACCORD OU PAS DU TOUT D’ACCORD AVEC CETTE AFFIRMATION ?

Au total : 73 % D’accord

Au total : 27 % Pas d’accord

24 % Plutôt pas d’accord

3 % Pas du tout d’accord Tout à fait d’accord 19 %

Plutôt d’accord 54 %

POUR CHACUN DES TERMES SUIVANTS, DIRIEZ-VOUS QU’IL ÉVOQUE POUR VOUS QUELQUE CHOSE DE POSITIF OU DE NÉGATIF ?

Innovation

94 %

93 %

91 %

88 %

Progrès

Made in France

Développement durable

Très positif Assez positif Assez négatif Très négatif

58 % 36 % 5 %1 %

45 % 48 % 6 % 1 %

7 %49 % 42 % 2 %

2%44 % 44 % 10 %

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Observatoire Fives des usines du futur 31

OPINION PUBLIQUE ET RÉALITÉ

INDUSTRIELLE : LE GRAND

MALENTENDUUne quinzaine d’experts

de différents profi ls et spécialités ont livré leur analyse de la situation,

des forces et des faiblesses de l’industrie française ainsi que leur vision de l’usine

de demain. Pour ces spécialistes, nos usines constituent à la fois la fi erté

de la France d’hier et un pari capital pour la France de demain.

2.

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32 Cahier N°1 - Édition 2013

DES USINES INDÉSIRABLES : LES HANDICAPS ÉCONOMIQUES FRANÇAIS

Les experts connfirment lle retaard économique de ll’industriee et soouligneent ses faiblesses strructurellees Les experts, tout comme les citoyens

français, portent un regard assez pessimiste sur la situation actuelle de l’industrie française. Leur connaissance du secteur, parfois même leur expérience de sa réalité, viennent confirmer de manière concrète et informée les intuitions des Français sondés sur l’état du secteur productif.

Seuls deux experts citent spontanément et défendent les atouts de l’industrie française.

« L’industrie française est diversifiée, performante, moderne, internationale et high-tech, et les membres de l’association EpE, au moins, ont largement intégré l’environnement comme source de progrès et d’opportunités. »

Claire Tutenuit, déléguée générale de l’association Entreprises pour l’Environnement (EpE)

« On a encore une main-d’œuvre de haut niveau, des infrastructures, un système social de qualité et une vraie capacité d’innovation. Il y a de vraies raisons d’être optimiste. » Emmanuel Julien, consultant industrie

Pour les autres experts, en revanche, le constat est moins optimiste.

« Près de mille usines ont fermé en peu de temps. Ça n’arrête pas de tomber. Les emplois diminuent constamment. Ce n’est pas une opinion, c’est un fait statistique. » Marc Giget, spécialiste de l’innovation

« L’économiee, à termme, sseraitt extrêmemennt endoommaagéee de ne plus avvoir d’inndusstrie compétitive parce qque ll’on serait totalemment déépenndannt des autres paays pouur se procurer ttous less biens essentiels. »

Les experts identifient plusieurs types de contraintes qui pèsent sur l’activité industrielle française et qui constituent des blocages économiques à son développement. Le coût du travail et le manque de compétitivité français sont pointés du doigt : l’impact sur les entreprises d’un niveau de salaires et de charges élevé remet en cause la politique économique du pays.

« Le handicap de l’industrie française, c’est le coût de la main-d’œuvre. »Une directrice de site industriel en France

« L’industrie française souffre de deux handicaps. D’abord, ses stratégies de productivité sont globalement fondées sur l’optimisation de l’existant et la recherche d’économies d’échelle depuis plusieurs décennies, au détriment d’une productivité fondée sur la créativité et l’entrepreneuriat. Ensuite, son système productif est hiérarchisé avec, au sommet, de grands groupes devenus mondiaux grâce notamment, dans plusieurs cas, au soutien de l’État ; puis, à la base, beaucoup de petites entreprises et, au milieu, peu de moyennes entreprises. De ce fait, nos grands groupes et donneurs d’ordre ont tendance à sous-traiter sur un mode peu coopératif, alors que l’Allemagne, l’Italie du Nord ou le Japon favorisent davantage une logique de réseau. » Jean-Louis Levet, économiste

Les experts expriment de sérieuses inquiétudes à l’idée que l’économie française de demain soit entièrement dominée par les services et détachée de sa base industrielle.

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/ OPINION PUBLIQUE ET RÉALITÉ INDUSTRIELLE

« Aujourd’huui, l’enjeeu est d’avoir dees sitess de productioon soupples et flexibles, ccar un ssite de productioon est un écosystèmme de flflux d’informations et de savoirss. »

« Il manque quelque chose de fondamental à un pays qui ne vivrait que des services, que du tertiaire. Je pense que l’économie, à terme, serait extrêmement endommagée de ne plus avoir d’industrie compétitive parce que l’on serait totalement dépendant des autres pays pour se procurer tous les biens essentiels. » Emmanuel Julien, consultant industrie

Ils émettent dees avis mitigés sur le fonctionneement intterne des usines, entree conflits ssociauux et progrès technique Comme la majorité des Français,

les experts ont des réactions partagées à l’évocation de l’usine française d’aujourd’hui. Ils mettent en lumière les facteurs qui la connotent négativement. En effet, l’usine est associée, aujourd’hui encore, à une image si empreinte de rapports de force et de conflits sociaux qu’elle évoque spontanément le labeur et la pénibilité.

« L’usine a une connotation négative. Forcément, c’est une source de pollution et de soucis, un lieu de conflit social. Mais c’est aussi un lieu de vie et d’emploi. C’est compliqué aujourd’hui de parler d’“usine”. » Un responsable national d’une association de défense de l’environnement

Pour d’autres experts, l’usine véhicule aussi des images de grandes transformations, de technicité, de modernité, de propreté et de sécurité, avec cependant des nuances selon les secteurs.

« L’usine, cela m’évoque les fabriques de produits à base de plastique, l’électronique, l’optique, c’est-à-dire les belles usines avec des bâtiments présentables. Mais l’usine, c’est aussi les usines métallurgiques et là, c’est autre chose, ce sont des tas de rouille. Je pense qu’on pourrait vraiment faire mieux et je suis furieux de visiter certains locaux mal entretenus. » Un ancien préfet, expert du débat public

L’image de progrès est mieux perçue par les experts, bien au fait des réalités de l’usine, que par les Français, qui sont peu nombreux à en connaître les coulisses. Les experts soulignent que l’organisation interne des usines et des sites de production a également beaucoup évolué grâce, notamment, aux nouveaux systèmes d’information.

« Je parle plutôt de “site de production” car le mot “usine” renvoie au modèle des années 1950, c’est-à-dire à la production de biens au sens strict. Aujourd’hui, l’enjeu est d’avoir des sites de production souples et flexibles, car un site de production est un écosystème de flux d’informations et de savoirs. Nous sommes passés d’un système taylorien à un système cognitif. Ce qui est complexe pour un patron de site de production, c’est d’organiser les flux d’informations entre les différents acteurs. Nous sommes encore souvent dans des logiques d’organisation verticale et séquentielle alors que l’enjeu est de passer à des logiques systémiques, de flux d’informations. Là, l’économie numérique peut être utile pour gérer ces flux et leur donner un sens. » Jean-Louis Levet, économiste

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Une évolution ddes métieers de l’usine reconnue par les experts mmais ppeu perçue par les Fraançais Lorsqu’on évoque plus précisément

les métiers qu’offrent les usines, deux visions différentes divisent les experts. Certains, comme la majorité des Français, évoquent la dégradation, en nombre et en prestige social, de la figure de l’ouvrier et de l’ingénieur de production. Le manque d’attractivité du secteur se traduit par des difficultés d’employabilité dans les usines. L’offre de formation des ingénieurs de production s’est également réduite et ceux-ci ont de plus en plus tendance à s’orienter vers d’autres débouchés, à rechercher un statut, un emploi et un salaire plus attractifs et valorisés.

« L’attractivité des salaires de la finance ou de l’audit, plus forte que celle de l’industrie, a appauvri cette dernière. La financiarisation de l’économie depuis les années 1990 a exercé de puissants effets néfastes sur la production. L’industrie a besoin du temps long de la formation, de la qualité, de la différenciation des produits et des services. » Jean-Louis Levet, économiste

« Tant que l’industrie paiera moins que la finance, le rapport de force ne bougera pas. En plus, les postes dans l’industrie sont souvent dans un lieu isolé, jamais à côté d’une grande ville. »Un industriel

En revanche, un second groupe d’experts met davantage en avant les évolutions radicales et récentes qui ont profondément transformé les métiers de l’usine.

Ceux-ci sont aujourd’hui bien plus diversifiés que dans l’imaginaire collectif et la perception des Français. Les missions de l’ouvrier sont plus sophistiquées, requièrent davantage de formation, impliquent des tâches plus variées et laissent entrevoir des perspectives d’évolution plus enthousiasmantes que par le passé.

« Les métiers de l’usine sont des métiers de plus en plus sophistiqués. (…) L’ouvrier est un technicien qui conduit des machines complexes. Il reste encore sûrement des postes répétitifs mais l’entretien, la maintenance et l’organisation représentent aujourd’hui le plus gros des métiers. » Une directrice de site industriel en France

« J’associe le métier d’ingénieur industriel au design informatique, à la maîtrise de process et de systèmes informatiques complexes ou à l’éco-conception. »

Claire Tutenuit, déléguée générale de l’association Entreprises pour l’Environnement (EpE)

En effet, les plus jeunes ouvriers sont aujourd’hui mieux formés et cultivent des rapports plus souples avec la hiérarchie. C’est avant tout la volonté d’innover et de faire évoluer les process qui motive cette génération : une nouvelle donne et une nouvelle soif de dialogue qui influent sur la dynamique interne des usines.Si la spécificité française de l’ingénieur issu d’une grande école semble perdurer – un déterminisme qui est considéré comme une forme de rigidité par les experts ayant un regard international –, les missions de l’ingénieur et de l’ouvrier se sont

enrichies. La transmission du savoir-faire et la formation constituent dorénavant des enjeux majeurs, ainsi que des points de force et de différenciation sur lesquels l’industrie française mise beaucoup.

Cependant, dans un contexte de forte désindustrialisation, la capacité de la France à maintenir ses savoir-faire et ses compétences inquiète les experts.

« Le véritable enjeu, c’est de transférer la culture industrielle. La disparition des savoir-faire pose de vraies questions. Je pense à des métiers en particulier, comme ajusteur/tourneur. » Un professeur géographe

DES USINES INDÉSIRABLES : LES HANDICAPS ÉCONOMIQUES FRANÇAIS

« Les métierss de l’ussine sontt des métiers dde pluss en pplus sophistiquéss. »

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Observatoire Fives des usines du futur 35

LES FRANÇAIS ET L’INDUSTRIE : DES INTÉRÊTS QUI SE CANNIBALISENT ?

Quand les Frannçais veuleent les avantages dess usines…… sans leurs contraaintes Au-delà de ses faiblesses sur le plan

économique, l’industrie française doit faire face à de nombreux blocages culturels. Les experts constatent que les élus, les associations et les Français en général font montre de plus en plus de défiance à l’encontre de l’usine et de ses activités.

« Il y a une dizaine d’années, j’ai rencontré des responsables politiques. AZF n’était pas loin dans les mémoires. Ils nous ont clairement dit : “Vous êtes indésirables. L’industrie, ça pollue, c’est dangereux, on n’en veut pas, partez”. » Emmanuel Julien, consultant industrie

La circulation intense de poids lourds est perçue comme une nuisance majeure, et suscite des craintes et des résistances de la part des riverains et des élus locaux, qui sont enclins à n’accepter que la partie « noble » de l’industrie. Les experts soulignent, parfois avec étonnement, que la perception des nuisances est extrêmement subjective.

« Les gens sont parfois plus sensibles au trafic des camions qu’à l’aspect physique et visuel des constructions. » Thierry Bogaert, architecte

L’acceptation des sites industriels par la société constitue aujourd’hui, selon les experts, un enjeu central. Car, même si un retournement de l’opinion commence à se faire sentir, le réflexe Not in my backyard !* est encore très présent. Les habitants refusent désormais de subir les contraintes

de la production industrielle. Ils agissent comme s’ils ne voulaient plus d’une activité qui est pourtant indispensable au développement et à la croissance du pays.

« L’informatisation des tâches a fait passer le personnel des cimenteries de 500 personnes à l’origine à 80 personnes aujourd’hui. L’argument de l’industriel “gros employeur” a maintenant moins de poids pour contrebalancer les nuisances du site industriel, même si celles-ci sont bien moindres qu’avant. » Thierry Bogaert, architecte

« Les élus ne veulent que du clean, du propre : des labos, des centres de recherche.(…) Je suis allé dans un département où de nombreuses usines avaient fermé. Les riverains n’ont pas voulu de certains projets, notamment l’un d’entre eux qui impliquait le passage de 180 camions par jour. Il a été demandé à l’industriel de limiter le passage à 90 camions par jour.(…) C’est une contradiction classique. Les gens ne veulent pas du progrès, mais ils veulent une IRM pour leur grand-mère. Ils craignent la nouveauté mais exigent des choses à la pointe de la technologie. »Marc Giget, spécialiste de l’innovation

* pas à côté de chez moi

« C’est une ccontraddiction classique. Lees gens ne vveuleent pas du progrrès, maais ilss veulent une IRM poour leeur grand-mère. Ils craignent la nouveautéé mais eexigeent des choses àà la poinnte de la technoologie. »»

/ OPINION PUBLIQUE ET RÉALITÉ INDUSTRIELLE

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36 Cahier N°1 - Édition 2013

La culture industrielle frrançaisse se délite Plus globalement, les experts estiment

que les Français se sont progressivement détournés de l’outil de production pour lui préférer une économie de services. Plusieurs experts évoquent à ce propos l’événement d’AZF comme un moment charnière dans la tombée en disgrâce de l’industrie, aux yeux des politiques notamment.

« La France avait des grands groupes et en a toujours. Ils se sont développés sous de Gaulle et demeurent puissants, mais l’outil de production sur le territoire national a en grande partie disparu. Il y a eu un désinvestissement massif en France. »Un directeur de société d’études économiques

La France aurait également perdu sa culture de l’investissement, ce qui aggrave encore la désindustrialisation.

« On a accumulé un retard d’investissement massif de 100 milliards d’euros sur les usines. Certaines arrivent en fin de vie et ne seront pas remplacées. L’industrie française fonctionne avec la plus faible marge d’Europe. Certaines années, elle est même négative. » Marc Giget, spécialiste de l’innovation

Des paramètres culturels propres à la France auraient, par ailleurs, joué en la défaveur de notre industrie.

« Derrière nos déficits visibles (commerce extérieur, budget, endettement, etc.), il y a des déficits cachés qui sont les véritables sources de nos problèmes de compétitivité : déficit de culture de la stratégie, déficit

de prospective et déficit dans l’appropriation de l’évaluation des politiques publiques. »Jean-Louis Levet, économiste

Lorsque l’on compare les États-Unis à la France, de grandes différences culturelles apparaissent ayant trait à notre rapport à l’argent, aux relations entre l’État et notre monde industriel, à la mobilité de notre main-d’œuvre…

« J’ai parfois l’impression qu’en France, une personne qui gagne beaucoup d’argent est mal vue. C’est vrai que, aux États-Unis, la perception est différente, plus favorable.(…) Un Américain, en partie par sa culture et en partie par un manque de sécurité sociale de l’État, est prêt à accepter des conditions moins favorables ou à se déplacer de plusieurs centaines ou milliers de kilomètres pour un nouveau travail. En Europe, ce n’est pas vraiment envisageable. » Alex Jordi, consultant international Amérique du Nord

Les handicaps de la France sont perçus avec une acuité accrue depuis l’étranger : outre le coût du travail, la faible maîtrise des langues étrangères, le poids de syndicats très revendicatifs et les contraintes liées au temps de travail impliquant des moments de pause dans la production sont perçus comme des freins à la compétitivité française, même si la productivité de notre économie n’est pas niée.

« L’usine du futur exigera une plus grande flexibilité des employés. Les périodes avec peu d’activité ( je pense aux mois de juillet et d’août en particulier), le nombre

de congés, le nombre de personnes qui ne travaillent pas, qui ont des ponts en mai… constituent des contraintes importantes dans un monde compétitif. En plus, cela ne doit pas être évident à gérer pour les départements des ressources humaines des entreprises. » Alex Jordi, consultant international Amérique du Nord

Les exigences eenvironneementaales de plus en plus sttrictes voont parrfois à l’encontre des intérêts ééconommiquees du pays Selon certains experts, les normes

environnementales très contraignantes sont aujourd’hui trop favorables au citoyen, et contribuent aux délocalisations et à la perte d’emplois sur le territoire français.

« Le curseur est très en faveur du citoyen et assez peu en faveur du producteur de richesses. Il est donc paradoxalement défavorable au salarié, qui ne s’en rend pas compte, car il est aussi consommateur. Il faut que ce curseur bouge parce qu’on paye très cher aujourd’hui la défense du consommateur, qui est l’obsession des autorités européennes. Cela relève de la démagogie et de la croyance. On ne peut pas à la fois crier “On doit réindustrialiser” et protester quand les usines doivent rejeter des déchets : autant créer une nouvelle industrie de traitement des déchets ! »Un spécialiste des questions industrielles et économiques

Plusieurs experts soulignent la tendance croissante à la délocalisation de la pollution et s’en inquiètent. Elle traduit un rapport singulier

LES FRANÇAIS ET L’INDUSTRIE : DES INTÉRÊTS QUI SE CANNIBALISENT ?

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Observatoire Fives des usines du futur 37

à l’environnement et à la technique et constitue, selon eux, une nouvelle preuve de l’irrationalité de la relation des Français à leur industrie.

« Surtaxer notre production industrielle pour des raisons écologiques part d’un très bon sentiment, mais conduit parfois l’industriel à délocaliser ses outils de production dans des zones moins regardantes. Pourtant, la pollution refera vite le tour du globe. S’imposer des contraintes qui ne valent que sur le territoire national, voire européen, n’a pas de sens si l’on ne sait pas les imposer universellement. » Thierry Bogaert, architecte

« Une entreprise peut délocaliser sa pollution, c’est sûr. Cela s’est déjà fait, mais cela pose la question des valeurs de cette entreprise, et de sa crédibilité vis-à-vis du personnel et de ses parties prenantes. De plus, il faut se dire que les pays où l’on délocalise, un jour, ne voudront plus non plus des sites polluants sur leur territoire. »Emmanuel Julien, consultant industriel

Pour autant, sur le plan local, les industriels intègrent aujourd’hui parfaitement la logique de respect des normes environnementales. Ces efforts constituent même un levier de différenciation et d’innovation important pour le développement de l’industrie française.

« Des progrès ont été réalisés en ce qui concerne l’environnement. Les réglementations sont exigeantes.

Maintenant, à Toulouse, nous avons un souvenir traumatique, même si l’accident date. » Un professeur géographe

« Un jeune directeur d’usine m’a un jour demandé mon avis sur l’aspect visuel d’un projet de tour industrielle de plus de 100 mètres de hauteur en pleine campagne. Le projet était épouvantable sur le plan architectural. À court d’argument pour le convaincre de la nécessité d’un travail sur l’esthétique industrielle, j’ai fini par lui dire que je connaissais deux types de directeur d’usine : celui qui passait ses soirées tranquillement en famille et celui qui passait ses soirées à se faire agresser par les associations avoisinantes pour avoir massacré le paysage. Le lendemain j’avais un contrat. » Thierry Bogaert, architecte

/ OPINION PUBLIQUE ET RÉALITÉ INDUSTRIELLE

« On a accummulé unn rettaard d’investissemment mmassiff de 100 milliaards d’eeuross surr les usines. Ceertainees arrrivennt en fin de vie et ne sseronnt paas remplacées. »»

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38 Cahier N°1 - Édition 2013

POUR UNE POLITIQUE DE RÉINDUSTRIALISATION

Les atouts français sur leesquells capitaliser Les experts reconnaissent que, malgré

ses faiblesses, l’industrie française dispose d’atouts importants qui incitent à un certain optimisme. Ces atouts relèvent notamment de nos infrastructures, de notre attention portée à la qualité de la production, de notre système éducatif et social, de notre haut niveau de formation et de notre capacité d’innovation. L’expertise française en matière de transport serait également déterminante, au regard des importations chinoises par exemple.

« La France a une capacité d’innovation extrêmement forte avec ses centres de recherche, son système éducatif… L’esprit français, c’est une culture, une ouverture, plein d’idées et une vraie volonté de faire, contrairement à ce que l’on peut dire. Il y a des infrastructures de transport et des infrastructures intellectuelles importantes. Il y a tout ce qu’il faut pour produire en France, à l’exception d’un coût du travail bas. Mais le poids de la main-d’œuvre n’est pas le même selon les industries. » Une directrice de site industriel en France

L’horizon de la réindustrrialisattion Beaucoup partagent le constat que

la désindustrialisation a d’ores et déjà atteint son niveau le plus important. L’observation de nouvelles créations et de relocalisations de sites productifs en France constitue bien une source d’optimisme pour un certain nombre d’experts, enclins à penser que le mouvement pourrait s’inverser dans les années à venir.

« La désindustrialisation a été une réalité. Je pense que, maintenant, on est au plus bas. On va progressivement se réindustrialiser. » Une directrice de site industriel en France

« Je pense que les Français devraient avoir une vue plus optimiste du futur. Une tendance à la relocalisation est en œuvre et va se confirmer dans les années à venir. Plein d’opportunités vont s’ouvrir pour ceux qui y croient. D’ici cinq à dix ans, de nombreuses industries seront rapatriées car les coûts de pays comme la Chine et l’Inde vont évoluer. La différence va se réduire et se stabiliser, et, à partir d’un certain niveau, les industries vont vouloir revenir… » Alex Jordi, consultant international Amérique du Nord

Mais les experts ne s’accordent toutefois pas sur les délais et les conditions de la réindustrialisation. Si, pour certains, les cinq à dix années à venir pourraient être profitables à l’industrie française, d’autres estiment en revanche que la réindustrialisation nécessitera beaucoup plus de temps et d’investissement, les savoir-faire, les qualifications et la main-d’œuvre ayant progressivement disparu.

« Les défis sont tels aujourd’hui qu’il ne suffit plus de définir et de mettre en œuvre une politique industrielle. Il faut avoir un véritable projet productif comme priorité nationale et européenne. Car, selon moi, le problème vient du fait que l’industrie n’a plus été au cœur des priorités nationales et européennes du milieu des années 1980 au milieu des années 2000. On ne doit donc

« On ne doit donc pplus raisonner unniquemment sur les mesuures en faveur de l’industriee mais œœuvvrer en faveur d’uun projjet productif gloobal. »

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plus raisonner uniquement sur les mesures en faveur de l’industrie mais œuvrer en faveur d’un projet productif global. » Jean-Louis Levet, économiste

Les choix stratégiques et politiques d’une économie reposant quasi exclusivement sur les services ne semblent pas tenables dans la durée. Des opportunités de relocalisations se dessinent et, dans le même temps, la société semble redécouvrir l’utilité et le caractère indispensable de la production industrielle.

