Bulletin de La Coordination contre La Societe Nucleaire N°2
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7/31/2019 Bulletin de La Coordination contre La Societe Nucleaire N2
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BULLETIN NUMRO 2 1
BulletinCoordination contre la socitnuclaire
SommaireGestion de crise Socit nuclaire, socit
couche par terre page 3 LEthos bilorusse, mascarade
de la rhabilitation... page 4
Pigs la Nouvelle-Orlans:les flots, la loi martiale page 9
Simuler pour mieuxcontrler page 11
Histoire de con-finementmene page 14
Les blouses blanches la rescousse! page 17
Le Pentagone, seigneurdes quartiers pauvres page 20
Activit Affiche Nuclaire sous
haute tension page 22
De Caen Bruxelles enpassant par lArizona page 23
Prsentation Des livres, des brochures, des
films, des bandes son..., dhieret daujourdhui page 28
Histoire Chooz, la lgitime violence...
page 32
P ar sa dangerosit et la centralisation quil ncessite,par la culture de sre-t quil cre, commercialise et gnralise,par les modes de subordination quilimplique, le nuclaire,loin dtre un simple choix technologique,est part ie intgran-te des dispositifs de contrle global de la plante. En quelques dcennies peine, lenuclaire a montr de quoi il tait capable,depuis les victimes dHiroshima jusquauxcatastrophes du nuclaire civil reconnues (Tchernobyl,Three Mile Island), occul-
tes (Windscale, Kychtym*) ou vites de justesse (Forsmark**). Aujourdhui, lenuclaire civil semble avoir le vent en poupe chez les gestionnaires capitalistes.Desprojets grandioses, dont la ralisation dpendra de la possibilit des investissementsfinanciers et des garanties des Etats, sont donc labors, comme lEPR Flamanville(racteur civil franais dit de t roisime gn-ration) ou bien encore Iter Cadarache (pro-jet international de racteur fusion nuclai-re). Dans le domaine militaire,on assiste plu-tt au dveloppement darmes miniaturisespouvant tre utilises contre des populationsaux quatre coins du monde, dans le cadre deguerres prventives et doprations de police mondiale,bien que la possession
de bombes classiques demeure lun des objectifs des Etats et que les stocks de mati-res nuclaires constituent de rels dangers.
Les gourous de latome prtextent de la crise des nergies fossiles et poussent la roue pour la reprise du nuclaire. La lutte contre les gaz effet de serre devientleur alibi au motifque le racteur nuclaire nen dgage pas,oubliant au passage tou-tes les tapes de la construction et du fonctionnement des installations nuclaires,celles de lextraction de luranium au Niger ou en Australie son utilisation dans lesracteurs,et la pollution thermique par les rejets gazeux et aqueux. Si la socit capi-taliste na jamais eu autant besoin dnergie pour faire fonctionner ses usines, sesbanques, ses rseaux de transport et de communication, ses armes et leurs enginsde mort, sur terre, sur mer et mme dans lespace,il ne faut pas oublier que lnergie
lectrique ne reprsente que 5 6 % de lnergie primaire mondiale et que le nuclai-re en est encore quune infime partie reprsentant 16%.
Aux causes de dsastres propres toutes les formes dindustrialisation,lindustrie nuclaire ajoute la radioactivit artificielle qui peut parfois stendre surdes millnaires. Les nuclocrates le savent et cest pourquoi, loin de nier commeautrefois tous les dangers lis au nuclaire,ils comptent dsormais prparer les popu-lations apprendre survivre en milieu contamin. Le risque nuclaire tant la chosela plus partage, il doit maintenant tre le mieux accept : tout irradi potentiel doitdonc devenir le complice de sa propre irradiation et de celle des autres, encadr parles uniformes kaki et les blouses blanches avec,pour seul horizon, les ranges de cer-cueils de plomb,pour que le monde tel quil est continue fonctionner,dans lequel
le citoyen culpabilis devient acteur de sa soumission.
Sortieimmdiate dunuclaire !
Printemps 2007
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En restant sur le terrain des alternatives sans remettre en cause la bouli-mie nergtique actuelle, par exemple en proposant de remplacer latome par lo-
lien comme nergie renouvelable***, les cologistes dEtat jouent le rle de tartuffeset dadministrateurs de nos vies irradies, toujours la place que lEtat leur assigne.Do les tractations, les compromis,les promesses destines ne pas tre tenues etles jeux de lobbying, qui culminent en priode lectorale. Pour le PS, il faut faireoublier le programme de 1981, son moratoire sur la construction des centralesnuclaires,et Sur Sourire prconise une extinction des centrales anciennes etles plus dangereuses.Par son porte-parole,vire de la manifde Cherbourg, les Vertsfranais,sur la trace de leurs homologues allemands,sengagent pour une sortie sur30 ans ! Quant au PC, fidle sa dfense inconditionnelle,mais intresse,des tech-nocrates et syndicalistes de la CGT dEDF et du CEA,il exige un nuclaire scuriset durable ! Tout regroupement antinuclaire consquent devrait avoir en mmoi-re la dfaite du mouvement la fin des annes 1970 et au dbut des annes 1980 due
la stratgie lectorale prdominante, une critique insuffisante et marginale de lasocit de consommation .
Lexigence darrt immdiat du nuclaire ne relve pas pour nous de la su-renchre. Elle implique la rupture avec les logiques capitalistes et tatiques. Cetteperspective autonome est difficile et incertaine et sa ralisation ne dpend pas que denous.Mais nous avons la volont dy contribuer, pour vivre libres,debout, et non genoux avec des pes de Damocls au-dessus de nos ttes.
Coordination contre la socit nuclaireMars 2007
*Winsdcale,octobre 1957,rebaptise Sellafield. Kychtym, accident de 1957 en URSS totale-
ment occult.**Le 25 juillet 2006, la centrale de Forsmark, en Sude, est plonge dans le noir.Plus rien nefonctionne,sauf le racteur.Les gnrateurs de secours ne dmarrent pas et la temprature ducur grimpe : Tchernobyl nest plus loin.Enfin, lun dentre eux accepte de redmarrer lamanivelle.***Notons au passage quAreva, le constructeur de racteurs nuclaires, poursuit ses inves-tissements dans lolien avec une offre publique dachat des actions de REpower (lun des prin-cipaux acteurs de lactivit) quil ne dtient pas encore. Est-ce pour diversifier ses intrts oupouvoir demain dmontrer quon ne peut pas sortir du nuclaire par lolien ? Sans changer laconsommation lectrique franaise, il faudrait environ 100000 oliennes pour remplacer lescentrales nuclaires!
PRISE DE POSITION
BULLETIN NUMRO 2 2
Le nuclaire, le charbonet la bougie Aprs le ptrole, nuclaire ou char-
bon ?, dans le numro de mars 2007 de
Sciences et (sur)vie. O lon comprend da-
bord que, dans la course effrne la pro-duction nergtique, nous aurons le
nuclaire, le charbon et la bougie qui va
avec pour clairer un monde dvast; o
lon dcrypte le but rel du dferlement de
discours mdiatiques et experts sur le
rchauffement climatique; o lon com-
prend le sens de lexpression relance du
nuclaire et o lon se rappelle ce
quest la propagande scientifique.
Abondant, assez quitablement rparti
sur la plante, peu coteux : lui seul, le
charbon serait la solution idale pour
rsoudre le dilemme nergtique de la-
prs-ptrole Sil ntait un monstrueuxmetteur de C02 et, partant, gage de catas-
trophe climatique venir. Un seul challen-
ger ne tombe pas les gants face au char-
bon, cest latome. Lnergie nuclaire, la
diffrence du charbon, peut rver combat-
tre pendant des millnaires si elle russit le
pari de la surgnration. La Chine, qui a
neuf tranches nuclaires en fonctionne-
ment, sest ainsi fix pour objectif den
construire une trentaine dici 2020 pour
atteindre 40 GW. LInde, qui dispose den-
viron 2,5 MW, construit actuellement neuf
tranches, visant les 20 GW en 2020. Ct
Russie, on sy met galement. Tous leschantiers gels depuis Tchernobyl ont t
relancs, note Bertrand Barr, directeur de
la communication scientifique dAreva, et
le gouvernement annonce la construction
de deux racteurs par an partir de 2010.
Quant aux Etats-Unis, premier parc mon-
dial avec 103 racteurs (et premier pays
minier dans le mme temps), ils ont vot
en 2005 une loi de relance accompagne
de mesures volontaristes pour lever les
craintes des investisseurs : assurances pri-
ses en bonne partie par lEtat, aides fd-
rales pour ceux qui se lanceront les pre-
miers assumant les surcots des ttes desrie. Philippe Pradel, directeur de lner-
gie nuclaire du CEA, espre une nuclari-
sation massive de llectricit lchelon
mondial. 50 %, ce serait bien contre 16 %
aujourdhui. Le problme numro 1 du si-
cle venir, cest celui de lnergie et du
rchauffement climatique. Pour le rsou-
dre, il faudra donc conomiser lnergie,
mais aussi faire de llectricit non mettri-
ce de CO2, cest--dire avec un mlange
nuclaire-hydraulique et nergies renouve-
lables. [] Au final, qui du charbon ou du
nuclaire va lemporter ? En fait, une vic-
toire court terme par KO de lun sur lau-
tre parat hautement improbable.
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C e fut une grande jaunisse, uneribambelle de foies jaunes sans labile qui va avec ; pas une once de rage,dmotion ; ni la moindre analyse que ladistance pourrait permettre, ni la colrede stre fait avoir une fois de plus (cons-truction de nouvelles centrales, lignesTHT). Des amibes atomises qui ontdj tout perdu, sans sen douter. Ils se
parlent peine,suspendues leur batu-cada bruyante, leur kit de manif avecautocollant pour bote de conserve. Trspeu de textes circulent, sauf quelquestracts publicitaires pour panneaux solai-res. Non au nuclaire,oui aux alterna-tives, les mmes oliennes en plas-tiques et les mmes cirs jaunes perte devue.Une manifestation pendant laquellecoller trois affiches devient un acte mi-nemment radical: Elle est pas tropcostaude ta colle,quand mme ?; Evite
les commerces du citoyen-flic; avant leTes papiers! du flic tout courtJusquau point dorgue : place du grandCharles, tout le monde se couche parterre et sapplaudit Quelques compa-gnons, rests debout, font tache et s-poumonent : A bas lEtat, les flics et lescurs, Socit nuclaire, socit mi-litaire et mortifre, Debout, deboutcompagnon de misre, Socit nu-claire,socit couche par terre.
