BRÈVE ANTHOLOGIE DE PHILOSOPHIE ARABE · 2015-05-13 · ... à partir des traductions en arabe de...

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BRÈVE ANTHOLOGIE DE PHILOSOPHIE ARABE ﻣﻮﺟﺰة ﻣﺨﺘﺎرات ﻣﻦ اﻟﻌﺮﺑﻴﺔ اﻟﻔﻠﺴﻔﺔPrésentée par des élèves de Terminales du lycée Charles de Gaulle de Damas Et leur professeur de philosophie Mathieu Terrier Années 2006-2007 et 2007-2008 1

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BRÈVE ANTHOLOGIE

DE

PHILOSOPHIE ARABE

مختارات موجزة من

الفلسفة العربية

Présentée par des élèves de Terminales du lycée Charles de Gaulle de Damas

Et leur professeur de philosophie Mathieu Terrier Années 2006-2007 et 2007-2008

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Le lycée français de Damas, par son ancrage géographique et humain, est un établissement biculturel où se rencontrent, sur le plan linguistique mais aussi plus largement intellectuel, la culture française et la culture arabe syrienne. Convaincu que cette dimension biculturelle est pour l’école un atout qu’il faut mettre en valeur, convaincu aussi que la philosophie constitue un espace privilégié d’échanges interculturels, j’ai voulu faire découvrir à mes élèves de Terminales la philosophie arabe ou falsafa (فلسفة), telle qu’elle s’est développée aux 9ème et 10ème siècles de notre ère, à partir des traductions en arabe de la philosophie grecque. L’objectif était de faire la lumière sur un chapitre trop souvent méconnu de l’histoire de la philosophie, en faisant découvrir aux élèves des textes originaux et importants qui appartiennent souvent à leur propre patrimoine culturel. Ainsi, nombre d’entre eux, qui connaissaient les noms d’Al-Râzî ou d’Ibn Sînâ d’après le nom d’un hôpital ou d’une marque de produits pharmaceutiques, ont appris non sans étonnement que ces médecins célèbres avaient été aussi et surtout de grands philosophes. De cette découverte, il convenait que les élèves soient les premiers acteurs. D’où le projet d’une brève anthologie de textes philosophiques arabes traduits par les élèves eux-mêmes. Ce qui fut l’occasion d’une autre découverte ou redécouverte : le caractère toujours accessible d’une langue arabe classique remontant parfois à plus de dix siècles, en même temps que les redoutables difficultés de l’exercice de traduction. Les élèves volontaires n’ont pas ménagé leurs efforts pour remplir ce rôle de « passeurs » transculturels, offrant ainsi à tous leurs camarades présents et à venir l’accès à ces textes. Les traductions ont été revues et corrigées au besoin. L’anthologie présente, après une brève introduction sur l’auteur et les textes choisis, une traduction française en vis-à-vis du texte original arabe. Il s’agit donc d’une édition bilingue, le meilleur instrument d’étude qui soit pour la philosophie comparée. Disponible en ouvrage de fonds du CDI, elle ne demande qu’à circuler plus largement au sein du public éclairé et entre les lycées français du monde arabe, revue et augmentée chaque année avec de nouveaux élèves volontaires. Outre l’augmentation des chapitres consacrés à Al-Râzî, Ibn Sînâ et Al-Fârâbî, cette année a vu l’introduction de deux nouveaux auteurs, Ibn Tufayl et Ibn ‘Arabî, celui-ci étant un personnage illustre de la ville de Damas, où il repose. Mais le projet n’en est encore qu’à ses débuts, la découverte à ses prémices, si tant est que l’échange interculturel est, selon l’expression de Maurice Blanchot, un « entretien infini ». La transcription des textes arabes en caractères standard est due à Hishâm Tablieh. Mme Barakat a prodigué de précieux éclaircissements aux élèves sur certains passages particulièrement difficiles des textes arabes. Grace Al-Shawi, élève de TL et traductrice d’Al-Râzî, s’est chargée de la recherche iconographique. M. Demaria a offert ses compétences informatiques et son sens de l’image à la conception finale de l’ouvrage. M. le Proviseur Bernard Pradeilles a accueilli et soutenu le projet avec enthousiasme. Leur contribution à tous fut précieuse, qu’ils en soient ici remerciés. Mais bien sûr, que les premiers remerciés soient tous les élèves qui ont mis leurs aptitudes, leur dynamisme et leur désir de découverte au service du projet. Mathieu Terrier, professeur de philosophie

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Al-Kindî الكندي

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Al-Kindî الكندي

Surnommé « le philosophe des Arabes » à son époque, Abû Yûsuf Ya’qûb ibn Ishâq Al-Kindî (الكندي) fut le grand philosophe de l’âge d’or bagdadien sous le règne ‘abbasside. Né à Bassora en 796, il fut contemporain du mouvement théologien rationaliste des Mu‘tazilites. A Bagdad, il forma autour de lui un cercle de traducteurs-adaptateurs pour lui fournir en version arabe les œuvres d’Aristote, de Platon, lui-même ne sachant pas le grec. Il est celui qui introduisit dans le monde arabo-musulman cette chose d’abord perçue comme étrangère, et désignée en arabe par une transcription phonétique, la falsafa. Il est aussi le premier authentique philosophe en langue arabe. Il mourut en 866. Dans ce texte extrait de la préface à son Epître sur la philosophie première ( الكتاب Al-Kindî assume son rôle de passeur transculturel en développant ,(في الفلسفة األولىune conception universelle et historique de la vérité. La condition humaine est ainsi faite que nul homme ne peut, à lui tout seul, atteindre toute la vérité. Celle-ci ne se découvre qu’aux générations successives, les unes héritant des autres, et cette transmission est aussi géographique : d’une époque à une autre et d’une contrée à une autre, la connaissance du vrai s’accroît. Plaidant pour une réception bienveillante de la philosophie grecque, Al-Kindî se fait le défenseur d’un message universaliste et humaniste qui n’a rien perdu de son actualité.

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Al-Kindî الكندي

خطبة الكتاب في الفلسفة األولى

فكيف بالذين هم أآثر أسباب منافعنا العظام ,و من أوجب الحق أال نذم أحد أسباب منافعنا الصغار الهزلية

فقد آانوا لنا أنسابًا و شرآاء فبما أفادونا من ثمار ,فإنهم و إن قصروا عن بعض الحق.الحقيقية الجدية

ت مؤدية إلى علم آثير مما قصروا من نيل حقيقته و سيما إذ هو بين فكرهم التي صارت لنا سبًال و آال

أحد , إنه لم ينل الحق بما يستأهل الحق , و عند المبرزين من المتفلسفين قبلنا من غير أهل لساننا,عندنا

و إما نال منه شيئًا, من الناس بجهد طلبه وال أحاط به جميعهم بل آل واحد منهم إما لم ينل منه شيئًا

فإذا جمع يسير ما نال آل واحد من النائلين من الحق منهم اجتمع . يسيرًا باإلضافة إلى ما يستأهل الحق

: فينبغي أن يعظم شكرنا لآلتين بيسير الحق فضال عمن أتى بكثير من الحق . من ذلك شيء له قدر جليل

. ن المقدمات المسهلة لنا سبل الحقبما أفادونا م,و سهلوا لنا الخفية الحقية,إذ أشرآونا في ثمار فكرهم

التي بها خرجنا إلى ,فانهم لو لم يكونوا لم يجتمع لنا من شدة البحث في مددنا آلها هذه األوائل الحقية

فإن ذلك إنما اجتمع في األمصار السالفة المتقادمة عصرا بعد عصر إلى . األواخر من مطلوباتنا الحقية

وغير ممكن أن يجتمع في من المرء . وإيثار التعب في ذلك,لدأبمع شدة البحث و لزوم ا,زماننا هذا

وإيثار الدأب ما اجتمع في إضعاف ذلك من الزمان , و لطف نظره,الواحد و إن اتسعت مدته و اشتد بحثه

ينبغي أن نشكر آباء الذين أتوا : فأما أرسطو طاليس مبرز اليونانيين في الفلسفة فقال.األضعاف الكثيرة

وإذ هم سبب لنا إلى نيل الحق فما أحسن .فضال عن أنهم سبب لهم,إذ آانوا سبب آونهم,قبشيء من الح

.ما قال في ذلك

و إن أتى من األجناس القاصية ,و اقتناء الحق من أين أتى,و ينبغي لنا أن ال نستحي من استحسان الحق

وال يصغر بقائله وال ,حقو ليس يبخس ال.فإنه ال شئ أولى بطالب الحق من الحق,و األمم المباينة,عنا

. وال أحد بخس الحق؛بل آان يشرفه الحق.باآلتي به

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Al-Kindî الكندي

Sur la philosophie première

Entrée en matière

« Il ne faut jamais déprécier quelqu’un qui a été l’une des causes de nos profits modestes et divertissants, ni à plus forte raison, ceux qui ont été les principales causes de nos profits les plus grands, sérieux et véritables. Ces hommes, même si ils ont manqué une partie du vrai, ont été pour nous des parents et des compagnons. Ils nous ont fait bénéficier des fruits de leur pensée, devenus des méthodes et des instruments nous permettant de découvrir une grande partie de ce qu’ils ont manqué. Il est particulièrement évident pour nous, comme pour les plus illustres philosophes qui nous ont précédés et qui n’étaient pas gens de notre langue, que jamais un homme seul n’a atteint le vrai en tant que tel, par l’effort de sa seule recherche personnelle, pas plus que l’ensemble des hommes ne l’a embrassé. Mais chacun, ou bien n’a rien atteint du tout, ou bien n’a atteint qu’une infime partie de la vérité pure. Si l’on rassemble toutes les infimes parties du vrai que chacun a pu atteindre, il se forme quelque chose d’une sublime valeur. Il faut donc que nous glorifiions ceux qui nous ont apporté une partie infime de la vérité, sans parler de ceux qui nous en ont livré beaucoup : en effet, ils nous ont fait partager les fruits de leur pensée et nous ont facilité la connaissance des réalités cachées, grâce à leurs prémisses qui nous ont balisé les voies de la vérité. S’ils n’avaient pas existé, il serait impossible de réunir, même par d’intenses recherches de tous les instants, ces principes grâce auxquels nous sommes parvenus à nos fins dans la quête de la vérité. Tout cela s’est formé dans les anciennes cités qui se sont succédées d’âge en âge jusqu’à notre époque, par la recherche ardente, l’astreinte à la persévérance et la prédilection pour la difficulté. Il est impossible qu’un seul homme parvienne à rassembler, même avec d’abondantes ressources, des recherches intenses, un entendement subtil et beaucoup de persévérance, ce qui s’est rassemblé là en tant de fois le temps de cette durée de vie. Quant à Aristote, l’illustre philosophe grec, il a dit : « Il faut remercier les pères de ceux qui ont apporté quelque chose de vrai, car ils ont été la cause de leur existence, outre le fait qu’ils ont eux-mêmes une cause. Ils sont donc pour nous une cause de l’obtention du vrai », et comme il a bien parlé là ! Aussi, il ne faut pas avoir honte d’approuver la vérité et la prendre d’où qu’elle vienne, même de nations éloignées de nous et de communautés différentes de la nôtre, car pour qui est en quête de la vérité, il n’y a rien de plus important que la vérité. La vérité n’est pas diminuée ni ridiculisée par celui qui l’énonce ou la transmet. Aucun d’eux n’a diminué la vérité, mais chacun d’eux a par elle été ennobli. » Traduction effectuée avec Sarah Chatta et ‘Amr Al-Achî, élèves de TS (2006-2007).

