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La Conquête Une anthologie Charles-Philippe Courtois

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La ConquêteUne anthologie

Charles-Philippe Courtois

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La guerre de la Conquête, que les Américains appellent la French and Indian War, s’inscrit dans le premier véritable conflit mondial de l’histoire, la guerre de Sept Ans, qui s’est déroulé simultanément en Europe, en Asie, en Amérique du Nord et même sur les côtes africaines. Charles-Philippe Courtois propose ici un panorama très large des inter- prétations, souvent divergentes, qu’a suscitées la perte du Canada par la France, de la part des écrivains et historiens québécois bien sûr, mais aussi canadiens-anglais, britan- niques, français et américains. De Mgr Plessis, qui remerciait la Providence pour la Conquête qui avait permis aux Canadiens d’échapper à la Révolution française, jusqu’à Maurice Séguin, pour qui elle représentait une catastrophe irréparable, de Parkman, qui y voyait la preuve de la supériorité de la race anglo-saxonne, jusqu’à Michelet, qui regrettait la disparition d’une forme de colonisation plus respectueuse des Amérindiens, on trouvera dans ce livre toute la variété des interprétations et des recherches historiques auxquelles a donné lieu cet événement majeur.

Docteur en histoire de l’Université du Québec à Montréal et de l’Institut d’études politiques de Paris, Charles-Philippe Courtois est professeur au Collège militaire royal de Saint-Jean.

ISBN 978-2-89295-242-1

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collection fondée en 1984par alain horicet gaston miron

typo est dirigée parmarie-pierre barathon

robert lalibertéet jean-yves soucy

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Mine de rien, réaliser une anthologie représente un travail considé-rable de sélection, de rédaction et d’édition. Ce travail n’aurait pas été possible sans le concours de plusieurs personnes.

Je voudrais remercier tout d’abord Robert Laliberté, pour sa confi ance et ses conseils éditoriaux, mon auxiliaire de recherche, Myriam d’Arcy, ainsi que Juliette Hérivault pour son travail de tra-duction.

Merci également à Marc-André Bernier, Robert Comeau et Robert Laplante pour leurs précieux conseils ; même lorsque je ne les ai pas mis en pratique, ils ont nourri ma réfl exion. Je voudrais spécialement remercier Mathieu Bock-Côté qui, à l’occasion d’un débat radiophonique auquel nous participions tous les deux dans la bonne ville de Québec, à propos du 400e anniversaire de la capitale, m’a donné l’idée de ce projet.

Je sais gré au Fonds québécois de recherche sur la société et la culture (FQRSC) de son soutien fi nancier pour mon stage pos-tdoctoral, ainsi qu’à la Chaire de recherche du Canada en rhétori-que à l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR). Je voudrais dire un mot de remerciement à l’aimable personnel de la bibliothè-que de l’UQTR dont le sens du service est à signaler.

Enfi n, je tiens à remercier mon épouse pour son soutien indéfec-tible.

TYPO bénéficie du soutien de la Société de développement des entreprises culturelles du Québec (SODEC) pour son programme d’édition.

Gouvernement du Québec – Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres – Gestion SODEC.

Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Programme d’aide au développement de l’in dustrie de l’édition (PADIÉ) pour nos activités d’édition.

Nous remercions le Conseil des Arts du Canada de l’aide accordée à notre programme de publication.

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LA CONQUÊTE

UNE ANTHOLOGIE

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La ConquêteUne anthologie

Choix de textes et introductionde Charles-Philippe Courtois

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Éditions TYPOGroupe Ville-Marie Littérature inc.Une compagnie de Quebecor Media

1010, rue de La Gauchetière EstMontréal, Québec H2L 2N5

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Courriel : [email protected]

Maquette de la couverture : Anne-Maude ThébergePhoto de la couverture : Benjamin West, La mort du général Wolfe (détail),

© Musée des beaux-arts, Ottawa, Transfert des Œuvres canadiennes commémoratives de la guerre, 1921 (don du 2e duc de Westminster, Angleterre, 1918).

Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québecet Bibliothèque et Archives Canada

Vedette principale au titre :La Conquête : une anthologie

(Typo. Anthologie)Comprend des réf. bibliogr.ISBN 978-2-89295-242-1

1. Canada – Histoire – 1755-1763 (Guerre de Sept Ans). 2. Canada – Histoire –1760-1763 (Régime militaire). I. Courtois, Charles-Philippe. II. Collection :

Typo. Anthologie.

