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BRÉTEMA ET LA GALICE REMÉMORÉE OU INVENTÉE DE MARINA MAYORAL ANNE CHARLON Université de Bourgogne Marina Mayoral est née en 1942 à Mondofiedo, une ville qui se trouve à une vingtaine de kilomètres de la mer Cantabrique, dans la province de Lugo. Elle a obtenu son doctorat à Madrid avec une thèse consacrée à Rosalfa de Castro, elle est professeur de littérature à la Complutense ; ses travaux critiques portent, entre autres, sur Rosalia de Castro et Emilia Pardo Bazan dont elle a préfacé et édité un certain nombre de romans. Elle est également romancière et nouvelliste avec, à l'heure actuelle, à son actif une quinzaine de titres ; certains de ses romans et recueils de nouvelles ont d'abord été écrits en galicien cependant la plus grande partie de son œuvre fictionnelle est écrite directement en castillan. Ces brèves indications biographiques ne me semblent pas inutiles dans la mesure où elles peuvent éclairer la lecture de l'œuvre de fiction. L'œuvre de fiction de Marina Mayoral s'articule fondamentalement autour d'un lieu inauguré dès son premier roman Candida, otra vez, de 1979, lieu qu'elle a baptisé Brétema. Le nom choisi par la romancière est en soi intéressant puisque le mot «brétema » signifie brouillard en galicien et ce «brouillard» est à prendre à deux niveaux: d'une part au sens littéral et, dans ce cas, il constitue une indication climatique, d'autre part au sens figuré signifiant alors l'imprécision référentielle, la perception floue d'un lieu imaginaire, rêvé, fantasmé. Cette référence au brouillard peut conduire à penser que Mondofiedo se cache derrière le nom de Brétema, dans la mesure où, à en juger par de nombreux HISP. - 23 - 2006 277

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BRÉTEMA ET LA GALICE REMÉMORÉE OU

INVENTÉE DE MARINA MAYORAL

ANNE CHARLON

Université de Bourgogne

Marina Mayoral est née en 1942 à Mondofiedo, une ville qui se trouve

à une vingtaine de kilomètres de la mer Cantabrique, dans la province de

Lugo. Elle a obtenu son doctorat à Madrid avec une thèse consacrée à

Rosalfa de Castro, elle est professeur de littérature à la Complutense ; ses

travaux critiques portent, entre autres, sur Rosalia de Castro et Emilia

Pardo Bazan dont elle a préfacé et édité un certain nombre de romans.

Elle est également romancière et nouvelliste avec, à l'heure actuelle, à

son actif une quinzaine de titres ; certains de ses romans et recueils de

nouvelles ont d'abord été écrits en galicien cependant la plus grande

partie de son œuvre fictionnelle est écrite directement en castillan. Ces

brèves indications biographiques ne me semblent pas inutiles dans la

mesure où elles peuvent éclairer la lecture de l'œuvre de fiction.

L'œuvre de fiction de Marina Mayoral s'articule fondamentalement

autour d'un lieu inauguré dès son premier roman Candida, otra vez, de

1979, lieu qu'elle a baptisé Brétema. Le nom choisi par la romancière est

en soi intéressant puisque le mot « brétema » signifie brouillard en

galicien et ce «brouillard» est à prendre à deux niveaux: d'une part au

sens littéral et, dans ce cas, il constitue une indication climatique, d'autre

part au sens figuré signifiant alors l'imprécision référentielle, la

perception floue d'un lieu imaginaire, rêvé, fantasmé. Cette référence au

brouillard peut conduire à penser que Mondofiedo se cache derrière le

nom de Brétema, dans la mesure où, à en juger par de nombreux

HISP. XX - 23 - 2006 277

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témoignages, la vallée où se trouve Mondoiiedo est très fréquemment

noyée dans le brouillard ; or dans Rec6ndita armonia, un roman de 1994,

la narratrice décrit Brétema en ces termes :

En Brétema, casi todos los dîas al atardecer cae la niebla; baja

despacio desde los montes y se desliza hasta rozar los tejados. Pocas

veces llega hasta las calles y, si lo hace, es en forma de velo muy

tenue, casi imperceptible, que solo se nota porque deja una patina de

humedad sobre las piedras. Si se viene en coche por la carretera hay

un momento en que se ve todo el valle sumergido bajo una masa

algodonosa que lo oculta por completo 1•

Mais le brouillard n'est certainement pas, en Galice, une exclusivité

de Mondoiiedo et la romancière s'emploie à brouiller systématiquement

les pistes. En effet, dès Candida, otra vez, elle dote Brétema d'un certain

nombre de caractéristiques : une cathédrale, ce qui est le cas de

Mondoiiedo mais aussi, apparemment, une université -et ce dans les

années 1950-1960- puisque le roman ne notifie jamais le déplacement

de ses personnages, à cette époque, vers une autre ville afin d'y

poursuivre leurs études. Venant confirmer l'idée qu'il y a bien une

université à Brétema, dans un autre roman, La imica libertad, de 1982, un

personnage raconte que la mère d'un sculpteur, Morais,« creîa que estaba

estudiando Derecho en Brétema2 ». On pense alors que Brétema est

Santiago mais la romancière a pris soin de distinguer les deux villes

puisque, dans le roman éponyme, le lecteur apprend que Candida, qui est

médecin, écrit sur des feuilles où figure le « membrete de la Facultad de

Medicina » (p. 6), sans autres précisions, qu'une lettre envoyée par elle

« estaba fechada en Santiago» (p. 7) mais qu'elle habite et exerce à

Brétema. Enfin, la ville de Mondoiiedo apparaît sous son nom dans deux

romans, Un arbol, un adi6s, de 1988 et Bajo el magnolia, de 2004.

Il semble alors que Marina Mayoral ait voulu créer avec Brétema une

ville échappant à une référence extra-fictionnelle et faire de Brétema La

Ville galicienne qui rassemble et condense l'espace urbain galicien, du

moins un espace urbain dépourvu de port et de chantiers navals, un

espace urbain, enfin, qui constitue le lieu d'origine de tous ses

personnages. Autour de ce lieu essentiel, Mayoral crée un espace rural

1 Marina Mayoral, Rec6ndita armon/a, Madrid : Suma de Letras, Alfaguara, 2000, p. 275. 2 Marina Mayoral, La ûnica /ibertad, Madrid: Alfaguara, 2002 (ed. de ref.) p. 143.

