Brassens Selection Texte

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  • J'ai plaqu mon chne Comme un saligaud, Mon copain le chne, Mon alter ego, On tait du mme bois Un peu rustique, un peu brut, Dont on fait n'importe quoi Sauf naturell'ment les fltes... J'ai maint'nant des frnes, Des arbres de Jude, Tous de bonne graine, De haute futaie... Mais, toi, tu manque' l'appel, Ma vieill' branche de campagne, Mon seul arbre de Nol, Mon mt de cocagne ! Auprs de mon arbre, Je vivais heureux, J'aurais jamais d m'loigner d' mon arbre... Auprs de mon arbre, Je vivais heureux, J'aurais jamais d le quitter des yeux... Je suis un pauvr' type, J'aurais plus de joie : J'ai jet ma pipe, Ma vieill' pipe en bois, Qui' avait fum sans s' fcher, Sans jamais m'brl la lippe, L' tabac d' la vache enrage Dans sa bonn' vieill' tt' de pipe... J'ai des pip's d'cume Orn's de fleurons, De ces pip's qu'on fume En levant le front, Mais j' retrouv'rai plus, ma foi, Dans mon cur ni sur ma lippe, Le got d' ma vieill' pip' en bois, Sacr nom d'un' pipe !

    Auprs de mon arbre, Je vivais heureux... Le surnom d'infme Me va comme un gant : D'avecques ma femme J'ai foutu le camp, Parc' que, depuis tant d'ann's, C'tait pas un' sincure De lui voir tout l' temps le nez Au milieu de la figure... Je bas la campagne Pour dnicher la Nouvelle compagne Valant celles-l, Qui, bien sr, laissait beaucoup Trop de pierr's dans les lentilles, Mais se pendait mon cou Quand j' perdais mes billes ! Auprs de mon arbre, Je vivais heureux... J'avais un' mansarde Pour tout logement, Avec des lzardes Sur le firmament, Je l' savais par cur depuis Et, pour un baiser la course, J'emmenais mes bell's de nuits Faire u tour sur la grande Ourse... J'habit' plus d' mansarde, Il peut dsormais Tomber des hall'bardes, Je m'en bats l'il mais, Mais si quelqu'un monte aux cieux Moins que moi, j'y pai' des prunes : Y a cent sept ans qui dit mieux, Qu' j'ai pas vu la lune !

  • Monseigneur lastre solaire, Comm je n ladmir pas beaucoup, Menlv son feu, oui mais, d son feu, moi j men fous, Jai rendez-vous avec vous! La lumir que je prfre, Cest cell de vos yeux jaloux, Tout le restant mindiffre, Jai rendez-vous avec vous! Monsieur mon propritaire, Comm je lui dvaste tout, M chass de son toit, oui mais, d son toit, moi j' men fous Jai rendez-vous avec vous! La demeur que je prfre, Cest votre robe froufrous, Tout le restant mindiffre, Jai rendez-vous avec vous! Madame ma gargotire, Comm je lui dois trop de sous, M chass de sa tabl, oui mais, d sa tabl, moi jmen fous, Jai rendez-vous avec vous! Le menu que je prfre, Cest la chair de votre cou, Tout le restant mindiffre, Jai rendez-vous avec vous! Sa majest financire, Comm je n fais rien son got, Garde son or, or, de son or, moi j men fous, Jai rendez-vous avec vous! La fortun que je prfre, Cest votre cur damadou, Tout le restant mindiffre, Jai rendez-vous avec vous!

  • Si, par hasard, Sur l' pont des Arts, Tu crois's le vent, le vent fripon, Prudenc', prends garde ton jupon ! Si, par hasard, Sur l' pont des Arts, Tu crois's le vent, le vent maraud, Prudent, prends garde ton chapeau ! Les jean-foutre et les gens probes Mdis'nt du vent furibond Qui rebrousse les bois, Dtrouss' les toits, Retrouss' les robes... Des jean-foutre et des gens probes, Le vent, je vous en rponds, S'en soucie, et c'est justic', comm' de colin-tampon Si, par hasard, Sur l' pont des Arts... Bien sr, si l'on ne se fonde Que sur ce qui saute aux yeux, Le vent semble une brut' raffolant de nuire tout l' monde Mais une attention profonde Prouv' que c'est chez les fcheux Qu'il prfr' choisir les victim's de ses petits jeux Si, par hasard, Sur l' pont des Arts...