En fin de manif, la CCSN avaitorganis Lille une projection deCeci estune simulation (cf.bulletin n 1).Aprs lefilm, une discussion sest engage sur lapossibilit de contenir la population etde mobiliser des liquidateurs en cas dac-cident majeur dans des Etats dmocra-tiques.Un participant insistait notam-ment sur la diffrence fondamentale quiexisterait, pour lui, entre la Bilorussiesovitique de 1986 et la France de 2007o les gens ne se laisseraient pas embo-
biner .Au-del de lhabituation la ca-tastrophe qui se construit jour aprs jour,
mdecine de catastrophe, retour dexp-rience des territoires contamins,simu-lation, usage du terrorisme,et que diverstextes tentent de cerner dans ce bulletin,quelques pistes de rponses cette ques-tion rcurrente ont t voques.
Dune part, on peut penser que lecitoyennisme,comme forme aboutie de
gestion de lEtat, spanouira et conti-nuera mobiliser la socit autour de lagestion de la catastrophe en usant de cequi fait le mieux sa russite ; ce cocktaildhyperresponsabilisation individuelle,de culpabilisation autoritaire (tes d-chets,tu trieras! ) et dinfantilisation ex-trme (tes enfants tu niras pas cherch etFrance bleue tu couteras! ). En gros,chaque citoyen sera mobilis avant toutpour les gnrations futures, commen-cer par ses propres gamins quil laisse
lcole en attendant plus amples instruc-tions. Le liquidateur sovitique sauvaitsa terre et sa patrie en bouffant de ladose,demain, le citoyen barnais sauve-ra la plante Terre et permettra sonrayonnant dveloppement durable.Comme des dizaines de bnvoles se pr-cipitent pour ramasser mains nues desgalettes de fioul sur les plages aprs unemare noire, ct des bidasses mobili-ss doffice.Liqufaction des cerveaux etliquidation du problme. Nous sommes
tous des liquidateurs ; pas sur les toits
recouvrir le noyau en fusion, non ; maisen se partageant davance la dose venir.Bien sr, il ne sagit pas daffirmer quetout le monde se prcipitera labattoirmais si lirradiante propagande ne suffitpas les fusils et les gaz prendront le relais.
Car il faut remettre en cause cettevision idalise de lEtat et de certains
rgimes qui le font vivre. Comme sinotre socit tait libre et galitaire;comme si, au quotidien, chacun navaitpas dj intgr lobissance dans soncorps ; comme si on nallait pas dj tra-vailler, appliquant sans cesse consigneset rglements absurdes sans les ques-tionner parce quil faut bien grailler ;comme si des milliers de sans-papiers,dechmeurs, de travailleurs prcaires n-taient pas dj disponibles pour allerramasser la merde du systme industr iel.
Rappelons pour finir une banalit debase. LEtat, lorsque son intgrit estmenace ou conteste, ne renonce aucun moyen pour sa propre survie,dut-il limiter son action celle des forcesarmes contre sa population.La dmo-cratie na jamais t un quelconquerempart contre les autoritarismes diverset ltat dexception est dj une normeet une pratique courante de ses gouver-nements.
R & L
Mars 2007
DOSSIER GESTION DE CRISE
BULLETIN NUMRO 2 3
Socit nuclaire,socit couche par terreQuelques notes aprs la manifestation antinuclairedu 17 mars 2007 Lille
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S i, dans un premier temps, lesradiations ont rapidement rgl lesort des travailleurs 1 et des habitants lesplus proches de la centrale de Tcher-nobyl 2, quadvient-il ensuite? A des mil-liers de kilomtres la ronde, tout estcontamin par taches.Presque toutesles terres, les cours deau, les forts sontcontamines par la radioactivit pourplusieurs sicles. La majorit des habi-
tants est malade de cancers, et pas seule-ment de la thyrode.Les enfants sont lesplus contamins; du fait de leur crois-sance,les cellules atteintes se multiplientplus vite 3. Sils ne meurent pas avant
terme, les bbs continueront encorelongtemps de rappeler les images atrocesque nous avons tous en mmoire. Lesmutations qui touchent toutes les esp-ces et essences encore vivantes sont quasiirrversibles puisquelles sont suscepti-bles de se transmettre de gnration en
gnration.Tout ceci pourrait porter croire,
fort navement, que ces rgions sontdsormais inhabitables et que lvacua-tion des habitants est une absolue nces-sit. En ralit, il nen est rien. En tout,plus de 10 millions de personnes viventdans des rgions contamines,rpartiessur la Bilorussie, lUkraine et une partiede la Russie.Jusqu 200 km de la centra-le, on trouve des rgions trs empoi-sonnes par les lments chimiques les
plus lourds tandis que les particules lesplus lgres ont form un nuage qui acontamin les trois quarts de lEurope.
Lexprience bilorusse de Tcher-nobyl fait figure davant-garde dans lagestion sociale post-accidentelle endfinissant un dispositifde gestion du-rable de la qualit radiologique et de laconfiance sociale,ou encore un dve-loppement durable sous contrainte
radiologique .Aussi sovitique que soitconsidr laccident davril 1986, sesconsquences dmesures nen concer-nent pas moins la fine fleur de latomeoccidental.Un nuclocrate averti en vaut
deux.Il faut se prparer au caso il y aurait un gros ppin ,rsume trivialement JacquesLochard, directeur du Centredtude sur lvaluation de laprotection dans le domaine dunuclaire (CEPN).
Figure survivante et pourlongtemps de ce quil est d-sormais convenu dappelerlaccident majeur , la Bi-lorussie est un terrain dexpri-
mentation bni pour lindustrie nu-claire. Les experts franais lont com-pris les premiers et ont, ds 1996,investile vaste laboratoire grandeur nature dela gestion sociale en terrain contami-n . Les conclusions de lexpriencetaient courues davance: lhorreur,
fondue dans les modalits dun quot i-dien absurde, disparat. Le cauchemardoit recouvrir lapparence de lvidence.La contamination nuclaire est alorsnaturalise et rejoint simplement le cor-tge des alas imposs par la sciencemoderne.
La nocolonisationdes experts
De 1996 1998,la premire vague depionniers du programme Ethos investit
le village dOlmany, situ 200 km envi-ron de Tchernobyl. Linitiative en
revient au CEPN. Lequel nest ni plus nimoins quune structure charge de faireaccepter les risques produits par lindus-trie nuclaire franaise dans son ensem-ble. Compos de salaris dEDF, duCEA4, de la COGEMA5 et de lIRSN6, leCEPN produit des rapports dtaills etfabrique les outils de la gestion tatiquedes risques que font notamment courirles installations nuclaires aux tra-
vailleurs et aux riverains des centrales.Lobjectif affich est bien de diffuser unecertaine culture du nuclaire, cest--dire une forme dacceptation socialeaboutie. Le CEPN jouait ce rle depuis1990 en Bilorussie,contribuant, entreautres, ce quun minimum de genspuisse tre relog dans des zones moinscontamines.Noublions pas que moinsde relogements signifie moins de cotpour lEtat et, surtout, moins de visibili-t du dsastre pour le lobby nuclaire
mondial.En 1996, le CEPN rassemble autour
de lui une quipe de choc pour entamerson travail de terrain. Mutadis Con-sultant, une socit prive de commu-nication autour du risque, joue aussiun rle charnire. Ces communicantssavent comment passer la pommadedmocratique,mme sur les plaies incu-rables de Tchernobyl.Mutadis est richedune longue exprience dans le dsa-morage des conflits surgissant autour
des installations industr ielles.7
LInra,fer de lance du lobby cralier franaisultraproductiviste,fait galement partiede lquipe. Elle a en charge la partie laplus juteuse du programme de rha-bilitation, dsigne par les bucoliquesinitiales Fert (Formation pour lpa-nouissement et le renouveau de la Ter-re). Fert se charge depuis 2001 de priva-tiser les terres agricoles jusqualors col-lectivises en kolkhozes,de populariserle recours au crdit, de dverser dans les
champs des pesticides en quantit in-dustrielle et,surtout,dcouler les pro-
DOSSIER GESTION DE CRISE
BULLETIN NUMRO 2 4
LEthos bilorusseLa mascarade de la rhabilitation des villages contaminspar laccident de Tchernobyl
Vivre sous Tchernobyl,cest rapprendre vivre, vivre autrement, intgrerau quotidien la prsence
de la radioactivit commecomposante nouvellede lexistence.*
*Prsentationdu programme franais Ethos
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ductions agricoles contamines.Le touten association avec son homologuelocal : lInstitut bilorusse des sciencesdu sol (Brissa). Lexprience bilorusse
doit instruire le lobby franais de lagri-culture productiviste sur la faon donttout le monde consommera des pro-duits contamins en Europe en cas decontamination tendue (voir lencadrsur le Groupe pommes de terre).
Ds le dpart , les scientifiques et lesexperts europens sont en lien troitavec les autorits locales, rgionales etnationales bilorusses, connivence ba-se sur une solide exprience, de part etdautre, du ngationnisme nuclaire.
Sur la base commune du refus de lva-cuation, refus qui perdure depuis plusde vingt ans,scientifiques et politicardsvont sentendre pour orienter la recher-che dans le mme sens : celui de linvisi-bilit du dsastre, celui de faire vivrelongtemps lagonie... Il leur faut, ensomme,nier les consquences de lacci-dent de Tchernobyl sur la sant desmillions dhabitants des rgions conta-mines.
Bientt, le champ dintervention
nest plus limit au village dOlmany,mais stend tout le district de Stolyn(qui est dailleurs loin dtre le pluscontamin), soit cinq villages et environ90000 habitants.La Commission euro-penne continue de financer les experts,mais des fonds proviennent cette foisdirectement dEDF, de la Cogema et delIRSN. Ethos 2 sachve en novembre2001 avec lorganisation dun pompeuxsminaire international qui se tient Stolyn en prsence dune plthore
dONG franaises,humanitaires ou cul-turelles, qui se chargent de dcliner surle terrain les consignes des experts. Laprsence des Occidentaux senracinetoujours davantage.Les 150 participantssaccordent sur la ncessit de monterde nouveaux projets pour favoriser ledveloppement conomique durable etla rhabilitation radiologique des terri-toires contamins,du projet Core quidoit couvrir, non plus un, mais quatredistricts des zones contamines et
auquel lquipe dEthos est trs troite-ment associe.
