Bruxelles Santé n° 47 - septembre 2007 · 2017. 12. 18. · Périodique trimestriel, parait en...

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Périodique trimestriel, parait en mars, juin, septembre, décembre - N° 47 - juillet - août - septemnbre 2007 - ISSN 1371 - 2519 BELGIQUE–BELGÏE P.P. - P.B. BRUXELLES X - BRUSSEL X BC 1785 BUREAU DE DÉPÔT : BRUXELLES X Question Santé asbl - 72 rue du Viaduc - 1050 Bruxelles P 204068

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Périodique trimestriel, parait en mars, juin, septembre, décembre - N°47 - juillet - août - septemnbre 2007 - ISSN 1371 - 2519

BELGIQUE–BELGÏEP.P. - P.B.

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BUREAU DE DÉPÔT :BRUXELLES X

Question Santé asbl - 72 rue du Viaduc - 1050 Bruxelles P 204068

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En guise d’introduction, un peu d’histoire ancienne se révèle trèsinstructive. Au 19e siècle et jusqu’au début du 20e, l’ouest du pen-tagone bruxellois a pris sa part au développement industriel dupays : brasseries, imprimeries, papeteries, ateliers de confection... En l’absence de moyens de transport et en raison des conditionsde travail très dures, les familles ouvrières préféraient loger près deleur entreprise ; elles s’entassaient dans des cours et des impassesinsalubres. Mais le mouvement hygiéniste du 19e siècle, mû à lafois par la peur des épidémies et la crainte des violences popu-laires, entraîna des mesures «d’assainissement urbanistique» dontla plus connue est le voûtement de la Senne.

Le percement des rues Auguste Orts et Antoine Dansaert va dansle même sens : il s’agit de remplacer le dédale obscur des quartiersouvriers par de larges avenues et des immeubles bourgeois (on estface à la Bourse !). La rue Orts fut tracée dès 1877, on y trouvait descafés à la mode et plusieurs théâtres. Il fallut trois décennies (1890-1920) pour percer la rue Dansaert ; elle sera bordée d’hôtels demaître et d’immeubles à appartements. Ces opérations de rénova-tion urbaine radicales ne parvinrent que partiellement à attirer lesclasses aisées dans les quartiers du centre (beaucoup préférèrentles nouveaux quartiers de prestige qui étendaient la ville vers l’est,notamment l’avenue Louise). Par contre, elles réussirent indiscuta-blement à forcer les familles pauvres à se diriger vers d’autres quartiers, à l’ouest du canal... Déjà.

L’exode urbainDès la fin des années 1950, même la classe moyenne a tendance àquitter les villes pour les banlieues résidentielles qui se construisentdans la périphérie. Parallèlement, les vieux quartiers du centre se

en direct de…

Le quartier DansaertUne fois de plus! nous revenons sur ce déterminant dela santé – tant physique que mentale et sociale – quel’on sait essentiel : l’habitat" Et cela en portant nos pasdans un périmètre qui! depuis une quinzaine d’années!symbolise le renouveau des quartiers centraux deBruxelles" Non sans ambiguïté! d’ailleurs" Comme lerelèvent les auteurs d’un opus auquel nous faisons denombreux emprunts et dont nous recommandons lalecture#! «au travers des diverses transformations qui la composent! la “revitalisation” entretient son mythe!celui du retour à l’harmonie de la ville d’antan! et révèle ses enjeux sociaux»"

sommaire

en direct de…Le quartier Dansaert 2

bouquins malins 7

dossierLe nouveau visage

de l’aide alimentaire 9

initiativeSanté et environnement

dans les Marolles 17

hors rubriqueUsage de tabac et de cannabis :

quelle prévention

avec les jeunes ? 19

élargissons le débat22

annonces 24

1 M. VanCriekingen, J.-M. Decroly, C. Guisset, F. Verdin, «Itinéraire de larénovation desquartiers anciens àBruxelles»,Hommes etPaysages n° 32,Société RoyaleBelge deGéographie, 2001.

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dégradent toujours davantage (dégra-dation entamée, dès l’entre-deux-guerres, par les travaux de la jonctionNord-Midi et poursuivie ensuite parceux du métro notamment). En gros,ces quartiers conservent surtout leurshabitants les plus âgés ou les pluspauvres et accueillent des migrantseux-mêmes pauvres, originaires desrégions rurales du pourtour méditerra-néen. Le logement locatif est presquetoujours ancien (immeubles datant dudébut du siècle), d’un faible degré deconfort (chauffage, sanitaires…) et par-fois même insalubre. Voilà donc lasituation à la charnière des années1970-80. Quand et où démarre le phé-nomène de la «revitalisation urbaine» ?Dès le milieu des années 70, commedans la plupart des villes occidentales,répondent les auteurs déjà cités. Ilsmettent ce phénomène en relationavec d’autres, d’ordre démographiqueet économique.

Le recul de l’âge au mariage et à laparentalité, la progression de la coha-bitation hors mariage et la baisse de lafécondité entraînent une augmentationdu nombre de jeunes ménages situés,pendant une période relativementlongue, entre le départ du domicileparental et la formation d’un noyaufamilial stable inscrit sur le long terme.Ces jeunes adultes ont des modes devie très différents des familles avecenfants qui prédominent dans les ban-lieues. Vivre dans le centre ville estpour eux très attrayant : ils sont pro-ches de leurs lieux de travail commedes lieux de loisir, tous les servicesurbains leur sont accessibles et le tissuarchitectural et urbanistique ancienleur plaît.

Par ailleurs, dans les années 1980, lemarché de l’emploi se transforme, avecpour conséquence que ces jeunesadultes trouvent plus tard ou plus aléatoirement une assise professionnel-le. Ils privilégient dès lors les logementslocatifs qu’ils peuvent quitter facile-ment en cas de changement profes-sionnel ou familial. L’évolution macro-économique entraîne l’apparition d’une

nouvelle catégorie de population : lesyoung urban professionals, qui jouis-sent de revenus confortables et souhai-tent se démarquer de la consommationde masse. Sur le plan du logementaussi, ils recherchent des formules alter-natives et valorisantes (lofts, p. ex.). Ilsvont être des acteurs importants de lagentryfication des anciens quartierspopulaires et industriels.

«Au sortir des Golden Sixties, écriventles auteurs, le quartier de la rueAntoine Dansaert était enfoncé dansune logique de dégradation globale :dégradation du bâti et déclin de lafonction commerciale. Les commercesspécialisés qui en faisaient l’attrait (deshorlogers et des bijoutiers surtout) proposaient des marchandises dépas-sées par le progrès technique et leschangements de mode de consomma-tion : boutiques de vente et réparationde pendules, d’enfilage de colliers deperles… Faute de repreneurs, celles-cifermèrent les unes après les autres tandis que d’autres commerçants préférèrent déménager en périphériepour suivre leur clientèle. Ainsi, audébut des années 1980, la rueDansaert était jalonnée de commercesà l’abandon.»

Le renouveauLa première boutique de mode, Stijl,s’y ouvre en 1984. Elle entraîne à sa

Tout n’est pas encore rénové dans le quartier...

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suite l’installation de nombreux jeunesstylistes, surtout flamands, qui visentun public jeune, aisé et branché ; la rueDansaert leur offre alors de vastesespaces à bon marché, et à deux pasdu centre commercial et touristique dela ville. Dès le début des années 1990,les nouveaux commerces de la rue sontau nombre de 40 ; on en compte 25 deplus quelques années plus tard. C’estaussi à cette époque que le vieuxBeursschouwburg, soutenu par laCommunauté flamande, se redéfinitcomme lieu d’ouverture multiculturelleet artistique. En modifiant l’image duquartier, la transformation commercialeentraîne toute une dynamique derénovation de l’habitat. De nombreuxpropriétaires «retapent» leurs bienspour les louer à de nouveaux ama-teurs : de jeunes adultes, principale-ment belges et surtout flamands, issusde milieux relativement aisés, quiapprécient le quartier pour ses cafés,ses restaurants, ses boutiques et sonoffre culturelle (Beursschouwburg,Kaaitheater, Ancienne Belgique...). Pa-rallèlement, l’augmentation des loyersfait fuir toute une population à basrevenu, souvent d’origine étrangère.

Les initiatives sont publiques et pri-vées. En 1998, huit établissements

d’enseignement supérieur néerlando-phone situés à Bruxelles lancent avecle soutien de la VGC le projet «QuartierLatin», qui vise à attirer les étudiantsflamands en faisant la promotion deskots proposés par les propriétaires duquartier ou même enachetant et enréaffectant des immeubles vides. Audébut des années 2000, la Société deDéveloppement Régional Bruxelloisconstruit 68 nouveaux logements ruedu Houblon, à la place de bâtimentslaissés longtemps à l’abandon. La Villeréaménage la place du Vieux Marchéaux Grains. De nouveaux propriétairesrénovent le chancre de l’ancien grandmagasin Sarma, abandonné en 1988.

Comment a évolué ce quartier depuis ?Question à trois personnes qui leconnaissent bien. Et qui vont nousaider à relativiser son image «chic etbranchée»... Pour commencer, la rueDansaert est censée comprendre,séparés par la vaste place du NouveauMarché aux Grains, un «bon» et un«mauvais» tronçon, le premier orientévers la Bourse, le second vers le canal.Le Service d’Accompagnement Socialaux Locataires Sociaux, créé en 2001,réunit plusieurs institutions activesdans le logement social au niveaurégional. Son conseil d’administrationsouhaitait qu’il soit hébergé dans unquartier «pas trop chic». Chance : unensemble immobilier industriel vientd’être rénové, rue d’Alost, pouraccueillir les bureaux d’entreprises pri-vées et d’associations. C’est ainsi quele SASLS atterrit au Centre Dansaert.Près du canal...

Canal versus BourseDominique Van Haelen : «Quand onparlait de notre emménagement à desgens qui habitaient le sud de Bruxelles,on se rendait compte que cette zoneavait une réputation désastreuse,basée en fait sur de fausses représen-tations (c’est d’ailleurs vrai d’autresquartiers, à Schaerbeek par exemple).