FC384.C66 2009 971.01’8 C2009-941757-X

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Bibliothèque et Archives Canada

Nouvelle édition :© 2009 Éditions TYPO

Tous droits réservés pour tous paysISBN 978-2-89295-242-1

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À mes enfants, Louis et Arthur, pour les aider à connaître leur histoire

À nos ancêtres

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Fort Carillon

Fort Beauséjour

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Montréal

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Possessions anglaises

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Légende

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Introduction

On a longtemps estimé que la Conquête était l’un des événements majeurs de l’histoire du Québec. Or, de-puis un quart de siècle, certaines modes intellectuelles ont eu pour effet de contester cette importance1. Il s’agit d’un double mouvement. D’une part, les dépar-tements d’histoire des universités se sont en grande partie désintéressés de l’histoire politique – et au Qué-bec plus qu’ailleurs. D’autre part, il faut constater l’infl uence d’une certaine rectitude politique imbue de multiculturalisme, encline à occulter les confl its entre peuples et entre cultures. Cette rectitude politique exerce une profonde infl uence dans les nouvelles pé-dagogies.

Ces deux courants, histoire sociale et rectitude po-litique, ont fait le lit d’un certain déni quant aux conséquences de la Conquête dans l’histoire du Qué-bec, déni pouvant paraître étonnamment proche des interprétations de l’école historique de Québec, dont

1. Du côté du Canada anglais, la Confédération a graduellement éclipsé la Conquête comme événement fondateur, conséquence du développement d’une identité nationale canadienne plutôt que bri-tannique.

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LA CONQUÊTE

il sera question plus loin, et qui voyait dans la Conquête un bienfait. Pour l’heure, notons que deux euphémis-mes répandus sont indicateurs de cet esprit de déni : d’aucuns préfèrent parler de « Cession » plutôt que de Con quête ; quant à lui le nouveau programme d’his-toire du Québec au secondaire (Histoire et éducation à la citoyenneté) préfère employer l’expression « Changement d’empire ». Ces termes édulcorés visent à occulter une réalité : l’état de peuple conquis.

Certes, les Québécois ont lutté pour leurs droits, et ils ont obtenu à travers l’histoire une certaine re-connaissance de ceux-ci, certaines libertés et un État provincial. Néanmoins, leur état de peuple conquis a bien existé et cela laisse des traces dans l’histoire du Québec et du Canada : dans l’histoire du peuple qué-bécois comme dans les relations entre francophones et anglophones au Canada, jusqu’à ce jour. Cession ? Si la Nouvelle-France a pu être cédée à Londres par le traité de Paris de 1763, c’est, comme tous les ter-ritoires cédés au Royaume-Uni par la France dans ce traité, en conséquence du fait qu’ils avaient été con-quis par les armées britanniques. Changement d’em-pire ? Chan ger d’empire peut paraître moins doulou-reux qu’être conquis. C’est pourtant ainsi que les Québécois ont changé d’empire. Au surplus, derrière cette formule, se cache aussi une autre fausse repré-sentation : pour le peuple « canadien », ce confl it au-rait été au fond étranger, un combat entre deux cou-ronnes impériales qui le concernait peu. Rien n’est plus faux.

Relevons d’emblée que la Conquête entraîne un phénomène assez singulier, le changement de nom à

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INTRODUCTION

répétition du peuple « canadien » : de canadien, à l’épo-que de la Nouvelle-France et au début du Régime an-glais (quand peu de Britanniques habitent encore la nouvelle colonie britannique), il est devenu successi-vement canadien-français (surtout après 1840 et l’Acte d’Union) puis québécois (surtout à partir de la Révolution tranquille des années 1960 et 1970). L’Acte d’Union avait privé les « Canadiens » d’un cadre politique propre et les annexait à une colonie anglo-phone, formant le Canada-Uni, où leur organisation distincte reposait sur des entités socio-culturelles ; la Révolution tranquille, après 1960, marque l’apogée d’un nationalisme politique plus affi rmé, centré sur le seul État provincial où les Canadiens français for-ment l’écrasante majorité, les Canadiens français as-sumant ce statut majoritaire en se rebaptisant Québé-cois. Rien de tout cela ne se comprend sans référence à la Conquête.

