C’est un petit fourbe qui avance masqué, enrubanné …...fleurs que nous sommes bénéficient...

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Sexisme Il est bon, ce chocolat. Il flatte le palais. Ah! y a un arrière-goût bizarre, là. Comme une amertume, difficile à identifier. Ah ! si : c’est le goût du sexisme bienveillant. Contrairement à la version franche du collier, ce sexisme-là est difficilement identifiable tant il est subtil. Disons-le même franchement : il part d’une bonne intention. Là où le sexisme hostile méprise ouvertement les femmes, le sexisme bienveillant entend les protéger, les valoriser… mais dans leur position de petite chose frêle et fragile. Un exemple ? Côté face, « Les femmes sont incapables de faire un créneau, c’est bien connu. » Côté pile, un inconnu vous sort : bienveillant C’est un petit fourbe qui avance masqué, enrubanné de bonnes intentions. Dissection d’un ennemi déguisé en pote. Le sexisme bienveillant a beau être dicile à détecter, il est susamment gênant pour nous faire perdre nos moyens. En 2006, Benoît Dardenne, chercheur en psychologie à l’université de Liège, mène une étude sur ses conséquences sur les performances cognitives des femmes *. Des femmes passent un entretien d’embauche face à un recruteur se montrant dans le premier cas neutre, dans le deuxième misogyne et dans le dernier paternaliste. Puis elles passent un test de mémoire et d’acuité intellectuelle. Après avoir été face à un recruteur neutre ou clairement sexiste, les candidates obtiennent des résultats standards. Mais après une entrevue teintée de sexisme bienveillant, leurs scores sont largement inférieurs. Quand leur interlocuteur, en position de force, les traite comme des petites choses bêtes et fragiles, explique Dardenne, elles perdent leurs moyens, jusqu’à se comporter eectivement comme des petites choses bêtes et fragiles. Conrmation dans sa deuxième étude, où il fait passer à des femmes, dans les mêmes conditions, le test de Stroop (qui consiste à dénommer la couleur d’une série de mots dont certains sont des noms de couleurs). Lorsque leur interlocuteur les qualie de « disponibles » ou de « charmantes », leurs résultats sont en chute libre. 2 * « Quand le sexisme se veut bienveillant », sur Réflexions, le site de vulgarisation scientifique de l’université de Liège. de la protection des hommes, le sexisme bienveillant suggère également qu’elles sont inférieures et moins capables qu’eux. » LES RUSES DU SEXISME Force 1 : valoriser les compétences sup- posées spécifiquement féminines. « Tu arrives si bien à t’occuper de la maison. Moi, je ne pourrais pas. » C’est sympa, merci. Mais ça ne participerait pas un peu de l’idée que les tâches ménagères incombent de fait aux femmes ? Force 2: protéger et servir. « Qu’est ce que fait une belle femme comme vous toute seule? Maintenant, vous ne risquez plus rien, je suis là. » Re-merci. Mais a-t-on vraiment besoin de nous ranger d’office dans la catégorie des demoiselles en détresse ? Force 3 : considérer que c’est monsieur qui met la main à la poche, « parce que c’est comme ça ». « Vous réglez comment, monsieur ? » Euh, on est deux, là, non ? Et voilà comment le sexisme bienveillant part d’une très bonne intention, mais produit exactement le même résultat que son confrère hostile. 2 * « Le sexisme bienveillant comme processus de maintien des inégalités sociales entre les genres », L’Année psychologique, vol. 112, 2012. POUR ALLER PLUS LOIN Petit Traité contre le sexisme ordinaire, de Brigitte Grésy. Éd. Albin Michel, 2009. Et le site www. sexismeordinaire.com Les Mecs lourds ou le Paternalisme lubrique, de Natacha Henry. Éd. Gender Company, 2011. L’Arrangement des sexes, d’Erving Goman. Éd. La Dispute, 2002. Entrée gratuite pour les filles Juste en dessous de la paire de seins, sur le yer, là, en Comic Sans MS gras, l’objet du scandale : « Entrée gratuite pour les lles. » Misandrie ! peut-on penser au premier coup d’œil. C’est d’ailleurs l’argument ultime utilisé par ceux qui entendent prouver que le sexisme s’est renversé et discrimine à présent les hommes. Mais bien au-delà du billet que n’auront pas à débourser les femmes, c’est bien du pur sexisme à la papa. L’idée : attirer la chair fraîche (la lle) pour faire cracher le porte-monnaie (le garçon). «  Cette petite phrase véhicule plein de stéréotypes : d’abord, l’idée que ce sont les hommes qui ont l’argent, et donc le pouvoir. Ensuite, celle que les femmes sont là pour jouer les appâts, censés attirer les hommes hétérosexuels, argue Géraldine Franck, du collectif Georgette Sand. Quoi qu’il en soit, ça ne met pas tout le monde sur un pied d’égalité. » 2 CLARENCE EDGARD-ROSA – MAGOZ / ANNA GOODSON POUR CAUSETTE « Laissez-moi prendre le volant, j’imagine que ce n’est pas votre truc. » « Le sexisme bienveillant est une attitude sexiste plus implicite, teintée de chevalerie, qui a une apparence anodine et qui semble même différencier favorablement les femmes en les décrivant comme chaleureuses et sociables », expliquent Marie Sarlet et Benoît Dardenne, du département psy- chologie sociale de l’université de Liège*. Et, dans l’immédiat, les délicates petites fleurs que nous sommes bénéficient d’un avantage ma foi agréable: ne pas porter ce gros carton, être dorlotée, complimen- tée. « Néanmoins, en suggérant l’idée que les femmes sont fragiles et qu’elles ont besoin 30 Causette # 56 31 Causette # 56 LES COULEURS DU FÉMINISME