Les logements de la SDRB,de part et d’autre de la ruedu Houblon

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Tout ce qui se trouvait près ducanal, pour eux, c’était la jungle :déprédations, agressions, traficde drogues, “Petit Chicago”… Lecanal continue à constituer unevraie frontière mentale ! Et, bienentendu, c’est associé à la dange-rosité supposée de la populationimmigrée. Pourtant, quand nousétions au Centre Dansaert, nousn’avons jamais eu de vitre de voi-ture brisée ; nous n’avons jamaisété agressés alors que nous tra-vaillions tard et circulions beau-coup. Bien sûr, nous avons parfoisété témoins de trafics. Et il y a eudes cambriolages… Mais quelquartier en est préservé ?»

Catherine Végairginsky vit dans lequartier depuis 1997 et ne s’enest éloignée de quelques cen-taines de mètres que tout récem-ment : «Pour moi, ce quartier vade la Bourse au canal mais ausside la place Sainte-Catherine à laplace Saint-Géry. Ce qui m’adonné envie d’y habiter, c’était lecôté village en pleine ville, lespetits commerces – le volailler, lefromager, le boulanger –, et enmême temps un accès presqueillimité à la vie culturelle : le ciné-ma, le théâtre, les concerts, leslibrairies. Il y a dix ans, la rueDansaert comprenait deux par-ties : celle qui va de la Bourse à laplace du Nouveau Marché auxGrains et celle qui va ensuite versle canal ; dans cette deuxième

partie, il y avait davantage d’habi-tants d’origine étrangère mais cen’était pas du tout un ghetto, il yavait des échanges. Dans lasemaine, le quartier était trèsanimé, par contre le dimanchec’était calme, on n’entendait pra-tiquement pas de voiture avant14h! Au bout d’un an, on connais-sait tout le monde, on se saluaitdans la rue, on se retrouvait auxterrasses des cafés.»

À cette époque pas si lointaine, ilexiste encore une réelle mixitésocio-démographique : «belgo-belges» plutôt âgés dans les loge-ments sociaux, migrants de diver-ses origines (Maghreb, Turquie,Europe de l’Est) dans des loge-ments privés – et, depuis le boomdes années 1990, une populationplus ou moins branchée dans lapartie plus proche de la Bourse,qui a modifié le discours des habi-tants du sud de l’agglomérationet les attire dans «ce quartier dechouettes boutiques». Près ducanal, le café Walvis a aussi eu uneffet d’entraînement en drainantaussi bien des travailleurs associa-tifs qu’un public branché. Ainsicoexistent des francophones etdes flamands, des belges et desétrangers, des familles modesteset des couples bo-bo, des «cultu-reux» et des sans-papiers.

Sur le plan de la santé, le tableaun’est évidemment pas si rose.Dominique Van Haelen : «Unepartie de la population est bienlogée, mais il y a aussi des gensqui paient pour avoir un lit dansune chambre de six : un proprié-taire a d’ailleurs été condamnécomme marchand de sommeil ! Etil ne faut pas nier les conflits et lesdifficultés de la vie au quotidien :les personnes âgées qui sontagressées par le bruit du voisina-ge pendant la nuit ou dérangéespar les enfants qui squattent lesentrées d’immeuble... et les gensqui ont des revenus de remplace-

ment tout à fait insuffisants : allezdonc vivre avec une allocation dechômage au tarif isolé ! Et pour-tant, il y a moins de tensions queje ne m’y attendais. C’est commes’il existait des mondes parallèles,qui se recoupent très peu, quis’ignorent sans que le fait des’ignorer pose trop de problèmes.Je m’attendais à un discours racis-te très carré de la part des belgo-belges mais, finalement, pas tantque ça. Et puis, beaucoup sonttrès attachés au quartier, du style :j’habite ici depuis 20 ans et j’y res-terai jusqu’à la fin de mes jours…»

Des mondesparallèlesMais le processus de gentryfica-tion se poursuit et même se ren-force. Catherine Végairginsky :«Comme habitante, j’avais l’im-pression d’une grande ouvertured’esprit. Les âges étaient mélan-gés aussi ; les artistes, les stylisteset plusieurs écoles attiraient touteune population jeune. C’était com-me ça jusqu’il y a environ 5 ans.Alors le prix de l’immobilier a litté-ralement explosé à Bruxelles, etcela a affecté non seulement leshabitants mais les commerçants duquartier. Une série de commercesont disparu, les plus typiques : il ya un an encore, Sougné, un maga-sin d’articles de pêche très ancienet très connu, a fermé ses portes.Beaucoup de stylistes créatifs ontmême dû plier bagage et ont étéremplacés par des chaînes fran-çaises : on trouve maintenant lesmêmes dans le quartier Dansaertque sur les Champs-Elysées. Cesmarques rencontrent sans doute lademande d’une population moinsintéressée par le culturel, l’alterna-tif, plus conformiste : on travaillebeaucoup, on gagne beaucoupd’argent et on le dépense vite. Et on participe peu à la vie duquartier.»

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La mixité serait en perte de vites-se : «La rue Van Praet, entre laplace de la Bourse et Saint-Géry,a progressivement été monopoli-sée par des restaurants asiatiques,or c’est une population qui ne semélange pas. D’une façon géné-rale, les habitants du quartier semélangent moins qu’auparavant.Même lorsqu’il y a un concert àciel ouvert et que les organisa-teurs se démènent pour attirerune population très diversifiée.Récemment, avec le KlinkendeMunt, on donnait pendant cinqjours, gratuitement, des concertsde musiques du monde, folk,alternative : dans le public, onvoyait principalement des habi-tants d’origine belge.»

Un autre changement concerneles personnes sans abri : «Il y a dixans, les gens de la rue étaientcomplètement acceptés par leshabitants, ils avaient des endroitsoù aller, notamment place Sainte-Catherine, ou près de l’égliseSaint-Jean-Baptiste. Aujourd’hui,au-dessus du parking Sainte-Catherine, il n’y a plus qu’ungrand espace vide avec seulementquelques bancs, où les gens de larue sont beaucoup plus visibles,ce qui ne leur convient évidem-ment pas. Alors ils vont ailleurs,vers des lieux beaucoup plus sor-dides, ou bien ils squattent l’en-trée du GB de la rue de la ViergeNoire, où ils sont beaucoup plusgênants pour les clients !»

Faisons une halte rue desChartreux : entre deux restau-rants, Chez Nous/Bij Ons offre unaccueil de jour aux personnessans logis. C’est délibérémentque ce local s’est ouvert dans lequartier en février 1998. Bart DeWin, coordinateur : «Nous vou-lions trouver quelque chose dansle centre ville : il y a beaucoup desans-abri dans le coin, du côté deSainte-Catherine, de la Bourse,de la place De Brouckère. Il existe

d’autres lieux pour eux mais l’ac-cueil y est souvent conditionnel : ilfaut être membre, avoir un projetde réinsertion sociale, les gensqui sont sous l’influence d’un pro-duit ne peuvent pas entrer, onn’accepte pas les chiens... Nousessayons de maintenir le seuild’accès le plus bas possible pourpouvoir accueillir les personnesles plus marginalisées. À côté deservices très pratiques – desrepas, des vêtements de deuxiè-me main, des produits de toiletteet, récemment, une douche –,nous offrons une aide sociale pourles problèmes administratifs oujuridiques, de santé ou de loge-ment. On essaie de sortir de larelation assistant social/assisté,d’être proche des gens. On peutles accompagner dans leursdémarches. On travaille à leurdemande, on n’essaie pas de lespousser. Mais on leur donne aussila possibilité d’être actifs en tra-vaillant bénévolement avecnous.»

Bien logés et sans$logisComment se passe la cohabita-tion avec les gens du quartier etles commerces huppés ? «En1998, cette partie de la rue desChartreux était encore populaire.Mais il y a eu de plus en plus derénovations, et les anciens habi-tants, des personnes à faible reve-nu, ont dû laisser la place à unepopulation plus aisée et aller versMolenbeek, de l’autre côté ducanal. On voit toujours davantagede beaux magasins et, du coup,nous, ici, nous faisons un peutache… Certains commerçantssont ouverts à notre action maisd’autres rattachent tous les pro-blèmes à notre présence dans lequartier : c’est tout juste si on nenous reproche pas les crottes dechiens ! Ce sont souvent les nou-

veaux venus qui nous demandentquand nous allons partir… Il fautcommuniquer avec ces gens, voirce que nous pouvons améliorerpour ne pas leur occasionner tropde désagréments.»

Car il y a des tensions, bien enten-du. «Quand on a construit le Closdes Chartreux, les logements sesont vendus à des prix qui ontscandalisé les plus pauvres. Placedu Jardin aux Fleurs, un bâtimentde 8 étages comprenant une cen-taine de chambres a été vendu etmis en rénovation. Les locatairesont dû s’en aller. Il s’est produit unpetit mouvement de protestationet le CPAS a dépanné des per-sonnes qui dépendaient de lui,mais beaucoup n’ont pas trouvé àse reloger. L’amélioration de laqualité de vie dans un quartierentraîne le départ de certainescatégories d’habitants. Je penseque les politiques pourraientmieux encadrer ces change-ments ; on parle sans cesse deconstruire des logements sociaux,mais où en est-on sur ce plan ?Comme individu, comme citoyen,on se sent assez impuissant.Plutôt que d’essayer de s’opposerà une évolution économique eturbanistique qu’il est très difficiled’arrêter, nous avons à être créa-tifs, à créer des lieux de vie com-munautaire et à faire reconnaîtreces formes de vie alternatives.L’enjeu est de créer un contre-poids économiquement et politi-quement acceptable. Aux autori-tés, régionales mais aussi commu-nales, de prendre leurs responsa-bilités pour tenir mieux comptede toute une population qui rési-de parfois là depuis des décen-nies. Et qui, autrement, devraquitter Bruxelles.»

