Café littéraire à Nantes

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Page 1: Café littéraire à Nantes

BBF 2003Paris, t. 48, n° 3

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Un café littéraire au lycée Carcouët à Nantes

Le projet de café littéraire est né au lycéeCarcouët parce que cet établissementforme des élèves dans un large éventail desections : littéraire, économique et sociale,scientifique, technologique tertiaire, et lesaccompagne ensuite comme étudiantsdans des brevets de techniciens supérieursen tourisme, commerce international, in-formatique et gestion, etc. Ce public estdonc accoutumé à se confronter à la pro-blématique de la communication et passeulement à celle de l’acquisition de sa-voirs.

Dans cette logique, un groupe d’élèves determinale littéraire/technologique était,avec un de mes collègues, Frédéric Palierne,passionnément et brillamment engagé cetautomne dans l’opération le Goncourt deslycéens.Nouvellement arrivé dans l’établissement– et après quelques années comme direc-teur de l’Alliance française de Saõ Paulo,en charge de faire partager à nos amisbrésiliens le plaisir de la littérature fran-çaise –, il m’est apparu qu’il y avait àNantes, et au lycée Carcouët en particulier,urgence à réaffirmer le plaisir de lire lestextes d’auteurs. Lire, c’est-à-dire entrer enconnivence et parler avec d’autres lecteurs.C’était là l’espace du café littéraire. La lec-ture pour le plaisir. Le plaisir d’avoir lu.L’expérience échangée. L’émotion par-tagée.Notre travail au quotidien, en milieu sco-laire, fait de la lecture une obligation et un outil. Et c’est bien utile car noussommes tous convaincus qu’il n’est pas detransmission de la pensée ni d’ouverture

à la pensée de l’autre sans un pouvoir lin-guistique maîtrisé. Dans ce pouvoir, noussavons en outre que se trouve la capacitéde prise de distance qui permet la ré-flexion et l’analyse. Seulement, il n’y a plusguère de temps pour une pratique « li-seuse » gratuite ; comme diraient nos amisanglais, just for fun.Or nos élèves des classes de première sontnombreux à manifester un dynamisme etune personnalité qu’on dénie souvent auxgens de leur âge. Quand ils lisent un livre,comme quand ils voient un film ou un

spectacle, ils ont à nous dire des chosesfortes et qui méritent d’être entendues.Nous leur avons donc proposé de se frot-ter aux textes sans entraves, dans l’espritde leurs précurseurs des salons et cafés dusiècle des Lumières, ces lieux où l’on serencontrait pour échanger, mener des dé-bats d’idées et aborder les questions dutemps. Où l’on se faisait apprécier par lebrillant de sa conversation et la vivacité deson esprit ; parfois aussi pour l’audace deses idées. C’est, nous paraît-il, jouer notrerôle de formateurs de citoyens.Le chef d’établissement s’est engagé dansce projet et s’est employé pour y associerles relais naturels que sont les distribu-teurs ; et la Fnac de Nantes, par l’intermé-diaire de Patricia Bittmann, responsabledu Service communication, s’est montréeimmédiatement enthousiaste. Nous noussommes rencontrés pour définir les formesd’une collaboration durable. Nous béné-ficions de son appui pour fournir – avantchaque tenue de nos cafés – une séried’exemplaires de l’œuvre qui fait l’objet

de l’échange, ce qui facilite sa lecture parnos participants et enrichit le fonds dulycée ; nous sommes convenus que parfoisdes auteurs, que ce distributeur invitepour des opérations promotionnelles, se-ront invités à participer à nos rencontresau cours desquelles une de leurs œuvrespourrait être en discussion.De façon concrète, un espace convivial estaménagé dans la cafétéria du lycée, à lafois chaleureux (consommations offertes)et confortable (fauteuils, chaises, tabou-rets, tables) mais libre (on peut s’y tenirassis, debout, se déplacer, rester appuyéaux murs, assis au sol). Libre aussi dans lepropos. Il faut seulement avoir lu l’œuvredu jour et être désireux de prendre la parole ou d’écouter celle des autres pourse dire, s’opposer, critiquer, se passionner.Le professeur (ou l’élève) désigné comme« modérateur » se charge de veiller à cequ’on ne prenne pas à partie personnelle-ment un autre participant mais seulementl’opinion qu’il exprime. Les élèves expéri-mentent ainsi la légitimité de leur parolesur et avec le livre, alors qu’elle leur a sisouvent été confisquée.Avec l’esprit de Daniel Pennac quand il re-vendique les droits du lecteur : celui desauter des pages, celui de tout lire, celuide ne pas aimer, celui de ne pas lire, celuide relire, etc.Nos collègues professeurs documenta-listes, qui impulsent de nombreuses ac-tions, dont un défi lecture interne au lycéeet commun avec un collège voisin, relaientl’initiative de ce café littéraire et assurentle prêt des exemplaires mis à dispositiontout en stimulant les appétits des lecteurs.De même, les professeurs de français sefont les diffuseurs auprès de leurs élèvesen les incitant à saisir cette occasion de« consommer » de la littérature par plaisir,puisqu’il n’y a pas d’évaluation ni d’obli-gation. L’intention est d’ailleurs que lechoix de l’œuvre soit le plus souvent pos-sible à la fois celui des élèves et des anima-teurs ; ainsi se garantit la motivation desuns et des autres et l’adaptation du choixaux curiosités des intéressés.Nous avons commencé par L’amant deMarguerite Duras. Sylvie Germain, OzamuDazai, Eric Pessan, Arto Paasilinna, JeanRouault, Herbjorg Wassmo, entre autres…nous attendent.Voilà, brièvement résumé, l’esprit de cettedémarche.

Jean-Marc [email protected]