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SexismeIl est bon, ce chocolat. Il flatte le palais. Ah!! y a un arrière-goût bizarre, là. Comme une amertume, difficile à identifier. Ah!! si!: c’est le goût du sexisme bienveillant. Contrairement à la version franche du collier, ce sexisme-là est difficilement identifiable tant il est subtil. Disons-le même franchement!: il part d’une bonne intention. Là où le sexisme hostile méprise ouvertement les femmes, le sexisme bienveillant entend les protéger, les valoriser… mais dans leur position de petite chose frêle et fragile. Un exemple!? Côté face, « Les femmes sont incapables de faire un créneau, c’est bien connu. » Côté pile, un inconnu vous sort!:

bienveillant

C’est un petit fourbe qui avance masqué, enrubanné de bonnes intentions. Dissection d’un ennemi déguisé en pote.

Le sexisme bienveillant a beau être difficile à détecter, il est suffisamment gênant pour nous faire perdre nos moyens. En 2006, Benoît Dardenne, chercheur en psychologie à l’université de Liège, mène une étude sur ses conséquences sur les performances cognitives des femmes *. Des femmes passent un entretien d’embauche face à un recruteur se montrant dans le premier cas neutre, dans le deuxième misogyne et dans le dernier paternaliste. Puis elles passent un test de mémoire et d’acuité intellectuelle. Après avoir été face à un recruteur neutre ou

clairement sexiste, les candidates obtiennent des résultats standards. Mais après une entrevue teintée de sexisme bienveillant, leurs scores sont largement inférieurs. Quand leur interlocuteur, en position de force, les traite comme des petites choses bêtes et fragiles, explique Dardenne, elles perdent leurs moyens, jusqu’à se comporter effectivement comme des petites choses bêtes et fragiles. Confirmation dans sa deuxième étude, où il fait passer à des femmes, dans les mêmes conditions, le test de Stroop (qui consiste à dénommer la couleur

d’une série de mots dont certains sont des noms de couleurs). Lorsque leur interlocuteur les qualifie de « disponibles » ou de « charmantes », leurs résultats sont en chute libre. 2

* « Quand le sexisme se veut bienveillant », sur Réflexions, le site de vulgarisation scientifique de l’université de Liège.

de la protection des hommes, le sexisme bienveillant suggère également qu’elles sont inférieures et moins capables qu’eux. »

LES RUSES DU SEXISMEForce 1!: valoriser les compétences sup-posées spécifiquement féminines. « Tu arrives si bien à t’occuper de la maison. Moi, je ne pourrais pas.  » C’est sympa, merci. Mais ça ne participerait pas un peu de l’idée que les tâches ménagères incombent de fait aux femmes!?Force 2!: protéger et servir. « Qu’est ce que fait une belle femme comme vous toute seule"? Maintenant, vous ne risquez plus rien, je suis là. » Re-merci. Mais a-t-on vraiment besoin de nous ranger d’office dans la catégorie des demoiselles en détresse!? Force 3!: considérer que c’est monsieur qui met la main à la poche, « parce que c’est comme ça ». « Vous réglez comment, monsieur ? » Euh, on est deux, là, non!? Et voilà comment le sexisme bienveillant part d’une très bonne intention, mais produit exactement le même résultat que son confrère hostile. 2* « Le sexisme bienveillant comme processus de maintien des inégalités sociales entre les genres », L’Année psychologique, vol. 112, 2012.