  • Je n'avais jamais t mon chapeau Devant personne Maintenant je rampe et je fais le beau Quand ell' me sonne J'tais chien mchant ell' me fait manger Dans sa menotte J'avais des dents d' loup, je les ai changes Pour des quenottes! Je m' suis fait tout p'tit devant un' poupe Qui ferm' les yeux quand on la couche Je m' suis fait tout p'tit devant un' poupe Qui fait Maman quand on la touche. J'tais dur cuire ell' m'a converti La fine mouche Et je suis tomb tout chaud, tout rti Contre sa bouche Qui a des dents de lait quand elle sourit Quand elle chante Et des dents de loup, quand elle est furie Qu'elle est mchante. Je m' suis fait tout p'tit devant un' poupe... Je subis sa loi, je file tout doux Sous son empire Bien qu'ell' soit jalouse au-del de tout Et mme pire Un jolie pervench qui mavait paru Plus joli quelle Un' jolie pervench' un jour en mourut A coup d'ombrelle. Je m' suis fait tout p'tit devant un' poupe... Tous les somnambules, tous les mages m'ont Dit sans malice Qu'en ses bras croix, je subirais mon Dernier supplice Il en est de pir's li en est d' meilleur's Mais tout prendre Qu'on se pende ici, qu'on se pende ailleurs S'il faut se pendre. Je m' suis fait tout p'tit devant un' poupe...

  • Mariage d'amour, mariage d'argent, J'ai vu se marier toutes sortes de gens : Des gens de basse source et des grands de la terre, Des prtendus coiffeurs, des soi-disant notaires... Quand mme je vivrai jusqu' la fin des temps, Je garderais toujours le souvenir content Du jour de pauvre noce o mon pre et ma mre S'allrent pouser devant Monsieur le Maire. C'est dans un char bufs, s'il faut parler bien franc, Tir par les amis, pouss par les parents, Que les vieux amoureux firent leurs pousailles Aprs long temps d'amour, long temps de fianailles. Cortge nuptial hors de l'ordre courant, La foule nous couvait d'un oeil protubrant : Nous tions contempls par le monde futile Qui n'avait jamais vu de noces de ce style. Voici le vent qui souffle emportant, crve-cur ! Le chapeau de mon pre et les enfants de chur... Voil la plui' qui tombe en pesant bien ses gouttes, Comme pour empcher la noc', cote que cote. Je n'oublierai jamais la marie en pleurs Berant comme un' poup' son gros bouquet de fleurs... Moi, pour la consoler, moi, de toute ma morgue, Sur mon harmonica jouant les grandes orgues. Tous les garons d'honneur, montrant le poing aux nues, Criaient : "Par Jupiter, la noce continue !" Par les homm's dcri', par les dieux contraris, La noce continue et Viv' la marie !

  • Quand je vais chez la fleuriste, Je n'acht' que des lilas... Si ma chanson chante triste C'est que l'amour n'est plus l. Comm' j'tais, en quelque sorte Amoureux de ces fleurs-l, Je suis entr par la porte, Par la porte des Lilas. Des lilas, y' en avait gure, Des lilas, y' en avait pas, Z'taient tous morts la guerre, Passs de vie trpas. J'suis tomb sur une belle Qui fleurissait un peu l, J'ai voulu greffer sur elle Mon amour pour les lilas. J'ai marqu d'une croix blanche Le jour o l'on s'envola, Accrochs une branche, Une branche de lilas.

    Pauvre amour, tiens bon la barre, Le temps va passer par l, Et le temps est un barbare Dans le genre d'Attila. Aux coeurs o son cheval passe, L'amour ne repousse pas, Aux quatre coins de l'espace Il fait le dsert sous ses pas. Alors, nos amours sont mortes, Envol's dans l'au-del, Laissant la cl sous la porte, Sous la porte des Lilas. La fauvette des dimanches, Cell' qui me donnait le la, S'est perch' sur d'autres branches, D'autres branches de lilas. Quand je vais chez la fleuriste, Je n'acht' que des lilas.:. Si ma chanson chante triste C'est que l'amour n'est plus l.

  • Les sabots d'Hlne Etaient tout crotts Les trois capitaines l'auraient appele vilaine Et la pauvre Hlne Etait comme une me en peine Ne cherche plus longtemps la fontaine Toi qui as besoin d'eau Ne cherche plus, aux larmes d'Hlne Va-t'en remplir ton seau Moi j'ai pris la peine De les dchausser Les sabots d'Hln' moi qui ne suis pas capitaine Et j'ai vu ma peine Bien rcompense. Dans les sabots de la pauvre Hlne Dans ses sabots crotts Moi j'ai trouve les pieds d'une reine Et je les ai gards. Son jupon de laine Etait tout mit Les trois capitaines l'auraient appele vilaine Et la pauvre Hlne Etait comme une me en peine Ne cherche plus longtemps la fontaine Toi qui as besoin d'eau Ne cherche plus, aux larmes d'Hlne Va-t'en remplir ton seau

    Moi j'ai pris la peine De le retrousser Le jupon d'Hln' moi qui ne suis pas capitaine Et j'ai vu ma peine Bien rcompense. Sous les jupons de la pauvre Hlne Sous son jupon mit Moi j'ai trouve des jambes de reine Et je les ai gards. Et le coeur d'Hlne Savait pas chanter Les trois capitaines l'auraient appele vilaine Et la pauvre Hlne Etait comme une me en peine Ne cherche plus longtemps la fontaine Toi qui as besoin d'eau Ne cherche plus, aux larmes d'Hlne Va-t'en remplir ton seau Moi j'ai pris la peine De m'y arreter Dans le coeur d'Hln' moi qui ne suis pas capitaine Et j'ai vu ma peine Bien rcompense. Dans le coeur de la pauvre Hlne Qu'avait jamais chant Moi j'ai trouve l'amour d'une reine Et je l'ai gard.

