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  • Rev Med Brux - 2004 A 273

    LES PATHOLOGIES DU CHEVEU

    Les tats squameux du cuir cheveluThe scaly scalpP. BrudererService de Dermatologie, C.H.U. Saint-Pierre, C.H.U. Brugmann, H.U.D.E.R.F., U.L.B.

    RESUME

    Les tats squameux du cuir chevelu reprsententun motif frquent de consultation. Les causes lesplus frquemment rencontres sont les teigneschez lenfant, la dermatite sborrhique et le pso-riasis chez ladulte, mais certaines dermatosesplus rares comme le lupus rythmateux et lelichen plan sont aussi envisager. Dans tous lescas, une anamnse et un examen clinique rigou-reux constituent les tapes indispensables dundiagnostic prcis et dun traitement adapt.

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    La prsence de squames plus ou moins nom-breuses sur le cuir chevelu constitue une plainte fr-quente face laquelle le mdecin est couramment con-front.

    Souvent qualifi de simple tat pelliculaire, le cuirchevelu squameux nest pourtant quun symptme de-vant lequel diffrents diagnostics doivent tre envisa-gs.

    PITYRIASIS CAPITIS

    Pityriasis veut dire en grec : son (la partie laplus grossire du bl moulu, qui est une petite particuleblanchtre).Ce terme regroupe les affections caractrises par laproduction intense et rcidivante de pellicules. Outre lecaractre inesthtique de celles-ci, le pityriasis sac-compagne souvent de dmangeaisons. De plus, cettecondition finit toujours par altrer la peau du cuir che-velu (grattage, surinfection) et peut saccompagnerdune alopcie sournoise.

    Nous pouvons classer ces tats selon la clini-que : pityriasis simplex, dermatite sborrhique, fausseteigne amiantace. Les descriptions cliniques parSabouraud au tout dbut du vingtime sicle restentdune tonnante actualit1.

    ABSTRACT

    Scaly scalp is a common problem in the pediatricand adult population. The possible causes rangefrom the commonly seen tinea capitis, seborrheicdermatitis and psoriasis to rare diseases such aslupus erythematosus and lichen planus. In allcases a thorough history and physicalexamination are important first steps tosuccessful diagnosis and treatment.

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    Key words : scaly scalp, pityriasis capitis

    Pityriasis simplex ou sec1-3

    Cest la forme clinique la plus banale et la plusfrquente. Cet tat est caractris par la prsence defines squames grises-jauntres, non adhrentes, par-semant lensemble du cuir chevelu, se dtachant spon-tanment ou par lger grattage. Le pityriasis simplexnest pas inflammatoire, le scalp nest pas ryth-mateux.

    Dermatite sborrhique

    Dans cette forme inflammatoire de pityriasis, quiaffecte 1 3 % de la population adulte immunocomp-tente4, le scalp est ros ou rouge, les squames sontplus paisses, plus adhrentes, plus grasses. Ellesdbordent du cuir chevelu sur le front et les zonesmastodiennes. Cette atteinte de la lisire ralise las-pect dune couronne sborrhique . Elle est souventassocie des lsions rythmato-squameuses desailes du nez, du conduit auditif externe, de la glabelle.Lensemble est prurigineux, difficile supporter. Le prin-cipal diagnostic diffrentiel est celui de psoriasis.

    Dans le pityriasis simplex comme dans la derma-tite sborrhique, le rle pathognique dune levurelipophile saprophyte de la peau humaine, Malasseziafurfur (anciennement appele Pityrosporum ovale) sem-ble vident5, mme sil subsiste des controverses quant la faon dont celle-ci intervient. Le sbum joue un

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    rle permissif dans la localisation des lsions, sans tredirectement impliqu dans la pathognie.

    Ces lments conditionnant la thrapeutique, ilfaudra donc : rduire la colonisation de la peau par les levures du

    genre Malassezia ; diminuer le sbum rsiduel ; contrler la raction inflammatoire de lhte.

    En pratique, pour le pityriasis simplex et dans lesformes mineures de dermatite sborrhique, deux ap-plications par semaine pendant quatre semaines dunshampoing antipelliculaire suffisent gnralement4. Cesshampoings contiennent des molcules vise antifon-gique ou anti-inflammatoire telles que la pyrithione dezinc, la piroctone olamine, un driv imidazol(ktoconazole, conazole, climbazole), plus ou moinsassocies des kratolytiques (acide salicylique,ichtyol). On laisse agir le shampoing pendant environcinq minutes.

