Bozonnet Grégory La candidature de Coluche dans la presse...

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Bozonnet Grégory La candidature de Coluche dans la presse, quand les mots dessinent l’identité des journaux. mémoire de fin d’études sous la direction de Denis Barbet, maître de conférence en science politique. séminaire : mots & symboles du politique soutenance le 5 septembre 2007 IEP de Lyon Université Lumière Lyon-2

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Bozonnet Grégory

La candidature de Coluche dans la presse,quand les mots dessinent l’identité desjournaux.

mémoire de fin d’étudessous la direction de Denis Barbet, maître de conférence en science politique.

séminaire : mots & symboles du politiquesoutenance le 5 septembre 2007

IEP de LyonUniversité Lumière Lyon-2

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Table des matièresAvant-propos . . 4Introduction . . 5Titre 1. Les mots pour dire Coluche dans la presse nationale . . 10

I. Une étude quantitative des journaux montre d’importantes disparités diachroniques dansle traitement de sa candidature dans la presse. . . 10

A. Une grande disparité quantitative au niveau des différents quotidiens nationaux. . 10B. Une plus grande uniformité au niveau des hebdomadaires . . 19

II. Les mots pour dire Coluche : entre music-hall et politique. . . 28A.Coluche, candidat ou homme de spectacle ? . . 28B. La candidature de Coluche, entre farce et acte politique. . . 33

Titre 2. Les mots du corpus révèlent le positionnement des journaux quant à la campagnede Coluche . . 41

I. Les mots analysés mettent en relief la prise de position des journaux . . 41A. Les mots les plus récurrents mettent en relief les positionnements les plustranchés . . 41B. L’utilisation des autres mots indique tout autant le positionnement et permetd’établir un classement. . . 47

II. Le positionnement des journaux confirmé par les thèmes abordés . . 56A. Les journaux qui soutiennent Coluche crient à la « censure ». . . 56B. Les différentes manières d’aborder les thèmes de la campagne coluchiennerévèlent la prise de position des journaux. . . 66

Conclusion . . 73Bibliographie . . 78

Livres de citations . . 78Recueils d’écrits et de caricatures de et à propos de Coluche . . 78Bandes dessinées, Albums . . 79Articles de presse . . 79Autres ouvrages . . 79

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Avant-proposC' est l'histoire d'une passion... Difficile d'en dater le début, difficile d'en trouver l'élémentdéclencheur sans tomber dans le biais de la réécriture de l’histoire a posteriori. Ce qui est certainc’est que cette passion pour Coluche a commencé alors que j’étais jeune, très jeune, en découvrantun vieux 33 tours sur une étagère. Je ne comprenais pas toutes les références mais j’étais d’oreset déjà conquis par l’humour.

Puis la passion a pris corps. De vide-greniers en vide-greniers, j’ai commencé une véritablecollection. Les disques tout d’abord, puis les livres. Il me fallait comprendre toutes les références,tout connaître. Cette passion, je l’ai gardé en moi en intégrant Sciences Po, et ce mémoire en esten quelque sorte l’aboutissement. Un de mes objectifs à terme - comme tout collectionneur - est deréunir l’intégralité de ce qui a été écrit sur Coluche. A travers ce travail, j’ai progressé en réalisantce vœu sur la période de sa campagne pour l’élection présidentielle de 1981.

Ce mémoire est aussi pour moi l’occasion de faire un véritable premier travail de recherche.La recherche, passion découverte au hasard d’un cours de sociologie à l’I.E.P., passion à laquellej’entends consacrer ma vie.

Le résultat de l’union de ces deux passions, vous l’avez entre les mains, et j’espère que vousprendrez autant de plaisir à le lire, que j’en ai eu à l’écrire.

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Introduction

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Introduction

« C’est l’histoire d’un mec… Vous la connaissez ? Non ? ». 19 mai 1974. Soir de l’électionde Valéry Giscard d’Estaing au poste de président de la République Française. La Franceentière est devant son téléviseur à attendre l’intervention du leader de la gauche défaitpour la deuxième fois consécutive, François Mitterrand. Ce dernier ne parlera pas avant23 heures, les chaînes de télévision doivent donc combler le temps libre. Paul Lederman,grâce à ses qualités d’impresario a réussi à placer sa nouvelle découverte, un certainMichel Colucci. Le style est novateur, un sketch d’une dizaine de minutes, où il ne se passequasiment rien, mais où l’humoriste ne manque pas de placer quelques petites répliques quifont mouche (« Un mec normal. Blanc. ») et qui laissent transparaître un nouveau langageà la télévision. Le public adore, le public adhère. Le phénomène Coluche vient de naître.A partir de cette soirée, il fera salle comble à chaque spectacle, il sera même le premiercomique à vraiment « vendre » des disques. Ni Lederman, ni Coluche, n’oublieront qu’ilsdoivent en grande partie ce succès à la médiatisation de l’élection présidentielle.

Sept ans plus tard, Valéry Giscard d’Estaing vit une fin de mandat difficile. Le nombrede chômeurs franchit la barre symbolique des 1,5 millions, l’inflation dépasse les 13%…Mais ce qui pénalise avant tout le président ce sont les affaires. La plus célèbre d’entreelles reste l’affaire des diamants. Ces diamants offerts par l’empereur de Centre-Afrique(Bokassa) au président Giscard. Diamants qu’il a nié avoir reçus dans un premier temps,puis qu’il a déclaré avoir vendus. Il doit s’expliquer devant les citoyens, il apparaît mal àl’aise, bafouillant, « le roi Giscard » semble affaibli.

« Le roi », surnom qui sonne comme une des critiques les plus récurrentes adresséesau président en exercice et qui lui a valu une célèbre « une » du Nouvel Observateur quevous découvrirez un peu plus loin. Les Français semblent en effet très critiques à l’égardde cette monarchisation de la fonction présidentielle. En novembre 1980, Le Monde faitparaître un sondage qui révèle que « 65% des français ne veulent plus des princes qui lesgouvernent ». Les critiques concernant la noblesse du président pleuvent, candidat à saréélection il tentera de paraître plus proche du peuple que durant son premier mandat àla tête de l’Etat.

L’enquête sur la mort de Robert Boulin, ancien ministre du Travail en exercice retrouvémort le 30 octobre 1978, est longue et ne fournit pas vraiment d’éléments concrets. Cetévénement marque l’opinion et amène Michel Rocard à « s’étonner qu’autant d’hommespolitiques disparaissent de mort violente »1.

Nous ne pourrons pas passer en détails toutes les critiques adressées à Valéry Giscardd’Estaing ; notons qu’en cette période d’élection un projet fait beaucoup parler de lui, celuide la loi « sécurité et liberté ». Interrogé par Le Monde à ce sujet Guy Bedos qualifieracette loi de « néo-fascisme mou »2, mais ce qui, vraisemblablement, affaiblira davantage leprésident, c’est l’échec de sa politique économique. La crise mondiale ne pouvait épargnerla France bien longtemps, mais en nommant le « Joffre de l’économie » à la tête dugouvernement, VGE avait signalé sa volonté de réussir dans ce domaine. Coluche attaque

1 PFISTER (Thierry), « Que faire de Coluche ? », Le Nouvel Observateur, 8 décembre 1980, n° 839, p.402 LHOMEAU (Jean-Yves), « Un entretien avec Monsieur Guy Bedos », Le Monde, 3 décembre 1980, n°11 148 p.1

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le bilan économique de ce gouvernement dans une de ses célèbres phrases publiéesquotidiennement dans les colonnes de Libération entre novembre 1980 et janvier 1981 :« Hausse des prix : la France en tête… Les usines ferment, les régions meurent… RaymondBarre invente le chômage central. »3.

Dans son célèbre sketch « Votez Nul », l’humoriste résumait ce septennat en quelquesbons mots : « Valéry Giscard d’Estaing, on lui a demandé l’autre jour et il a répondu : « jesuis au trois quarts satisfait ». Voyez-vous : un million huit cent mille chômeurs, la haussedes prix, le déséquilibre du commerce extérieur ; c’est que les trois quarts de ce qu’il peutfaire. Moi à votre place je voterai encore pour lui, il va faire mieux ce mec là ! ».

Il n’est pas prouvé que ce soit cette consigne de vote qui ait changé les choses, maisGiscard semble assuré de sa réélection. Dans un texte de soutien à Coluche sur lequelnous reviendrons plus tard nous pouvons lire « plus rien ne pourra changer le résultat final :la corruption, les scandales, la crise, le mécontentement populaire, les atteintes aux Droitsde l'Homme, n'y feront rien. »4

Nous pourrions nous étonner qu’après toutes ces critiques, VGE paraisse aussi sûrd’être à nouveau élu. Cette réélection programmée est vue par Coluche comme une« mauvaise nouvelle », pour lui si « Giscard gagne dans un fauteuil… les français perdentles élections ».5

Mais cette probable réélection n’est pas le fruit du hasard. L’union de la gauche avolé en éclat en 1978 après l’échec des négociations sur la réactualisation du programmecommun. En 1981, ce ne sera pas un mais plusieurs candidats de la gauche qui affronterontle président sortant au premier tour. Le parti socialiste et le parti communiste se renvoient laresponsabilité de cet échec, ce qui contribue à leur perte de crédibilité et renforce Giscarddans les sondages. Nous pouvons de plus noter que ces mêmes sondages semblentmontrer que le candidat souhaité par les sympathisants socialistes serait Michel Rocard.François Mitterrand sera pourtant à nouveau désigné pour affronter le président sortant.Coluche dira d’ailleurs tous les soirs dans son spectacle au théâtre du Gymnase qu’il a« peut-être raté le certificat d’études, mais que lui ne l’a pas tenté trois fois ». Il le railleraaussi à travers cette petite phrase : « 11 novembre, journée des anciens combattants de14-18 : Mitterrand se présente. »6

Raymond Barillon reviendra dans les colonnes du Monde sur cette situation de la, voiredes, gauche française. Pour lui, « le premier degré de la désunion, celui de la guerre entre leP.C.F. et le P.S. qui rendait impossible, par définition, une candidature unique de la gauche,est dépassé. On est désormais au second, celui de la querelle double au sein du P.S. et duP.C.F., puisqu'il est évident que M. Mitterrand ne sera pas le candidat de tous les socialisteset que M. Marchais n'est pas celui de tous les communistes. »7 Guy Bedos conclue, «Il y ades gens, en 1974, qui voulaient changer la vie. Et puis ils ont changé d'avis. »8

3 Libération, 13 novembre 1980, n°2099, p.084 « Coluche aussi a ses intellectuels pétitionnaires », Libération, 19 novembre 1980, n°2104, p.85 Libération, 8 novembre 1980, n°2095, p.076 Libération, 10 novembre 1980, n°2096, p.077 BARRILLON (Raymond), Résurgences, Le Monde, 21 novembre 1980, n° 11 138, p.108 LHOMEAU(Jean-Yves), « Un entretien avec Monsieur Guy Bedos », Le Monde, 3 décembre 1980,n°11 148 p.1

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L’élection de 1981 aura donc des allures de « remake », « qu’est-ce qu’on joue audeuxième tour ? Mitterrand - Giscard. C’est con j’ai déjà vu le film »9 écrira Coluche.Mais « tous les observateurs s’accordent à penser » que « les présidentielles seront des"élections pour rien" »10 et que corollairement la « campagne s'annonce assez terne »11.On lira dans les colonnes du Monde que ce sont des élections « pour le principe,puisque "les jeux sont faits", que le président de la République sortant est, paraît-il assuréde sa réélection. »12, les journalistes de Charlie Hebdo qualifient même cette électiond’« escroquerie ». « Un loto dont le numéro gagnant serait connu d'avance serait bien uneescroquerie, non ? »13

9 COLUCHE, Libération, 23 décembre 1980, n°2133, p.810 NAJMAN (Maurice), « Coluche l’anti-candidat : "J’irai jusqu’au bout" », Libération, 31 octobre 1980, n°2088, p.1 et p.2411 « L'effet Coluche », Le Matin de Paris, 1er novembre 1980, n°1146, p.212 LHOMEAU (Jean-Yves), « Coluche ou la campagne imprévisible », Le Monde, 12 décembre 1980, n°11 156, p.1013 CAVANNA, « Qu’est-ce qu’il peut-il arrêter Coluche ? », Charlie Hebdo, 11 février 1981

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Face à cette élection qui s’annonce « courue d’avance », et particulièrement morne, unhomme a décidé de mettre son grain de sable, Coluche. Difficile de savoir comment l’idéede se présenter à cette élection est née, il y a débat. Cette campagne serait partie d’une idéede son ami, le cinéaste Romain Goupil, qui pensait ainsi contourner la censure dont Coluches’estimait victime après son renvoi de Radio Monte Carlo. L’idée pouvait se résumer ainsi,si Coluche est candidat il bénéficiera d’un temps d’antenne où il serait libre de dénoncerce qu’il entend sans risque de se faire renvoyer. Cette idée va être soigneusement distilléeà qui veut l’entendre pendant plusieurs mois. Ainsi, en mars 1980, on peut déjà lire dansles colonnes du Monde, « Je vais probablement me présenter aux élections présidentielles.Comme candidat nul, pour faire voter les non-votants. Mon argument principal sera ne pasêtre élu. »14 . Au fur et à mesure que l’on approche de l’annonce officielle, Coluche multipliece type de déclaration. « J'attends avec impatience les élections pestilentielles. Je souhaiteme présenter »15 déclarait-il dans les colonnes du même journal en octobre 1980 cette foisci.

Il n’aura pas attendu très longtemps, le 20 octobre 1980, le premier communiqué depresse annonce officiellement la candidature de l’humoriste et prévient qu’une conférencede presse sera tenue au Gymnase, dix jours plus tard.