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et/ou maritime. Dans le roman Dar la vida y el alma (1996) la narratrice,

qui n'est pas explicitement l'auteur, mais qui est la productrice de ce

roman et s'exprime comme un écrivain ayant déjà une œuvre à son actif,

fait un commentaire pour son peu de goût pour les descriptions :

No sé si esta falta de interés por los detalles del espacio fisico

tiene algo que ver con el hecho de ser mi ope desde nifia [ ... J A mis

personajes los veo deambular por las calles o por su casa, sentarse,

corner, charlar, pero me cuesta trabajo precisar c6mo es el mobiliario

de esos cuartos o los objetos que hay en ellos. S6lo cuando el espacio

puede ayudar a entender al personaje me esfuerzo en describirlo1 •

Or, à quelques exceptions près, on peut légitimement appliquer ces

propos aux romans de Marina Mayoral. Pour suggérer l'espace galicien,

elle va alors utiliser de rares descriptions, comme celle de La unica

libertad:

Es un paisaje tranquilo, silencioso, apacible: montafias suaves,

con verdes de tonalidades diferentes y azules y grises difuminados,

formas redondas que se pierden en la lejania, una atm6sfera limpia

pero siempre un poco velada, con una ligerîsima neblina que, cuando

se espesa, le da a todo un aire fantasmag6rico e irreal. Entonces hacia

sol, un sol suave que destacaba los contomos y los colores sin herir la

vista. Morais extendi6 la mano: 'Mira alli, entre las dos montafias de

enfrente es el mar.'2

Elle va, surtout, introduire des toponymes, identifiables ou non,

comme Fonteloura, Areamoura, Tebra, La Xesta, Montouto, Castro

d'Ouro, La Bran.a etc. dont la sonorité est indubitablement galicienne et

utiliser également des mots tels que « h6rreo » qui suggère l'espace

galicien ou asturien et surtout « pazo ». Ce « pazo », avec tout ce qu'il

connote est d'une remarquable rentabilité. Dans Un arbol, un adi6s,

roman écrit d'abord en galicien, le « pazo » de la famille maternelle de

Laura, la protagoniste, est évoqué en ces termes : « Un pazo que se cae a

pedazos, frio, humedo, lejos del pueblo, pero pazo al fin3 ». Dans Bajo el

1 Marina Mayoral, Dar la vida y el alma, Madrid : Alfaguara, 1996, p. 24. 2 Op. cit., p. 262. 3 Marina Mayoral, Un arbol, un adios, 1996, Madrid: ed. de ref. Suma de letras, 2004, p. 55.

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magnolia (2004) qui est une suite de Un arbol, un adi6s, Paco évoque les

évolutions successives de la Galice à partir du « pazo »

La forma de vivir estaba cambiando y lo que la gente admiraba y

lo que deseaba era un coche, o un piso en la capital, no el caser6n

arruinado del Pazo. [ ... ] Y ahora a la gente le gus ta, porque el mundo

da muchas vueltas, y resulta que vuelven a la tierra y lo que esta de

moda es tener una casa en la aldea; no en cualquier aldea, en la aldea

de uno, y decir que aquélla es la casa de la familia. Y muchas veces

no hay ta! casa de la familia. La mayoria tenia un corral o un

cobertizo para las gallinas, o nada, los padres o los abuelos vivian por

dos reales en un sitio miserable. Pero a los hijos o a los nietos les

gusta comprar una tierra o una casa o hacerse una nueva, ya sabe:

bafios, una cocina modema. Yo he hecho cientos de esas casas, y

conozco bien esa gente. No solo se hacen la casa, se hacen su propia

historia, c6mo le explicaria, parece que quisieran enmendarle la plana

a la vida pasada, a la pobreza de los suyos 1•

Dans ces lignes, Paco évoque le motif essentiel construit par Marina

Mayoral autour de Brétema, celui du départ, de l'émigration. Il convient

de préciser, avant d'aller plus loin, que les personnages de Mayoral qui

ont quitté la Galice ne l'ont pas fait contraints par leur situation

économique comme le suggère Paco dans les lignes ci-dessus. Il s'agit

d'une émigration d'un autre ordre, du choix d'une autre vie dans une

capitale, généralement Madrid. Les émigrés de Mayoral sont des artistes

ou bien ils exercent des professions libérales et, s'ils ont décidé

d'abandonner leur terre d'origine, c'est parce qu'ils pensaient trouver

ailleurs plus de possibilités de réussite ou d'épanouissement, parce qu'ils

voulaient voir autre chose, parce qu'ils étouffaient dans ce monde qu'ils

jugeaient trop étroit, trop étriqué. Brétema est alors construit, au fil des

romans de Mayoral, comme un pôle en opposition à Madrid ou à une

autre métropole. Choisir Brétema ou choisir Madrid est un choix

d'existence et ce système duel entre le rester ou le partir est

inlassablement interrogé par la romancière puisqu'il apparaît dans six de

ses romans: Candida, otra vez, Al otro fado, La imica libertad, Rec6ndita

armonia, Un arbol un adi6s et Bajo el magnolia, ce motif occupant de

plus en plus d'espace textuel et jouant un rôle de plus en plus important.

Les protagonistes de Mayoral constituent ainsi deux grandes catégories,

1 Marina Mayoral, Bajo el magnolia, Madrid : Alfaguara, 2004, pp. 13-14.

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ceux qui sont restés et ceux qui sont partis, ces derniers se subdivisant en

une sous-catégorie : ceux qui sont partis mais décident ou envisagent de

revenir. On notera l'absence d'une autre sous-catégorie car ceux qui sont

restés n'envisagent pas de partir, ce qui sous-entend qu'ils ne regrettent

pas leur décision ou qu'un changement n'est plus envisageable.

Cette problématique du choix de vie est déclinée par un système

narratif fondé sur le jeu des différents points de vue. Comme le souligne

la narratrice de Dar la vida y el alma : « La primera cosa que hay que

decidir cuando te pones a escribir una novela es quién va a contarla, o,

dicho en términos académicos, c6mo va a ser la voz narrativa 1• » Ce

problème de la voix narrative, comme celui des focalisations, des jeux de

points de vue, n'est pas seulement technique, il s'agit plutôt d'un

problème éthique, du problème fondamental de la difficulté à cerner et à

dire une réalité, du refus de donner une vision du monde comme étant la

Vérité. L'une des caractéristiques des romans de Mayoral est de

multiplier les points de vue, à travers différentes instances narratives

comme dans El otro fado ou bien, comme dans La (mica libertad, en

confiant le récit à une seule instance narrative qui recueille les opinions

contradictoires de différents témoins, voire d'écrire successivement deux

romans, Un arbol, un adi6s puis Bajo el magnolia pour que, dans le

second, l'un des personnages principaux de l'histoire donne sa propre

opinion s'adressant à « 1 'auteur » en ces termes : « Estaba seguro de que

tarde o temprano vendria a hablar conmigo. No sé bien por qué, pero

estaba seguro. Quiza por eso del punto de vista que usted cuenta

siempre ... 2 » Tel est l'incipit de Bajo el magnolia. Or, dans les deux

romans qui se répondent, comme dans La (mica libertad et Rec6ndita

armonia et, plus anecdotiquement dans Candida, otra vez, le choix du

lieu d'existence des protagonistes constitue une ligne de partage des eaux.