    Pour le traitement dentretien, une seule applica-tion par semaine peut suffire.

    En cas de lsions inflammatoires importantes, onpeut y associer pendant une courte priode, une lotioncorticode faiblement ou moyennement puissante, touten vitant autant que possible une corticodpendancequi peut survenir rapidement pour cette pathologie chro-nique.

    Lorsque des squames paisses recouvrent leslsions du cuir chevelu, lutilisation dacide salicylique 3-5 % dans une base donguent mulsifiable pendantquelques nuits est trs efficace.

    En cas de dermatite sborrhique svre et r-sistante aux traitements locaux, ou dans les cas o ilsest dvelopp une corticodpendance du fait duneutilisation prolonge de corticodes puissants, un traite-ment puls par itraconazole oral peut savrer intres-sant6. On commence le traitement par 200 mg/j pen-dant une semaine, ventuellement suivis de 200 mg lesdeux premiers jours de chaque mois.

    Fausse teigne amiantace

    Cest un aspect plus rare des tats pelliculaires,mais trs caractristique, localis un ou plusieursendroits du cuir chevelu, mais ne stalant jamais surtoute sa surface.

    Les squames sont paisses, blanches ou grises,brillantes, comme de lamiante. Elles engluent la gainepilaire, et couchent le cheveu sur quelques millimtres.Si lon tire sur les cheveux, lenduit squameux lamel-laire vient avec et se spare du scalp. Il ny a pas deprurit. Une alopcie transitoire et localise est possiblesi les squames sont trs paisses. Elle ne devient querarement permanente en cas de surinfection secondaireet dinflammation intense.

    Lorigine du problme reste mystrieuse mais ilsemble sagir dun trouble de la kratinisation particu-lier, qui peut tre primitif ou secondaire7 une derma-tite sborrhique, un psoriasis, un lichen. Si la lsionressemble une teigne, comme son nom lindique,lexamen direct et la mise en culture des squames res-tent ngatifs.

    Le traitement fait appel aux topiqueskratolytiques et corticodes.

    PSORIASIS

    Cest une dermatose familiale frquente dont lecuir chevelu reprsente une localisation privilgie,parfois isole. Elle peut prcder lapparition dun pso-riasis aux autres endroits classiques (genoux, coudes,bas du dos). Les lsions squameuses sont en gnrallimites et bien circonscrites, arrondies. Elles sont blan-ches brillantes, avec un liser rythmateux intense enpriphrie. Parfois elles peuvent confluer et raliser unvritable casque sur la totalit du cuir chevelu. Le grat-tage fait apparatre des squames blanches, sches, detaille variable. Le cheveu traverse la plaque perpendi-culairement, contrairement la fausse teigne o il estcouch sous la squame.

    Lvolution est chronique, souvent rcalcitranteaux traitements, avec des pousses rcidivantes et desrmissions. Le traitement fait appel aux kratolytiques,lotions corticodes et base de calcipotriol, un drivde la vitamine D. La photothrapie par peigne UVBdonne de bons rsultats dans certains cas plus rsis-tants.

    TEIGNES DU CUIR CHEVELU8-11

    Les teignes du cuir chevelu reprsentent linfec-tion du cheveu et des follicules pileux par des champi-gnons parasites kratinophiles du groupe desdermatophytes. Il en rsulte une cassure du cheveu etdes zones alopciques squameuses. Elles touchentessentiellement les enfants dge scolaire avant la pu-bert.

    Sur le plan pidmiologique, on distingue lesdermatophytes anthropophiles qui sont responsablesde contaminations interhumaines (soit par contact di-rect avec un individu infect, soit de faon indirecte parles spores prsentes dans les peignes, brosses oucouvre-chefs), et les dermatophytes zoophiles, que lonpeut contracter dun animal (chat, rongeur). Dans lesteignes zoophiles, on observe souvent une ractioninflammatoire importante, alors que celle-ci est mod-re, voire absente dans les teignes anthropophiles.

    Il est important de souligner quactuellement, Bruxelles et dans les autres grandes villes en Europe,la majorit des cas de teignes du cuir chevelu est le faitde dermatophytes anthropophiles8. La transmissionintrafamiliale semble plus importante que la transmis-

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    sion scolaire, sauf pour les trs jeunes enfants o lescontacts et jeux rapprochs sont propices la propa-gation de ces souches11.