Le rendez-vous est pris. Le 30 octobre toute la presse et toutes les télévisions serontprésentes. Coluche va tenir une vraie conférence de presse, certes plus drôle que celles desautres candidats mais qui fait tout de même passer un message : « Je m'adresse à ceux quiont voté à gauche pendant 30 ans pour rien. Car, malheureusement, elle n'a rien fait. Je faispartie de ceux qui ont mis pas mal d'espoir dans la gauche. Mais en arrêtant leur programmecommun, ils ont décidé de ne pas être élus. Je m'adresse aussi à ceux qui ont voté à droitependant 30 ans pour rien non plus. Vous en connaissez des promesses tenues ? ». 16 Ilajoutera, « Depuis trente ans, ils votent pour des gens compétents et intelligents qui lesprennent pour des imbéciles. Aujourd’hui je leur propose de voter " pour un imbécile ».« D’habitude, ils votent pour rien » : en choisissant Coluche, « ils voteraient " pour quelqu'unqui n'est rien " sinon un " abstentionniste professionnel " et qui, d'ailleurs, ne voudrait pasêtre élu et ne se présentera qu'au premier tour, les gens sérieux pouvant toujours, au secondtour, faire le choix qui comptera. » 17

C’est à cette candidature « du plus connu et du plus populaires des candidatsatypiques »18 que nous allons nous intéresser. Plusieurs ouvrages ont d’ores et déjà étéréalisés sur ce sujet, mémoires, thèse, biographies, ouvrages de témoins, documentaires,un film est même en projet pour le printemps prochain. Difficile dès lors de présenter unevision nouvelle de cet événement ? Rien n’est moins sûr. Beaucoup de ces ouvrages fontdes raccourcis, énoncent des idées préconçues sans jamais vraiment prouver quoi quece soit. C’est notamment le cas du traitement médiatique de cette candidature. Tous lesouvrages se réfèrent à la censure, aux journaux amis ou ennemis de Coluche mais aucunn’entre vraiment dans les détails. C’est à partir de ce constat que l’idée de travailler sur letraitement médiatique de la campagne de l’humoriste est née. Difficile de travailler sur lacensure, d’autant plus qu’elle touche surtout les radios et télévisions et que l’objectif de notre

14 FLEOUTER (Claude), « La politique me fait rire », Le Monde, 27 mars 1980, n°10936, p.1315 FLEOUTER (Claude), « « Je voudrais être candidat aux prochaines élections » », Le Monde, 4 octobre 1980, n°11 097, p. 27.16 NAJMAN (Maurice), « Coluche l’anti-candidat : « J’irai jusqu’au bout » », Libération, 31 octobre 1980, n°2088, p.1 et p.2417 LA BARDONNIE (Mathilde), « Coluche candidat : sérieux », Le Monde, 1er novembre 1980, n°11121, p.818 FULIGNI (Bruno), Votez fou !, Paris, Horay, 2007, p. 124

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travail était de travailler sur les mots. Alors c’est à l’autre idée reçue que nous allons nousattaquer. Qui sont les journaux amis et ennemis de Coluche ? Comment les reconnaître ?C’est autour de ces quelques questions qu’a commencé notre travail, puis il s’est affiné.Pour se centrer sur un seul sujet, les mots pour dire Coluche. Précisons. Les mots pourdire Coluche, c’est une formule qui englobe toutes les périphrases utilisées pour éviter derépéter à longueur d’article Coluche, Coluche, Coluche. Nous avons aussi pris en comptetoutes les personnes et événements passés auxquels Coluche pouvait être comparé, etenfin nous avons étudié les mots renvoyant à la campagne de l’humoriste.

La campagne de Coluche a généré un débat passionné. On adore, on déteste, maison peut difficilement être indifférent à cet événement. Tous les journaux ont donc, tôt outard donné leur position sur la campagne de l’humoriste. Notre travail a donc pour butd’analyser les mots qui permettent de mieux comprendre le positionnement des journaux.En fin de compte tous ces mots vont contribuer à construire l’identité des journaux, au sujetde Coluche en tout cas.

Le principe de démonstration impose une certaine rigueur scientifique, c’est pourquoinous allons réaliser cette étude en deux temps. D’abord nous nous évertuerons à présenterles éléments objectifs du traitement de la candidature de Coluche dans la presse pourensuite analyser le positionnement de chacun des journaux en montrant en quoi il estlié aux mots utilisés pour dire Coluche. Nous avons retenu pour cette analyse les titressuivants, nous expliquerons par la suite le pourquoi de ce choix : Charlie Hebdo, L’Humanité,Libération, Le Matin de Paris, Le Nouvel Observateur, Le Monde, L’Express, Le Point, LeFigaro et Minute. Nous avons récolté tous les articles se rapportant à la candidature deMichel Colucci et nous les avons analysés sous un axe quantitatif et qualitatif. Ainsi, aurisque de rendre ennuyeux ce qui ne l’était pas, nous allons présenter tout d’abord les motspour dire Coluche, en nous appuyant dans un premier temps sur l’acception quantitative duterme puis en présentant qualitativement ces mots, pour ensuite montrer en quoi ce sontd’excellents révélateurs du positionnement des journaux évoqués.

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I. Une étude quantitative des journaux montred’importantes disparités diachroniques dans letraitement de sa candidature dans la presse.

Dans ce premier temps de notre réflexion, nous allons nous intéresser à la quantité d’articlesparus à propos de la candidature de Michel Colucci dans la presse nationale. Nous avonsdécidé de séparer les journaux quotidiens des hebdomadaires. En effet, les premiers sontplus à même de réagir à l’actualité alors que les seconds réaliseront plutôt des étudesde fond de cet événement. Nous avons réuni cent cinquante et un articles de quotidienset trente cinq articles d’hebdomadaires. Pour être intégré au corpus, le sujet principal del’article devait être la candidature de l’humoriste ; nous n’avons pas retenu les articlesse contentant d’allusions, ce qui ne signifie pas pour autant que nous n’y ayons pasprêté attention. Nous commencerons par analyser la place réservée à la candidaturede Coluche dans la presse quotidienne, en montrant la grande disparité que l’on trouveentre les différents titres, pour ensuite montrer qu’il existait une plus grande hétérogénéitéquantitative au niveau de la presse hebdomadaire.

A. Une grande disparité quantitative au niveau des différentsquotidiens nationaux

Afin de reproduire au mieux la diversité qui existe au sein de la presse quotidienne nationalefrançaise, nous avons décidé de réunir tous les articles des quatre grands quotidiensnationaux, représentant tous plus ou moins un courant politique. Pour représenter le particommuniste, nous nous sommes penché sur L’Humanité, qui à l’époque en était l’organeofficiel. Libération couvre la gauche non-communiste, Le Figaro reflète l’opinion de ladroite gouvernementale alors que Le Monde se veut « journal de référence ». Jean-MichelVaguelsy19, m’a conseillé, lors d’un entretien, de me pencher sur le journal Le Matin de Parisqui faisait régulièrement écho à la candidature de son ami. Ce quotidien, proche du partisocialiste, a donc été ajouté aux quatre précédents.

Afin de montrer au mieux l’inégalité de traitement de cette candidature entre lesdifférents journaux que nous venons de citer, nous avons réalisé le graphique de la pageprécédente. Celui-ci représente le nombre de mots employés par chaque quotidien à proposde la campagne de Coluche. Seul le journal Le Monde est doté d’un index dans lequel sont

19 Jean-Michel VAGUELSY était un ami de Coluche, il a tenu auprès de lui différents postes notamment celui de « bureau politiqueambulant » pendant la campagne présidentielle de l’humoriste. Il est l’auteur de Coluche, roi de cœur, Paris, Plon, 2002.

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répertoriés tous les articles par thème et par année, ce qui garantit l’exhaustivité du corpusde ce journal. Les autres titres ne disposant pas d’index, la recherche a dû s’effectuer pagepar page, ce qui pourrait expliquer l’éventuel oubli d’un article.

Nous allons voir dans un premier temps que les différents quotidiens traitentmassivement de cette candidature (semaine 1 à 7), pour ensuite montrer que les articlesse raréfient.

a) L’encre coule à flot en début de campagne…

La campagne présidentielle de Coluche durera en tout et pour tout vingt-trois semaines,du 29 octobre 1980 au 5 avril 1981. Pourtant, plus de la moitié des cent cinquante et unarticles de notre corpus sont parus dans les sept premières semaines de cette campagne,c’est à dire avant le 21 décembre. Le graphique que nous avons réalisé prend en comptele nombre de mots, plutôt que le nombre d’articles, afin d’éviter la sur-représentationdes journaux utilisant fréquemment les brèves et afin de montrer au mieux les variationsquantitatives du traitement médiatique de la candidature de Coluche dans le temps.

La première chose qu’il convient de noter réside dans le fait que tous les journaux necommencent pas à traiter cette candidature au même moment. Si Libération, Le Mondeet Le Matin20 font paraître des articles dès la conférence de presse tenue par l’humoriste

20 Les journalistes du Matin de Paris, nomment eux-mêmes leur quotidien Le Matin, nous utiliserons donc fréquemment cetteappellation.

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au Théâtre du Gymnase, qui rappelons-le a eu lieu le 30 octobre 1980, il faudra attendrele 18 novembre pour lire quelques lignes à ce sujet dans Le Figaro et le lendemain dansL’Humanité. Une grande disparité est cependant à noter entre les trois journaux citésprécédemment : Libération fera paraître six articles au cours de ces trois semaines, alorsque Le Monde n’en écrira que deux et Le Matin, un. Lors de ces trois premières semaines,les journaux analysent principalement les raisons de cette candidature ainsi que le soutiende Gérard Nicoud. Ce dernier, alors secrétaire général du CID-UNATI, annonce, lors de sondiscours de passation à son successeur Pierre Forestier, que son syndicat apportera sonsoutien à la candidature de l’humoriste. Le CID-UNATI est le syndicat représentant les petitscommerçants et artisans, il se veut apolitique mais reste souvent associé au poujadisme,ce mouvement politique et syndical qui revendiquait la défense des commerçants et desartisans et condamnait l'inefficacité du parlementarisme tel qu'il était pratiqué sous laQuatrième République.

La quatrième semaine est donc marquée par l’entrée en scène de l’ensemble desjournaux. On note que L’Humanité fait une entrée discrète avec un seul article de deux centsmots. Libération et Le Figaro se retrouvent au même niveau ; notons tout de même que lepremier a écrit quatre brefs articles, alors que le second écrit un long article afin de donnersa position sur la candidature de Coluche. Cette quatrième semaine est marquée par lesoutien d’intellectuels, ce qui sera à l’origine de très nombreux articles. Pour la première fois,ce n’est pas Libération, mais Le Matin qui traite quantitativement le plus de cette campagnedu « candidat-nul ». Le Monde, fera paraître quasi quotidiennement un article traitant decette candidature. En l’espace d’une semaine, ce quotidien écrira neuf articles pour un totalde plus de trois mille mots.

Le soutien des intellectuels se traduit par une pétition parue dans Les nouvelleslittéraires21 du 13 novembre 1980. Cette pétition sera retranscrite en intégralité dansLibération22 et on en retrouvera des extraits ou un commentaire dans tous les quotidiens,

21 Les nouvelles littéraires, 13 novembre 1980, n°2762, p.422 « Coluche aussi a ses intellectuels pétitionnaires », Libération, 19 novembre 1980, n°2104, p.8

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excepté Le Figaro. L’initiative revient à Felix Guattari, psychanalyste, auteur avec GillesDeleuze de L’anti-Œdipe – Capitalisme et schizophrénie, 1972. Il a vu en Coluche lapossibilité de critiquer la fonction de Président de la République ; il réunira autour d’unepétition des intellectuels de gauche que Jean-Michel Vaguelsy qualifie d’« intellectuelssoixante-huitards moins à la mode au début des années 80. »23 Selon lui, ces intellectuels« de gauche, ou plutôt d’extrême gauche » retrouvent dans le souffle libertaire de Coluchedes « traces de leurs théories », ils sont aussi « sensibles à son appel aux minorités, àla façon dont il pointe une démocratie verrouillée (…) ». On retrouve ainsi Gilles Deleuze,Jean-Pierre Faye, Jean Chesneaux, ainsi que Pierre Bourdieu, mais aussi des magistrats,souvent issus du syndicat de la magistrature, qui ont pour objectif de dénoncer les articles16 et 49-3 de la Constitution, la loi « sécurité et liberté » ainsi que la loi du 18 juin1976, portant à cinq cents le nombre de signatures d’élus nécessaire pour pouvoir seprésenter au premier tour de l’élection présidentielle. Coluche gardera toujours une certainedistance avec l’engagement de ces intellectuels. Lors de la réunion organisée au Procope,l’humoriste se retirera au moment où les propos trop sérieux se sont mis à pleuvoir (« Il fautaller au Larzac », « il faut créer un parti »…). Quand André Bercoff a demandé à Coluchece qu’il pensait des intellectuels qui avaient signé pour lui, l’humoriste a répondu : « qu’ilssont malades. »24

Alors que la campagne bat son plein, un événement va lui faire prendre une tournurebeaucoup plus tragique. Le 26 novembre 1980, le corps de René Gorlin - régisseur lumièrede l’humoriste - est retrouvé sur un chantier. En une semaine, dix-huit articles, pesantun quart des mots écrits au sujet de Coluche pendant sa campagne, vont être publiés.Même si tous les articles ne traitent pas de cet événement, tous les journaux en ferontpart, à l’exception de L’Humanité. Cet événement va peser fortement sur le moral ducandidat. Certains sous-entendent même que ce crime pourrait être lié à sa candidature,nous reviendrons en toute fin de notre réflexion sur les importantes différences de traitementqu’a connu cet événement. Journée noire dans une campagne censée être loufoque. Maiscette cinquième semaine de campagne est en fait - avant tout - l’occasion pour les journauxde donner leur position sur cette candidature. Le Matin de Paris réservera deux joursconsécutifs une double page à ce phénomène, une pour présenter la candidature, l’autrepour ouvrir un débat au sein de sa rédaction. Le Monde commente abondamment les autresjournaux, alors que Libération fera paraître onze articles (pour un total de huit mille mots)en l’espace d’une semaine. Libération laissera aussi une place très importante aux fans deColuche dans ces colonnes « courriers des lecteurs ».

Le traitement massif de la candidature du comique dans la presse s’achèvera à lafin de la septième semaine, soit à la mi-décembre. En effet, il faudra attendre la 21èmesemaine et le retrait de la candidature de Coluche pour retrouver plus de cinq mille motsécrits au sujet de l’humoriste, tous journaux confondus. Cette semaine située entre le 1eret le 7 décembre est marquée par l’apparition du premier sondage prenant en compte lapossibilité de voir l’humoriste présent au premier tour de l’élection présidentielle de 1981. Ilparaît le 2 décembre dans les colonnes du Quotidien de Paris. Le résultat va surprendre laFrance entière, Coluche est crédité de 10 à 12,5% d’intentions de vote. En fait, il récolterait10% des suffrages si Michel Debré se présentait, et 12,5% si ce dernier renonçait à sacandidature. Bien sûr, ce n’est qu’un sondage, bien sûr on remarque que le nombre de non-réponses diminue lorsque l’option Coluche est proposée, bien sûr il est impossible de savoircombien de personnes ont répondu Coluche dans le simple but de tourner en dérision le

23 VAGUELSY (Jean-Michel), Coluche, roi de cœur, Paris, Plon, 2002, p.38-3924 BERCOFF (André), « Ma journée avec Coluche », Elle, 5 janvier 1981, n°1586

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sondage, en un mot il n’est bien sûr pas possible de savoir combien de réponses Coluchese transformeraient en vote Coluche si l’humoriste se présentait au premier tour, mais, cesondage va faire couler beaucoup d’encre. Tous les journaux le commenteront tôt ou tard,même si Le Figaro et L’Humanité n’écrivent pas une ligne à ce propos dans un premiertemps.