Vivre normalement dansdes conditions qui tuent
Lorsquen 1996,lindustrie nuclairefranaise, avec le programme Ethos,
dclare aider les villageois bilorusses faire comme sils pouvaient vivre nor-malement dans des conditions qui lestuent, elle donne un nouvel lan la pro-pagande rpandue depuis laccident deTchernobyl par la technocratie bilo-russe et franaise. Que peut en effetsignifier concrtement rhabiliter un territoire quon sait inhabitable? Ilsagit,ni plus ni moins, de faire accepterle fait accompli du dsastre.En substan-ce, il serait possible de vivre dans un
environnement mortifre, et mmebien, condition cependant de respecterscrupuleusement les consignes desexperts
[Le projet] consistait rtablir desliens de confiance avec la population dece village, par une mise en prsence detoute lquipe sur le terrain. Lors du pre-mier sjour, une grande runion pu-blique a t organise. Une centainedhabitants du village y ont assist. A laquestion : Messieurs les experts euro-
pens,pouvons-nous vivre ici?,lqui-pe avait dcid de se conformer unprincipe thique en rpondant : Nousne sommes pas venus pour rpondre cette question, par contre,nous voulonsbien aider les gens qui veulent vivre ici ettravailler avec eux amliorer leursconditions de vie. (G. Hriard Du-breuil,directeur de Mutadis)
La psychologisation des maux a tou-jours le vent en poupe.Ecul,le mythe dela radiophobie est dsormais abandonn
par ses anciens chantres et a t troqucontre le concept de stress informa-tionnel.Lanxit due au manque din-formations est donc responsable des leu-cmies,cancers du clon,du poumon,dela vessie,du rein,de la thyrode, du sein,des maladies du cur et des vaisseaux,des maladies du foie,des reins,de la glan-de thyrode, des altrations du systmeimmunitaire, de larrt du dveloppe-ment mental chez des enfants exposs inutero, de cataractes, de mutations, de
malformations congnitales,de malfor-mations du systme nerveux. Pour soi-
DOSSIER GESTION DE CRISE
BULLETIN NUMRO 2 5
Le GroupemamansLqu ipe Ethos fait le constat initial que
les mres sont inquites pour la sant de
leurs enfants. [...] Elles font des mesuresde radioactivit dans leur maison : lqui-
pe et les mres se sont lances dans un
programme de mesure pour connatre la
contamination ambiante, pour la localiser,
pour valuer les niveaux de contamination
ingrs par les enfants. En utilisant elles-
mmes les appareils (difficile den trouver
dutilisation simple, robuste qui sintgre
dans la vie de tous les jours ! ), en effec-
tuant des mesures, les jeunes mres sont
devenues autonomes. [...] Une mthode
a t labore, stipulant de dessiner un
plan de chaque maison, de faire des
mesures dans toutes les pices, notam-ment autour des poles, pour voir sil exis-
te des diffrents niveaux ambiants. [...] Le
groupe met au point lchelle de lirradia-
tion externe. Cette chelle de pilotage
pour lirradiation externe permet de
dduire le comportement de prcaution
adopter par rapport au dbit de dose
ambiant. Dans cette chelle, au-del de
1 microsievert par heure, ce sont des
zones viter, sauf circonstances excep-
tionnelles. Par exemple, sil faut traverser
la fort, 45 minutes, des niveaux variant
de 1,5 2 microsieverts, pour aller cher-
cher du bois ou chercher des myrtilles, cenest pas un problme, on peut t raverser.
Par contre, sjourner en fort pendant des
journes entires est viter. On voit que
le ct interdit a t gomm pour met-
tre en avant le ct gestion du t emps :
quand on nest pas oblig daller dans une
zone contamine, pourquoi y aller? Telle
est la philosophie qui sous-tend cette
chelle [de pilotage pour lirradiation
externe], trs bien accepte au sein de la
population. Extraits du sminaire de Stolyn,
novembre 2001
suite page 6
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gner ces fcheuses maladies psychoso-matiques, il suffit alors de rtablir laconfiance des populations vis--vis deleur environnement contamin . La
pollution radioactive est loriginedune profonde inquitude de la popula-tion concernant ses possibles effets sur lasant. (Extrait de Core)
Cest quoi, cecomportement?
Ces programmes ngationnistessont donc arrivs point pour prouverla continuit de lEtat nuclaris. Pr-chant dans les villages bilorusses ladmocratie participative et la concerta-
tion citoyenne, arguant de la ncessitdaffronter ensemble le dsastre, ils orga-nisent la participation factice des futurs-ex-victimes la gestion de leur propreagonie. Lessentiel est que les villageoisaient limpression de prendre en mainleurs existences confisques depuis silongtemps. Au cur de lexpriencedonc, la concertation avec les cobayes tendance rcente dans le cas du nuclaire devrait permettre un nouveau typedacceptation.Ces programmes pseudo
humanitaires sont bass sur ladoptiondabsurdes comportements de prcau-tion par les villageois.Et, si ces derniersne se conforment pas ces mesures com-
portementales qui envahissent leur quo-tidien,du ventre de leur mre leur mortprogramme,alors ils deviennent volon-tairement et individuellement responsa-
bles de leurs maux.Par leur mode de vie,les Bilorusses mor ibonds seraient cou-pables mme de voir leurs proches mou-rir. Pourquoi impliquer la population ?Essentiellement partir du constat quecest au cours de sa vie quotidiennequun habitant des territoires contami-ns se trouve expos sur le plan radiolo-gique.Ds lors quil rside dans un terri-toire contamin, cest le rsultat de sesgestes,de son action, de son t ravail da-griculteur,de son comportement, de ses
choix de vie, qui font quil est plus oumoins expos. (G.Hriard Dubreuil)
Former les relaisdu pouvoir
Les experts nont donc que la dmo-cratie la bouche. Il ne sagit pourtantque dune abstraction totale pour lesBilorusses, dont les proccupationssanitaires (Vais-je crever cette anne?Comment me procurer ces mdica-ments hors de prix ? Tiens, un poumon
dans ma main... ) rejoignent difficile-ment celles de ces petits-bourgeois occi-dentaux, missionnaires de la ncessitdune pseudo nouvelle gouvernance.
DOSSIER GESTION DE CRISE
BULLETIN NUMRO 2 6
Les mres font des mesures de la con-
tamination des aliments consomms. Il
faut beaucoup de disponibilit pour rester
toujours vigilant, toujours motiv. Mais
nous manquons de temps. Et puis, regar-
der nos revenus, a fait mal. Notre budgetest tout petit, on ne peut pas nourrir tout
le monde et faire que tout soit comme il
faut : et la culture radiologique, et les vita-
mines, et la bonne sant, et les bonnes
mesures des anthropogammamtries. [...]
Il faut dire que, cette anne jai donn
moins de foin ma vache, elle a mme
manqu de nourriture. Jai eu moins de lait
mais, quand mme, il tait de meilleure
qualit. Anna Doulskaa, fermire
Lcole de la survie Les enfant s doivent acqurir la com-prhension des droits et des devoirs de
lhabitant des territoires contamins.Youri Ivanov, universit de Brest, Ethos
Nous devons apprendre aux gens
vivre avec la radiation, surtout aux enfants
et aux jeunes.Vladimir Tsalko,
prsident du comit Tchernobyl
Je voudrais insister sur la complmen-
tarit du programme [scolaire bilorusse]
actuel et lapproche Ethos. En effet, ces
deux approches visent toutes les deux mettre en place une culture radiologique.
Le programme actuel insiste sur les units
de mesure, les appareils de mesure et les
consignes-interdits et obligations, bases
sur les normes officielles qui sappliquent
dans lensemble de la Rpublique bilo-
russe. Son objectif est de faire compren-
dre aux lves le becquerel scientifique et
les consignes gnrales pour les territoires
contamins. La pdagogie Ethos est com-
plmentaire. Elle insiste sur la culture
radiologique pratique. Llve est actif , il
produit des connaissances utiles pour son
propre village et il sapproprie les bons
comportements. [] Ainsi, lves et pro-
fesseurs deviennent les vecteurs dune
culture radiologique pratique auprs de la
population en reliant la vie quotidienne
locale et les connaissances radiolo-
giques. Gilles Le Cardinal, quipe Ethos
Ensemble, avec les enfants, en nous
servant des donnes de nos mesures,
nous avons calcul le nombre de becque-
rels que nous ingrons en une journe
avec les produit s de consommation.
Liuba, directrice de lcole maternelle,
participe au Groupe mamans. Elle raconteen termes simples lhistoire de Tchernobyl
suite page 7
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La dmocratie est encore plus chim-rique dans un pays o la proccupationprincipale reste, et restera longtemps,simplement de ne pas crever trop tt et
trop douloureusement. Mais ces p-quenots ne pensent qu bouffer et sesoigner. Les experts mprisent ces pay-sans des kolkhozes.
La concertation certes,mais pas avectout le monde. Seules certaines profes-sions sont vises dans un premier temps.Concrtement, 80 volontaires dtenantdes postes cls enseignants, mdecins,infirmiers, radiamtristes,brigadiers dekolkhozes, etc. se voient confier dumatriel de spcialiste, apprennent le
bric--brac des diverses mesures de laradioactivit, ainsi que la langue de boisqui lenrobe. On sappuie sur les habi-tuels relais du pouvoir, qui deviennentles excutants zls dune gestion socia-le dont les intrts sous-jacents ne lesregardent pas.
Un instituteur de village rsume par-faitement ce fonctionnement : Il estimportant aussi davoir le soutien dudirecteur de lcole pour quil puissecrer des clubs de culture radiologique
pratique qui permettent lorganisationdes expositions, des spectacles,des jour-nes thme lcole. On doit pouvoirsappuyer sur les professionnels locaux,mdecins, radiamtristes, agriculteursprivs, kolkhoziens. Les basses beso-gnes absurdes sont assures par lesfourmis contamines, pendant quunequipe internationale dfinit les grandes
lignes de leur becquerel strate-gy. La culture radiologique assene par les experts se veuttotalisante, le programme
Ethos occupe tous les terrains :ducation des enfants, mesurede la radioactivit au quotidien,agriculture. La dernire entre-prise de ngationnisme nu-claire atteint les Bilorusses aucur de leur vie. Les cobayesdoivent simprgner dune
vritable culture du contrle sanitaire,qui jalonne leur quotidien, et les emp-che ainsi de prendre un recul fatal sur desmesures dont linnocuit est vidente.
Sans la mesure, lemonde reste tranger
Nous navons pas fait un travailclassique dexpert agissant seul pourcommuniquer ses rsultats [], nousleur avons mis des appareils de mesuredans les mains. (G. Hriard Dubreuil)
Les professionnels forms aux me-sures de la contamination peuvent d-sormais diffuser consignes et instru-ments de mesure auprs du reste de la
population, notamment aux mres defamille. Le jargon technocratique depointe sapplique donc in fine aux struc-tures sociales les plus traditionnelles.Compter les becquerels de sa maison, deson potager et de ses champs, des bois,du pole, de son assiette, de son corps etde celui de ses enfants, etc. : voil desdtails du quotidien qui doivent devenirdes rflexes dans chaque famille.Ainsi,chacun a les cartes en main pour conna-tre en dtail les modalits de son agonie.
Il est ncessaire de dvelopper ausein de la population une culture colo-gique moderne. (Vladimir Pach-kevitch,prsident du comit excutif dudistrict de Stolyn. Un des effets de lac-cident de Tchernobyl,cest aussi dajou-ter une dimension, une qualit suppl-mentaire aux choses et la vie. Cela setraduit par lirruption dans le langage denouveaux mots, de nouvelles expres-sions,de nouvelles units plus ou moinscomprhensibles.Chacun doit sappro-
prier tout cela sil veut rester en priseavec cette nouvelle ralit. (Jacques
DOSSIER GESTION DE CRISE
BULLETIN NUMRO 2 7
avec une marionnette (canard). Elle orga-
nise une excursion en fort et dans la mai-
son d un enfant pour raliser des mesures
quelle compare ensuite avec les mesures
dans la crche.