Dans ce premier roman, le narrateur unique et homodiégétique, qui a

choisi de partir exercer le métier d'avocat à Madrid dans les dernières

années du franquisme, rappelle les reproches formulés par son ami Javier,

lui aussi avocat

' Op. cit., p. 2. 2

Op. cit., p. 11.

Durante muchos afios, Javier me sermone6 sobre lo que

consideraba una deserci6n: 'Aqui es donde se puede hacer una

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verdadera labor', 'nuestro pueblo es éste y nuestros enemigos estan

aqui'. Cuando pusieron la bomba en el despacho, Javier se present6

inmediatamente en Madria 1 .

La bombe dans le cabinet d'avocats rappelle, bien sûr, l'attentat de la

rue d' A toc ha au début de la transition démocratique, cette évocation

permet au narrateur de montrer que Javier n'avait pas totalement raison:

« leurs ennemis» sont aussi à Madrid, elle met surtout l'accent sur ce qui

constitue la question essentielle posée par les fictions de Mayoral : le

choix de partir n'est-il pas un choix égoïste ? Ne valait-il pas mieux rester

pour être utile à la Galice ? Dans Al otro fado, roman qui suit Candida et

où réapparaissent certains personnages, dont Pedro, l'avocat installé à

Madrid, les raisons qui ont conduit dans la capitale le groupe d'amis qui

constitue le personnel du roman sont sans doute variées, rarement

clairement expliquées sauf pour Luis qui « decia que la vida alli era

insoportable, una pequefia ciudad provinciana, hip6crita, llena de

represiones y de chismes ... 2 ». Comme pour Luis, c'est la sensation

d'étouffement, provoquée plus par la famille que par la ville elle-même

qui a conduit Alberto (La {mica libertad) loin de Brétema : « Me ahogan,

Etel, me han ahogado siempre, no puedo soportarlos mas que a ratitos.

Necesito sentirme libre3 » écrit-il à la narratrice. Dans Rec6ndita

armonia, Helena qui voulait « ser una mujer famosa y alcanzar la

inmortalidad4 » choisira successivement Madrid, puis les Etats-Unis

condamnant le manque d'ambition de ses amis German et Blanca: « Los

dos en este valle perdido, lejos de todo, rodeados de tafier de campanas,

de frailes de clausura, de monjas enclaustradas ... Pero quizas felices,

contentos de vivir y desaparecer sin dejar ningun rastro5. »

Cependant, tous les personnages qui sont partis ont gardé des liens

avec leur terre d'origine, comme le souligne la question d'un personnage

non galicien qui ne comprend pas pourquoi Luis, qui manifeste une telle

allergie à la Galice, y passe toutes ses vacances : « Por qué se ha hecho

alli un chalé , por qué pasa alli sus vacaciones?6 » ce à quoi il lui est

1 Marina Mayoral, Càndida, otra vez, Madrid: ed. de ref. Suma de Letras, 2001, p. 50. 2 Marina Mayoral, Al otro /ado, Madrid: Suma de Letras, 2001, p. 43. 3 Op. cit., p. 250. 4

Op .cil., p. 55. 5

Ibid., p. 271. 6 Al aira lado, op. cil., p. 43.

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Brétema ou la Galice de Marina Mayoral

répondu : « Porque es su mundo y no puede desarraigarse por completo1

• » D'ailleurs c'est cette origine galicienne commune qui constitue le lien entre tous les personnages de Al otro fado. La narratrice de La {mica libertad, qui est revenue à Brétema pour des raisons de santé, donne à Morais qui lui propose de rester des motifs rappelant ceux d 'Alberto : « Alli [ en Madrid] vivo a mi aire [ ... ] ultimamente, he hecho algunos guiones para la radio y cosas de escenografia con Alberto, eso me gusta y, sobre todo, esa forma de vivir, sin sentirme atada, con la posibilidad de cambiar si encuentro algo que de verdad me entusiasme2

. » Pourtant, elle a, elle-même, envisagé de rester et constate, plus loin, qu'elle est devenue : « [L]a persona que, por buscar una libertad persona!, acaba siendo un solitario que no pertenece a ninguna parte ... Le dije que no habia hecho ninguna de las cosas que la gente considera importante: plantar un arbol, escribir un libro, tener un hijo3

. »

C'est précisément un arbre que Laura -qui a écrit un livre et eu deux enfants- vient planter dans le Pazo de ses ancêtres ; à ce moment de sa vie -elle vient d'avoir cinquante ans- Laura s'interroge sur le bien fondé du choix de vie qui l'a conduite à abandonner son père et son compagnon de jeunesse, Paco, pour s'installer à Madrid et épouser Fernando:

1 Ibid., p. 43.

[ ... ] F emando era la ilusi6n, un mundo nuevo, desconocido, mio,

exclusivamente mio; era la Aventura, era el Amor. Tenia que vivirlo,

no podia renunciar a mi misma, a lo que de mi vida era solamente ' 4

mlO .

Ahora siento cada vez mas fuerte la nostalgia de lo que dejé y de

lo que pudo haber sido. Pero, al mismo tiempo, no me arrepiento de lo

que hice. Si el tiempo volviese atras, si tuviese la oportunidad de

elegir de nuevo, seguramente volveria a hacer lo mismo; porque

también sé que, si eligiese quedarme, tendria la nostalgia de lo que

dejé de hacer, y esa frustraci6n enlodaria mi felicidad aqui, la teiiiria

de resignaci6n, de sacrificio5.

2 Op. cil., p. 378. 3 Ibid., p. 418. 4 Un arbol, un adiàs, op. cil., p. 78.

'Ibid., p. 106.

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Et c'est dans son village que Laura a décidé qu'elle serait enterrée, pour elle les cimetières de Madrid constituent « una inmensa ciudad de muertos desconocidos. Aqui es distinto, todos sabemos de todos ... 1».