Cette même semaine Coluche recevra une lettre de menace signée « d’honneur dela police », groupe clandestin d’extrême droite qui a notamment revendiqué l’assassinatde Pierre Goldman. Il sera aussi abondamment question de censure, puisque l’émissionà laquelle le « candidat-nul » devait participer sur Radio 7 sera décommandée. Les troisjournaux les plus prolixes sur la candidature de Coluche feront état de ces deux événements,Le Figaro, quant à lui ne traitera que le premier.

On trouvera dans Le canard enchaîné25, une formule amusante reprenant ces deuxévénements de la campagne de l’humoriste, « Coluche censuré et menacé, pour bienenfoncer le clown ».

b)… puis se raréfie.Nous reviendrons en seconde partie sur le débat autour de l’éventuelle censure qu’auraitsubi Coluche, il est toutefois important de noter que Coluche ne réapparaîtra pas en direct àla télévision après l’émission de Guy Lux sur TF1 le 10 décembre 198026. Le 10 décembreest aussi une date charnière en ce qui concerne la presse écrite. Comme on le voit surle graphique ci-dessous, après cette date, le nombre d’articles parus dans Le Figaro etL’Humanité est quasi-nul, les parutions diminuent également drastiquement du côté duMonde et du Matin, seul Libération maintient sa publication à un niveau sensiblementsimilaire alors que ce quotidien cessera sa parution le 2 février 1981. Coluche fera pourtantpreuve d’imagination pour attirer les médias à lui. Nous verrons les divers événements créesde toutes pièces qui vont d’une conférence à Polytechnique au geste le plus désespéré quesera sa grève de la faim.

25 Le canard enchaîné, 3 décembre 1980, n°3136, p.826 VAGUELSY (Jean-Michel), op. cit., p.56

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Mais tout d’abord, commençons par rappeler que Coluche est présent dans la pressenationale à travers de multiples sondages. Ils sont souvent commandés par la pressehebdomadaire, comme nous verrons par la suite, et commentés dans les quotidiens. Cesujet représente un volume

d’une vingtaine d’articles répartis équitablement entre la presse quotidienne et la pressehebdomadaire. Le Figaro et L’Humanité ne commenteront jamais ces sondages, à l’opposé,le Matin consacrera quatre articles à ce sujet, trois pour Libération, deux pour Le Monde.Résumons en quelques lignes la fulgurante ascension de Coluche dans les sondages. Toutcommence au milieu du mois de novembre. Un bruit circule dans « les milieux autorisés »que l’humoriste pourrait être crédité de 10% des intentions de vote dans un sondage testde la SOFRES27. Le bruit a dû arriver jusque dans les couloirs du Nouvel Observateur quidécide à l’occasion de son numéro consacré à « La France de Coluche » de sonder seslecteurs, 27% d’entre eux se déclarent disposés à voter pour Coluche28. Le Monde écrit unebrève sur le sujet29. L’inquiétude commence à se faire sentir dans le milieu politique. BernardPons, président du Rassemblement Pour la République déclarera d’ailleurs le lendemaindans les colonnes de Libération qu’« un sondage sur Coluche n’a aucune significationpolitique »30. Le mouvement est lancé, on ne fera plus marche arrière, l’Express utilise unsondage par panel sur lequel on reviendra plus tard, cet hebdomadaire en retire que 42%de son panel est indifférent à la candidature de l’humoriste. Puis sort le premier « vrai »sondage, nous en parlions auparavant, il est paru le 2 décembre 1980 dans les colonnesdu Quotidien de Paris, il crédite Coluche de 10 à 12,5% des intentions de vote. Les articles

27 ROLAND-LEVY (Fabien), «Les sondeurs vont devoir pêcher le Coluche », Libération,15 novembre 1980, n°2101, p.828 « Pour ou contre Coluche », Le Nouvel Observateur, 17 novembre 1980, n°836, p. 5229 « Coluche à la « une » du Nouvel observateur », Le Monde, 16 novembre 1980, n°11 134, p. 530 « Pons… », Libération, 17 novembre 1980, n°2102, p.6

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pleuvent à ce sujet, Libération titre « un sondage qui fait du bruit »31. Guattari commentepour le compte du Nouvel Observateur les résultats qui selon cet hebdomadaire mettent finà « la bande des quatre ». Le soufflé n’aura pas le temps de retomber que déjà le Journaldu Dimanche fait paraître un second sondage. Les résultats de celui-ci ont souvent été malinterprétés. On a généralement dit que Coluche était à ce moment là à 16% des intentionsde vote. Ce n’est pas tout à fait exact, il n’était pas demandé aux gens s’ils allaient voterpour Coluche, mais s’ils avaient envie de voter pour lui. Les 16% retenus, sont en fait lapart des gens qui a répondu qu’ils avaient tout à fait envie de voter pour l’humoriste. Ilfaut noter que seuls 36,6% des sondés ont répondu qu’ils n’avaient pas du tout envie devoter pour le comique. Le Matin et Libération, commentent tous deux abondamment cesondage, Le Monde, à l’instar des autres quotidiens nationaux n’en dira rien. Alors queL’Express et Le Point continueront à faire paraître Coluche dans leur sondage jusqu’au24 janvier pour le premier (dernier sondage présentant Coluche à 5,5% des intentions devote) et jusqu’au 16 février pour le second (dernier sondage présentant Coluche à 6,5%des intentions de vote), dans la presse quotidienne nationale seul Le Matin continuera àanalyser ces enquêtes d’opinions. Le Figaro commande des sondages mais sans inclurela possibilité de la présence de Coluche au premier tour. Le Matin traite tout d’abord d’uneenquête SOFRES montrant que 49% des sondés trouvent Coluche sympathique alors que20% seulement approuvent sa candidature. Ce quotidien publiera le 8 janvier un dernierarticle intitulé « le cas Coluche » expliquant à quel point il est difficile de mesurer l’impactdu « candidat-nul ».

Avant d’en venir aux événements crées par le candidat pour animer sa campagne,nous allons faire un nouveau bref détour par le sujet de la censure. Ce n’est pas ici le lieupour s’interroger sur l’existence – ou non – de cette censure. Mais il faut tout de mêmenoter que dix-sept articles sont parus à ce sujet dans les articles sélectionnés parmi les cinqquotidiens retenus. Ces articles se répartissent de la manière suivante : six articles dans LeMonde, six dans Libération et cinq dans Le Matin. Ces articles reviennent essentiellementsur la censure d’une partie de l’émission de fin d’année de Stéphane Collaro où l’on voyaitColuche animer son premier « conseil des sinistres ».

Pour passer outre la censure, le candidat Coluche va multiplier les événements. Toutd’abord il y aura la conférence à Polytechnique. Valéry Giscard d’Estaing devait se rendredans cette prestigieuse école, mais il a finalement dû se décommander. L’idée d’inviterColuche pour le remplacer est imputable à un élève de l’école aspirant à devenir présidentdu bureau des élèves. En effet, deux listes s’opposent pour l’élection du BDE de l’écolePolytechnique, la campagne fait rage, alors pour marquer, l’une des listes décide d’inviter le« candidat-nul ». La conférence est un vrai succès, Coluche marquera des points dès sonentrée grâce à cette formule reprise dans les journaux : « Giscard devait venir aujourd'hui,dès qu'il ne peut pas, il m'envoie à sa place. ». Le public se prend au jeu, même sur lesblagues antimilitaristes. Aucune radio, aucune télévision n’est présente. Cependant, quatrearticles paraîtront dans la presse, 80 mots pour celui de L’Humanité, 177 mots dans LeMatin de Paris, 639 mots pour l’article du Monde ; la palme de l’article le plus fourni revientà Libération et ses 859 mots.

Un peu moins d’un mois plus tard, pour marquer la rancœur de Coluche vis à vis dela presse française, l’humoriste donnera la primeur d’une information à la presse anglo-américaine, il a obtenu les cinq cents signatures. A vrai dire, il en aurait même 632. Il s’estfait très discret tout au long de sa campagne sur son nombre de signatures, il affirmait quec’était pour que les maires ayant promis la leur ne soient pas soumis à des pressions. Il ne

31 « Un sondage qui fait du bruit… », Libération, 3 décembre 1980, n°2091, p.9

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montre pas ces 632 signatures mais affirme que « la preuve sera faite si besoin est. [Il] lesmontrera à un journaliste dont le journal a été correct avec [lui]. »32 Cet événement ne faitréagir que trois quotidiens, Libération lui accorde une « une » et un long article alors queLe Monde n’écrit que 313 mots à ce sujet, Le Matin 149.

Avant que Coluche ne mette fin à sa campagne on peut noter un dernier élément. Ilva tenter de fédérer les petits candidats. Cet acte de campagne se divise en deux parties,il fera tout d’abord un appel à la fédération des petits candidats dans les colonnes deLibération le 19 janvier 198133, déclaration reprise le lendemain dans une brève du Monde.Puis dans un second temps, Coluche organisera une conférence de presse avec d’autrespetits candidats. Cette conférence de presse a lieu le 3 mars 1981. Entre temps, le titreLibération s’est mis en sommeil pour quelques temps. Au départ il s’agissait de cesser laparution de ce quotidien pour quelques jours, finalement ceci s’est transformé en plusieursmois puisque le journal a cessé de paraître du 2 février au 13 mai 1981. Le but de cettecessation temporaire d’activité était de reparaître sous le même nom mais avec une nouvelleformule pour permettre au journal de survivre à la grave crise financière qu’il traversait.Privée de son journal le plus prolixe, la candidature de Coluche se replie sur Le Monde etLe Matin qui feront tous deux paraître un article sur cette fédération des petits candidats, lepremier y consacrera trois cents mots, le second plus du double.

Quelques jours plus tard Le Figaro sortira de son mutisme et fera paraître une brève de79 mots sur la convocation de Coluche au Quai des orfèvres pour avoir fait la u« une » dunuméro de décembre 1980 d’Hara-Kiri en portant ostensiblement une fausse médaille dela légion d’honneur. Le Matin reprendra cette information sur une brève d’une centaine demots. Aucun autre journal ne commentera. Cet événement sera peut-être l’événement detrop. On sait que Coluche commence à souffrir de cette campagne d’autant plus, que soncouple bat de l’aile. Il n’en fallait pas plus pour qu’il renonce.

32 UZTARROZ (Ricardo), « Coluche : « j’ai déjà 632 promesses de signatures » », Libération, 10 février 1981, p.833 NAJMAN (Maurice), « Coluche aux « petits » : « faisons bloc » », Libération, 19 janvier 1981, n°2154, p.8

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« Moi, mon pote, à la première menace, j'arrête tout. »34 déclarait Coluche en octobre1980 à son ami Cavanna. Il aura mis longtemps après les premières menaces pourannoncer qu’il se retirait. C’est un télégramme laconique qui annonce son intention d’arrêter,il est signé des mains de son producteur Paul Lederman, le 15 mars 1981. Le lendemainparaît un nouveau quotidien Charlie Matin, qui s’annonce être un journal né pour lutter contre« la bêtise de la presse » et concocté par l’équipe de Charlie Hebdo. Ce quotidien va faireparaître un article signé par Coluche et expliquant pourquoi il n’est plus candidat.

« Je ne suis plus candidat. J’ai voulu remuer la merde politique dans laquelle onest, je n'en supporte plus l'odeur. J'ai voulu m'amuser et amuser les autres dansune période d'une très grande tristesse et d'un grand sérieux. C'est le sérieuxqui vient de gagner. Eh bien, tant pis. Des gens seront déçus. Je le suis aussi.Je suis déçu de mes droits civiques. J'arrête parce que je ne peux pas aller plusloin. » 35

Coluche conclura cet article par ces termes « Messieurs les hommes politiques de métier,j’avais mis le nez dans le trou de votre cul, je ne vois pas l’intérêt de l’y laisser. Amusez-vous bien mais sans moi. ».

Le Figaro va faire paraître le même jour une brève de 37 mots annonçant le retrait de lacandidature de Coluche tandis que Le Matin consacrera une « une » et un article de plus desix cents mots à cet événement. Le format du Monde - qui paraît à Paris en fin d’après-midi -contraindra ce quotidien à faire paraître son article, de plus de mille cinq cent mots à ce sujet,le lendemain. Paradoxe amusant, au moment où Le Monde annonce donc « Coluche n’estplus candidat », Coluche tient une conférence de presse pour annoncer que sa candidaturerepart et que tout ceci n’était qu’un canular pour faire revenir les médias à lui. Résultat,le jour où Le Monde fait paraître cet article, Le Matin de Paris titre en une « Coluche nerenonce plus ». Le Monde et Le Figaro reprendront la plume le lendemain, le premier pourun article de trois cents mots intitulé « Coluche fait croire qu’il est encore candidat » et lesecond pour un article qui ne citera pas le nom de l’humoriste mais qui pourtant s’y réfèreimplicitement derrière le sujet « présidentielles, pourquoi cinq cents signatures ». Le Figarone fera plus allusion à Coluche durant cette élection présidentielle.

A l’issue de la conférence de presse où le « candidat-nul » annonce qu’il n’a pas renoncéà sa candidature, il fait un repas copieux. Repas qui sera officiellement le dernier jusqu’àce que les émissions politiques de référence que sont le « club de la presse » et « cartesur table » lui soit accordées. Seul Le Matin de Paris suit cette grève de la faim publianttrois articles dont une interview à ce sujet. Tandis que Le Monde ouvrira ces colonnes àColuche pour qu’il donne son opinion sur la société française, dans un article plagiant letitre du l’ouvrage que Valéry Giscard vient alors de faire paraître, « L’état de la France ».

Afin de mettre un terme dignement à cette candidature, Paul Lederman, fait hospitaliserColuche, ce sera le dernier événement d’une campagne aux rebondissements pas toujoursmaîtrisés.