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Al-Râzî الرازي

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Al-Râzî الرازي

Abû Bakr Ibn Zakariyya Al-Râzî ( الرازي ), le « Rhazès » des Latins, est né en 864 et mort en 932 à Rayy, dans l’actuel Iran, où il est encore célébré comme un grand homme. Illustre médecin, il fut aussi l’auteur d’écrits philosophiques rationalistes, très critiques à l’égard de la religion, qui ont été censurés et mutilés. Son livre De la médecine spirituelle est la principale œuvre philosophique qui nous soit parvenue de lui. Dans le premier texte proposé, Al-Râzî soutient une position sur le désir et le plaisir très proche de celle d’Epicure dans sa Lettre à Ménécée : le plaisir est un bien en soi, mais pour en jouir vraiment, il faut savoir se modérer et ne pas transformer le désir en besoin. L’homme qui suit ses désirs sans les maîtriser par la raison ne connaît finalement que les troubles de l’âme et la souffrance. Plus encore qu’Epicure, dont il s’inspire sans avoir eu un accès direct à ses textes, Al-Râzî développe un point de vue thérapeutique et non moral sur le rapport aux plaisirs sensuels. Dans le second texte, Al-Râzî traite de l’étude de la philosophie. A la suite d’Aristote, il la considère comme la meilleure activité qui soit pour l’homme, celle qui permet d’atteindre le bonheur véritable. Mais adoptant toujours un point de vue thérapeutique, il met en garde contre le surmenage intellectuel, qui entraîne des troubles de l’âme et conduit à l’échec dans la recherche de la vérité. Dans l’étude de la philosophie, l’excès revient au même que le défaut : à l’absence de sagesse. Al-Râzî reste un épicurien : la philosophie doit soigner les troubles de l’âme, elle ne doit surtout pas en provoquer. Le troisième texte, extrait de son épître Sur la vie philosophique, développe un point de vue fort original sur l’éthique appliquée aux animaux, aboutissant à une défense rationnelle du mode de vie végétarien. Fondée sur la référence à la vie de Socrate, considérée comme exemplaire du mode de vie philosophique, cette argumentation, encore épicurienne quant au calcul économique des plaisirs et des souffrances, n’est pas sans évoquer la morale hindouiste sur le respect absolu du vivant. La fin du texte dénonce un certain dolorisme religieux, et témoigne d’une certaine connaissance, non dépourvue de clichés, des religions de l’Inde. Rejoignant bien l’esprit de la philosophie antique, Al-Râzî nous rappelle encore que la philosophie n’est pas seulement une vision du monde, mais encore et surtout un mode de vie.

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Al-Râzî الرازي

من آتاب الطب الروحاني

و ينبغي أن تعلم أن المؤثرين للشهوات المدمنين لها المنهمكين فيها يصيرون منها إلى حالة ال

على ~ فإن المدمنين لغشيان النساء وشرب الخمور و السماع . يلتذونها وال يستطيعون مع ذلك ترآها

لتذونها التذاذ غير المدمنين لها ألنها تصير ال ي~ أنها من أقوى الشهوات وأوآدها غرزا في الطباع

وال يتهيأ لهم اإلقالع عنها ألنها قد , أعنى المألوفة المعتادة, عندهم بمنزلة حالة آل ذي حالة عندهم

ويدخل عليهم من . صارت عندهم بمنزلة الشيء االضطراري في العيش ال بمنزلة ما هو فضل و تترف

حتى يضطروا إلى استعمال صنوف الحيل و اآتساب األموال بالتغرير أجلها التقصير في دينهم و دنياهم

بالنفس و طرحها في المهالك فإذا هم قد شقوا من حيث قد رقدوا السعادة و اغتنموا من حيث قدروا

وما أشبههم في هذا الموضع بالحاطب على نفسه الساعي في . الفرح و ألموا من حيث قدروا اللذة

حتى إذا حصلت في المصيدة لم تنل ما خدعت ,لمخدوعة بما ينصب لها في مصايدهاآالحيوان ا, هالآها

. به وال أطاقت التخلص مما وقعت فيه

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Al-Râzî الرازي

La médecine spirituelle

« Il faut que tu saches que ceux qui poursuivent les désirs charnels au point d’en être drogués et de s’épuiser en eux, en arrivent à un état dans lequel ça ne leur procure plus aucun plaisir, sans qu’ils puissent pour autant s’en passer. Les passionnés des femmes, du vin et de l’ivresse musicale - étant donné que ce sont là les désirs les plus puissants et les plus ancrés dans le caractère humain - ne savourent pas le plaisir comme le savourent ceux qui n’en sont pas passionnés, car cela devient pour eux comme n’importe quelle habitude, et ils ne sont pas prêts à s’en passer non plus, car c’est devenu pour eux comme une nécessité vitale et non plus comme un luxe. Cela les amène à négliger leur religion et leur vie matérielle à cause de ces dépendances, contraints qu’ils sont d’utiliser toutes les tromperies possibles pour gagner de l’argent, en aveuglant leur âme et en la jetant dans les périls. Ainsi, ils souffrent là où ils croyaient trouver le bonheur, ils se retrouvent déprimés au lieu d’être gais, et ressentent la douleur pour avoir mal compris le plaisir. Dans cet état, ils sont semblables au bûcheron qui fait tomber l’arbre sur lui, ou à celui qui court à sa perte. Comme l’animal trompé par l’appât déposé pour lui dans le piège : quand il est tombé dans le piège, il n’obtient pas ce qui l’a attiré, et ne peut pas non plus se tirer du piège dans lequel il est tombé. » Traduction effectuée avec Omar Bafakih(TS) et Faysal Esreb (TES) (2006-2007)

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Al-Râzî الرازي

في دفع الفضل الضار من الفكر و الهم

في _ إن هذين العارضين و إن آانا عرضين عقليين فإن فرطهما مع ما يجلب من األلم و األذى ليس هو ذآرنا إفراط فعل النفس بدون تقصيرهما عما ذآرنا قبل حيث_ إقعادنا عن مطالبنا و قطعنا دونها

و لذلك ينبغي أن يكون العاقل يريح الجسد منها و أن ينيله من اللهو و السرور و اللذة بقدر ما .الناطقة

. يبلغ له ما يصلحه و يحفظ عليه صحته لئال يخور و ينهد و ينهك و يقطع بنا دون قصدنا

فبعض يحتمل , و من أجل اختالف طبائع الناس و عاداتهم تختلف مقادير احتمال الفكر و الهم فيهم

فينبغي أن يتفقد ذلك و يتدارك قبل أن يعظم و . و بعض ال يحتمل,الكثير منها من غير أن يضر ذلك به

و بالجملة فإنه ينبغي أن .إن العادة تعين على ذلك و تقوى عليهف,أن يتدرج إلى االزدياد منه ما أمكن

بل لكي نتجدد و نقوى به على العدو ,يكون نيلنا و إصابتنا من اللهو و السرور و اللذة ال أنها لها نفسها

فإنه آما أن قصد الرجل السائر في إعالف دابته ليس إلى أن .في فكرنا و هَمنا اللذين بهما نبلغ مطالبنا

فكذلك ينبغي أن يكون حالنا في االشتغال ,يقويها على بلوغ مكانه و مستقره| يلها لذتها بل إلى أن ين

. بمصالح أجسادنا

اه هذا التقدير بلغنا مطالبنا في أسرع األوقات التي يمكن في مثلها فإنه إذا فعلنا ذلك و قدرن

وال آالذي ,ولم نكن آالذي أهلك راحلته قبل بلوغه أرضه التي يؤمها بالحمل عليها و الخرق بها,بلوغها

شغل بإسمانها و إخصابها حتى فاته الوقت الذي آان ينبغي أن يكون قد وصل فيه إلى موضعه و

لو أن رجًال أحب علم الفلسفة و آثرها حتى جعلها همه و شغل :أقول, في ذلك بمثل آخرو سنأتي.مستقره

ثم رام أن يبلغ منها ما بلغ سقراطيس و فالطن و أرسطاطاليس و ثوفرسطس و أوذيمس و ,بها فكره

و _فأدام الفكر و النظر و أقل الغذاء و الراحة ,خروسبس و ثامسطيس و اسكندروس في مدة سنة مثًال

أقول إن هذا الرجل يقع إلى الوسواس و المانخوليا و إلى الدق و _ ,ا يتبع ذلك ضرورة دوام السهر مم

. الذبول قبل مضي تمام هذه المدة و قبل أن يقارب هؤالء الذين ذآرناهم

آخر أحب أيضًا استكمال علم الفلسفة على أنه إنما ينظر فيها في الوقت بعد و أقول لو أن رجًال

فإذا عرض له أدنى شغل أو تحرآت فيه أدنى شهوة ,الوقت إذا فرغ من أشغاله و مل من لذاته و شهواته

وال أقول إن هذا الرجل ال يستكمل علم الفلسفة في عمره وال يقارب ذلك ,ترك النظر و عاد فيما آان أوال

و من أجل .أحدهما من جهة اإلفراط و اآلخر من جهة التقصير,فقد عدم هذان الرجالن مطلوبهما.يدانيه

ذلك ينبغي أن نعتدل في فكرنا وهمومنا التي نروم بها بلوغ مطالبنا لنبلغها وال نعدمها من قبل تقصير أو

. إفراط

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Al-Râzî الرازي

La médecine spirituelle

Pour prévenir l’excès nuisible en matière de pensée et de méditation Ces deux accidents, même s’ils ne sont qu’intellectuels, entraînent par leur excès de la douleur et de la nuisance qui nous empêchent d’atteindre nos buts, et en cela leur excès revient au même que leur défaut, comme cité plus haut. Pour cette raison, le sage doit savoir reposer son corps et lui procurer autant de plaisir et de satisfaction que possible en conservant sa santé, afin qu’il ne s’épuise pas et ne s’écroule pas sous la peine, nous empêchant ainsi d’atteindre nos buts. A cause de la différence de caractères et d’habitudes, il existe différents degrés de tolérance à la pensée et à la méditation selon les hommes. Certains peuvent en supporter beaucoup sans dommage, quand d’autres ne pourraient pas en supporter autant. Il faut donc bien examiner et comprendre cela avant d’aller plus loin, augmenter progressivement [l’effort de la pensée] autant que possible, car l’habitude renforce notre endurance. En d’autres termes, se procurer du plaisir et de la satisfaction ne doit pas être une fin en soi, mais un moyen pour nous régénérer et nous rendre plus forts face à l’ennemi qui est présent dans nos pensées et nos méditations, par lesquelles nous tendons à atteindre nos buts. Tel est le but du voyageur qui nourrit sa monture : non pas lui procurer du plaisir, mais la rendre plus forte pour pouvoir rejoindre son lieu de séjour. Nous devons agir de même dans l’intérêt de notre corps. Si nous suivons cette prescription, nous atteindrons nos buts le plus rapidement possible, et nous ne ressemblerons pas à celui qui, à force de charger sa monture et de consumer ses forces, l’exténue avant même d’avoir atteint sa destination, ni à celui qui, à force de l’engraisser et de la féconder, laisse passer le temps où il aurait dû arriver à son lieu de séjour. Ceci peut être illustré par un autre exemple. Si un homme aimait la philosophie et se vouait à elle au point d’en faire son unique sujet de préoccupation, et qu’il voulait atteindre en un an, par exemple, ce qu’ont atteint Socrate, Platon, Aristote, Théophraste, Eudème, Chrysippe, Thémistius et Alexandre [d’Aphrodise], prolongeant donc l’étude et la contemplation, diminuant son alimentation et son temps de repos- du fait de la nécessité de veilles interminables-, je dis que cet homme plongerait dans l’obsession, la mélancolie et finalement l’épuisement, avant la fin de la période définie, et sans même s’être approché de ce que les autres ont atteint. Si un autre homme aimait aussi parcourir la philosophie, mais ne l’étudiait que de temps à autre, quand il n’a rien d’autre à faire et se trouve las des plaisirs et des réjouissances, cessant sa contemplation et revenant à ses premières passions dès que la moindre pulsion ressurgit en lui, je dis que cet homme ne parviendrait jamais à parcourir la philosophie de toute sa vie. Ainsi les deux hommes auront manqué leur but, le premier par excès, le second par défaut. C’est pourquoi nous devons trouver une juste mesure dans nos pensées et nos méditations, par lesquelles nous espérons atteindre nos buts, afin de les atteindre en effet et de ne pas les rater par défaut ou par excès. » Traduction effectuée avec Racha Absi et Maria Kallas, élèves de TES (2006-2007)

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Al-Râzî الرازي

آتاب السيرة الفلسفية

انه لما آان األصل الذي وضعناه من أن ربنا ومالكنا مشفق علينا : فنقول

وأ ن جميع ما يقع بنا منه مما ليس من , ناظر لنا رحيم بنا تبع ذلك أنه يكره أن يقع بنا ألم

ذلك أنه ووجب من .اآتسابنا واختياراتنا مما في الطبيعة فألمر ضروري لم يكن بد من وقوعه

الينبغي أن نؤلم محسا بتة من غير استحقاق منه لذلك اإليالم أو لغير صرفنا عنه بذلك األلم ما

وما يتلذذ يه الملوك , وتحت هذه الجملة أيضا تفصيل آثير يدخل فيها المظالم جميعا .هو أشد منه

ن يكون ذلك آله على فوجب أ .للبهائم في استعمالها من الصيد للحيوان ويفرط فيه الناس من الكد

فيوقع األلم حيث يرجى به . قصد وسنن وطريق ومذهب عقلي عدلي اليتعدى وال يجار عنه

نحو بط الجراح وآّي العضو العفن وشرب الدواء المر البشع وترك الطعام , ماهو أعظم منه دفع