POUR ALLERPLUS LOIN

Petit Traité contre le sexisme ordinaire, de Brigitte Grésy. Éd. Albin Michel, 2009. Et le site www.sexismeordinaire.com

Les Mecs lourds ou le Paternalisme lubrique, de Natacha Henry. Éd. Gender Company, 2011.

L’Arrangement des sexes, d’Erving Goffman. Éd. La Dispute, 2002.

Entrée gratuite pour les fillesJuste en dessous de la paire de seins, sur le flyer, là, en Comic Sans MS gras, l’objet du scandale : « Entrée gratuite pour les filles. » Misandrie ! peut-on penser au premier coup d’œil. C’est d’ailleurs l’argument ultime utilisé par ceux qui entendent prouver que le sexisme s’est renversé et discrimine à présent les hommes. Mais bien au-delà du billet que n’auront pas à débourser les femmes, c’est bien du pur sexisme à la papa. L’idée :

attirer la chair fraîche (la fille) pour faire cracher le porte-monnaie (le garçon). « Cette petite phrase véhicule plein de stéréotypes : d’abord, l’idée que ce sont les hommes qui ont l’argent, et donc le pouvoir. Ensuite, celle que les femmes sont là pour jouer les appâts, censés attirer les hommes hétérosexuels, argue Géraldine Franck, du collectif Georgette Sand. Quoi qu’il en soit, ça ne met pas tout le monde sur un pied d’égalité. » 2

CLARENCE EDGARD-ROSA – MAGOZ / ANNA GOODSON POUR CAUSETTE

« Laissez-moi prendre le volant, j’imagine que ce n’est pas votre truc. »« Le sexisme bienveillant est une attitude sexiste plus implicite, teintée de chevalerie, qui a une apparence anodine et qui semble même différencier favorablement les femmes en les décrivant comme chaleureuses et sociables », expliquent Marie Sarlet et Benoît Dardenne, du département psy-chologie sociale de l’université de Liège!*. Et, dans l’immédiat, les délicates petites fleurs que nous sommes bénéficient d’un avantage ma foi agréable!: ne pas porter ce gros carton, être dorlotée, complimen-tée. « Néanmoins, en suggérant l’idée que les femmes sont fragiles et qu’elles ont besoin

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LES COULEURS DU FÉMINISME

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Des clichés et des sourires

C’est décevant. Triste, même. Mais les hommes les plus hostiles à l’égalité se révèlent être les plus gentils. Du moins au début.

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Mettez un homme seul dans une pièce et donnez-lui une liste d’affirmations subtilement sexistes, du genre « Il en faut peu pour offenser une femme » ou « Une femme respectable devrait être placée sur un piédestal ». Deman-dez-lui de cocher celles avec lesquelles il est d’accord. Maintenant, faites entrer une femme dans la pièce et laissez-les faire connaissance. Répétez l’opération avec vingt-six autres sujets, remuez bien": voilà l’étude qu’a menée le psychologue Jin Goh, de l’université Northeastern, à Boston. Ses conclu-sions": les hommes les plus souriants, galants, agréables, chaleureux avec les femmes… sont ceux qui cumulent le plus de convictions sexistes sans le

C’est un duo de psychologues américains qui s’est penché le premier sur la notion de sexisme bienveillant, en 1996. Peter Glick et Susan Fiske l’ont appelé « sexisme ambivalent », en opposition au « sexisme hostile ». Leurs recherches ont également montré une forte corrélation entre les

deux : dans les pays où le niveau de sexisme hostile est élevé, celui de sexisme bienveillant l’est également *. 2

* « Beyond prejudice as simple antipathy : hostile and benevolent sexism across cultures », Journal of Personality and Social Psychology, vol. 79, 2000.