« Nous sommes dans une grande transformation, une mutation, un tournant : c’est un moment important car tout le monde prend conscience que sans produire, on n’arrive à rien. Dans le même temps, des usines souffrent et d’autres naissent. C’est donc une mutation enthousiasmante pour les industries prospères et cruelle pour les autres. » Un spécialiste des questions industrielles et économiques

« En France, on a développé une idéologie du service. Comment rééquilibrer les comptes extérieurs lorsque l’on n’exporte pas, à part en diminuant la consommation ? Non seulement on a choisi de s’orienter vers les services, mais en plus on a choisi les services à faible valeur ajoutée. On les a subventionnés, avec des dizaines de milliards d’euros. On a créé des emplois sans avenir, sans gain de productivité possible. Le problème, c’est que nous sommes aujourd’hui arrivés au bout de l’illusion. » Un directeur de société d’études économiques

Sur quelles filièères miser ? Si la réindustrialisation est un enjeu

majeur et réalisable, la priorité n’est pas tant d’empêcher des fermetures d’usines que de se donner les moyens de réindustrialiser différemment et d’innover. L’industrie française est aujourd’hui confrontée à une obligation d’excellence, sous peine de disparaître.

« Les secteurs qui ne sont pas à un niveau d’excellence industrielle (en termes d’organisation, de niveau de formation, de technologies, de marketing…) disparaîtront. » Un spécialiste des questions industrielles et économiques

Les secteurs qui sont dotés des meilleures chances sont, selon les experts, ceux où la main-d’œuvre est la moins importante et qui requièrent le plus de valeur ajoutée intellectuelle (biomédicaments, jeux vidéos, logiciels, sites internet…), ceux pour lesquels l’image de la France peut être un atout (luxe…), voire ceux pour lesquels l’État continue de jouer un rôle déterminant (nucléaire, transports, aéronautique…).

« Ils sont bien revenus : Chanel, LVMH, Hermès, etc. Pour l’instant, cela fonctionne plus sur une image de tradition et d’esthétique que sur la nouveauté industrielle. (…) Le risque du luxe, c’est qu’il finisse en griffe et c’est tout. Sans réalité industrielle derrière, c’est risqué. » Marc Giget, spécialiste de l’innovation

Si les experts ne se sont pas tous prononcés sur les performances des

différentes filières industrielles françaises, ils soulignent néanmoins une opposition entre les secteurs traditionnels de l’industrie, en difficulté et en déclin (textile, sidérurgie, chimie…) et les secteurs tels que l’aéronautique, le luxe, la construction, les équipementiers automobile, l’énergie, les nanotechnologies ou la pharmaceutique qui rencontrent aujourd’hui davantage de succès.

« Les filières stratégiques, ce sont les nanotechnologies, le traitement des déchets radioactifs où l’on a une petite avance, l’évolution du mix énergétique, l’aviation avec des appareils qui devraient consommer moins d’énergie... Tout cela implique des transferts de technologies. Enfin, l’agroalimentaire marche relativement bien et on a encore une bonne industrie pharmaceutique. » Un ancien préfet, expert du débat public

Les filières les plus en difficulté le sont pour des raisons différentes. Les experts pointent du doigt les erreurs commises dans les orientations stratégiques des entreprises concernées, des problèmes de gestion mais aussi des choix politiques de délocalisation. Il est intéressant de noter que, pour un certain nombre de ces secteurs, l’Allemagne, qui a davantage soutenu ses Petites et Moyennes Industries (PMI) que ses grands groupes, a bien mieux tiré son épingle du jeu.

« Il y a des leaders mondiaux français : ils ont été aidés par le fait que la France aime les grands groupes et les structures centrales. Nous avons plus de leaders mondiaux qu’en Allemagne, où l’on aime les PME/PMI. » Une conseillère environnement

/ OPINION PUBLIQUE ET RÉALITÉ INDUSTRIELLE

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Quant aux filières qui résistent le mieux aujourd’hui, elles ont su transformer leurs techniques de production et intégrer de nouvelles technologies pour rester concurrentielles et s’adapter au marché. La compétitivité, la capacité à innover et à s’inscrire dans le développement durable, ainsi que la numérisation constituent de véritables leviers pour l’industrie française.

De ce point de vue, certains experts notent que, sur des missions à très haute valeur ajoutée, la concurrence des pays émergents constitue une problématique moins prégnante. En effet, le marché intérieur chinois se développe, et les prix et le coût du travail sont amenés à augmenter. Les problématiques de coûts de transport et de turnover sont également des éléments qui peuvent profiter à la relocalisation de l’activité industrielle en France.

« En Chine, les salaires se sont envolés et les problèmes de turnover sont réels. De plus, on oublie qu’il y a un ratio de un pour deux entre ici et là-bas : pour une même tâche, il faut deux heures de travail en Chine, une heure en Europe. Si l’on ajoute les frais de transport et les taxes, l’avantage économique de la production dans ces pays n’est plus décisif pour beaucoup d’industries. » Emmanuel Julien, consultant industrie

« Le savoir-vivre et le luxe à la française sont reconnus parce que ces produits ont une qualité que l’on ne retrouve pas ailleurs. Or, on s’aperçoit que, en Asie, quand ils savent faire le même niveau

de qualité que chez nous, ils le font quasiment au même prix que nous. » Une directrice de site industriel en France

Certains secteurs, suivant cette logique, ont d’ores et déjà relocalisé leur production en France.

« Les fabricants de lunettes sont revenus sur le territoire pour des raisons de qualité. »Emmanuel Julien, consultant industrie

Quel rôle pour l’État ? Il n’existe pas de consensus sur le rôle

que l’État doit jouer dans le cadre d’une politique de réindustrialisation. Certains experts jugent utile la fonction de « ministre du Redressement productif », d’un dirigeant bien informé des dossiers et portant l’avenir de l’appareil industriel. D’autres sont plus sceptiques.

« Le nom du nouveau ministère – ministère du Redressement productif – fait s’interroger. Sommes-nous dans un pays qui renonce à avoir un secteur industriel ou qui le maintient en réfléchissant aux secteurs où l’on peut être compétitif ? Mon avis est qu’il faut faire une étude complète sur ce qui peut et doit être développé.» Daniel Boy, directeur de recherche

La réindustrialisation est une thématique politiquement sensible, qui souligne la nécessité d’agir concrètement et efficacement en faisant des choix pas toujours populaires. Les experts regrettent que la posture pragmatique et réaliste – qui reconnaît la difficulté de lutter contre la concurrence des pays émergents sur

des pans entiers de notre industrie qui ne sont plus compétitifs – se heurte constamment au « politiquement correct », ainsi qu’aux discours démagogiques selon lesquels nous pouvons et devons à tout prix empêcher les fermetures d’usines.

« Telle quelle, la réindustrialisation n’a pas beaucoup de sens : si l’État doit obliger Unilever à garder une usine de thé ici, c’est un combat perdu d’avance, mais on ne peut pas le dire. En revanche, l’État ou la région peuvent aider à la reconversion, comme pour Lejaby. On peut essayer d’avoir des stratégies industrielles de différenciation. » Daniel Boy, directeur de recherche

Il est toutefois possible d’agir à la marge, grâce à une action de l’État et des collectivités favorisant les aides à la reconversion, par exemple.

« Si on veut une véritable politique industrielle, il faut qu’elle soit portée par l’État, d’autant que le problème est aujourd’hui global. Pour réindustrialiser, il faut aussi repenser l’urbanisme, les transports, etc. (…) Nous en avons les moyens, nous l’avons fait pour les grandes entreprises, les champions nationaux dans le passé. Nous avons les grands corps pour élaborer une stratégie, et l’État pour la mettre en œuvre. » Un professeur géographe

Des fractures territoriales fortes scindent le territoire. L’État, les collectivités, les élus et les industriels doivent repenser globalement la question de l’aménagement du territoire, de la mobilité, des transports et de l’urbanisation.

POUR UNE POLITIQUE DE RÉINDUSTRIALISATION

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« De nouvelles fractures territoriales ont été mises en évidence : le marché du travail s’organise autour des grandes agglomérations où l’on trouve des emplois très qualifiés, tandis que les zones périurbaines et rurales ont des emplois à faible qualification. Les sites de production sont de plus en plus présents dans ces dernières zones. L’urbanisation et les transports ont contribué à ces fractures. Tout l’enjeu est de construire et de gérer la ville de demain, comme le font par exemple les agglomérations de Rennes, Nantes, Dijon ou Montpellier. Il s’agit de penser en même temps l’urbanisme, l’architecture, les transports, la mobilité et les flux d’informations. C’est un défi colossal. »Jean-Louis Levet, économiste

Le Made In Frannce, un vain mott ? Le concept du Made in France ne suscite

pas un engouement unanime parmi les experts interrogés. Il est souvent perçu comme démagogique. Les experts s’interrogent en effet sur la réalité que ce terme recouvre : s’agit-il de production locale, d’assemblage local ou d’achat à des entreprises françaises ? De fait, cette notion paraît plutôt relever d’une opération de communication que constituer un réel levier de consommation et de relance de l’activité industrielle. Les experts ne pensent pas que les Français soient prêts à payer plus pour du Made in France.

« Je pense que le Made in France, comme le Made in USA, c’est surtout un cache-sexe politique ou un élément de marketing. La mondialisation est allée trop loin pour qu’un vrai label Made in... soit encore vraiment possible. Je crois encore moins que

des consommateurs (français ou autres) soient prêts à payer plus cher pour cette raison-là. » Alex Jordi, consultant international Amérique du Nord

« Le Made in France, c’est une auberge espagnole : certains lui associent le “acheter français” avec l’idée de défendre des emplois près de chez soi. Or, ce n’est pas toujours le cas. On peut le voir comme une marque à défendre ou l’utiliser pour dire qu’il y a des emplois dans l’industrie en France. Mais c’est une expression journalistique qui doit être maniée avec précautions. » Un spécialiste des questions industrielles et économiques

« Oui, les initiatives de production locale – par exemple, le producteur qui fait des bonnes cerises en Provence pour le marché local – c’est très sympathique. Mais ces cerises-là ne voyagent pas, ne peuvent pas entrer dans les marchés de masse. Ce n’est pas une solution à la hauteur de la situation française. » Un directeur de société d’études économiques

Les experts soulignent que notre outil productif est désormais insuffisant pour faire réellement émerger le Made in France.

« Lorsque vous n’avez plus les entreprises, que vous n’avez plus les usines, que vous n’avez plus les compétences, vous ne pouvez pas les reconstituer du jour au lendemain. (…) On ne peut faire revenir les usines que s’il y a encore des personnes pour les faire fonctionner, des ouvriers, des agents de maintenance, des ingénieurs... » Emmanuel Julien, consultant industrie

/ OPINION PUBLIQUE ET RÉALITÉ INDUSTRIELLE

« Il s’agit de ppenser en même tempss l’urbaanismme, l’architecturee, les trranspportss,, la mobilité et les fluux d’informations. C’est un défifi colosssal. »

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Pour certains, la mondialisation et la logique d’échelle plaident en faveur de la notion de Made in Europe, plus pertinente au vu des interdépendances entre les États de l’Union européenne. Cette notion va à l’encontre des velléités de protectionnisme et favorise une défense plus discrète, au cas par cas, du tissu économique local.

« Si vous achetez une Ford qui vient de Blanquefort, cela crée plus d’emplois industriels français que si vous choisissez une Twingo produite au Portugal ou en Roumanie. (…) Sur un Boeing 737, il y a plus d’emplois industriels en France que sur un A320, parce que Boeing ne prend ses moteurs que chez GE/Safran. (…) L’industrie était déjà européenne au Moyen-Âge. Penser au niveau national, ce sera de toute façon difficile. » Marc Giget, spécialiste de l’innovation

« Je ne suis pas sûr que le Made in France soit le meilleur concept. En plus, c’est très compliqué : la Toyota Yaris produite en France est-elle plus ou moins Made in France qu’une Renault fabriquée en Slovénie ? Est-ce la fabrication, la conception ou le commercial qui compte ? Il faut être prudent sur ce type de discours. En revanche, ce que je trouve positif, c’est de redonner une vie au tissu industriel en France. » Emmanuel Julien, consultant industrie

Il existe une tension entre développement de grands groupes industriels et préservation du tissu d’entreprises de taille intermédiaire. Pour certains, ce sont ces dernières qui participeront le mieux à la

réindustrialisation et à la création de valeur en local.

« Il y a quelque chose qui est très frappant en Vendée, c’est que le tissu industriel, essentiellement composé d’entreprises de taille intermédiaire, a été racheté en partie par les Allemands, qui ont été extrêmement efficaces. C’est le bon exemple. Je pense que s’il faut recommencer quelque part, c’est à cet endroit. Il y a des infrastructures, un tissu économique et des gens industrieux. » Emmanuel Julien, consultant industrie

Des reconquêtes sont donc possibles sur certains secteurs. Différentes pistes sont envisagées pour favoriser les relocalisations et leurs effets vertueux.

« Le discours sur le produire en France est celui des gaullistes et des communistes des années 1950, donc c’est amusant de voir revenir ce thème avec Bayrou. Il est intéressant de dire que les Français ont envie de consommer français et donc qu’il faut faire de l’industrie une priorité nationale. Mais on oublie qu’il y a aussi un effet d’entraînement de l’industrie, car si l’on crée un emploi dans l’industrie, on en crée un chez le fournisseur et quatre dans le tertiaire. » Jean-Louis Levet, économiste

POUR UNE POLITIQUE DE RÉINDUSTRIALISATION

« Il y a aussi un effeet d’entraînemeent de l’induustriie, car si l’on créée un eemplooi dans l’industtrie, on en ccrée un chez le foournissseur eet quatre dans le tertiaaire. »»

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L’USINE DE DEMAIN SERA VERTE ET INTÉGRÉE, OU NE SERA PAS

L’usine verte : uune opporrtunitéé de réindustrialisaation La question environnementale s’impose

aux usines d’aujourd’hui et de demain, à la fois par l’engagement des industriels et par nécessité réglementaire. Le Grenelle de l’environnement a été à l’origine de nombreux progrès en la matière. Pour les experts, la notion d’« usine propre » recouvre souvent deux conceptions complémentaires.

La technicité et l’automatisation des usines modernes

« En matière électronique, il y a des filtres partout. Une usine peut être plus ou moins propre selon qu’elle est plus ou moins nettoyée. Je crois beaucoup à la propreté, et c’est une notion à développer car ce n’est pas encore un réflexe. Or, je suis convaincu qu’une belle usine est une usine dont on est fier et qui, du coup, marche bien. » Un ancien préfet, expert du débat public

L’engagement environnemental et sociétal, avec le contrôle des rejets et des nuisances, et l’intégration de l’usine à son environnement proche

« “L’usine propre”, cela n’existe pas ! C’est plutôt une usine qui a une gestion réfléchie de son impact immédiat ou à plus long terme sur l’environnement. La situation s’améliore dans le temps selon les entreprises, même s’il y a toujours des voyous et des très bons. (…) Il y a eu une prise de conscience des grands groupes sur le plan environnemental. C’est une très longue histoire, commencée au XIXe siècle, sur la manière dont une industrie a su,

ou pas, gérer ses rapports avec les riverains. Nous avançons beaucoup sur ce point. » Daniel Boy, directeur de recherche

Pour les experts, l’usine de demain devra donc respecter des principes clairs.

« L’usine de demain devra respecter l’environnement et associer les acteurs de défense de l’environnement. C’est une évolution qui sera incontournable. » Un responsable d’une association nationale de défense de l’environnement

Si elle joue le jeu, l’industrie pourra trouver face à elle des acteurs compréhensifs et réceptifs.

« Nous pourrons être utiles si les entreprises se rapprochent honnêtement de nous en amont. Nous pourrons désamorcer les tensions sur le terrain si les demandes sont irréalistes. » Un responsable d’une association nationale de défense de l’environnement.

Certains experts voient même dans la désindustrialisation une opportunité historique pour mettre en place une industrie verte, avec des usines propres, ouvertes sur la société et en dialogue constant avec elle via les grandes associations de défense de l’environnement.

« Il y a une continuité : l’usine de demain, c’est celle d’aujourd’hui encore améliorée, c’est-à-dire un peu plus automatisée et encore plus sûre du point de vue de son environnement. » Claire Tutenuit, déléguée générale de l’association Entreprises pour l’Environnement (EpE)

« Il y a eu unne prisee de conscience ddes graands groupes sur le plann environnemental. CC’est une très longgue hisstoiree, commencéee au XIXXe sièècle, sur la manière dontt une industriee a su, ou ppas, gérer ses rappports avec les riverrains. »

/ OPINION PUBLIQUE ET RÉALITÉ INDUSTRIELLE

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Plus d’intégratiion pour pplus de dialogue et d’acceptatiion Au-delà des caractéristiques techniques

et de sécurité aujourd’hui prises en compte par les industriels, l’usine de demain devra mettre en œuvre des actions qui permettront une meilleure acceptabilité du bâti industriel ainsi que son intégration à l’environnement proche.

« Les usines de demain seront situées en milieu urbain ou périurbain. À Taïwan, j’ai vu une usine de 20 000 personnes. De l’extérieur, on n’a pas l’impression que c’est une usine, c’est bien intégré. » Marc Giget, spécialiste de l’innovation

La maîtrise des nuisances environnementales et liées aux transports constituent des axes importants de réflexion, même si l’intégration urbaine de l’usine semble, pour certains experts, relativement difficile à envisager pour tous les secteurs.

« Aujourd’hui, les usines sont bâties sur des sites dédiés, loin du cœur des villes et souvent loin les uns des autres. Ce serait bien, du point de vue environnemental, d’obtenir une meilleure mixité dans les villes, mais des usines sans bruit coûtent cher, et l’industrie induit forcément du trafic de marchandises. L’usine dans la ville, cela peut être des ateliers high-tech éventuellement. À l’extérieur, on pourrait penser à des plates-formes d’industries très intégrées entre elles, dans un esprit d’écologie industrielle, qui suppose de la proximité » Claire Tutenuit, déléguée générale de l’association Entreprises pour l’Environnement (EpE)

Cette réflexion autour de l’intégration de critères plus qualitatifs dans les projets d’implantation d’une usine a vocation à éviter les écueils du green washing, de plus en plus visibles et mal perçus.

« Nous vivons à l’ère où tout se doit d’être “durable”, au point de rabâcher le mot au détriment de l’action. La première étape serait d’inscrire l’impact visuel comme critère prépondérant associé au développement durable, la seconde étape sera de lui consacrer un budget. » Thierry Bogaert, architecte

La robotisation des process, l’intégration du numérique et des nouveaux modes de consommation collaboratifs sont également des opportunités de progrès, lorsqu’ils sont intégrés dans les nouveaux projets industriels.

« On ne peut pas isoler la fonction industrielle de la révolution internet et des réseaux sociaux. Il faut repenser le modèle industriel. On peut imaginer des structures de production locales. On a un vivier de compétences important avec internet qui, connecté avec l’industrie, permettrait d’intégrer le consommateur dans la conception. Peut-être que la voiture de demain, on la livrera en kit, comme un meuble Ikea. » Un industriel

« Il faut repenser la place de l’homme et la place de l’usine dans les zones urbaines. Par exemple, on pourrait envisager de faire de plus petites unités dans la ville. C’est possible avec l’informatique. (…) Avec les nanotechnologies, les nanorobots,

l’usine de demain sera sans doute une nano-usine. » Un dirigeant d’entreprise informatique

L’usine de demaain est à «« co-connstruirre » De nombreux experts prônent

une réflexion collective sur l’évolution de l’activité industrielle. Aussi bien les industriels que les associations de défense de l’environnement, les élus, les riverains… doivent évoluer ensemble et dialoguer davantage.

Plutôt que d’inventer l’usine de demain, c’est d’une méthode pour co-construire l’outil industriel dont notre industrie aurait besoin pour redevenir socialement acceptable. Il semble, en effet, aux experts qu’un dialogue accru entre les différentes parties prenantes est nécessaire au développement de l’industrie et à la réintégration de l’usine dans la cité. C’est à cette condition seulement qu’il sera possible de dépasser les contraintes et les blocages que suscite l’installation de nouvelles usines.

Dans cette perspective, tous les métiers de l’entreprise doivent travailler ensemble à la construction de l’usine du futur. Ce sont ces nouvelles synergies entre les différents métiers de l’usine qui permettront, par ailleurs, de garantir la pérennité des investissements de long terme.

« L’usine se construit depuis l’intérieur, principalement sur des critères techniques. Pourtant, la seule transversalité entre les départements techniques, communication et marketing permettrait de proposer

L’USINE DE DEMAIN SERA VERTE ET INTÉGRÉE, OU NE SERA PAS

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Observatoire Fives des usines du futur 45

une autre image de l’usine, une vision plus globale et sans doute plus attractive vu de l’extérieur. Si l’industrie se souciait davantage de sa propre image, ne serait-ce qu’égoïstement et pour son propre bénéfice en terme de communication, notre environnement en serait amélioré. » Thierry Bogaert, architecte

Le défi de la péédagogie« Les gens ont une peur naturelle de l’usine, c’est normal. Il y a une vraie question à se poser sur son acceptabilité sociétale : est-ce que les gens qui veulent que les usines se délocalisent comprennent vraiment ce qui s’y passe ? Je pense qu’il y a un énorme travail de pédagogie à faire. D’ailleurs, je note que, à chaque fois que l’on proposait aux gens de visiter l’usine, ils étaient contents. Il faut leur proposer de venir, leur faire rencontrer ceux qui y travaillent, leur montrer les équipements, leur expliquer les chiffres… » Emmanuel Julien, consultant industrie

/ OPINION PUBLIQUE ET RÉALITÉ INDUSTRIELLE

« Il y a une ccontinuuité : l’usine de deemain, c’estt celle d’aujouurd’hui encoore améliorée, cc’est-à-ddire un peu plus autommatiséée et encore pluus sûree du point de vue de son envirronnemmentt. »

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LES EXPERTS COMMENTENT LES RÉSULTATS DU SONDAGE NATIONAL

Les experts n’ont pas été étonnés par les principaux résultats du sondage, qui reflètent une image globalement négative de l’industrie et de l’usine.

« Sur l’ensemble des données, il n’y a pas de surprise. Les opinions sont encore très clivées. L’industrie et l’usine gardent une mauvaise image, même si les progrès en matière de sécurité et d’environnement semblent en partie reconnus. » Un professeur géographe

Certains sont cependant surpris de constater à quel point l’image des métiers de l’usine est négative.

« Sur les métiers de l’usine, c’est pire que ce que je pensais. J’ai des amis ouvriers qui ne me disent pas des choses aussi sombres. Concernant les résultats sur l’environnement, en revanche, cela me semble cohérent. » Un représentant d’une association nationale de défense de l’environnement

Les experts soulignent cependant le décalage qui existe entre les perceptions et la réalité industrielle…

« Cela ne m’étonne pas vraiment. On voit que les Français ont une image assez négative de leur industrie. Les aspects positifs ne ressortent que très peu. L’industrie n’est pas considérée comme attractive. Les politiciens et les industriels ont un grand travail à faire pour “vendre” l’attractivité de l’industrie. » Alex Jordi, consultant international Amérique du Nord

« Globalement les gens ne trouvent pas le monde industriel attractif, en partie à cause de l’image qu’il véhicule. L’usine est associée à une image négative et vieillotte, bien souvent hors de la réalité actuelle. Il convient de faire un effort pour mieux communiquer un savoir-faire et une technologie de premier plan, en commençant par identifier visuellement l’outil industriel à cette dynamique. » Thierry Bogaert, architecte

… et la mauvaise connaissance que les Français ont de leurs usines.