34 CAVANNA, « Coluche président », Charlie Hebdo, 29 octobre 1980, n°520, p.335 COLUCHE, « J’arrête », Charlie matin, 16 mars 1981, n°1, p.1et p.3

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Maintenant que nous venons de retracer la candidature de Coluche à travers laquantité d’articles parus dans la presse quotidienne, nous allons nous pencher sur la pressehebdomadaire, certes moins fournie quantitativement mais tout aussi intéressante car trèsencline à des prises de positions plus tranchées. Mais avant ceci, nous voudrions noterque Libération a consacré pendant cette période cinq « unes » au sujet de la campagne del’humoriste, Le Matin quatre, Le Monde deux, L’Humanité et Le Figaro une seule.

B. Une plus grande uniformité au niveau des hebdomadairesAfin de présenter au mieux le traitement quantitatif nous avons réalisé un graphique similaireà celui des quotidiens présentant les quatre titres retenus.

Comme pour les quotidiens nous avons essayé de représenter au mieux la diversitépolitique au travers des différents titres. L’hebdomadaire choisi pour refléter au mieuxla gauche non-communiste est Le Nouvel Observateur. L’Express se revendique neutre,il est pourtant à travers ces articles qualifiable de journal du « centre-droit », Le Pointsemble être un peu plus à droite. L’analyse réservée au dernier journal – Minute - serapartielle et superficielle du fait de sa singularité. Si ce journal fait parti de notre corpus, c’estuniquement parce qu’un de ses articles a été repris régulièrement et parce que Colucheavait beaucoup souffert de la campagne de diffamation que cette publication avait lancécontre lui. Nous n’analyserons pas davantage ce titre qui tiendra des propos racistes àl’encontre de Coluche. Outre ces journaux, nous avons bien sûr analysé Charlie Hebdo,l’organe de presse officiel de la campagne de l’humoriste et Le Canard Enchaîné, mais leurformat satirique original ne permet pas la comparaison quantitative, c’est pourquoi noustraiterons ces journaux à part.

a) Un démarrage plus lent de la campagne…Nous venons de présenter une chronologie de la campagne en deux parties. Nousallons garder cette division même si nous nous attacherons à montrer qu’elle est en faitmoins cohérente en ce qui concerne les hebdomadaires. Nous verrons donc dans ce

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premier temps le comportement des hebdomadaires sur les sept premières semaines de lacampagne pour ensuite traiter les semaines suivantes.

Un constat s’impose immédiatement : la campagne de Coluche ne commence pas aumême moment dans les hebdomadaires et dans les quotidiens. Personne n’en fait étatavant la quatrième semaine. Etrangement, alors que les hebdomadaires n’en avaient pasparlé auparavant, c’est au cours de la quatrième semaine qu’ils seront les plus prolixes ausujet de la candidature de Coluche. Il faut dire qu’au cours de cette semaine du 17 au 23novembre 1980, Le Nouvel Observateur va faire la « une » sur ce sujet. Une « une » vendueà grand coup de renfort de publicité. Une « une » annoncée par la presse, autrement ditune « une » qui devient à elle seule un événement.

Nous verrons ci-dessous que les publicités ont été diverses et variées, elles sont alléesjusqu’à prendre place en « une » du Matin de Paris. Publicités tellement présentes queLe Monde a réalisé une brève consacrée à cette « une » du Nouvel Observateur. Il fautdire qu’il y avait à cela plusieurs raisons. Tout d’abord, comme nous le signalions, aucunhebdomadaire ne s’était penché sur cette candidature auparavant. Notons, ensuite, que cenuméro du 17 novembre aurait dû consacrer sa « une » à François Mitterrand. En effet,quand Michel Rocard s’était déclaré candidat à la candidature, la couverture du NouvelObservateur lui était allouée. Or, quelques jours avant la sortie de ce numéro,

François Mitterrand annonçait à son tour sa volonté d’être le candidat du PartiSocialiste. Jean Daniel, alors rédacteur en chef du Nouvel Observateur, n’a jamais cachéque cet hebdomadaire souhaitait à travers cette « une » sur Coluche montrer sa préférencepour M. Rocard.

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Notons que ce numéro est aussi – et surtout – une réussite commerciale. La publicitéa fonctionné, le numéro s’est écoulé très rapidement. Selon Jean-Michel Vaguelsy36,l’hebdomadaire aurait augmenté de 65% ses ventes sur ce numéro. Trois articles font enfait état de la candidature de Coluche. Le premier est l’éditorial de Jean Daniel, intitulé « deColuche à Peyreffite ». C’est un long éditorial de deux pages partagé entre la candidaturede Coluche et l’attaque du Garde des sceaux contre Le Monde qui jetterait du discréditsur la justice dans ses colonnes. Par cet éditorial, Jean Daniel entend donner la positionde ce journal sur le « candidat-nul ». Un article entier sera par la suite entièrement réaliséà cet effet. Cet article intitulé « La France de Coluche » fait état de l’avancement de lacandidature de Coluche. Il présente l’accueil réalisé par les partis politiques à la candidaturede Coluche, le déroulement de la campagne de l’humoriste, ses soutiens, ses projets. Enfin,le dernier article est en fait un « sondage-minute ». 500 lecteurs parisiens du journal ont étéinterrogés par téléphone. Autant dire que le sondage n’est absolument en rien représentatif.Aucune répartition par âge, ni par sexe. On sait que les lecteurs de cet hebdomadaire sontmajoritairement socialistes, il n’y a donc aucune répartition par appartenance politique, onnote de plus que tous les électeurs sondés sont originaires de la capitale, il n’y a doncpas plus de répartition géographique. Difficile de donner du crédit à ce sondage, toutefoiscomme nous le disions auparavant, ce sondage a généré beaucoup d’émules et pour cause,en voici les résultats :

La candidature de Coluche vous est-elle…sympathique ? ………………………………………………………48 %antipathique ?……………………………………………………….10 %indifférente ?……………………………………………………….. 42 %Voterez-vous Coluche au premier tour ?Oui :……………………………………………………………………...27 %Non :……………………………………………………………………..73 %

36 VAGUELSY (Jean-Michel), op.cit., p.43

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Le numéro du 17 novembre sera un tel succès, que Le Nouvel Observateur va avoirdu mal à s’en détacher. Dans les numéros suivants, l’hebdomadaire devra publier unarticle sur « les retombées » de son dossier au sujet de « La France de Coluche ». Lasemaine suivante, c’est le courrier des lecteurs qui reviendra abondamment sur ce numéroévénement. Il faudra en fait attendre le 8 décembre pour qu’il aborde un nouveau sujet :« Que faire de Coluche ? ».

On voit sur le graphique qu’un autre hebdomadaire démarrera le traitement de lacampagne de l’humoriste en même temps que Le Nouvel Observateur, il s’agit de L’Express.Bien que ce magazine ne réalise pas la « une » sur le sujet, ce magazine fait aussi une entrée« en fanfare ». Deux articles, un sondage, pour un total de trois mille six cent quarante-cinq mots (contre quatre mille trois cent un pour Le Nouvel Observateur). L’article le pluslong est intitulé : « L’effet Coluche », c’est dans celui ci que l’on retrouve aussi un pseudo-sondage. Celui-ci est encore moins représentatif que celui du Nouvel Observateur. En effet,il s’agit d’un sondage par panel. Un panel représentatif de la société française car leurstémoins « ont été sélectionnés de manière à représenter, dans les proportions exactesde la réalité française, les sexes, les classes d'âge, les catégories socio-professionnelles,les sympathies partisanes... » 37 . Mais un panel, de seulement deux cents cinquantepersonnes, ce qui ne peut pas vraiment être analysé en soi. Ce type de sondage sert en faituniquement à interroger plusieurs fois le même panel sur des sujets similaires mais dans untemps différents. Il permet quand les réponses sont nettes de mettre en relief des tendances.Il sera pourtant analysé dans les colonnes de cet hebdomadaire comme n’importe quelsondage « valable ». Les résultats sont indiqués ci-dessus.

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Après ce numéro, L’Express n’écrira plus une ligne au sujet de Coluche jusqu’à cequ’il consacre un numéro spécial à sa candidature. Ce numéro intitulé « La vraie nature deColuche » paraîtra au cours de la neuvième semaine nous y reviendrons donc en détailsultérieurement.

Le Point et Minute apparaissent pour la première fois dans notre graphique au cours dela cinquième semaine. C’est aussi en cela que la couverture du Nouvel Observateur est unévénement. C’est, en effet, en partie parce que cet hebdomadaire a sorti son numéro spécialque ses confrères ont réagi. Il faut aussi noter que cette cinquième semaine correspondà la période la plus prolixe dans la presse écrite. On peut donc aussi tout naturellementconsidérer que si ces deux hebdomadaires viennent à leur tour à traiter la candidaturede l’humoriste, c’est tout simplement parce qu’à cette période, c’est un événement dont ilfaut parler. C’est d’ailleurs la conclusion de l’article publié par le Point : « On peut aimerou détester leur numéro, on peut aimer ou, redouter ce qu'ils annoncent, on ne peut pasles ignorer. » Dans cet article André Chambraud établit un parallèle entre Coluche etMarie-France Garaud, il traite essentiellement du pourquoi de cette candidature. Le secondarticle paru, « le candidat de la coulisse », traite davantage du spectacle de Coluche auGymnase que de politique. A partir de ce numéro, il y aura presque toujours une place pourColuche dans les colonnes du Point et ce jusqu’à la dix-septième semaine. Pendant lessemaines six et sept, on peut toutefois noter que les articles parus sont un peu à contrecourant. Cet hebdomadaire fait paraître un article traitant de la mort de René Gorlin et desautres ennuis de Coluche37 et un autre sur les précédents candidats comiques à l’électionprésidentielle38. Pendant ce temps là, Le Nouvel Observateur se demande « que faire deColuche ?» et Minute commence sa campagne de diffamation contre l’humoriste, narrant unévénement qui se serait passé dans les locaux de la P.J.. On sait que Coluche s’est énervéau moment où un policier lui a demandé, alors qu’il s’était déjà plié au protocole quelquesjours auparavant, de décliner son identité. Mais dans Minute cette scène tourne au pugilat,

37 REVERIER (Jean-Loup), « Les embarras de Coluche », Le Point, 8 décembre 1980, n° 429, p.57-5838 JEANNENEY (Jean-Noël), « Un clown chasse l’autre », Le Point, 1er décembre 1980, n°428, p.50-51

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nous reviendrons en seconde partie sur cet événement. Dans un article intitulé, « docteurAlthusser et Mister Coluche », ce « journal » établit un parallèle entre les deux hommes.Coluche serait selon ce journal le penseur de la gauche pendant qu’Althusser est mis auban de la société dans un asile pour avoir étranglé sa femme (« Althusser trop fort » seserait-elle exclamée39).

Outre ces titres notons que la campagne bat son plein dans les colonnes de CharlieHebdo. On en retrouve quelques présences dans Le Canard Enchaîné mais cela reste faibleet éparse. Cet hebdomadaire satirique ne fera en fait paraître qu’un seul article que nouscitions en introduction. Article qui affirmait que si Coluche fait de la politique c’est parceque la politique est devenue un « show permanent ». Au delà de cet article, Le Canard faitparaître quelques brèves et essentiellement des caricatures, on aura l’occasion d’en trouverquelques reproduction dans ce mémoire, toutes les autres sont disponibles sur le CD-ROMd’annexes.

Si le Parti Communiste peut compter sur L’Humanité pour battre campagne, il ne faitaucun doute que Coluche aussi avait un fidèle allié. Charlie Hebdo était l’organe officiel du« parti coluchien ». Dès le 22 octobre 1980, Charlie fait sa « une » sur le candidat Coluche.La semaine suivante, cet hebdomadaire fait paraître « l’appel historique », appel que nousreproduisions auparavant, mais aussi une longue interview du « président Coluche ». Puis,la semaine d’après, l’hebdomadaire satirique publie un article et la liste des 151 soutiens àla candidature de Coluche. Mercredi 12 novembre, l’équipe de Charlie fait paraître un appelaux élus, avec ce slogan : « signez ou je pète », Siné se penche sur la candidature deson ami, et Coluche commence à remplir la page des « couvertures auxquelles vous avezéchappées ». Les slogans et idées les plus loufoques vont fleurir dans ce journal, ainsi dansle numéro suivant, on apprend que les stations de métro votent Coluche (« avec Coluche,davantage de changement »), tout comme les autruches, ou le fils du Général de Gaulle,parce que Coluche lui « rappelle son papa ». C’est à la date du 26 novembre que commencela parution de « Coluche hebdo ». Une double page (parfois plus) consacrée à Colucheet à ses supporters. Ceci n’empêche pas pour autant que le reste du journal traite de « lacandidature du gros ». Le supplément « Coluche hebdo » paraîtra chaque semaine, sansfaute, jusqu’au 4 mars 1981 (inclus). A noter qu’en plus d’avoir de nombreuses « unes »,la dernière page de Charlie sera consacrée à la candidature de Coluche chaque semainejusqu’à la fin du mois de janvier.

Après un démarrage un peu plus lent de la campagne dans les colonnes deshebdomadaires, l’événement a rapidement pris de l’ampleur dans celles-ci, nous allons voirque par la suite, il va s’essouffler tout aussi vite.

b)… et une quasi-absence des hebdomadaires en fin de campagneNous affirmions que les hebdomadaires réagissent moins aux faits d’actualité lors de cettecampagne. Ceci est tout à fait visible sur le graphique. Après la sixième semaine, oùtous les hebdomadaires ont réalisé un article sur Coluche excepté L’Express, on ne verrajamais plus de deux hebdomadaires faire paraître un article au sujet de Coluche dans lamême semaine. Bien sûr quand nous parlons d’absence des hebdomadaires nous ne nousréférons pas à Charlie Hebdo, qui sera fidèle jusqu’au bout de l’opération de l’humoriste.L’hebdomadaire satirique lui réservera toujours toute une série de caricature, et quelquesarticles. Cette absence est par contre valable pour quasiment tous les hebdomadaires. Acompter de la quatorzième semaine, il n’y aura que Le Point qui consacrera deux micros

39 Denis Barbet, cours de vie politique française et contemporaine, dispensé en première année à l’IEP de Lyon.

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- articles à l’humoriste. Notons d’ailleurs tout de suite que parmi ces deux articles un seultraite directement de la candidature (il s’agit du sondage dont nous parlions auparavant),l’autre traite du spectacle de Coluche. Cet hebdomadaire abordera la campagne de Coluchesoit à travers des sondages soit en le mettant en parallèle avec sa vie de comédien, c’estnotamment le cas dans l’article paru le 22 décembre, « Coluche : "Y s'marre, le mec !" ».L’article de la semaine 12, qui correspond au 19 février est en fait un long commentaire d’unsondage IFOP dont une mince partie est consacrée à Coluche.