Audrey Dana, féministe après tout

Pour réaliser "Sous les jupes des filles", son premier film en tant que réalisatrice, l’actrice Audrey Dana a auditionné des dizaines de femmes. Toutes avaient expérimenté le sexisme bienveillant, sans savoir le nommer.

Audrey Dana ne s’est pas toujours identifiée comme féministe. C’est même très récent. « Longtemps, je n’avais pas l’impression d’être personnellement face à des interdictions liées à mon genre. C’est en réalisant mon film que j’ai pris conscience des progrès qu’il reste à accomplir. » Les femmes qu’elle a audition-nées de longues heures durant pour écrire son scénario ont toutes eu affaire au sexisme enrubanné de bons sentiments. Quels que soient leur âge ou leur milieu. « C’est quelque chose que nous expérimentons toutes, mais on ne l’identifie pas forcément comme probléma-tique », précise-t-elle. « Ce sont souvent des mots positifs mais déplacés. L’autre jour, je portais une grande veste et un homme m’a arrêtée dans la rue pour me complimenter, avant de me demander de justifier ce choix. “Pourquoi cachez-vous votre corps"?” Je lui ai répondu que c’était pour éviter que mon apparence soit commentée par des cons. »

En tant que « femme publique », Audrey Dana admet essuyer régulièrement des remarques, pas désagréables en soi, mais qu’on ne ferait pas à un homme. À la sortie de Sous les jupes des filles, beaucoup de jour-nalistes l’ont comparé aux Gazelles (le film de Mona Achache sorti trois mois avant). Rien à voir entre les deux films, mis à part qu’ils ont été réalisés par des femmes, avec un casting majoritairement féminin. « C’était

savoir. Et ceux qui respectent réellement les femmes, alors"? Ceux qui les consi-dèrent comme leurs égales"? Eh bien, ils sont simplement… neutres. Quant aux machos assumés, ils sont imbu-vables, mais on n’avait pas besoin de la science pour le savoir. Nous avons posé trois questions à l’auteur de cette étude (qui était plutôt neutre, avec nous).

CAUSETTE : Il est difficile de dénoncer le sexisme bienveillant sans entendre : « Super, donc maintenant, on ne peut plus tenir la porte à une femme ou la complimenter sur sa coiffure. » Avez-vous fait face à la même confusion quand votre étude a été rendue publique ?

JIN GOH : Nous étudions ce concept depuis 1996, mais il n’est pas encore compris de tous, y compris au dépar-tement de psychologie. Nous avons reçu des lettres de haine, simplement parce que les gens n’ont pas lu notre étude ou ont lu des articles défor-mant son propos.

La grande question, pour bien des hommes, c’est : quand dépassent-ils la limite entre être polis et être sexistes ?J. G. : Il n’y a rien de mal avec la politesse. C’est quelque chose que nous devrions tous pratiquer en société. Le sexisme bienveillant n’a rien à voir avec ça, il s’agit d’un sexisme déguisé. C’est sup-poser que les femmes sont inférieures aux hommes et doivent être protégées en tant que telles. Nous devrions traiter chacun de manière égale sans préjugé. Pourquoi ne pas tenir la porte aux hommes"? Pourquoi être offensé quand une femme vous tient la porte"?

Les femmes retirent un bénéfice immédiat du sexisme bienveillant. Diriez-vous qu’elles jouent un rôle dans son maintien ?J. G. : Absolument. Parce que le sexisme bienveillant est attrayant au premier abord, il est difficile d’y résister. Des confrères ont mené des études révélant que ce phénomène conduit à une plus grande acceptation des inégalités": les femmes ont plus tendance à accepter le statu quo si elles sont sujettes à cette forme de sexisme. 2

une manière de me dire": vous, les femmes, vous avez le droit de réaliser des films, mais on va vous comparer. » Audrey Dana tient un dis-cours féministe. Pourtant, à la sortie de Sous les jupes des filles, qui a bénéficié d’une énorme promo, on aurait dit que toutes les actrices, Laetitia Casta, Vanessa Paradis, Audrey Fleurot… s’étaient passé le mot": non, non, ce n’était SURTOUT PAS un film féministe. Comme si c’était un gage de qualité. Pourquoi diable ce rejet en masse, alors que la réalisatrice assure que sa démarche était « éminemment féministe »"? « N’ayant jamais utilisé le mot pendant le tournage, je crois qu’elles ont toutes répondu “non” face à la question, simplement parce que ce n’est pas l’étiquette que j’y ai mise, moi », répond-elle aujourd’hui.