« Les réponses aux questions sur l’environnement, la sécurité, le progrès… confirment que les Français ne connaissent rien à leur industrie. » Un directeur de société d’études économiques

« Je pense qu’il y a une méconnaissance de ce qu’est une usine. » Un dirigeant d’entreprise informatique

Dans ce contexte, œuvrer pour la réindustrialisation française suppose aussi bien de susciter des échanges entre les industriels, les élus, les associations de défense de l’environnement et les citoyens que d’effectuer un travail de communication sur les avantages de la présence d’une usine pour l’économie locale. Un travail de pédagogie et le développement d’un tourisme industriel permettront de faire découvrir la modernité, la sécurité et la propreté de l’usine. Des démarches menées en amont avec les associations sur la question de l’intégration de l’usine à son environnement faciliteront l’acceptabilité d’un projet industriel.

« L’industrie n’est paas considérée ccommee attractive. Lees politiicienns et les industriells ont uun grrand travail à fairee pour ““venddre” l’attractivité dde l’inddustrrie. »

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Observatoire Fives des usines du futur 47

« Les hommes politiques devraient parler davantage de politique industrielle et faire en sorte que cela ne reste pas seulement un slogan. Il y a un tel divorce entre la réalité et le discours que je ne suis pas étonné que les gens se disent insuffisamment informés. On a réussi quelques grandes politiques industrielles, le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) dans le passé ou les nanotechnologies aujourd’hui. Pourtant, nous sommes moins bons dans des secteurs très concurrentiels, alors que les Français sont très fiers d’avoir Michelin, Airbus et des produits connus dans le monde entier. » Un ancien préfet, expert du débat public

« Il y a un tell divorcce enntre laa réalité et le ddiscourrs quee je nne suis pas étonnné quee les genns se disent insuffisammmennt informés. »

/ OPINION PUBLIQUE ET RÉALITÉ INDUSTRIELLE

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Observatoire Fives des usines du futur 49

DANS LES ROUAGES

DE L’USINEParoles de formateurs, questions de citoyens :

quand l’image rejoint le réel.

3.

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50 Cahier N°1 - Édition 2013

L’USINE EXPLIQUÉE AUX PROFANES Dix formations interactives

En vue de ppréparrer le débat puublic ett de rédiger lleur chhartee de recommmandattionnss, les citoyenss ont ppartiiccipéé, au cours dee deuxx week-endss, à dixx mooddulees de formatioon d’uunne heure et deemie cchhacuun dispensés ppar dess expperttss formateurss de difffféreents horizons.

L’objectif des dix modules de formation était de permettre aux 15 citoyens d’acquérir un éventail large et complet de connaissances sur l’usine, afin qu’ils soient suffisamment informés et armés pour débattre avec les experts porteurs d’intérêt et formuler un avis en réponse à la question posée.

Lors de chaque module, les formateurs ont délivré une présentation interactive avant de répondre aux questions des citoyens.

Le thème de l’usine a fait l’objet d’une analyse pointue sous différents angles : histoire, finance, économie, géographie, architecture, liens avec le territoire et les collectivités locales, environnement… Toutes les disciplines permettant de donner un éclairage multifacette sur les usines ont ainsi été mobilisées.

1TYPOLOGIE ET HISTOIRRE DES USINES : DDE L’ATELLIER AUX ÉCO-INDUUSTRIES Formateur : Marc Giget, président de l’Institut Européen de Stratégies Créatives et d’Innovation

2PROCÉDÉS ET AAMÉLIORRATIOON DES PROCESS INDUSTRRIELSFormateur : Sébastien Devroe, responsable de la recherche et du développement de Fives FCB

3LA « GÉOLOCAALISATIOON » ET LES DÉTERMMINANTSS DU CHOIX D’UN SITE INDUUSTRIELFormateur : Stéphane Caplier, dirigeant de l’association La Créativallée

4LA DÉSINDUSTTRIALISATTION,, UNE FATALITÉ ?? Formateur : Denis Ferrand, directeur général de Coe-Rexecode

Le programme de formation suivi par

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Observatoire Fives des usines du futur 51

/ DANS LES ROUAGES DE L’USINE

5LA LOGIQUE ÉCCONOMIQUE ET FINANCIÈREE QUI PRRÉVAUUT DANS LA GESTION D’UUNE USINE Formateur : Emmanuel Julien, président d’Actys Bee

6PETIT PRÉCIS DD’ÉCONOOMIE INDUSTRIELLE SUR LES APPOORTS DE L’USINE ET SSON ÉVOOLUTION DANS LE TEMPSS Formateur : Patrick Paris, fondateur de la société Action Contexte Conseil

7UN PANORAMAA DES MMÉTIERRS DES USINES ETT DE LEURR ATTRACTIVITÉFormateur : Denis Martin, directeur industriel et directeur des relations sociales du groupe PSA Peugeot Citroën

8L’ÉCOLOGIE INDUSTRIEELLE ET LES RÉSEAUXX DE L’USINE Formateur : Éric Ballot, enseignant-chercheur à l’École Mines ParisTech

9SANTÉ, PLAN DDE PRÉVEENTIOON DES RISQUES EET EMPREEINTEE ENVIRONNEMEENTALE DDE L’UUSINEE Formateur : Maryse Arditi, pilote du réseau énergie et du réseau risques et impacts industriels de France Nature Environnement

10CONCEPTION UURBAINEE, PAYYSAGÈÈRE ET ARCHITECTUURALE DDU SITTE INDUSTRIEL Formateur : Thierry Bogaert, fondateur de Bogaert Architecture

les citoyens était structuré en dix modules

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52 Cahier N°1 - Édition 2013

FOCUS SUR QUATRE ENSEIGNEMENTSLes critères de localisation d’un site industriel : pour un choix rationnel

par Stéphane Caplier

« Vous ddevez iimpplantter une usine : quellss faccteuurs

et quellees infoormaations soont importtanttes

pour chhoisir votrre lieeu d’iimplanntatiion ? »

Expert des stratégies d’attractivité territoriale, Stéphane Caplier s’est adressé aux citoyens de manière très concrète. Il leur a proposé un jeu de rôle consistant à adopter le point de vue d’un industriel souhaitant implanter une usine dans n’importe quel territoire dans le monde, indépendamment de tout déterminisme national. L’objectif était de comprendre les facteurs déterminant le choix de la localisation d’une usine, les facteurs d’attractivité de la France et les obstacles auxquels peuvent se heurter d’éventuels investisseurs. Cette simulation participative a permis d’appréhender les tenants et les aboutissants d’un projet d’implantation industrielle, grâce au bon sens et à la spontanéité des propositions et des réponses des citoyens.

L’implantation de nouvelles usines sur le territoire français n’est pas un phénomène aussi rare qu’on pourrait le croire. La dernière étude de l’Agence française pour les investissements internationaux souligne que la France figure dans le trio de tête en Europe pour l’accueil des investissements étrangers créateurs d’emploi, et à la première place pour l’accueil de ces projets dans le secteur industriel. Si la période des grands investissements

et des créations d’usines ex nihilo – comme les usines Toyota construites en France en 2000 et qui ont donné lieu à plusieurs milliers d’embauches – sont clairement derrière nous, il y a encore des investissements industriels dans notre pays, quoique moins nombreux et moins visibles. Avec le retournement des prix du transport de marchandises, les cas de relocalisation d’usines depuis l’Asie vers la France ont été suffisamment nombreux en 2012 pour être notés et, peut-être, pour annoncer un changement de paradigme.Stéphane Caplier a donc placé les citoyens dans la situation suivante : « Vous devez implanter une usine : quels facteurs et quelles informations sont importants pour choisir votre lieu d’implantation ? » Ensemble, dans une logique « projet », ils ont identifié neuf critères de choix successifs qui constituent un « entonnoir » décisionnel, rédigé à la première personne. Le module a été illustré de nombreux exemples concrets et enrichi par des éléments de culture générale industrielle.

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Observatoire Fives des usines du futur 53

/ DANS LES ROUAGES DE L’USINE

La première question à se poser au moment d’implanter une usine est celle de la zone de chalandise et de sa taille : « Où sont mes clients ? » L’entreprise Arc International a ainsi choisi d’implanter une usine spécialisée en marqueterie à Dubaï, donc proche de ses consommateurs finaux.

En étudiant ensuite la zone du monde dans laquelle se trouvent mes clients, son paysage politique, son évolution géostratégique et son rayonnement, ses perspectives de croissance, sa monnaie et sa structure d’entreprise, je valide ou j’écarte de nombreux territoires d’implantation potentiels.

Si j’ai décidé qu’il était intéressant pour moi de me rapprocher de mes clients, qui doivent être suffisamment nombreux dans cette zone, pourrais-je y trouver les matières premières nécessaires à ma production ? Y sont-elles produites et disponibles à l’achat, ou devrais-je impulser leur production ? De même, les sous-traitants nécessaires à ma production sont-ils bien placés, expérimentés et aptes à répondre aux besoins et exigences de qualité de mon usine ? Les prix qu’ils pratiquent sont-ils adaptés à ma structure de coûts ? Autant de questions à trancher en priorité.

C’est dans cette logique de localisation des sous-traitants que Bombardier, Alstom et Siemens se sont installés

CRITÈRES 1 ET 2 : LA ZONE DE CHALANDISE, SES RISQUES ET SES OPPORTUNITÉS

CRITÈRE 3 : LA SITUATION DES MATIÈRES PREMIÈRES ET DES SOUS-TRAITANTS

Les coûts de transport y sont-ils élevés ? Les préférences locales supposent-elles de devoir adapter mon produit aux marchés ? Grâce à ces premières études, je détermine s’il est plus intéressant de produire dans des pays à bas coûts et de transporter ma marchandise vers mes clients ou, au contraire, de produire là où je vends. Décathlon a ainsi choisi de rapatrier à Lille l’usine de production de son vélo B’Twin en réinvestissant une ancienne usine de tabac du groupe Sita – un immense espace vide, proche du siège social de Décathlon et de ses clients européens – située sur un axe logistique majeur.

au cœur du cluster ferroviaire de Valenciennes qui concentre 60 % des emplois ferroviaires en France - l’équivalent de Toulouse pour le train. Autour de ces grands donneurs d’ordre se sont groupés plus de 120 sous-traitants qui réalisent la recherche sur prototypes, la modélisation, l’assemblage et l’expédition des produits sur place, à Valenciennes.

De la même façon, à Boulogne-sur-Mer, premier port de pêche français, sont transformés 90 % des produits de la mer distribués en France. Findus y a installé son usine française et Marine Harvest, producteur de saumon norvégien, y a investi 11 millions d’euros pour réhabiliter un ancien site industriel désaffecté, en plus de son usine en Bretagne.

« Choisir entre produire dans des pays à bas coûts et supporter un coût de transport, ou produire là où l’on vend. »

« M’assurer que les sous-traitants sont bien placés, expérimentés et aptes à répondre à mes besoins et exigences de qualité. »

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54 Cahier N°1 - Édition 2013

FOCUS SUR QUATRE ENSEIGNEMENTS

Une fois la zone d’implantation souhaitée identifi ée, je dois solliciter des informations et des autorisations auprès de l’administration locale. La manière dont je suis accueilli et dont fonctionne le tissu local en termes de gouvernance et de dialogue entre les différentes parties prenantes me fournira des informations précieuses sur l’opportunité d’installer mon projet dans cette zone. En effet, l’importance ou l’absence de solidarité entre les élus et le tissu économique présagent de mes conditions de travail, de développement et de dialogue avec

CRITÈRE 4 : L’ACCUEIL RÉSERVÉ À L’INDUSTRIEL PAR LES DÉCIDEURS PUBLICS ET PRIVÉS

CRITÈRE 5 : L’ÉTAT DES INFRASTRUCTURES ET LEUR ÉVOLUTION POSSIBLE

le territoire. On note l’importance pour un territoire de se rendre attractif à tous ces niveaux pour inciter les investisseurs, français ou étrangers, à y implanter leurs entreprises.

Vient ensuite l’aspect fi nancier : quelle est la politique fi scale en vigueur sur ce territoire, pour aujourd’hui et pour demain ? Des avantages me sont-ils proposés pour accompagner mon implantation ? Le Nord-Pas-de-Calais, par exemple, a bien compris l’importance de mettre en valeur certains de ses atouts face à

La question des infrastructures intervient relativement tard dans mon questionnement dans la mesure où elles sont, en général, modulables. Il sera, en effet, toujours possible de construire une route pour pallier un défi cit d’accessibilité, par exemple. Il est cependant indispensable de m’interroger sur le réseau logistique qui permettra d’alimenter mon usine et d’exporter mes produits. Les régions du Nord de la France disposent du deuxième réseau logistique le plus dense en Europe et concentrent un axe fl uvial, ferroviaire, aéroportuaire et routier riche ainsi qu’une façade maritime à proximité d’Anvers, l’un des premiers ports du monde. Le spécialiste allemand de la technique d’entraînement et d’automatisation Lenze a ainsi choisi d’implanter une usine à Béthune, dans le Pas-de-Calais, pour sa position géographique au croisement de fl ux logistiques majeurs.

Comment j’alimente

mon usine ?

Comment j’expédie ma production ?

Quelles voies logistiques sont disponibles dans la zone visée ? Routier, aérien, maritime, fl uvial, ferroviaire composent le multimodal Comment le territoire est-il équipé ? Quels sont les projets pour demain ? Maîtrise des coûts logistiques et rapidité de livraison Équipement numérique : un critère de compétitivité à l’aube de la société connectée

une politique fi scale plus favorable de l’autre côté de la frontière belge.

Les efforts réalisés par les collectivités locales pour attirer les projets industriels et l’accueil réservé aux décideurs sont, à cet égard, cruciaux. Ils ont été décisifs dans l’implantation de Toyota, qui est restée sans équivalent depuis. Ils vont même parfois au-delà : pour inciter Amazon à ouvrir une plateforme logistique générant 2 000 emplois à Douai, les autorités publiques lui proposent des subventions dont l’entreprise n’a pas vraiment besoin.

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/ DANS LES ROUAGES DE L’USINE

La dynamique sectorielle préexistante sur un territoire donné, c’est-à-dire la présence de sites industriels et d’entreprises concernés directement par l’activité que je souhaite implanter, permettra d’accélérer et de faciliter considérablement ma démarche. Étudier la dynamique et le fonctionnement de ce réseau permet de déterminer dans quelle mesure ma nouvelle activité pourra s’y intégrer, notamment grâce à des pôles d’excellence ou des services spécifiques aux industriels.

En effet, on n’implante pas une usine au cœur d’un no man’s land mais bien au sein d’un tissu sectoriel avec lequel j’interagis. Les universités et leur capacité à travailler

Au moment de finaliser mon projet d’implantation, je ne suis pas seul. Je suis amené à m’entourer d’équipes nombreuses et qualifiées. Le territoire que je choisis doit donc présenter un bassin d’emplois avec les qualifications nécessaires à mon projet ou, à défaut, des formations pour couvrir mes besoins de recrutement. Il sera d’autant plus facile de répondre à ces besoins que le territoire présente une culture industrielle locale avec les mentalités, l’esprit d’initiative et le potentiel créatif qui en découlent.

Ces critères humains et subjectifs sont de plus en plus considérés comme des facteurs d’attractivité importants. Un territoire historiquement industriel, dont les habitants conservent un lien

CRITÈRE 6 : LE TISSU SECTORIEL PRÉEXISTANT ET LES CLUSTERS, LES RELATIONS AVEC LA RECHERCHE ET L’ENSEIGNEMENT

CRITÈRE 7 : LE CAPITAL HUMAIN DISPONIBLE

en relation étroite avec les entreprises sont un avantage supplémentaire et présentent un potentiel d’innovation exploitable par mon usine.

La Kista Science City à Stockholm, berceau d’Ericsson, est un immense pôle de compétitivité qui rassemble autour du groupe pléthore de sous-traitants, start-ups, étudiants et instituts de recherche. Si Ericsson emploie directement 3 000 salariés dans l’entreprise, sa présence a induit plus de 30 000 emplois liés à la recherche sur les technologies mobiles, une émulation qui permet de prendre une longueur d’avance considérable en matière de 4G, par exemple.

affectif avec les usines, sera bien entendu plus accueillant pour mon projet.

L’exemple de Toyota et de ses liens avec la population ouvrière du Nord de la France éclaire ce point majeur. La culture ouvrière de cette zone a grandement facilité, localement, l’implantation de l’usine automobile. Ce cas est cependant paradoxal dans la mesure où les pratiques de travail de Toyota sont si différentes et déconnectées du modèle français que les ouvriers embauchés sont intégralement formés aux pratiques de l’entreprise au moment d’intégrer l’usine. L’envie des populations locales de travailler dans l’industrie constitue néanmoins un prérequis pour l’implantation d’une telle activité.

« Pôles d’excellence, services dédiés aux industriels : étudier la dynamique sectorielle et le fonctionnement de ce réseau est essentiel. »

« Qualifications, formations et culture industrielle locale sont autant de facteurs d’attractivité importants. »

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FOCUS SUR QUATRE ENSEIGNEMENTS

La décision de m’implanter sur un territoire donné implique de nombreux investissements pour ce territoire qui doit, en retour, être suffi samment attractif pour que mes équipes et moi-même puissions nous intégrer dans la société locale. Certaines campagnes de marketing territorial montrent à quel point les régions françaises ont compris l’importance de présenter un cadre de vie, un coût de l’immobilier et un dynamisme culturel favorables. Un site industriel implique, certes, un lieu de travail et de production mais apporte aussi de la vie en général : les salariés ont besoin de parcs, d’écoles pour leurs enfants, de logements abordables, etc. Dans les années 1990, un véritable héliotropisme avait cours pour les entreprises de services souhaitant assurer le confort de leurs cadres. Savoir à quoi ressemble la zone géographique dans laquelle je m’implante est donc primordial pour attirer et retenir les talents dont je souhaite m’entourer dans mon usine. La question de l’habitat est essentielle pour l’implantation des cadres, puisqu’il est courant qu’une grande partie des équipes d’ingénieurs soit issue d’un autre territoire et ait besoin d’une incitation à la mobilité. Les collectivités locales ont bien conscience de ces enjeux. L’opération « Lille capitale européenne de la culture » a ainsi permis, en 2004, de dépoussiérer l’image de la ville au moment où l’agglomération terminait sa rénovation urbaine et où les cabinets de recrutement lillois éprouvaient des diffi cultés à attirer les talents. L’impulsion donnée par la forte politique culturelle sur le territoire a permis de lui donner un éclairage nouveau. Autre exemple : l’Auvergne qui, pour se différencier, met en avant son patrimoine naturel.

CRITÈRE 8 : LE CADRE DE VIE ET L’ATTRACTIVITÉ GLOBALE

Cadre de vie : habitat et coût de l’immobilier, dynamisme culturel, attractivité globale

Je m’implante donc…

J’investis.Qu’en est-il des prix du foncier et de l’immobilier (hangars, bureaux…) ? J’implante une partie de mon personnel. Qu’en est-il de l’habitat et des facilités à implanter mes cadres ? Je vais devoir attirer aussi des futurs salariés qui ne sont pas originaires du territoire.

La zone est-elle attractive ? Je vais devenir un acteur de la société locale (culture, relations sociales).

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/ DANS LES ROUAGES DE L’USINE

CRITÈRE 9 : LES CONTRAINTES ENVIRONNEMENTALES

Les contraintes environnementales constituent aujourd’hui un critère qui peut être déterminant en fonction de mon activité. Si le lien à l’environnement est clairement inscrit dans ma stratégie, les pratiques de responsabilité sociale et environnementale du territoire choisi pourront constituer un facteur de performance et être porteurs de sens pour mes clients et mes collaborateurs.Réglementations en vigueur dans ma zone d’implantation, politique de limitation des émissions de CO2, de retraitement des déchets et des fluides sont à prévoir.

La qualité et la densité des infrastructures présentes peuvent représenter, à cet égard, une aide ou un obstacle, une opportunité ou une contrainte.

De la même façon, l’existence de bonnes pratiques au niveau local et d’une véritable vision green partagée par tous pourront être une aide précieuse. Lille s’est révélée particulièrement attractive sur ce point en développant un réseau d’infrastructures de transports en commun très dense permettant de faire valoir que, parmi toutes les capitales d’Europe du Nord, c’est à Lille

qu’une entreprise tertiaire a le plus faible bilan carbone (un atout confirmé par une étude Ernst & Young). Dès lors, si ma société travaille avec des partenaires et clients anglais, allemands et belges, il peut se révéler plus logique d’être implanté à Lille plutôt qu’à Londres, par exemple. De même, le label Green Capital attribué par l’Europe à la ville de Nantes en 2013 pour récompenser la politique de l’agglomération en faveur du développement durable est un autre exemple de contrainte environnementale transformée en opportunité d’attirer des investissements sur un territoire.

Les citoyens, avec l’aide du foormateur, ont doonc élaboréé des éléments de décision pour suivre une déémarche enn entonnooir, comme un « mode d’emploi pour patron d’uusine ». Chooix par chooix, décision par décision, critère par critère, ils onnt pris connscience de la manière dont les contraaintes et les opportunités inndustriellees ainsi que les facteurs d’attracttivité des territoiires permettent de préciser un projet d’implanntation industrieelle, jusqu’àà pointer du doigt un lieu précis sur la carte.

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FOCUS SUR QUATRE ENSEIGNEMENTSPetit précis d’économie industrielle

par Patrick Paris

« Maximmiser lees appporrts socioo-éconnommiquues

d’une usinee et mmieuux gérer less relattionss avvec les partties preenanntess. »

Fort de sa longue expérience opérationnelle en management de projets industriels (implantation, mais aussi développement et reconversion de sites) au sein du cimentier Lafarge, Patrick Paris transmet aux citoyens les clés de l’implantation et du développement réussis d’une usine sur un territoire.

Lors de leurs échanges avec le formateur, les citoyens ont pu appréhender l’importance de maximiser les apports socio-économiques d’une usine sur son territoire et de gérer avec beaucoup de soin ses relations avec les différentes parties prenantes.Comme un organisme vivant, l’usine connaît une évolution en trois étapes : la naissance, la maturité et la fin de vie. Le module de formation de Patrick Paris s’est articulé autour de ces trois temps forts de l’usine afin d’appréhender les enjeux et les défis propres à chaque phase de la vie de l’usine au sein de son territoire.

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Observatoire Fives des usines du futur 59

/ DANS LES ROUAGES DE L’USINE

Une usine ne s’implante pas sur un territoire comme un hélicoptère atterrit au milieu d’un champ. Son arrivée doit être annoncée, autorisée et acceptée. L’acceptation de l’usine par les populations locales est, en effet, un élément indispensable pour un industriel, au même titre que l’existence d’un marché, de ressources et d’infrastructures logistiques.

Même si l’implantation d’une usine est très réglementée et que les études approfondies menées préalablement sont supposées apaiser et rassurer les riverains sur les impacts potentiels de l’usine, celle-ci est souvent une source d’inquiétude et considérée comme un élément perturbateur pour

l’environnement. Agir auprès des acteurs locaux est donc déterminant pour éviter tout phénomène de rejet qui mettrait en péril le projet. La clé est de faire naître une confiance mutuelle entre l’industriel et le territoire grâce à des outils très variés, allant des réseaux sociaux aux actions de « savoir-être ».