    Deux genres de dermatophytes, ralisant desaspects cliniques diffrents, sont importants : le genreMicrosporum (M.) responsable des teignesmicrosporiques et le genre Trichophyton (T.) respon-sable des teignes trichophytiques.

    Teignes microsporiques

    Les principaux agents en sont M. langeroni(anthropophile) et M. canis (zoophile). Elles se prsen-tent sous forme de grandes plaques squameuses uni-ques ou en petit nombre, de 2 6 cm de diamtre.

    Les cheveux infects sont casss en brosse 2 ou 3 mm du cuir chevelu et ont une fluorescenceverte en lumire de Wood (lumire UV). A lexamenmicroscopique, ils sont envelopps dune gaine depetites spores (spores ectothrix).

    Teignes trichophytiques

    Les agents principaux en sont T. violaceum,T. soudanense et T. tonsurans, tous anthropophiles.

    Limage clinique est celle de nombreux et petitsplacards alopciques peu squameux o les cheveuxcontamins sont casss au ras du cuir chevelu. Ils nesont pas fluorescents en lumire de Wood. Les sporessont lintrieur du cheveu (spores endothrix).

    Une forme clinique particulire et plus rare deteigne tr ichophytique profonde est due T. mentagrophytes (zoophile) et ralise laspect dunkrion : macaron unique, fortement inflammatoire etdouloureux, pos sur le cuir chevelu et recouvert depustules et de pertuis.

    Dans tous les cas, lexamen direct et la mise enculture de squames et de cheveux casss (prlevs la pince piler) sont indispensables pour identifierlagent pathogne en cause et donc son mode de trans-mission. Ceci permettra dvaluer le degr decontagiosit pour la collectivit dans laquelle vit len-fant, de planifier lviction scolaire et les mesures dhy-gine spcifiques, mais aussi de choisir le traitement leplus adquat8, les dermatophytes nayant pas la mmesensibilit aux nouveaux antifongiques disponibles.

    Toutes les teignes du cuir chevelu ncessitent untraitement par voie orale qui sera prolong plusieurssemaines selon la nature de la souche pathogne etlvolution de laffection.

    Il doit tre poursuivi jusqu la gurisonmycologique (cest--dire la ngativit des prlve-ments). Un traitement local par shampoing et crmeimidazole est galement prescrit, mais ne peut rem-placer le traitement gnral.

    Si lenfant a moins de 2 ans, pse moins de15 kg ou ne sait pas avaler des glules ou des compri-ms, quel que soit le type de teigne suspect, il reoitdu fluconazole en sirop la dose de 4-6 mg/kg/j.

    Chez les enfants de plus de deux ans ou de plusde 15 kg, sil sagit dune teigne microsporique, onprescrira de litraconazole la dose de 3-5 mg/kg/j.Pour une teigne trichophytique, on donnera de laterbinafine la dose de 62,5 mg/j en dessous de 20 kgde poids corporel, de 125 mg/j entre 20 et 40 kg, et de250 mg/j au-dessus de 40 kg.

    Lviction scolaire, dun minimum de trois semai-nes, sera ensuite adapte en fonction de lge de len-fant et de la souche pathogne identifie par culture.Sil sagit dune souche anthropophile, lviction serastricte jusqu gurison mycologique pour les enfantsen gardiennat, mais pour ne pas compromettre la sco-larit des enfants dcole primaire, ceux-ci seront auto-riss refrquenter ltablissement en portant un bon-net.

    DIVERS

    Dautres dermatoses du cuir chevelu peuvent sac-compagner de squames et doivent tre voques1-3.Certaines sont frquentes : pdiculose, nvrodermite,dermatite de contact (de nature irritative ou allergique).

    Des affections plus rares doivent tre envisages,sur tout en cas dalopcie cicatricielle12 : lupusrythmateux, lichen plan, folliculite dcalvante, etc.

    Une biopsie pour microscopie optique etimmunofluorescence directe est souvent ncessairepour un diagnostic de certitude et un traitement spci-fique adapt13.

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    Correspondance et tirs part :

    P. BRUDERERC.H.U. Saint-PierreService de DermatologieBoulevard de Waterloo 1291000 Bruxelles

    Travail reu le 28 mai 2004 ; accept dans sa version dfinitivele 19 juillet 2004.