L’événement dans la presse hebdomadaire de la seconde partie de cette élection c’estbien sûr le dossier réalisé par L’Express sur la « vraie nature de Coluche ». La « une », etquatre articles lui seront consacrés, on comprend tout de suite mieux pourquoi L’Expressne parlait plus de Coluche depuis quatre semaines. Un travail considérable a été réalisépour en venir à ce résultat. Un article réservé à « la vraie nature de Coluche », cet article estbasé sur une question des plus simples, Coluche.« est-il bon, est-il méchant ? ». Un premierarticle analyse ses faits et gestes en tant qu’homme. Un second est consacré à établir unparallèle entre Coluche et Poujade, nous n’allons pas trop nous attarder sur ce point, nousavons déjà établi un bref aperçu de qui était Poujade lorsque nous parlions du CID-UNATIet nous allons, par la suite, lui consacrer une place plus importante. Cet article intitulé un« avatar du poujadisme », va jusqu’à mettre en place deux photos parallèles (voir CD-ROM)de Coluche et de Poujade, pour en montrer les similitudes. Enfin, les deux derniers articless’interrogent sur la place de Coluche dans les sondages et sur la façon dont Coluche traiteles journalistes.

L’article sur la vraie nature de Coluche va donner des idées à un journaliste de Minute,déjà auteur d’un article sévère qualifiant l’humoriste de « salopard en salopette »40, celanceur de brûlot va faire paraître une photo anthropométrique de l’humoriste. Cette photoest issue d’un fichier de police de 1963 faisant état d’un vol d’un millier de franc environ chezun commerçant de Dinanrd. On sait que Coluche a très mal vécu cette attaque. Interrogé àce sujet, Jean-Michel Vaguelsy nous a répondu que cet article était « une catastrophe. Çasignifiait que les autorités étaient prêtes à tout pour mettre fin à la candidature de Coluche.Les journalistes ne pouvaient pas avoir cette information, elle venait donc des flics. »41. Unfichier comme celui-ci est, en effet, censé demeurer confidentiel.

Après avoir quasiment disparu du graphique, Le Nouvel Observateur fait une nouvellepercée à la fin de celui-ci. Cette fois-ci l’hebdomadaire ne s’intéresse plus à ce qu’il doit fairede Coluche, mais à la censure qui lui a été infligée. Notons que Le Nouvel Observateur estle seul hebdomadaire avec Charlie Hebdo à aborder ce thème de la censure.

Pour finir sur cet aspect quantitatif quelque peu technique et difficile à présenter, nousallons faire une synthèse de ce que nous avons venons d’expliquer en enlevant le côtédiachronique afin que l’on voie bien la plus grande uniformité des hebdomadaires que nousannoncions en introduction.

40 BRIGNEAU (François), « Celui par qui Coluche est arrivé », Minute, 17 décembre 1980, n° 975, p.7-841 Interview de Jean-Michel Vaguelsy, 13 Juillet 2007.

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A travers ces deux graphiques nous voyons très nettement que l’uniformité detraitement quantitatif de la candidature de Coluche est une réalité beaucoup plus marquéedu côté des hebdomadaires que du côté des quotidiens. On voit bien que trois grandquotidiens se partagent la quasi-totalité des articles publiés sur Coluche dans la pressequotidienne nationale. Du point de vue de la presse hebdomadaire, si on exclut le journalMinute, les trois autres titres sont quasiment à égalité, il n’y a que Le Nouvel Observateurqui fait paraître un peu plus d’articles sur la candidature de l’humoriste.

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Ce dernier graphique pour mettre en relief l’intégralité du nombre de mots utilisé parjournal au sujet de la candidature de Coluche. Ce schéma confirme une fois de plus lagrande uniformité des hebdomadaires, d’un point de vue quantitatif, puisqu’ils sont tousregroupés en milieu de tableau, derrière les trois quotidiens les plus prolixes mais devantles deux quotidiens qui traitent peu de cette candidature. Notons tout de même qu’il ya une grande différence quantitative entre les quotidiens et les hebdomadaires. PuisqueLe Monde, qui est le quotidien le moins prolixe parmi les journaux qui traitent le plus dela candidature de l’humoriste, fera publier deux fois plus de mots que L’Express, qui estpourtant l’hebdomadaire qui fera paraître le plus grand nombre de mots à ce sujet.

Nous venons de présenter une vision quantitative des mots écrits au sujet de lacampagne présidentielle du candidat Coluche, nous retiendrons les grandes disparitésapparentes entre les différents titres de la presse quotidienne nationale. Nous allonsmaintenant, nous pencher sur les mots en eux-mêmes, en examinant ceux qui sont motsutilisés pour désigner Coluche et sa campagne.

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II. Les mots pour dire Coluche : entre music-hall etpolitique.

Nous l’annoncions auparavant, afin de présenter au mieux le panel des mots utiliséspour désigner la campagne de Michel Colucci, nous allons séparer ces mots selon qu’ilsdésignent l’humoriste ou sa campagne. Nous verrons par conséquent, les images et termespolitiques – ou non – pour désigner cet événement après avoir étudié les mots pourprésenter le candidat en lui-même.

A.Coluche, candidat ou homme de spectacle ?A travers ce premier temps de notre analyse des mots consacrés par la presse à lacandidature du fantaisiste, nous allons montrer que les journalistes sont plus enclinsà utiliser des termes issus de la comédie, que des termes politiques. Pour cela nousprésenterons tout d’abord les mots politiques qui désignent l’humoriste en campagne, pourensuite constater que des termes issus du music-hall sont parfois employés.

Notons, avant de débuter cette présentation, que Coluche est parfois présenté sousson nom de naissance, Michel Colucci. Ce nom est surtout utilisé par Le Monde (14occurrences), les autres journaux s’y rapporteront essentiellement lorsque Coluche auraaffaire à la police. Enfin, un journal – Minute – utilise à dix reprises « Colucci » pour désignerl’humoriste, mais ce terme est exclu de notre analyse puisqu’il est utilisé dans le seul butde tenir des propos racistes et xénophobes (« Colucci, Lederman,(…), la France est biendevenue le pays de l'étranger »42).

a) Un champ lexical politique assez pauvre…Nous avions prévu de relever tous les termes généralement utilisés pour désigner lesacteurs politiques mais ici utilisés pour qualifier Coluche. Acteur politique entendu dansson acception la plus large, c’est-à-dire toute personne ayant participé de près ou de loinaux affaires de la cité. En définitive, il n’y a guère que le mot « candidat » qui apparaisserégulièrement, on trouvera aussi les termes « bouffon », « citoyen » et « dénonciateur ».

Le terme « bouffon », qui désigne historiquement le personnage grotesque attaché à unseigneur qu’il devait divertir par ses facéties, est utilisé quinze fois dans ce corpus. Colucheest comparé à un « bouffon » à sept reprises dans les colonnes du Matin. Le Point, LeNouvel Observateur, et Le Monde utiliseront deux fois chacun cette image, elle n’apparaîtqu’une fois dans Le Figaro et L’Express. Outre le mot « candidat », nous citions deux motsliés à la politique et utilisés pour qualifier « le candidat nul ». Le terme « révélateur » estissu des colonnes du Monde qui voit aussi en lui, un « dénonciateur ». Nous verrons plusloin dans ce paragraphe dans quel contexte Le Figaro a utilisé le mot « citoyen ».

Le mot « candidat » apparaît à cent douze reprises dans notre corpus. Le graphiqueci-dessous présente les journaux utilisant le plus fréquemment ce terme. Un journal sedémarque nettement. Libération utilise en effet 46 fois le terme « candidat » au cours descinquante deux articles que nous avons retenu. Le Monde et Le Matin utilisent égalementrégulièrement ce terme. Du point de vue des hebdomadaires, ce sont surtout L’Express

42 BRIGNEAU (François), « Celui par qui Coluche est arrivé », op.cit.

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et Le Point qui emploient cette formule. Le Nouvel Observateur, Le Figaro et L’Humanité,quant à eux, semblent éviter de désigner Coluche en tant que « candidat ».

L’utilisation du terme candidat

Le terme « candidat » est très rarement utilisé seul, il est souvent composé avec desadjectifs, d’autres noms ou simplement un complément. C’est sur ceux-ci que nous allonsnous pencher à présent.

Dans un article du Monde annonçant sa possible candidature, Coluche s’était déclaré« candidat nul »43, il a lors de sa première conférence de presse réitéré cette image, eny ajoutant l’idée de candidat des minorités et des abstentionnistes44. Pas surprenant doncque l’on retrouve ces termes dans nos articles. Le terme « candidat-nul » est surtout utilisépar Libération (25 occurrences) mais on le retrouve aussi à quatre reprises dans Le Matinde Paris, deux fois dans Le Nouvel Observateur, une fois dans L’Express et dans Le Monde.

43 FLEOUTER (Claude), « La politique me fait rire », Le Monde, 27 Mars 1980, n°10936, p.1344 NAJMAN (Maurice), « J'irai jusqu'au bout! », Libération, 31 octobre 1980, n°2088, p.24

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L’expression « candidat des minorités » est présente dans Libération textuellement, et dansLe Matin de Paris à travers l’expression « candidat des chevelus, des pédés, etc. ». Cemême journal utilisera pour désigner l’humoriste, le terme « candidat des abstentionnistes ».

Au delà de ces expressions, les journalistes vont rivaliser d’imagination. Une expressionest, cependant, commune à de nombreux journaux, celle de « candidat de la dérision ».Seuls le Le Figaro, L’Humanité, et Le Nouvel Observateur, n’utiliseront pas ce terme.Rappelons que par définition, la dérision est une moquerie méprisante.

Chaque journal va par la suite utiliser des expressions qui lui sont propres. Le Mondeutilisera pendant la campagne quatre autres expressions basées sur le mot candidat. Lequotidien de référence gratifiera Coluche de mots situés entre « candidat potentiel » et« candidat scatologique », en passant par candidat « valable » et à deux reprises « candidatColucci».

Le Figaro va inventer un concept, celui du « candidat Nyaqua ». Difficile d’en donnerune définition. Selon ce journal, Coluche et Marchais sont les représentants de ce concept. Ilsemblerait que ce soit des candidats qui proposent à tout problème des solutions irréalistessur le modèle célèbre du « y’a qu’à », « faut qu’on ». En effet, Le Figaro conclue l’articleen question45par ces mots : « il s'agit de prendre les Français pour ce qu'ils ne sont pas. ».Enfin, les journalistes de ce quotidien utilisent aussi l’expression de « candidat pour soi »,en stipulant que Coluche est un « citoyen dont le renom n’a pas dépassé le music-hall. »46

Nous montrions auparavant que L’Humanité était peu prolixe au sujet de la campagnede Coluche. Ce quotidien ne publiera dans ces articles consacrés à l’humoriste qu’un seulterme basé sur le mot candidat – « candidat du populo ». Ce mot proviendrait d’une citationde Coluche puisque le journaliste l’utilise en le mettant entre guillemets.

Libération, quant à lui utilise des superlatifs tels que « le plus contesté des candidats »,ou « le plus populaire des candidats ». Ce quotidien qualifie aussi Michel Colucci de« candidat haut-parleur » et de « candidat douloureux ». Dans la même mouvance que« candidat-nul », Libération utilise enfin le terme « anti-candidat ».

Les hebdomadaires ne sont pas en reste. On trouve du côté du Point, des expressionstelles que « candidat surprise » ou « surprenant candidat », alors que de son côté L’Expressse fonde sur des formules comme candidature « iconoclaste » ou « aspirant candidat ».Enfin, notons que Le Nouvel Observateur, n’utilisera, outre le terme que nous citionsauparavant, qu’une autre expression reprenant le terme de candidat, celle de « candidatà la candidature ».

Même si les mots diffèrent, nous avons aussi mis en évidence des thèmes communs àplusieurs journaux. Ainsi, nous remarquons que certains journaux définissent Coluche parses électeurs. Selon Libération, Coluche serait le candidat des « électeurs déçus », alors quepour Le Point, Coluche est le candidat de « la gauche brisée », des « déçus du giscardisme »et des « frustrés ». Avant d’en venir au registre du music-hall, nous remarquons que certainsjournaux montrent Coluche comme une synthèse d’un candidat et d’un comique ou d’uncomédien. Ainsi pour Le Monde, Coluche est un candidat « rigolo » voire « hilarant ». Pour LeMatin, Coluche est un « comédien-candidat », terme que l’on retrouve dans les colonnes duPoint. L’Express préfère, quant à lui, qualifier Coluche de « pitre-candidat » ou de « candidat-canular ».

45 ASMODEE, « Nyaqua », Le Figaro, 26 novembre 1980, n° 11268, p.746 BERGHEAUD (Edmond), « Quand nous serons cent », Le Figaro, 18 novembre 1980, n°11261, p.5

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b)… complété par une inventivité dans le domaine de la comédie.Nous avons relevé environ cent cinquante termes désignant Coluche et appartenant aumonde de la comédie. Il est moins aisé d’en sortir des grandes catégories comme on a pu lefaire pour les termes politiques. Toutefois on note des termes qui se répètent et se retrouventdans plusieurs journaux. C’est avant tout le cas du mot « clown » et du mot « fantaisiste ».Ces deux mots semblent être plus ou moins des vases communiquants. Plus on utilise lemot « clown », moins on utilise le mot « fantaisiste ». On ne peut pas pour autant en conclureque l’un serait le succédané de l’autre. De plus, on montrera que Le Matin de Paris utiliseautant l’un que l’autre. Mais avant d’analyser, détaillons.