La vision de l’industriel, avec ses contraintes budgétaires et son calendrier (« le temps, c’est de l’argent », un projet dont la mise en place s’éternise peut mourir d’avoir trop attendu…), doit rencontrer la vision du territoire, celle des élus et des parties prenantes, avec leurs conflits d’intérêts, leurs enjeux de pouvoir, leurs échéances politiques…

« Agir auprès des acteurs locaux est déterminant, la clé est de faire naître une confiance mutuelle. »

LA NAISSANCE DE L’USINE : L’ARRIVÉE ET L’INSTALLATION SUR UN TERRITOIRE

Cette rencontre entre deux visions, même réglementée par des procédures (enquêtes publiques, autorisations…), n’est pas naturelle. Elle demande une reconnaissance mutuelle, une compréhension et l’établissement d’un dialogue dans le respect des différences. C’est essentiel pour que l’usine soit reconnue comme un acteur positif du développement du territoire et non comme un obstacle à sa qualité de vie.

L’usine, une fois implantée, est devenue un acteur et un moteur du paysage local. Elle ne peut pas ignorer le contexte qui l’entoure et dont elle est désormais partie intégrante. L’usine est un lieu d’excellence technique et de performance dans un monde de concurrence, un lieu de production de biens et de services, de recherche de progrès permanents et d’efficacité. Cette reconnaissance opérationnelle et strictement industrielle mérite d’être valorisée vis-à-vis de son territoire comme une source de fierté et d’apports à la communauté.

L’usine est aussi un lieu d’échanges, un producteur de lien social et une source d’enrichissement socio-économique qui gagnerait à être évaluée plus finement. Car si l’on mesure précisément, du fait d’une obligation administrative, les impacts environnementaux de l’usine, ses bienfaits socio-économiques sont trop souvent mal connus et, par conséquent, mal communiqués auprès des destinataires.

L’usine, lieu d’organisation et de coordination, est bien structurée

LA MATURITÉ DE L’USINE : LE FONCTIONNEMENT ET LE DÉVELOPPEMENT

pour analyser l’ensemble des flux financiers et physiques – la traçabilité – qu’elle génère (par exemple, le nombre de camions par jour). Mais de nombreuses autres informations méritent d’être portées à la connaissance des acteurs de son territoire : les emplois directement créés, bien sûr, mais aussi les emplois indirects et induits. Les achats, par exemple, sont sourcés et localisés soit à proximité soit loin de l’usine, voire à l’étranger. Une usine génère ainsi un plus grand nombre d’emplois en dehors d’elle-même qu’en son sein. De l’usine dépendent

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60 Cahier N°1 - Édition 2013

FOCUS SUR QUATRE ENSEIGNEMENTS

autant, voire plus, d’enfants scolarisés que de salariés – par exemple, si les employés d’une usine ont 242 enfants, dont 43 % en moyenne ont moins de 18 ans, 104 enfants seront scolarisés. Les enfants des employés d’une usine de cette taille peuvent donc remplir quatre classes dans les écoles environnantes. De même, une usine employant 145 salariés directs pourra créer 265 emplois indirects en ayant recours à des transporteurs, à des sous-traitants, à des fournisseurs... Au total, les emplois induits par la consommation provenant de la distribution des revenus aux différents salariés peuvent bénéfi cier à plus de 2 000 personnes. Il convient aussi de prendre en compte

les taxes et impôts locaux versés par ces employés.

L’usine sait manager les biens, mais aussi les personnes dans un souci permanent de compétitivité. C’est pourquoi le directeur est baptisé « manager ». Mais l’usine doit aussi s’attacher à manager ses relations avec les parties prenantes. Cela suppose de connaître les acteurs de la vie locale, d’établir et d’entretenir avec eux des relations de confi ance et de comprendre leurs différences. La prise en compte de l’environnement ne se réduit pas à un rapport annuel adressé aux services de la préfecture. C’est tout l’objet de la Responsabilité Sociale d’Entreprise (RSE).

Le schéma en forme de marguerite, élaboré pour le cas d’une cimenterie du groupe Lafarge, illustre cette diversité de parties prenantes qui doit être gérée.

L’usine implantée sur un territoire se doit d’établir des liens avec les différentes parties prenantes. L’outil de la marguerite permet de comprendre la multiplicité des acteurs avec lesquels un dialogue doit être instauré : les médias, les notables infl uents, les élus, l’administration territoriale, les services d’environnement et de secours de la préfecture, les associations locales, le voisinage, les structures d’enseignement, les organisations professionnelles... Le dialogue avec l’ensemble de ces acteurs est fondamental pour la vie de l’usine, pour son implantation et pour assurer sa pérennité sur le territoire. Il passe parfois par des actions qui peuvent paraître anecdotiques mais dont l’impact réel est symbolique, comme fournir un jeu de maillots à une association sportive locale ou organiser une visite de l’usine pour un établissement scolaire voisin.

L’usine n’est pas un corps fi gé, elle doit s’adapter aux évolutions de la concurrence, des règlementations, des innovations. Elle vit dans un écosystème, c’est-à-dire dans un milieu ouvert et développé. Le besoin de changement est inhérent à la vie de l’usine. Les investissements, les modernisations, les évolutions techniques, les contraintes nouvelles – qui sont le lot commun des managers – seront d’autant mieux acceptés qu’ils auront été communiqués et expliqués aux parties prenantes.

Instaurer un dialogue avec les parties prenantes

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Observatoire Fives des usines du futur 61

/ DANS LES ROUAGES DE L’USINE

Une usine peut croître, se maintenir, décliner, être cédée, voire disparaître. Sa longévité dépend de nombreux facteurs qui ne sont pas tous prévisibles. La chute des marchés, les changements stratégiques, la perte de compétitivité, les changements de propriétaire, les restructurations, les erreurs de gestion… sont autant de facteurs décisifs pour chaque cas particulier.

Tout comme son implantation, l’arrêt d’une activité est fortement réglementé. L’usine doit remplir des devoirs envers son personnel, comme l’établissement d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE), et envers les territoires qui l’ont hébergée via la convention de revitalisation et l’obligation de remise en état du site.

Si la fermeture d’un site est toujours vécue comme un drame – ce que confirme l’actualité récente – l’arrêt d’une usine ne signifie pas inévitablement la mort du site. L’interventionnisme politique aura naturellement l’intention de l’empêcher. Il nécessite d’avoir une vision globale du secteur, de la concurrence et du territoire, de ses forces et de ses faiblesses. La capacité des élus à attirer de nouveaux acteurs, à travers des actions telles que la création de pôles de compétitivité ou le plan local de redynamisation (PLR), à adopter une vision flexible du devenir du site et à accepter certaines évolutions est, à cet égard, déterminante. Les collectivités territoriales ont vocation à créer des conditions favorables au développement économique, comme le précisaient les lois de décentralisation, notamment à travers les agences

de développement économique. L’attractivité et l’accessibilité des territoires, l’accès aux nouvelles technologies de l’information et de la communication, la formation initiale… sont autant de domaines d’action qui donnent aux élus un réel pouvoir sur l’aménagement de leur territoire.

Mais, la recherche d’un repreneur ou d’une opportunité de reconversion industrielle suppose toujours que le nouvel investisseur soit confiant dans la capacité du territoire à s’adapter à une nouvelle donne. Faute de quoi, il ne se lancera pas dans ce qui est toujours une aventure : la reprise ou la reconversion d’un site, avec son passé et sa culture.

L’industriel lui-même peut également jouer un rôle majeur en menant des actions volontaristes, comme la création de structures de reconversion. Charbonnages de France, Vivendi, Saint-Gobain, Michelin, Lafarge, entre autres, ont mis en place de telles stratégies. Ainsi, la nécessité de changer d’activité et de s’ouvrir à d’autres opportunités peut aboutir à la renaissance d’un site industriel et d’un territoire.

« La recherche d’un repreneur ou d’une opportunité de reconversion industrielle suppose une confiance en la capacité du territoire à s’adapter à une nouvelle donne. »

LA FIN DE VIE DE L’USINE : DISPARITION OU RECONVERSION

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62 Cahier N°1 - Édition 2013

FOCUS SUR QUATRE ENSEIGNEMENTSLa désindustrialisation : une fatalité ?

par Denis Ferrand

« La désinndustrrialissatioon de la FFrancee n’eest ppas

ineexoraablee. »

Si l’on adopte une attitude volontariste et que l’on prend les mesures nécessaires, il est possible d’inverser cette tendance, comme certains pays ont, d’ailleurs, réussi à le faire. C’est cette conviction, étayée de données historiques et chiffrées, que Denis Ferrand, directeur général de l’institut d’études économiques Coe-Rexecode qui étudie depuis longtemps les causes et les solutions du retard de compétitivité français, a transmise aux citoyens.

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Observatoire Fives des usines du futur 63

La part de l’économie industrielle diminue

/ DANS LES ROUAGES DE L’USINE

La désindustriaalisation, cc’est qquoi ? La désindustrialisation se défi nit comme une baisse de la part de la valeur ajoutée produite par l’industrie dans celle de l’économie globale. Aujourd’hui, dans tous les pays développés, le poids relatif de l’activité industrielle diminue. Même la Chine est concernée, alors que le volume d’activité de son industrie ne cesse de croître.

L’universalité de la désindustrialisation renvoie à la modifi cation tendancielle des besoins des consommateurs, un phénomène qui se retrouve dans toutes les économies au fur et à mesure du développement du niveau de vie de la population. Ainsi, dans une économie développée, les revenus alloués à la satisfaction de besoins matériels produits par l’industrie, par exemple des biens alimentaires, diminuent au profi t des dépenses allouées à la satisfaction de besoins de services, de déplacements…

LA DÉSINDUSTRIALISATION, EST-CCE UN PHÉNOMÈNNE UNIVERSEL ? RÉPONSE : OUI

Part de la valeur ajoutée de l’industrie dans l’ensemble de l’économie (en %)

45%

40%

35%

30%

25%

20%

15%

10%

5%

0%

1980198219841986198819901992199419961998200020022004200620082010

Chine

Japon

France

Allemagne

Italie

Royaume-Uni

États-Unis

« La diminution du ppoids relatif de l’acctivité industrielle est liée àà la modifi ccation ddes besoins des consommateurss. »

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64 Cahier N°1 - Édition 2013

FOCUS SUR QUATRE ENSEIGNEMENTS

Comment expliquer la désindustrialissation ? La désindustrialisation d’une économie découle de la combinaison de trois facteurs :

1. L’externalisation accrue des tâches « non industrielles » auprès d’entreprises situées hors de la sphère de l’industrie (environ 25 % de l’explication).

2. Les délocalisations de sites de production (fermeture d’usines locales pour en ouvrir de nouvelles à l’étranger en vue de réimportation, délocalisations d’approvisionnement…), qui n’expliquent cependant la désindustrialisation actuelle qu’à hauteur de 10 à 15 %. La résonance médiatique de cette cause va donc bien au-delà de son poids réel.

3. Les gains de productivité et le progrès technique, qui se produisent essentiellement dans l’industrie (4 % par an en France sur 30 ans contre 1 % par an dans les autres secteurs) constituent l’explication principale de la désindustrialisation. Ils provoquent une baisse des prix relatifs des produits industriels. Avec cette diminution des prix, la part de la valeur ajoutée industrielle en euros courants dans l’ensemble de l’économie recule donc aussi.Pour autant, ce n’est pas tant l’existence de ce phénomène inexorable que sa vitesse de progression qui est préoccupante. En effet, certains pays se désindustrialisent plus vite que d’autres, ce qui fait peser un sérieux risque de déstructuration sur leurs économies.

Part de l’emploi industrieldans l’emploi total

40%

35%

30%

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20%

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Chine

Japon

Royaume-Uni

États-Unis

1980198219841986198819901992199419961998200020022004200620082010

« La désindustrialisaation s’expliique principalement par les gains dee produuctivité et le progrès techniqque. »

Part de l’emploioi industrieldans l’emploi totaall

40%

35%

30%

25%

20%

155%%

Chine

Japon

Royaume-Uni

Étatats-Unis

1998080198219841986198819901992199419961998200020022004200620082010

Un emploi industriel partout orienté à la baisse

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Observatoire Fives des usines du futur 65

/ DANS LES ROUAGES DE L’USINE

Variation du taux d’emploi marchand entre 2000 et 2010en fonction de la part de l’emploi industriel dans l’emploi total par région

7%

6%

5%

4%

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Part de l’emploi industriel dans l’emploi total

Corse

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Nord-Pas-de-Calais

Centre

BourgogneHaute-Normandie

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Poitou-Charentes Basse-Normandie

Champagne-Ardenne

Auvergne

Pays-de-la-Loire

Languedoc-RoussillonMidi-Pyrénées

Provence-Alpes-Côte d'Azur

LA DÉSINDUSTRIALISATION, EST-CE GRAVE ? RÉPONSE : OUI, SURTOUT SI ELLE PROVOQUE DES PERTES DE COMPÉTENCES

Quels sont les eeffets conncretss de la désindustrialisation ? La désindustrialisation rapide de certaines économies constitue bien une menace grave lorsque celles-ci perdent leur capacité à générer de nouveaux gains de productivité et à redistribuer la richesse ainsi créée à la population. Or, la moitié des gains de productivité en France est réalisée dans l’industrie, le secteur qui génère donc les plus grandes capacités d’enrichissement sous forme d’augmentation de salaires ou de baisse des prix pour la population. Mais le secteur industriel ne représente plus que 10 à 15 % de l’économie française. Avec cette baisse du poids de l’industrie, se délite aussi sa capacité à améliorer le pouvoir d’achat, et à maintenir l’emploi et de hauts niveaux de compétences.

La désindustrialisation subie – car une société peut faire le choix collectif de se tourner volontairement vers une économie de services ou de tourisme, par exemple – a des conséquences importantes sur les métiers. En effet, les compétences industrielles, une fois disparues, ne réapparaissent plus. Elles sont pourtant le terreau indispensable à l’innovation et à la création de nouvelles usines, dont les activités ne peuvent se développer sans les compétences spécifi ques assemblées dans le tissu industriel. La disparition des compétences nécessaires dans l’environnement immédiat d’une usine menace sa capacité à rester profi table et l’oblige à rechercher des partenariats hors des frontières –

une démarche plus compliquée et coûteuse. La désindustrialisation est donc grave lorsqu’elle est trop rapide. Poussée trop loin, elle déstructure les compétences présentes au sein d’une économie. En étant à la fois trop rapide et trop profonde, elle met en dangerles conditions de développement de l’industrie.

« La baisse du poidss du secteur induustriel eengenndree des diffi cultéés à maaintennir l’emploi ».

Variation du ttauaux d’emploi marchandd entre 2000 et 2010en fonction de la a pap rt de l’emploi indusstrtriel’dans l’emploi total ppara région

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Languedoc-RoussillonMidi-Pyrénéess

Provence-Alpes-Côte d'Azur'

Est-ce grave ? Oui, où l’emploi industriel recule, c’est le taux d’emploi de la population qui recule

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66 Cahier N°1 - Édition 2013

FOCUS SUR QUATRE ENSEIGNEMENTS

La désindustriaalisation aa-t-ellee les mêmes effetss dans touus les pays ??La désindustrialisation n’a pas le même impact partout. En observant les différences de performances entre la France et l’Allemagne au cours de la dernière décennie, on constate que les deux pays n’ont pas géré la désindustrialisation de leur économie de la même manière. Un écart de compétitivité croissant s’est installé entre les deux pays. Les différences sont nombreuses entre ces deux systèmes industriels qui sont loin de fonctionner de la même manière. Des entretiens conduits par Coe-Rexecode auprès de chefs d’entreprises industrielles en France et en Allemagne font ressortirles traits structurants marquants suivants :

1. La culture industrielle est forte en Allemagne alors qu’elle serait moins bien perçue en France. La fi erté d’être entrepreneur et d’appartenir au secteur de l’industrie, de même que l’importance accordée aux process paraissent plus importants en Allemagne.

2. La capacité à travailler ensemble des entreprises allemandes est une grande source de performances. Une véritable solidarité existe entre les petites, les moyennes et les grandes entreprises outre-Rhin. La relation client-fournisseur s’y inscrit dans la durée.

3. L’importance des décideurs industriels infl ue beaucoup sur le tissu industriel. Les décideurs les plus importants dans le monde industriel en Europe se trouvent

Solde des échanges extérieurs de marchandises

250

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19901991199219931994199519961997199819992000200120022003200420052006200720082009201020112012

Solde FAB – CAF (milliards d’euros l’an/3 mois)

Source : Douanes, Statistisches Bundesamt © Coe - Rexecode

France

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Solde des échangeses extérieurs de marchandidises

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Solde FAB – CAF (milliards d’euros l’an//3 3 mois)

Soururcec : Douanes, Statistisches Bundesamt © Coe - Rexecode

Franceance

Allemagneemagne

La divergence sur le solde des échanges extérieurs de la marchandise entre la France et l’Allemagne s’élève à plus de 200 milliards d’euros (10 % du PIB français)

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Observatoire Fives des usines du futur 67

/ DANS LES ROUAGES DE L’USINE

majoritairement en Allemagne et la taille du marché captif allemand est grande.

4. La culture de l’entreprise familiale et sa transmission en Allemagne ont deux vertus : elles incitent à maintenir l’emploi et à chercher à produire et à exporter plutôt qu’à s’implanter ailleurs.

5. La proximité entre la recherche et l’industrie en Allemagne crée des liens forts entre les sites industriels, les centres de formation et les centres de recherche.

6. La gestion de la relation de travail en Allemagne a donné naissance à un système efficace de cogestion (modération salariale en échange de la préservation de l’emploi). La flexibilité interne aux entreprises leur a permis de ne pas licencier pendant la crise.

7. La taille et la solidité financière des entreprises sont plus grandes en Allemagne. Les entreprises françaises, de taille plus modeste, pâtissent d’une fragilité souvent due à l’importance du critère de la taille dans le choix des fournisseurs par les grands groupes. Au contraire, les banques locales et les entreprises dans les Länder* et le Mittelstand** forment une alliance forte.

8. L’instabilité législative et la sur-réglementation en France sont vues par les chefs d’entreprise comme une source d’inefficacité pour l’industrie française.

9. La qualité du service fourni en accompagnement du produit par

les entreprises industrielles allemandes constitue une priorité et une force pour ce secteur.

10. La modération des coûts salariaux au cours de la période récente a permis à l’industrie allemande de bénéficier désormais, indépendamment de son positionnement dans le haut de gamme et l’innovation, d’une compétitivité-coût importante tandis que la France a « décroché » depuis 2000.

11. L’Allemagne s’est positionnée sur le segment haut de gamme. Sa spécialisation dans le Premium est liée à une forte capacité d’innovation. De cette façon, l’offre allemande est immunisée contre la hausse de l’euro.

12. Les industriels allemands, de la Très Petite Entreprise (TPE) au grand groupe, se tournent spontanément et rapidement vers l’export et constituent un écosystème tourné vers l’exportation. Les Länder disposent aujourd’hui de dispositifs autonomes et efficaces de soutien à l’exportation.

Ces éléments renvoient à des dimensions structurelles qui sont présentes de manière permanente. Pour autant, l’industrie française n’a pas toujours « décroché » vis-à-vis de l’industrie allemande. L’originalité de la période récente tient au fait que les handicaps structurels précédents n’ont plus été compensés à partir du début des années 2000 par un écart de coûts de production, notamment de coûts salariaux, ces derniers ayant sensiblement moins progressé en Allemagne qu’en France depuis cette période.

* Länder : États de la République Fédérale d’Allemagne, équivalents aux régions administratives en France ** Mittelstand : ensemble des entreprises familiales indépendantes de taille moyenne

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68 Cahier N°1 - Édition 2013

Parts de marché mondial

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Chine

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France

Allemagne

Royaume-Uni

États-Unis

Source : CHELEM , CEPII

LA DÉSINDUSTRIALISATION EST-EELLE IRRÉMÉDIABLEE ? RÉPONSE : NON

Un État peut faire des choix politiques qui favorisent les capacités de production de son économie en adaptant sa politique de compétitivité coût et hors-coût, en conservant des conditions de production profi tables sur le territoire, en organisant son marché du travail pour faire face à la conjoncture et à la concurrence internationales… Certains pays ont su faire de tels choix. C’est le cas de l’Allemagne. Au début des années 2000, face à une situation du marché du travail dégradée, l’Allemagne a engagé une réforme de grande ampleur et voté quatre lois (lois Hartz) en l’espace d’un an pour faire reculer le chômage de longue durée en incitant au retour à l’emploi. Les principaux instruments de cette politique étaient :

un durcissement des conditions d’indemnisation du régime de l’assurance chômage ;

une baisse du taux de remplacement garanti aux chômeurs de longue durée ;

un assouplissement de la législation sur la protection de l’emploi ;

un recours à l’intérim et le développement des emplois atypiques (mini-jobs) dans les services.

L’Allemagne est le seul pays industriel à avoir réussi à maintenir sa part de marché mondiale au cours des dernières années, alors que les autres pays industrialisé, ont vu, quant à eux, leurs parts de marché à l’international décliner. C’est la preuve que chaque pays ne connaît pas le même sort.

FOCUS SUR QUATRE ENSEIGNEMENTS

Parts de marchhé é mondial

16%

14%

12%

10%

8%

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0%0%

196767

1972

1977

1982

1987

1992

1997

2002

2007

Chine

JaJapon

France

Allemagne

Royaume-Uni

États-s-Unis

Source : : CHC ELEM , CEPII

Un écart de compétitivité croissant s’est installé entre l’Allemagne et la France

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Observatoire Fives des usines du futur 69

Penser la réindustralisation suppose de comprendre les logiques économiques qui structurent le développement des secteurs industriels. La capacité d’une industrie à nouer les bons partenariats, à identifier les bonnes pratiques et à gérer son « faire-faire » est déterminante. L’usine du futur ne sera pas isolée, mais intégrée dans son environnement, dans lequel elle trouvera les conditions de sa réussite.

Le succès des politiques conduites en Allemagne permet de dégager cinq facteurs de compétitivité :

1. Revoir les éléments qui touchent à la durée du travail, et plus généralement aux règles du travail, en favorisant la primauté des accords conclus au niveau de l’entreprise.

2. Donner une plus grande importance au capital humain et mieux négocier dans l’entreprise le triptyque « emploi-salaire-durée du travail ».

/ DANS LES ROUAGES DE L’USINE

3. Établir une fiscalité de la transmission et du patrimoine pour permettre aux entreprises industrielles patrimoniales de perdurer.

4. Axer l’effort de recherche et développement sur le couple recherche-industrie (au sens de process et d’outil de production).

5. Mettre en œuvre une mesure forte et urgente de recalage des coûts industriels (baisse de 5 à 10 % des coûts dans l’industrie par un basculement des charges pesant sur le travail vers la fiscalité) pour donner aux autres mesures le temps d’agir de façon plus structurelle.

L’inexorabilité de la désindustriialisation peut êttre endiguéée par des cchoix effectués au niveau de l’État ett dans lesquels chaque parttie prenantte – industriels, politiques, travailleuurs mais aussi citoyens – dooit se reconnnaître et s’investir. Seule cette volonté permettra aux usines de rréinvestir le territoire français dans le futur.