La commémoration du 250e anniversaire de la Con-quête, en 2009-2010, fournit l’occasion de renouveler l’étude du sujet, comme cette anthologie espère y con-tribuer. Le but de cet ouvrage est d’offrir un panorama récapitulatif des interprétations concurrentes et des re-présentations littéraires notables que cet événement a suscitées à travers l’histoire du Québec, aussi bien qu’ailleurs en Occident. Plusieurs grands écrivains québécois ont été inspirés par le drame de la Con-quête, spécialement au xixe siècle, créant des ou vrages célèbres, vite devenus des classiques, comme le roman Les anciens Canadiens de Philippe Aubert de Gaspé, mais aussi d’autres romans et poèmes aujour d’hui oubliés.

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LA CONQUÊTE

Les extraits sont répartis en trois sections. Les tex-tes de la première section illustrent des épisodes signifi catifs de la guerre de la Conquête. Ceux de la deuxième section sont des textes inspirés non par un épisode, mais par l’événement dans son ensemble. En troisième section, enfi n, sont regroupés les textes dé-veloppant une réfl exion de fond sur les conséquences de la Conquête. Dans la première section, les textes sont ordonnés en fonction de la séquence chronologi-que des événements illustrés. En deuxième section, les textes sont répartis entre ceux qui expriment une perspective québécoise, une perspective du monde francophone ou une perspective du monde anglo-phone, et suivant l’ordre chronologique de leur pro-duction. En troisième partie, les textes sont regroupés par thématiques et selon l’ordre chronologique de leur production. Nous avons fait le choix de regrou-per des textes de différentes natures : sources histori-ques, œuvres littéraires, ouvrages d’histoire, mais aussi essais et discours, pour présenter non seulement des réfl exions de fond sur l’événement, mais aussi les pages marquantes qu’il a pu inspirer. En outre, cette anthologie offre une série de traductions inédites de textes en langue anglaise.

Guerre de la Conquête et guerre de Sept Ans

Si l’écho de la Conquête a aussi résonné au-delà du continent américain, c’est bien sûr parce que la guerre de la Conquête s’inscrit dans un confl it plus large, d’en-vergure mondiale, la guerre de Sept Ans. Guerre de la Conquête, guerre de Sept Ans : il importe de distinguer

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INTRODUCTION

les deux confl its qui se recoupent en partie, mais pas en totalité. La guerre de la Conquête se déroule sur le continent nord-américain, de 1754 à 1760, et concerne les colonies françaises et anglo-américaines ainsi que leurs alliés amérindiens respectifs. Aux États-Unis, on l’appelle la French and Indian War – expression qui marque bien la prépondérance de l’alliance française parmi les peuples amérindiens du continent. La guerre de la Conquête débute par des escarmouches dans la vallée de l’Ohio, disputée par la Nouvelle-France et les Treize Colonies. Elle s’achève par la capitulation de Montréal, le 8 septembre 1760, qui marque la fi n de la Nouvelle-France (la Louisiane échappe largement au con-fl it mais est cédée à l’Espagne à titre compensatoire par la France). La guerre de Sept Ans fait rage de 1756 à 1763 et implique plusieurs puissances européennes, dont les prin-cipales sont l’Autriche, la France, la Grande-Bretagne, la Prusse et la Russie, ainsi qu’une quantité de plus pe-tites principautés ; l’Espagne s’ajoute aux belligérants sur le tard, pour aider la France en accord avec le « pacte de famille » des Bourbons. Elle ne fait que subir des revers.

Les deux affrontements principaux concernent la Grande-Bretagne et la France à l’échelle mondiale et la Prusse et l’Autriche en Europe centrale. Certaines de ces puissances étant aussi des puissances colonia-les, les affrontements se déroulent à travers leurs colo-nies d’Afrique, des Indes et des Amériques. On quali-fi e souvent la guerre de Sept Ans de premier confl it mondial2. La guerre de la Conquête en constitue donc

2. Pour un résumé du déroulement de ces deux confl its, on pourra se reporter à la chronologie en fi n de volume.

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LA CONQUÊTE

un volet, mais un volet qui a sa chronologie distincte et sa propre dynamique3.