« Je m’en suis pris tellement dans la tronche. Pas par rapport à la qualité de ce que j’ai pro-posé… Je m’étais évidemment préparée à la critique"! Le film a été attaqué pour ce qu’il avait de féminin. La première scène, qui traite des règles, a été qualifiée de vulgaire. Tout dans ce film avait été pensé pour déculpabiliser les femmes, et on me reprochait de faire du crado. C’est là que je me suis rendu compte qu’il fallait absolument faire bouger les lignes. » Elle pro-met que son prochain film, lui, ne fera pas de compromis": de la même manière qu’elle répond à un compliment sexiste par la pareille (ce qui laisse les hommes sans voix), elle s’essaiera à l’inversion des rôles. Si j’étais un homme racontera l’histoire d’une femme qui, un beau matin, se réveille avec un pénis entre les jambes. L’occasion de « s’amuser avec les clichés du masculin et du féminin pour mieux les exploser ». 2C. E.-R.Sous les jupes des filles, d’Audrey Dana. DVD et Blu-Ray, Wild Side.

Audrey Dana admet essuyer régulièrement des remarques, pas désagréables en soi, mais qu’on ne ferait pas à un homme.

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Test Sexisme bienveillant

Comment le repérer

1. Votre sac est lourd, un inconnu vous pro-pose de vous aider à le portera. Vous lui collez une patateb. Vous lui collez votre sac

2. Un (autre) inconnu vous dit que vous êtes jolie, ce matina. Vous lui collez une patateb. Vous êtes bien contente

3. Un ami proche vous dit que vous êtes jolie ce matina. Vous lui collez une patateb. Vous êtes bien contente

4. Cette fois, c’est unE inconnuE qui vous dit que vous êtes jolie, ce matina. Vous lui collez un patatb. Vous êtes bien contente

5. Votre boss hésite à vous confier ce dossier : « Trop de chiffres », dit-ila. Vous lui collez une patateb. Vous êtes bien contente

6. Vous vous garez, un passant se met à votre hauteur et décide de vous guidera. Vous l’arrosez avec le lave-vitre (puis vous lui collez une patate)b. Bien!! Comme ça, si vous collez une patate à la voiture de derr ière , vous pourrez l’accuser

Messieurs les féministes

Augustin Trapenard et Cédric Klapisch ont rejoint le mouvement HeForShe. Le sexisme bienveillant, le connaissent-ils ? Au quotidien, comment évitent-ils de le pratiquer ?

« Le sexisme bienveillant renvoie à une forme de galanterie à la française qui peut être extrême-ment problématique. C’est tel-lement bien intégré en France qu’on en a fait un de nos éten-dards!! À mon échelle, je suis très attentif dans mes programma-tions à ce que les femmes soient présentes, et surtout sans les réduire au fait qu’elles sont des femmes. Le sexisme est partout, y compris dans la production littéraire, et j’essaie de toujours garder cela en tête. Il se niche aussi dans des petites paroles, des petits gestes qui sont souvent pavés de bonnes intentions. En tant qu’homme je crois qu’il faut rester alerte. Pendant mes études de littérature, je me suis rendu compte que le terme “féminisme”

était un peu auréolé d’un parfum de soufre . Dans ma v ie quotidienne aussi, j’ai remarqué que ce n’était pas un très joli mot. Je ne comprenais pas pourquoi il était une outrance, alors que la véritable outrance, ce sont les inégalités qui per-durent quoi qu’on puisse en penser. Le discours d’Emma Watson m’a beaucoup touché. J’ai trouvé qu’avec des mots

très simples elle disait quelque chose de très juste!: le mot “féministe” est malheureuse-ment devenu un synonyme d’anti-hommes. J’ai eu envie de m’investir et de diffuser cette parole féministe à mon échelle, au travers de HeForShe, une campagne qui s’adresse aux hommes. » 2