« La capaciité d’une industrie à nouer less bons partenariatts, à iddentifier les bonnes pratiqquess et à gérer sson “faire-faire”” est déterminannte. »

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70 Cahier N°1 - Édition 2013

FOCUS SUR QUATRE ENSEIGNEMENTSLa logique économique et financière qui prévaut dans la gestion d’une usine

par Emmanuel Julien

« LLa geestioon écoonommiquue

et fifinanciière d’unne usine : éléémeent

déttermminaant de laa straatéggie

ddes inddusttriess. »

Il a semblé important au comité de pilotage de fournir aux citoyens un aperçu de la réalité chiffrée et de la logique financière qui prévalent dans la gestion d’une usine. Ce sont des éléments déterminants de la stratégie des industriels qui sont, pourtant, bien souvent ignorés des populations. Sans entrer dans des détails trop techniques de la comptabilité et de la finance d’entreprise, Emmanuel Julien a expliqué le fonctionnement et le pilotage des grands indicateurs économiques et financiers d’une usine : son bilan, sa structure de coût, ses Capex (Capital Expenditure, ou investissements), son objectif de rentabilité...

Une usine est avant tout une aventure humaine, de sa naissance à sa disparition. Mais pour qu’elle voie le jour, qu’elle se développe et qu’elle fonctionne durablement, il est nécessaire que des flux d’argent s’établissent aux bons moments et qu’ils soient anticipés, suivis, contrôlés. Ce module de formation a pour objectif de décrire ces différents flux, leurs origines et leurs destinations, tout au long de la vie de l’usine.

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Observatoire Fives des usines du futur 71

Une usine naît pour satisfaire un ou plusieurs besoins, qui peuvent d’ailleurs être de natures variées : besoin d’un nouveau marché, d’un nouveau développement technologique, d’un agrandissement, de s’adapter à une contrainte réglementaire… Ce besoin et la pertinence d’y répondre étant établis, il convient alors d’estimer le coût initial de l’usine.

Ce coût initial va couvrir de multiples composantes : des composantes matérielles telles que le terrain, les bâtiments, les équipements, mais aussi des composantes intellectuelles telles que la conception, la construction, la gestion du projet dans son ensemble, sans oublier la mise en service au démarrage de l’usine.

L’ordre de grandeur du coût initial est très large : il va de quelques centaines de milliers d’euros pour un simple atelier, jusqu’à plusieurs milliards d’euros pour un grand complexe nucléaire ou pétrolier. Une différence notable existe entre les projets où l’on part d’une feuille blanche (les greenfi eld projects) et les projets qui s’intègrent dans des usines déjà existantes (les brownfi eld projects).

La première question à poser est de savoir qui va fi nancer ce coût initial, indispensable à la création de l’usine. À ce stade, il est utile de rappeler ce qu’est le bilan d’une société : c’est l’égalité parfaite, par défi nition, entre ce que l’on possède (actif) et ce que l’on doit (passif). Pour un individu, l’actif recouvre les possessions matérielles (maison, voiture, meubles, ce que l’on a dans ses

placards…), éventuellement les possessions immatérielles si elles sont valorisables (réseau, compétences…), et bien sûr son argent, liquide ou placé. En face, le passif inclut ce que l’individu se doit à lui-même (son capital, constitué par lui au fi l du temps ou encore, par exemple, provenant d’un héritage) et aux autres (ses dettes à la famille, aux amis, à la banque, aux impôts…).

Pour une usine, le raisonnement est le même. L’actif de départ englobe toutes les composantes du coût initial, matérielles ou intellectuelles. Cet actif sera exactement égal au passif, qui correspond à l’origine du fi nancement de l’usine : d’une part le capital des actionnaires qui ont acheté des actions de la société et, d’autre part,

« La première question à poser est de savoir qui va fi nancer ce coût initial, indispensableà la création de l’usine. »

/ DANS LES ROUAGES DE L’USINE

les dettes des fi nanciers, par exemple sous forme de prêts à plus ou moins long terme consentis par les banques pour ce projet.

Plus le coût initial est élevé, plus le fi nancement initial peut être complexe, surtout dans le cas de grands investissements, avec parfois la constitution de sociétés spécifi ques pour le projet.

LA NAISSANCE D’UNE USINE : LE COOÛT INITIAL

Qu’est-ce qu’un bilan ?

L’actif : ce quee l’on poossèdde matériel immatériel

Le passif : ce qque l’onn doit à soi-même, le capital aux autres, les dettes

L’actif = le passsif

Qui fi nance ?

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72 Cahier N°1 - Édition 2013

Une fois construite et démarrée, l’usine devient un centre de flux et d’échanges : avec les hommes et les femmes qui la font fonctionner, avec les fournisseurs qui l’approvisionnent en matières premières, avec les clients qui reçoivent les produits, avec l’électricité ou le gaz qui fournissent l’énergie nécessaire, avec les émissions ou les déchets qui résultent de la production…

À chacun de ces flux physiques correspond un flux financier. Tout au long de l’année va ainsi se constituer un compte de résultat, parfois appelé Profit and Loss Statement (P&L).

Pour chacun de nous, ce compte de résultat recouvre ce que l’on gagne (salaires, retraites, allocations, rentes…) et ce que l’on dépense (loyer, nourriture, gaz et électricité, téléphone, loisirs…). Le résultat est simplement la différence entre les deux, différence qui peut être positive (on s’enrichit) ou négative (on perd de l’argent).

De la même manière, ceux qui gèrent une usine comptabilisent – chaque jour, chaque mois, chaque année – le chiffre d’affaires, d’une part, constitué de la vente des produits facturés aux clients externes ou internes, et, d’autre part, les charges constituées de toutes les dépenses (main-d’œuvre, sous-traitance, matières premières, utilités, achats, mais aussi impôts et taxes).

Il faut signaler que les dépenses les plus importantes peuvent être immobilisées si elles correspondent à un investissement

pour le futur : elles seront amorties sur la durée de vie du bien, c’est-à-dire qu’elles seront comptabilisées en charges chaque année à hauteur de la dépense totale divisée par le nombre d’années de vie. C’est notamment le cas du coût initial de l’usine, qui est amorti sur la durée de vie prévisionnelle de l’usine. La structure du compte de résultat d’une usine dépend bien sûr de son activité, mais le poste le plus important est bien souvent celui des matières premières nécessaires pour fabriquer les produits.

L’usine vit... et son bilan aussi ! Tout d’abord, les données de départ (le coût initial) évoluent car les actifs perdent chaque année l’équivalent d’une année d’amortissement, comme on l’a vu un peu plus haut. On dit alors qu’ils sont « comptabilisés à leur valeur nette ». Mais l’usine crée aussi d’autres actifs : les stocks de produits, les créances dues par les clients et la trésorerie générée par l’activité. Le passif évolue également : l’actionnaire peut augmenter ou diminuer son capital, les dettes sont remboursées ou augmentées, avec l’apparition d’une nouvelle classe de débiteurs que sont les fournisseurs, qui sont payés avec un délai.

« L’usine devient un centre de flux et d’échanges avec les salariés, les fournisseurs et les clients. »

FOCUS SUR QUATRE ENSEIGNEMENTS

ET L’USINE VIT !

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Observatoire Fives des usines du futur 73

Pour vivre chaque jour, chacun de nous a sur lui un porte-monnaie qui doit lui permettre de faire face à ses dépenses courantes quotidiennes, sans être pour autant trop garni.De la même manière, une entreprise et une usine doivent gérer leurs besoins de trésorerie, ce fameux cash dont on parle si souvent. D’un côté, il y a des rentrées d’argent (le cash in) telles que les paiements des clients et, de l’autre, il y a les sorties d’argent (le cash out), telles que le paiement des salaires et de toutes les charges de l’entreprise. À ces fl ux opérationnels quotidiens s’ajoutent des fl ux fi nanciers plus exceptionnels : une augmentation de capital ou un nouvel emprunt peuvent aider la trésorerie, tandis que le paiement des dividendes aux actionnaires la diminuera.Il est fondamental de bien prévoir à l’avance l’évolution de la trésorerie, pour ne jamais être défaillant : même si elle est maintenant sur un compte en banque virtuel, la caisse doit toujours être positive. Il existe, certes, des mécanismes de sauvegarde, tels que les découverts ou les lignes de crédit accordés par les banques, mais une trésorerie régulièrement négative entraînera des défauts de paiements et, à terme, la faillite de l’entreprise par manque de liquidités (l’entreprise est alors dite « illiquide »). Il faut comprendre que même une usine qui possède des actifs importants (bâtiments, équipements, etc.) et supérieurs à ses dettes (situation de solvabilité) peut tomber en faillite si elle n’arrive plus à honorer ses créanciers.

/ DANS LES ROUAGES DE L’USINE

UN ÉQUILIBRE AU QUOTIDIEN…

Le cash in

Le cash out

Le Capex et l’OOpex

L’importance de la tréésoreerie Les créanciers Les débiteurs Chaque jour…

« Il est fondamental dee bien prévooir à l’avaance l’évolution de la trésorrerie, pour nne jamaiis être défaillant : la caisse dooit toujours être possitive.»

Les fl ux fi nanciers de l’usine

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74 Cahier N°1 - Édition 2013

Au moment de prendre la décision de construire une nouvelle usine, les industriels doivent imaginer quelle sera son activité sur la durée de sa vie, par exemple sur 20 ou 30 ans. Ils modélisent les fl ux fi nanciers correspondants et construisent sur cette durée les trois états fi nanciers que l’on a découverts précédemment : le compte de résultat (P&L), le tableau de trésorerie et le bilan. Cette projection dans le temps constitue ce qu’on appelle un business plan. Elle fait ressortir notamment la notion de rentabilité du projet (le résultat d’une année type ramené à l’investissement initial) et de taux de rentabilité interne (le taux d’actualisation auquel les fl ux actualisés de trésorerie s’annulent sur la durée du projet). Ces deux notions sont analysées par l’actionnaire et le fi nancier pour voir si elles sont supérieures à leurs objectifs – l’objectif pour le fi nancier étant le taux de l’argent, et celui de l’actionnaire le taux de l’argent additionné d’une prime, puisque celui-ci prend le risque de perdre son capital.

Dans la vie réelle que se passe-t-il ? Au début, il faut décaisser le montant de l’investissement (cash out). Puis l’usine est démarrée et monte progressivement en régime jusqu’à atteindre son rythme de croisière. Si les clients sont au rendez-vous, si la production ne rencontre pas de problème technique, si les compétences humaines sont présentes, alors le succès sera au bout du chemin, l’usine dégagera chaque année un résultat positif et générera de la trésorerie opérationnelle

(que l’on appelle le free cash fl ow), permettant ainsi de rembourser la mise initiale, puis de verser des dividendes aux actionnaires.

L’usine va ensuite vieillir. Il faudra sans doute réinvestir régulièrement pour maintenir l’outil de production en état ou adapter les produits à des marchés évolutifs. Il faudra aussi prévoir, à un moment donné, les frais éventuels de démantèlement de l’usine.En tout état de cause, il est illusoire de croire que l’on pourra réaliser parfaitement un business plan écrit 20 ans à l’avance. L’essentiel est donc de piloter précisément les résultats, de savoir réagir à chaque alerte positive ou négative et, mieux encore, d’anticiper les changements de cap éventuels.

FOCUS SUR QUATRE ENSEIGNEMENTS

« Au moment de prendre la décision de construire une nouvelle usine, les industriels font des projections à travers un business plan sur la durée de vie de l’usine. »

…ET UN ÉQUILIBRE DANS LE TEMPPS

Qu’est-ce quee c’est ?? Sur une année Sur toute la durée de vie de l’usine

À quoi la commpare-t-on ? Pour l’actionnaire Pour le fi nancier

La rentabilité

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Observatoire Fives des usines du futur 75

/ DANS LES ROUAGES DE L’USINE

Les clés de la réussite

Une usine est un projet ambitiieux qui se dévelloppe sur lee long termme, ce n’est pas une simple opporttunité à court terrme. Une bonne gestion économiqque et financière est naturelllement nécessaire à la réussite de l’usiine, car elle permmet d’anticipper les décisions importantes relattives à son pilotaage. Mais la réussite viendra surtout de la capacité ddu gérant à faire évoluer en permanencee les hommes ett leurs outilss au servicce d’un marché et de ses clients, en maintenant ddes facteurss essentielss tels que la qualité ou la rentabilité.

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DES CITOYENS CURIEUX Questions structurantes pour le débat public

À l’issue des dix modules de formation et des deux week-ends de réflexion de groupe, les citoyens ont assimilé un grand nombre de concepts, de chiffres et de faits relatifs à l’industrie française et mondiale dont ils n’étaient que peu conscients auparavant. Certaines questions, parfois techniques, parfois plus larges, demeuraient cependant encore sans réponse.

Ils ont souhaité adresser ces questions à des porteurs d’intérêt lors du débat public qui s’est tenu le 7 novembre 2012, afin de finir d’éclairer leur réflexion sur les usines et de rédiger un avis parfaitement informé. Au cours de ce débat, les experts porteurs d’intérêt ont répondu chacun aux questions pour lesquelles ils étaient les plus au fait, puis ont échangé avec les citoyens. Voici quelques-unes des questions posées par les citoyens. Elles s’articulent autour de deux enjeux et thèmes majeurs.

1. Fiscalité et suubventioons

Quel est le régime fiscal auquel sont soumises les usines ? Quel est le poids de la fiscalité sur une usine ?

Qu’est devenue la taxe professionnelle ? A-t-elle été remplacée par d’autres taxes ?

À quelles subventions une usine peut-elle aujourd’hui prétendre?

Quelles sont les incitations que met en place le ministère du Redressement productif ?

Quel est le poids du droit européen dans le soutien fiscal ou par subventions aux implantations d’usine ?

2. Partage des ccompéteences, aménagement du territtoire eet politiques d’acccompagnnement

Y a-t-il des disparités entre les territoires en termes de fiscalité, de subventions et/ou de réglementation ?

Comment se fait le partage entre l’État et les collectivités dans le soutien aux implantations d’usine ?

Les politiques de formation professionnelle aux métiers industriels sont-elles capables de s’adapter à des projets en cours ou futurs ? Sont-elles suffisamment flexibles pour cela ? À quel niveau les décisions sont-elles prises ?

Les politiques de logement des territoires sur lesquels veulent

THÈME 1 : LES DÉTERMINANTS DE L’IMPLANTATION D’UNE USINE

s’implanter les entreprises s’adaptent-elles à des projets d’implantation d’usine ? Sont-elles suffisamment flexibles pour cela ? À quel niveau les décisions sont-elles prises ?

3. Mobilisation des diffférents acteurs

Quel est le pouvoir décisionnaire réel des parties prenantes (pouvoirs publics, associations, industriels, syndicats patronaux) dans l’implantation d’une usine ?

Quel est le rôle et le poids du lobbying industriel ?

Quel est le rôle du maire dans la décision ? A-t-il un pouvoir de barrage ? Joue-t-il un rôle de conviction auprès de la population ?

Quel est le degré d’indépendance des acteurs qui s’occupent des enquêtes publiques et des rapports ?

Y a-t-il des consultations locales de la population organisées par les collectivités territoriales pour un projet d’implantation industriel ?

De quelles informations un citoyen dispose-t-il lors de l’implantation d’une usine ? Cette information est-elle suffisamment accessible pour le citoyen ?

Les riverains sont-ils indemnisés lors de l’implantation d’une usine ?

Comment s’organisent les riverains pour protester contre l’implantation d’une usine ? Faut-il une structure associative ?

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Observatoire Fives des usines du futur 77

/ DANS LES ROUAGES DE L’USINE

Y a-t-il des soutiens possibles au niveau national (ONG, partis politiques, associations) ?

Quels sont les recours possibles ?

4. Zones industtrielles et pôles de commpétitiviité

Pourquoi créer de nouvelles zones industrielles plutôt que réhabiliter l’existant ?

Comment les zones industrielles sont-elles créées ?

Quelles difficultés rencontre un responsable de zone industrielle ?

Quelles difficultés rencontrent les pôles de compétitivité ?

THÈME 2 : L’USINE ET SON TERRITOIRE

1. Avantages/cooûts liés à la pprésennce de l’usine

Quels sont les bénéfices à court, moyen et long termes d’une implantation d’usine pour les différentes parties prenantes, notamment pour la collectivité d’accueil, ses habitants ? Ces bénéfices sont-ils prévisibles ?

Quels sont les coûts pour une collectivité territoriale en termes d’infrastructures ? Qui prend en charge ces coûts ? Sont-ils prévisibles ?

Existe-t-il des spécialistes de l’évaluation des impacts de l’implantation d’une industrie ?

Quelle est le rôle des cabinets de stratégie ?

2. Obligations rréglemenntairees appliquées à l’uusine

Quelles sont les obligations réglementaires de l’entrepreneur en termes de risques et surtout de nuisances lors de l’implantation d’une usine ? Quel parcours réglementaire doit faire aujourd’hui une usine pour s’implanter ? À quels coûts ?

Quelle est l’évolution de ce parcours réglementaire ? Est-il de plus en plus ou de moins en moins contraignant ?

Est-il fréquent qu’une usine commence à se construire avant d’avoir obtenu les autorisations ? Quelles en sont les conséquences pour l’industriel ?

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DESSINE-MOI L’USINE

DU FUTURQuand les citoyens interpellent les industriels et les politiques,

et expriment leurs exigences.

4.

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UN DISPOSITIF UNIQUERencontre entre les citoyens et les experts débatteurs

Au cours du débat public du 7 novembre 2012, les 15 citoyens ont eu l’opportunité d’interroger de vive voix des porteurs d’intérêt de haut vol : des experts, mais aussi des parties prenantes, des personnalités qui ont connu ou connaissent aujourd’hui la problématique soumise aux citoyens, qui ont été impliqués, et parfois même se sont concrètement engagés, dans le sujet de l’acceptabilité des sites industriels.

À l’issue des modules de formation, les citoyens avaient formulé le souhait de débattre avec des experts aux profils très spécifiques, capables de répondre aux questions qui subsistaient : des hommes politiques, des représentants d’associations de riverains, des membres de l’administration territoriale, des chefs d’entreprise industrielle… Ces porteurs d’intérêt avaient donc pour mission de fournir aux citoyens les dernières clés pour rédiger leur charte de recommandations, un avis informé, circonstancié et consensuel.

UN ANCIEN MINISTRE ET ÉLU LOCAL : Hervé Novellia répondu aux citoyens selon un double, voire un triple point de vue : celui d’ancien ministre en charge des PME, d’ancien dirigeant d’une entreprise familiale, mais aussi celui d’élu, maire de la commune Richelieu, qui doit gérer la proximité de sa localité avec la centrale nucléaire de Chinon.

UN REPRÉSENTANT DE L’ADMINISTRATION TERRITORIALE : Jean Guellec,administrateur civil au ministère de l’Économie et des Finances, était parfaitement à même d’expliquer aux citoyens les méandres et les critères de jugement de l’instruction d’un dossier industriel, ainsi que les moyens de soutenir économiquement le développement d’un territoire.

DEUX ACTEURS INDUSTRIELS FRANÇAIS : Jérôme Frantz, président de la FIM. Grand défenseur de la compétitivité des entreprises françaises, Jérôme Frantz a donné son point de vue personnel, mais aussi

le point de vue collectif des patrons d’usines, sur les conditions de production et de compétitivité en France.

Bruno Bouygues, président-directeur général de GYS. En tant que responsable d’une usine mécanique implantée en France, Bruno Bouygues a expliqué, sa gestion quotidienne de l’usine et les atouts de la France pour son activité… GYS ayant également des usines en Chine, il a apporté des éléments de réponse aux citoyens sur la problématique des délocalisations et relocalisations.

DEUX REPRÉSENTANTS D’ASSOCIATION DE RIVERAINS : Lydie Némausat, membre de la Frapna (Fédération Rhône-Alpes de Protection de la Nature).En 2008, la Frapna est intervenue dans l’affaire de l’usine Arkema à Jarrie. Une étude avait révélé des taux importants de mercure atmosphérique à proximité. La Frapna a agi pour que des mesures soient prises afin de réduire ces pollutions. En retour, Arkema s’est engagée à remplacer l’ancienne technologie polluante (la nouvelle

Sept experts de haut vol ont accepté de se prêter à cet exercice et de participer au débat public.

technologie devrait être effective début 2014). L’expérience de Lydie Némausat a procuré aux citoyens un exemple éclairant de coopération, à partir d’une opposition ayant permis d’améliorer en même temps les processus et le respect de l’environnement d’une usine : une mobilisation citoyenne aboutissant à une situation de gagnant-gagnant. Yves Vaunaizeest un militant associatif de l’association Agir à Villejuif.

UN PROFIL À LA CROISÉE DES CHEMINS : Jacques Khéliff a contribué aux débats avec un triple regard : celui de l’ancien ouvrier, celui de l’ancien syndicaliste à responsabilités et, enfin, celui de l’industriel préoccupé par les questions environnementales et de développement durable dans les usines.

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RECONSTITUTION DU DÉBAT PUBLICTémoignage d’Hervé Novelli

dichotomie entre le marché, l’entreprise et la mondialisation, d’une part, et l’opinion, la démocratie et les représentations d’autre part. La mondialisation éloigne de plus en plus ces deux blocs l’un de l’autre, et les citoyens se sentent de moins en moins investis et responsables des démarches qu’ils observent pourtant autour d’eux. Il est crucial, selon moi, de combler ce fossé pour que la démocratie garde tout son sens.Une démarche comme celle de Fives, qui essaie de recréer une phase d’écoute et de dialogue entre des populations très différentes et qui, souvent, s’ignorent – l’entreprise et les citoyens lambda – me paraît donc pertinente. C’est l’originalité de cette initiative telle que je la percevais avant d’y participer qui m’a intéressé, puisqu’elle permet à l’entreprise de se confronter à des gens ordinaires. Dans le débat public, cette confrontation permet de rapprocher les points de vue de ces deux mondes qui s’ignorent sur des sujets importants. Le débat auquel j’ai pris part m’a paru de qualité. Les citoyens avaient été bien accompagnés. Ils semblaient réfléchir en osmose et en équipe, plutôt que comme une somme d’individualités. On sentait qu’il y avait eu beaucoup de travail en amont et qu’ils étaient heureux de prendre part à cet événement. En revanche, il m’a semblé que le débat manquait un peu d’ordre et que l’on a abordé des thématiques un peu trop larges (fiscalité, Europe…). J’ai regretté que l’on se soit concentré, du moins pendant que j’étais présent, sur des sujets non prioritaires, quoiqu’importants :

des questions très locales sur le rôle des collectivités, les aides et subventions. Il me semble que le vrai sujet était ailleurs, et concernait plutôt les outils dont disposent les citoyens pour adhérer ou s’opposer à une implantation industrielle. J’aurais aimé aborder davantage ce sujet, qui a été débattu plus tard. Le message principal que j’ai souhaité transmettre aux citoyens à cette occasion est le suivant : n’ayez pas peur des implantations industrielles ! D’immenses progrès ont déjà été réalisés, et les industriels et les politiques font en sorte qu’ils se poursuivent. Lorsque j’ai repris l’entreprise de mon père à Richelieu, les usines étaient au centre de la ville. Depuis, avec l’émergence des zones d’activités en périphérie, les sites se sont regroupés hors de la cité, ce qui est une immense avancée. Dans la charte élaborée par les citoyens, une partie des recommandations s’adresse aux pouvoirs publics, collectivités et élus qui ont “un rôle majeur à jouer dans le rapport de confiance entre l’usine et les riverains”. Les citoyens recommandent, dans certains cas précisément définis, que des “dispositifs de consultation des citoyens pour l’implantation de sites industriels d’importance soient mis en place”. Ils proposent l’organisation de référendums, qui supposent “une campagne qui permettra une meilleure information et une meilleure réflexion de la part des citoyens”. Je suis convaincu que cette idée va dans le bon sens et j’y suis très favorable. Elle rejoint mes préoccupations et ma volonté de redonner aux citoyens une véritable influence sur les décisions qui les concernent. ”

Hervé Novelli, comme le montre son parcours, aime et connaît bien l’industrie et ses acteurs. La question qu’ont explorée les citoyens sur les bénéfices ou les dangers d’une usine et les conditions d’une intégration réussie, revêtait pour lui une dimension non seulement concrète mais aussi politique, avec un fort enjeu de démocratie. Hervé Novelli n’a pu participer qu’à la première partie du débat public.