Maria est prof de mathmatique en 5e,elle participe au Groupe lait. Elle organise
une excursion dans un champ. Les lves
prlvent des chantillons dherbe par
endroit en reprant la position par un
numro ; ils apportent les chantillons la
radiamtriste pour mesurer la radioactivi-
t. Un t ravail mathmatique est organis
partir des donnes recueillies; plus de
vingt exercices sont raliss.
Micha est prof de physique et dinfor-
matique en 10e. Il propose dtudier avec
ses lves le phnomne de la dcroissan-
ce de la radiation en fonction de la distan-
ce. Il utilise lexemple des cendres dupole: calculer la quantit de cendres pro-
duites dans le village en une anne par-
tir de la production de cendre en une jour-
ne pour un pole; calculer le tonnage de
cendres produit par mois par an par fa-
mille, puis pour tout le village. En dduire
le nombre de passage de camions nces-
saires pour ramasser ces cendres et les
stocker lextrieur du village.
Pour quils travaillent plus srieusement,
jai dcid de leur faire un peu peur. Je
leur ai parl de l inf luence nfaste de la ra-
diation sur lorganisme, surtout sur les or-
ganes sexuels et la moelle pinire. Ils ontdit quils seraient trs intresss de savoir
comment viter ces effets. Nous nous
sommes mis travailler ensemble. N. Boltova, professeur de travail
manuel Retchisa, et E. Kozachuk,professeur dhistoire de Gorodnaa, au
sminaire de Stolyn, novembre 2001
Le Groupe pommesde terre La catast rophe de Tchernobyl est en
premier lieu la catastrophe des rgions
agricoles. [] Il faut des ressources et de
nouvelles technologies de transformationde la production agricole. On peut produi-
re sur les terres contamines avec la mme
efficacit que sur les terres propres. Vladimir Tsalko, prsident
du comit Tchernobyl
Ils ont utilis des engrais et des pro-
duits phytosanitaires. Nous ne tirons pas
de conclusions dfinitives, mais nous pou-
vons dire que les gens ont commenc
sinitier au dveloppement de la culture
technologique pour cultiver les pommes
de terre. Le rsultat le plus important est
leffet conomique des mesures que nous
avons proposes la population. Sergue Tarassiuk, Brissa, Ethos
Nous devons apprendreaux gens vivre avecla radiation, surtout aux
enfants et aux jeunes.[] Chacun doit prendreen charge son propredestin. Lobjectif de lEtatest daider cela.*
*Citation du comit Tchernobyl, lorganis-me dEtat bilorusse charg de grer toutesles questions ayant des liens avec le nuclairesur tout le territoire de la rpublique.
suite page 8
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Lochard, directeur du CEPN et coordi-nateur dEthos) Limplication des fa-milles ouvre la voie de leur culpabilisa-tion. Si les mesures dpassent la sacro-
sainte norme rpublicaine , si lesenfants continuent de mourir, cest queleurs mres nont pas d mettre beau-coup de bonne volont dans lapplica-tion des comportements de prcau-tion Pole bois,poussires,viande,lait, lgumes du potager,etc. : la mre estcense tout mesurer chaque jour.
Ethos dmontre de manire con-vaincante que nous tous, du ministreacadmicien jusquau kolkhozien retrai-t, nous devons runir nos efforts pour
rsister notre malheur commun. []Le travail des experts franais dans lecadre du projet Ethos est encore analy-ser, mais on peut dores et dj dire lersultat principal: une approche tout fait nouvelle du problme et de sa solu-tion. (Vladimir Pachkevitch)
Le dsastre remet en cause lappareiltraditionnel dapprhension et de me-sure de la radioactivit hrit dHi-roshima. La norme est un concept pra-
tique manier. Quelque soit la normeconsidre 8 elle implique par dfinitionquil y a un niveau de radioactivit au-dessous duquel on ne risquerait rien.
Lillusion de la matrise chiffre aplusieurs avantages.Elle donne des rep-res rassurants aux locaux qui subissentles dsagrments des installations nu-claires et rpond ainsi la demandedexpertise des cobayes. En de duncertain seuil,plus rien ne vient troublerla paisible normalit de la pollutionradioactive. Par suite, la fixation desseuils est un outil privilgi pour dsa-morcer les colres et cristallise les velli-ts de participation citoyenne de ceux
qui navaient auparavant qu se taire etcrever en silence.Maintenant,ils peuventcrever au son de la douce srnade desexperts qui expliquent doctement queles seuils quils avancent sont les seuls rai-sonnables.Ils en revoient mme parfoisdanciens la baisse pour mieux coller ausimulacre dmocratique qui encadrentles interventions.
Liux2005-2007
DOSSIER GESTION DE CRISE
BULLETIN NUMRO 2 8
Le programme prvoit aussi une srie
de mesures visant faire revenir des sp-
cialistes qualifis sur ces territoires, en par-
ticulier dans le secteur agraire, o lon
manque de spcialistes. [] Par exemple,
en ce qui concerne le district de Stolyn, on
y a fourni 812 tonnes dengrais potas-
siques et phosphats. Cette dmarche
constitue une mesure de rhabilitat ion. Valery Chevtchouk,
vice-prsident du comit Tchernobyl
Nous voyons ici une situation o, pro-
gressivement, malgr les problmes ren-
contrs, la vie reprend le dessus. Et la vie,
cest dabord lagriculture qui apporte la
nourriture. Nous sommes heureux davoir
pu contribuer dmontrer queffective-
ment, il tait possible de sengager dans
des voies de progrs, mme dans des
conditions qui apparaissent malgr tout
diff iciles. Michel Mollard, Fert
Si le district de Stolyn est demain, je
lespre, riche, il y aura encore de la radio-
activit, mais cette radioactivit sera
quelque chose de supportable tous les
niveaux. Henry Ollagnon, Inra
Il faut crer les conditions pour former
des sujets conomiques modernes aptes
se dvelopper avec succs dans les condi-
tions du march. Il sagit des petites et
moyennes entreprises qui se trouvent
lheure actuelle dans un tat embryonnai-re et qui sont ncessaires lconomie
agricole au niveau dune production hau-
tement rentable. Les voies de rformes du
secteur agraire de lconomie sont
connues, de mme que les difficults quil
nous faudra surmonter. Enfin, il est nces-
saire de dvelopper au sein de la popula-
tion une culture cologique moderne. La
ncessit de respecter les rgles modernes
de scurit radiologique dans les territoi-
res contamins doit entrer dans la dmar-
che quotidienne de chaque habitant. Vladimir Pachkevitch,
prsident du comit excutifdu district de Stolyn
1 Dj plus de 25000 morts et plus de 200000 invalides.2 Il nexiste pas dvaluation du nombre de mor ts civils qui ont t irradis juste aprs lexplo-
sion. On sait seulement quils se comptent en dizaines de milliers.3 80% des enfants sont malades, ils souffrent de maladies cardiaques,du foie,des reins, de la
glande thyrode,de mutations gntiques,de malformations congnitales, du systme ner-veux,etc.
4 Centre dtudes atomiques.5 Compagnie gnrale des matires nuclaires.6 Institut de radioprotection et de sret nuclaire.7 Institut national de la recherche agronomique8 Normes de radioprotection des travailleurs et du public,de rejet des effluents radioactifs des
centrales, limites dintervention (vacuation, confinement) et de contamination radioacti-ve des aliments, contamination des sols acceptable pour lagriculture et lhabitat dans les ges-
tions post-accidentelles,etc.
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Les htels nous ont expulss et ont ferm leurs portes,nous disant que les autor i-
ts avaient demand que nous rejoignions le Centre des conventions pour yattendre les autocars. Lorsque nous sommes entrs dans le centre-ville,nous avons fina-lement rencontr la Garde nationale.Les membres de la Garde nous ont dit que nous neserions pas autoriss entrer dans le Superdome car labri principal de la ville sest dgra-d jusqu devenir un enfer humanitaire et sanitaire.Selon eux, le seul autre abri de laville,le Centre des conventions, tait aussi en train de tourner au chaos et les policiers nelaissaient plus entrer personne. Naturellement,nous leur avons demand : Si nous ne pouvonspas pntrer dans les deux seuls abris de la ville,quelle est notre alternative? Les gardes nous ontdit que ctait notre problme et quils navaientpas deau nous donner.Ctait la premire de nos
nombreuses rencontres avec les forces de lordre,ineptes et hostiles.Nous avons march jusquau commissariat Harrah sur Canal Streetet, l,nous avons entendu la mme chose :que nous devions nous dbrouiller par nous-mmes et quils navaient pas deau nous donner.
Notre groupe comptait alors plusieurs centaines de personnes.Nous avons tenuune assemble gnrale pour dcider quelle action poursuivre.Nous nous sommes misdaccord pour faire du camping devant le commissariat. Nous serions ainsi sous lil desmdias,ce qui serait visiblement humiliant pour les autor its de la ville.La police nous adit que nous ne pouvions pas rester.Malgr tout, nous avons commenc nous installeret organiser notre camp.Bientt,le commissaire a travers la rue pour sadresser notregroupe. Il nous a dit quil existait une solution : nous devions marcher vers lautoroute
Pontchartrain et traverser le grand pont de la Nouvelle-Orlans o les policiers dispo-saient de nombreux autocars qui nous attendaient pour nous faire sortir de la ville.Lafoule a applaudi et a commenc sanimer. Nous avons rappel tout le monde et nousavons expliqu au commissaire quil circulait beaucoup de fausses informations. Est-cequil tait sr que des autocars nous attendaient ? Le commissaire sest tourn vers lafoule et a dclar avec emphase: Je vous jure que les autocars sont l. Nous nous som-mes organiss et nous tions deux cents marcher vers le pont, avec beaucoup dexcita-tion et despoir.Alors que nous passions devant le Centre des conventions, plusieurshabitants de la ville ont vu notre groupe,dtermin et optimiste,et ils ont demand onous allions.Nous leur avons rapport la grande nouvelle.Des familles ont immdiate-ment pris leurs quelques affaires et nous ont rejoints.La taille de notre groupe a doubl,puis doubl encore. Nous avions avec nous des bbs dans des poussettes, des gens
appuys sur des bquilles,des vieux et dautres en fauteuils roulants.Nous avons marchquatre six kilomtres environ jusqu lautoroute et nous avons mont la pente raide
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Pigs la Nouvelle-Orlans,dabord par les flots, ensuitepar la loi martiale
Nous publions ici un long extrait dun texte qui acircul sur Internet il y a plus dun an maintenant. Lar-ry Bradshaw et Lorrie Beth Slonsky participaient une confrence la Nouvelle-Orlans lorsquelouragan Katrina a frapp la ville en septembre 2005.Ils ont pass presque une semaine coincs par les inon-dations et le cordon instaur par la loi martiale. F
Prs du pont,les policiers onttir au-dessusde nos ttes.