Le mot « clown » est utilisé à vingt-trois reprises, le mot « fantaisiste » dix-neuf fois, ilsse répartissent de la manière suivante :

Comme nous le signalions auparavant, on remarque bien qu’à part Le Matin, lesjournaux utilisent soit l’un soit l’autre. Afin d’avancer un peu dans notre réflexion nous allonstenter de donner une définition de ces termes. Le trésor de la langue française définit clowncomme : un « artiste de cirque au costume et au maquillage extravagants qui emploie ses

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talents à faire rire les spectateurs au moyen de pitreries diverses, fondées principalementsur la parodie et la dérision. ». Son synonyme serait « pitre ». Le mot pitre est lui aussiutilisé pour désigner Coluche, il est utilisé une fois dans Le Monde et à deux reprises dansLibération. En se fiant toujours au trésor de la langue française, on apprend que le motfantaisiste est polysémique, son sens premier serait : « Artiste, écrivain qui donne libre coursdans ses œuvres à ses facultés imaginatives sans se soucier des règles formelles », parextension on apprend qu’il signifie aussi personne « originale, qui manque de sérieux »ou « personne qui se singularise par son esprit imaginatif et un comportement imprévuet amusant. ». Enfin, il existe aussi une utilisation propre au domaine du spectacle, lemot fantaisiste s’applique alors aux « artistes de variétés se produisant dans un numérocomique ». Difficile de savoir dans quel sens les différents journaux l’emploient. On peutnéanmoins affirmer que tous les sens conviennent à Coluche.

Au delà de ces mots c’est la diversité qui l’emporte. Notons tout de même que quelquesthèmes se dégagent. Tout d’abord, nous avons pu relever onze périphrases vestimentairesqui tournent généralement autour de la salopette. Libération et Le Point sont les plus friandsde ces synecdoques. On relève en effet trois occurrences de « salopette » dans chacun deces journaux. On en trouvera, en outre, deux dans Le Monde et deux dans Le Matin, uneseule dans l’Express. Cette référence à la salopette est en fait surtout utiliser dans les longsarticles afin d’éviter les répétions. Notons que « la salopette de Coluche est devenue commela défroque de Charlot, un symbole. C’est elle qui figure sans le bonhomme à l’intérieur, surla première affiche et sur la pochette du premier disque »47

Le second thème isolé regroupe neuf expressions, toutes plus ou moins similaires,toutes reliées autour d’un mot, le mot « professionnel ». Neuf expressions regroupentl’idée de « comique professionnel » par opposition à professionnel de la politique. Cesont les termes qui montrent Coluche comme un corps étranger à la politique. Ce thèmeest particulièrement développé par Arnaud Mercier pour qui Coluche est le « bouffon quia franchit le Rubicon »48. On retrouve trois de ces expressions dans Le Figaro, deuxoccurrences dans L’Express et Le Nouvel Observateur, une dans Le Monde et Libération.

Ensuite on note que le mot « gêneur » et assimilés, apparaît relativement souvent, troisfois dans les colonnes du Point notamment, Le Matin l’utilisera à son tour à deux repriseset ajoutera à cette image de gêneur, celle du chien et de la boule dans un jeu de quille.

Coluche est aussi régulièrement vu comme une vedette médiatisée. L’idée d’hommede médias apparaît surtout dans Libération et dans Charlie Hebdo, on en trouvera aussiune occurrence dans Le Nouvel Observateur. Quant au mot « vedette », il apparaît dans denombreux journaux mais jamais plus d’une fois, seul Libération l’utilise à deux reprises.

Par la suite tous les mots que nous avons relevés ne sont que très rarement cités.Ils réfèrent tous plus ou moins au domaine du music-hall. Au milieu du mois de novembre1980, le Centre d’Informations Civiques (CIC) avait, par la voix de son dirigeant M. Barbé,condamné profondément la candidature de l’humoriste. Il utilisait ces termes : « C'estl'importance de l'élection qui rend dérisoire et attristante la candidature de Coluche. Il fauty voir, indépendamment de l'opération publicitaire, une manifestation du goût à la foisdestructeur et ordurier que nourrit, en un coin caché de son inconscient, une fraction —quelle en est l'importance ? — du peuple tenu pour le plus spirituel du monde. Il est vraique, vers 1900, le pétomane attirait les foules... ». Deux journaux reprendront ce terme de

47 Coluche c’est l’histoire d’un mec, Paris, Stock, 1986, p.2648 Mercier Arnaud, « Quand le bouffon franchit le Rubicon : la candidature de Coluche à la présidentielle de 1981 », Hermès,

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« pétomane » pour désigner Coluche, il s’agit du Monde et du Matin de Paris. Les motsapparaissant le plus souvent, sont par la suite, « artiste », « amuseur », « chansonnier »et « comique ». Le premier est surtout visible dans les colonnes du Monde, du Matin et duPoint, le second se retrouve plutôt dans Le Nouvel Observateur bien qu’on puisse aussi lerencontrer dans les colonnes du Figaro et de L’Express. Le mot chansonnier - qui désignaitjadis celui qui composait les chansons et qui a acquis avec le temps la connotation d’« artistequi chante ou dit des couplets satiriques ou humoristiques de sa composition dans lescabarets, les cafés, un caveau.» (Le Trésor de la Langue Française)- est utilisé à deuxreprises par Le Matin et Le Point ; L’Express, Le Nouvel Observateur et Le Figaro n’en ferontqu’une allusion chacun. Pour finir, le mot comique est lui surtout présent dans Le Monde etLe Matin mais Libération l’utilisera aussi une fois mais pas dans un sens antonyme d’hommepolitique. Notons que Le Point et Le Monde se sont laissés tenter par le terme saltimbanque.Terme qui désigne un « comédien ou marchand ambulant dont la profession est d'amuser lafoule dans les foires ou sur les places publiques, avec des acrobaties, des tours d'adresseou de force, ou grâce à des boniments. » (le Trésor de la langue française). Remarquonspour finir, que L’Express utilise beaucoup d’expressions qu’il est le seul à employer, comme« zozo », « symptôme » ou « expert en chienlit », Le Point est aussi le seul hebdomadaireà parler de Coluche comme d’une « fantastique bête de scène ». Seul Le Figaro rivaliseavec la créativité de L’Express en lâchant une expression telle que « fossoyeur du music-hall » ou « manipulateur d’excrément ».

Après avoir fait un aperçu des mots utilisés par les journalistes pour dire Coluche, nousallons nous pencher sur les termes employés pour traiter sa candidature.

B. La candidature de Coluche, entre farce et acte politique.Afin de présenter le plus précisément tous ces termes, nous les avons répartis à nouveauen deux catégories, les termes politiques et ceux qui relèvent plutôt du music-hall.

a) Le poujadisme et les autres images politiques.L’intérêt du travail journalistique consiste notamment à mettre en parallèle un événementactuel avec un événement passé. On considère souvent que pour mieux comprendre unévénement actuel il faut le mettre en relation avec un autre. On recense une soixantained’images politiques utilisées pour comparer la candidature de l’humoriste avec desévénements passés ou imaginaires. La référence la plus récurrente est le poujadisme(quarante-quatre occurrences), nous allons donc tout naturellement nous pencher sur cetteimage avant d’analyser les autres.

On remarque que ce rapprochement entre Coluche et le poujadisme n’est passeulement le fait des journalistes ; on peut notamment mentionner les propos suivants :

« Coluche détruit, au second degré, le Poujade qui sommeille dans chaque Français »J.-P. Faye, écrivain et signataire de l’appel des intellectuels à la candidature de Coluche.

« La candidature de Coluche est un exutoire pour le P.C. et le P.S. Cela ressemble àun poujadisme de gauche » Jean Lecanuet – que Coluche appelle « le benêt »49, présidentde l’U.D.F. de 1978 à 1988.

Le 29 Octobre 1980 – date de la première conférence de presse de Coluche entant que candidat – Charlie-Hebdo fait paraître une longue interview, intitulée « Coluche

49 Issu du sketch « en politique on est ‘achement balèzes », 1979

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président »50. C’est dans cet entretien que la première référence au poujadisme apparaît.Cavanna demande à Coluche s’il n’a pas peur d’être taxé de poujadiste dans sa démarche,Coluche répondra alors qu’il ignore la signification de ce terme. Cavanna, lui expliqueraavec ces mots : « C'est ceux qui pensent comme Poujade, le bistrot qui partait en guerrecontre l'impôt, contre la politique, contre l'Etat, et qui a regroupé autour le lui un paquet depetits commerçants aigris et de vieux fachos. »

Au delà de cette définition subjective, nous pouvons noter que le poujadisme étaitavant tout une rébellion sectorielle puisant dans le répertoire de la contestation contreles « gros », le fisc, les notables et le rejet des intellectuels au nom du « bon sens »et des « petites gens ». Il s’est érigé autour de l'union de défense des commerçants etartisans (UDCA), syndicat crée en 1953, qui avait pour but de lutter contre la concurrencede plus en plus puissante de la grande distribution. Le phénomène, rapidement étendu àla France entière, entrera dans le champ politique avec l’apparition d’un parti, l’UFF (Unionet Fraternité Française) qui obtiendra 52 députés aux législatives du 2 janvier 1956. Parmices députés, on compte essentiellement des petits commerçants (bouchers, boulangers,épiciers, libraires…), mais aussi un certain Jean-Marie Le Pen. Les revendications deces députés étaient la suppression des contrôles fiscaux pour les petits artisans, ladéfense des petits commerçants, ils ont aussi affirmé leur hostilité au traité de Romeet prôné le maintien de l’Algérie française. Ce mouvement s’essoufflera rapidement etdisparaîtra quasi-entièrement avec l’avènement de la Cinquième République. Depuis,utiliser le terme « poujadisme » revient généralement à taxer une personne ou un événementd’attitude démagogique en faveur des petits commerçants vis-à-vis des puissants, d'anti-parlementarisme, de corporatisme, ou de populisme. Il s’applique souvent aux personnessouhaitant outrepasser le clivage droite-gauche qui domine la politique française, lutte chèreà Pierre Poujade qui clamait « sortez les sortants ».

Nous verrons dans une seconde partie dans quelle acception Coluche a été comparéà Pierre Poujade, mais intéressons-nous pour l’instant à la répartition par journaux decette image. Le schéma ci-dessous montre quels journaux utilisent le plus fréquemment lacomparaison entre le papetier et l’humoriste.

50 CAVANNA, « Coluche président », Charlie Hebdo, 29 octobre 1980, n°520, p.3

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Titre 1. Les mots pour dire Coluche dans la presse nationale

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On remarque immédiatement que près de la moitié des occurrences revient àl’hebdomadaire L’Express. Ceci est lié au fait que ce magazine consacrera, comme nousle montrions auparavant, un article entier comparant Coluche à Poujade. On voit quela comparaison de Coluche à Poujade est avant tout une préoccupation des journauxhebdomadaires, nous comprendrons en seconde partie pourquoi. Trois quarts des allusionsau papetier du Lot proviennent en effet de ces derniers. Le seul quotidien à se démarquer estLe Matin, huit articles font en effet référence au poujadisme. Cette allusion au poujadismeprend une telle ampleur que Dominique Jamet a réalisé le 4 décembre pour Le Quotidiende Paris une interview de Pierre Poujade. Ce dernier déclarait d’ailleurs à cette occasion,« Ca n’a rien à voir : le ras de marré [sic] que j’ai provoqué avait des origines profondes etle phénomène Coluche n’est que le signe de la dégradation de notre démocratie. »

Notons qu’outre les dix-neuf occurrences dans L’Express, cet hebdomadaire est le seulà avoir comparé Coluche au boulangisme. Le boulangisme est, rappelons-le, un mouvementpolitique français de la fin du XIXe siècle (1886-1891) qui constitua une menace pourla Troisième République. Son nom est dérivé de celui du général Georges Boulangerqui fédéra dans un premier temps des républicains et des monarchistes autour d’un butcommun, renverser la République. Plus tard, il aura le soutien de la gauche et de l'extrême-gauche qui voient en lui un général républicain qui a rendu le service militaire obligatoirepour les ecclésiastiques, expulsé les princes d’Orléans de l’armée et amélioré les conditionsde vie du soldat. On comparait parfois le poujadisme au boulangisme parce que ce dernieravait utilisé des thèmes populaires pour accéder au pouvoir, à savoir l’espoir d’une revanchecontre l’Allemagne et l’espoir d’une politique sociale.

Les autres images politiques sont beaucoup plus marginales, la plupart est en faitutilisée dans un seul article. Il n’y a qu’une seule comparaison que l’on trouve dans quatre

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La candidature de Coluche dans la presse, quand les mots dessinent l’identité des journaux.

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journaux différents, celle de Coluche au roi Ubu. Ubu roi est une pièce de théâtre d'AlfredJarry qui appartient au cycle Ubu, cycle qui marqua le théâtre de la fin du XIXème. Le roiUbu est connu pour être à la fois le roi et son bouffon, c’est un personnage lourd et grasà tous les sens de ces termes.

Dans un article du Monde51, Coluche s’était lui même comparé à Groucho Marx quis’était présenté contre le général Eisenhower. Il ne s’est jamais comparé à Poujade, Ubu,ni même à aucune des autres images politiques utilisées dans les journaux. On peutpourtant noter que tous les titres ont rivalisé d’imagination. De nombreux journaux ontcomparé la candidature de Coluche à celle de Marie-France Garaud, candidate gaullistedissidente. Tous deux ont en effet lancé leur campagne très tôt, au moment où les principauxcandidats à l’élection présidentielle n’étaient, justement, pas encore candidats. Seuls LeMatin, Le Monde et Le Point comparent directement ces deux candidats. Les deux derniersconsacreront d’ailleurs chacun un article entier52 illustré. Le Point illustrera le sien de cemontage photo.

Jean-Pierre Faye, compare Coluche au Père Duchesne53, journal révolutionnaire connupour sa grivoiserie. Aucun journaliste ne reprendra cette métaphore. On trouvera enrevanche des allusions à l’extrême droite, un article du Matin54compare même Coluche àHitler : « On a déjà vu, dans l'histoire contemporaine, des politiciens s'intéresser de trèsprès aux juifs, aux pédés, aux clodos, etc. C'était en Allemagne, dans les années trente. ».Ce même journal avait auparavant fait un parallèle avec les ligueurs fascistes55. Tout audébut de notre réflexion nous montrions que Le Matin de Paris avait ouvert ses colonnes àun débat au sein de la rédaction, ce qui explique que le même journal fera aussi un parallèleavec les brigades rouges56, et même le général de Gaulle57.