اّال في المواضع التي وتكّد البهائم آّد قصد العنف فيه . األليمة اللذيذ خشية األمراض االعظيمة

آحّث الفرس عند طلب النجاة تدعو الضرورة فيها الى االعناف ويوجب العقل والعدل ذلك

, فانه يجب في العدل حينئذ أن يحث ويتلف في ذلك إذا رجى به خالص اإلنسان , من العدّو

صالحها على جملة والسيما إذا آان عالما خّيرا أو له غناء عظيم في وجه من الوجوه العائد

أو . إذ آان غناء مثل هذا الرجل وبقاؤه في هذا العالم أصلح ألهله من بقاء ذلك الفرس, الناس

آرجلين وقعا في برية ال ماء فيها ومع أحدهما من الماء ما يمكن أن يخلص به نفسه دون صاحبه

فهذا هو القياس .بالصالحفإنه ينبغي في تلك الحالة أن يؤثر بالماء أعود الرجلين على الناس ,

.في أمثال هذه األمور و أشباهها

و أما الصيد و الطرد و اإلبادة و اإلهالك فينبغي أن يكون للحيوان الذي ال

و التي يعظم أذاها و ال , يعيش آمال العيشة إال باللحم آاألسد و النمور و الذئاب و ما أشبهها

فهذاهو القياس في . آالحيات و العقارب و نحوهامطمع في استصالحها وال حاجة في استعمالها

, إحداهما أنها متى لم تتلف: وإنما جاز أن تتلف هذه الحيوانات من جهتين. أمثال هذه األمور

و . أعني التي ال تعيش إال باللحم , فهذا باب خاص بأمثال هذه الحيوانات , أتلفت حيوانات آثيرة

و إذا . من جثة من جثث الحيوانات إال من جثة اإلنسان فقطأما األخرى فإنه ليس تخلص النفوس

آان األمر آذلك آان تخليص أمثال هذه النفوس من جثثها شبيهًا بالتطريق والتسهيل إلى الخالص

ألن في ذلك , فلما اجتمعت التي ال تعيش إال باللحم الوجهان جميعًا وجب إبادتهما ما أمكن .

.ء أن تقع في نفوسها جثث أصلحتقليًال من ألم الحيوان و رجا

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La vie philosophique

Nous disons donc : nous avons posé le principe que notre Dieu et maître est miséricordieux, voyant, soucieux de nous, clément, il s’ensuit qu’il déteste que nous souffrons, et que tout ce qui nous arrive que nous n’avons pas acquis par nous-mêmes, ni choisi, mais qui est dans la nature, est une chose qui doit se produire nécessairement. D’après cela, nous ne devons pas causer de la souffrance à un être sensible sans qu’il la mérite, sauf si c’est pour écarter de nous une souffrance plus grande. Ce principe inclut toutes les injustices, y compris la chasse comme divertissement des rois et l’excès de labeur infligé aux bêtes de somme. Il faut que tout cela soit fait selon une intention raisonnable, une règle juste, qu’on ne dépasse pas. La douleur est infligée là où l’on espère par elle repousser une douleur plus grande, comme le fait de crever un abcès, de cautériser des membres gangrenés, de boire des remèdes amers et répugnants, d’abandonner la nourriture délicieuse par crainte de maladies graves et douloureuses. Que les bêtes soient exploitées pour une bonne raison et sans violence, sauf dans les cas où il est nécessaire, mais aussi raisonnable et juste, de leur faire violence. Par exemple, lorsque l’on aiguillonne le cheval pour se sauver de l’ennemi, cela est commandé par la Justice ; il est donc juste de maltraiter le cheval quand on espère par là le salut de l’homme, surtout s’il s’agit d’un savant bienfaiteur ou de quelqu’un possédant une certaine fortune dont les fruits profitent à tous- car la richesse d’un tel homme et sa subsistance en ce monde sont plus utiles à ces gens que la subsistance du cheval. Ou encore, si deux hommes se trouvent dans un désert sans eau, l’un des deux possédant juste assez d’eau pour se sauver lui-même, mais pas son compagnon. Dans ce cas-là, il faut donner l’eau en priorité à celui des deux qui rend plus de biens aux hommes. Tel est le raisonnement analogique qu’il faut suivre dans des cas semblables.

Quant à la chasse et à l’extermination, elles ne sont justifiées que pour l’animal qui ne peut vivre qu’en consommant de la chair, comme le lion, le tigre, le loup et leurs semblables, et pour ceux qui sont très nocifs, que nous n’avons pas l’espoir d’améliorer ni le besoin d’utiliser, comme les serpents, les scorpions et autres de cette espèce. Telle est l’analogie qu’il faut suivre dans des cas semblables. Il n’est permis de supprimer ces animaux que de deux points de vue : d’abord parce que si un tel animal n’est pas tué, il tuera beaucoup d’autres animaux, ce qui est le cas des animaux carnivores. Quant à l’autre raison, elle repose sur le fait que seules les âmes des hommes peuvent s’échapper complètement du corps animal. S’il en est ainsi, alors faire rendre l’âme à de tels animaux serait comme leur préparer et leur faciliter le salut. Si l’on rassemble les deux points de vue, alors il faut éliminer les animaux carnivores autant que possible, d’abord pour diminuer la souffrance du vivant, ensuite dans l’espoir que les âmes des prédateurs se retrouvent ensuite dans des corps plus sains.

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و الزنابير و نحوها فاجتمع لهل أنها مؤلمة للحيوان وأما الحيات و العقارب

و أما . وال تصلح أن يستعملها اإلنسان آما تستعمل البهائم المعمولة فجاز لذلك إهالآها و إبادتها

الحيوانات المعمولة و العائشة بالعشب فلم يجب إبادتها و إهالآها بل الرفق بالمعمولة على ما

, رنا و االستقالل االغتذاء بها ما أمكن و من إنسالها لئال تكثر آثرة تحوج إلى إآثار ذبحها ذآ

و لوال أنه ال مطمع في خالص نفس من غير جثة , لكن يكون ذلك بقصد و بحسب الحاجة

و قد اختلف المتفلسفون في هذا األمر فرأى بعضهم أن . اإلنسان لما أطلق حكم العقل ذبحها البتة

.وسقراط ممن لم يجز ذلك , غذى اإلنسان باللحم و لم يرى بعضهم ذلك يت

و . و لما آان ليس لإلنسان في حكم العقل و العدل أن يؤلم غيره تبع ذلك أنه ليس له أن يؤلم نفسه أيضًا

نحو ما يعمله الهند من التقرب إلى اهللا, صار تحت هذه الجملة أيضًا أمور آثيرة يدفعها حكم العقل

و نحو المنانية و جًبها أنفسها إذا نازعتها إلى الجماع , بإحراق أجسادها و طرحها على الحدائد المشحوذة

. و إضنائها بالجوع و العطش و توسيخها باجتناب الماء و استعماله البول مكانه

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Al-Râzî الرازي

Quant aux serpents, aux scorpions, aux guêpes et autres, on peut résumer en disant qu’ils font souffrir le vivant et qu’ils ne peuvent pas être utilisés par l’homme, à la différence des bêtes de somme, ce pour quoi il est permis de les éliminer. Quant aux bêtes de somme herbivores, il ne faut pas les tuer mais alléger leur fardeau comme nous l’avons dit, nous abstenir de les consommer autant que possible et ne pas les féconder afin qu’ils ne se multiplient pas et que nous n’ayons pas besoin de les massacrer davantage quand cela serait nécessaire. Et même s’il n’y a pas d’espoir de délivrer une âme d’un corps animal autre que l’homme, ce n’est pas du tout une raison valable pour les tuer. Les philosophes ont différé sur cette question, certains pensant que l’homme peut manger de la viande et d’autres étant de l’avis contraire. Socrate, quant à lui, fait partie de ceux qui ne le permettent pas. Du fait qu’il n’est pas raisonnable et juste que l’homme fasse du mal à un autre que lui, il s’en suit qu’il n’est pas du tout raisonnable ou juste qu’il se fasse du mal à lui-même. Cela inclut beaucoup d’actions que la raison défend, comme les pratiques de ces Indiens aspirant au sacrifice pour Dieu, qui infligent des brûlures à leur corps ou s’étendent sur des planches à clous, ou comme celles des Manichéens (1) qui se castrent pour ne pas céder à leur penchant sexuel, qui s’épuisent par la faim et la soif, et se salissent volontairement en utilisant l’urine à la place de l’eau. Traduction effectuée avec Grace Al-Shawi, élève de TL (2007-2008) (1) : Adeptes du prophète Mani, fondateur d'une religion dualiste apparue en Mésopotamie au IIIème siècle de notre ère. Mani est mort en martyre en 277. Le manichéisme a eu une grande influence sur la pensée des Perses et des Indiens. Il est encore présent en Inde et en Iran sous forme minoritaire.

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Al-Fârâbî الفارابي

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Al-Fârâbî الفارابي

Abû Nasr Al-Fârâbî ( الفارابي), surnommé « le second maître » (المعلم الثاني) par ses contemporains (le « premier maître » n’est autre qu’Aristote), naquit au Turkestan en 870. Il vécut à Bagdad, Alep et Damas, avant de mourir en 950. Il n’était sans doute pas de langue maternelle arabe. Il se voua à la philosophie à l’exclusion de toute autre activité, exception faite de la musique. Il entreprit, par ses commentaires d’Aristote, de concilier la philosophie de celui-ci avec celle de Platon. Son œuvre maîtresse, Traité des opinions des habitants de la Cité vertueuse s’inspire directement de La République de Platon, dont ,(آتاب آراء أهل المدينة الفاضلة)il acclimate la pensée politique à la civilisation de l’islam. Dans le premier texte, à la suite de Platon, Al-Fârâbî présente la Cité juste selon un modèle hiérarchisé, comprenant un chef suprême, détenteur de la sagesse, et toute une chaîne de commandement et d’obéissance jusqu’aux classes laborieuses. C’est un tel modèle que la philosophie politique égalitariste, représentée par Marx au 19ème siècle, voudra renverser pour établir pratiquement une société sans classe. Mais pour Al-Fârâbî comme pour Platon, l’ordre hiérarchique est la condition de l’équilibre, de la paix, c’est-à-dire de la bonne santé de la société. Platon prend l’âme comme modèle de la Cité: dans une âme saine, la raison commande au courage qui maîtrise le désir et lui impose la tempérance. Al-Fârâbî adopte ici, de façon analogue, le modèle du corps humain : pour que cet organisme soit en bonne santé, un certain ordre hiérarchique doit fonctionner normalement. Mais ce n’est là qu’une analogie, et Al-Fârâbî n’oublie pas de préciser la différence de fond entre les organes du corps et les membres de la Cité, autrement dit les citoyens. Dans le second texte, Al-Fârâbî commence par énumérer les vertus naturelles, intellectuelles et morales, qui doivent être celles du chef suprême, analogue à l’idéal du philosophe-roi platonicien. Bien conscient de l’extrême difficulté de trouver toutes ces qualités rassemblées en un même homme, notre « second maître » explique ensuite comment le pouvoir pourrait être partagé suivant la répartition des vertus en différents hommes, passant ainsi d’un modèle monarchique à un modèle aristocratique. Le texte se conclut sur une note pessimiste, envisageant la ruine de la cité vertueuse. Par là, Al-Fârâbî enrichit son œuvre utopique, d’inspiration platonicienne, d’un certain « réalisme politique ».