Le choix de Paco et sa version des faits sont à l'opposé de ceux de Laura; d'origine sociale modeste, il affirme: « Tenia que protegerme de los suefios, porque yo sabla que no podria ir a la Universidad, que mi sitio estaba aqui...2 ». Et il reproche à Laura de l'avoir abandonné, lui, mais surtout d'avoir abandonné son propre père:

[ ... ] solo con esa palabra se entiende lo que hiciste entonces: abandono, abandonar, abandonado ... Ésas son las palabras que dan vida a los sentimientos que tu provocaste.

Hiciste mal yéndote. Siempre lo pensé, siempre lo senti asi3.

Par le jeu des points de vue discordants mais aussi à travers les doutes de ses personnages, Mayoral pose le problème de l'utilité sociale que signifie un choix individuel, car ce choix a des incidences qui dépassent le niveau familial. Les romans de Mayoral construisent ainsi des figures emblématiques: celle du maître d'école, celle du médecin de campagne. Pour Paco, don Marcial, le maître d'école, père de Laura et Benjamin, le médecin de campagne : «tuvieron una existencia envidiable y para mi han sido un modelo de vida\>. Mais il remarque : « Laura a su manera lo admiraba [il s'agit du médecin] . Decia que tenia que haber gente como él que sacrificase un porvenir profesional brillante para mejorar el nivel de atenci6n sanitaria en los pueblos. Lo veia como un sacrificio. » Et il ajoute qu'elle ne comprend pas que « alguien se quede ahi por gusto, porque es lo que quiere hacer, lo que prefiere. Y cuando admite que es una decisi6n lo atribuye a la pereza, a la comodidad, al miedo a la competencia. » Et il conclut en affirmant que, pour elle, : « [ ... ] representaban justamente el tipo de vida que [ ... ] no queria vivir. [ ... ] Era gente sin ambiciones, o quiza habria que decir sin pretensiones, o sm aspiraciones. Yeso, segun se mire, puede resultar bueno o malo5

• »

1 Ibid., p. 46. 2 Bajo el magnolia, op. cil., p. 17.

3 Ibid., p. 26.

4 Ibid., p. 39.

' Ibid., p. 40.

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Aucune instance narrative supérieure n'émet de jugement définitif, les romans proposent les deux options : celle des Galiciens qui ont rendu des services appréciables en demeurant dans leur terre d'origine et ont contribué à son évolution, celle des Galiciens émigrés qui ont réussi hors de leur espace d'origine et ont contribué, à leur manière, à faire connaître leur terre. Sous d'autres noms, don Sabino pour le maître d'école, don German pour le médecin, ces personnages apparaissaient déjà dans La

imica libertad

Quende, ahi tuvieron un maestro maravilloso, por los afios treinta. Les ensefi6 a todos a leer y escribir, y las cuatro reglas, mientras él vivi6 no hubo analfabetos, incluso Je ensefi6 a hablar a un sordomudo, por gestos y leyendo en los labios; hay gente asi, por ahi perdida ... 1

déclare Morais à la narratrice ; une tante de cette dernière lui explique le rôle du médecin, don German: « [a]l campesino, [a]l labriego que baje de la montafia [ ... ] le gusta charlar con el médico, que le pregunte por sus vecinos, y no contarle lo que le pasa a una enfermera y que el médico lo reciba dos minutos2

. . . »

Ce même roman introduit un autre personnage utile avec Toîi.o

Acaba de volver del servicio militar, todos lo echabamos de menos, es un chico muy listo y que hace una labor inapreciable ... Trabaja en Correos y telégrafos, pero ademas hace recados por su cuenta, por amor al arte porque no esta obligado ... Todos los <lias se da una vuelta por aqui y donde necesitan algo le hacen sefias, como saben a qué hora pasa mueven un trapo o una toalla desde la casa o desde el prado y entonces él se acerca: y me avisa a mi, o va a buscar una medicina, o recoge un paquete o una carta ... o avisa al cura de que hay un muerto y tiene que ir a en terrarl o ... 3.

Tous ces personnages, que le récit montre heureux de leur sort, symbolisent l'ancrage en Galice, un ancrage que n'a perdu totalement aucun des personnages ayant choisi de vivre ailleurs. Comme avec

1 Op. cil., p. 184.

2 lbid., p. 181.

3 ibid., p. 185.

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l'espace de Brétema, Marina May oral condense dans quelques

personnages tout un groupe social et c'est le même système narratif qui

lui permet de brosser un tableau complet de la société galicienne, du

début du vingtième siècle à nos jours, de construire une pyramide, dont le

sommet est constitué par quelques « grandes familles » symbolisées par

les Monterroso de Cela dont on découvre dès Candida, otra vez le

pouvoir, avec cette remarque du narrateur : « En mas de una ocasi6n he

visto enrojecer de impotencia a un magistrado ante la impavida mirada de

un Monterroso de Cela ... 1 » et les origines puisqu'il descendent de Pardo

de Cela2, le héros qui s'opposa aux Rois Catholiques. Cette pyramide

inclut toutes les classes sociales, jusqu'aux plus défavorisées. Je me

limiterai à évoquer ce qui concerne les femmes et la « morale sexuelle »

dans la mesure où ces deux motifs proposent à la fois une vision duelle de

la société galicienne et une réflexion sur la condition féminine, faisant de

la romancière une digne héritière de la Pardo Bazan.

Grâce au personnage de Candida, qui est une Monterroso, Mayoral

montre la complexité et l'ambiguïté des rapports sociaux existant entre

les « grandes familles » galiciennes et le reste de la population. Pedro,

l'avocat ami d'enfance de Candida et fils d'un employé de la famille, est

au cœur de cette ambivalence. Il explique l'amitié liant Candida à Javier,

militant communiste et fils d'un« rouge» en ces termes: « A Candida, la

relaci6n con Javier no le creaba problemas; respondia al esquema de

comportamiento de los Monterroso: hablar con todo el mundo y seguir

gozando de los privilegios feudales de su apellido3 ». Car les Monterroso

jouissent bien de privilèges féodaux et c'est bien comme des seigneurs

féodaux qu'ils se comportent : « Los Monterroso eran mujeriegos por

tradici6n4 » mais, apprend-on dans La imica libertad: « a los hijos

naturales les daban un medio de vida, y a las madres las mejoraban, hasta

les buscaban marido muchas veces5 ». Les romans de Mayoral sont, en

effet, peuplés de descendants illégitimes des Monterroso, facilement

identifiables grâce à leurs cheveux blonds et leurs yeux verts. Les

Monterroso apparaissent, de plus, jusqu'au milieu du vingtième siècle

1 Op. cit., p. 27.

2 Ibid., p. 30.

3 Ibid., p. 60.

4 Ibid., p. 55.

5 Op. cit., p. 67.

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Brétema ou la Galice de Marina Mayoral

comme de typiques aristocrates improductifs : « Los Monterroso vivian

de rentas, eran 'los amos', no puedes imaginarte hasta qué extremos 1

»

rappelle à Etel une de ses grand-tantes dans La imica libertad. Mais les

temps ou les gens ont changé, ainsi Candida est-elle médecin à l'hôpital

et, aux dires de ses patients, particulièrement dévouée ( cf. Candida, otra vez, pages 85 à 90).