Propos recueillis par Alain Cherbonnier

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La première idée qui vient à l’esprit, c’est que la préface deDamien Vandermeersch, professeur d’université mais aussimagistrat, dit tout. Que l’on ne peut mieux faire que lareproduire. Ça, c’est avant de lire les quelque 137 pages deClaire Capron. Après, il y a l’envie d’écrire : «Ce bouquin,lisez-le. Lisez-le. Lisez-le.» D’écrire ça sur toute la largeur dela page et de s’arrêter là. Et puis, on se dit qu’il faut faireson boulot.Il est très difficile de rendre compte de ce livre qui est for-midable aux deux sens du terme. Le sens moderne – remar-quable, qui sort de l’ordinaire – mais aussi le sens ancien :qui suscite l’effroi. L’effroi et la colère, car ce qui ressort deces témoignages sur la prison (celui de l’auteur mais sur-tout, à travers elle, ceux de nombreux détenus), c’est unsadisme structurel. Ce qu’on appelle «l’univers carcéral» esten lui-même générateur d’arbitraire, de brutalité, d’humi-liation et d’injustice. Un détenu n’est pas seulement unhomme enfermé, c’est à peine un homme, c’est quelqu’undont on veut qu’il soit sans volonté, sans choix, sans voix,sans droit. Nous n’entrerons pas dans la discussion quepourrait lancer ce contre-argument : «Mais la plupart de cesgens ont eux-mêmes bafoué le droit, exercé la loi du plusfort, fait subir aux autres souffrances et injustices !» Disonsseulement, comme le préfacier, que ces récits tout simplesdevraient pouvoir clouer le bec à ceux qui vont répandantdes images de prison «cinq étoiles». Hélas, le confort estdavantage dans la paresse intellectuelle de ceux-ci quedans les conditions de vie des prisonniers…

Il est difficile de rendre compte de ce livre en raison desémotions qu’il suscite, alors même que l’écriture est parfai-tement dénuée de pathos : l’auteur fait même tellementdans la simplicité que parfois elle n’évite pas les mala-dresses. (Et peu importe, d’ailleurs, parce que c’est le reversd’une capacité d’empathie qui transparaît de bout en bout.)Enfin, il est impossible de résumer l’ouvrage parce qu’il estconstruit sur une série de portraits, d’histoires singulières.Par conséquent : ce bouquin, lisez-le. Lisez-le. Lisez-le. Claire Capron n’a pas perdu tout espoir d’évolution d’unsystème qui (re)produit ce qu’il est censé combattre ; leconcept d’une justice réparatrice tenant compte de la victi-me, les peines alternatives, la médiation pénale lui semblentporter des promesses de changement. Puissiez-vous,Madame, voir juste.

Ce monde hors du mondeEchos d’une visiteuse de prisonClaire CAPRON, Couleur Livres, 2007

Quelques mots sur cetouvrage très bien fait,dont on peut conseiller lalecture et l’usage à tousles professionnels sou-cieux de communiquerpubliquement par l’écri-ture. Bien sûr, comme onest dans la santé, domai-ne particulièrement sou-cieux de scientificité, larédaction d’un article derecherche se taille la partdu lion puisqu’une des trois parties du livre lui est entière-ment consacrée. Mais les fiches qui portent sur les autrestypes d’écrits (récit d’action, compte rendu, diaporama,poster, rapport, communiqué de presse, interview…) et lesfiches plus généralistes («Ecrire pour être lu») sont recom-mandables à tout professionnel, quel que soit son domained’action. «Fiches», avons-nous dit, car chaque partie est constituéede chapitres généralement brefs (parfois une seule page) oùl’on peut aisément aller piocher. Un ouvrage concret(exemples), clair, pratique – et non dépourvu d’originalité.Ainsi, la fiche sur l’interview se présente comme… l’inter-view d’un journaliste ! Mais les auteurs annoncent d’embléeque les questions ont été posées a posteriori en se calquant

bouquins malins

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sur le discours de l’interlocuteur, lequel a ensuite validé letexte. Et voilà une question à la fois technique et éthiquetraitée en acte !(Disponible auprès de l’éditeur, 20 € pour la Belgique, port compris. Bon de commande sur www.sfsp.info/sfsp/infos/documents/pubguide.pdf. Pour éviter les frais ban-caires, demandez sur [email protected] à payer par vire-ment.)

Ecrire en santé publiqueGuide d’aide à la rédaction en promotion de la santéOuvrage collectif, Société Française de Santé Publique, 2006

Il ne faut pas se laisser tromper par ce titre un brin provo-cateur : l’ouvrage n’est en rien polémique. Ce qui ne sur-prendra pas les lecteurs de la précédente publication de laFondation – aujourd’hui Association – Françoise Dolto :Education. Quels repères pour grandir ? (2004, chez lemême éditeur). Laquelle avait été le point de départ d’undossier en deux parties publié dans les numéros 37 et 38 deBruxelles Santé, sous le titre “ Pour un partenariat entreparents et professionnels ”. Un sous-titre qui conviendraitparfaitement à ce deuxième livre, sauf à remplacer “ pro-fessionnels ” par “ enseignants ”. Il est clair cependant quece partenariat est à construire, il ne va pas de soi. Défi querelèvent les contributeurs de cet ouvrage collectif, parmilesquels Philippe Béague met les bouchées doubles puisqu’ilécrit au total une cinquantaine de pages (mention spécialepour la qualité d’écriture de “ Une société fragilisée : lafamille et l’école, actrices de prévention face à la dépres-sion ”). Notons aussi les noms de Jozef Corveleyn (psycho-logue, KUL), qui traite des familles dites défavorisées, cellesdont le rapport avec l’école est le plus difficile, fait de peurset d’autodévalorisation, Sylviane Giampino (Association

Nationale des Psychologues de la Petite Enfance), qui nousparle de ce «métier» qu’est l’accueil des enfants, MichelVandenbroeck (pédagogue, RUG), de la place des parentsdans les crèches de quartier, et Chantal Letor, de la profes-sion qu’elle exerce depuis 33 ans : institutrice maternelle.

Ce deuxième ouvrage s’accompagne d’un DVD comprenanttrois séquences. La première est un reportage (40’) deThierry Vincent de Lestrade produit par France 3 en 2002 :«Madame la Principale». Pendant tout un trimestre, l’équipede tournage suit cette directrice, énergique et persuasive,qui, avec le soutien d’une équipe éducative elle aussi épa-tante, est parvenue à ce que son Collège, jusque-là classéparmi les plus violents de France, soit redevenu un lieu devie et d’éducation. Car c’est ce qu’elle annonce d’emblée àla rentrée aux nouveaux profs : «Vous n’êtes pas ici seule-ment pour enseigner, vous êtes aussi ici pour éduquer…Aucun adulte qui passe à côté d’un enfant en difficulté –parce qu’un enfant qui fait quelque chose d’interdit est endifficulté –, aucun ne doit passer à côté de cet enfant sanslui manifester son intérêt d’adulte.» Et elle cite : «La beautéest dans les yeux de celui qui regarde… Si vous voulez quequelque chose change chez eux, c’est votre regard qui doitle leur apporter. C’est la façon dont vous allez les voir, lesconsidérer, leur parler, qui va faire qu’ils vont vous écouterou pas. Mais ce n’est pas facile !» En effet, on le verra dansle reportage, ce n’est pas facile, c’est même très dur... Maisça paie.

La deuxième séquence (20’) sera peut-être plus familière autéléspectateur belge puisqu’elle est centrée sur un des ex-élèves de Jacques Duez, ce prof de morale qui filmait leséchanges qu’il organisait en classe, plus intéressé par l’ex-pression des enfants que par le discours magistral (une sériede montages tirés de ces enregistrements est passée sur laRTBF). Frédéric, une vingtaine d’années, en visionnant cesséquences, redécouvre l’enfant qu’il était et, pour lui, c’estun coup de poing, une prise de conscience, et peut-être unnouveau départ : «C’est quelqu’un qui ne peut pas êtreoublié… qui m’a donné une leçon de vie», dit-il parlant delui-même à 7 ans.

Enfin, la troisième séquence (20’) donne la parole à PieTshibanda, conteur mais aussi, il faut le rappeler, psycho-logue de formation. Avec son humour, son bon sens et safeinte naïveté, il nous rappelle des repères élémentaires que,dans cette société de l’immédiateté et du moi-d’abord, nousn’oublions que trop aisément.

Parents, enseignants… La guerre ouverte ?Sous la direction de Philippe BÉAGUEBruxelles, Couleur Livres, 2007

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et un groupe «pratique», qui réfléchissentaux enjeux de l’aide alimentaire : est-ceaux associations privées de veiller à cequ’on ne meure pas de faim à Bruxelles ?Quelle est la responsabilité des pouvoirspublics ? Alors que l’aide alimentaire s’im-pose parfois comme le dernier recours,comment serait-il possible à une associa-tion de décider de l’interrompre ?...Soutenue par la réflexion de ces deuxgroupes, la FCSSB a lancé depuisquelques mois une étude relative aux réa-lités de l’aide alimentaire en RégionBruxelloise qui poursuit un doubleobjectif :

• réaliser un vade-mecum sur base d’unrecensement des initiatives existantes,afin d’améliorer les pratiques etnotamment de favoriser les solidarités,le travail en réseau et les synergiesentre organisations ;

• analyser la problématique pour rendrecompte de son ampleur et préciser lesquestions politiques, sociales, écono-miques, éthiques qu’elle soulève.

1 Les CAP sont des servicesgénéralistes qui ont pourmission d’accompagnertoute personne en difficultéen prenant en compte tousles aspects de sa vie. Cescentres de service socialdépendant de la COCOMsont à distinguer des CASG(Centres d’Action SocialeGlobale) subsidiés par laCOCOF, mais leurs missionset leurs pratiques sont trèssimilaires.

2 Voir «L’errance aujourd’hui àBruxelles» dans BruxellesSanté n° 41.

3 «Les Centres de ServiceSocial autonomes wallons –Aide alimentaire : dépasserle local ou l’histoire cachéed’un colis alimentaire»,Cahier n° 73-74 du Labiso(Laboratoire des InnovationsSociales), mars 2007.