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qui nous menait au pont. Il pleuvait beaucoup maintenant, mais la pluie ne refroidissaitvraiment pas notre enthousiasme.
Quand nous sommes arrivs prs du pont, les policiers arms ont form une ligne
au pied de celui-ci.Avant que nous les ayons approchs assez pour leur parler, ils ont com-menc tirer avec leurs armes au-dessus de nos ttes.Cela a fait fuir la foule dans tous lessens.Tandis quelle sparpillait,quelques-uns dentre nous se sont approchs deux pourles engager discuter.Nous leur avons rpt notre conversation avec le commissaire.Lespoliciers nous ont informs quaucun autocar ntait l.Le commissaire nous avait mentipour nous faire bouger.Nous avons demand pourquoi nous ne pouvions pas traverser lepont quand mme, tant donn, surtout, quil y avait peu de circulation sur lautoroute six voies.Ils ont rpondu que West Bank nallait pas devenir la Nouvelle-Orlans et quilny aurait pas de Superdome dans leur ville.Ctait dire en langage cod que,si vous tiezpauvres et noirs, il ntait pas question de traverser le Mississippi et de vous chapper de laNouvelle-Orlans.Notre petit groupe a recul jusqu lautoroute 90 pour se protger dela pluie en stationnant sous son tablier.Aprs avoir dbattu des alternatives possibles,
nous avons dcid de construire un camping au centre de lautoroute Ponchartrain, surles cts,entre les sorties OKeefe et Tchoupitoulas.Notre ide tait quainsi,nous serionsvisibles de tout le monde,que nous serions en scurit,lautoroute tant surleve,et quenous pourrions attendre et surveiller larrive des autocars.Toute la journe,nous avonsvu dautres familles, individus et groupes qui faisaient le mme trajet sur la pente, seffor-cer de traverser le pont et se faisaient toujours repousser.Certains taient chasss par dessalves,dautres simplement par des Non !,et dautres encore ne faisaient agresser ver-balement et humilier.Des milliers dhabitants de la Nouvelle-Orlans nont mme pas puvacuer la ville pied.
Entre-temps, les deux seuls abris de la ville continuaient se dgrader. Seuls lesvhicules pouvaient traverser le pont. Nous avons vu des ouvriers voler des camionettes,
des autobus,des camions de dmnagement et toute voiture pouvant tre dmarre sanscl code.Les vhicules taient tous remplis de personnes essayant dchapper de la zonede misre qutait devenue la Nouvelle-Orlans.Notre petit camping a commenc fleu-rir.Quelquun a vol un camion de livraison deau et il nous la amen.De grands bravospour les pillards ! A peu prs deux kilomtres plus loin sur lautoroute,un camion de lar-me a perdu quelques cartons dapprovisionnement en tournant. Nous avons amen labouffe notre camping dans des caddies.Les deux besoins essentiels,nourriture et eau,tant maintenant assur, lesprit de coopration, de communaut et la crativit ontfleuri.Nous avons assur le nettoyage et pendu des sacs poubelle depuis des piliers.Nousavons fait des lits avec des palettes et des cartons.Nous avons choisi un caniveau pour enfaire des toilettes et les enfants ont construit un enclos avec du plastique, des parapluiescasss et dautres dbris pour les rendre intimes.Nous avons mme organis un systme
de recyclage de la nourriture o les personnes pouvaient changer des part ies de leurapprovisionnement []
DOSSIER GESTION DE CRISE
BULLETIN NUMRO 2 10
L a catastrophe qui a frapp la Nouvelle-Orlans ne reprsente,en dernire analyse,que la forme paroxystique des dsas-tres qui touchent le golfe du Mexique depuis des dcennies.Car la Louisiane et les eaux qui la bordent sont lune des zonesles plus industrialises des Etats-Unis, dont la cl de vote est lextraction de ptrole en mer et la ptrochimie qui laccompagne.Au quotidien, lindustrialisation frntique de la rgion gnre de telles nuisances que les ctes de la Louisiane battent tous lesrecords des Etats-Unis en matire de cancers, de malformations, etc., leur principale victime tant la population pauvre noireentasse autour des bayous transforms en poubelles. De plus,par le chaos climatique quelle engendre, lindustrialisation de lazone du Golfe favorise la multiplication douragans dvastateurs comme Katrina qui, en retour, ravagent les sites industriels, en
particulier les plates-formes ptrolires,provoquant, parmi dautres maux,de gigantesques mares noires dans lensemble dudelta du Mississippi. Daprs larticle du journal Earth First !,premier trimestre 2006
Lempire toxique de la Louisiane
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T ous les technocrates pro-nuclaires le disent : les temps ontchang, la radiophobie , cette inven-tion de laprs-Tchernobyl pour nier lesconsquences du dsastre,a vcu.Lpo-que nest plus la ngation pure et sim-ple des dangers environnementaux etdes risques pour la sant des popula-tions. Depuis Tchernobyl, analyseavant tout comme une erreur stratgi-que de communication lie une cultu-
re militaire du secret, laccident majeurnest plus une ventualit mais un l-ment du rel intgrer la communica-tion institutionnelle. Comme le rsumetrs simplement une brve AFP davril1991 : La catastrophe de Tchernobyl ananmoins eu un effet bnfique puis-quelle a conduit une transparence delinformation dans ce domaine et unecollaboration internationale entre lesorganismes chargs du nuclaire dans lebut daccrotre la sret des racteurs.
Aprs sa premire campagne publicitai-re sur le nuclaire en 1992, EDF sestmise elle aussi la confrence citoyennequi vient valider des dcisions dj pri-ses ; sans parler des expositions scienti-fiques pour le grand public et des kitsdintervention dans les coles.Ce qui estdit nen reste pas moins mensonger,mais lensemble du discours sest dpla-c et le risque majeur y a pris une placecentrale 1.
Cest dans ce cadre gnral d-volution des discours ngationnistesque lon peut comprendre la vritableexplosion des simulations et autresexercices de crise grandeur nature.Aujourdhui, la simulation est partout :dans une cole primaire, dans unchamp, dans une station de RER,dans lacour dun hpital,au bord dun lac,dansle primtre dune centrale...La simula-tion nous dit avant tout que la catas-trophe aura bien lieu et que lon ny peut
rien ;mais elle nous dit aussi que ce nestpas si grave pour peu que tout le monde
ait intgr ce quil aura faire : en sub-stance,attendre et obir.
Lobservation dune simulationdexercice aprs un incident avec unlcher de gaz radioactifs la centrale deBelleville-sur-Loire, au printemps2005, nous a mens une premireconclusion. Cette histoire est une vi-dente supercherie, commencer par lescnario : aucun moment, les vents
dominants nont souffl dans le senschoisi par les autor its pour simplifier lagestion administrative des servicesconcerns.Les 50 participants sont pr-venus et pays une centaine deurospour se plier ces clowneries ; ils ontattendu sagement trois heures quune 4Ldes pompiers volontaires du village voi-sin viennent les chercher ; il faudraensuite 3 heures supplmentaires pourles regrouper, les compter, les identifieravant de les dplacer vers le centre de
rhabilitation. Au passage, ces 50 per-sonnes ont t mises en contact avec unebonne centaine de personnes qui n-taient pas elles-mmes en tenue deradioprotection tandis que des non-contamins taient transports dans desvhicules contamins On peut penserquen cas dannonce radiophonique dece genre d v n em en t,de contami-nation dun primtre, ce sont plutt5 000, voire 50000 personnes, qui seretrouvent contamines et qui natten-
dent pas sagement.
Pointer la fumisterie peut mener deux impasses.Celle dun rseau deveille qui demanderait des exercices effi-caces,srieux,plus ralistes dont nousne voulons videmment pas.Prendre dela distance ne doit pas non plus nousfaire penser quau fond, ces exercicessont rats et ne servent rien. La simula-tion joue videmment un rle centraldans le dispositif gnral de laccepta-
tion contemporaine. Elle est un des l-ments de cette nouvelle industrie de la
DOSSIER GESTION DE CRISE
BULLETIN NUMRO 2 11
Simuler pour mieuxcontrler
Le ministre de lapeur et de la confu-sion organiseLa brochure Bombardement atomique,
comment vous protger vous-mmes fut
concocte par la Rand Corporation, ppi-
nire des Docteurs Folamour du
Pentagone, et diffuse ds le dbut des
annes 1950, entre autres dans les coles,
les collges et les universits, par lOffice
de la protection civile amricaine. La guer-
re de Core commenait et la hantise dela solution finale par la Bombe tait son
comble. Ctait la premire brochure du
genre, destine faire participer, sous la
houlette de ladministration fdrale, la
population civile des Etats-Unis la dfen-
se de lEtat le plus libre du monde et
neutraliser la moindre tentative de remet-
tre en cause ses objectifs, en particulier
guerriers. Ctait lpoque o Herbert
Marcuse affirmait avec quelque raison:
Lennemi est l en permanence, aussi
menaant en temps de paix quen temps
de guerre. [...] Il a sa place dans le syst-
me. cest lun de ses lments de coh-sion. Notre choix dimages et de com-
mentaires lillustre amplement. Nous les
avons mis en parallle avec des extraits de
la presse contemporaine. Rien ny man-
que, pas mme le mythe de la bombe ato-
mique de poche du KGB. A mditer s-
rieusement par les temps qui courent, o
la figure de Ben Laden remplace celle de
Staline au panthon des monstres mis en
spectacle et destins terroriser la popu-
lation du meilleur des mondes... A D & Ropi
Mai 2007
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peur en train de restructurer tous lesaspects de notre monde ; de la guerreprventive la normalisation quoti-dienne coups dattentifs ensemble ,
en passant par la traque des prdispo-sitions la dlinquance. Agir dans unmonde incertain , cest le nouveaucredo du marchand de biscuits lexpertinternational. La simulation scnariselvnement,anticipe les ractions,pr-pare les corps, met en scne les compor-tements, pour finalement les faire int-rior iser aux divers acteurs.En fonc-tion des cas, on peut essayer dedistinguer trois type dusages psycholo-giques et idologiques des simulations.
Ils se combinent dans chaque exercice enplus ou moins grande proportion.