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Al-Fârâbî الفارابي

آتاب آراء أهل المدينة الفاضلة

و على , و المدينة الفاضلة تشبه البدن الصحيح الذي تتعاون أعضاؤه آلها على تتميم حياة الحيوان

و فيها عضو واحد رئيس هو : و آما أن البدن أعضاؤه مختلفة متفاضلة الفطرة و القوى . حفظها عليه

وآل واحد منها جعلت فيه بالطبع قوة يفعل بها فعله , القلب ؛ و أعضاء تقرب مراتبها من ذلك الرئيس

أفعالها على حسب ابتغاء لما هو بالطبع غرض ذلك العضو الرئيس ؛ و أعضاء ُأخر فيها قوى تفعل

فهذه في الرتبة الثانية ؛ و أعضاء أخر تفعل األفعال , أغراض هذه التي ليس بينها و بين الرئيس واسطة

ثم هكذا إلى أن تنتهي إلى أعضاء تخدم و ال ... على حسب غرض هؤالء الذين في هذه الرتبة الثانية

اضلة الهيئات ؛ و فيها إنسان هو رئيس ؛ و أجزاؤها مختلفة الفطرة متف: ترأس أصًال ؛ آذلك المدينة

أخر تقرب مراتبها من الرئيس ؛ و في آل واحد منها هيئة و ملكة يفعل بها فعًال يقضي به ما هو مقصود

و دون هؤالء قوم يفعلون األفعال على حسب أغراض . ذلك الرئيس ؛ و هؤالء هم أولو المراتب األول

... و دون هؤالء أيضًا من يفعل األفعال على حسب أغراض هؤالء . ةو هؤالء في الرتبة الثاني, هؤالء

فيكون , ثم هكذا تترتب أجزاء المدينة إلى أن تنتهي إلى أخر يفعلون أفعالهم على حسب أغراضهم

.و يكونون في أدنى المراتب و يكونون هم األسفلين , هؤالء هم الذين يخدمون و ال يخدمون

و إن آانوا _ و أجزاء المدينة . و الهيئات التي لها قوى طبيعية , ن طبيعية غير أن أعضاء البد

على أن . فإن الهيئات و الملكات التي يفعلون بها أفعالهم للمدينة ليست طبيعية بل إرادية _ طبيعيين

غير أنهم . أجزاء المدينة مفطورون بالطبع بفطر متفاضلة يصلح بها إنسان إلنسان لشيء دون شيء

و هي الصناعات و , بل بالملكات اإلرادية التي تحصل لها , يسوا أجزاء للمدينة بالفطر التي لهم وحدها ل

فالقوى التي هي ألعضاء البدن بالطبع فإن نظائرها في أجزاء المدينة ملكات و هيئات . ما شاآلها

.إرادية

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Al-Fârâbî الفارابي

Traité des opinions des habitants de la Cité vertueuse « La cité vertueuse ressemble à un corps sain dans lequel tous les organes collaborent afin d’assurer l’accomplissement et la conservation de la vie biologique. Dans le corps, les organes se différencient par leur force et leur nature. Il y a un organe unique qui dirige le corps : c’est le cœur. D’autres organes se rapprochent de cet organe dirigeant par le [premier] rang [qu’ils occupent après lui]. Chacun d’entre eux possède par nature une puissance lui permettant d’exécuter une fonction au service des fins de cet organe dirigeant. D’autres organes possèdent une puissance leur permettant d’exercer une activité au service des fins des organes précédents, ceux qui se trouvent immédiatement sous l’organe dirigeant : ils se situent donc au second rang. D’autres organes encore accomplissent une activité au service des fins des organes du second rang, et ainsi de suite, jusqu’à arriver à des organes qui servent mais ne dirigent aucun autre. Il en va de même dans la Cité : ses membres se différencient par leur nature et leur fonction. Parmi eux, un homme en est le dirigeant. D’autres se rapprochent du dirigeant par le rang, chacun d’eux possédant une charge et une faculté pour accomplir les buts du dirigeant : ceux-ci sont au premier rang après lui. En dessous, il y a des hommes qui exercent leur activité au service des fins des membres précédents [ceux qui viennent immédiatement après le dirigeant] : ils se situent au second rang. Encore en dessous, il y a ceux qui exercent leur activité au service des fins des membres précédents. Et ainsi s’échelonnent les membres de la Cité, jusqu’aux derniers qui exercent leur activité au service de leurs propres intérêts, et ceux-là sont ceux qui servent sans être servis par personne. Ils forment la classe inférieure, tout en bas de l’échelle. La différence, c’est que les organes du corps sont naturels et que leurs fonctions correspondent à des puissances naturelles. Et bien que les membres de la Cité soient également naturels, leurs fonctions et leurs facultés par lesquelles ils agissent au service de la Cité ne sont pas naturelles mais volontaires. Ceci bien que les membres de la Cité soient naturellement inégaux, et que par là un homme convient à un autre homme comme une chose placée sous une autre. [Les hommes] ne sont pas membres de la Cité par leurs seules dispositions innées, mais par les facultés volontaires qu’ils ont acquises : les métiers de l’artisanat et tout ce qui est semblable. On peut donc faire l’analogie entre les puissances naturelles des organes du corps et les facultés et fonctions volontaires des membres de la Cité. » Traduction : Madona Achkar et Chafik Keylani, élèves de TS (2006-2007)

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Al-Fârâbî الفارابي

القول في خصال رئيس المدينة الفاضلة

و , رئيس األول للمدينة الفاضلة و هو اإلمام و هو ال. فهذا هو الرئيس الذي ال يرأسه إنسان ّاخر أصًال وال يمكن أن تصير هذه الحال إال لمن . ورئيس المعمورة من األرض آلها , هو رئيس األمة الفاضلة

:اجتمعت بالطبع اثنتا عشرة خصلة قد فطر عليها, قواها مؤاتية أعضاءها على األعمال التي شأنها أن تكون بها , أحدها أن يكون تام األعضاء -

,هّم بعضو ما من أعضائه عمًال يكون به فأتى عليه بسهولة ومتى و , فيلقاه بفهمه على ما يقصده القائل , ثم أن يكون بالطبع جيد الفهم و التصور لكل ما يقال له -

.على حسب األمر في نفسهو في الجملة ال يكاد , ثم أن يكون جيد الحفظ لما يفهمه و لما يراه و لما يسمعه ولما يدرآه -

.نساهيإذا رأى الشيء بأدنى دليل فطن له على الجهة التي دل عليها ,ذآيًا , ثم أن يكون جيد الفطنة -

.الدليل .ثم أن يكون حسن العبارة يؤاتيه لسانه على إبانة آل ما يضمره إبانة تامة - يؤذيه ال يؤلمه تعب التعليم وال, سهل القبول,منقادًا له ,ثم أن يكون محبًا للتعليم و االستفادة -

.الكّد الذي ينال منهمبغضًا للذات , ثم أن يكون غير شره على المأآول و المشروب و المنكوح متجنبًا بالطبع للعب -

.الكائنة عن هذه .مبغضًا للكذب و أهله, ثم أن يكون محبًا للصدق و أهله -و , األمور تكبر نفسه بالطبع عن آل ما يشين من: ثم أن يكون آبير النفس محبًا للكرامة -

.تسمو نفسه بالطبع إلى األرفع منها . ثم أن يكون الدرهم و الدينار و سائر أعراض الدنيا هّينة عنده -يعطي النصف من أهله و , ثم أن يكون محبًا للعدل و أهله و مبغضًا للجور و الظلم و أهلهما -

سنًا و جميًال ثم أن يكون ويؤتي من حل به الجور مؤاتيًا لكل ما يراه ح, من غيره و يحّث عليه بل صعب القيادة إذا دعي , عدًال غير صعب القيادة وال جموحًا وال لجوجًا إذا دعي إلى العدل

.إلى الجور و إلى القبيحمقدامًا غير ,جسورًا عليه , ثم أن يكون قوي العزيمة على الشيء الذي يرى أنه ينبغي أن يفعل -

. وال ضعيف النفس, خائف

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Al-Fârâbî الفارابي

Traité des opinions des habitants de la Cité vertueuse

Les qualités du chef de la cité vertueuse

Tel est le chef de la cité vertueuse, sur lequel aucun autre homme n’a d’autorité. Il est le chef suprême de cette cité vertueuse, le chef du monde habité. Mais cela ne peut advenir que chez l’homme rassemblant en lui ces douze qualités innées :

- Tout d’abord, être en possession de tous ses organes, et que leur force soit adaptée aux travaux qui leur reviennent, de sorte que s’il commande à l’un d’eux une action, celle-ci puisse être accomplie aisément.

- Puis être naturellement apte à bien comprendre tout ce qui lui est dit, suivant l’intention de son interlocuteur.

- Avoir une bonne mémoire de ce qu’il comprend, voit, entend, perçoit ; en somme, ne pas être sujet à l’oubli.

- Avoir l’esprit vif et pénétrant, autrement dit être capable, à la vue de l’indice d’une chose, de deviner la chose même.

- Avoir une bonne expression, être doté d’une langue apte à énoncer toutes ses pensées.

- Aimer l’enseignement et l’apprentissage, y être dévoué, sans souffrir pour autant des fatigues de l’éducation ni pâtir de cet effort.

- Ne pas être avide de nourritures, de boissons, de plaisirs de la chair ; avoir une aversion naturelle pour les jeux de hasard et les plaisirs liés à ceux-ci.

- Aimer la véracité et les honnêtes gens ; détester le mensonge et les menteurs. - Être doté de grandeur d’âme et épris de noblesse ; que son âme, par nature, ait

un mépris souverain pour tout ce qui avilit, et qu’elle aspire à tout ce qui lui est supérieur.

- Ne pas être attaché à l’argent et aux autres biens de ce monde. - Avoir naturellement l’amour de la justice et des hommes justes, la haine de

l’injustice, de l’iniquité et de ceux qui les commettent ; être impartial avec ses proches comme les autres, et encourager la justice. Qu’il vienne en aide à celui qui subit l’injustice, lui apportant ce qui lui paraît beau et bon. Qu’il soit juste sans être intraitable, inflexible ni entêté, quand on lui demande d’être juste ; mais qu’il se montre intraitable si on attend de lui l’injustice et la vilenie.

- Avoir une forte volonté de faire ce qu’il se doit de faire, et se montrer hardi dans ses actions, sans peur ni faiblesse.

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Al-Fârâbî الفارابي

الواحد تلو فلذلك ال يوجد من فطر على هذه الفطرة إال, و اجتماع هذه آلها في إنسان واحد عسر, بعد أن يكبر , فإن وجد مثل هذا في المدينة الفاضلة ثم حصلت فيه . و األقل من الناس, الواحد

. تلك الشرائط الست المذآورة قبل أو الخمس منها دون األنداد من جهة المتخّيلة آان هو الرئيسلسنن التي شرعها هذا الرئيس أخذت الشرائع و ا, وإن اتفق أن ال يوجد مثله في وقت من األوقات

و يكون الرئيس الثاني الذي يخلف األول الذي . فأثبتت, أن آانوا توالوا في المدينة , و أمثاله :ويكون بعد آبره فيه ست شرائط, اجتمعت فيه من مولده و صباه تلك الشرائط

,أحدها أن يكون حكيمًا -محتذيًا ,ن و السير التي دبرها األولون للمدينة و الثاني أن يكون عالمًا حافظًا للشرائع و السن -

.بأفعاله آلها حذو تلك بتمامهاويكون فيما يستنبطه , و الثالث أن يكون له جودة استنباط فيما ال يحفظ عن السلف فيه شريعة -

.من ذلك محتذيًا حذو األئمة األولين ف في وقت من األوقاتو الرابع أن يكون له جودة رؤية و قوة استنباط لما سبيله أن يعر -- ويكون , الحاضرة من األمور و الحوادث التي تحدث مما ليس سبيلها أن يسير فيه األولون -

.متحريًا بما يستنبطه من ذلك صالح حال المدينةو الخامس أن يكون له وجودة إرشاد بالقول إلى شرائع األولين و إلى التي استنبط بعدهم مما -

, احتذى فيه حذوهممو ذلك أن يكون معه الصناعة , والسادس أن يكون له جودة ثبات ببدنه في مباشرة أعمال الحرب-

.الحربية الخادمة و الرئيسةو الثاني فيه , أحدهما حكيم, فإذا لم يوجد إنسان واحد اجتمع فيه هذه الشرائط و لكن وجد إثنان

و آانت الحكمة في , فاذا تفّرقت هذه في جماعة. آانا هما رئيسين في هذه المدينة,ااشرائط الباقيةواحد و الثاني في واحد و الثالث في واحد و الرابع في واحد والخامس في واحد و السادس في

فمتى اّتفق في وقت ما أن لم تكن الحكمة جزء . آانوا هم الرؤساء األفاضل, و آانوا متالئمين, واحدو آان الرئيس القائم بأمر هذه , بقيت المدينة الفاضلة بال ملك, اسة و آانت قيها سائر الشرائطالري

, فإن لم يتفق أن يوجد حكيم تضاف الحكمة إليه. و آانت المدينة تعرض للهالك. المدينة ليس بملك . لم تلبث المدينة بعد مدة أن تهلك

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Al-Fârâbî الفارابي

Trouver toutes ces qualités réunies en un seul homme est difficile. C’est pourquoi l’on ne trouve ces qualités innées que chez un homme après l’autre, et encore, chez un petit nombre. Si l’on trouve un tel homme dans la cité vertueuse, et qu’une fois parvenu à l’âge adulte, il a rempli ces cinq ou six conditions évoquées précédemment, avec en plus une imagination hors pair, ce sera lui le chef. Si à une époque donnée, l’on s’accorde sur le fait qu’il ne se trouve pas un tel homme [dans la cité], on adoptera les lois et les coutumes décrétées par un tel chef et ceux qui lui auront succédé parmi ses semblables. Le deuxième chef, successeur du premier, sera celui qui aura réuni en lui ces qualités, depuis sa naissance et sa prime jeunesse, et remplira à l’âge adulte ces six conditions :

- La première est d’être sage. - La deuxième est de connaître et bien retenir les lois, les normes et les

conduites mises en place par les premiers dirigeants de la cité. - La troisième, d’exceller dans la déduction de ce qui n’a pas été conservé des

anciens en matière de lois, et de suivre dans ses déductions les exemples des guides qui l’ont précédé.