Dans le roman Al otro lado le lecteur retrouve Pedro et l'instance

narrative évoque l'un de ses rêves récurrents quand il était enfant, après

que son instituteur avait expliqué la révolution française et les exécutions

d'aristocrates :

Y en sus sueîios, aquellos arist6cratas tenian el pelo rubio y los ojos claros, verdes, de los Monterroso de Cela. Aquélla habia sido una de sus fantasias infantiles mas repetidas. Se veia a si mismo tocado con el gorro frigio y arrnado de una larga espingarda, como el grabado del libro escolar, avizorando el paso de las carretas y la caida vertiginosa de la guillotina: jZas!, otra. Candida siempre iba en aquellas carretas2.

Mais souvent, dans son rêve, Pedro arrive au dernier moment pour

sauver Candida. Dans le roman précédent (Candida ... ) Pedro avait

répondu aigrement à Candida qui lui disait qu'il ne pouvait pas

comprendre ce qu'elle lui expliquait:

1 Ibid., p. 65.

No puedo entenderlo. Tendria que haber vivido en un pueblo pequeîio, en una aldea de labradores y marineros, de gentes que trabajan, que viven pendientes del tiempo: hay borrascas y no se puede ir a la mar, llovi6 por San Juan y se estrope6 la cosecha, habra que ir a pedir un aplazamiento, un préstamo, cruzar una vez mas la gran cancela de hierro, atravesar las lozas del patio, llegar a la fachada de piedra donde esta el escudo de los Monterroso, del seîior. Y asi durante generaciones, su padre, y el padre de su padre y las mujeres que trabajan en la casa y las hijas guapas de los que trabajan para el

- 3 senor ...

2 Op. cit., p. 212. 3 Op. cit., p. 155.

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Anne CHARLON

Quelques pages auparavant, il lui avait déclaré : « El tiempo de los fieles servidores ha pasado, Candida'. » Pourtant, il ne supporte pas la version simplifiée de la société galicienne que sa compagne allemande, Herda, propose :

Lo irritaba el empefio de Herda de analizarlo y reducirlo a pautas de conducta que a ella le resultasen familiares: 'leran unos caciques?'. Pues no, estaban por encima de los caciques.[ ... ] Ni eran s6lo 'terratenientes'. \Franquistas?', pues si, bueno, pero en realidad sefiores feudales, los que mandan desde hace siglos, mejor dejarlo, Herda, no vas a entenderlo, 'estructuras socio-ec6micas arcaicas', si, probablemente es eso ... 2

Ces « structures socio-économiques archaïques » sont au cœur de la plupart des fictions de Mayoral qui rappelle fréquemment la situation complexe des filles de familles pauvres choisies pour « servir » les grandes familles, même lorsqu'elles n'étaient pas victimes du « droit de cuissage » exercé par les Monterroso :

1 Ibid., p. 151.

[M]uchas de aquellas ninas llegaban a convertirse en primerasdoncellas de casas elegantes y manejaban los juegos de porcelana china con la misma soltura que lo haria una sefiorita de la buena sociedad, o mejor, porque eran mas listas. lQué pensarian, lqué sentirian al comparar aquel mundo con el suyo? Porque era un mundo en el que s6lo podian estar coma criadas. Aprender a vestirse con buen gusto, a peinarse, a arreglarse, a moverse con soltura entre los sefiores, a preparar comidas refinadas, a distinguir los buenos vinos ... ly después? ... [ ... ] Se casaban, se solian casar con muchachos de la ciudad, carpinteros, ch6feres, panaderos, algun pequefio comerciante o funcionario modesto, y entonces se sentian agradecidas, porque habian mejorado de situaci6n y lo que habian aprendido y conocido les servia, se convertian en 'una sefiora de su casa' y formaban una especie de élite entre los artesanos y la gente modesta: eran mas refinadas, tenian mas 'clase' y lo hacian valer. [ ... ] Las que lo pasaban peor eran las que se casaban con un mozo de su pueblo y volvian a la aldea, coma Matilde, eso debia de ser horrible,

2 Al otro fado, op. cil., pp. 208-209.

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después de haber conocido otra vida, de haberla tocado con sus manos, vol ver a aquella miseria ... 1

Car les fictions de Mayoral évoquent également les conditions de vie

des classes les plus pauvres

Tu no puedes imaginarte las condiciones de vida infrahumanas en que vivian muchas de aquellas gentes, y en que siguen viviendo, por desgracia: sin agua corriente, sin luz, en casas que parecen cuevas, con suelos de tierra y una sola habitaci6n en donde corne, vive y duerme toda la familia. Sin médico, sin maestro, sin cura, como animales, lejos de las carreteras, en lugares aislados a los que solo se puede llegar a caballo o andando, alli crecian, malvivian, malmorian, que hasta para morirse hay clases y hay que haber nacido con suerte ... 2

Et la question que pose, et se pose, l'une des grand-tantes de la

narratrice est

Lo extraîi.o es que no nos odiasen. 0 quizâ nos odiaban y no nos enterâbamos -<lice Ana Luz-. Pero no, lo normal es que tuvieran apego a los 'seîi.ores' y ha habido casos de fidelidad y verdadera devoci6n, fijate Eusebia. También hubo resentimientos y venganzas, eso es cierto, en la guerra salieron a relucir muchos odios ocultos, pero no fue lo general, al contrario, muchos criados les sacaron las castaîi.as del fuego a sus seîi.ores y defendieron sus intereses como si fuesen propios: ocultaban joyas, objetos de plata, cosas de valor que mas tarde les devolvieron, y muchos arriesgaron su vida por ellos ... 3

Comme le montre cette dernière citation, Mayoral évoque aussi dans

ses fictions les évènements historiques qui ont marqué le vingtième siècle

en Galice et, en particulier, les années de la Seconde République, de la

Guerre civile et de la dictature. Comme d'autres romanciers galiciens

actuels, elle tient à corriger la version franquiste selon laquelle la Galice

tout entière était du côté des insurgés et, comme pour tous les autres

1 la ûnica libertad, op. cit., pp. l 73-175. 2 Ibid., p. 171. 3 Ibid., p. 173.