L’aide alimentaire est, depuis 2004, aucentre des réflexions menées par lesCentres d’Aide aux Personnes (CAP)1 ; ils lapratiquent depuis des années sous lesformes de la distribution de colis, du res-taurant social ou de l’épicerie sociale. A lafin de l’année dernière, l’organisation quiles réunit, la Fédération des Centres deService Social Bicommunautaires (FCSSB)a décidé de mettre sur pied uneConcertation Aide Alimentaire (CAA) sur lemodèle de la Concertation Sans-Abri2.Deux constats motivent cette décision :d’une part, une incontestable croissance dela distribution de nourriture à Bruxelles ;d’autre part, le rôle crucial joué à cet égardpar des réseaux informels et une aide pri-vée qui prennent ainsi le relais d’une res-ponsabilité politiquement «diluée ». EnWallonie, un travail de réflexion semblablea été engagé et fait l’objet d’une publica-tion récente3. Une représentante des ser-vices sociaux wallons participe d’ailleursaux réunions de la Concertation.

La CAA s’est structurée en deux groupesde travail, un groupe “politique et éthique”

En 2006, plus de 100.000 personnes ont pu se nourrir grâce aux 648 associations recensées par les neuf banques alimentaires belges. Ce chiffre est le double de celui que l’on avançait il y aquinze ans. Pourtant, l’aide alimentaire est une forme d’aide sociale dont onparle peu. Trop peu, selon les travailleurs sociaux de première ligne qui,confrontés à une demande sans cesse croissante, s’inquiètent de la place que prend cette pratique de «bouts de ficelle» dans l’ensemble de leuraction : charité ou travail social ?

dossier

Le nouveau visage de l’aide alimentaire

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4 Ibidem, p. 33.

Le contexte socio-économique

Des travaux menés actuellement par laCAA, il ressort que la problématique del’aide alimentaire ne peut être isolée dequestions sociales connexes : le surendet-tement, l’accès aux droits sociaux, les basrevenus, l’emploi, le logement, le droit deséjour, l’isolement ou encore la santé men-tale et physique. Cela ressort très bien,par exemple, du rapport d’activités 2006du Centre Social Protestant (CSP). Les don-nées concernant la situation socio-écono-mique à Bruxelles ont de quoi inquiéter :27% des Bruxellois vivent en dessous duseuil de pauvreté (pour 11% en Flandre et18% en Wallonie) ; plus de la moitié de lapopulation bruxelloise rencontre les condi-tions pour obtenir un logement social alorsque le parc immobilier en compte à peine8% ; à cause de l’augmentation continuedes loyers, les gens doivent y consacrerune grosse partie de leurs revenus ; lepourcentage des chômeurs s’élève à 21%à Bruxelles (pour 9% en Flandre et 18% enWallonie). En outre, un Bruxellois sur cinqdoit renoncer aux soins de santé pour desraisons financières…

Ces problèmes se posent de manière plusaiguë aux personnes en difficulté habitantles quartiers défavorisés de l’aggloméra-tion, où sont établis la majorité desCentres d’Aide aux Personnes. Le mêmerapport souligne que « c’est dans cecontexte que travaille le CSP. Les servicessont confrontés à cette réalité et le rapportde chaque service doit être situé et com-pris dans ce contexte. Le besoin d’aideaugmente chaque jour et il en résulte unepression importante pour le CSP. En effet,les moyens financiers sont insuffisants pourrépondre à ce besoin en augmentationconstante. » Il ne s’agit plus seulement de«boucher quelques trous » pour quelques-uns mais bien de garantir le minimum à un

grand nombre. Quelles en sont les consé-quences ?

A côté des associations, souvent d’inspi-ration religieuse, qui mentionnent l’aidealimentaire parmi leurs missions statu-taires, d’autres organismes proposantd’autres types d’aides matérielles et finan-cières se sont vus contraints de s’y attelerà force d’être sollicités. Il en résulte que lepaysage actuel de la distribution de vivrescomprend une multitude de services (110à Bruxelles, selon la Banque Alimentairedu Brabant) aux pratiques parfois très dif-férentes en termes de conditions d’accès :les seuils de revenus à partir desquels uneaide peut être octroyée, par exemple.Pourquoi ? Parce que, jusqu’il y a peu,beaucoup fonctionnaient de manière trèsautonome, sans connaître le travail voirel’existence des autres. Mais aussi parceque le public bénéficiaire de l’aide ali-mentaire a, pour partie, évolué.

Au cours de ces vingt dernières années,les rangs des pauvres « traditionnels »(sans-abri, quart-monde, etc.) ont été ren-forcés par de «nouveaux pauvres » : desjeunes, des mères de famille seules, desallocataires sociaux dont les bas revenusne permettent pas toujours de répondreaux besoins vitaux malgré une bonne ges-tion (le montant actuel du revenu d’inté-gration est inférieur de 150 € à la partieinsaisissable d’un salaire…). A cette liste,il faut ajouter les travailleurs précaires :comme on le sait, «aujourd’hui, avoir untravail ne met pas nécessairement àl’abri »4.

Les plus démunis

Sur la même période, le flux migratoiredes personnes fuyant les dictatures, lesguerres, la misère, la famine s’est intensi-fié, s’accompagnant d’un durcissementprogressif des politiques d’accueil sur le

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territoire. Pour les Centres d’Aide auxPersonnes, cela s’est traduit par une aug-mentation du nombre d’usagers en situa-tion irrégulière. Les demandeurs d’asile,les réfugiés, les sans-papiers – que l’onappelle souvent indifféremment « les illé-gaux», à tort puisque leur statut adminis-tratif diffère d’un groupe à l’autre – repré-sentent une part importante des bénéfi-ciaires des services sociaux bruxellois :certains avancent le chiffre de 60% voire70% de leur public. Principalement parceque cette population cumule les difficultéssociales : «sans permis de séjour légal, ilsne sont pas censés résider dans ce pays,de ce fait ils ne peuvent pas faire valoirdes droits de citoyen»5.

Cette population renvoie quotidiennementles travailleurs sociaux du « secteur » del’aide alimentaire au sens qu’ils doiventdonner à leur travail. Le travail avec lessans-papiers a ainsi été illustré par BettyNicaise, coordinatrice de la Fédérationdes Centres de Service Social Bicommu-nautaires, citant les premières lignes dumémoire d’un étudiant en travail sociallors de la première réunion de la CAA :«Au cours de mon stage, j’ai été littérale-ment abasourdi de constater qu’enBelgique, en 2006, on puisse refuser dela nourriture à des êtres humains qui enexpriment le besoin. Ce qui, jusque-là,relevait pour moi de l’inconcevable deve-nait non seulement une réalité, mais desurcroît une réalité dans laquelle j’étaismoi-même engagé en tant que stagiaire-assistant social. Comment était-il possibleque, dans un état démocratique, membrede l’Union européenne, se revendiquantdes Droits de l’Homme, on puisse bafouerles droits fondamentaux de certains sous leseul motif qu’ils ne répondent pas à un sta-tut administratif ? Comment, en tant quefutur assistant social, allais-je m’intégrer àdes politiques sociales définies par cetEtat dit démocratique, dès lors que cespolitiques contrevenaient aux valeurs

humanistes sur base desquelles je veuxdéfinir ma future profession ?...»

Exclus de tout, les personnes sans papierspeuvent en arriver à être exclus des circuitsde l’aide alimentaire, dernier rempartcontre la sous-alimentation. Cela arriverarement parce que la grande majoritédes associations vont au bout, et mêmesouvent au-delà de l’aide qu’elles peuventaccorder à leurs usagers, ne perdant pasde vue qu’une de leurs missions princi-pales reste la lutte contre l’exclusion.

L’aide alimentaireau quotidienDestinés à l’origine aux familles, les colisalimentaires sont avant tout composés devivres de base (farine, pâtes, riz, lait,sucre, conserves) distribués gratuitementselon un rythme hebdomadaire ou men-suel. Beaucoup de services se démènentnéanmoins pour les compléter. ColetteKantarama, responsable des colis auSnijboontje Bis : «Nous ajoutons deslégumes de saison (carottes, tomates, chi-cons), des œufs… De la viande, du pou-let ou du poisson aussi, mais c’est plusrare. » Les quantités sont proportionnelles àla taille de la famille. Généralement, ondistribue un colis par ménage même sichaque service a ses propres règles.Carine Molatte, directrice-coordinatrice duCentre Social Protestant : «Chaque assis-tante sociale est entièrement libre dans safaçon de voir les choses. Après l’entretien,elle peut décider, en fonction de la situa-tion de la personne, du nombre de colis àaccorder. Mais la moyenne, c’est une foispar mois. » Le but poursuivi n’est pas detout fournir aux bénéficiaires. JeanineWeyckmans, responsable de Tabita6 :« Les colis que nous donnons pèsent à peuprès une vingtaine de kilos. Bien sûr, lesbénéficiaires ne reçoivent pas tout lenécessaire, mais ils doivent déjà acheter

5 Steunpunt Mensen ZonderPapieren, «La sécurité ali-mentaire pour personnessans séjour légal dans laRégion de Bruxelles-Capitale : où en est-on ?»,2002. Ce rapport est télé-chargeable sur www.medim-migrant.be

6 L’association, entièrementcomposée de bénévoles, dis-tribue également de lasoupe, des tartines et ducafé tous les samedis soirsaux sans-abri regroupésdans les couloirs de la garedu Midi. Parce que desfamilles avec enfants yvenaient aussi chercher dequoi se nourrir, Tabita a élar-gi son aide aux colis alimen-taires. Actuellement, cesfamilles ne mangent plusdans la rue.