En Amérique du Nord, deux colonies et deux en-sembles de peuples autochtones se disputaient le con-trôle du cœur du continent depuis le xviie siècle. La Confédération iroquoise, alliée des Anglo-Américains, menaçait les établissements français et leurs nations alliées4. Les alliés de la Nouvelle-France, bien plus nombreux, menaçaient les Treize Colonies. C’est sur-tout au xviie siècle que les premiers commirent des massacres en Nouvelle-France, tandis que les seconds portèrent le feu et la terreur du côté anglo-américain davantage au xviiie siècle. Colonies anglaises et colo-nies françaises se faisaient concurrence pour le con-trôle des mêmes ressources continentales, en particu-lier celles de l’intérieur (fourrures et terres) et celles des pêches. Les ressources de l’intérieur qui intéressaient de manière plus spécifi que les sociétés coloniales ; les

3. Voir Guy Frégault, La guerre de la Conquête, Montréal, Fides, [1955] 2009 ; Fred Anderson, Crucible of War : The Seven Years’ War and the Fate of Empire in British North America, 1754-1766, New York, Knopf, 2000.4. La Grande Paix de Montréal (1701) changea la donne en paci-fi ant les rapports entre la Nouvelle-France et ses alliés, et les Iro-quois. Leur situation durant la guerre de Sept Ans est complexe. Sir William Johnson, surintendant britannique des Affaires indiennes, installé dans la colonie de New York, joue un rôle important durant la guerre de Sept Ans pour s’allier des Iroquois. Les Iroquois do-miciliés au Canada en raison de leur conversion à la foi catholique hésitaient entre neutralité et alliance française. Les Mingos, Iro-quois de l’Ohio, sont des alliés des Anglo-Américains au moment du déclenchement du confl it en 1754. Voir D. Peter MacLeod, Les Iroquois et la guerre de Sept Ans, Montréal, VLB éditeur, 2000.

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INTRODUCTION

pêches, quant à elles, jouaient un rôle économique local mais aussi impérial, en plus de peser dans l’en-tretien des marines des deux grandes puissances. Le texte de Donald Creighton présenté ici donne une image saisissante de cette rivalité, ancrée dans la géo-graphie continentale. Guy Frégault, dans les deux ex-traits cités ici de son maître livre, La guerre de la Conquête, analyse les causes du confl it, et spéciale-ment le rôle moteur des Treize Colonies dans son dé-clenchement, comme ses conséquences pour le peuple « canadien ». L’intention de conquête était bien nette, du côté des Treize Colonies, mais aussi à Londres sous le ministère de William Pitt l’Ancien, déterminé à dé-truire le commerce colonial français. La France a beaucoup perdu dans ce confl it ; la nation française du Canada, plus encore.

Faut-il voir dans la Conquête la conséquence de l’abandon de la France ? Jusqu’à un certain point, la France du xviiie siècle s’est moins intéressée à la Nouvelle-France que celle du xviie siècle. On pourrait l’accuser d’avoir négligé l’effort de peuplement. Mais le climat rude de la colonie centrale, la vallée lauren-tienne, inaccessible de surcroît six mois par année, posait une réelle diffi culté. Relevons d’ailleurs que la colonisation britannique, sur laquelle Londres fondait l’espoir d’une assimilation des « Canadiens » au len-demain de la Conquête, est restée tout à fait négligea-ble durant les premières décennies du Régime anglais : c’est l’exode des Loyalistes des Treize Colonies nou-vellement indépendantes qui changera la donne. La France a beaucoup investi à Louisbourg et a envoyé au Canada des forces militaires et des offi ciers de

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qualité, comme Montcalm et Lévis en sont des illus-trations.

En défense de cette thèse de l’abandon, on fait grand cas des fêtes de la paix célébrées à travers la France à l’annonce de la signature du traité de Paris (1763). Mais on oublie de mentionner que de grandes festivités accueillirent la nouvelle de la victoire de Ca-rillon (1758). En fait, en 1763, les Français fêtent la fi n d’une guerre désastreuse et non leurs pertes. Au vrai, la France a perdu ses colonies (Indes et Améri-que) moins par indifférence durant le confl it qu’à cause de l’anéantissement de sa fl otte. D’abord, en 1755, avant le déclenchement offi ciel du confl it, les Britanniques se sont emparés, dans un acte de pirata-ge de grande envergure, d’une forte proportion de celle-ci. Après des opérations fructueuses et destruc-trices de blocus des ports français en 1757 et 1758, cette fl otte est décimée et, suite aux défaites maritimes de 1759, il devient extrêmement diffi cile pour la Fran-ce de défendre ses colonies. Ses espoirs reposaient alors sur des victoires continentales procurant des pri-ses à offrir en échange des pertes lors des négociations de paix, ainsi que sur la capacité de ses forces aux Indes et en Amérique du Nord de conserver au moins le cœur des possessions françaises. Sur les deux plans, les revers succédèrent aux victoires des débuts, dès 1757 en Europe, et à partir de 1758 en Amérique. La France ne possède plus alors de ressources militaires suffi santes pour renverser le cours des événements : une dernière tentative, en 1762, permet une prise éphémère de Saint-Jean de Terre-Neuve que les Bri-tanniques reprendront facilement le 15 septembre.