- La quatrième, d’avoir une excellente vision et une puissante déduction de ce qu’il lui incombe de connaître des affaires et des évènements présents, de ceux que n’ont pas connus les premiers dirigeants, recherchant toujours à travers ses déductions à réformer pour le mieux l’état de la cité.

- La cinquième, d’exceller dans l’art de diriger par la parole, suivant les lois des premiers dirigeants et celles qui ont été déduites après eux de leur exemple.

- La sixième, d’être doté d’une excellente fermeté du corps pour entreprendre des actions militaires, de posséder l’art de la guerre, de l’exécution comme du commandement.

S’il ne se trouve pas un, mais deux hommes remplissant ensemble ces conditions, le premier étant sage et le second remplissant les autres conditions, ils seront tous les deux chefs de la cité. Si ces qualités se trouvent dispersées dans un groupe d’hommes, de sorte que la sagesse se trouve en l’un, la deuxième qualité en un autre, la troisième en un autre, etc., et si ces hommes s’accordent entre eux, ils seront tous les chefs vertueux de la cité. Si à quelque époque, la sagesse est absente de la classe gouvernante, et que les autres conditions sont réunies, la cité demeure sans roi, le chef qui gouverne la cité n’est pas roi. La cité est alors exposée à la ruine. S’il ne se trouve pas un sage, un homme à qui la sagesse soit attachée, la cité ne tardera pas à disparaître. Traduction : Joël Ghazî, élève de TS (2007-2008)

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Ibn Sînâ ابن سينا

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Ibn Sînâ ابن سينا

Abû ‘Alî al-Husayn Ibn Sînâ ( ابن سينا ), l’« Avicenne » des Latins, passe pour le plus grand philosophe qu’ait produit l’Islam oriental. Il est fréquemment surnommé "le souverain cheikh" (الشيخ الرئيس). Il n’était pas d’origine arabe mais perse. Il naquit en 980 et mourut en 1037 à Hamadhân, dans l’Iran actuel. Jouissant d’une grande renommée comme médecin, attaché à la cour de l’émir d’Ispahan, il joua un rôle actif dans la vie politique de son temps. Son œuvre immense comporte de nombreux ouvrages médicaux, une encyclopédie philosophique et scientifique, Le livre de la guérison (آتاب الشفاء), ainsi que des récits mystiques en langue persane. Dans le premier texte, extrait de la partie métaphysique de son Livre de la guérison, Ibn Sînâ propose une démonstration de l’existence de l’âme et de son indépendance à l’égard du corps. C’est une thèse que soutiennent et cherchent à établir les philosophes religieux et les théologiens des trois monothéismes. L’argument présenté ici, connu comme « preuve de l’homme qui vole », est profondément original. Il a souvent été comparé à la démonstration de Descartes dans ses Méditations métaphysiques, mais s’en distingue par l’usage très poussé qui y est fait de l’imagination. Par une hypothèse fictive et imaginaire étonnante, le philosophe veut nous convaincre que l’homme se définit essentiellement par son âme, qu’il est une « chose qui pense » avant d’être un corps sensible. Dans le second texte, Ibn Sînâ développe une réfutation de la théorie de la métempsycose, ou de la réincarnation de l’âme. Son argument se fonde sur le caractère exclusif de la relation de l’âme et du corps, sur la nécessité pour un corps d’être animé par une âme qui soit la sienne en propre. Plutôt que de Descartes, nous sommes ici proches de Spinoza pour qui l’âme étant l’image du corps, ne peut jamais être en relation qu’avec un corps et un seul. Au-delà de la complexité de son argumentation, le texte d’Ibn Sînâ nous apprend que la théorie de la métempsycose, venant de la religion hindoue des Brahmans, a pu être partagée par certaines branches de l’islam, nommément celle des Ismaéliens, et suffisamment importante pour mériter une réfutation.

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Ibn Sînâ ابن سينا

في اثبات النفس وتحديدها من حيث هي النفس

:الفصل األول,المقالة األولى, الفن السادس من الطبيعات)) الشفاء((يقول ابن سينا في

فنقول يجب أن يتوهم الواحد منا آأنه خلق دفعة واحدة وخلق آامال لكنه حجب بصره عن مشاهدة

يمس فيه قوام الهواء صدما ما يحوج إلى أن ه يصدمالخارجات وخلق يهوي في هواء أو خالء هويا ال

وفرق بين أعضائه فلم تتالق ولم تتماس ثم يتأمل أنه هل يثبت وجود ذاته واليشك في إثباته لذاته

وال شيئا من األشياء ا مع ذلك طرفا من أعضائه والباطنا من أحشائه والقلبا وال دماغتموجودة وال يثب

ت ذاته واليثبت لها طوال وال عرضا والعمقا ولو أنه أمكنه في تلك الحالة أن من خارج بل آان يثب

يتخيل يدا أو عضوا آخر لم يتخيله جزء من ذاته والشرطا في ذاته وأنت تعلم أن المثبت غير الذي لم

نه غير يثبت والمقر به غير الذي لم يقر به فإذن للذات التي أثبت وجودها خاصة له على أنها هو بعي

جسمه وأعضائه التي لم تثبت فإذن المثبت له سبيل إلى أن يثبته على وجود النفس شيئا غير الجسم بل

. عنه يحتاج إلى من يقرع عصاهغير جسم وأنه عارف به مستشعر له وإن آان ذاهال

أو إذا تجرد عن تفكيره في آل شئ من المحسوسات, يريد ابن سينا أن يثبت هنا أن اإلنسان

المعقوالت حتى عن شعوره

وهذا البرهان قريب جدًا . فال يمكنه أن يتجرد عن تفكيره في أنه موجود وأنه يستطيع أن يفكر,ببدنه

من البرهان الذي

فإذن هو ,وهي أنه يفكر,السابع عشر ليثبت حقيقة ال ريب فيهاسيأتي به ديكارت في القرن

موجود و أن من ماهيته أنه

.يفكر

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Ibn Sînâ ابن سينا

Le livre de la guérison Preuve de l’existence de l’âme et de sa définition en tant qu’âme

Dans la sixième partie de son Livre de la guérison, consacrée aux sciences naturelles, premier discours du premier chapitre, Ibn Sînâ écrit : « Que chacun d’entre nous s’imagine qu’il a été créé d’un seul coup et qu’il a été créé parfait, mais que sa vue est privée de la perception des choses extérieures ; et qu’il a été créé flottant dans le vide, de façon telle que la résistance de l’air ne le heurte pas et qu’il ne puisse la ressentir. De plus, ses membres sont écartés de sorte qu’ils ne se joignent pas ni ne se touchent. Qu’il réfléchisse alors [et se demande] s’il pourrait affirmer son existence ? Certes, il ne douterait pas de l’existence de son moi, sans affirmer avec cela l’existence d’aucun de ses membres, ni de ses entrailles, ni de son cœur, ni de son cerveau, ni d’aucune chose extérieure. Mais il affirmerait l’existence de son moi, et ne lui attribuerait ni longueur, ni largeur, ni profondeur. Et s’il lui était possible, dans cet état, d’imaginer une main ou un membre quelconque, il ne l’imaginerait pas comme une partie ou condition de son moi. Et toi, tu sais que ce qui est attesté est autre que ce qui ne l’est pas. Ainsi, le moi dont l’existence lui a été attestée, et qui autre que lui-même, est autre chose que son corps et ses membres qui n’ont pas été attestés. C’est là une manière de prouver l’essence de l’âme comme étant autre chose que le corps et qu’aucun corps. [L’homme] reconnaît cela et en a conscience, et s’il en était stupéfait, il aurait besoin de recevoir des coups de bâton ! » Ibn Sînâ veut établir ici que l’homme, s’il détache sa réflexion des choses sensibles ou intelligibles et même de la perception de son corps, ne peut pas s’empêcher de penser qu’il existe et qu’il est capable de penser. Cette démonstration est très proche de celle que donnera Descartes au XVIIème siècle pour établir la vérité indubitable : qu’il existe et qu’il est dans son essence même de penser. (Extrait de L’âme humaine chez Ibn Sînâ, étude et textes présentés par Albert Nusrî Nâdir, professeur de philosophie à l’université du Liban) Traduction effectuée avec Rania Abbad, élève de TES (2006-2007)

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Ibn Sînâ ابن سينا

)1(فصل في بطالن القول بالتناسخ

على أن تهيؤ األبدان يوجب أن يقتضي , األنفس اّنما حدثت وتكثرت مع تهيؤ األبدان وقد أوضحنا ان

حتى , وظهر من ذلك أن هذا ال يكون على سبيل االتفاق والبخت . وجود النفس لها من العلل المفارقة

واتفق ان ولكن آان يوجد نفس, يكون وجود النفس الحادثة ليس الستحقاق هذا المزاج نفسا حادثة تدبره

وقد عرفنا ان العلل الذاتية هي أوال . بل عرضية , فحينئذ اليكون للتكثر علة ذاتية البتة . وجد معها بدن

.ثّم العرضية ,

وليس بدن يستحقه وبدن , حدوث نفس له , مع حدوث مزاجه , فكل بدن يستحق , فإذا آان آذلك

وآل , فإذا فرضنا تناسختها أبدان. ر التي بها تتقوم اذ أشخاص األنواع التختلف في األمو, اليستحقه

ثّم العالقة بين . فيكون البدن الواحد فيه نفسان معا –بدن فانه بذاته يستحق نفسا تحدث له تتعلق به

بل عالقة االشتغال به حتى تشعر النفس بذلك , آما قلنا , النفس والبدن ليس هي على سبيل االنطباع فيه

هي المصرفة , وآل حيوان فانه يستشعر نفسه نفسا واحدة . عل البدن عن تلك النفس وينف, البدن

. والمدبرة للبدن الذي له

فليس لها عالقة , وال تشتغل بالبدن , وال هي بنفسها . فان آان هناك نفس أخرى اليشعر الحيوان بها

لمن أراد , وبهذا المقدار . سخ بوجه من الوجوه ألن العالقة لم تكن اال بهذا النحو فال يكون تنا, مع البدن

.يعد أن فيه آالما طويال, آفاية , االختصار

اخوان , فيما بعد , ودافع . واعتبر هذا التناسخ عقابا لها, افالطون بتناسخ األنفس , قديما , لقد قال )1

ناصر وهو العالم الذي الذي هو عالم الع, الصفاء عن هذه النظرية وقالوا ان عالم الكون والفساد

فتعود الى , متنقال من جسم الى آخر حتى تصبح طاهرة نقية , يجب أن تتأّلم فيه األنفس الشريرة

. ويحاول ابن سينا أن يثبت منطقيا استحالة مثل هذا التناسخ. أعني النفس الكلية , مصدرها