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principal et dessert). Pour finir, on proposeun café, un thé ou un verre de lait, le toutpour 2,50 €. Certains partent tout desuite après le repas, mais la majorité desclients sont des habitués, parmi lesquelsbeaucoup de personnes âgées qui sont unpeu perdues dans le quartier et qui vien-nent se retrouver là. C’est une de leurs pre-mières motivations, car le restaurant repré-sente souvent leur seule sortie de la jour-née.»7

Dernière née de l’aide alimentaire, l’épi-cerie sociale a pour objectif de permettreaux personnes en difficulté d’acheter debons produits à bas prix, en développantleur autonomie et en améliorant leur équi-libre alimentaire. A Bruxelles, la premièreà avoir ouvert ses portes est L’AutreEpice, dépendant de l’Entraide de Saint-Gilles, un service social créé à la fin desannées 60 par le doyenné de Saint-Gillespour venir en aide à la population duquart-monde fréquentant la place duParvis. Aujourd’hui, les quartiers environ-nants comptent une forte proportion denouveaux migrants tout aussi démunis.Bernard Vansnick, coordinateur del’Entraide : «Nous voulions rencontrer plu-sieurs souhaits au travers de ce projet. Lemodèle d’épicerie que nous avons déve-loppé rencontre à notre sens ces objectifs,à savoir préserver la dignité des per-sonnes et offrir des produits de qualité. Auniveau de la dignité : la personne quipaye une partie de ses achats a une partde responsabilité dans l’aide qu’ellereçoit ; elle a la possibilité de choisir letype de produits qu’elle veut parmi la cen-taine à sa disposition, ce ne sont plus desproduits imposés. Et puis, question look,c’est un magasin comme un autre, il n’y apas une étiquette “aide caritative” là-des-sus !... Au niveau de la qualité des pro-duits : nous les achetons dans le commer-ce, principalement en grandes surfaces ;ce sont des produits que tout un chacunpeut acheter dans ces magasins. Ce sont

moins de nourriture. Quand ils ont desenfants, un litre de lait, par exemple, cen’est pas suffisant. Certes, les parents doi-vent en acheter, mais beaucoup moins».

Au départ, le restaurant social a été ima-giné comme moyen de lutter contre l’isole-ment et la solitude des personnes âgéesdisposant d’une pension très modeste. LeSnijboontje, qui a précédé le SnijboontjeBis, a été créé dès 1984 à MolenbeekSaint-Jean, sous l’impulsion de l’asbl LaPorte Verte–De Groene Poort. C’est le pre-mier restaurant social à voir le jour àBruxelles. Ces noms néerlandais rappel-lent qu’il n’y a pas si longtemps la com-mune abritait une importante populationparlant la langue de Vondel. Beaucoupsont partis et ce sont les plus démunis quisont restés, concentrés dans le quartierdes Etangs noirs, un des plus défavorisésde la commune. Si la population a forte-ment évolué, les clients du restaurant res-tent essentiellement des personnes âgéeset des personnes très marginalisées.Michèle Moreaux, coordinatrice des deuxSnijboontje : « Le restaurant est ouvert tousles jours de la semaine, à l’heure de midi,et on sert un menu complet (potage, plat

Le restaurant du Snijboontje

7 Une permanence sociale estassurée au sein du restau-rant et les «clients» sont suivis par l’un ou l’autre travailleur social de manièrerégulière. Souvent, les usa-gers du Snijboontje repar-tent avec une collation pourle soir (des tartines et unfruit).

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des produits de qualité et il n’y pas de sus-picion quant à la date de péremptionpuisque les produits se situent dans leslimites normales du commerce. Nous gar-dons bien sûr une réserve de conserves,d’huile, etc. mais pas beaucoup, puisquenous avons un très grand roulement. Et noussommes particulièrement attentifs aux pro-duits tels que les laitages, les charcuteries.»

A côté de l’aide alimentaire, les Centresd’Aide aux Personnes veillent à organiserd’autres activités à l’intention de leursbénéficiaires : groupes de parole, anima-tions, sorties… L’idée est de proposerautre chose que des biens de consomma-tion et surtout de mettre un peu d’humani-té dans un contexte difficile. En commen-çant, par exemple, à offrir aux usagers unlieu d’accueil convivial.

La place centralede la banque alimentaireQu’elles soutiennent une vingtaine defamilles ou cent, deux cents, voire davan-tage pour les plus importantes, les asso-ciations pratiquant l’aide alimentaire sonttoutes confrontées à certaines difficultés,dont la première est l’approvisionnementen vivres. Pratiquement toutes se fournissenten premier lieu auprès des banques ali-mentaires, des organismes structuréscomme des entreprises de distribution. Pourles associations bruxelloises, la BanqueAlimentaire du Brabant (BAB) occupe à cetégard une position incontournable : ellerépartit la nourriture qu’elle reçoit entre « lesorganisations, les associations et les institu-tions caritatives qui ont conclu avec ellesune convention leur permettant d’obtenir leravitaillement gratuit »8.

Pour bénéficier de cette aide, les associa-tions doivent satisfaire à un certain

nombre de conditions définies par la BABet démontrer que l’aide apportée auxnécessiteux se fait sous les trois formesdéjà décrites. Chacune verse une cotisa-tion symbolique de 1,25 € par semestreet par personne assistée. Comme les huitautres banques alimentaires, la BAB estune asbl qui fonctionne sur base de donset avec des bénévoles. Le concept est néà la fin des années 60 aux Etats-Unis,suite à un constat : un grand nombre deproduits alimentaires encore parfaitementconsommables étaient purement et simple-ment jetés parce qu’ils n’étaient plus com-mercialisables. C’est pour lutter contre cegaspillage que la banque alimentaire aété créée.

L’industrie alimentaire constitue une sourcede ravitaillement extrêmement importantepour la BAB, comme l’explique HarryGschwindt : «Enormément de sociétés quivendent des produits alimentaires nousfont des dons pour une raison ou pour uneautre. En général, il s’agit d’une erreurdans la prise d’une commande (surplus deproduits) ou dans le processus d’emballa-ge. Des étiquettes en suédois vont parexemple se retrouver collées sur des pro-duits destinés à la Finlande. Le temps quel’on se rende compte qu’une erreur est sur-venue dans la chaîne de production,5.000 boîtes de conserves ont peut-êtredéjà été étiquetées pour la Finlande.Aucune entreprise n’est prête à payer letaux horaire de l’ouvrier belge pour lesenlever et remettre les produits dans le cir-cuit. Parfois, c’est une erreur dans la com-position d’une préparation, mais toujoursest-il que ces produits sont encore parfai-tement consommables.»

Les autres sources d’approvisionnementsont les grandes chaînes de distribution,l’Union européenne (pour obtenir des quo-tas de surplus alimentaires) et le grandpublic via de vastes collectes.

La Banque Alimentaire du Brabant

8 Steunpunt Mensen ZonderPapieren, op. cit., pp. 11-12.

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• Auprès des grandes surfaces, les pro-duits récoltés sont ceux qui arrivent enfin de cycle. Une nuance subtile exis-te, explique-t-on à la BAB, entre lesmentions «à consommer de préféren-ce avant le…» et «à consommer avantle…». Ces produits méritent une atten-tion spéciale car certains doivent êtreécoulés très rapidement (produits frais)et d’autres, être congelés pour repous-ser la date butoir. Mais ces derniersdoivent être consommés rapidementaprès avoir été décongelés.

• La BAB obtient de l’UE du lait, de lafarine, des spaghetti, du riz et desconserves de viande. Ces denréessont données par le Bureaud’Intervention et de Restitution Belge etfont l’objet d’une réglementation sévè-re. La quantité de produits UE qu’ob-tient une association est fonction dupourcentage de demandeurs d’aidequi perçoivent un revenu d’insertionsociale ; tous les bénéficiaires n’y ontpas droit, notamment ceux qui ne sontpas aidés par un CPAS.

• La banque reçoit également des vivresvia deux campagnes annuelles derécolte menées en grandes surfaces.«Ces campagnes sont très importantespour nous, indique Harry Gschwindt,qui coordonne l’une d’elles. C’est alorsque nous récoltons une grande variétéde produits. En général, pour Noël, onpourra nous demander à peu près n’importe quoi, nous l’aurons. Mais, àl’approche de Pâques, tout a déjà étépratiquement distribué. A ce moment-là,nous essayons d’organiser une autre collecte. »

Enfin, les fonds récoltés lors d’un «non-dîner » annuel, où le montant du couvertvirtuel est fixé à 30 €, permettent à laBAB de se doter d’un budget de fonction-nement (loyer, électricité, carburant, etc.).

L’aide alimentaire,un casse-tête

Pour les associations, le partenariat avecla BAB passe aussi par l’obligation d’as-surer un suivi social à chaque bénéficiai-re. Harry Gschwindt : «Nous pensons queles personnes qui émargent à l’aide ali-mentaire sont arrivées à un degré de pau-vreté tel que le problème doit trouver unesolution. Il n’est pas normal qu’une per-sonne soit dépendante pour sa nourriturejusqu’à la fin de ses jours ! Il faut qu’ellebénéficie d’une prise en charge sociale.Si une personne n’a plus les moyens des’acheter un produit aussi vital que de lanourriture, il est probable qu’elle éprouveaussi des difficultés pour payer son loyerou que, suite à un arbitrage, elle paye sonloyer mais n’a plus les moyens de s’ali-menter, de se chauffer ou de s’éclairer.C’est pour cela que nous réorientons versun service social toute personne qui seprésente ici. »

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Mais le suivi social n’est pas le problèmele plus important pour les associations,qu’elles soient laïques, neutres ou d’inspi-ration religieuse (beaucoup, parmi cesdernières, ont d’ailleurs abandonné l’ap-proche caritative qui reposait sur desparoissiens bénévoles et se sont organi-sées sur le modèle professionnel du travailsocial). Le problème majeur a trait à lalogistique importante qu’il faut mettre enplace. Il faut disposer de véhicules pour letransport de la nourriture, d’un entrepôt,de frigos et de congélateurs et, surtout, depersonnel pour récolter, trier, transporter etdistribuer. Et beaucoup de petites associa-tions, disposant d’un budget modeste, neréunissent pas toutes ces conditions et doi-vent rassembler leurs maigres ressourcespour continuer à offrir, qui des colis, quides repas, qui des produits 50% moinschers que dans le commerce.

Les moyens de l’aide alimentaire restentavant tout de source privée. Or nombre deCPAS orientent régulièrement des per-sonnes en attente d’une décision «d’aided’urgence» vers le secteur privé, et ce sanscontrepartie financière. A deux exceptionsprès : le CPAS de Molenbeek donne auSnijboontje Bis, seul service à distribuerdes colis sur la commune, un forfait de3,90 € par colis remis aux personnesenvoyées par ses services ; et à Ixelles,sous l’ancienne majorité, le CPAS a accep-té de « financer » 50 colis par mois pourune somme plus maigre encore. Des mon-tants qui sont dérisoires, comparés à lavaleur marchande d’un colis (autour de 75 € pour une famille de 4 personnes).