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INTRODUCTION

De fait, la fl otte française, plus importante que la fl otte britannique sous le ministère de Colbert à l’époque de Louis XIV, avait décliné depuis, négligée par ses successeurs. Dans l’ensemble, l’incurie du règne de Louis XV ne permit pas les redressements néces-saires ; Louis XVI ne sut pas davantage poursuivre la modernisation de la monarchie, et le blocage débou-cha sur la Révolution française. Mais ce n’est pas tant un abandon du Canada qui est en cause qu’une mauvaise lecture de l’importance d’avoir une fl otte imposante ainsi que des ambitions et de la menace britanniques.

En outre, il convient d’analyser cet événement en lui restituant sa contingence historique. Le sort des armes n’était pas joué dès le départ. La tournure des événements, comme une série de décisions, ont mené à ce dénouement. Des décisions prises sur le vif de la guerre elle-même, sur le terrain aussi bien qu’à Ver-sailles ou à Londres. La chute de la Nouvelle-France n’était pas une fatalité : les forces anglo-américaines avaient maintes fois été refoulées. Après la chute de Louisbourg, de meilleurs préparatifs de défense de l’estuaire, notamment des voies de navigation, une dé-cision moins précipitée de Montcalm le 13 septembre 1759, ou de Vaudreuil dans sa retraite au soir de cette défaite, ou encore l’arrivée de renforts français en 1760, auraient peut-être permis de sauver le cœur de la colonie. L’Ontario et le Québec, après tout, sont demeurés des territoires extérieurs à la souveraineté des futurs États-Unis.

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Table

Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11

Première partieles événements

1. Guy Frégault . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 532. George Washington . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 593. Henry Wadsworth Longfellow . . . . . . . . . . . . . . 634. Henri-Raymond Casgrain . . . . . . . . . . . . . . . . . 685. François-Xavier Garneau . . . . . . . . . . . . . . . . . . 736. Gaston Deschênes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 847. James Wolfe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 898. Charles Perry Stacey . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 939. Joseph Marmette . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9910. D. Peter MacLeod . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10711. Pierre Pouchot de Maupas . . . . . . . . . . . . . . . . 11712. Marie-Joseph Legardeur de Repentigny . . . . . . 12313. Un militaire anglais . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12814. Louis Fréchette . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13415. Louise Dechêne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13916. Lionel Groulx . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14517. Samuel Woodward . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15418. Francis Parkman . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 158

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deuxième partieles représentations de la conquête

19. Pierre du Calvet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16720. Joseph-Octave Plessis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17621. Philippe Aubert de Gaspé . . . . . . . . . . . . . . . . . 18422. Octave Crémazie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18923. Thomas Chapais . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19424. Pierre Elliott Trudeau . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20125. René Lévesque . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20926. Voltaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21527. Guillaume-Thomas Raynal . . . . . . . . . . . . . . . . 21928. François-René de Chateaubriand . . . . . . . . . . . 23029. Rameau de Saint-Père . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23530. Henri Martin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24131. Jules Michelet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25032. Charles de Gaulle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25633. John George Lambton Durham . . . . . . . . . . . . 26734. John Fiske . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27735. William Wood . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28236. Gilles Havard et Cécile Vidal . . . . . . . . . . . . . . 286

troisième partieles conséquences de la conquête

37. William John Eccles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30138. Donald Creighton . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30939. Ramsay Cook . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31940. Alexis de Tocqueville . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32641. Edmond de Nevers . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33342. Arthur Lower . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34143. Fernand Dumont . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34844. Arthur Maheux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35945. Jean Hamelin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36546. Fernand Ouellet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37147. Marcel Trudel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 376