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Ibn Sînâ ابن سينا

Le livre de la guérison

Réfutation de la thèse sur la métempsycose ou transmigration des âmes Nous avons éclairé le fait que les âmes n’adviennent et ne se multiplient qu’avec la formation des corps, bien que la formation des corps nécessite l’existence d’une âme propre à chacun parmi les causes séparées. Il apparaît donc que ceci ne peut pas arriver par coïncidence ou par hasard, de sorte que l’existence de l’âme advenante ne serait pas due au droit de cette complexion à avoir une âme en propre pour le diriger, mais qu’il se serait trouvé là une âme et, comme par hasard, un corps avec elle. Alors la multiplication n’arriverait plus par une cause essentielle, mais accidentelle. Nous savons par ailleurs que les causes essentielles sont premières, suivies par les accidentelles. Si cela est vrai, chaque corps mérite, avec l’existence de sa complexion, l’existence d’une âme qui lui appartienne. Il n’y a pas un corps qui mérite une âme et un autre qui n’en mérite pas, car les individus de même espèce ne se distinguent pas dans ce qui fait leur équilibre. Si l’on suppose la transmigration de l’âme de corps en corps, et que chaque corps mérite en soi une âme créée pour lui qui lui est attachée, alors un même corps posséderait deux âmes. De plus, la relation entre le corps et l’âme n’est pas celle d’une impression de l’âme dans le corps, mais celle d’une utilisation du corps par l’âme, de sorte qu’elle ressente à travers lui et qu’il soit affecté par elle. Et tout animal a conscience de soi comme d’une âme unique, qui dirige son corps et dispose de lui. S’il y avait là une autre âme, l’animal ne la ressentirait pas, elle ne se ressentirait pas elle-même, elle n’utiliserait pas ce corps, elle n’aurait donc aucune relation avec ce corps, car il ne peut exister de relation que de la façon évoquée. Il n’y a donc pas de transmigration, d’aucune façon, et cela est suffisant pour celui qui veut un résumé ; bien qu’il y ait encore beaucoup à dire (1). (1) : Parmi les Anciens, Platon avait parlé de la transmigration des âmes, qu’il considérait comme un châtiment. Plus tard, les Frères de la Pureté (groupe de philosophes chiites ismaéliens) défendirent cette théorie. Ils disaient que le monde de la génération et de la corruption, qui est le monde des éléments (le monde matériel), est le monde où doivent souffrir les âmes mauvaises, migrant de corps en corps jusqu’à devenir pures et polies et retourner alors à leur origine, l’âme universelle. Ibn Sînâ s’efforce de démontrer logiquement l’impossibilité d’une telle transmigration. Traduction effectuée avec Sarah Touma, Aline Chammous et Nadim Fares, élèves de TS (2007-2008)

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Al-Ghazâlî الغزالي

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Al-Ghazâlî الغزالي

Abû Hâmid Al-Ghazâlî (الغزالي ), connu au Moyen-Âge sous le nom latinisé d’ « Algazel », est sans doute le plus célèbre et important théologien de l’islam. Né à Tûs (l’actuelle Machhad, en Iran) en 1058, il enseigna d’abord la jurisprudence à l’université Nizamiyya de Bagdad, au service du pouvoir abbasside, puis se retira de la vie publique, séjourna longuement à Damas et se convertit au soufisme, avant de mourir en 1111. Son autobiographie spirituelle, Le remède à l’égarement ( a pu être comparée aux Confessions de ( من الضاللذالمنقSaint Augustin. Dans la Revivification des sciences religieuses (إحياء علوم الدين), il présenta une conception unifiée de la religion, intégrant des éléments de trois sources jusqu’alors considérées comme contradictoires : la tradition (sunna) de l’islam, l’intellectualisme de la philosophie grecque, et le mysticisme soufi. Dans le premier texte, Al-Ghazâlî se lance à la recherche d’une connaissance certaine, à l’abri du moindre doute. Cette décision philosophique ressemble fort à celle de Descartes au début de ses Méditations métaphysiques. Dans une démarche analogue, Al-Ghazâlî utilise un doute méthodique pour ébranler la confiance que nous plaçons spontanément dans nos sensations, mais aussi celle que nous plaçons dans les évidences de notre raison. Après une étonnante prosopopée des sens, l’argument du rêve, classique dans ce type de réflexions sur la valeur de la connaissance, est poussé jusqu’au bout afin de contester l’autorité de la raison. A la différence de Descartes, Al-Ghazâlî n’est pas un rationaliste, et entrevoit finalement une solution mystique au problème de la certitude. Dans le second texte proposé, Al-Ghazâlî poursuit sa méditation sur la valeur de la connaissance en s’adressant à un jeune disciple. Il insiste ici sur l’application pratique, car seule l’existence concrète peut vraiment donner une valeur à un savoir abstrait. Il ne s’agit pas, comme chez Descartes, d’un plaidoyer pour une application pratique de la connaissance scientifique. Chez Al-Ghazâlî, cette thèse a une dimension mystique et non technique. La connaissance des états spirituels ne saurait être transmise abstraitement, car ce ne sont pas là des idées objectives, mais des perceptions gustatives : les états spirituels ne s’apprennent pas, ils se goûtent. On pourra s’étonner des exemples qu’Al-Ghazâlî, réputé pour sa sévérité religieuse, emprunte pour distinguer cette connaissance gustative de la connaissance rationnelle abstraite. Conséquence importante, l’enseignement spirituel, tout comme celui de la musique ou de la littérature, consistera d’abord à « faire goûter ».

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Al-Ghazâlî الغزالي

المنقذ من الضالل

وهي تنظر إلى الظل فتراه واقفًا غير متحرك , من أين الثقة بالمحسوسات و أقواها حاسة البصر

تعرف انه متحرك و أنه لم يتحرك دفعة , بعد ساعة , بالتجربة و المشاهدة ,وتحكم بنفي الحرآة؟ ثم,

و تنظر إلى الكوآب فتراه . يج ذرة ذرة حتى لم يكن له حالة وقوف بل على التدر, بغتة >واحدة<

هذا و أمثاله من . ثم األدلة الهندسية تدل على أنه اآبر من األرض في المقدار , صغيرًا في مقدار دينار

. و يكذبه حاآم العقل و يخونه تكذيبًا ال سبيل إلى مدافعته , المحسوسات يحكم فيها حاآم الحس بأحكامه

: آقولنا , قد بطلت الثقة بالمحسوسات أيضًا فلعله ال ثقة إال بالعقليات التي هي من األوليات : فقلت

و الشيء الواحد ال يكون , الواحد ءو النفي و اإلثبات ال يجتمعان في الشي, العشرة اآثر من الثالثة

بم تأمن أن تكون ثقتك بالعقليات : فقالت المحسوسات. واجبًا محاًال , موجودًا معدومًا , حادثًا قديمًا

و لوال حاآم العقل لكنت تستمر , فجاء حاآم العقل فكذبني , و قد آنت واثقًا بي , آثقتك بالمحسوسات

آما تجلى حاآم , آذب العقل في حكمه , إذا تجلى , على تصديقي ؟ فلعل وراء إدراك العقل حاآمًا آخر

.ال يدل على استحالته , ذلك اإلدراك وعدم تجلي. العقل فكذب الحس في حكمه

اما تراك تعتقد في النوم : و قالت , و أيدت إشكالها بالمنام , فتوقفت النفس في جواب ذلك قليًال

ثم تستيقظ فتعلم انه , وال تشك في تلك الحالة فيها , و تعتقد لها ثباتًا و استقرارًا , و تتخيل أحواًال , أمورًا

متخيالتك و معتقداتك أصل و طائل ؟ فبم تأمن أن يكون جميع ما تعتقده في يقظتك بحس لم يكن لجميع

لكن يمكن أن تطرأ عليك حالة تكون نسبتها إلى ]التي أنت فيها[أو عقل هو حق باإلضافة إلى حالتك

تيقنت أن فإذا وردت تلك الحالة ! وتكون يقظتك نومًا باإلضافة إليها, آنسبة يقظتك إلى منامك , يقظتك

إذ : أنها حالتهم الصوفيةو لعل تلك الحالة ما يدعيه , جميع ما توهمت بعقلك خياالت ال حاصل لها

أحواًال ال , وغابوا عن حواسهم , إذا غاصوا في أنفسهم ) لهم(يزعمون انهم يشاهدون في أحوالهم التي

. توافق هذه المعقوالت

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Al-Ghazâlî الغزالي

Le remède à l’égarement

« Comment nous fier aux perceptions sensibles ? La vue est le plus puissant de nos sens, or observant une ombre, l’oeil la juge fixe et immobile. Cependant, après une heure de temps, il reconnaît que cette ombre s’est déplacée, et ceci non pas de manière soudaine, mais progressivement et petit à petit. Lorsque l’œil regarde une étoile, elle lui paraît réduite à la taille d’une pièce de monnaie. Pourtant, les preuves géométriques établissent que cette étoile est plus grande que la terre. D’autres exemples comme celui-ci illustrent comment les choses sensibles conduisent nos sens à porter un jugement que l’autorité de la raison réfute ensuite de façon incontestable. Je me dis donc que nous ne pouvions plus nous fier aux perceptions sensibles. Peut-être la certitude ne se trouve-t-elle alors que dans les conceptions intelligibles qui sont à la base de toute pensée, telles que : dix est supérieur à trois ; une même chose ne peut pas être à la fois affirmée et niée ; rien ne peut être à la fois créé et éternel, existant et inexistant, nécessaire et impossible. Mais les perceptions sensibles répondirent à cela : « Es-tu sûr que lorsque tu te fies aux conceptions de ta raison, il ne s’agit pas de la même confiance que celle que tu accordais aux perceptions de tes sens ? Tu nous faisais confiance, avant que la raison vienne nous accuser de mensonge ; et sans ce jugement de la raison, tu te fierais toujours à nous. Peut-être existe-t-il une autre autorité qui dépasse la raison et qui, si elle se manifestait, accuserait à son tour la raison de mensonge, de la même manière que la raison a démenti le jugement des sens. Le fait que cette intelligence supérieure ne se manifeste pas ne prouve pas qu’elle soit impossible ». Pour un moment, je restai sans réponse. Puis la difficulté me parut analogue au cas du sommeil et du rêve. Lorsque nous dormons, nous croyons toutes sortes de choses et imaginons toutes sortes de situations, desquelles nous n’avons pas le moindre doute tant que nous sommes dans cet état. Mais à notre réveil, nous réalisons l’inconsistance et l’absurdité des chimères de l’imagination. Nous pourrions nous interroger de même sur la vérité des croyances acquises à l’état de veille au moyen des sens ou de la raison. Ne sont-elles pas vraies elles aussi du seul point de vue de l’état dans lequel nous nous trouvons ? Nous pourrions nous trouver dans un autre état qui serait à notre veille ce que notre veille est à notre sommeil, de sorte que notre veille serait comme un sommeil au regard de cet état ! Si cet état advenait, il nous montrerait certainement que tout ce que notre raison conçoit n’est que vaine imagination. Un tel état pourrait être celui que les mystiques (les soufis) revendiquent, car ils affirment que, lorsqu’ils s’absorbent en eux-mêmes, ils contemplent des états qui contredisent ces conceptions intelligibles. » Traduction : Obeï Kurdy, élève de TS (2006-2007)

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Al-Ghazâlî الغزالي

"أيها الولد"الغزاليمن رسالة

مثاله لو آان . وتيقن أن العلم المجرد ال يأخذ باليد , وال من األحوال خاليًا , ال تكن من األعمال مفلسًا , أيها الولد

فحمل عليه أسد , و آان الرجل شجاعًا و أهل حرب , على رجل في برية عشرة أسياف هندية مع أسلحة أخرى

ما ظنك؟ هل تدفع األسلحة شره عنه بال استعمالها و ضربها؟ و من المعلوم أنها ال تدفع إال ف, عظيم مهيب

و . ال تفيده إال بالعمل , و لم يعمل بها , فكذا لو قرأ رجل مائة ألف مسألة علمية و تعلمها . بالتحريك و الضرب

فال يحصل البرء إال , و الكشكاب مثله أيضًا لو آان لرجل حرارة و مرض صفراوي يكون عالجه بالسكنجبين

.باستعمالها

آرمى دو هزار رطل همى بيمائي

)1( تامى نخورى نباشدت شيدائي

إن تبلغ تلك الحالة تعرف ما , و اعلم أن بعض مسائلك التي سألتني عنها ال يستقيم جوابها بالكتابة و القول

و آل ما يكون ذوقيًا ال يستقيم وصفه بالقول آحالوة الحلو و مرارة , تحيالت ألنها ذوقية وإال فعلمها من المس,هي

فكتب له . آما حكي أن عنينًا آتب إلى صاحب له أن عرفني لذة المجامعة آيف تكون . المر ال تعرف إال بالذوق

: في جوابه

ألن هذه اللذة ذوقية إن تصل إليها تعرف . حمق و اآلن عرفت أنك عنين و أ. يا فالن إني آنت حسبتك عنينًا فقط

.و إال ال يستقيم وصفها بالقول و الكتابة ,

____________________

:ترجم هذا البيت من الفارسية الشيخ محمد أمين الكردي فقال )1( لو آلت ألفي رطل خمر لم تكن لتصير نشوانًا إذا لم تشرب