Pour beaucoup de travailleurs sociaux, ladistribution de vivres est en fait une tâcheingrate, fort éloignée de l’aide socialecomme ils la conçoivent. BernardVansnick : «A un moment donné, nousavons trouvé que pratiquer l’aide alimen-taire sous forme de colis n’avait pasbeaucoup de sens en termes de travail

social : quel était le sens de cette aide quiconsistait à donner quelques vivres à unefamille une fois par mois ? Nous trouvionsaussi qu’il y avait un manque de respect àl’égard des personnes : les colis étaient deplus en plus petits, les produits n’étaientpas toujours “au top” du côté des dates depéremption, etc. C’est vrai, nous n’avonsjamais eu d’usager malade, mais disonsque la symbolique de la chose était dou-teuse. Et puis, les personnes n’avaient pasle choix des produits qu’elles recevaient.Parfois, ce n’était vraiment pas grand-chose, une canette de soda, un paquet dechips, une boîte de conserve ! Cela nousa amenés à réfléchir à une autreapproche. C’est ainsi qu’est né le projetd’épicerie sociale aux alentours de 2000-2001.»9

Autre difficulté soulevée par les travailleurssociaux : le travail avec les bénévoles.D’une part, ils sont moins nombreux qu’au-paravant et, d’autre part, la professionna-lisation des centres d’aide ne facilite pastoujours la collaboration avec eux.Certains se trouvent dans des situationssemblables à celles des bénéficaires qu’ilsservent, et ils ont beaucoup de mal à com-

De quoi constituer les colis alimentaires... Le Snijboontje bis.

9 Après avoir mené parallèle-ment la distribution de coliset l’épicerie sociale (essen-tiellement pour habituer sesbénéficiaires), l’Entraide deSaint-Gilles a arrêté la distri-bution de colis.

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prendre les conditions imposées par lesassociations… quand leur comportementn’est pas tout simplement arbitraire avecles usagers. Enfin, la relation avec ceux-ciest parfois délicate, tant pour les profes-sionnels que pour les bénévoles : certainsexigent l’aide alimentaire comme un droitacquis, voulant faire fi des critères qui sontfixés par l’association (aide limitée dans letemps, p. ex.). D’autres – et on peutd’ailleurs les comprendre – refusent cer-tains aliments qui ne leur conviennent pas.D’autres encore sont soupçonnés de « fairedu shopping» d’un centre à un autre ;mais ce phénomène reste marginal et tra-duit plutôt, selon Bernard Vansnick, ledésarroi dans lequel se trouvent certainsusagers.

Pas questiond’abandonner

Bref, l’aide alimentaire n’est pas un travailde tout repos. Et même lorsqu’elle consti-tue un service parmi d’autres (p. ex. le ves-tiaire social, l’aide juridico-administrative,la guidance financière, la médiation dedettes, l’école de devoirs, l’accueil extra-scolaire, les cours d’alpha, la crèche…),comme à La Porte Verte, au Centre SocialProtestant, à l’Entraide de Saint-Gilles ouchez Tabita, elle représente depuisquelques années une part croissante dutravail. En même temps, elle suscited’autres interrogations : la situation actuel-le ne renforce-t-elle pas l’injustice sociale ?L’aide alimentaire ne maintient-elle pas les gens dans des situations de dépen-dance ? Ne faut-il pas demander unesomme symbolique aux bénéficiaires ?...

Pourtant, le fait est que les services de pre-mière ligne ne sont pas près d’abandon-

ner cette pratique. Notamment parce quebeaucoup de personnes continuent à êtreexclus de la société : quel autre point dechute pourraient-elles trouver ? Pour desassociations comme Tabita, dont la majo-rité des usagers est sans papiers et quifonctionne depuis maintenant dix ansgrâce à Jeanine Weckmans et son mari,André Vandeput, il n’est donc pas ques-tion de baisser les bras. «Mon cœur àmoi est pour les sans-papiers », confie lapremière. « J’ai eu une très bonne forma-tion : je suis née pauvre ! Je crois que c’estla meilleure expérience que l’on peutavoir. On était très pauvres à la maison :je sais ce que c’est que d’avoir peu. Et,parce qu’on est pauvre, d’être mis sur lecôté…»

Beaucoup de services préfèrent considérerl’aide alimentaire comme un outil : «Dansune approche tournée vers l’insertion, l’ai-de alimentaire proprement dite apparaîtcomme un prétexte, un “produit d’appel”pour entrer en contact avec les usagers.Elle sert de levier à des actions d’insertion,même si elle reste de fait un élément structurant »10. Cette approche signifie-t-elle que l’aide inconditionnelle a dès lorsdisparu ? Non, elle subsiste encore dansquelques organisations qui ont des liensavec la religion catholique ou protestante,mais elle est devenue de plus en plus rare.Quoi qu’il en soit, alors qu’on pouvait lacroire marginale, l’aide alimentaire resteune réalité criante à Bruxelles – et ellesemble avoir de beaux jours devant elle,avec la précarité grandissante de frangesentières d’une société qui s’obstine à endétourner pudiquement le regard.

Dossier réuni par Anoutcha Lualaba

10 Cahier n° 73-74 du Labiso,op. cit., p. 13.

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S’appuyant sur ce diagnostic, les partenaires mènentdiverses actions visant à améliorer la relation entre leshabitants et leur environnement. Deux opérationspropreté sont menées dans le quartier, avec un suc-cès mitigé, non sur le plan de la participation, maissur celui de l’efficacité à moyen terme. Des prome-nades vertes et des marches un brin plus «sportives»sont organisées afin de faire découvrir les espacesverts de Bruxelles à des personnes qui,parfois, ne sortent pas du péri-mètre de quelques ruesfamilières. Promenadeset marches se pour-suivent d’ailleursaujourd’hui, et ilétait question en2006 d’un pro-jet, «La villeracontée auxhabitants pardes habitants»,qui est encoredans les tiroirspour le moment.Voilà pour l’envi-ronnement exté-rieur.En ce qui concernel’environnement intérieur,

Le volet «cohésion sociale» de ce Contrat pourraitpermettre de financer un projet concernant le lienentre santé et environnement. Ce lien est particuliè-rement fort dans ce vieux quartier, dégradé parendroits, où vit une population modeste voirepauvre, pour moitié d’origine immigrée (ancienne ourécente) et où les logements, privés ou publics – ony compte plusieurs cités de logement social – sontsouvent surpeuplés et vétustes ou même insalubres.Un partenariat se crée, sous l’égide du Centre d’ac-tion sociale globale de l’Entr’Aide des Travailleuses(aujourd’hui Entr’Aide des Marolles), avec le Centrede santé du Miroir, la Maison médicale des Marolles,Habitat & Rénovation, les Amis de la Petite Maison etl’antenne Blaes du CPAS de la Ville de Bruxelles. Legroupe Santé et Environnement est né.

Une enquête de terrain avec questionnaire semi-directif est menée de juillet à octobre 2001, réunis-sant le joli total de 121 réponses. Il apparaît quebeaucoup d’habitants apprécient leur quartier poursa convivialité, la proximité du centre ville, l’accessi-bilité des commerces. Mais ils jugent aussi leur envi-ronnement malpropre. Côté logement, si la grandemajorité des personnes interrogées apprécient lesrelations de voisinage, la moitié se plaignent du bruit(un classique à Bruxelles !), 30% rencontrent des pro-blèmes d’humidité, et les hôtes indésirables ne sontpas rares : cafards (46%) et même souris (23%).

initiativeSanté et environnementdans les Marolles

Au début de l’année 2000, les associations du bas des Marolles sont informées qu’un Contrat de quartier va démarrer dans le quartierTanneurs (du nom de la rue qui le traverse de part en part, du boulevarddu Midi à la place de la Chapelle).

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la première action est menée dès2001 : il s’agit de « la Maison des dan-gers», un module d’animation quicombine des objets usuels et des trom-pe-l’œil qui permettent de reconstituerdes pièces d’habitation. L’objectif estd’amener parents et enfants à repérerles différents risques d’accidents, àadopter des mesures de prévention età connaître les premiers soins. Bienque centré sur les accidents domes-tiques, ce module devait permettred’aborder également la question del’insalubrité. Mais il est vite apparu dif-ficile de parler de ce type de problèmeen groupe et hors du domicile. Il fallaitadopter une autre stratégie : pourquoiles travailleurs médico-sociaux ne sorti-raient-ils pas de leurs locaux et de leurspermanences ?...

Des formations sont dès lors organi-sées à l’intention des professionnelspour qu’ils sachent quels conseils pro-diguer en matière de salubrité lorsd’une visite à domicile. Avec l’aide del’association Habitat Santé sont abor-dés l’humidité et les moisissures, lemonoxyde de carbone, le plomb, lesacariens et les cafards. Parallèlement,le groupe Santé et Environnement semet à la recherche d’outils et de sup-ports pour rendre plus concrètes lesinformations données. Les premiersinstruments sont collectés : thermohy-gromètre, compteur de consommationd’électricité, détecteur d’humidité,ampoules économiques, plaquettesanti-cafards. Quant aux supports écrits,ils ne manquent pas mais, à quelquesexceptions près, les textes sont troplongs et le vocabulaire tropcompliqué : accessibles à la classemoyenne, ces documents ne convien-nent pas à une population dont la lecture n’est pas le mode d’informa-

tion habituel et qui maîtrise malvoire ne maîtrise pas du tout le

français écrit.