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48. Lionel Groulx . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38749. Maurice Séguin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 39050. Guy Frégault . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40451. Michel Brunet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41252. John A. Dickinson et Brian Young . . . . . . . . . . 41753. Stéphane Kelly . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42854. Roch Legault . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43655. Donald Fyson . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 442 Annexes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 447Articles de la capitulation de Montréal . . . . . . . . . . 449Traité de Paris . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 464Chronologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 467

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La ConquêteUne anthologie

Charles-Philippe Courtois

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La guerre de la Conquête, que les Américains appellent la French and Indian War, s’inscrit dans le premier véritable conflit mondial de l’histoire, la guerre de Sept Ans, qui s’est déroulé simultanément en Europe, en Asie, en Amérique du Nord et même sur les côtes africaines. Charles-Philippe Courtois propose ici un panorama très large des inter- prétations, souvent divergentes, qu’a suscitées la perte du Canada par la France, de la part des écrivains et historiens québécois bien sûr, mais aussi canadiens-anglais, britan- niques, français et américains. De Mgr Plessis, qui remerciait la Providence pour la Conquête qui avait permis aux Canadiens d’échapper à la Révolution française, jusqu’à Maurice Séguin, pour qui elle représentait une catastrophe irréparable, de Parkman, qui y voyait la preuve de la supériorité de la race anglo-saxonne, jusqu’à Michelet, qui regrettait la disparition d’une forme de colonisation plus respectueuse des Amérindiens, on trouvera dans ce livre toute la variété des interprétations et des recherches historiques auxquelles a donné lieu cet événement majeur.

Docteur en histoire de l’Université du Québec à Montréal et de l’Institut d’études politiques de Paris, Charles-Philippe Courtois est professeur au Collège militaire royal de Saint-Jean.

ISBN 978-2-89295-242-1

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Un peuple brisé Guy Frégault

Avec La guerre de la Conquête, Frégault a profondément marqué l’histoire de cette guerre et l’interprétation de la Conquête. Frégault a certainement été influencé par la thèse de Maurice Séguin. Il a néanmoins développé une pensée originale, marquée par son enfance dans Hochelaga et l’infériorité économique des Canadiens français, mais sa propre appréciation de l’histoire québécoise en est sans doute devenue plus pessimiste. Selon Guy Frégault, la Conquête, « œuvre de désintégration », est un événement presque fatal à la nation canadienne. Les Treize Colonies ont déclenché la guerre dans l’espoir de détruire et assujettir le Canada. À partir du moment où le Canada perdait la possibilité de se développer de manière autonome en profitant des ressources de son arrière pays du bassin laurentien, la nation, « désarticulée », était condamnée à végéter. À l’inverse de Jean Hamelin, Frégault rappelle que la colonie canadienne, sous le régime français, avait une économie essentiellement commerciale et donc une véritable bourgeoisie, axée sur la traite des fourrures. Cette activité échappera désormais aux Canadiens et leur classe commerçante sera atrophiée.

Une nation coloniale a un besoin vital de sa Mère-patrie dans les stades initiaux de son développement. Sa destinée normale, comme l’illustre l’histoire des Amériques, est de voler un jour de ses propres ailes. Cette croissance s’est interrompue de manière prématurée pour la nation canadienne. La mutilation devint fatidique avec l’occupation de son territoire par les Loyalistes. Exclue du pouvoir politique souverain, exclue de la grande entreprise et des commandes de l’économie, elle n’a pu que se replier sur certains secteurs d’activité rurale pour maintenir une autonomie et une existence rudimentaires. La nation canadienne est donc enlisée dans la médiocrité, notamment sur le plan culturel, et seule l’indépendance lui permettrait d’en sortir, en éliminant le déséquilibre créée par la Conquête.

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Guy Frégault (1918-1977) a eu le même maître que Maurice Séguin et a complété sa formation quelques années plutôt. Avec la guerre, Frégault avait complété sa formation par un doctorat de l’université Loyola de Chicago, au lieu de l’École normale supérieure de Paris, initialement prévue. Lionel Groulx l’y avait encouragé dans le but d’en faire son successeur à la chaire d’histoire du Canada. La thèse de Guy Frégault portait sur d’Iberville. Il s’est rapidement imposé en tant que spécialiste de la Nouvelle-France avec une série d’ouvrages biographiques ou sur La civilisation de la Nouvelle-France. Sa carrière très productive fut tôt interrompue, lorsqu’il devint le premier sous-ministre des Affaires culturelles du Québec en 1960.