J’ai trouvé la méthode et l’initiative de la conférence de citoyens de Fives intéressantes dans la mesure où j’avais déjà constaté qu’un nombre croissant de nos concitoyens se sentent de moins en moins parties prenantes de décisions, ou en capacité de peser sur les processus d’implantation ou de développement d’entreprises. Je suis convaincu, dans mes réflexions personnelles sur les rapports de l’entreprise à la société civile, qu’il y a une véritable

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RECONSTITUTION DU DÉBAT PUBLICTémoignage de Lydie Némausat

La démarche qui consiste à mettre face à face des citoyens préalablement formés et des experts variés m’a semblé vraiment intéressante. J’étais curieuse de prendre connaissance du résultat final : la charte de recommandations des citoyens.

J’ai trouvé l’exercice constructif, les questions variées et pertinentes, les échanges entre experts enrichissants. Comme toujours dans ce genre de débat, le temps semble trop court, certaines questions auraient mérité d’être plus approfondies, mais cela n’aurait pas permis de faire le tour des interrogations.

En tant que salariée de la Frapna et représentante des intérêts des riverains et des citoyens en matière d’environnement, j’ai souhaité insister sur l’importance d’avoir une vision globale et de ne pas systématiquement voir le respect de l’environnement comme une contrainte. Au contraire, il n’y a pas forcément d’opposition entre environnement et performance ou développement économique.

Les débats se sont portés sur les bénéfices liés au fait qu’une usine soit bien connectée à ses riverains et sur le bonus pour l’environnement que cela implique. Une implantation peut, en effet, permettre de reconnecter la population au monde industriel car, après tout, le riverain est consommateur de cette industrie – même si, bien souvent, les riverains n’ont pas vraiment idée de l’activité des usines installées près de chez eux, d’où l’importance

d’une meilleure communication et d’une plus grande transparence. De plus, il n’est pas souhaitable que les entreprises délocalisent, qui plus est dans des pays qui n’ont pas, la plupart du temps les mêmes exigences en termes de sécurité et d’environnement que la France. Il est donc important que des usines puissent se développer en France.

Les citoyens et les débatteurs se sont accordés à reconnaître la différence entre les nuisances et les pollutions industrielles intentionnelles et involontaires. En effet, il est révoltant de voir que des industriels peuvent se permettre impunément de ne pas respecter la réglementation, soit par manque de moyens de l’administration, soit parce que certains industriels ont le bras long, soit en faisant du chantage à l’emploi.

Je garde un bon souvenir du débat de citoyens, cette expérience a été très enrichissante. Le fait que les citoyens aient été formés en amont a permis d’avoir des questions de qualité et un bon niveau d’échange. J’ai été surprise de constater à quel point les questions de fiscalité et de subventions intéressaient les citoyens et, en même temps, qu’ils n’aient que peu conscience des moyens d’actions et des informations qui existent pour eux (enquêtes publiques, documents mis à disposition du public…).

La charte de recommandations que les citoyens ont élaborée sur les conditions d’acceptabilité des usines me paraît

La Frapna (Fédération Rhône-Alpes de Protection de la Nature, association de protection de l’environnement), au sein de laquelle travaille Lydie Némausat, agit en étroite collaboration avec France Nature Environnement. La Frapna œuvre à la veille écologique (avec une expertise naturaliste notamment) et à l’éducation à l’environnement. Lydie Némausat était particulièrement concernée par les questions sur la défense des riverains et les impacts environnementaux des usines. C’est donc naturellement qu’elle s’est prêtée au jeu du débat de citoyens.

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de grande qualité. Les recommandations formulées répondent à des préoccupations majeures de la Frapna. Les priorités des citoyens sont les mêmes que l’on défend : la réduction du risque à la source (appelée “non-dangerosité” dans la charte) et l’usine propre.

De même, les exigences de communication et de transparence que les citoyens ont mises à jour me paraissent indispensables, tout comme la nécessité de mieux sanctionner les industries polluantes. Dans leur charte, les citoyens demandent aux associations de protection de l’environnement de tenir l’intérêt général comme un critère central dans leur appréciation des situations conflictuelles. En tant qu’association de protection de l’environnement, nous n’avons en effet aucun intérêt personnel à défendre. Nous sommes bien les représentants de l’intérêt général et essayons de nous faire entendre en tant que tels.

Nous avons donc présenté l’intérêt et les enjeux de cette démarche de conférence de citoyens aux représentants bénévoles de la Frapna, dans les instances de concertation liées aux risques industriels (CLIC, Comités Locaux d’Information et de Concertation). Nous diffuserons également la charte de recommandations auprès d’eux.

Avant même que les citoyens ne rédigent leur charte, je définissais l’usine du futur comme une “usine propre, respectueuse de l’environnement et de la santé de ses salariés et des riverains. Elle doit être

transparente et communicante sur la question des risques, tout en travaillant à la réduction optimale de ces risques à la source”. Je suis frappée de retrouver parfaitement cette vision au cœur de la réflexion et des recommandations que les citoyens ont élaborées. ”

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RECONSTITUTION DU DÉBAT PUBLICTémoignages de Jérôme Frantz et Jacques Khéliff

J’ai accepté de participer à cette conférence de citoyens d’abord par curiosité et aussi avec l’envie de voir confirmée mon opinion sur le grand public. Je suis persuadé, depuis toujours, que nous sommes, nous, citoyens français, très ouverts au monde et au fonctionnement de celui-ci ; qu’il suffit de nous expliquer et de nous donner les moyens de comprendre pour que nous adhérions à des messages et des concepts qui jusque-là n’emportaient, par ignorance, que notre suspicion et notre méfiance.

J’ai été plus que comblé par cette expérience en voyant tant l’analyse que les recommandations qui ont été émises par les acteurs de cette conférence. C’est une vraie leçon. Peut-être une piste d’évolution de notre démocratie. ”

Directeur général d’une entreprise industrielle en France et président de l’organisation professionnelle représentant les patrons des industries mécaniques, Jérôme Frantz a pour mission de sensibiliser les décideurs politiques et économiques, ainsi que le grand public, au rôle de l’industrie mécanique dans le cadre des enjeux économiques et environnementaux actuels. Grand défenseur de la compétitivité des entreprises françaises, il a fourni aux citoyens, lors du débat public, son point de vue personnel mais aussi le point de vue collectif des patrons de sites industriels sur les conditions de compétitivité de l’industrie française, ses leviers et ses freins, et sur la réalité quotidienne de la gestion d’une usine.

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J’ai été frappé par le caractère extrêmement intéressant et fécond de l’idée même de conférence de citoyens. C’était la première fois que je prenais part à l’une d’entre elles et je n’ai pas été déçu.

Le débat était organisé autour d’un thème passionnant dans l’absolu, assez technique et qui comporte des enjeux cruciaux pour l’économie nationale. Compte tenu de mes fonctions et de mes responsabilités au sein d’un groupe d’industrie chimique, le sujet me concernait au premier chef. Ce sentiment d’implication personnelle a évidemment renforcé le plaisir que j’ai eu à participer à cet événement.

J’ai beaucoup apprécié la façon dont le débat de citoyens avait été préparé depuis plusieurs mois. Tout s’est très bien déroulé, de manière très fluide. Les échanges avec les citoyens étaient, honnêtement, de grande qualité. Il était très plaisant de voir des « novices » bien formés poser des questions pertinentes et obtenir, à leur tour, des réponses qui leur permettaient de se forger une vraie opinion, personnelle mais éclairée.

La conférence de citoyens de Fives, ce n’est certes pas la panacée, mais c’est une initiative clairement positive. C’est une forme d’échanges très riche qui contribue à la démocratie participative. En particulier sur les questions industrielles, tout ce qui permet aux acteurs de se connaître et de se reconnaître doit être encouragé. ”

Participant à sa première conférence de citoyens et encore peu au fait de son fonctionnement, Jacques Khéliff, directeur du développement durable de Rhodia puis Solvay, avoue avoir été très positivement surpris par la qualité des échanges, l’honnêteté intellectuelle des débats et la transparence de la démarche de Fives.

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sur des points cruciaux qui concernent tout le monde, que l’on se préoccupe de notre ressenti, m’a interpelée. J’avais ainsi l’opportunité de devenir un porte-parole de l’ensemble de la population française et de jouer un rôle dans la société à un moment donné.

Les connaissances que vvous avvez acquises au courrs de cettee démaarche ont-elles modifiéé votre vision de l’industrie et dde l’usinee ? Les experts que nous avons rencontrés, tant lors des formations que du débat public, nous ont exposé la situation et nous ont éclairés sur le sujet sous des angles très nombreux. Ils m’ont permis de me construire une opinion plus complète. Si je n’avais pas reçu cette formation, j’aurais sans doute conservé une vision plus dure, plus tranchée et plus négative de l’industrie et des industriels. Certes, notre situation économique n’est pas brillante, mais j’ai obtenu des réponses qui m’ont permis de nuancer et de diversifier mon point de vue. Pour autant, je ne me suis pas sentie influencée dans ma réflexion, d’autant qu’à aucun moment je n’ai émis, comme cela aurait été le cas si j’avais répondu à un sondage, une opinion personnelle. Je me suis réellement attachée à fournir une réponse globale qui reflétait le point de vue de la majorité des citoyens interrogés et, au-delà, de la population française. Mon sentiment est qu’aujourd’hui, les Français sont désinformés ou, plutôt, qu’ils reçoivent un trop-plein d’informations et ne savent pas les interpréter correctement. Recueillir des connaissances issues de différentes sources et points de vue a

été très utile pour affiner et nuancer ma réflexion. Lors des modules de formation et du débat public, la présence d’experts avec une position un peu contestataire – en particulier Maryse Arditi (représentante de France Nature Environnement) et Lydie Némausat (chargée de mission veille écologique au sein de la Frapna, association de protection de la nature) – et qui portaient un regard très différent sur la question, a été très importante. Cette présence nous a permis de voir les choses sous un autre angle.

Comment se soont dérouulées les sessions de foormation ? Le programme de la formation était très complet. Les enseignements ont couvert, selon moi, l’ensemble des connaissances nécessaires pour comprendre les tenants et aboutissants du sujet. Les experts étaient issus d’une panoplie de métiers très différents et se complétaient très bien. Les modules se sont déroulés un peu comme à l’école. C’était intense, nous avons eu une masse d’informations importante à absorber, mais c’était très intéressant ! Ces formateurs, tous des experts très pointus dans leurs domaines respectifs, se sont prêtés à un véritable exercice de style : ils ont su nous faire passer des connaissances en les rendant accessibles, alors que nous ne sommes pas issus de leurs milieux d’experts. Ils ont fait preuve d’une grande intelligence dans la transmission de leur savoir, ont adopté un autre langage et se sont mis à notre niveau. Si, malgré tout, nous ne les comprenions pas, nous pouvions toujours poser des questions. Tous les formateurs se sont montrés très abordables. Avec Denis Martin, pourtant directeur

Recrutée par l’Ifop pour participer à la conférence de citoyens de Fives et aux week-ends de formation qui l’ont précédée, Isabelle est la porte-parole des citoyens désignée pour présenter les conclusions du groupe et la charte de recommandations devant le public, le 7 novembre 2012. Cette femme de 47 ans, manager chargée de clientèle et responsable de 14 personnes à Lyon, s’est prêtée au jeu de l’interview.

Pourquoi avez-vvous, à l’ooriginee, accepté de particciper à la conférence de citoyens de Fiives ? Qu’’est-cee qui a suscité votrre intérêtt et attisé votre cuuriosité ? Lorsque la recruteuse de l’Ifop à Lyon m’a contactée, j’ai trouvé le sujet de la conférence très intéressant en soi car il supposait que l’on s’interroge en tant qu’individu, salarié et citoyen sur une question majeure. Réciproquement, le fait que nous – gens simples, citoyens, salariés et individus – soyons interrogés

RECONSTITUTION DU DÉBAT PUBLICTémoignage d’Isabelle, porte-parole des citoyens

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de PSA Peugeot Citroën, nous avons eu un très bon contact et nous n’avons pas senti la moindre barrière entre lui et nous. J’ai beaucoup apprécié le module de Stéphane Caplier, qui nous a montré qu’il est possible de créer une dynamique économique positive dans une région, le Nord-Pas-de-Calais, dont nous avons une vision plutôt pessimiste.

Quelle était la dynamiquue au sein du groupe de 15 citoyens ? Au sein du groupe de citoyens, j’ai remarqué un certain manque d’homogénéité. Même si je respecte les différences de personnalités et le fait que certains soient plus timides que d’autres, j’ai regretté que quelques citoyens soient moins impliqués. J’avais personnellement le sentiment d’avoir signé un contrat moral avec l’Ifop et Fives pour participer à ces journées de travail. Nous avons beaucoup travaillé en petits groupes, surtout pour préparer le débat public, et les échanges ont été intenses et spontanés.

Au cours du débbat publicc avec les experts porteeurs d’intéérêt, vous avez posé ddes questiions reelativees à la fiscalité des entreprisses inddustrieelles et aux subventionns : en quoi ce ssujet vvous a-t-il intéressée eet qu’avezz-vous appriss ? Ces questions m’ont semblé utiles car elles permettaient d’éclairer les démarches nécessaires pour créer et faire vivre une entreprise industrielle. Ce domaine m’était totalement étranger et j’avoue que je ne m’étais jamais intéressée à ces questions. J’ai découvert à quel point ces démarches étaient nombreuses, compliquées et obscures. On aimerait que l’industrie se développe davantage sur notre territoire

mais on a l’impression qu’il y a beaucoup de barrières du fait de la complexité, de la longueur et du coût de ces procédures pour un industriel qui souhaiterait s’implanter en France.

Comment avezz-vous juggé le déroulement ddes débatts et laa qualiité des interventions des expperts ? J’aurais préféré que le débat soit plus informel, presque comme une conversation, mais étant donné le nombre d’experts et de citoyens présents sur scène, je vois mal comment nous aurions pu faire mieux. Il fallait bien cadrer les échanges. Nous n’avons pas eu le sentiment que les experts qui ont débattu avec nous étaient des porteurs d’intérêt ni qu’ils prêchaient pour leur paroisse. Au contraire, ils exposaient bien les faits pour élargir notre réflexion et se sont montrés très abordables. Ce sont des experts, certains sont même des personnalités politiques, qui savent pourtant bien transmettre leurs messages et se mettre à notre niveau. Nous avons pu discuter avec eux de manière simple et directe, alors que nous avons rarement l’occasion de rencontrer de telles personnalités « vues à la télé », comme Hervé Novelli.

Quels sont les messagess des eexpertts qui vous ont marrquée ou surprisse ? Tous nous ont transmis de nouvelles connaissances mais certains, comme Lydie Némausat ou Jacques Khéliff, se sont affranchis de la langue de bois. Ce dernier m’a impressionnée par sa double, voire triple casquette. À l’intérieur de l’entreprise, de simple salarié, il a évolué et pris différentes responsabilités. Il m’a semblé avoir un regard juste et proche

du quotidien des citoyens. Il s’exprimait d’une manière différente, bref il détonnait. C’était très bien qu’il soit présent, car il n’a pas eu peur de monter au créneau et de nous faire profiter de son expérience.

Comment s’estt dérouléee la réddactioon de la charte de reecommanndatioons des citoyens sur les conditions d’acceptabilité des usiness ? La rédaction de la charte a été un exercice de style difficile ! Sous la contrainte d’un timing très serré, en à peine quatre heures, il a fallu rédiger correctement, et de manière synthétique et consensuelle, un document que nous voulions de grande qualité. Définir de grands thèmes, exprimer les idées de tous et les ordonner de façon structurée, ce n’était pas une démarche habituelle pour nous. Cet exercice a été compliqué car il fallait que tout le monde participe. Le but était de parvenir à un consensus véritable, à un vrai travail de groupe, à une décision collégiale et non à l’expression des idées de quelques citoyens. Chacun avait une place et un rôle à jouer, c’est d’ailleurs pour cela que nous avions été choisis. Il y a eu beaucoup de tension et de stress, mais c’était surtout du bon stress lié à l’envie de bien faire, car nous étions conscients de la masse de travail à fournir et nous prenions notre mission à cœur.

Vous avez été ddésignée ppour reestituer le contenu de la charte dee citoyyens devant le public. Commennt avezz-vouss vécu cette expérrience et qquel esst, pouur vous, le point cenntral de ccette charte ? J’ai interprété cette désignation comme un signe de reconnaissance pour mon travail

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et comme un honneur. J’ai été heureuse d’être l’une des deux porte-parole du groupe et de rapporter les propos de 15 personnes. C’était une expérience très positive.J’ai très bien vécu cet exercice, alors que je n’ai pas du tout l’habitude de prendre la parole en public ! Je pensais être très stressée, mais le fait que l’audience soit plongée dans le noir m’a permis de me détendre. C’est un très bon entraînement que je renouvellerai avec plaisir, d’autant que je ne me suis pas lancée en terrain totalement inconnu, je connais bien le sujet.À la fin de la restitution, Frédéric Sanchez, le patron de Fives, a reconnu que nos recommandations lui donnaient des pistes de réflexion pour son entreprise et qu’il allait les prendre en considération. C’est très valorisant pour notre travail ! Pour moi, le point le plus important de cette charte est notre recommandation de mettre en place davantage de concertation avec les habitants sur les projets d’implantation de sites industriels. Je suis favorable aux implantations si elles créent des emplois, mais cet argument ne doit pas se muer en chantage. Tout le monde est d’accord sur le principe qu’un site industriel qui se crée dans une zone génère des emplois, mais on ne doit pas l’accepter à n’importe quel prix. C’est cette concertation réelle entre les différents acteurs qui me tient à cœur – une opposition ferme et un refus catégorique des implantations, ce qui serait absurde, mais une vraie concertation.

Quelle est votrre vision ppersonnnelle de ce que sera ouu devra êttre l’ussine du futur ?Pour moi, l’usine du futur sera un site industriel harmonieux, qui s’intègrera

le plus agréablement possible dans le paysage, qui sera en harmonie avec l’ensemble, créateur d’emplois et peu polluant. L’usine du futur sera en interaction avec les parties prenantes aux alentours grâce à plus d’échanges et plus d’intégration dans la vie locale, et elle sera mieux connue des riverains. Les industriels qui créent des usines devront avoir des relations de partenariat plus étroites avec la population locale et une meilleure connaissance de ses différents acteurs. C’est important pour qu’on ne voie plus l’usine comme un « grand méchant loup » et pour qu’un site qui se crée soit mieux accepté par son environnement et sa population, sans heurts. C’est une vision rêvée, mais je suis convaincue qu’il y a des pistes à trouver qui peuvent nous en rapprocher. Beaucoup d’efforts ont déjà été accomplis dans ce sens et il y a eu une vraie prise de conscience, mais ce n’est pas encore parfait. Les industriels ont encore beaucoup à faire et les choses doivent encore évoluer. On a vu des progrès se concrétiser aux États-Unis ou en Angleterre, des usines futuristes en harmonie avec leur environnement. Voir ou travailler dans un site industriel agréable à l’œil et non polluant, c’est important. On accueillerait mieux une cimenterie si elle n’était pas inesthétique et ne dégageait pas de fumées polluantes. Il est vraiment important de ne pas accepter une implantation industrielle à n’importe quel prix, même si elle va générer de l’emploi. Le travail de Thierry Bogaert, architecte industriel qui œuvre pour que les sites

soient plus beaux, m’a paru très important. Heureusement que ces gens-là existent, car une cimenterie au bout de La Rochelle, au lieu d’une belle plage, ça me navre. Bien sûr, la cimenterie va générer des emplois, mais le prix à payer me paraît trop lourd pour les citoyens, les promeneurs, ceux qui souhaitent élever leurs enfants dans cette région. Je supporte mal qu’on nous prenne en otage avec l’argument de l’emploi pour réaliser des projets objectivement inacceptables. S’il y avait davantage de concertation, les projets industriels seraient plus raisonnables, on aboutirait à des situations moins extrêmes que le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, par exemple. Je suis convaincue que plus de concertation permettrait d’éviter de tels blocages.

En conclusion, qque retirezz-vous de l’expérience de la conférennce de ccitoyens ? C’est une expérience extrêmement riche qui m’a permis de rencontrer, tant parmi les citoyens que parmi les experts, des personnes d’horizons complètement différents avec lesquelles il était très intéressant d’échanger. J’ai beaucoup apprécié que nous, gens « basiques » mais qui pensons comme la majorité des Français, soyons interrogés sur une question d’actualité. Nous représentons une frange conséquente de la population, et c’est important qu’on s’intéresse à nos réponses et qu’on les prenne en considération, comme Frédéric Sanchez a dit qu’il essayerait de le faire. Même si nous ne sommes pas des experts, mais plutôt des gens simples, nous avons été touchés qu’il reconnaisse que nous avions fourni un travail et des recommandations de qualité.

RECONSTITUTION DU DÉBAT PUBLIC

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LES CITOYENS PRENNENT LA PLUME… ET LA PAROLELa charte de recommandations des citoyens

À quelles conditions (en termes d’espérance de développement pour vous et votre territoire, mais aussi de garanties pour l’environnement et la population) accepteriez-vous, vous personnellement, qu’un site industriel s’installe près de chez vous ?

La question posée s’inscrit dans un contexte de crise économique et sociale, et de désindustrialisation de la France.

Nous, citoyens, avons pris conscience, à travers nos formations et le débat public, de l’importance de la réindustrialisation de la France dont le redressement économique, la croissance, l’image et le rayonnement dépendent en partie.

Plus précisémentt, la réinddustrialisatioon de la France est iimportante pouur les raisons suivanntes : L’industrie crée de la valeur, valeur

indispensable pour la défense du pouvoir d’achat, élément aujourd’hui central, et pour le maintien d’un certain niveau social et culturel. La France doit rester un pays attractif

auprès des investisseurs étrangers ;

/ DESSINE-MOI L’USINE DU FUTUR

une industrie dynamique contribue à animer son marché et donc à renforcer cette attractivité. La réindustrialisation étant pourvoyeuse

d’emplois, elle participe au maintien d’une identité française fondée sur le travail ; à l’inverse, la désindustrialisation crée de la précarité, des situations de fragilité économique. La réindustrialisation permet le maintien

d’une compétitivité technique, scientifique, de R&D et d’innovation, de savoir-faire et de formation ; elle empêche la fuite des cerveaux.