Coïncidence : Question Santé – sollici-tée entre-temps pour une aide métho-dologique en matière de communica-tion – vient de mener de son côté unerecherche par groupes focalisés (focusgroups) pour répondre à la questionsuivante : serait-il pertinent deremettre sur le métier les « fichessanté», qui ont connu de beaux joursdans les années 1980-90, mais cettefois à l’intention d’un public plus popu-laire ? La réponse donnée par lesgroupes est sans équivoque : cettepopulation est avant tout demandeused’un dialogue, d’un échange d’infor-mations avec les professionnels, et leseul support qui puisse être utiledevrait être basé sur l’image et non surle texte. Le choix est donc clair. Le hic,c’est que des photos ou des dessinsoriginaux, cela coûte cher ! En tout étatde cause, il faudra se limiter. Aprèsanalyse, la priorité est accordée à lalutte contre les cafards et à la préven-tion des problèmes de santé causés ouaggravés par l’humidité et les moisis-sures (allergies, asthme). S’y ajoutentdeux autres questions cruciales pourdes familles dont le revenu est souventfaible : les économies d’énergie – gazet électricité. L’usage excessif de com-bustible peut d’ailleurs être lié auxdeux premiers problèmes (logementssurchauffés > condensation excessive> humidité).

Au bout de six mois de recherches, unfinancement est réuni. Le travail decréation peut commencer, sur base demessages brefs et concrets que le des-sinateur (Frédéric Thiry) doit, à la limite,moins « illustrer» que « remplacer» :idéalement, en effet, le dessin devraitpouvoir se passer du texte, celui-cin’apportant que précisions ou nuan-ces. Fin 2004, la série de quatre bro-chures est éditée. Elle prend placedans une valisette, au sein d’un “ kitgestion du logement ”, à côté d’autresbrochures, des instruments réunis etd’un dossier technique destiné au tra-

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vailleur social. En 2005, trois séancesd’information ont lieu pour présenterce kit aux autres associations du quar-tier, aux autres Centres d’action socialeglobale et à des associations concer-nées par la question du logement dansd’autres communes bruxelloises. Lavalisette peut être empruntée (oureconstituée : il n’y pas de copyrightsur l’idée !), les brochures sont venduesà 0,50 €/pièce afin d’éviter une diffu-sion gratuite non accompagnée et definancer une éventuelle réimpression.

Les lecteurs et lectrices intéressés par le projet et/ou les brochures peuvent contacter Delphine Louterman à l’Entr’Aide des Marolles, 169 rue des Tanneurs à 1000 Bruxelles (02 510 01 80 ou [email protected]).

Illustrations : Frédéric Thiry©Entr’Aide des Marolles

hors rubrique

Usage de tabac et de cannabis : quelle prévention avec les jeunes ?Les professionnels se demandent souvent comment se positionnercomme acteurs de prévention face à la consommation de tabac et de cannabis chez les jeunes qu’ils côtoient.Trois partenaires – le ServicePrévention Tabac du FARES, ForestQuartiers Santé et Forest ContactsDrogues – ont développé un projet afin d’approfondir leur connaissancedes représentations de ces jeunes,considérant que toute démarche préventive devrait tenir compte duvécu du public concerné et favoriser sa participation active.

Ce projet comprenait deux étapes. La première, clô-turée en août 2006, a exploré les représentations desjeunes concernant l’influence des réglementations,l’image qu’ils avaient d’eux-mêmes en tant queconsommateurs et leurs attentes en matière d’aide.L’analyse des données a permis d’établir certainescaractéristiques souhaitables pour des programmesadaptés à ce public. La deuxième étape, clôturée enmars dernier, a permis de compléter cette informa-tion. Les données ont été utilisées pour mettre enplace des opérations de prévention par les pairs etpour analyser l’adéquation entre l’offre des servicesspécialisés et les besoins et demandes des jeunesrencontrés.

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Ce travail ne prétend pas à la repré-sentativité statistique ; privilégiant uneapproche qualitative, il vise à identifiercertains aspects des représentationssociales concernant la consommationde tabac et de cannabis. Les thèmesabordés dans les groupes de discus-sion et les questionnaires étaient lessuivants :– les motivations de la consommation

initiale et actuelle ;– les avantages et les inconvénients

liés à la consommation actuelle ;– l’image de soi en tant que fumeur, à

ses propres yeux et aux yeux desautres ;

– les réglementations et interdictionset leur influence sur la consomma-tion ;

– l’envie d’arrêter ou de modifier laconsommation et la demande d’ai-de pour y arriver.

Les résultats ont été analysés pourdégager les caractéristiques quedevrait présenter un programme deprévention. En voici les conclusionsprincipales.

Dans la communication,reconnaître les jeunescomme acteurs

Les jeunes revendiquent leur responsa-bilité et manifestent même une attitu-de de défi vis-à-vis des règles ou desjugements à propos de leur consom-mation. Ceci peut être considérécomme un atout plutôt que commeune résistance, et nous invite en toutcas à privilégier un style de communi-cation qui ne reconnaît pas seulementles jeunes comme un public-ciblerécepteur d’informations, soumis aucontrôle et aux interdictions, maiscomme des sujets, des acteurs capa-bles de prendre leurs responsabilités.

Prendre en compte lecontexte socioculturel

Les réponses mettent en exergue lerôle, dans les consommations, de cer-tains aspects du contexte social telsque le chômage. Pour prendre cela encompte, une stratégie de préventionpourrait être de mettre en place desgroupes de parole et d’impliquer despartenaires de l’insertion socioprofes-sionnelle. L’idée étant de ne pas sefocaliser sur les produits mais sur lesconditions de vie et les manières de lesaméliorer, ainsi que sur certains fac-teurs culturels dont la stigmatisationliée à la classe sociale, aux typesd’écoles et à l’origine «ethnique».

Les jeunes consommateurs de tabac et/ou de can-nabis qui ont participé au projet sont, pour la plu-part, issus des milieux fragilisés de la région bruxel-loise. Plusieurs modes de recueil d’information ont étéutilisés :– sept groupes de discussion se sont tenus (deux

groupes de filles, cinq de garçons), réunissant 50personnes âgées en moyenne de 18 ans ;

– des questionnaires anonymes ont été distribués,auxquels ont répondu 46 jeunes gens (19,8 ansen moyenne) et 23 jeunes femmes (21,6 ans enmoyenne);

– treize jeunes ont participé comme jobistes à desopérations de prévention par les pairs (selon laméthodologie «boule de neige»), chacund’entre eux contactant 10 adolescents ;

– des interviews semi-directives ont été menéesauprès de douze centres d’aide aux fumeurs etde tabacologues.

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Favoriser la participationdes pairs

La participation des pairs ne se réduitpas à la transmission d’information paret pour les adolescents. D’autres pistesd’action, comme la mise en place dedébats entre fumeurs et non-fumeurs,doivent être envisagées afin de dépas-ser le schéma sanctionnel lorsque l’in-terdiction de fumer dans les écoles estmise en application.

Aller au-delà de l’information sur les méfaitsde la consommation

Même si une grande part des jeunesinterrogés reconnaissent les méfaits dutabac et du cannabis, cette reconnais-sance n’a pas influencé leur consom-mation. Par conséquent, il faut toujoursgarder à l’esprit que l’information estune condition nécessaire mais non suf-fisante de la prévention.

Proposer des objectifssouples

Environ la moitié des participants nesont plus dans la situation de «fumeurssatisfaits», même si tous ne sont pasprêts à prendre la décision d’arrêter.Cela implique d’explorer des modesde prévention privilégiant des objectifssouples, afin d’encourager un proces-sus de réflexion sans imposer prématu-rément l’objectif de l’arrêt.

Favoriser la participation dela famille

La famille apparaît comme l’agent leplus important de régulation sociale de

la consommation. Ce constat devraitinciter les promoteurs des programmesde prévention à considérer le milieufamilial comme incontournable.

Rendre plus visibles etaccessibles les ressources etservices d’aide

Les jeunes interrogés font état d’unmanque d’information sur les res-sources spécialisées et d’une certaineinaccessibilité de celles-ci. Une propor-tion importante d’entre eux a essayéd’arrêter de fumer sans aucune aide…et généralement sans succès. D’aprèsles informations recueilles, il existe desservices offerts au public consomma-teur en général, mais pas spécifique-ment aux adolescents. Et les pro-grammes restent axés sur la prise encharge médicale, les facteurs sociocul-turels n’étant pas pris en compte.

Renforcer le travail enréseau

Les jeunes n’ont pas recours aux ser-vices d’aide et de traitement en matiè-re de tabagisme, qu’ils connaissent malvoire pas du tout. Par contre, ils setrouvent plus facilement en contactavec des professionnels relais tra-vaillant dans le champ de la prévention(PSE, PMS, AMO…). On pourrait doncenvisager de réduire l’écart entre l’offreet la demande d’aide via la mise enréseau de ces services et institutions.

Forest Quartiers Santé :Nazira El Maoufik et Bruno Vankelegom Forest Contacts Drogues :Annabelle Carton FARES, Service PréventionTabac : Joël Van Lierde etHernando Rebolledo Ce projet a été financé parle Service Santé de laCOCOF

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Des personnes handicapées...au Beliris social

Les personnes handicapées et leurs familles crient,depuis longtemps déjà, leur désarroi et leur déses-poir face aux difficultés qu’elles rencontrent au quo-tidien. Les autorités publiques tentent bien derépondre aux besoins énoncés par ces personnesmais sont loin de rencontrer l’entièreté de leursdemandes pourtant toutes légitimes.

C’est donc pour essayer d’y voir le plus clair possibleque la Commission des Affaires sociales de laCOCOF a décidé d’auditionner des associations etdes personnalités représentatives. A la suite de quoi,Ecolo et les autres partis de la majorité ont déposéune résolution visant à aider les personnes handica-pées de grande dépendance, qui rencontrentd’énormes difficultés à trouver une place dans lescentres ainsi qu’une prise en charge correspondantau mieux à leurs besoins. Cela passe par l’augmenta-tion du nombre de places d’accueil, davantage decomplémentarité entre institutions politiques et uninvestissement accru du niveau fédéral. La proposi-tion vise également à améliorer la formation et l’in-formation.