  • Parlez-moi de la pluie et non pas du beau temps, Le beau temps me dgote et m' fait grincer les dents, Le bel azur me met en rage, Car le plus grand amour qui m' fut donn sur terr' Je l' dois au mauvais temps, je l' dois Jupiter, Il me tomba d'un ciel d'orage. Par un soir de novembre, cheval sur les toits, Un vrai tonnerr' de Brest, avec des cris d' putois, Allumait ses feux d'artifice. Bondissant de sa couche en costume de nuit, Ma voisine affol' vint cogner mon huis En rclamant mes bons offices. Je suis seule et j'ai peur, ouvrez-moi, par piti, Mon poux vient d' partir faire son dur mtier, Pauvre malheureux mercenaire, Contraint d' coucher dehors quand il fait mauvais temps, pour la bonne raison qu'il est reprsentant D'un' maison de paratonnerre. En bnissant le nom de Benjamin Franklin, Je l'ai mise en lieu sr entre mes bras clins, Et puis l'amour a fait le reste ! Toi qui smes des pa- -ratonnerre' foison, Que n'en as-tu plant sur ta propre maison ? Erreur on ne peut plus funeste.

    Quand Jupiter alla se faire entendre ailleurs, La belle, ayant enfin conjur sa frayeur Et recouvr tout son courage, Rentra dans ses foyers fair' scher son mari En m' donnant rendez-vous les jours d'intempri', Rendez-vous au prochain orage. A partir de ce jour j' n'ai plus baiss les yeux, J'ai consacr mon temps contempler les cieux, A regarder passer les nues, A guetter les stratus, lorgner les nimbus, A faire les yeux doux aux moindres cumulus, Mais elle n'est pas revenue. Son bonhomm' de mari avait tant fait d'affair's, Tant vendu ce soir-l de petits bouts de fer, Qu'il tait dev'nu millionnaire Et l'avait emmen' vers des cieux toujours bleus, Des pays imbcile' o jamais il ne pleut, O l'on ne sait rien du tonnerre. Dieu fass' que ma complainte aille, tambour battant, Lui parler de la plui', lui parler du gros temps Auxquels on a t'nu tte ensemble, Lui conter qu'un certain coup de foudre assassin Dans le mill' de mon cur a laiss le dessin D'un' petit' fleur qui lui ressemble

  • Les gens qui voient de travers Pensent que les bancs verts Qu'on voit sur les trottoirs Sont faits pour les impotents ou les ventripotents Mais c'est une absurdit Car la vrit Ils sont l c'est notoir' Pour accueillir quelque temps les amours dbutants Les amoureux qui s' bcott'nt sur les bancs publics, Bancs publics, bancs publics, En s' fouttant pas mal du regard oblique Des passants honntes Les amoureux qui s' bcott'nt sur les bancs publics, Bancs publics, bancs publics, En s' disant des " Je t'aim' " pathtiqu's Ont des p'tit's gueul' bien sympatiqu's. Ils se tiennent par la main Parlent du lendemain Du papier bleu d'azur Que revtiront les murs de leur chambre coucher. Ils se voient dj doucement Ell' cousant, lui fumant, Dans un bien-tre sur Et choisissant les prnoms de leur premier bb Quand les mois auront pass Quand seront apaiss Leurs beaux rves flambants Quand leur ciel se couvrira de gros nuages lourds Ils s'apercevront mus Qu' c'est au hasard des rues Sur un d' ces fameux bancs Qu'ils ont vcu le meilleur morceau de leur amour. Quand la saint' famill' machin Croise sur son chemin Deux de ces malappris Ell' leur dcoche en passant des propos venimeux N'empech' que tout' la famille Le pr' la mr' la fille Le fils le saint esprit Voudrait bien de temps en temps pouvoir s' conduir' comme eux.

  • Il pleuvait fort sur la grand-route, Ell' cheminait sans parapluie, J'en avais un, vol sans doute Le matin mme un ami. Courant alors sa rescousse, Je lui propose un peu d'abri En schant l'eau de sa frimousse, D'un air trs doux ell' m'a dit oui. Un p'tit coin d' parapluie, Contre un coin d' Paradis. Elle avait quelque chos' d'un ange, Un p'tit coin d' Paradis, Contre un coin d' parapluie. Je n' perdais pas au change, Pardi! Chemin faisant que se fut tendre D'our deux le chant joli Que l'eau du ciel faisait entendre Sur le toit de mon parapluie. J'aurais voulu comme au dluge, voir sans arrt tomber la pluie, Pour la garder sous mon refuge, Quarante jours, Quarante nuits. Un p'tit coin d' parapluie, Contre un coin d' Paradis... Mais btement, mme en orage, Les routes vont vers des pays. Bientt le sien fit un barrage A l'horizon de ma folie. Il a fallut qu'elle me quitte, Aprs m'avoir dit grand merci. Et je l'ai vue toute petite Partir gaiement vers mon oubli. (au refrain)