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« motifs galiciens» qu'elle développe, elle tient à mettre en évidence la

complexité de la situation. On trouve des personnages républicains ou, du

moins, hostiles aux insurgés dans Candida, otra vez, Rec6ndita armonia

et La unica libertad, essentiellement. Le plus étonnant de ces personnages

est, sans conteste, don Atilano, l'évêque de Brétema qui« no condenaba a

nadie, solo a los que usaban el nombre de Dios para encubrir sus actos 1 »

et qui est accusé d'avoir facilité la fuite de el Caiiote, un maquisard :

« -Tenga cuidado, Seiior Obispo; una cosa es la caridad y otra encubrir

asesinos », lui déclare le commandant de la place, et don Atilano répond :

« Seiior Comandante: no hagamos juicios temerarios; ni sobre asesinos, ni

sobre encubridores ... 2 ». Don Atilano paiera ses prises de position à la fin

de la guerre : « Habia tantas acusaciones contra él por ayudar a gente de

izquierdas y proteger a los maquis que, para evitar males mayores, la

jerarquia eclesiâstica habia decidido que se recluyese en un monasterio de

monjes trapenses3 ..• ». Le jour de son départ : « Cada vez habia mas

gente en la plaza4 », mais don Atilano ne rejoint pas le couvent : il est

mort d'une crise cardiaque :

El entierro fue, en palabras del peri6dico local 'una impresionante

manifestaci6n de duelo'. Queria decir que estâbamos todos: los que lo

queriamos y lo admirâbamos, y los que en vida lo habian criticado y

condenado5 .

On trouve également des républicains parmi les « grandes familles »,

ainsi le mari de Georgina, l'une des grand-tantes d'Etel, une de Silva,

s'engage-t-il dans l'aviation avec son ami Carlos, l'un des fils du marquis

de Resende ; tous deux sont tués. Un autre fils du marquis, Pedro, s'était

engagé dans l'autre camp mais son expérience de la guerre le perturbe

profondément : « Pedro se habia encontrado con que la Iglesia no era lo

que él creia, sino fundamentalmente un poder temporal, que pactaba con

otros poderes temporales y adoptaba posturas politicas que, en casos

como el actual, provocaban conflictos morales en muchos de sus

miembros6 ». Le marquis de Resende, quant à lui, est un monarchiste

1 Recondita armon/a, op. cil., p. 195.

2 Ibid., p. 233.

3 Ibid., p. 257. 4 Ibid., p. 262.

'Ibid., p. 263.

6 Ibid., pp. 230-231.

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libéral tout à fait opposé au coup d'état militaire. Mais ce que soulignent

également les fictions de Marina Mayoral c'est que, souvent, les hommes

se sont trouvés enrôlés dans un camp qui n'était pas le leur:

Podias estar en el ejército de Franco y ser republicano socialista,

cenetista o comunista o separatista, cualquier cosa; igual que podias

estar en el ejército de la Republica y ver en Franco a un salvador de la

Patria. Podias estar en un bando y odiar las ideas de ese bando y

desear su derrota 1•

C'est le cas du médecin, don German, un socialiste qui s'était engagé

dans le camp des rebelles parce que son père avait été arrêté et qui

espérait ainsi lui sauver la vie. En apprenant que son père a été exécuté

« German se pas6 a los rojos. Fue una locura. Que lo hubiese hecho en La

Brena seria comprensible, porque todavia la suerte estaba sin decidir y su

ayuda podia servir de algo en el bando republicano; pero hacerlo entonces

era un suicidio2 ». German aura cependant relativement de la chance :

étant resté avec les blessés lors d'une attaque républicaine, il a exigé

qu'ils aient la vie sauve en échange de ses services de médecin dans

l'autre armée; à la fin de la guerre, les hommes qu'il avait sauvés

témoignent en sa faveur et il ne sera « que » condamné à la prison. Dans

La imica libertad, il évoque comment il put survivre après sa libération :

« En los aîios cuarenta, cuando me prohibieron ejercer, Adelaida [una

curandera] sigui6 recoméndandome [ ... ] Destrozaron mi consulta en

Brétema y se llevaron hasta las jeringas de inyecciones3. » Cet exemple,

parmi beaucoup d'autres, rappelle les exactions commises par les

vainqueurs. Dans Rec6ndita armonia, Blanca, la narratrice, raconte

comment un groupe de phalangistes avait voulu obliger le pharmacien

libre-penseur et ses amis à crier« Viva Cristo Rey» :

1 Ibid.. p. 213.

No se atrevian a ir a buscar a Anton del Canote, que se habia ido

al monte en cuanto se levant6 la guarnici6n de Ferrol y que

posiblemente habia sido responsable del sabotaje; se desfogaban con

pobres gentes que lo unico que hacian era reunirse en la botica y

hablar. Pero don Evaristo se neg6 a obedecerlos. Lo sacaron de su

2 Ibid., pp. 251-252.

3 Op. cit., p. 198.

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casa y lo llevaron a rastras hasta la plaza de la Catedral y alli lo amenazaron con colgarle de las verjas si no se arrodillaba y daba los

• 1 v1vas.

Devant son refus, les phalangistes le frappèrent et don Evaristo ne dut

son salut qu'à l'intervention de l'évêque, don Atilano. Les exemples sont

innombrables, concernant aussi bien la vie sur le front, puisque les deux

protagonistes de Rec6ndita armonia, Helena et Blanca, se sont engagées

comme infirmières, que celle de l'arrière-garde; l'impression qui domine

c'est que 1' après-guerre fut pire que la guerre : « Con los anos todos

aprendimos a callamos y a disimular2 . . . » remarque Blanca et Pedro, dans

Candida otra vez, évoque l'amour de Marta, une fille de famille noble

ruinée, pour Javier en ces termes : « Le ofrecia su amor como una especie

de desagravio por el 'paseo' a su padre, por sus pantalones raidos, por las

palizas de los falangistas y la policia3 . . . »

Nous n'avons jusqu'à présent évoqué le nom de Anton del Canote

qu'indirectement; or, ce personnage occupe une place importante dans

Rec6ndita armonia et surtout dans le roman antérieur, La {mica libertad.