Comme pour les travailleurs dunuclaire, qui la simulation daccidenta t longtemps rserve, la simulationdaujourdhui a avant tout des usagesprofessionnels, techniques. Il sagit detester les capacits daction des spcialis-tes qui auraient grer ce type de crise:les autorits administratives, les servicesdivers de la protection civile, les pom-
piers, le Samu, les forces de scurit ta-tiques et parfois prives. Comme ail-leurs dans ce monde, le point qui obsdele plus les gestionnaires est la communi-cation interne. Que tout le monde secomprenne pour essayer de travailleravec les autres.Se battre avec une bchede dcontamination qui, dcidment,fait chier, demander son chef com-ment on fait pour desserrer le masqueparce que l je respire plus;rgler pen-dant des heures lantenne dun radio
amateur. Bref, lenjeu principal est derassurer ses hommes,faire en sorte quilsne cogitent pas trop et quils en con-cluent que dcontaminer des gens,cest comme sauver le chat dune petitevieille sur un toit du village. Les popu-lations riveraines ne sont alors que va-guement prvenues, voire seulementinformes aprs coup du bilan toujourspositif, mme si on essayera de fairemieux la prochaine fois.
Un deuxime type de simulationdaccident fait au contraire la part belle
aux populations riveraines.On passe dela routine du travail bien fait unelogique plus vidente dhabituation. Ilsagit la fois de ddramatiser la proxi-
mit de la centrale et, surtout, dappren-dre la soumission. Dabord, dclinertoutes les dix minutes son identit ;puis,trs vite,se livrer corps et me sans rechi-gner au regard et aux appareils de mesu-res dhommes en tenues NRBC dont ondistingue peine le regard et dont la voixest modifie par le masque ;on passe unejambe au-dessus de la ligne jaune, puisune deuxime, on lve les bras en croix,on se retourne et, si on est une fille, oncarte les jambes devant un monsieur
qui savoure et prend tout son temps(pourquoi pas aprs tout, cest pour defaux) ; mettre ses affaires dans un sacpoubelle ;passer ensuite la douche,nu,devant ces mmes spectateurs et, lors-que lon en sort , on ne sappelle plusmonsieur ou madame Untel,mais n54 ;les cheveux mouills, en pyjama dhpi-tal, on rentre alors par paquets de sixdans un camion lgamment fourni parlIRSN (les wagons Pellerin) ; une fois lecorps tout entier pris dans une machine
trange,des blouses blanches mesurentvotre contamination interne , pren-nent votre numro de Scu et griffon-nent un papier ; vous font ressortir car,videmment, cette fois-ci, tout va bien ;reste alors la prise en main psycholo-gique,trs la mode depuis linventiondans les annes 1990 dun statut de vic-time psychologique qui part du pr inci-pe que le choc est quelque chose danor-mal que lon doit traiter individuelle-ment. Cest, bien sr, la gentille cole
communale qui est alors transforme encellule : Mettez-vous au chaudquand mme
Tandis que le policier expliquequil a simplement demand jouer quand il a su quil y avait lexercice:Moi, jai ici trente lvesBon, lexer-cice nuclaire en lui-mme,moi il map-porte rien, par contre, la mise en placeque jai faite ce matin au niveau dumaintien de lordre ma normment
apporte. Quant aux militaires, ils res-tent en arrire-plan et regardent cette
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BULLETIN NUMRO 2 12
Phase 1 Attaque atomique sovitique,dtruisant Manhattan, New York.
Latt aque terroriste nuclaire simule
Bruxelles, qui abrite le sige des institutionseuropennes et lOtan, pourrait, dans la
ralit, faire 40 000 morts. Le bilan devrait
augmenter avec la progression du nuage
radioactif, indiquent des participants le-
xercice organis en prsence dambassa-
deurs auprs de lUE, du reprsentant pour
sa politique trangre, J. Solana, et de son
coordinateur antiterrorisme, G. De Vries.
LAlliance atlantique a pris part la simula-
tion, ralise par la Nuclear Threat Ini-
tiative, appuye par son secrtaire gnral,
J. Hoop Scheffer. La NTI, qui a pour but de
rduire les menaces poses par les armes
de destruction massive, est prside parlex-snateur S. Nunn et T. Turner, patron
de CNN.International HeraldTribune, mars 2004
Phase 2Profitant du chaos,les communistes
dissimulent des bombes atomiques valises.
Le 11 septembre 2001, aprs lattentat
contre les Twin Towers et le Pentagone,
ladministration US a dclench lalerte
nuclaire, dit G. Allison, ex-vice-secrtaire
la Dfense de B. Clinton. Pour lui, B. La-
den a affirm au journaliste H. Mir, ancien
du Mossad, quil disposait de lune des
armes nuclaires portatives inventes l-
poque de la Guerre froide par les savants
russes: la bombe valise. Les intervenants
estiment que la mobilisation des Etats et
des peuples et les moyens mis en uvre
ne sont pas en rapport avec la menace.New York Times,octobre 2005
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agitation sourire aux lvres : aujour-dhui, ils ne travaillent pas vraiment,demain,ce sont eux qui feront tout .Et leprsident de la commission locale din-
formation, cre pour sassurer un sur-crot de lgitimit dmocratique, desexclamer ravi : On a enfin eu un vraiexercice dalerte, complet et suivi,cest lapremire fois quon nous montre les sasde dcontamination , avec le personnelmdical et le suivi psychologique.Lensemble donne une impression desrieux. Il est content, le bougre.
La catastrophe doit pntrer lequotidien, elle doit y prendre une place
qui permette une sorte de mise distan-ce, mais une distance qui ne la fasse pasnon plus tout fait disparatre.Ce savantdosage se manifeste tout fait claire-ment dans des simulations hypermdia-tises lchelle nationale,voire interna-tionale. Ici, le dcor est pharaonique etles figurants se comptent par centaines.La mise en scne est alors trs directe-ment destine aux camras. Elles sechargent de relayer dans tout le pays travers de petites lucarnes une certaine
ide de la prise en main. A ce stade, lasimulation est le lieu (espace-temps) ola catastrophe industrielle de proximi-t se dissout dans le terror isme interna-tional.A ce titre, les attentats du 11 sep-tembre ont permis une acclration (sice nest pas un saut qualitatif) dans lafusion de ces deux risques. Encoreune fois, la pseudo-exposition mdia-
tique permet un tour de passe-passe: ladfaillance technique disparat petit petit dans lerreur (forcment humaine)et bascule finalement dans la malveillan-
ce volontaire, dans lagression extrieu-re. Cette dernire a le mrite, pour lespouvoirs, de ne pouvoir tre tout a faitanticipe 100%.
Dautre part, la menace dun ter-rorisme devenu lui aussi bio permet derassembler occasionnellement dans degrandes crmonies la population, depointer une responsabilit secondaire,parcellaire et dexpulser finalement ledissensus jusqu la prochaine catas-
trophe. La confusion sinstalle et on nesait plus trs bien o sarrte la simula-tion et o commence lincident ;o sar-rte le dsordre industriel,o commen-ce le terrorisme. Bien sr, jamais pourdire que le plus grand terrorisme est in-dustriel.Elaborer des scnarios la bom-be sale, les raliser et les filmer bruyam-ment permet aux gouvernements duti-liser comme moyen de contrle de leurpropre population ce pour quoi cesbombes seraient penses : Instiller la
peur en contaminant et en gelant pour delong mois les zones habits ou strat-giques sur lesquelles elles seraient lan-ce. 2 Et faire oublier au passage quesans combustible nuclaire, il ny auraitpas de bombe sale et,surtout,quil nexis-te pas de bombe propre.
RopiDcembre 2006
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BULLETIN NUMRO 2 13
Phase 3 Les journalistes restent leurspostes pour informer la population.
En 1989, le CEA a simul pour ses cadres
une crise fictive sur le thme dun Tcher-
nobyl la franaise. Des journalistes pays
10 000 F/j ont t convis jouer le rle
qui serait le leur si la centrale venait met-
tre rellement en danger la vie de la popu-lation. [] Ces dispositifs de gestion de
crise ont pour but de contrler linforma-
tion. Plus habilement que la censure, la-
quelle engendre rumeurs et comporte-
ments incontrlables, la manipulation
sexerce en amont : la vrit nest plus
interdite, elle est maquille. Mme si elle
finit par merger, il sera trop tard pour rec-
tifier le tir : un organe de presse revient
rarement sur un sujet dactualit prim
ou sur une affaire boucle.L'Evnement du jeudi,
mai 1991
Phase 4 Ltat durgence dclar, la policepeut abatt re les fauteurs de troubles.
Les att entat s denvergure que la policeaustralienne a annonc avoir djou la
semaine dernire auraient eu comme cible
probable lunique racteur nuclaire
dAustralie. [] Le Parlement a par ailleurs
t saisi dautres propositions de loi qui
devraient, dici la fin du mois, accorder la
police et aux agences de scurit le droit
de garder en dtention des suspects
durant deux semaines sans inculpation.
Les forces de scurit pourront en outre
tre autorises tirer pour tuer dans cer-
taines circonstances.Le Figaro,
novembre 2004
1 Ces inquitudes naissent dabord des reprsentations que se font nos concitoyens desrisques quils associent aux irradiations, mais elles nont pu qutre attises par le climat de
secret qui a longtemps rgn dans ce domaine [].Au moment o les pouvoirs publics orga-nisent un dbat qui se veut ouvert sur lnergie,il convient de mettre plat le dossier nuclai-re et dvoquer la question cruciale dune refondation des relations entre la population et seslus. Une manire de faire pleinement jouer son rle la dmocratie , crivent dans LeMonde, en 2003,les patrons de l Insee,de lAdeme, du Conseil suprieur de la sret et delinformation nuclaire et de lAgence nationale pour la gestion des dchets radioactifs.
2 Larme de terre a sorti en 2006 un manuel demploi de ses forces en zone urbanise et enta-m la construction dun site de simulation. Dans la revue Objectif doctrine, le bien nommCentre dvaluation et de retour dexprience tire les leons tactiques et de formation des per-sonnels des diffrentes interventions de scurisation de zone ur baine (Somalie, Grozny etKosovo). Un environnement qui peut dgnrer,devenir incontrlable,bref,une probl-matique qui peut survenir sur son propre territoire national la suite dun vnement quel-conque :une banlieue qui senflamme ou une panique gnralise la suite dun accident
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F aisant suite a un prcdent texteque nous avions fait paratre sur lagrippe aviaire,La basse-cour dpossde,qui sappuyait sur un dossier de lassocia-tion Grain mettant en cause lindustr ie
avicole dans ce problme devenu mon-dial,nous vous livrons cette fois quelquesrflexions sommaires sur les mesures deconfinement proprement dites.