Nous notons ausssi l’existeence de freins et de coontraintess qui nnuisennt à cette réindustrrialisationn : En France, le coût de l’énergie est

un poste de dépense important pour l’industrie, même si elle reste

LE CONTEXTE

LA QUESTION

« La protectioon de l’environnnementt est trop souvvent perrçue comme un frrein aloors qu’elle peut êêtre mootricee de progrès teechnoloogiquue et de performmance. »»

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comparativement moins élevé que dans d’autres pays ; l’industrie est très liée à des énergies non renouvelables, ce qui pose le problème de l’épuisement de nos ressources et donc de la recherche de nouvelles sources d’énergie. Le coût du travail reste un frein

à la compétitivité de l’industrie française, mais n’est pas le seul ; les délocalisations sont aussi alimentées par les besoins des industriels d’être près des marchés. Il existe un climat de défiance de la

population dans l’industrie ; on peut penser qu’il existe en France un fond culturel anti-industrie dans les milieux ruraux, renforcé par l’expérience de l’industrie lourde du début du XXe siècle. La protection de l’environnement

est trop souvent perçue comme un frein alors qu’elle peut être motrice de progrès technologique et de performance ; l’industrie est, par ailleurs, souvent pointée du doigt pour sa contribution au réchauffement climatique. L’information distillée par les médias

a renforcé une forme d’aversion aux risques. Le système administratif français, trop

lourd, trop bureaucratique, est un frein à la réactivité des entreprises ; le temps de l’industriel est différent du temps de l’administration ; l’empilement des textes législatifs et réglementaires participe à une complexité difficile à supporter pour les entreprises. La multiplicité des échelons administratifs

complique encore un peu plus la situation. Au final, nous n’avons pas le sentiment

que l’État et les pouvoirs publics soient toujours de réels alliés des industriels. Nous avons l’impression qu’il n’y a pas

de vision nationale de l’industrie ; la décentralisation n’a pas permis de rendre plus efficaces les politiques de soutien aux industries, au contraire, étant donné qu’il n’y a plus d’organisme national chargé de la planification. La fiscalité apparaît comme inégale entre

les territoires et est souvent jugée lourde. Nous avons constaté qu’il y avait des

difficultés dans les relations entre les PME et les grands groupes, notamment au niveau de la recherche ; nous avons, par ailleurs, noté que les grands groupes n’ont pas su préserver un tissu de sous-traitants (notamment dans l’automobile). Nous avons relevé un manque

de mobilité géographique des salariés en France. Il existe enfin une difficulté pour

l’Éducation nationale d’adaptation de ses formations à l’évolution des professions ; le manque d’attractivité des métiers industriels est, par ailleurs, frappant. L’intérêt de la France est d’aller vers la réindustrialisation et donc de chercher à lever ces freins (nous relevons que, parmi les plus jeunes d’entre nous, certains n’ont pas le même sentiment d’urgence concernant la nécessité de réindustrialiser le pays).

Cependant, nous notons que la réindustrialisation de la France risque de peser sur certains territoires et sur certaines populations en particulier. Il nous appartient, en tant que citoyens, de défendre l’intérêt collectif mais aussi de défendre ceux qui seront les plus exposés aux nuisances et aux effets de l’implantation d’usines, c’est-à-dire

« L’industrie, en crééant de la valeur, particippe au développpement économiquee local. Elle crée un écosysstèmee, et de l’activitté sociaale et culturelle : elle vaalorisse le dynamismme et la vitallité d’un territoirre. »

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/ DESSINE-MOI L’USINE DU FUTUR

les riverains. L’acceptation des usines par les riverains est une condition sine qua non de la réindustrialisation de la France.

Au niveau local, lles avantaages de l’implantationn d’une ussine sont les suivants : Elle crée des emplois directs, des emplois

indirects et des emplois induits. L’industrie, en créant de la valeur, participe au développement économique local. Elle crée un écosystème, et de l’activité sociale et culturelle ; elle valorise le dynamisme et la vitalité d’un territoire. Elle induit le développement des

infrastructures et des réseaux de communication. Elle permet de stabiliser la population

rurale et peut limiter la désertification. Elle participe à la formation d’une

main-d’œuvre qualifiée et développe le savoir-faire professionnel de la région. Elle participe à un sentiment

d’appartenance à la région et au développement d’une chaîne de solidarité entre les habitants.

Les freins objectiifs au niveeau local sont souvent les suivants : L’industrie est un vecteur de nuisances

olfactives, sonores et/ou visuelles, et peut être une source de pollution non visible. Elle peut faire courir des risques

sur la santé des riverains, des employés et sur l’environnement. Il y a parfois un manque de personnel

qualifié sur place et de formations adaptées aux entreprises. Le problème du prix et de la disponibilité

du foncier peuvent être un frein à l’implantation.

Le manque d’attractivité de certains territoires, de même qu’un manque de logements, peuvent poser problème pour l’importation de personnels, notamment de cadres. Il existe aussi des craintes plus subjectives

qui limitent l’acceptation par les populations locales de l’implantation d’une usine : - crainte que les subventions données aux entreprises se transforment en hausses d’impôts pour les habitants ; - crainte vis-à-vis des entreprises éphémères, non pérennes, profitant des aides puis disparaissant rapidement ; - crainte de déstabilisation de la population traditionnelle ou locale par l’apport de nouvelles populations extérieures…

« Il existe aussi des craintees plus subjecttives qui liimitent l’acceptation par les populations localess de l’impllantation d’une usine. »

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LES CITOYENS PRENNENT LA PLUME… ET LA PAROLE

Aujourd’hui, la société française est une société qui est à un degré d’évolution tel qu’elle ne peut pas accepter des industries comme il peut en exister dans d’autres pays (en termes d’hygiène, de nuisances). Dans cette perspective, et en ayant conscience des problématiques des entrepreneurs, nous présentons le modèle idéal d’usine qui nous semble acceptable aujourd’hui pour la collectivité.

L’exigence première pour nous est que cette usine de demain soit non dangereuse, c’est-à-dire qu’elle ne fasse pas courir de risques à la population.

Il faut aussi, et ce critère est difficile à considérer comme secondaire par rapport au premier, que cette usine soit propre, c’est-à-dire qu’elle n’engendre pas de pollution de l’environnement, qu’elle fasse appel au maximum aux énergies renouvelables, voire qu’elle soit autosuffisante. Nous pensons, par ailleurs, que les exigences induites par le respect de ces critères ne sont pas nécessairement incompatibles avec les performances économiques que l’usine se doit d’atteindre.

La question des nuisances vient ensuite. Le bruit est celle qui pèse le plus sur les riverains. La nuisance visuelle est aussi importante. L’usine doit donc s’intégrer au mieux dans l’environnement : discrète, intégrée à son paysage, ses proportions doivent être en harmonie avec l’environnement (haut en montagne, plat en plaine, par exemple).

Enfin, l’usine idéale doit être économe en infrastructures locales nouvelles.

Cet idéal doit, selon nous, servir de modèle pour l’industriel et les concepteurs d’usines (constructeurs, architectes) dans leur réflexion sur l’usine de demain.

L’usine n’est pas qu’un objet implanté à un endroit donné du territoire, elle entretient aussi des rapports avec la collectivité et doit établir un climat de confiance.

Cela implique dees exigencces pour les industrieels : L’identité et l’activité de l’usine

qui s’implante doivent être connues. L’industriel doit aussi communiquer sur ses résultats financiers. Les différents acteurs jouant un rôle dans la direction de l’usine doivent être connus, notamment les dirigeants et les actionnaires. Ces éléments peuvent renforcer la confiance que l’on a dans la pérennité de l’entreprise, sans pour autant apporter des éléments de garantie absolue. L’usine doit s’engager dans la vie locale.

Les industriels doivent aller au-devant des habitants, et établir des liens ou des partenariats avec les différents acteurs locaux, comme les écoles (interventions dans les classes, organisation de visites des locaux de l’usine) ou les associations (sponsoring, événements). L’usine doit également offrir des conditions de travail adéquates à ses travailleurs ; sa réputation dépend aussi de ce traitement. Ces éléments peuvent permettre aussi de renforcer l’attractivité de l’usine, de créer une fierté à son égard. L’usine doit entretenir ses relations avec

les élus et avoir, si possible, une personne chargée de l’environnement dans son conseil d’administration.

L’usine doit se responsabiliser en matière de respect de l’environnement dans lequel elle évolue. Le non-respect des normes doit être sanctionné de manière plus lourde. La sanction apparaîtra, de ce fait, plus dissuasive qu’elle ne l’est aujourd’hui. Une concurrence plus loyale entre les usines en sera une conséquence.

Les interactions entre l’usine, entité fermée, et le monde dans lequel elle vit doivent, selon nous, relever de son initiative et ne pas seulement intervenir après un événement spécifique.

L’existence d’un rrapport dde confifiancee entre l’usine et sson territooire immpliquue ensuite des exigeences pouur les collectivités et lees élus : Les collectivités et les élus ont un

rôle majeur à jouer dans le rapport de confiance entre l’usine et les riverains. Le rôle d’information des élus envers les citoyens apparaît majeur. Les élus doivent faire preuve de pédagogie à l’égard de la population, en communiquant sur les aides et les subventions apportées à l’usine et également sur les retombées économiques envisagées. Ceci aidera la population à mieux comprendre les avantages et les inconvénients de l’implantation d’une usine. Les soupçons de connivence doivent être

écartés. Les collectivités et les élus doivent être indépendants vis-à-vis des industries et garantir le respect des normes. Dans certains cas précisément définis,

des dispositifs de consultation des citoyens pour l’implantation de sites industriels d’importance devraient pouvoir être mis en place. L’organisation d’un référendum sera

LES RECOMMANDATIONS

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précédée d’une campagne qui permettra une meilleure information et une meilleure réflexion de la part des citoyens. Les collectivités doivent engager des

démarches proactives afin de mieux connaître les besoins des industriels. Les élus jouent un rôle important dans le développement économique de leur territoire.

Enfin, l’établissemment d’unn rappport de confiance impplique dess exigeences pour les riverainss, les assoociatioons et les médias : Les riverains et les associations ne

doivent pas perdre de vue l’intérêt général. Les usines peuvent présenter un certain nombre d’inconvénients, mais elles sont parallèlement sources de bénéfices multiples pour le territoire. Nous demandons aux associations de défense de l’environnement, qui sont parfois amenées à intervenir sur des conflits opposant industriels et riverains, de tenir l’intérêt général comme un critère central dans leur appréciation des situations. Le rôle d’alerte des médias est important,

et peut parfois aider des riverains à défendre leur cause face à l’implantation d’un site industriel. Néanmoins, nous considérons que les médias doivent garder leur objectivité et leur esprit critique dans leur rôle d’information du public. Leur rôle d’alerte est important mais demande donc un certain discernement.

Pour terminer, nous avons également quelques recommandations qui s’adressent aux pouvoirs publics au niveau national. Nous avons noté que, depuis la décentralisation, la planification industrielle

a disparu. Cela contribue à l’absence de vision industrielle pour le territoire national. Nous considérons qu’il serait utile de revenir à une forme de planification qui permettrait de mieux décider sur quels territoires il est légitime de favoriser l’implantation de telle ou telle industrie. Une meilleure politique d’aménagement du territoire contribuerait à une meilleure acceptation locale des implantations industrielles.

Les pouvoirs pubblics peuvent éggalemeent faciliter l’implanttation inddustrieelle par d’autres biaiss : En agissant d’abord sur la fiscalité : La loi sur le crédit impôt recherche (CIR)

nous paraît utile. Plus généralement, la fiscalité de

l’industrie doit être simplifiée et davantage harmonisée selon les régions.

En réformant également le fonctionnement administratif : si l’on souhaite réindustrialiser le pays, il convient de réduire les délais liés aux procédures administratives et de réduire le nombre d’interlocuteurs.

En valorisant les métiers industriels dans l’Éducation nationale (notamment grâce à la participation des industries elles-mêmes). Cela permettrait au public de mieux comprendre le fonctionnement de l’usine, tout en offrant à l’industrie la possibilité de recruter plus facilement certains métiers qualifiés. Cela permettrait d’endiguer le phénomène de fuite des cerveaux.

En renforçant les liens entre la recherche publique et la recherche privée. Les travaux

publics ne servent pas suffisamment au secteur privé.

Nous considérons aujourd’hui que la réindustrialisation est une urgence absolue pour l’avenir de la France. Nous craignons que la désertification industrielle française ne conduise à des pertes de savoir-faire qui seraient irrémédiables. La valorisation de l’industrie et des métiers industriels nécessite un effort national d’ampleur dans cette perspective. Il en va, pour nous, citoyens, de l’avenir économique et social de notre pays.

/ DESSINE-MOI L’USINE DU FUTUR

« Dans cette perspeectivee, et en ayant cconscieence des problémmatiquess dess entrepreneuurs, nouus présentons le modèèle iddéal d’usine qui nnous seemblee acceptable aaujourdd’hui pour la colleectivité. »

Retrouvez le texte original de la charte des citoyens surwww.lesusinesdufutur.com

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« Le groupe d’ingénierie Fives vient d’organiser une “conférence de citoyens” sur le thème de l’usine de demain. C’est une première pour une entreprise. La méthode - elle consiste à consulter un panel de citoyens sur une grande question - n’a servi jusqu’ici qu’à éclairer les États face à de grandes incertitudes scientifiques ou sociétales (OGM, changement climatique...).

Venant d’un spécialiste de la conception d’usines, l’initiative témoigne des interrogations des industriels sur les priorités à retenir pour leur développement. Au terme de la conférence, les citoyens n’ont certes pas livré de portrait-robot de l’usine du futur ; mais ils ont soutenu que la réindustrialisation passe par une conception écologique, ouverte et partenariale de l’activité productive.

L’histoire du groupe Fives remonte à 1812, quand des pionniers de la construction mécanique (Cail et Fives-Lille) se saisirent des défis inédits posés par la fabrication d’équipements aussi complexes que les locomotives. Aujourd’hui, comme spécialiste mondial de la conception d’usines, Fives est concerné par les incertitudes sur la place et l’image de l’industrie en France, d’où le recours à cette “conférence de citoyens” pour mieux cerner les attentes de l’opinion.

Construire un rrapport dee confifianceUn panel représentatif de 15 citoyens a été choisi par l’institut de sondage Ifop. Ils ont reçu une formation présentant les systèmes industriels, leur organisation, etc.

Puis, après un échange avec des experts, ils ont rédigé à huis clos “la charte des citoyens” pour l’usine de demain. (www.lesusinesdufutur.com). On n’y retrouve pas de réflexions sur l’impact des technologies ou de la concurrence internationale, mais plutôt une vision pour réconcilier industrie et culture contemporaine.

Il y a un siècle, l’usine incarnait les “merveilles de l’industrie” ou les “cadences infernales”. La charte n’évoque plus ces stéréotypes ; elle appelle à la réindustrialisation et invite à lutter contre “un fonds culturel anti-industriel” qui persisterait dans les médias ou les formations de l’éducation nationale. Pour autant, l’industrie de demain doit prendre en compte trois grandes recommandations.

L’usine du futur doit être impérativement écologique : sans dangers, propre, sans préjudices pour l’environnement, sans nuisances (notamment sonores) et peu exigeante en infrastructures.

Elle doit ensuite s’ancrer dans la vie locale : son identité sociale, ses actionnaires, ses activités et ses résultats financiers doivent être connus ; les conditions de travail y être adéquates ; elle doit nouer des partenariats avec la recherche publique, les écoles et les associations, multiplier les échanges et les visites, manifester une volonté réelle d’ouverture et de pérennité.

Enfin, les sites de production du futur doivent construire un rapport de confiance avec les élus et les collectivités locales :

Le 18 déceembree 20012, plus d’un mmois aprèès la tenue dee la coonféérrenncce de citoyenns, dans Le MMondee Éco & Entrreprisee, Armand HHatchuuel a publié uune triibbunne intitulée «« L’usinne de demainn vue parr des citoyeens » qqui commentte et aanalyyse l’impact dde l’iniittiatiivve de Fives.

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aides et subventions doivent être communiquées au public ; tout soupçon de connivence écarté. En contrepartie, riverains et associations doivent s’attacher à “l’intérêt général” pour que leur intervention et leurs alertes gagnent en efficacité.

L’usine idéale qu’un territoire est prêt à accueillir doit donc être conçue et gouvernée pour le progrès collectif. On apprécie les emplois et les retombées économiques qu’elle procure. Mais cela ne suffit plus. On attend qu’elle maintienne et développe toutes les ressources environnementales et sociales qui lui permettent d’exister.

La “conférence de citoyens” ne s’est pas substituée aux experts. Comme dans toute bonne démarche de conception, elle aide à poser un “brief”, une sorte de cahier des charges qui soit le plus proche des idéaux qui nous sont communs. Une usine ainsi conçue serait sans doute le meilleur moyen de créer une nouvelle culture industrielle. »

Armand Hatchuel,professeur à l’École Mines ParisTech

« Au terme de la conférencce, les citoyens n’ont ceertes pas llivré de portrait-robot de l’usine du futur ; maais ils ont soutenu que la réindustrialisation passee par une concception éccologiquee, ouverte et partenariale de l’activité prodductive. »

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Que pensez-vous de la recommandationn formuléée par les citoyens d’avooir une « usine propre » : est-ce selon vouus unee évidence, un clichhé ou unee utoppie ?Je crois qu’il s’agit d’une exigence légitime et intéressante. Légitime parce que tout le monde a bien conscience aujourd’hui de l’impact désastreux d’une usine qui n’aurait pas été conçue ou gérée avec cet objectif de propreté. Les citoyens consultés pensent bien sûr aux rejets, déchets et perturbations de toutes sortes qui peuvent gravement affecter la santé ou le confort des voisins, et atteindre également l’ensemble d’un territoire avec toutes ses activités, y compris agricoles, sa faune, sa flore, ou la qualité de ses eaux. On peut aussi penser aux usines ou aux stockages abandonnés sans avoir été assainis et traités, lors de faillites ou par une négligence fautive.

Intéressante, parce que cette exigence est aussi un challenge pour les concepteurs. Certes, on pense qu’une « usine propre » risque d’être plus chère. Mais ce raisonnement est biaisé, comme tous les raisonnements qui consistent a priori à penser que les contraintes augmentent les coûts. On oublie que la contrainte est aussi un stimulant pour les concepteurs. Concevoir ce type d’usine est une incitation à sortir des procédés les mieux connus, s’ils sont polluants, et à rechercher de nouvelles options. Ce travail de révision peut aboutir à de nouvelles formules étonnament plus efficaces. Ainsi lorsqu’elle est associée à une vraie valeur, la contrainte est un excellent stimulant à l’innovation en conception.

La transparencee et la confiancce que les citoyens exigent ddésormmais des industriels esst-elle suffisantte pour changer la pperceptioon qu’oont les Français de leeurs usinees ? Nee faut--il pas plutôt faire ppreuve dee pédaggogie ?Je partage votre point de vue, la véritable transparence n’est pas passive. Il ne s’agit pas de dire « Nous sommes ouverts, posez-nous des questions et nous y répondrons. » Cette attitude suppose que l’on parte d’une situation de confiance du citoyen vis-à-vis de l’industriel, ce qui n’est souvent pas le cas. Il ne faut donc pas attendre que l’on vous interroge ou que l’on enquête, il faut faire savoir et mettre autant d’effort pour communiquer sur ce que l’on est que sur les produits que l’on vend.

J’insiste notamment sur la structure capitalistique, juridique et financière de l’usine. Les citoyens se font l’écho d’un questionnement inévitable et qui a pris de l’ampleur avec la crise. Certes, l’usine est visible, on en voit les ateliers, les produits, les camions, le personnel… Mais comment ne pas se méfier lorsque l’on découvre que l’usine appartient à une société, qui elle-même est contrôlée par une autre société, que le tout est détenu dans une holding financière, que les agents de maintenance ne sont pas dans cette structure, que les stocks de matières ne sont pas la propriété de l’usine… ? La première question que l’on se pose, c’est évidemment « Qui dirige ? » et ensuite « Avec quelles perspectives ? » Si les pouvoirs publics ou les collectivités

Armand HHatchhueell a acceptéé de rréépoonddrre à trois quuestioonns sur sa visiion ddee l’uusinne de demaiin.

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territoriales apportent des aides, on est évidemment en droit de se demander si elles seront justifiées par une politique d’ancrage pérenne dans le territoire. Toutes ces questions ne peuvent être négligées. On doit expliquer l’ingénierie légale et financière de l’usine de façon à désarmer la défiance des populations ou, au moins, à négocier sur des bases claires les engagements de chacun.

Lorsque vous évvoquez laa créattion d’une « nouvelle culture inndustrrielle »», est-ce une vision uniquemment fraançaisse ? Pensez-vous que la démarrche dee la conférence de cittoyens seerait exxportaable à l’international, par exemmple enn Chinne ou aux États-Uniis ?Je peux attester que le débat de la conférence de citoyens de Fives se retrouve dans de nombreux pays. Il suffit de suivre toutes les discussions sur le web relatives à the factory of the future ou, plus près de nous, la réflexion prospective sur les systèmes de production du futur de l’Agence nationale de la recherche dans le cadre du projet futureprod. Dans tous les cas, on évoque des notions de community service and impact et on s’interroge sur la contribution réelle de ces unités de production au développement national ou local.

La démarche de la conférence de citoyens mérite d’être répétée dans des contextes nationaux et culturels très différents. Il est tout à fait vraisemblable que les priorités ne soient pas les mêmes ou qu’il y ait des attentes très spécifiques (par exemple en matière de formation)

dans certains pays, mais je suis sûr que la plupart des recommandations issues du panel français s’y retrouveront.

« Concevoir une “usinee propre” est une incittation à sortir des procédés lees mieux connnus, s’ils sont polluants, et à recherchher de nouveelles optioons. Ce travail de révision peeut aboutir àà de nouvvelles formules étonnament pplus efficacess. Ainsi lorsqu’elle est assoociée à une vvraie valeeur, la contrainte est un exccellent stimullant à l’innnovatioon en conception. »

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1 Thierry BogaertFondateur du cabinet d’architecture Bogaert. Il intervient depuis longtemps pour des clients industriels et maîtrise parfaitement les nouvelles exigences et les tendances en matière de conception des usines et de leur intégration au sein des villes.

2 Daniel BoyDirecteur de recherche du Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof), spécialiste des rapports entre sciences, technologies et société. Il a posé un regard sociologique sur la question de la place et du rôle de l’industrie dans son environnement social et environnemental.

3 Marc GigetÉconomiste international spécialiste des questions d’innovation industrielle, fondateur de l’Institut européen de stratégies créatives. Il possède une connaissance « terrain » des usines d’une grande variété de secteurs et de tous les continents, et a insisté sur la nécessité de relativiser les réalités industrielles.

4 Alex JordiIngénieur de formation, aujourd’hui consultant. Il a fait carrière au sein de Holcim (l’un des plus grands producteurs mondiaux de ciment) et s’est spécialisé dans le domaine des achats. Fin connaisseur du monde industriel américain, il a mis utilement en perspective la situation de l’industrie française dans la mondialisation.

LES EXPERTS INTERVIEWÉS

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5 Emmanuel JulienFondateur du cabinet de conseil indépendant en énergie et en développement durable Actys Bee. Grâce à sa connaissance internationale du monde industriel et de la gouvernance d’entreprise, il a fourni une perspective optimiste sur la réindustrialisation française.