On peut enfin noter les rares parallèles effectués avec les précédentes candidaturesfantaisistes. Le Point sera le seul hebdomadaire à écrire un article sur les prédécesseursde Coluche, s’appuyant sur les candidatures de « Captain Cap », candidat anti-bureaucrate

51 FLEOUTER (Claude), « La politique me fait rire », Le Monde, 27 mars 1980, n°10936, p.1352 CHAMBRAUD (André), « Cassandre et le saltimbanque », Le Point, 24 novembre 1980, n°427, p.44 et BOURSEILLER

(Antoine), « Marie-France et Coluche », Le Monde, 13 mars 1981, n°11 234, p.253 FAYE (Jean-Pierre), « du « Père Duchesne » à « Arturo Ui » », Le Matin de Paris, 22 novembre 1980, n°1164, p.1554 BAUBY (Jean-Dominique), « La chaussette », Le Matin de Paris, 24 novembre 1980, n°1165, p.1655 « Coluche bouffon ? Oui mais après ?… », Le Matin de Paris, 22 novembre 1980, n°1164, p.14-1556 BLANCHARD (Charles), « C'est Baader », Le Matin de Paris, 24 novembre 1980, n°1165, p.1657 « Coluche bouffon ? Oui mais après ?… », op. cit.

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et anti-européen à l’élection législatives de 1893 ; Ferdinand Lop, que Bruno Fuligni58

considère comme le maître des candidats fantaisistes et qui déclarait vouloir « l’extinctiondu paupérisme après vingt-et-une heures » dès sa première candidature aux législatives de1932 ; et Pierre Dac fondateur du MOU (Mouvement Ondulatoire Unifié). L’hebdomadaireconclura que Coluche pourrait être une synthèse entre Cap et Poujade59. Le Point avaitd’ailleurs déjà fait une allusion à Pierre Dac60. Enfin, on peut noter qu’à l’instar de Jean-PierreFaye, Le Point comparera Coluche à Pantagruel, l’anti-héros rabelaisien par excellence.Dans le même registre, L’Humanité61 se référera au premier candidat « loufoque »,Rodolphe Salis, et Libération qualifiera Coluche de candidat rhinocéros en référence aumouvement Rhino constitué après l’élection, dans les années cinquante, du rhinocérosCacerno à la mairie de Sao Polo.

Remarquons, pour finir, que Le Nouvel Observateur compare la candidature de Colucheà l’élection du cheval de l’empereur Caligula au Sénat (1er siècle avant notre ère).

Maintenant que nous avons présenté les images politiques qui qualifient l’humoriste,nous allons nous pencher sur les autres termes utilisés par les journalistes pour définir cettecampagne.

b) Evénement comique ou phénomène politique ?Les termes utilisés pour définir cette campagne varient beaucoup selon les journaux. Deuxexpressions reviennent très fréquemment pour exprimer la même idée, celle que cettecandidature a pris une grande ampleur. Comme disait Coluche lors de sa conférence àPolytechnique, « ma campagne a pris de l’ampleur, vive l’ampleur ». Ces deux expressionssont « effet Coluche » et « phénomène Coluche ». Elles apparaissent respectivement seizeet dix-neuf fois dans les colonnes des journaux, elles se répartissent comme le montre legraphique ci-dessous

58 FULIGNI (Bruno), Votez fou !, op.cit., p.9759 JEANNENEY (Jean-Noël), « Un clown chasse l’autre », Le Point, 1er décembre 1980, n°428, p.50-5160 DE MONTVALON (Dominique), « Coluche, le candidat de la coulisse », Le Point, 24 novembre 1980, n°427, p.4661 WURMSER (André), « De Salis en Coluche », L’Humanité, 16 décembre 1980, p.1

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Ces expressions sont très en vogue dans Libération et dans Le Matin. Le premier ayantune légère préférence pour « phénomène Coluche », le second pour « effet Coluche ». Onvoit que les autres hebdomadaires on plus ou moins de préférence. L’Express et Le Pointsont diamétralement opposés, ils utilisent tous deux, deux fois l’une, une fois l’autre, maisLe Point préfère parler d’« effet Coluche» quand l’Express, à l’instar du Nouvel Observateur,privilégie l’expression « phénomène ». Pour compléter ces expressions notons que Le Matinde Paris emploie aussi les termes d’«opération Coluche » et d’«affaire Coluche ».

Outre ses expressions, un mot désignant la campagne de Coluche apparaît à unedizaine de reprises dans différents quotidiens. Il s’agit du mot « irruption ». Ce mot estprésent cinq fois dans L’Express, une fois dans Le Figaro. On le retrouve à deux reprisesdans les colonnes du Matin et une fois dans Le Point.

Difficile par la suite de trouver des similitudes dans les termes employés, si l’on exceptele mot « coluchiste » et « coluchien » que l’on retrouve régulièrement, tous les autrestermes qui qualifient la campagne de Coluche semblent propres à chaque journal, voire àchaque article. Le terme « coluchisme » apparaît à quatre reprises dans les colonnes deL’Express, on le retrouve aussi dans Le Matin de Paris. En ce qui concerne les deux motsque nous citions auparavant, on peut noter que le mot « coluchiste » semble plus enclinà être utilisé par Le Nouvel Observateur et L’Express, alors que « coluchien » correspondmieux à Libération et au Point. Une fois encore c’est L’Express qui se démarque avec desexpressions originales, utilisant la périphrase « farce qui devient sérieuse » pour parler dela campagne, mais aussi le terme « guignolade ». Notons que le terme de farce et de gagrevient à deux reprises dans les colonnes de Libération pour parler de cet « événementpolitique français » qui est « l'un des plus formidables phénomènes politiques de ces

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dernières années » 62 . Ce même journal utilise aussi les expressions « acte nul » et « énigmepolitique » pour qualifier la campagne de l’humoriste. Charlie emploiera ce terme qui mérited’être cité tant il est différent de ce qu’on est habitué de lire, l’hebdomadaire satirique parled’« heureux événement politique ». Pour finir, on note que trois journaux s’accordent pourqualifier la candidature de Coluche d’événement publicitaire, il s’agit du Monde, du Matinainsi que du Point ; Le Matin s’accordera aussi avec Le Nouvel Observateur pour qualifiercet événement de « degré zéro du politique » comme le disait Coluche lui même.

Nous pouvons considérer que nous venons de présenter l’essentiel des mots pour direColuche. Toutefois, nous pensons que même avec une lecture très attentive, il n’est pasfacile d’ingérer toutes les informations que nous venons de fournir. C’est pourquoi nousallons conclure cette partie par un résumé, une fois de plus autour de statistiques, qui nouspermettra de regrouper les journaux par catégorie, et surtout de donner un aperçu globalde tout ce que nous venons d’expliquer.

62 JULY (Serge), « Coluche : Le candidat pas sérieux du tout devenu l’événement politique français », Libération, 2 janvier1981, n°2138, p.22

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Avant de passer à l’étape suivante de notre réflexion nous allons commenter ce tableauqui est riche en informations, puisqu’il résume tout ce que nous venons de démontrer. Lecheminement de notre raisonnement nous a beaucoup amené à commenter ce tableauhorizontalement. On a vu pour chacun de ces mots combien de fois chaque journall’employait. Grâce à ce tableau nous pouvons passer à une interprétation verticale. Notonstout d’abord qu’afin de faciliter la lecture nous avons utilisé le code couleur suivant :

On note dès lors que L’Humanité et Le Figaro sont bien les journaux qui ont pris le moinspart au débat. Leur poids total est respectivement de 0,8% et de 3,6%, ce qui ne représentequ’une très faible part de notre corpus. Il sera cependant très intéressant de les interpréteren tant que tels. Puis viennent, Le Nouvel Observateur et Le Point, tous deux ont une partrelativement faible dans le débat nous l’avions déjà vu, nous notons en outre, grâce à cetableau, qu’ils améliorent tous deux leur part relative lorsqu’il s’agit du domaine du music-hall. Ceci est particulièrement vrai pour Le Point qui confirme ainsi avoir surtout traité de lacandidature de Coluche au travers des mots de la comédie. L’Express confirme qu’il est unjournal à part. Il tient une place moyenne dans le total du corpus et pourtant il arrive à êtreen tête dans l’utilisation de deux types de données, celle concernant le poujadisme et celletournant autour de Coluche comme corps étranger à la politique. Utiliser les différencesentre la part relative occupée par un journal dans le corpus et la part relative qu’il occupedans une catégorie permet de mettre en lumière beaucoup d’autres informations. En gardantle journal L’Express comme référence, on note que ce magazine d’information utilise plus determes politiques que la moyenne, mais utilise pourtant beaucoup moins le terme candidatqu’il ne « devrait » le faire.

Les trois derniers quotidiens, que l’on avait montré être les plus prolixes sont aussiintéressants à analyser. Libération est le quotidien le plus tranché. Le quotidien dessuperlatifs. Celui qui traite le plus la candidature de Coluche, qui utilise le plus les termespolitiques et corollairement le moins les termes liés au show-business, il est aussi parmiceux qui font le moins référence au poujadisme. Le Monde est plus contrasté, il correspondà une part importante du corpus et pourtant n’utilise pas vraiment une quantité importante demots politiques ni de mots liés au music-hall. Pour finir, nous noterons que Le Matin marquesa présence dans quasiment tous les domaines utilisant finalement des mots provenantd’un peu toutes les catégories.

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Titre 2. Les mots du corpus révèlent le positionnement des journaux quant à la campagne deColuche

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Titre 2. Les mots du corpus révèlent lepositionnement des journaux quant à lacampagne de Coluche

Tous les mots que nous venons d’analyser sont porteurs de sens. Maintenant que nous lesavons présentés, nous allons montrer qu’ils vont jusqu’à définir l’identité des journaux. Eneffet, le débat à propos de la candidature de Coluche va être mu de toutes les passions. Tousles journaux vont devoir prendre une position. Nous aurons l’occasion de voir que certainsjournaux auront une position très tranchée, d’autres ouvriront un véritable débat entrecoluchard et anti-coluchard, certains enfin auront des prises de position plus modérées.Pour présenter au mieux ces prises de position, nous verrons tout d’abord dans quellemesure les mots que nous avons listés - ceux qui désignent Coluche et sa campagne - nousrévèlent la prise de position des journaux, pour ensuite montrer que d’autres mots utilisésdans ce corpus mais dans des thèmes ou des contextes plus précis nous indiquent à leurtour, ce que pensent les journaux de la campagne de l’humoriste.

I. Les mots analysés mettent en relief la prise deposition des journaux

Comme nous venons de le signaler nous allons tout d’abord nous intéresser aux mots quenous avons décortiqués dans la partie précédente. Ces mots sont de profonds révélateursdu positionnement, surtout ceux qu’un journal utilise très régulièrement. Nous allons doncvoir dans un premier temps, ce qu’indiquent les mots les plus récurrents de notre corpus,pour ensuite montrer que les autres sont tout autant porteurs de sens et qu’ils nouspermettront d’établir un classement des journaux selon leur façon de les utiliser.

A. Les mots les plus récurrents mettent en relief les positionnementsles plus tranchés

Au cours de ce temps de notre réflexion nous allons nous intéresser aux liens entre les motsque nous avons cités précédemment et les prises de positions des journaux. Nous allonsvoir dans un premier temps, les mots qui renvoient quasi-systématiquement à une prise deposition négative pour ensuite voir ceux qui encouragent l’initiative de Coluche.

a) Le « comique professionnel » fait « irruption » dans le politique tel« Poujade ».

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Ce titre présente trois des termes les plus employés dans le corpus. Ces trois mots sontemployés dans le même objectif, mettre à mal la campagne de Coluche. Mettre à mal cettecampagne c’est le plus souvent la rejeter. On rejette cette candidature car elle n’est passérieuse. « Qu'est-ce que ça veut dire pas sérieuse ? » demandera de manière rhétoriqueColuche dans les colonnes du Monde63, « Ça veut dire qu'elle est pas chiante ». Mais passérieux pour ceux qui la rejettent c’est surtout pas « normale », cette candidature n’est pasle fruit d’un parti politique, elle n’est pas un corps politique, c’est pour cela qu’au nom de lapolitique, ils la rejettent. Cette mise au ban de la candidature de Coluche est particulièrementmise en relief par l’utilisation des termes « comique professionnel » et « irruption ». Maisl’inscription de la candidature de Coluche dans la filiation du poujadisme est aussi de ceressort. En effet, Poujade en son temps avait connu un grand succès parce qu’il était lui-même différent des autres hommes politiques. Il les dénonçait, on peut noter qu’à proposdes hommes politiques Poujade déclarait : « Je les roule dans la merde, moi, comprenez-vous ? »64.

Cette partie semble pratiquement taillée sur mesure pour L’Express. En effet, nousle montrions, L’Express est le magazine qui a le plus utilisé la référence au poujadisme,mais aussi celui qui a le plus employé les expressions « comique professionnel » et« irruption ». L’Express est aussi le journal qui prend des « crises d’urticaires »65 à l’évocationde la campagne de l’humoriste. Mais ce magazine ne s’attaque pas seulement à sacampagne, il vise avant tout Coluche, en tant qu’homme. Ce personnage dégage, seloneux, des « rémugles de rire gras et de gros rouges »66. On peut noter une réelle recherchesémantique, car le mot « rémugle » est considéré par le Trésor de la Langue Françaisecomme un mot littéraire et vieilli qui a pour définition : « Odeur prenante et désagréablequ’exhale ce qui a longtemps été renfermé ou maintenue dans une atmosphère viciée ». Cethebdomadaire ira beaucoup plus loin dans l’attaque de la personne de Coluche. Le numérospécial sorti le 27 décembre, dont on a déjà eu l’occasion de parler, s’intitule « la vraie naturede Coluche » parce que c’est à la personne de Coluche qu’il s’attaque. Alors que l’articleprincipal de ce dossier commence par une biographie « normale » de Coluche, il tournetrès vite en une exposition des méfaits de l’humoriste. L’Express va exposer tous les actesde Coluche qui l’ont mené à avoir affaire à la police ou la justice. Tout y est, 6000 francsde factures non-honorées dans un hôtel, dégradation dans un magasin de sanitaires aprèsque son responsable ait annoncé qu’il ne pourrait venir réparer les latrines de Coluche,condamnation à 3000 francs de dommages et intérêt pour avoir dit que « les flics sont desenc…. ». Mais cet hebdomadaire ne s’arrête pas là, Coluche aurait failli se battre contre unriverain qui se plaignait du bruit que générait sa moto, pendant le tournage de « L’InspecteurLabavure », il aurait répondu à une dame qui lui demandait un autographe : « allez vousfaire voir ! ». Aucun autre journal n’a osé s’attaquer au passé de Coluche si ce n’est Minute,qui a surenchéri en faisant paraître une photo anthropométrique de Coluche se référant àun vol ayant eu lieu pendant l’adolescence de l’humoriste.