Il est le résistant, le maquisard, celui qui refuse le coup d'état et défend la

république. Insaisissable, disposant de nombreuses complicités dans la

campagne, il est accusé de tous les crimes et attentats. Un chapitre de La

{mica libertad lui est consacré, exposant les circonstances de sa mort, et

ces circonstances ouvrent sur un autre thème original dans les romans de

Marina Mayoral. En effet, Anton el Canote fut exécuté dans la cour du

Pazo des de Silva, à La Brena, à la suite d'une trahison, alors qu'il était

venu passer la nuit avec Inmaculada de Silva, cousine de la mère de la

narratrice. Bien que plusieurs versions divergentes soient proposées, la

narratrice considère que la plus crédible est celle de la passion amoureuse

liant Inmaculada et Anton, offrant au lecteur deux pages de pure tragédie

romantique.

L'aventure d'Inmaculada avec un homme d'une condition sociale très

inférieure à la sienne n'est pas la seule dans les fictions de Mayoral qui, à

travers ces figures féminines, offre d'une part au lecteur une vision assez

1 Op. cil., p. 172.

2 lbid., p. 205.

3 Op. cil., p. 56.

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peu convenue de la « morale sexuelle » des Galiciens et impose, d'autre

part, l'idée qu'il y avait en Galice, dès le début du vingtième siècle, des

jeunes femmes émancipées. Si les conquêtes des Monterroso de sexe

masculin s'inscrivaient dans une logique féodale, celles des jeunes filles

ou jeunes femmes de bonne famille, voire de famille aristocratique,

n'étaient pas exactement jugées « normales » et la liberté de leur conduite

faisait jaser. La narratrice de La unica libertad évoque ainsi sa tante

« Ada, una seîiorita rica, nieta de don Ildefonso, que solo aparecia por la

Breîia en los veranos, que se baîiaba 'casi desnuda', que fumaba como un

hombre ... En fin, la perdici6n 1• » Comme le remarque Candida : « ... la

familia te perdona lo que sea, menos el escandalo2

. » Les héroïnes des

fictions de Mayoral ne respectent pas toujours cette règle et accumulent

les relations hors mariage avec des hommes qu'elles choisissent. L'intérêt

évident qu'elles semblent éprouver pour des hommes de condition sociale

inférieure est de garder l'initiative dans la relation: c'est le cas pour

Inmaculada avec el Canote, d'Etel avec le petit-fils de celui-ci, de Laura

avec Paco « Fui yo quien te saqué a bailar en la fiesta del Carmen y fui yo

quien te besé la primera aquel dia en el h6rreo3

. », c'est le cas d'Helena

qui se jette littéralement à la tête du professeur Arozamena, puis d'un

certain nombre de combattants pendant la Guerre civile. C'est aussi le cas

de Cecilia qui oblige le sculpteur Morais à l'épouser. Morais était parti à

Paris pour échapper à ses avances

Y no habian pasado tres semanas cuando se present6 en mi

estudio de la Place du Tertre[ ... ) No me iba a buscar a mi. Apareci6

por alli dispuesta a ejercer de musa [ ... ] Era mayor de edad, pero se

habia largado de casa sin decir ad6nde. Casi mata a su madre del

disgusto. Imaginate el escandalo en Brétema ... [ ... ] Yo no era un

santo y ella era una chica atractiva ... y yo fui su primer hombre. Asi

que cuando apareci6 la police, regresé con ella a Brétema y nos

casamos4.

Pour Blanca, la narratrice de Rec6ndita armonia, la liberté d'Helena

« procedia de sus privilegios de clase, es decir, de una educaci6n muy

especial y del convencimiento de estar por encima del comun de los

1 Op. cit., p. 59. 2 Candida, otra vez, op. cit., pp. 25-26. 3 Un arbol, U/1 adios, op. cil., p. 36. 4

La (mica libertad, op. cit., p. 384.

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mortales 1• » Cependant Blanca remarque également : « . . . las amas me

habian transmitido respecto al amor camai una actitud muy tolerante,

propia del mundo rural gallego, que procedia de antiguas religiones

naturalistas y contra la cual luchaba en vano la religiosidad oficiai2. » Et

Blanca choisira de vivre avec German, après la libération de ce dernier,

sans se marier, ce qui dans ! 'Espagne des années 40-50 n'est pas

spécialement bien vu. Alberto, de La Ltnica libertad, évoque lui aussi la

tolérance galicienne qu'il oppose à la rigidité de son propre père : « Llegô

a Brétema por puro azar, era fiscal y le tocô alli, como pudo tocade

Extremadura o Canarias ... Nunca entendiô la mentalidad de la gente, ni

esa especie de moral natural de estas tierras. Era carlista y catôlico de

forma fanatica3».

Ce n'est pas seulement autour de la liberté de leurs mœurs que

Mayoral construit ses figures de femmes émancipées. Celles qu'Etel

appellent « mis abuelas » et qui sont en réalité ses trois grand-tantes ne

répondent pas au cliché de la femme espagnole traditionnelle : Ana Luz a

fait, dans les années 30 des études universitaires : « Le gustaba la historia

y la literatura, pero sobre todo le gustaba don Federico de Souto,

catedratico de Arqueologia de la Universidad4

». Elle occupera durant de

longues années un poste d'assistante aux côtés du maître, avec qui elle a

une liaison et qui, aux dires de sa sœur et de sa belle-sœur, l'a exploitée

sans vergogne; elles l'ont d'ailleurs surnommé « el déspota ilustrado ».

Georgina qui avait peu de goût pour l'étude a été une grande sportive,

championne de tir et, à l'époque du présent du roman, elle tient un

gymnase et rêve d'ouvrir une agence de détectives privés. Helena et

Blanca ont fait, elles aussi dans les années 30, de brillantes études

universitaires et, comme Ana Luz, ont travaillé durant des années dans

l'ombre d'un autre professeur, Arozamena, qui menait des recherches

dans le domaine de la physique nucléaire. Elles avaient été encouragées

par Eduardo, le père d'Helena:

Las mujeres estabamos todavia en un estadio atrasado en el cual

el trabajo, cualquier trabajo, era estimado, porque conducia a la

ansiada emancipaci6n; pero teniamos que conseguir que el nuestro

' Op. cit, pp. 220-221. 2 Ibid., pp. 76-77. 3 Op. cil., p. 475. 4

Ibid., p. 34.