HeForShe est une campagne lancée par l’ONU Femmes. Son objectif : appeler les hommes et les garçons à devenir les acteurs du combat pour l’égalité. Le lancement de la campagne, en septembre 2014, était l’occasion pour l’actrice Emma Watson, ambassadrice pour l’organisation, de s’adresser aux hommes en les invitant à devenir des alliés de la lutte. Son discours a porté ses fruits, mobilisant 100 000 hommes en trois jours seulement. Parmi eux, Barack Obama, Matt Damon, Joseph Gordon-Levitt… En France, la campagne a été lancée au mois de mars. 2

Augustin TrapenardJOURNALISTE LITTÉRAIRE À CANAL+ (LE GRAND JOURNAL) ET FRANCE INTER (BOOMERANG)

« J’ai grandi dans une société où le féminisme était un mou-vement fort, et j’ai vécu ma construction identitaire mas-culine avec en tête l’idée qu’il ne fallait pas baisser la garde pour que l’égalité soit une réa-lité. Tous les acquis du fémi-nisme peuvent nous laisser penser que l’enjeu s’est affaibli, qu’on ne peut pas revenir en

arrière. Mais il reste énormé-ment à faire!: le sexisme bien-veillant semble être anecdo-tique, mais il se joue parfois beaucoup dans les petites choses. Au quotidien, je ne dirais pas que je me surveille. Je suis féministe, plutôt par éducation que par militan-tisme. Le combat féministe me semble tellement naturel!!

Je traite les femmes comme des égales, ce qui implique de ne pas modifier mon compor-tement, mes mots, mes gestes quand je m’adresse à une femme. Ne pas les traiter comme des poupées, non plus. Je tiens la porte aux femmes… mais aussi aux hommes. C’est sexiste, ça!? [Non, Cédric, vous êtes bien élevé!!] » 2

Cédric KlapischRÉALISATEUR, SCÉNARISTE ET PRODUCTEUR DE CINÉMA

7. Une bombasse surgit, vous ne pouvez vous empêcher de la détailler de la tête aux piedsb. Vous trouvez immédiatement qu’elle est un peu vulgairea. Vous vous collez une patate

8. C’est la première fois que vous allez avec lui au restaurant. D’autorité, il paiea. Vous lui collez, etc.b. Vous lui collez un magnum de cham-pagne supplémentaire sur sa note

9. Vous rentrez seule dans la nuit sauvage, un inconnu offre de vous protégera. Patate directb. Vous cherchez un autre inconnu pour vous protéger du premier

10. Il y a un gros meuble à déplacera. Vous lui collez une patateb. Vous appelez un homme à la rescousse

11. Aïe, vous avez crevéa. Vous vous collez au problèmeb. Vous arrêtez les automobilistes dans l’espoir qu’un sexiste bienveillant se salisse les mains à votre place

12. Vous allez planter un clou. Monsieur vous prend le marteau des mainsa. Non, vous ne lui collez pas une patate (mais un coup de marteau)b. Chic, vous aurez plus de temps pour faire le ménage

Résultats :

Si vous n’avez rien contre la bienveillance, vous n’avez visiblement rien contre le sexisme non plus. Ou alors vous n’aimez vraiment pas coller des patates, ce qui est un autre débat.

Soit vous êtes un peu trop bienveillante avec le sexisme du même nom, soit vous avez un peu de mal à le reconnaître lorsqu’il surgit, dans la nuit, tel un prédateur (bienveillant). Entraînez-vous encore.

Votre œil de lynx vous permet de différencier en 1/1000 de seconde ce qui relève du sexisme

bienveillant de ce qui est du domaine de la courtoisie. Bravo, gardez la forme.

Lorsque vous doutez des intentions réelles de votre interlocuteur(trice), vous ne prenez pas de risque : mieux vaut prévenir que guérir. Contre le sexisme, bienveillant ou non, vous veillez (bien). Gaffe aux dommages collatéraux, quand même.

Vous voyez du sexisme partout ? Vous adorez les patates ? Prenez plutôt un punching-ball pour vous défouler. Ou alors, la rédaction vous conseille l’ouvrage Cuisiner les pommes de terre, d’Aleth Thomas, aux éditions Rustica.

Le sexisme bienveillant – dont vous ignoriez peut-être l’existence avant la lecture de ce dossier – mérite qu’on le combatte, oui, mais comment le reconnaître ? Voyons si vous avez l’œil.

ÉRIC LA BLANCHE ET CÉLIA DULONG-LAMARQUE

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