Ce texte n’est bien sûr qu’une réponse partielle auxbesoins des personnes handicapées ; malgré cela, ilnécessitera des moyens supplémentaires. Or la situa-tion financière de la COCOF est grave, mais on nes’en sortira pas en la laissant dans la pénurie danslaquelle elle s’est enlisée inexorablement depuis plusd’une dizaine d’années. On ne peut continuer à ima-giner des arbitrages entre de l’urgent et… de l’ur-gent : on n’oppose pas entre eux les besoins descitoyens les plus faibles. Les derniers chiffres du défi-cit de la COCOF, dont fait état l’étude Dexia, avoisi-nent 17 millions d’euros par an, et ce à politiqueinchangée, ce qui est une aberration vu la multiplica-tion des besoins. C’est pourquoi, dans les cercles où

élargissons le débatcela se décide et en cette période de négociationsfédérales, il faut exiger un refinancement de laCOCOF. Au moment où j’écris ce texte, M. Dehaene, qui vientde terminer son travail, a rencontré les différentsMinistres-Présidents mais pas celui de la COCOF.Cette absence de prise en compte est une erreur fla-grante, et j’espère que M. Cerexhe rencontrera M.Leterme. Il est important que notre institution monteau créneau et exige du fédéral, mais aussi de laRégion et des autres entités francophones, de quoimener à bien ses politiques sociales. D’ailleurs, pour-quoi Beliris ne couvre-t-il que de la brique et desparcs ? N’est-il pas temps d’exiger un Belirissocial qui prenne en considération les besoinssociaux et de santé des Bruxellois ?

Dominique BraeckmanPrésidente du groupe Ecolo à la COCOF

Quel soutien aux politiqueslocales de santé ?

Les Communes jouent un rôle important dans la pro-motion de la santé. Par sa proximité, l’échelon localest le niveau de pouvoir le plus susceptible d’agir surle quotidien des personnes. C’est à l’OMS que l’ondoit la reconnaissance de cette spécificité par la miseen place des programmes « Ville-Santé » à la fin desannées 80. Près de vingt ans plus tard, de nombreuxCollèges, installés à la suite des dernières électionscommunales, comptent en leur sein un Echevin de laSanté. Mais le message est-il suffisamment passépour autant ? La question reste largement ouverte etmériterait une recherche approfondie.

J’ai personnellement rencontré plusieurs Echevins dela Santé qui se posent de réelles questions sur lesobjectifs opérationnels d’un tel échevinat. A l’occa-sion d’une question parlementaire, la MinistreCatherine Fonck a rappelé le rôle primordial des

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CLPS (Centres locaux de promotion de la santé) dansleur mission de soutien méthodologique auxCommunes. Le troisième Colloque international desprojets locaux et régionaux de santé se tiendra àMons en avril 2008, à l’initiative conjointe de laCommunauté française et de la France ; il s’agit évi-demment d’un rendez-vous à ne pas manquer.

Plus largement, je plaide pour une mobilisation réel-le des pouvoirs locaux bruxellois en faveur de la pro-motion de la santé au niveau local. Si le chantier estvaste, les ressources existent : les asbl Bruxelles Ville-Région en Santé, Santé Communauté Participation,Question Santé, le CLPS de Bruxelles etl’Administration Santé de la COCOF. Mais, pour réus-sir, il convient de faire vivre un réseau regroupant cesacteurs et l’ensemble des décideurs politiques.

André du BusDéputé bruxellois

Président du groupe cdH au PFBDéputé à la Communauté française

L’organisation du dépistagedu cancer du sein en Régionbruxelloise

Le cancer du sein est une des premières causes demortalité précoce des femmes en Région bruxelloiseet touche une femme sur douze dans notre pays.Malgré ces constats sévères et ces chiffres alarmants,il ne faut pas céder au fatalisme. En effet, de nom-breuses études démontrent que le dépistage et letraitement précoces peuvent réduire la mortalitéd’environ 30 % et que la précocité du diagnosticévite les traitements agressifs et mutilants.

Dans notre Région, Brumammo a été créé depuis2002 pour coordonner l’organisation du dépistagedu cancer du sein. Outre cette action, le centre deréférence supervise le dépistage systématiqueauprès de femmes de 50 à 69 ans. Après 5 années defonctionnement, il était important d’évaluer le dispo-sitif mis en place et surtout de le renforcer et l’amé-liorer. Par ailleurs, la stratégie actuelle ne permet pas

encore d’atteindre de manière suffisamment signifi-cative les femmes et plus particulièrement les plusdéfavorisées. C’est dans cet esprit que les parlemen-taires Carla De Jonghe (VLD), André du Bus (cdH),Paul Galand (Ecolo) et Françoise Bertiaux (MR) m’ontrejointe par le dépôt d’une proposition de résolutionau Parlement bruxellois.

La proposition de résolution, qui soutient le dispositifBrumammo, invite les Ministres compétents à pour-suivre l’évaluation des programmes déjà réalisés, plusparticulièrement dans le domaine de la prise decontact et de la sensibilisation des publics concernés,et d’organiser une vérification régulière de la corres-pondance des outils mis en place aux réalités sociolo-giques de terrain en concertation avec les diversacteurs, en vue de créer de nouvelles synergies.

Afin de toucher le plus grand nombre de femmes, etsurtout celles que les matériels existants peuvent nepas atteindre (femmes peu ou pas scolarisées,femmes d’origine étrangère,…), la proposition derésolution recommande la mise en place d’un pro-gramme touchant l’ensemble des Bruxelloises dansleur diversité linguistique et culturelle. Dans le mêmeobjectif, le texte invite au développement d’une poli-tique préventive en collaboration avec l’ensembledes partenaires bruxellois de la santé, en impliquantdans les programmes le plus grand nombre d’acteursen contact avec les populations concernées, tels queles médecins généralistes, les Communes, les CPAS,les travailleurs socio-sanitaires, les médias de proxi-mité et les mutualités. Ce partenariat doit aussi sepratiquer entre les institutions régionales chargéesde la santé (p. ex. l’Observatoire de la Santé) et cellesqui dépendent des Communautés française et fla-mande.

Ces efforts conjugués renforceront la crédibilité etamélioreront les résultats en termes d’efficacité deBrumammo, cet outil bruxellois qui, par les différentsacteurs qu’il fédère autour de lui et par l’organisationd’un programme de dépistage gratuit, est déjà deve-nu un modèle en termes de politique préventive.

Fatiha SAÏDI, Députée PSPrésidente de la Commission de la Santé

à la COCOF

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D’octobre à avril : TabacologieFormation continuée interuniversitaireorganisée par le Fonds des AffectionsRespiratoires (FARES) avec la collabora-tion de l’ULB, l’UCL, l’ULg, la SSMG et laFCC

L’enseignement porte sur la dépendancetabagique. Il prépare à l’abord cliniquede l’aide au sevrage et à la recherchetabacologique, et étudie les relations et similitudes avec l’usage d’autres sub-stances. La formation est sanctionnée parun examen écrit, un travail de fin d’étudeset un stage. Dates : les samedis 13 octobre, 17 novembre, 15 décembre, 12 janvier, 9 février, 8 mars et 19 avril. L’accréditation a été demandée.

Programme sur www.fares.be.Renseignements et inscriptions auprès du FARES, 02/512.29.36

D’octobre à janvier : MénopauseJournée de sensibilisation et formations organisées par l’ASBL Femmes et Santé

– Le 23 octobre, journée de sensibilisa-tion : “ La ménopause sur la placepublique : regard critique sur la médi-calisation des cycles de vie féminins ”,au centre Amazone, 10 rue duMéridien. Entrée libre, inscriptionindispensable.

– Formation en groupes de 10 femmesmaximum : 7 séances de 2 heures, soitle mercredi de 18h00 à 20h00 (3, 10,17 et 24 octobre, 7, 14 et 21 novem-bre), soit le mardi de 17h00 à 19h00(27 novembre, 4, 11, 18 décembre, 8, 15 et 22 janvier).

Informations et inscriptions au 02/734.45.17 ou sur [email protected]

10 et 17 novembre : Journées d’étudepour kinésithérapeutes organisées par le Centre de RéférenceMultidisciplinaire de la DouleurChronique (CRMDC) des Cliniques universitaires de Mont-Godinne

Ces journées visent à :– diffuser des connaissances actualisées

à propos de la douleur chronique ;– informer sur la manière dont se dérou-

le la prise en charge au CRMDC ;– envisager comment les soignants

en 1e et 2e ligne peuvent poursuivre le traitement et évaluer la progressionde leur patient ;

– réfléchir à la place de l’éducation dupatient dans l’accompagnement.

Une troisième journée sera consacrée ultérieurement à une mise en situation surle terrain.

Renseignements et programme auprès deJacques D’Haeyere, 081/42.36.86 [email protected]

29-30 novembre : Filiation, sexuation,identitéColloque organisé par le CentreChapelle-aux-Champs au Centre culturel de Woluwe-Saint-Pierre

Devant les métamorphoses et les rupturesde l’ordre social, on peut entendre lasouffrance des sujets que rencontrent lespraticiens de la santé mentale commeétroitement liées aux questions de la filiation, de la sexuation et de l’identité. A l’occasion de son 40e anniversaire, leCentre Chapelle-aux-Champs a invité,pour éclairer ces questions, Guy Ausloos,pédopsychiatre, Alain Badiou, philo-sophe, romancier et dramaturge, Marcel Gauchet, historien et philosophe,Françoise Héritier, anthropologue, etJacqueline Schaeffer, psychanalyste. La matinée du 2e jour sera consacrée àcinq ateliers.

Programme et inscriptions auprès de Fleur Laloux, 02/764.39.45 [email protected] articles non signés sont de la rédaction.

Les articles signés n’engagent que leur auteur.

Secrétariat de rédaction :

Alain Cherbonnier Anoutcha Lualaba

Conseil de rédaction :

Dr Robert BontempsMyriam De SpiegelaereThierry LahayeVéronique Liebling Dr Roger LonfilsSolveig Pahud Dr Patrick Trefois

Graphisme :

Carine Simon

Avec le soutien de la Commission communautaire françaisede la Région de Bruxelles-Capitale.

Une réalisation de l’asbl Question SantéTél. : 02/512 41 74 Fax : 02/512 54 36E-Mail : [email protected]://www.questionsante.org

Editeur responsable : Dr P. Trefois, 72 rue du Viaduc - 1050 Bruxelles

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