6 Jean-Louis LevetÉconomiste industriel ayant exercé (et exerçant toujours) de multiples responsabilités dans le domaine de l’action publique en faveur du développement technologique et industriel. Il est l’auteur d’une douzaine d’ouvrages, dont Pas d’avenir sans industrie (2007) et Réindustrialisation, j’écris ton nom (2012).

7 Claire TutenuitDéléguée générale de l’association Entreprises pour l’Environnement (EpE), gérante de Clear Consult et présidente de la société Solsia qui produit des panneaux photovoltaïques. Experte des enjeux environnementaux et de la gestion du risque en usine, elle a contribué à identifier les attentes des Français et les opportunités d’action des industriels pour y répondre.

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1 Marc AoustonDiplômé d’HEC et de l’ESORSEM, Marc Aouston a débuté sa carrière dans le conseil en stratégie et management. Il a ensuite occupé pendant 16 ans des positions opérationnelles et fonctionnelles au sein du groupe international Lafarge, notamment celles de directeur général Lafarge Gyps Polska, directeur marketing France, président de Batirenover SAS (plateforme internet de marketing relationnel) et vice-président communication Groupe. Il a également présidé l’organisation professionnelle Syndicat national des plastiques alvéolaires (SNPA – PSE). Depuis 2011, Marc Aouston est directeur marketing & communication du groupe Fives et membre du conseil stratégique de e-Business Group (EBG).

2 Éric BallotAncien élève de l’École normale supérieure de Cachan, lauréat de l’agrégation, docteur en génie mécanique, Éric Ballot est actuellement expert judiciaire auprès de la cour d’appel de Paris, ainsi qu’enseignant-chercheur sur les systèmes de production et la logistique à l’École Mines ParisTech. Il a mené de très nombreux projets de recherche en collaboration avec les industriels des secteurs de

l’automobile, des semi-conducteurs et des produits de grande consommation à financements privés et publics, y compris européens.

3 Sylvie Bernard-Grandjean

Après un début de carrière à l’international, principalement aux États-Unis puis en Europe, dans des secteurs industriels de pointe au sein d’un grand groupe équipementier automobile français, Sylvie Bernard-Grandjean a rejoint la société Redex, PME familiale leader dans la métallurgie, la sidérurgie et la mécanique. Elle y a développé et restructuré différentes filiales en Europe puis dans les pays émergents, et est actuellement à la tête de la filiale chinoise du groupe. Parallèlement, Sylvie Bernard-Grandjean s’est impliquée dans la formation des jeunes aux métiers de l’industrie, en siégeant dans des organismes paritaires et aux conseils d’administration de différents centres de formation.

4 Thierry BogaertArchitecte, Thierry Bogaert est diplômé de l’École nationale supérieure des beaux-arts de Paris (1979) et du Georgia Institute of Technology d’Atlanta aux États-Unis (1976). Il a fondé Bogaert Architecture en 1982, société spécialisée dans l’architecture industrielle, et a réalisé plus

de 50 projets d’envergure pour le compte de grands groupes industriels. Il est membre de l’AFEX (Architectes Français à l’Export), de l’AIVP (Association Internationale des Villes Portuaires) et chargé de cours à l’ESTP (École Supérieure des Travaux Publics - IGESP) depuis 1998. Il intervient dans de nombreux événements internationaux traitant de l’industrie lourde et portuaire.

5 Michel DancetteDiplômé de l’École Polytechnique et de l’École des Mines de Paris, Michel Dancette a débuté sa carrière d’ingénieur chez Bertin Technologies, dont il fut le directeur de la mécanique et de l’énergétique de 1991 à 1996. Il a ensuite rejoint Fives-Lille en tant que directeur des opérations de FCB. En 2000, il a pris la tête de Fives Cail, spécialisée dans la conception et le développement d’usines et d’équipements pour l’industrie sucrière. Il a rejoint, en 2008, l’équipe de direction du Groupe pour définir et mettre en œuvre la politique de responsabilité sociale de Fives. En 2012, il devient directeur de la responsabilité sociale d’entreprise et de l’innovation du groupe Fives, avec pour ambition de concevoir les équipements industriels et les usines

du futur, plus flexibles et plus respectueux des hommes et de l’environnement.

6 Denis FerrandDocteur en économie de l’université Pierre-Mendès-France de Grenoble, Denis Ferrand est directeur général de Coe-Rexecode depuis décembre 2008. Après avoir été enseignant-chercheur à l’université de Grenoble et avoir conduit des études de terrain en Thaïlande et en Corée du Sud dans le cadre de sa thèse de doctorat, Denis Ferrand a rejoint Coe-Rexecode en 2000 en tant qu’économiste. Il a notamment assuré l’analyse de la conjoncture de la France, de la zone euro et des pays émergents d’Asie. Au sein de Coe-Rexecode, il réalise aujourd’hui le suivi conjoncturel et les prévisions pour l’économie française, et contribue au développement des travaux sur le thème de la compétitivité de l’industrie.Denis Ferrand intervient dans le groupe technique de la Commission des comptes de la Nation. Il est également chargé du cours d’analyse de la conjoncture à l’Institut de Gestion de Patrimoine de l’université Paris-Dauphine.

7 Martine Griffon-Fouco Ingénieur diplômée de l’École nationale supérieure de mécanique et d’aérotechnique (Ensma), Matrine Griffon-Fouco

LES MEMBRES DU COMITÉ DE PILOTAGE

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a été chargée d’études au Commissariat à l’énergie atomique (CEA), avant de rejoindre EDF pour 20 ans. De 1994 à 1998, elle a occupé le poste de directrice du centre de production nucléaire du Blayais, puis est devenue membre du comité exécutif d’EDF et directrice de la communication. Elle a quitté EDF en 2003 pour rejoindre Cegelec en tant que directrice du centre de profit Contrôles non destructifs (France et Allemagne) et directrice commerciale France jusqu’en 2006. Elle est aujourd’hui vice-président exécutif du groupe Assystem et membre du directoire.

8 Emmanuel Julien Emmanuel Julien est président d’Actys Bee, société de conseil en énergie et en développement durable. Auparavant, il a eu un parcours industriel au sein du groupe Air Liquide, dont il a été successivement directeur industriel puis directeur ingénierie au niveau mondial. Emmanuel Julien est ingénieur et administrateur de société certifié.

9 Un représentant des associations et fondations agissant dans le domaine de la protection de la nature et de l’environnement, formateur-consultant en prévention des déchets.

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1 Maryse Arditi Depuis 2009 Maryse Arditi est pilote du réseau énergie et du réseau risques et impacts industriels de la fédération France Nature Environnement. Docteur en physique nucléaire de la faculté d’Orsay, elle a travaillé dans les années 1970 aux premiers travaux sur l’énergie solaire à l’université de Berkeley, en Californie.En 1988, elle a créé avec son compagnon Pitch Bloch, membre du directoire du réseau industrie-déchets, l’association Écologie du Carcassonnais, des Corbières et du Littoral Audois (Eccla). Nommée en 1999 chevalier de la Légion d’honneur pour son action en faveur de l’environnement, Maryse Arditi a présidé l’Ineris (Institut national de l’environnement industriel et des risques) de 1997 à 2002 et est devenue, en 2004, vice-présidente du Conseil régional de Languedoc-Roussillon.Formation : Santé, plan de prévention des risques et empreinte environnementale de l’usine

2 Éric BallotAncien élève de l’École normale supérieure de Cachan, lauréat de l’agrégation, docteur en génie mécanique, Éric Ballot est actuellement expert judiciaire auprès de la cour d’appel de Paris et enseignant-chercheur en systèmes de production et logistique à

Mines ParisTech. Il a mené de très nombreux projets de recherche en collaboration avec les industriels des secteurs de l’automobile, des semi-conducteurs et des produits de grande consommation, à financements privés et publics, y compris européens. Éric Ballot est également auteur de nombreux articles de recherche.Formation : L’écologie industrielle et les réseaux de l’usine

3 Thierry BogaertArchitecte, Thierry Bogaert est diplômé de l’École nationale supérieure des beaux-arts de Paris (1979) et du Georgia Institute of Technology d’Atlanta aux États-Unis (1976). En 1982, il a fondé Bogaert Architecture, société spécialisée dans l’architecture industrielle, et a réalisé depuis plus de 50 projets d’envergure pour le compte de grands groupes industriels. Il est membre de l’Architectes Français à l’Export (AFEX), de l’AIVP (Association Internationale des Villes Portuaires) et chargé de cours à l’École Supérieure des

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Travaux Publics-IGESP (ESTP) depuis 1998. Il intervient dans de nombreux événements internationaux traitant de l’industrie lourde et portuaire.Formation : Conception urbaine, paysagère et architecturale du site industriel

4 Stéphane Caplier Il dirige l’association La Créativallée. Spécialisé en communication, en développement local, en entrepreneuriat et en dynamique de réseaux, Stéphane Caplier œuvre pour le développement des entrepreneurs et des entreprises du Nord-Pas-de-Calais. La Créativallée est hébergée au sein d’une structure patronale unique en France : Entreprises et Cités. Elle anime notamment le réseau des ambassadeurs du Nord-Pas-de-Calais qui compte 1 400 bénévoles, principalement des cadres et dirigeants d’entreprises, afin d’œuvrer pour l’attractivité économique du territoire.Formation : La « géolocalisation » et les déterminants du choix d’un site industriel

5 Sébastien Devroe Sébastien Devroe est ingénieur des Mines (Douai) et docteur en mécanique et énergétique. Depuis 2005, il est responsable de la recherche et du développement au sein de Fives FCB, filiale du groupe Fives dédiée à l’industrie cimentière et au broyage de minéraux, où il œuvre pour le développement de solutions innovantes de réduction de l’empreinte environnementale des cimenteries. Il a débuté sa carrière en tant qu’enseignant-chercheur au sein de la structure Armines des Écoles des Mines. Il a ensuite travaillé chez Alstom sur des procédés de production d’électricité thermique et de concentration et séquestration du CO2 avant de rejoindre Fives.Formation : Procédés et amélioration des process industriels

6 Denis FerrandDocteur en économie de l’université Pierre-Mendès-France de Grenoble, Denis Ferrand est directeur général de Coe-Rexecode depuis décembre 2008. Après avoir été enseignant- chercheur à l’université de

LES EXPERTS FORMATEURS

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Grenoble, et avoir conduit des études de terrain en Thaïlande et en Corée du Sud dans le cadre de sa thèse de doctorat, Denis Ferrand rejoint Coe-Rexecode en 2000 en tant qu’économiste. Il a notamment assuré l’analyse de la conjoncture de la France, de la zone euro et des pays émergents d’Asie. Au sein de Coe-Rexecode, il réalise aujourd’hui le suivi conjoncturel et les prévisions pour l’économie française, et contribue au développement des travaux sur le thème de la compétitivité de l’industrie.Denis Ferrand intervient dans le groupe technique de la Commission des comptes de la Nation. Il est également chargé du cours d’analyse de la conjoncture à l’Institut de Gestion de Patrimoine de l’université Paris-Dauphine.Formation : La désindustrialisation, une fatalité ?

7 Marc GigetMarc Giget est diplômé de l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS) et docteur en économie internationale et économie du développement. Après dix années au poste de directeur de recherche

au SEST (groupe de recherche sur les problèmes Sociologiques, Économiques et Stratégiques liés aux Techniques nouvelles), Marc Giget a créé Euroconsult, un groupe de recherche, d’études et d’évaluation indépendante de grands projets d’innovation, qu’il dirigea pendant 15 ans. Il a été professeur titulaire de la Chaire d’Économie de la Technologie et de l’Innovation au Conservatoire national des arts et métiers à Paris (CNAM) de 1998 à 2008. Il est, par ailleurs, fondateur et président de l’Institut Européen de Stratégies Créatives et d’Innovation et du Club de Paris des Directeurs de l’Innovation.Formation : Typologie et histoire des usines : de l’atelier aux éco-industries

8 Emmanuel JulienEmmanuel Julien est président d’Actys Bee, société de conseil en énergie et en développement durable. Auparavant, il a eu un parcours industriel au sein du groupe Air Liquide, dont il a été successivement directeur industriel puis directeur ingénierie au niveau mondial. Emmanuel Julien est ingénieur et

administrateur de société certifié.Formation : La logique économique et financière qui prévaut dans la gestion d’une usine

9 Denis MartinDenis Martin est titulaire d’une maîtrise de gestion de l’université Paris-Dauphine. Après avoir occupé diverses fonctions de direction au sein de sites industriels pour de grands groupes, notamment Magnetti Marelli, Philips, Valéo et la SNCF, il a rejoint PSA Peugeot Citroën en 2008 en tant que directeur du Centre de production de Rennes. En février 2009, il est nommé directeur des ressources humaines, avant de devenir en 2010 le directeur industriel et le directeur des relations sociales du groupe, membre du comité de direction générale de PSA Peugeot Citroën.Formation : Un panorama des métiers des usines et de leur attractivité

10 Patrick ParisPatrick Paris a effectué une grande partie de sa carrière dans le monde industriel, d’abord au

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sein du cabinet du ministre de l’Industrie, Michel d’Ornano, et du président du Conseil national du patronat français (CNPF) - ancien Medef - François Ceyrac ; puis dans de grandes entreprises comme Schneider, Thomson Grand Public et Trade Arbed France (groupe sidérurgique luxembourgeois). Entré chez Lafarge en 1991, il y a créé la nouvelle direction de l’environnement. Au sein de Lafarge Ciments, il a géré, en tant que directeur du développement et des relations extérieures, le projet de création d’une nouvelle cimenterie en Île-de-France à la fin des années 1990. Il y est devenu expert des stratégies d’intégration de nouvelles unités productives sur les territoires et des stratégies de développement durable, qui passent par le renforcement des relations des directeurs de sites avec les parties prenantes.Depuis 2010, il est le gérant fondateur de la société Action Contexte Conseil.Formation : Petit précis d’économie industrielle sur les apports de l’usine et son évolution dans le temps

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1 Bruno BouyguesBruno Bouygues est le président du groupe GYS depuis 2004. GYS est un groupe industriel familial français situé à Laval qui compte 470 salariés. Il fabrique des postes de soudure, des équipements de carrosserie et des chargeurs de batterie pour un chiffre d’affaires de 60 millions d’euros, dont 50 % réalisés à l’international. Bruno Bouygues est diplômé d’une formation d’ingénieur et d’un MBA. Il codirige depuis 2004 le groupe GYS aux côtés de son père, Nicolas Bouygues, après des expériences en banque d’affaires à Londres et à New York, puis dans un cabinet de conseil parisien. Bruno Bouygues s’est investi dans les départements commerciaux, la R&D ainsi que la construction des filiales commerciales internationales de GYS. Avec plus de 100 jours par an passés à l’étranger, il a contribué à l’essor du groupe sur de nombreux marchés internationaux.

En tant que responsable d’une usine mécanique implantée en France, Bruno Bouygues a expliqué, sa gestion quotidienne de l’usine et les atouts de la France pour son activité… GYS ayant également des usines en Chine, il a apporté des éléments de réponse aux citoyens sur la problématique des délocalisations et relocalisations.

2 Jérôme FrantzDepuis 1995 Jérôme Frantz est directeur général de Frantz Electrolyse, spécialiste de la protection des métaux pour l’industrie automobile, situé à Villeneuve-la-Garenne. Le site emploie 200 personnes dans une usine de 25 000 m2 et réalise 20 millions d’euros de chiffre d’affaires. Jérôme Frantz préside depuis juin 2010 la Fédération des industries mécaniques (FIM). En charge des intérêts économiques et techniques des professions qu’elle regroupe et de leurs entreprises adhérentes, la FIM a pour objectif d’aider les

« mécaniciens » à concevoir, produire et vendre en France, ainsi qu’à se développer sur l’ensemble des marchés internationaux. Grand défenseur de la compétitivité des entreprises françaises, Jérôme Frantz a donné son point de vue personnel, mais aussi le point de vue collectif des patrons d’usines, sur les conditions de production et de compétitivité en France.

3 Jean Guellec Jean Guellec est administrateur civil au ministère de l’Économie et des Finances. Il a travaillé sur les stratégies des entreprises dans la mondialisation au Commissariat général du Plan et en tant que rédacteur en chef de la revue Géoéconomie. Il est aujourd’hui directeur d’une mission au Sénat sur les relations entre la France et l’Asie centrale. En 2008, il était délégué général de la ville de Châlons-en-Champagne et, de fait, de la communauté de communes

de Cités en Champagne, chargé d’y appliquer les principes du Grenelle local de l’environnement (GLE). Le GLE a été inspiré de la démarche nationale du Grenelle de l’environnement et en a repris les principes : une approche globale du développement durable ; une participation des acteurs concernés, des experts et de l’ensemble des citoyens ; une liberté de propositions des groupes thématiques ; des objectifs de long terme de renforcement de la démocratie locale et de la stratégie du territoire, des événements économiques, une coopération renforcée avec les élus locaux... Il s’agissait là d’une opération originale et unique à ce jour qui a massivement mobilisé le territoire autour de Châlons. Jean Guellec était parfaitement à même d’expliquer aux citoyens les méandres et les critères de jugement de l’instruction d’un dossier industriel, ainsi que les moyens de soutenir économiquement le développement d’un territoire.

LES EXPERTS DÉBATTEURS

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4 Jacques KhéliffJacques Khéliff, ancien ouvrier dans la chimie et représentant syndicaliste CFDT (Confédération française démocratique du travail), est devenu directeur du développement durable de Rhodia, puis de Solvay.Titulaire d’un CAP de mécanicien général, tourneur, fraiseur, ajusteur, ancien délégué syndical de la CFDT à l’usine d’intermédiaires nylon de Rhône-Poulenc à Chalampé, Jacques Khéliff a été secrétaire général de la Fédération chimie énergie (FCE) de la CFDT.En 2002, il a intégré Rhodia en tant que directeur délégué et conseiller du président. Le 7 novembre 2012, Jacques Khéliff était directeur du développement durable et membre du comité de direction générale de Rhodia. Il est devenu, depuis, directeur du développement durable de Solvay. Jacques Khéliff a contribué aux débats avec un triple regard : celui de l’ancien ouvrier, celui de l’ancien syndicaliste à responsabilités

et, enfin, celui de l’industriel préoccupé par les questions environnementales et de développement durable dans les usines.

5 Lydie NémausatLydie Némausat est l’animatrice salariée du Réseau Régional Pollutions et Risques Industriels de la Frapna (Fédération Rhône-Alpes de protection de la nature), une association qui œuvre à la veille écologique et à l’éducation à l’environnement à l’échelle de la région Rhône-Alpes. En 2008, la Frapna est intervenue dans l’affairede l’usine Arkema à Jarrie. Une étude avait révélé des taux importants de mercure atmosphérique à proximité. La Frapna a agi pour que des mesures soient prises afin de réduire ces pollutions. En retour, Arkema s’est engagée à remplacer l’ancienne technologie polluante (la nouvelle technologie devrait être effective début 2014). L’expérience de Lydie Némausat

a procuré aux citoyens un exemple éclairant de coopération, à partir d’une opposition ayant permis d’améliorer en même temps les processus et le respect de l’environnement d’une usine : une mobilisation citoyenne aboutissant à une situation de gagnant-gagnant.

6 Hervé Novelli Hervé Novelli a répondu aux citoyens selon un double, voire un triple point de vue : celui d’ancien ministre en charge des PME, d’ancien dirigeant d’une entreprise familiale, mais aussi celui d’élu, maire de la commune Richelieu, qui doit gérer la proximité de sa localité avec la centrale nucléaire de Chinon.Hervé Novelli a été secrétaire d’État au Commerce extérieur et aux Entreprises (de juin 2007 à mars 2008), au Commerce, à l’Artisanat, aux Petites et Moyennes Entreprises, au Tourisme et aux Services (de mars 2008 à juin 2009). Auparavant, il a été chef de cabinet

d’Alain Madelin, ministre de l’Industrie, des PTT (Postes, Télégraphes et Téléphone) et du Tourisme entre 1986 et 1988. Hervé Novelli a été secrétaire général adjoint de l’UMP de 2011 à fin 2012. Ancien chef d’une entreprise familiale œuvrant dans le paramédical à Richelieu, il est maire depuis 2008 de cette commune située à 20 kilomètres de la centrale nucléaire de Chinon, mise en service en 1964…

7 Yves Vaunaize Yves Vaunaize est un militant associatif de l’association Agir à Villejuif.

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Armand HatchuelArmand Hatchuel, est professeur, directeur-adjoint du Centre de gestion scientifique (CGS) et co-responsable de la Chaire « Théorie et méthodes de la conception innovante » de l’École d’ingénieurs Mines ParisTech. Entre 1995 et 2007, il a été responsable de l’option Ingénierie de la Conception qu’il a créée au sein de Mines Paristech.Outre de nombreux articles de recherche et la chronique « Management » qu’il anime dans le cahier Eco & Entreprises du journal

Le Monde, Armand Hatchuel a récemment publié en co-auteur :

The strategic management of innovation and design (Cambridge University Press 2010 avec P. Le Masson et B. Weil).

Les nouvelles fondations des sciences de gestion (3e édition, Presses des Mines 2012 coordonné avec A. David et R. Laufer)

Refonder l’entreprise (Seuil, La république des idées 2012 avec B. Segrestin, Prix Manpower/élèves HEC et Prix AFCI)

L’EXPERT INVITÉ

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Remerciements

La tenue de la conférence de citoyens et la rédaction de cet ouvrage n’auraient pas été possibles sans l’engagement des 15 citoyens ainsi que des personnalités suivantes, auxquels nous exprimons toute notre gratitude :

les membres du comité de pilotage de la conférence de citoyens Marc Aouston, Éric Ballot, Sylvie Bernard-Grandjean, Thierry Bogaert, Michel Dancette, Denis Ferrand, Martine Griffon-Fouco, Emmanuel Julien, G.V.

les experts-formateursMaryse Arditi, Stéphane Caplier, Sébastien Devroe, Marc Giget, Denis Martin, Patrick Paris et certains membres du comité de pilotage

les experts-débatteursBruno Bouygues, Jérôme Frantz, Jean Guellec, Jacques Khéliff, Lydie Némausat, Hervé Novelli, Yves Vaunaize

les coordinateurs de l’Observatoire Fives des usines du futurCéline Morcrette, Denise Wong

Nous sommes également reconnaissants à Armand Hatchuel pour sa contribution précieuse, ainsi qu’aux experts qui nous ont accordé des entretiens qualitatifs.

Nous remercions enfin toutes les équipes du groupe Fives mobilisées autour de ce projet, ainsi que l’Ifop et Footprint consultants.

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Cahier de l’Observatoire Fives des usines du futur Publication annuelle éditée par Fives – 27/29 rue de Provence – 75009 ParisDirecteur de la publication : Frédéric SanchezDirection et coordination : Céline Morcrette et Denise WongPréparation des contenus : Footprint > consultantsConception/Réalisation : Illustration : Laurent Blachier Fabrication : Une Impression Crédits photos : © Fives, Le Square, Price MinisterNuméro ISSN en cours. Dépôt légal – Mai 2013Copyright © 2013 – Fives – Tous droits réservés

CAHIER DE L’OBSERVATOIRE FIVES | LES USINES DU FUTUR | 1e édition - 2013

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