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Al-Ghazâlî الغزالي

Lettre au fils

« Ô mon fils ! Ne sois pas avare d’œuvres généreuses ni dénué d’états spirituels. Sois certain que la science spéculative n’est pas d’un grand secours. Par exemple, si un homme brave et expert en armes marche dans le désert, muni entre autres de dix épées indiennes, et qu’un lion aussi énorme que terrifiant vienne à l’attaquer, que crois-tu ? Les armes vont-elles le protéger contre le mal s’il ne les manipule pas et ne s’en sert pas pour frapper ? Bien sûr qu’elles ne protègent que si elles sont maniées et frappent. De même, si un homme étudie et apprend par cœur cent mille questions scientifiques sans les mettre en pratique, elles ne lui serviront à rien : elles ne lui seront profitables que par la pratique. Un autre exemple : si un homme est atteint par la fièvre et la jaunisse, dont le traitement se fait par l’oxymel et le brouet d’orge, il ne pourra guérir qu’en les utilisant. Tu as beau posséder deux mille coupes de vin / Tu ne seras ivre que si tu les bois Sache de même qu’il est impossible de fournir des réponses écrites ou orales à certaines de tes questions. Ce n’est qu’en atteignant l’état en question que tu comprendras de quoi il s’agit. Sinon, sa connaissance sera impossible, car il s’agit d’un état gustatif, et il est impossible de décrire avec des mots ce qui est gustatif. Ainsi, la douceur de ce qui est sucré et l’amertume de ce qui est amer ne s’appréhendent que par la gustation. De même, on raconte qu’un homme impuissant écrivit à l’un de ses amis en lui demandant de lui décrire le plaisir sexuel. Cet ami lui répondit : « Ô un tel, je pensais que tu étais seulement impuissant, mais je me rends compte à présent que tu es aussi idiot ! Car ce plaisir est gustatif, si tu l’atteins alors tu sauras ce qu’il est, sinon il est impossible de te la décrire en paroles ou par écrit. » Traduction : Obeï Kurdy, élève de TS (2006-2007)

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Ibn Tufayl ابن طفيل

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Ibn Tufayl ابن طفيل

Né autour de 1110 et mort en 1185, Ibn Tufayl (ابن طفيل ) est l’un des premiers grands philosophes d’al-Andalûs, l’Andalousie arabo-islamique des 9ème-15ème siècles. Homme à la formation encyclopédique, il exerça la médecine à Grenade, devint médecin particulier du gouverneur de la cité, puis vizir du sultan almohade Abû Ya’qub Yûsuf, auquel il présenta celui qui allait devenir le plus célèbre philosophe de l’époque, Ibn Rushd ou Averroès. Par le témoignage de celui-ci, on sait qu’Ibn Tufayl composa plusieurs ouvrages d’astronomie et de médecine, mais seul un texte majeur a été conservé de lui : le Récit de Hayy ibn Yaqzân, ou Traité sur les secrets de la philosophie orientale. Inspiré de la philosophie d’Ibn Sînâ, l’ouvrage fut rapidement traduit en latin, séduisit Leibniz et devint célèbre en Occident sous le titre du Philosophe autodidacte. Ce roman philosophique nous conte les progrès intellectuels et moraux d’un homme solitaire, né sur une île déserte par génération spontanée. Ibn Tufayl veut montrer que l’être humain est capable, par la seule lumière de sa raison et sans le secours des connaissances accumulées ou de la Révélation, d’atteindre la plus haute sagesse, le stade de l’union mystique (en arabe وصول). L’homme peut donc atteindre la sagesse en autodidacte, en s’éduquant soi-même par soi-même, grâce au don de la raison. A la fin du roman, un homme venu du monde habité, le monde de la cité et de la religion instituée, fait la rencontre de Hayy sur son île déserte. Il découvre avec étonnement que cet homme seul a atteint plus de sagesse que tous ses concitoyens du monde civilisé. C’est cette déroutante remise en question que nous narre l’extrait proposé.

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Ibn Tufayl ابن طفيل

حي بن يقظان

حي يعرض على أسال أمره

و ندم على فعله و أراد , فلما ذاقه واستطابه بدا له سوء ما صنع من نقض عهوده في شرط الغذاء

فلم تتأت له المشاهدة . ه الكريم اإلنفصال عن أسال و اإلقبال على شأنه من طلب الرجوع إلى مقام

يقف على حقيقة شأنه وال يبقى في نفسه نزوع إليه و , فرأى أن يقيم مع أسال في عالم الحس . بسرعة

و لما رأى أسال أيضًا أنه ال . فالتزم صحبة أسال. ينصرف بعد ذلك إلى مقامه دون أن يشغله شاغل

فيكون له بذلك أعظم أجر و , أن يعلمه الكالم و العلم و الدين و رجا , أمن من غوائله على دينه , يتكلم

وينطق , بان آان يشير له إلى أعيان الموجودات , فشرع أسال في تعليمه الكالم أوًال .زلفى عند اهللا

, حتى علمه األسماء آلها , فينطق بها مقترنًا باإلشارة , بأسمائها و يكرر ذلك عليه و يحمله على النطق

جه قليًال قليالحتىو دّر

فعّلمه حي بن يقظان . فجعل أسال يسأله عن شأنه و من أين صار إلى تلك الجزيرة . تكلم في أقرب مدة

و آيف , ووصف له شأنه آله . أآثر من الظبية التي ربته, وال أبًا وال أمًا ,أنه ال يدري لنفسه ابتداء

.ترقى بالمعرفة حتى انتهى إلى درجة الوصول

ق العقل و الشرعتطاب

عز وجل –العارفة بذات الحق , و الذوات المفارقة لعالم الحس, فلما سمع أسال منه وصف تلك الحقائق

ووصف له ماأمكنه وصفه مما شاهده عند , بأوصافه الحسنى , ووصفه ذات الحق تعالى وجل –

األشياء التي وردت في لم يشك اسال في ان جميع, الوصول من لذات الواصلين وآالم المحجوبين

هي أمثله هذه , وجنته وناره , واليوم اآلخر , ورسله , ومالئكته وآتبه , شريعته من أمر اهللا عز وجل

, وتطابق عنده المعقول والمنقول, وانقدحت نار خاطره , فانفتح بصر قلبه. التي شاهدها حي بن يقظان

وال مغلق اّال انفتح وال ,الشرع اال تبين له ولم يبقى عليه مشكل في , عليه طرق التأويل وقربت

. وعند ذلك نظر الى حي بن يقظان بعين التعظيم والتوقير . وصار من أولي األلباب . غامض اّال اتضح

.والهم يحزنون, وتحقق عنده انه من أولياء اله الذين الخوف عليهم

عنده من األعمال الشرعية التي آان قد تعّلمها فالتزم خدمته واالقتداء به واألخذ باشاراته فيما تعارض

.في مّلته

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Al-Ghazâlî الغزالي

Le récit de Hayy ibn Yaqzân

Hayy expose sa situation à Asâl Il s’attacha à la compagnie d’Asâl. Quand Asâl s’aperçut que son compagnon ne savait pas parler, il s’assura de tous les dommages qui en résulteraient pour sa religion. Il entreprit avec espoir de lui apprendre la parole, la science et la religion, obtenant ainsi la plus grande des rétributions et des dignités auprès de Dieu. Asâl commença donc par lui apprendre à parler. Il lui montrait les objets mêmes et les désignait par leurs noms. Il répétait ceux-ci et encourageait [Hayy] à les prononcer à son tour. Puis [Hayy] prononçait les noms tout en montrant les objets. C’est ainsi qu’il apprit tous les noms et se mit progressivement à parler. Asâl l’interrogea alors sur sa personne et l’endroit d’où il était venu sur cette île. Hayy ibn Yaqzân lui apprit qu’il ne se connaissait pas d’origine, ni père ni mère, sinon la gazelle qui l’avait élevé. Il lui raconta toute son histoire, et comment il avait développé son savoir par étapes jusqu’au degré de l’union. L’adéquation de la raison et de la loi révélée Lorsque Asâl entendit Hayy lui décrire ces vérités, les essences séparées du monde sensible, instruites de l’essence du Vrai, puissant et grand, et l’essence du Vrai très haut et très grand avec ses plus beaux attributs, lorsqu’il l’entendit lui décrire, autant qu’il le pouvait, les délices de ceux qui se sont unis à Dieu et les souffrances de ceux dont la vue est restée voilée, Asâl n’eut aucun doute que tout ce qui se trouvait dans la Révélation, à propos des commandements de Dieu puissant et grand, de Ses anges, de Ses livres, de Ses envoyés, du Jugement Dernier, du paradis et de l’enfer, ne fût que des symboles de ce que Hayy ibn Yaqzân avait contemplé en propre. L’œil de son cœur se dessilla alors, le feu de sa pensée s’embrasa, l’accord de la raison et de la tradition se manifesta à lui. Les voies de l’interprétation ésotérique s’offrirent à lui, et il ne subsista dans la Révélation plus rien de difficile qu’il ne pût résoudre, plus rien de fermé qu’il ne pût ouvrir, plus rien d’obscur qu’il ne pût éclairer. Il devint de ceux qui possèdent l’intelligence du cœur. Il se mit à regarder Hayy ibn Yaqzân avec respect et vénération, étant clair pour lui que celui-ci appartenait aux amis de Dieu « qui n’éprouvent aucune crainte et ne seront pas affligés ». Il s’engagea à son service et suivit son exemple, adoptant ses indications jusque dans les œuvres cultuelles qu’il avait apprises dans sa religion. Traduction effectuée avec Nadim Fares, élève de TS (2007-2008)

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Ibn ‘Arabî ابن عربي

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Ibn ‘Arabî ابن عربي

Ibn ‘Arabî, surnommé « le vivificateur de la religion » (محي الدين), « le plus grand cheikh » (الشيخ األآبر) ou « le fils de Platon » ( الطونابن أف ), naquit en Andalousie, à Murcie, en 1165. Da famille noble et cultivée, sa vocation spirituelle fut très précoce et il s’engagea tôt dans une confrérie soufie. La soif de savoir, le désir insatiable d’expériences spirituelles, vont faire de sa vie une longue suite de pérégrinations, en Andalousie, en Afrique du Nord et en Orient. Il demeure longuement à la Mecque, puis au Caire, et enfin à Damas, où il trouve la paix nécessaire pour finir une œuvre immense, riche de plus de quatre cent livres. Ibn Arabî s’éteint en 1240 à Damas, où son tombeau est toujours objet de vénération. Dans le premier texte proposé, extrait du Dévoilement des effets du voyage, Ibn ‘Arabî expose en termes poétiques et paradoxaux la signification à la fois universelle, cosmique, et individuelle, existentielle, du voyage. Dans le second texte extrait de la Production des cercles, il multiplie les paradoxes logiques pour désigner la réalité transcendante, au-delà de la raison et du langage, exprimant ainsi une dimension purement mystique de la pensée religieuse, et illustrant ainsi ce que dira le philosophe Wittgenstein dans son Tractatus logico-philosophicus : "En tous cas, il y a de l’indicible. Il se montre ; c'est cela, le mystique". Après Al-Ghazâlî et plus encore que lui, Ibn ‘Arabî inscrit sa parole mystique soufie dans un dialogue critique avec la philosophie rationaliste, celle des " Aristotéliciens " ou "Péripatéticiens" qu'étaient Al-Fârâbî, Ibn Sînâ (Avicenne) ou Ibn Rushd (Averroès).