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fuera sobre todo un modo de vivir, un modo persona! de estar en el

mundo. Y habîa que esforzarse y luchar por alcanzar no solo un

trabajo digno sino gratificante1•

Ce n'est évidemment pas le cas de toutes les jeunes femmes, comme

le remarque Blanca: « Nosotras éramos unas privilegiadas2 ». Les romans

de Marina Mayoral qui mettent en scène au moins quatre générations

donnent la mesure de l'évolution parcourue: la famille de Paco est, à cet

égard, intéressante. Nous l'avons vu, Paco n'avait pas pu quitter sa ville

et sa famille pour faire des études d'architecture, il avait pu cependant

étudier jusqu'au baccalauréat grâce au père de Laura, l'instituteur et aux

trois amis de celui-ci, le curé, le médecin et le peintre Castedo. Il

construit des maisons et ses enfants ont pu, eux, faire des études, parce

que leur père gagne de l'argent mais aussi parce que les temps et les

mentalités ont changé, ce dont rend compte la narratrice de La unica

libertad : « En eso si que los tiempos han cambiado, porque Toii.o estaba

con dos amigos, compaii.eros de universidad, de Cristal, y, al cuarto de

hora, ya estabamos todos juntos3. » C'est donc d'une réalité galicienne

complexe et mouvante dont nous rendent compte les fictions de la

romancière galicienne.

Il reste un dernier point que je voudrais mentionner brièvement car il

mériterait une étude spécifique et approfondie. Je l'ai dit en introduction,

Marina Mayoral a consacré un certain nombre d'études à Rosalia de

Castro et Emilia Pardo Bazan. Si la première est directement visible dans

certains romans, par la citation de poèmes comme, par exemple, dans Dar

la vida y el alma, la présence de la seconde est plus diffuse. Marina

Mayoral est l'auteur de l'édition critique et de la préface de La quimera,

pour les éditions Catedra et il me semble que la romancière a voulu

reprendre la figure de l'artiste qui était au cœur du roman de Pardo Bazan

et, en particulier, du motif de l'artiste envisagé à la fois comme personne

et comme créateur. De nombreux artistes peuplent les fictions de

Mayoral, le pianiste raté mari de Laura et le pianiste mondialement connu

avec Eduardo, le fils de Petronila de Ulloa y Andrade -dont le

1 Rec6ndita armon/a , op. cil., p. 66.

2 Ibid., p. 66.

3 Op. cit., p. 404.

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patronyme est sans doute un clin d'œil à dofia Emilia-, des peintres avec

Castedo, un de ces hommes qui a choisi de rester en Galice, d'être

considéré comme un artiste secondaire et local mais dont de nombreux

personnages louent les tableaux dans plusieurs romans, enfin et surtout

avec le sculpteur Morais. Ce personnage est, lui aussi, mentionné à

diverses reprises dans les romans de Mayoral mais c'est surtout dans La

Z:mica libertad qu'il acquiert un statut de protagoniste. Objet de critiques

de la part des tantes de la narratrice, Etel, à cause de « sa vie dissolue »,

du« mauvais mari» qu'il a été pour leur sœur Emilia -autre évident clin

d'œil- il apparaît d'abord comme un personnage aussi peu plaisant que

le Silvio de Pardo Bazân : « Lo admiro como artista, pero, como ser

humano no es santo de mi devoci6n: me parece egoista, interesado y

desconfiado 1• »

Mais il a attisé la curiosité d'Etel qui accepte son invitation à

séjourner chez lui, devient son modèle et construit une figure opposée à

celle du héros de La quimera. Morais apparaît sous la plume d'Etel

comme un artiste exceptionnel qui « transforma la realidad, convierte en

algo hermoso incluso los defectos2 ». Indifférent aux mondanités et aux

commentaires savants sur ses sculptures, il cherche inlassablement à

donner vie à la matière. J'ignore si Marina Mayoral s'est inspirée d'un

artiste réel pour créer Morais mais on trouve dans La Z:mica libertad des

pages extraordinaires sur le travail du sculpteur et sur ses réalisations

(pages 292 à 297, par exemple). Le point de vue de la narratrice du roman

qui dit un jour à Morais : « Yo conocîa sus obras, Morais, pero me alegro

de haberlo conocido como persona3 » corrigeant ainsi l'opinion générale,

n'invite pas à éluder le jugement de la valeur éthique d'un artiste pour

n'envisager que sa dimension esthétique mais suggère plutôt d'appliquer

à tout jugement une tolérance et une bienveillance qui semblent

constituer, à ses yeux, des qualités essentielles. Avec Morais, figure d'un

artiste ancré en Galice et qui a acquis une renommée internationale,

Mayoral suggère que le choix de rester n'est pas toujours limitatif. Dans

la promesse posthume qu'elle fait à Morais la narratrice de La unica

libertad réunit sculpture et littérature

1 lbid., p. 360.

2 Ibid., p. 297.

3 Ibid., p. 276.

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Brétema ou la Galice de Marina Mayoral

Morais, no sé si todo esto podra convertirse en una novela, no sé

si sera cierto que es ya una novela y que eso es, justamente, lo unico

que sé hacer bien en la vida, escribir novelas: no lo sé ... Pero lo juro,

Morais, te lo juro, Euxio, que yo escribiré un libro sobre un hombre

que amaba la vida y las mujeres y que dej6, en bronce y en marmot,

que no envejece ni muere, la mejor imagen de mi misma 1 •

C'est ce roman qu'a écrit Marina Mayoral, faisant de Morais un

personnage terriblement humain dont la vie et l'œuvre sont

indissociables.

Au terme de ce parcours dans l'œuvre de fiction de Marina Mayoral,

je laisserai la parole à Blanca qui, à la fin de Rec6ndita armonia, explique

pourquoi elle a décidé de rester à Brétema : « Por un momento hasta yo

misma dudé. Pero don Atilano muerto tiraba de mi mas fuerte que vivo.

Era como si mis raices se hubieran hundido con él en la tierra y necesitase

seguir alli para sentirme vivir2 ». La romancière galicienne qui a choisi,

contrairement à Blanca, de vivre hors de Brétema a pourtant gardé ses

racines dans sa terre d'origine, dans la littérature et toutes les expressions

artistiques de sa terre d'origine également; des racines qui « tiran de

ella » et la conduisent à revisiter, recréer, fiction après fiction, un espace

galicien qui lui donne vie et auquel elle donne vie.

1 Ibid., p. 500.

2 Op. cit., p. 269.

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