La peur nvite pas le danger,le confinement non plus
Ces mesures nous ont t imposeset taient censes contenir lpidmie etque lon retrouve dailleurs aussi pourles hommes dans diverses gestions decatastrophes. Telles sont, par exemple,
les mesures imposes de clotrement despersonnes dans leur habitation ou le lieu
o elles se trouvent avec obligations debarr icader portes et fentres,ne pas tl-phoner, ne pas boire ni manger, ne pasaller chercher ses enfants, couter laradio choisie par les autorits,etc.,dans
les exercices de simulation de cata-strophes nuclaires possibles. Que cesmesures dans les abords proches dunsite nuclaire puissent paratre illusoireset aberrantes ne signifie pas non plusquelles soient totalement inutiles con-tre la propagation de germes ou de pol-lutions hautement pathognes outoxiques. Ce fut, certains moments,comme pour la peste,des mesures diso-lement qui ne garantissaient pas totale-ment la propagation pathogne, mais
qui la contenait.Ctait dj le rvlateurdes nuisances de la concentration des
activits humaines. Aujourdhui, cesmesures de confinement ne sont enralit que la suite aberrante de cetindustrialisme aberrant . Ce confine-ment relve et reflte lidologie domi-nante, cest--dire dune vie vcue sousbulle,dune mfiance envers la nature etles autres, dun dni du dsastre indus-
triel que lon se refuse remettre enquestion pour la simple raison que lonen profite. Si cette suppose solution duconfinement se rvlera de plus en pluscomme une prison pour tous,une bana-lisation dtats durgence et de couvre-feu, nous faisant ainsi payer le prix denotre collaboration volontaire ou force ce monde criminel, elle nous enfonceun peu plus dans lartificiel et un mondehors-sol techno-scientiste ludique, faitdapparentes facilits et de propret,
mais dont nous aurons perdu la com-prhension globale et le sens.
Comme nous lavions soulign, lesmesures de confinement, qui ont timposes lors du prcdent scnario degrippe aviaire (dautres ne manquerontpas darriver) aussi bien aux particuliersou aux petits leveurs quaux industrielsde llevage avicole,ne feront en ralitquaider la disparition des premiers etprovoquer une slection des plus per-formantes chez les dern iers. Lindustr ie
avicole est, rappelons-le, la principaleresponsable de cette pidmie croissan-te dans le monde, aussi bien dans sonapparition que dans sa propagation.Cette responsabilit commence trereconnue piteusement sans faire trop debruit dans certains mdias comme dansLe Mondedu 27 fvrier 2007 dans lequelil est dclar : Les experts soulignent lerle de la mondialisation du march dela volaille dans la diffusion de lpizoo-tie et que mme si la faune peut par-
fois jouer un rle, on a plutt le senti-ment que lessentiel de ce qui se passe
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Histoirede con-finement meneou quil est beau mon poulailler, mon petit intrieur !
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aujourdhui est li la multiplicationrapide du virus dans les levages et, enparticulier, dans les grands levages quilui donnent un potentiel multiplicateur
norme. Cest timide comme remiseen cause, mais les oiseaux sauvages vontpeut-tre ne plus tre regards commeles oiseaux de malheur dHichcock.
Ltat de sige, un remde la fuite
Pour relever un peu plus le ct cy-nique de cette histoire de grippe aviaire,nous voudr ions apporter quelques ob-servations supplmentaires sur ces me-sures de confinement qui nous semblent
pour le moins assez illusoires,sauf peut-tre dun point de vue spectaculaire.Tout dabord, sil est reconnu que la ma-ladie peut tre propage par linterm-diaire de mammifres ou doiseaux, leconfinement pour ra-t-il empcher pra-tiquement des moineaux ou autres pe-tits passereaux de venir picorer ou den-trer dans la zone suppose tanche;pourra-t-il empcher les rats, souris,loirs dy pntrer, mme accidentelle-ment ? Ce nest gure pensable.
Cette mesure de protection par leconfinement agit sans aucun doutecomme un miroir aux alouettes rassu-rant et ne peut rien garantir du tout.Dautant plus si lon prend en consid-ration lintrusion indispensable de lle-veur pour soigner ses volailles qui de-vrait, sil ne veut pas trop introduire ousortir de germes indsirables et devenirmalgr lui un agent propagateur, cons-truire un sas de dcontamination danslequel il devrait changer de tenue pour
aller soigner ses btes. La tenue de
rigueur tant bien entendu celle labeli-se NRBC* avec masque gaz et trau-matisme assur chez les volatiles.
Quand on se donne la peine daf-
fronter la ralit de ce genre de mesuresdsespres de sauvegarde de la vieindustrialise, on imagine assez facile-ment, dune part, la qualit de vie quenous procureron t ces mesures denfer-mement diverses,de vie sous cloche,et,dautre part , le genre de vie improviseet autonome que cela va aider un peuplus radiquer.
Autres remarques propos,cette fois,dun formulaire dict par les servicesvtrinaires de la prfecture et distribu
par les mairies qui nous demandait dedclarer et denfermer nos volailles.Dans ce formulaire,on demandait ga-lement denfouir un mtre de profon-deur une volaille retrouve morte quelon devait au pralable enfermer dansun sac en plastique. Ceci ne relve pasdun gag mais des prescriptions des for-mulaires prfectoraux. Si le sac en plas-tique, sans aucun doute biodgradable,pourra certainement favoriser un bonbouillon de culture microbien, aucun
responsable des services vtrinaires quiest lorigine de ce genre dobligation nesest amus creuser un trou dun mtrede profondeur pour y enterrer une mal-heureuse poule. Si la force ne doit pasvous manquer, le temps ne doit pascompter non plus.Sinon, il ne vous resteplus qu faire intervenir lentreprise deterrassement du coin, surtout si le ter-rain est caillouteux ou gel.Autant sen-terrer soi-mme! Quel sens peut-ontrouver tout cela quand on sait quil en
sera tout autrement pour les pigeons de
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Phase 5 Les citoyens doivent surveiller etneutraliser la propagande communiste.
A la station de RER Invalides Paris, a eulieu la premire simulation grandeur natu-
re dattaque bioterroriste. [] La popu-
lation a droit linformation, mais lEtat
doit adopter une attitude quilibre. Il faut
viter les excs. Les citoyens doivent tre
conscients des risques et de la capacit des
services spcialiss les protger. Mais
lEtat ne peut pas tout faire. Chacun est
acteur de la scurit, face aux intempries,
au risque technologique et bioterroriste.
Nous avons tous un devoir de vigilance.Rgis Guyot haut fonctionnaire de
Dfense, Le Monde, octobre 2003
Phase 6 Les associations de quar tierdoivent contr ibuer rtablir lordre.
De toutes les installations nuclaires
franaises, cest La Hague qui pose le plus
de problmes. Il faut immdiatement pr-voir des moyens militaires pour protger le
site. [] La doctrine de sret du nuclai-
re vient de voler en clats. Le concept pro-
babiliste sur lequel elle reposait est invalid
(un danger trs important, associ une
probabilit tellement faible que le risque
tait considr comme acceptable). Le
risque terroriste a t soulev par
quelques-uns depuis les annes 1970. On
a rgl la question par le silence total.
Depuis le 11 septembre, cette poque est
rvolue, sous peine pour nos politiques de
passer pour des irresponsables.
Le directeur de Wise, lobby cologiste,septembre 2001
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lglise, les pigeons voyageurs,les cygnesdu chtelain du coin, du gibier dlevagepour la chasse, etc.
Du contrle, encore du contrle,toujours du contrle
Dans cette histoire de confinement,la grippe aviaire nen est pas le seul ava-tar. Il est manifeste que lhomme indus-triel sapplique lui-mme le sort quilrserve ses btes.Rcemment, dans lescoles de la rgion parisienne (voirepeut-tre ailleurs?), les enseignants ontreu les directives appliquer pour seconfiner avec les lves en cas daccidentmajeur, industriel ou nuclaire! Sil ny a
malheureusement que les autorits pourprendre au srieux un tel scnario avec,lappui,des exercices de simulation poursinstruire des difficults quils auraient rencontrer dans sa gestion, la popula-tion, quant elle, sera guide et triecomme du btail et cela ne semble pastrop la dranger tant donn le peu deractions que cela suscite.
Dans ces directives, confinementoblige, il tait amen une petite prci-sion concrte et quelque peu logique,
quil nest peut-tre pas inutile de releverici: les enseignants ont lordre de ne pascder aux supplications des parents quivoudraient rcuprer leurs enfants...Sinous vous laissons imaginer la difficultlaisse lenseignant afin dassumer unetelle dcision, nous pouvons galementfacilement voir dans ce confinement,pour la bonne cause, une vulgaire prisedotages pour empcher les parents defuir...
Enfin, lisolement du chacun chezsoi devient la norme applique la situa-tion normale comme la situation decrise. Plus largement, la sparation
dans tous les comportements humainsfait que la diffrence devient de plus enplus minime et que laction ou lide col-lective est range au titre de danger.Cestune situation sduisante pour un idalde gouvernance autoritaire o le confi-nement de la pense et de la rflexion estrduit lui aussi lespace quon lui lais-se: la participation, la cogestion et lerformisme. En fait, une oppositionpossible ces mesures est concrtementbien difficile, sinon donner du grain
moudre au systme pour se perfection-ner. Alors, afin de ne pas remettre sanscesse et dfinitivement nos vies entre lesmains dexperts ou dautorits bien-veillantes, il nous reste une position derupture radicale sans tomber toutefoisdans les piges du nihilisme et du primi-tivisme.
Cette opposition nest pas le fruitdune ide fixe abstraite et idologique,mais le rsultat dobservations concrtesdu dlabrement de nos conditions
dexistence et de ce qui nous reste dau-tonomie. Nous recevons de plein fouetla dshumanisation de ce monde et la-vnement du rgne de lartificiel et ducontrle.Toute ces mesures dexceptionne sont pas anodines, elles sont desoutils du pouvoir,des camisoles volon-taires, liberticides mais sanitaires pournous faire accepter de gr comme deforce ce monde si con et tellementfinement men. J & J
Janvier 2007
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*NRBC:tenue de pro-tection contre les pol-lutions nuclaires,bac-tr iologiques, chi-miques,etc.
Phrase 7 Pendant lalerte, personne ne doitsortir de lusine, du bureau, de lcole...
Jeudi matin , 9 heures 30 : les trois sir-
nes de lusine de retraitement de combus-
tibles irradis de La Hague et celles de
Beaumont et dOmonville sonnent lalerte.
Le maire de Beaumont-Hague peut lancer
la procdure de confinement des huit
cents enfants scolariss dans les coles et
les collges. Une heure plus tt, un exerci-
ce tait dclench Cogma La Hague.