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Ibn ‘Arabî ابن عربي

"نتائج األسفارآتاب اإلسفار عن "

ثّم إنه لما آان الوجود مبدأه على الحرآة لم يتمّكن أن يكون فيه سكون ألّنه لو سكن لعاد إلى أصله

فال يزال السفر أبدا في العالم العلوي والسفلي والحقائق االلهية آذلك التزال في سفر غادية , وهو العدم

وقد جاء االستواء إلى السماء على ما يعطيه التنزيه , سماء الدنيا ورائحة وقد جاء النزول الرّباني إلى ال

وأّما العالم العلوي فال تزال األفالك دائرة بمن فيها ال تسكن ولو سكنت بطل , ونفي المماثلة والتشبيه

ورة س"وسباحة الكواآب في األفالك سفر لها والقمر قّدرناه منازال , الكون وتّم نظام العالم وانتهى

وحرآات األرآان األربعة وحرآات المولودات في آل دقيقة والتغّير واالستحاالت في آل " 39يس

نفس وسفر األفكار في محمود ومذموم وسفر األنفاس من المتنّفس وسفر األبصار من المبصرات يقظة

وقد ذهب بعضهم , عاقل وهذا آّله سفر بال شك عند آل , ونوما وعبورها من عالم إلى عالم باالعتبار

, إلى أّن عالم األجسام من وقت خلقها الّله لم يزل بجملته نازال واليزال في الخالء الذي النهاية له

وعلى الحقيقة فال نزال في سفر أبدا من وقت نشأتنا ونشأة أصولنا إلى ماال نهاية له وإذا الح لك منزل

يق آخر تزودت منه وانصرفت فما من منزل تشرف عليه إالّ تقول فيه هذا هو الغاية انفتح عليك منه طر

.ويمكن أن تقول هو غايتي ثّم إّنك إذا وصلت إليه لم تلبث أن تخرج عنه راحال

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Ibn ‘Arabî ابن عربي

Le dévoilement des effets du voyage

Puisque l’existence a son principe dans le mouvement, l’immobilité lui est impossible. Car en arrêt, il retournerait à son origine, et c’est le néant. Le voyage ne cesse donc jamais, dans le monde supérieur comme dans le monde inférieur. De même, les vérités divines ne cessent de voyager, dans un mouvement d’aller et de retour : ainsi s’est produite la descente seigneuriale dans le ciel le plus proche, comme s’est produite l’ascension vers le ciel, selon ce que lui confère Sa transcendance et le refus de toute similitude ou ressemblance. Dans le monde supérieur, les corps célestes tournent, entraînant dans leur rotation ceux qui se trouvent sur eux, et ne s’arrêtent jamais. S’ils se reposaient, l’univers disparaîtrait et l’ordonnance du monde toucherait à sa fin. De même, le flottement des astres dans les sphères est pour eux un voyage : « Et la lune, Nous en avons déterminé les mansions » (Coran, sourate « Yas », 39). Les mouvements des quatre éléments, des naissances à chaque minute, le changement et les transformations de chaque souffle, le voyage des pensées entre le louable et le blâmable, le voyage des souffles chez celui qui respire, le voyage des regards parmi les choses vues en état de veille ou en rêve, leur traversée d’un monde à l’autre par l’interprétation- tout cela est sans doute voyage pour qui fait preuve de raison. Certains avancent que le monde des corps, depuis le moment de leur création par Dieu, ne cesse de chuter tout entier dans le vide sans fin. En réalité, nous ne cessons jamais d’être en voyage, depuis le moment de notre naissance et la naissance de nos principes constituants, en voyage vers l’infini. Quand tu atteins une demeure, tu la considères comme le terme du voyage ; mais alors s’ouvre une autre voie à partir d’elle, sur laquelle tu t’approvisionnes et repars. Il n’est pas une demeure que tu n’aperçoives sans pouvoir te dire : « C’est là mon terme ». Mais aussitôt rendu à elle, tu ne tardes pas à en sortir pour repartir en voyage. Traduction effectuée avec Nadine Hawawini, élève de TES (2007-2008)

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Ibn ‘Arabî ابن عربي

"لدوائرإنشاء ا"من

و , وال بالحدوث و ال بالقدم, ما ال يتصف بالوجود و ال بالعدم, "الشيء الثالث"أما حقيقة الحقائق فهي

, هو أصل العالم" الشيء الثالث"إن . و ال يقبل الزيادة و ال النقصان, آذلك ال يتصف بالكّل و ال بالبعض

, فهذا الشيء حقيقة حقائق العالم الكلية في الذهن.و أصل الجوهر الفرد و فلك الحياة و الحق المخلوق به

و إن قلت , فإن قلت هذا الشيء هو العالم صدقت, و في الحادث حادثآ, الشيء الذي يظهر في القديم قديمآ

و يتعّدد بتعدد الموجودات و , الجامع للحدوث و القدم, هو الكّلي األعّم. أنه الحق القديم سبحانه صدقت

.و هو العالم, و ال هو العالم. و هو ال موجود و ال معدوم.ينقسم بانقسامها

لكننا نومىء إليه بضرب من , هذا الشيء الثالث الذي نحن بسبيله ال يقدر أحد أن يقف على حقيقة عبارته

و الفضة إلى اآلنية , نسبة هذا الشيء إلى العالم آنسبة الخشبة إلى الكرسي: فنقول , التشبيه و التمثيل

أو , حقيقة الحقائق: مذا الشيء الثالث سّمه ما شئت. فخذ هذه النسبة و ال تتخيل النقص. غ منهاالتي تصا

.المادة األولى أو جنس األجناس

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Ibn ‘Arabî ابن عربي

La production des cercles

Quant à la vérité des vérités, elle est « la troisième chose », celle que nous ne pouvons qualifier ni d’existante, ni d’inexistante ; ni de contingente, ni d’éternelle ; qui ne se laisse non plus qualifier ni par le tout, ni par la partie ; qui n’admet ni excès ni défaut. La « troisième chose » est l’origine du monde, l’origine de la substance indivisible, la sphère de la vie et le Vrai créé par elle. Ainsi, cette chose est la vérité des vérités universelles conçues dans l’esprit du savant. Elle est la chose éternelle du point de vue de l’éternité, contingente du point de vue de la contingence. Donc, si tu dis qu’elle est le monde, tu as raison ; et si tu dis qu’elle est le Vrai, l’Eternel, tu as encore raison. Elle est l’universel le plus général, ce qui réunit en lui éternité et contingence, qui se dénombre selon le nombre des étants, se divise selon leurs divisions. Elle n’est ni existante, ni inexistante. Elle n’est pas le monde, et elle est le monde. Cette troisième chose sur la voie de laquelle nous nous trouvons, nul n’a su arrêter une expression correcte à son sujet. Mais nous la montrons au moyen de l’analogie et de la représentation imagée. Nous disons alors : « cette chose est au monde ce que le bois est à la chaise, ou ce que l’argent est au plateau forgé en lui ». Reçois donc ce rapprochement et ne va là imaginer aucun défaut. Cette troisième chose, appelle-la comme tu voudras : la vérité des vérités, la matière première, l’universel des universaux. Traduction effectuée avec Nadim Fares, élève de TS (2007-2008)

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Ibn Khaldûn ابن خلدون

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Ibn Khaldûn ابن خلدون

Né à Tunis en 1332, mort au Caire au 1406, Ibn Khaldûn ( بن خلدونا ) est souvent considéré comme plus grand penseur ayant vu le jour dans le Maghreb arabe, à une époque où la pensée arabo-musulmane semblait assoupie après « l’âge d’or » des 9ème et 10ème siècles. Parallèlement à son œuvre d’écrivain, il fut un homme politique aventureux, défenseur des nomades et de l’égalité entre les Musulmans, avant de devenir juriste. Il est l’auteur d’une Histoire universelle (traitant surtout des Arabes, des Berbères et des Perses) dont les Prolégomènes (المقدمات) sont d’égale importance. Chef-d’œuvre d’historiographie, mais aussi de psychologie sociale et de sociologie politique, cette œuvre annonce les démarches de la sociologie moderne. Loin de l’idéalisme politique d’al-Fârâbî, Ibn Khaldûn met en place dans ce texte une argumentation à la fois théorique et très concrète pour démontrer la thèse d’Aristote : l’homme est un animal politique fait pour vivre en société. Aristote insistait sur la nécessité de la Cité pour le bonheur humain ; Ibn Khaldûn, lui, insiste sur sa nécessité pour la vie elle-même, pour la subsistance de l’homme. La référence à la sagesse de Dieu est un acte de foi dont on peut faire abstraction, car l’argumentation est purement rationnelle et l’idée principale du texte n’est pas religieuse, mais anthropologique. Ibn Khaldûn y justifie comme nécessaire la division du travail social. Il apparaît ici comme un précurseur du français Durkheim, fondateur de la sociologie moderne à la fin du XIXème siècle, et auteur d’une œuvre capitale, De la division du travail social.

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Ibn Khaldûn ابن خلدون

من المقدمات

ضرورة االجتماع االنساني

بد من أي ال. اإلنسان مدني بالطبع: ان االجتماع االنساني ضروري ويعبر الحكماء عن هذا بقولهم

خلق -سبحانه وتعالى–وبيانه أن اهللا .وهو معنى العمران, االجتماع الذي هو المدينة في اصطالحهم

وبما رآب فيه , اإلنسان ورآبه على صورة ال يصح حياتها وبقاؤها إال بالغذاء وهداه إلى التماسه بفطرته

غير , حاجته من ذلك الغذاءإال أن قدرة الواحد من البشر قاصرة على تحصيل, من القدرة على تحصيله

فال , وهو قوت يوم واحد من الحنطة مثال, ولو فرضنا أقل ما يمكن فرضه, موفية بمادة حياته منه

من حداد , وال تتم إال بصناعات متعددة, وآالت. يحصل إال بعالج آثير من الطحن والعجن والطبخ

فالبد من اجتماع القدر الكثير من , حدويستحيل أن تفي بذلك أو ببعضه قدرة الوا. ونجار و فاخوري

أبناء جنسه

من حّداد و , و تتم إالبصناعات متعددة, وآل عمل من هذه األعمال الثالثة يحتاج إلى مواعين و آالت

فال بّد من اجتماع القدر الكثير من أبناء , و يستحيل أن تفي بذلك أو ببعضه قدرة الواحد. نّجار و فاخوري

. له و لهمجنسه ليحصل القوت

وآذلك يحتاج آل واحد منهم في الدفاع عن نفسه إلى االستعانة بأبناء جنسه ألن اهللا

وجعل حظوظ آثير من الحيوانات , قدر بينهاوقسم ال, رآب الطباع في الحيوانات آلها لما -سبحانه –

.و جعل لإلنسان عوضا من ذلك آله الفكر و اليد.العجم من القدرة اآمل من حظ اإلنسان

وال تفي قدرته ,فالواحد من البشر ال تقاوم قدرته قدرة واحد من الحيوانات العجم وال سيما المفترسة

وما لم يكن هذا التعاون ,في ذلك آله التعاون عليه بأبناء جنسهفال بد .أيضا باستعمال اآلالت المعدة لها

وما ,وإال لم يكمل وجودهم,فإذا هذا االجتماع ضروري للنوع اإلنساني.فال يحصل له قوت وال غذاء

.وهذا هو معنى العمران.أراده اهللا من اعتمار العالم بهم و استخالفه إياهم

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Ibn Khaldûn ابن خلدون

Prolégomènes

Que la vie en société est une nécessité pour l’homme

« Que la vie en société est une nécessité, c’est ce que les philosophes expriment en disant : l’homme est naturellement un être politique. C’est-à-dire que la société, qu’ils appellent Cité au sens de civilisation, est nécessaire. La preuve, c’est que Dieu –sur Lui la gloire et la louange- a créé l’homme de façon telle qu’il ne puisse vivre et subsister sans nourriture, qu’Il l’a conduit à se procurer celle-ci au moyen de sa disposition naturelle et de la capacité qu’Il a mise en lui à cette fin. Mais la capacité d’un seul homme est insuffisante à subvenir à son besoin de nourriture, impuissante à produire la matière de son existence. Si nous ne supposons que le strict minimum, c’est-à-dire la nourriture d’un seul jour, soit du froment à titre d’exemple, l’homme ne l’obtiendra qu’en s’appliquant à broyer, à pétrir et à cuire, et chacune de ces trois besognes nécessite des outils et instruments qui ne viennent que par le concours de plusieurs artisans : le forgeron, le menuisier et le potier. Et il est impossible à un seul homme d’accomplir toutes ces tâches, ou même certaines d’entre elles. Il est donc nécessaire qu’il unisse ses efforts à ceux des autres hommes pour subvenir à ses besoins et aux leurs. De même, chacun d’eux a besoin pour se défendre de compter sur les autres membres de sa communauté. Car Dieu –gloire à Lui-, lorsqu’Il a disposé la nature de tous les animaux et a partagé les capacités entre eux, a accordé à nombre d’animaux sauvages plus de chance qu’à l’homme, en ce qui concerne les capacités. A la place de tout cela, Il a donné à l’homme la pensée et la main. Un seul homme, en effet, ne peut pas affronter par sa seule capacité un animal sauvage, surtout si c’est un prédateur, et est également incapable d’utiliser les instruments disposés à sa défense. Pour tout cela, il est nécessaire qu’il collabore avec les autres humains, collaboration sans laquelle il ne pourrait même pas se procurer son pain quotidien. Un tel regroupement est donc nécessaire au genre humain. Sans la société, l’existence des hommes resterait incomplète, Dieu n’aurait pas voulu qu’ils peuplent le monde et s’acquittent de Sa lieutenance. Tel est le sens de la civilisation. » Traduction effectuée avec Omar Bafakih, élève de TS (2006-2007)

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Table des matières فهرست المحتويات

Al-Kindî…………...............................…p 5.....................………..……..الكندي Al-Râzî………….................................…p 9.............................................الرازي Al-Fârâbî……….................................….p 19................................….…الفارابي Ibn Sînâ dit Avicenne…….................…p 27.....................................…ابن سينا Al-Ghazâlî……….…….......... ................p 33........……........………… يالغزال Ibn Tufayl……………………................p 39...............……...………ابن طفيل Ibn Arabî……………..………................p 43..............................……ابن عربي Ibn Khaldûn….....…………................…p 49............................……ابن خلدون

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