Un accident dans lunit UP3 de lusine de
retraitement de combustibles irradis qui
allait provoquer un dgagement radioactif
dans latmosphre. Le scnario, haute-
ment improbable, explique la Cogma,
est celui dun exercice grandeur nature.Ouest-France,octobre 2005
Bonne rvision de la conduit e tenir en
cas de crise nuclaire. Cet exercice est un
test de dimension nationale pour lensem-
ble des oprateurs chargs de la gestion
de la crise nuclaire. Sur les 26500 habi-
tants de la zone, 8000 seront avertis par
un message dEDF transmis par tlphone
filaire. Une centaine de foyers feront lob-
jet dune opration dalerte tandis que les
autres seront avertis par un message diffu-
s par haut-parleur, radio et ronde des
pompiers. [...] Les lves dune cinquantai-
ne dtablissements joueront en temps rel
les modalits du plan de mise en sret.La sous-prfecture de Dunkerque,
mai 2004
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D epuis plus de deux sicles,lEtatfait appel la mdecine pour jus-tifier la coercition quil exerce sur lespopulations quil administre et leur faireaccepter linacceptable, en part iculierdans les situations de crise, de guerre etde catastrophe.La scurit quil est censleur garantir, alors mme quil participe la destruction de leurs conditions devie, avance sous le masque dbonnairede la scurit sanitaire. A condition
dendosser la blouse blanche, la mainqui tue serait aussi celle qui soigne.Cestainsi que le pouvoir de police de linsti-tut ion mdicale est assur travers sonrle de thrapeute pour le bnfice delEtat et de lindustrie,y compris lindus-trie nuclaire.
Dsormais, il est impossible decacher lampleur du dsastre nuclaire.Cest pourquoi les troupes de choc ducorps mdical montent au crneau sous
luniforme aseptis des mdecins decatastrophe, kit de survie en milieu con-tamin au poing,en dignes hritiers despres fondateurs de linstitution mdi-cale. Depuis laube de lindustrialisa-tion, la fonction thrapeutique de celle-ci a consist, dans le meilleur des cas, rechercher des palliatifs plus ou moinsmomentans aux diverses maladies,entre autres pidmiques, qui prolif-raient sur le terrain de lenvironnementsocial dgrad par le capitalisme. Cela
non pas pour combattre leurs causessociales mais, au contraire,afin de sou-mettre les damns de la Terre aux nou-velles conditions dexploitation et dedomination, quitte affaiblir leur orga-nisme,et mme en exterminer pas mal titre prventif.A la fin du XVIIIe sicle,lanaissance de la mdecine moderne con-cida avec lapparition de la variolisation,forme antdiluvienne de vaccination,organise de faon autoritaire par lEtat,en Angleterre, pour juguler,daprs lui,
les pandmies qui dcimaient la popula-tion. Linoculation estropia et tua des
masses incalculables de nourrissons afinque les rescaps, immuniss, puissenttravailler dans les premiers bagnesindustriels, la base mme de la socitcivile en gestation, et tre enrols dansles armes des Etats modernes en forma-tion. En France, le rapporteur de lAca-dmie royale des sciences ne cachaitdailleurs mme pas lobjectif de lop-ration : Je nai pas peur de dire que,mme si nous devions supposer que le
risque d linoculation tait suffisam-ment important pour emporter 100 en-fants sur 943, il en rsulterait de grandsbnfices pour la socit []. Car mim-porte non pas la naissance,mais la nais-sance civile, lge auquel les personnesdeviennent utiles la socit et lEtat.1 Par la suite, les thrapies demasse prventives et curatives rencon-
trrent parfois quelques succs partiels,
malgr leur ct mortifre, mais ce futtoujours avec le mme objectif: plier lesindividus aux ncessits sociales. Au-jourdhui, la socit capitaliste,quipede moyens technologiques sans prc-dent, a gnr de telles dgradations dela vie humaine lchelle plantaire queles prtentions thrapeutiques de lamdecine sont revues la baisse parceux-l mme qui la portait hier auxnues. Ainsi, dans les propos des mde-cins de catastrophe, il nest plus question
que de limiter la casse et dapprendre survivre au sein de milieux mor tifres
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Les blouses blanches la rescousse !
Phrase 8 Aprs lalerte, la protection civile
doit mesurer la radioactivit.Le Secrtariat gnral du gouvernement
vient de valider une circulaire sur les
moyens de secours et de soins face une
action terroriste nuclaire. La France se do-
te dun schma dorganisation sans qui-
valent dans le monde. [...]. La formation de
base des mdecins la prise en charge des
victimes radiocontamines a dj fait lob-
jet dun test (DR). Sagissant des risques
NRBC (nuclaire, radiologique, biologique
et chimique), le N et le R sont les moins
bien lotis: la culture du secret dfense a
occult celle du risque, de sa prvention et
de son traitement.Le Quotidien du mdecin,
mai 2003
Phrase 9Ds que la radioactivit baisse,il fautrduire les fractures et soigner les brlures.
Lintervention en situation durgence
radiologique exige du personnel mdical le
maximum de rigueur et desprit de dci-
sion. Mais il doit comprendre que, dans le
domaine de la radiocontamination, les-
sentiel, cest l intervention de type mdico-
chirurgicale pour traiter les blessures et les
brlures. De toute faon, lexception des
grands irradis condamns trs bref
dlai, la plupart des cancers radio-induits
napparaissent que bien plus tard.Le Quotidien du mdecin,juin 2000
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que lindustrie de la sant a, elle-mme,contribu crer.Elle est bien finie l-poque o linstitution mdicale pro-mettait dradiquer les risques sanitai-res, en cas de catastrophe. Plus pro-saque, lOrdre des mdecins proposeaujourdhui den minimiser, le cas
chant, les consquences2
.
En France, le nuclaire est lechamp dexprimentation privilgi dela nouvelle mdecine de catastrophe,place sous le signe de la lutte cont re leprtendu terrorisme nuclaire, quelEtat compte tendre lensemble de lavie sociale. L, les mesures sanitairesquelle prconise sont par ticulirementdrisoires, quand elles ne sont pas d-sastreuses comme le montre le cas des
enfants leucmiques de Tchernobylencore plus affaiblis, voire parfois ache-vs, coups de radiations lhpital deVillejuif,ds 1989,selon le principe de lamdecine durgence : Combattre lemal par le mal. Mme la pastille diodeneutre, prsente contre le moyen pr-ventif par excellence en cas de retom-bes,ne peut entraver la fixation de liso-tope radioactif de liode sur la thyrodeque dans des conditions presque impos-sibles obtenir lors de crise nuclaire
cause, entre autres choses, du tempsimparti pour lingrer.Lequel isotope ne
constitue dailleurs que lun des l-ments radioactifs relchs. Contre leplutonium, le csium, etc., bien plusagressifs, linstitut ion nose mme pasproposer dantidote. Reste alors, en casde contamination superficielle externeet interne, la douche et la purge la
mode des vieux hyginistes de laRpublique, lOrdre des mdecins nh-sitant pas affirmer que des douchessoigneuses, en rgle gnrale, peuventsuffire dcontaminer 3. Dans les casles plus graves,le professeur Carli,grandmanitou du Samu de Paris et pourfen-deur du terrorisme nuclaire,comp-te, lui, traiter les grands irradiscomme les grands brls 4. Mais sup-poser que leur peau cicatrise,ils nen res-tent pas moins des macchabes en sursis,
condamns bref dlai vu les doses deradiations de toutes sortes que leurcorps a encaisses!
Atteinte ici dimpuissance thra-peutique caractrise, linstitution m-dicale na pas dautre choix que decacher en grande partie les particularitsdes maladies nuclaires afin de pouvoirjustifier la vritable fonction quelleassure dj au quotidien : celle de policesanitaire. Aussi, non seulement les
nuclaristes dEtat dguiss en urgentis-tes en minorent les consquences mais,
de plus, ils les assimilent des formes depandmies bien connues afin que leursadministrs acceptent leurs mesuresautor itaires de surveillance et de contr-
le.Dans leur optique crapuleuse,relayepar les mdias, les isotopes radioactifsseraient en quelque sorte des poisons,lesirradiations des intoxications,et ainsi desuite.Vision rductrice qui leur permetdappliquer,en cas de dsastre, les dispo-sitifs dhygine, de quarantaine, dequadrillage,de tri slectif des individusconfins que lEtat moderne a toujoursutiliss au cours des pidmies et desguerres.Mais, encore moins que les ger-mes,les radiations ne peuvent tre stop-
pes par les fortifications de papier dres-ses autour des zones contamines.Lesmisrables mesures de dcontamina-tion ne font, en dernire analyse, quefaciliter leur dispersion. En particuliervia la clbre douche qui symbolise sibien lhyginisme hexagonal initi parPasteur : leau radioactive, impossible stocker,passe dans le sol et, partir de l,dans les plantes, les animaux, etc., etcontamine les cosystmes plantaires.
En cas de crise nuclaire, le pou-voir mdical rvle de faon caricaturalece quil est dj dans la vie de tous lesjours : lune des meilleures justificationset lun des cls de vote du pouvoir delEtat sur les individus quil comptegrer comme des troupeaux dociles,prts tre envoys labattoir sansmme ragir.Y compris, si ncessaire,coups de mdicaments qui les loboto-misent.Ainsi,pour Noto,mdecin gn-ral de larme responsable de la Socit
franaise de mdecine de catastrophecre au lendemain de Tchernobyl,les-sentiel est de bien grer le stress de lapopulation pour viter des actesincontrlables 5. Pour cela, il proposede multiplier et dintgrer encore plusau dispositif de militarisation appliquen cas de crise les cellules de soutienpsychologique cres dans la foule dela lutte contre le terror isme , de lesassocier aux quipes durgence psychia-trique du Samu, lesquelles sont charges
de distribuer les psychotropes destines abrut ir les rtifs potentiels. Si la cami-
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sole de force ne suffit plus, lautor itmilitaire, qui dtient le pouvoir rel,peut toujours tirer dans le tas.
Non contents den rester ladnonciation du ct charlatanesquedes mesures sanitaires, les lobbies colo-gistes nhsitent pas racoler sur lemme terrain que lEtat :celui de la scu-rit nuclaire sur fond de peur du ter-rorisme . Ainsi, les leaders du Rseausortir du nuclaire affirment, proposdes simulations dactes de terrorismenuclaire organiss par lEtat, via leSamu, Paris: Certes, il vaut mieuxtenter de se prparer pour le cas o le
pire arriverait.6
En bons gestionnairesde crise, ils sont incapables de compren-dre que la mdecine de catastrophe estprventive et curative, mais pas au sensthrapeutique.Pilier du pouvoir nucla-riste,elle contribue prparer les corpset les esprits laccepter au quotidien,avec le cortge de ravages qui laccompa-gne depuis des dcennies,mme en lab-sence de catastrophe avre. Elle a desfonctions ducatives de formatage pro-ches de celles des hyginistes dantan
qui, au nom de la propret des corps etdes esprits, part icipaient au travail dedressage des individus ds les bancs de lamaternelle. Cest ainsi que la Socit demdecine de catastrophe, cre sous lahoulette des services sanitaires de lar-
me, joue le rle de conseiller de lEtat,en particulier au ministre de lEdu-cation, pour prparer la population, ycompris dans les coles, grer en
citoyens responsables les situations odes risques majeurs apparaissent .7
Voil donc ce que cache les beauxdi