Outre ces critiques personnelles notons que L’Express va aussi s’attaquer à ce« symptôme » qui « déboule » comme une « revanche du mauvais goût sur un goût tropconvenable »67 . Bien sûr pour Olivier Todd, le « mauvais goût » représente Coluche, et le

63 « Coluche : je veux aller jusqu’au bout et foutre la merde… », Le Monde, 20 novembre 1980, n°11 137, p.1064 LAZITCH (Branko), « Un avatar du poujadisme », L’Express, 27 décembre 1980, n°1538, p.40

65 ROY (Albert, de), « Sondage : que pèse M.Colucci », L’Express, 27 décembre 1980, p.3966 SERY (Patrick), « L'effet Coluche », l’Express, 22 novembre 1980, n°1533, p.10867 TODD (Olivier), « Le cru et les recuits », L’Express, 22 novembre 1980, n° 1533, p.110

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« goût trop convenable » renvoie au président Giscard. Mais le credo de la publication c’estavant tout de comparer Coluche à Poujade. Ce magazine a consacré un article entier à cesujet, mais n’a pas attendu la parution de celui-ci pour comparer l’humoriste au papetierde Saint-Céré. Dès le premier article paru, la référence au poujadisme est présente. Par lasuite on apprendra que le parallèle à Poujade n’est pas uniquement lié à la vulgarité :

« Si l'on passe du chapitre de la vulgarité à celui de la psychologie, l'analogieentre Poujade et Coluche persiste. Les deux hommes croient à leur missionhistorique. Dans son autobiographie, « J'ai choisi le combat », Poujade écrit : «Il ne faut pas me prendre pour une nouvelle Jeanne d'Arc. Mes voix ne viennentpas d'en haut, elles viennent d'en bas. » Coluche, lui, vient de déclarer entoute modestie : « A part Giscard d'Estaing, tous les autres candidats ontintérêt à voter pour moi. » Conclusion d'une journaliste, après avoir interrogél'ancienne troupe du Café de la gare : « En langage « psy », Coluche est atteint demégalomanie. »68

La dernière analogie notée provient une fois encore de l’autobiographie de Poujade dontun chapitre est intitulé « le petit rigolo » ; Branko Lazitch écrira que ce terme correspondraitmieux à Coluche qu’à Poujade. Notons pour finir que le dossier sur la vraie nature deColuche se conclue par les qualificatifs d’« irresponsable, odieux et méprisant ».

Nous venons de montrer que l’hebdomadaire qui utilisait le plus fréquemment lestermes de notre titre avait mené une véritable campagne pour ternir l’image de marque deColuche. Mais est-ce pour autant que les autres articles qui utilisent les mêmes termes sontaussi critiques au sujet de la candidature de l’humoriste ? La réponse est sans appel, c’estoui. Bien sûr, tous les journaux ne peuvent pas autant attaquer Coluche comme ne l’a faitL’Express mais à quelques rares exceptions près, l’utilisation des mots cités renvoie à unarticle négatif.

Commençons par Poujade. Nous avons vu que de nombreux journaux utilisent cetteimage politique. C’est notamment le cas du Point, du Matin et du Nouvel Observateur. Nousrelativiserons leur position par la suite, mais force est de constater qu’à chaque utilisation dela référence à Poujade, ces journaux vont aller à l’encontre de la candidature du comique.Ainsi dans Le Point, l’article69 qui fait à plusieurs reprises allusion à Pierre Poujade incrimineColuche pour être « égoïste, démoralisateur et poujadiste ». Dans le même article, AndréChambraud affirme que le « culot » de Coluche (et de Marie-France Garaud) montre que« la démocratie est bien peu respectée ». Du côté du Nouvel Observateur, on retrouvedes expressions telles que « sympathie à la fois explicable et suspecte à ce chansonnieranarcho-poujadiste »70. Dans les articles se référant au poujadisme, on peut lire que cejournal ne souhaite absolument pas que Coluche obtienne les cinq cents signatures, ilqualifie sa candidature de « grotesque corrosif et d’une absurdité féconde ». Notons quedans l’éditorial de la semaine ayant suivi le numéro spécial sur la France de Coluche,Jean Daniel parle de l’irruption de Coluche qu’il qualifie de « grave », « pernicieuse »« accusat[rice] », « affligeante » et « suspecte ».

Le Matin est plus difficile à inclure car, nous le signalions auparavant, ce journal a laisséune grande place au débat au sein de sa rédaction. Nous verrons qu’il s’agit en fait d’unjournal qui va profondément soutenir la candidature de Coluche. Mais lors du débat, certains

68 LAZITCH (Branko), « Un avatar du poujadisme », L’Express, 27 décembre 1980, n°1538, p.4069 CHAMBRAUD (André), « Cassandre et le saltimbanque », Le Point, 24 novembre 1980, n°427, p.4470 DANIEL (Jean), « L’effet Coluche », Le Nouvel Observateur, 24 novembre 1980, n°837, p.36

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de ses journalistes vont être très durs avec Coluche. Comment les reconnaître ? Ce sonttout simplement ceux qui utilisent les termes se rapportant au poujadisme. Pour donner unexemple concret, l’article qui parle de « clown au discours ambigu »71 fait un parallèle avecles poujadistes en montrant qu’« au premier degré, les sketches du comique n'ont rien quipuisse les rebuter. De l'antiparlementarisme au refus de la politique et de ses « magouilles», tous les thèmes qui ont fait, en d'autres temps, la fortune de Pierre Poujade sont là ». GuyGaisse dans un article intitulé « Les avatars de l'antiparlementarisme »72 établit un parallèleentre le « sortez les sortants » et l’expression « à force de recevoir des coups de pieddans le cul, ça donne des idées » prononcée par Pierre Poujade et le discours de Coluche.Notons enfin que Le Monde n’aura que trois véritables prises de position dans notre corpus,le tout premier article de Mathilde de la Bardonnie particulièrement positif, puis deux autresautrement plus négatif. Le premier, celui de Raymond Barrillon73 ne traite pas directementde la candidature de Coluche mais plutôt de la politique en général, il ne manque pourtantpas d’épingler l’humoriste en utilisant comme image le poujadisme : « « Les gens qui fontla politique, Ils nous font chier ! » Voilà bien le re surgissement et l'accentuation, vingt-cinqans exactement après Pierre Poujade, dit « Pierrot les bretelles », d'un certain langage dedroite ou plutôt d'un langage de droite certain qui n'a rien de particulièrement original. », etle suivant est celui de Jean-Yves Lhomeau74 qui se réfère lui aussi à Poujade.

Nous avons montré que les termes « irruption » et « poujadiste » étaient quasimenttoujours intégrés à des articles critiquant l’humoriste. Nous allons réaliser un aperçudes critiques que Le Figaro adresse à Coluche à travers l’étude du terme « comiqueprofessionnel ». Alors que ce journal est l’un des moins prolixes, il est avec L’Express celuiqui va utiliser le plus fréquemment cette expression qui montre que Coluche provient del’extérieur du champ politique. Pour ce journal, la candidature de Coluche est d’ « inspirationbouffonne mais d’intention destructrice»75, « l'élection du président au suffrage universeldirect se trouve, pour la première fois, exposé aux outrances des farceurs profession-nels et de leur claque intéressée » et c’est en cela qu’on assiste à un « Watergate pareffet comique ». Le journaliste ajoutera que l’important dans une campagne présidentiellec’est que « la fonction elle-même doit être gardée en dehors du débat. Et c'est bien làqu'interviennent les clowns de profession et les gugusses par inconscience : ridiculiser lafonction, l'avilir en feignant de s'en prétendre dignes. ». Il conclura en montrant que lefait qu’une partie de l’opinion « s’enchante de ses scatologies » montre que l’on arrive àl’« aboutissement du processus de dégradation », que ce « manipulateur d’excrémentsannonce la fin du monde civilisé et l’avènement de l’âge de la bête ». On est ici dans lamême idée que « le creux du creux de la vague » dont traite Jean Daniel dans les colonnesdu Nouvel Observateur. Le Figaro écrira que Coluche est « loin d’être l’antidote aux mauxdont souffre notre société » il en serait plutôt « la caricature et le développement extrême »76.

Après avoir montré que parmi les mots les plus employés, les termes « poujadistes »,« irruption » et « comiques professionnels » renvoyaient à des articles à connotation

71 LIEBAERT (Alexis), « Le niveau zéro », Le Matin de Paris, 24 novembre 1980, n°1165, p.1672 GAISSE (Guy), « Les avatars de l'antiparlementarisme », Le Matin de Paris, 22 novembre 1980, n°1164, p.1473 BARRILLON (Raymond), Résurgences, Le Monde, 21 novembre 1980, n° 11 138, p.1074 LHOMEAU (Jean-Yves), « Coluche ou la campagne imprévisible », Le Monde, 12 décembre 1980, n°11 156, p. 10.75 MARCHETTI (Xavier), « La fonction présidentielle », Le Figaro, 24 novembre 1980, n° 11 266, p.1 et p.676 SLAMA (Alain-Gérard), « La France malade de Coluche », Le Figaro, 28 novembre 1980, n°11 270, p.2

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Titre 2. Les mots du corpus révèlent le positionnement des journaux quant à la campagne deColuche

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négative, voire très négative, nous allons montrer que le même phénomène se produit pourles articles à connotation positive.

b) le « phénomène Coluche » : quand le « candidat-nul » devientl’« événement politique » de l’année.A l’image des journaux que nous venons de présenter, les mots sélectionnés pour cettepartie renvoient eux aussi à un journal particulier, Libération. Nous le montrions, Libérationest pendant cette période, le journal des superlatifs. Il est de loin celui qui fait paraître le plusd’articles, ces articles sont les plus longs. Il est aussi celui qui utilise le plus fréquemmentles termes politiques et surtout le mot « candidat ». Il est aussi de ceux qui utilisent lemoins le vocabulaire issu du music-hall et les références à Poujade. Libération sera lequotidien de soutien à Coluche. Le premier point qui met en relief ce soutien tient dans lefait que Libération va laisser quotidiennement un encadré dans la rubrique politique afinque le comique puisse s’exprimer. Ces petites phrases « tue-mouche »77 paraîtront du 4au 21 novembre 1980, puis du 1er décembre 1980 au 20 janvier 1981, l’interruption entretemps est tout d’abord lié à la mort de René Gorlin mais aussi à une phrase censuréepar Libération et qui du coup mettra un froid à leur relation pendant une petite semaine.Rappelons que cette phrase était à propos de Marie-France Garaud qui se déclarait contrecontre l’« aplatventrisme ». Coluche avait écrit : « Marie France Garaud refuse d'être à platventre, elle n'a qu'à se mettre sur le dos comme d'habitude ».

Ce soutien se manifeste aussi à travers un grand nombre de « unes » consacréesà l’humoriste, cinq pendant cette campagne. Libération aborde aussi des thèmes inédits.C’est le seul quotidien à vraiment se pencher sur les comités de soutien à Coluche et cedans plusieurs articles : un article traite des soirées Coluche78, un autre des lettres reçuespar l’humoriste79, deux autres encore, très longs, visent à comprendre qui sont les électeursde Coluche80. Une place importante sera en outre laissée aux comités de soutien dans leurscolonnes « courrier » et « Cherry ».

Mais revenons-en aux mots. Libération est de loin le quotidien qui va utiliser le plusrégulièrement le mot candidat. Terme généralement complété par le mot « nul ». Comme lemontrait Jean-Michel Vaguelsy lors de notre entretien, le terme « candidat-nul » est « positifpuisqu’il émane de la personne elle-même ». C’est en effet, Coluche qui s’est désignéainsi. Tous les journaux qui utilisent cette expression soutiennent-ils Coluche ? Nous serionstenté de répondre positivement, toutefois il faut noter quelques exceptions manifestes,certains journaux ont utilisé le mot « nul » pour le renvoyer à Coluche comme une critique.Ainsi Le Matin de Paris va retourner l’image contre l’humoriste pour écrire cette sentence :« "Candidat nul", de son propre aveu, Coluche aura au moins eu le mérite d'amener, enquelques jours, le débat politique au niveau vers lequel il tendait depuis plusieurs mois : leniveau zéro »81, L’Express fera de même à travers cette phrase : « Avec un mauvais goûttrès sûr — voulu — une cocasserie "hénaurme", des mots qui tuent, un sens absolu dela dérision, le "candidat nul" va ramasser sans honte tout ce qui traîne dans une histoire

77 PENINOU (Jean-Louis), « Libération censure Coluche », Libération, 25 novembre 1980, n° 2109, p.2478 BRIANCON (Pierre), « Soirée Coluche à Ménilmuche », Libération, 2 novembre 1980, p.979 NAJMAN (Maurice), « Les 100 premières lettres reçues par Coluche », Libération, 26 novembre 1980, n°2110, p.980 GILSON (Martine), « Randonnée dans le parti des coluchiens», Libération, 26 décembre 1980, n°2135, p.6 . Suite le 27

décembre 1980, n°2136, p.781 LIEBAERT (Alexis), « Le niveau zéro », Le Matin de Paris, 24 novembre 1980, n°1165, p.16

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La candidature de Coluche dans la presse, quand les mots dessinent l’identité des journaux.

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sans vent. »82. Une fois ces exceptions signalées, notons que tous les articles qui utilisentl’expression sont favorables à la candidature. En effet, l’un des autres journaux à utiliserrégulièrement cette image est Charlie Hebdo. Coluche est d’ores et déjà « président », il estaussi nommé « le seul candidat qui ne soit pas vendu »83 ou « candidat de la merde »84. Onsait à quel point Charlie Hebdo a été un soutien sans faille à la candidature de l’humoriste.Pas une semaine sans un rappel en « une » de cet événement, pas une semaine sansqu’une caricature paraisse à ce sujet. La rédaction se veut tellement présent dans cettecampagne que pour annoncer l’arrêt et la reprise de la candidature de Coluche (16 et 17mars 1981), elle va faire paraître un quotidien pendant deux jours, Charlie Matin !

Ainsi, on ne peut pas être surpris de constater que les journaux qui utilisent les mêmestermes que Libération et Charlie Hebdo soutiennent Coluche. Ainsi lorsque Le Matin deParis utilise le terme « candidat-nul » c’est avant tout pour écrire : « On aurait tort dedédaigner ou d'ignorer le phénomène Coluche. La présence du « candidat nul » est désor-mais un paramètre du débat politique. Il faut compter avec lui. »85

Cette dernière citation met en exergue un autre terme, celui de « phénomène Coluche ».Nous avions montré que « phénomène Coluche » et « effet Coluche » paraissaient êtredes succédanés puisque les journalistes semblaient utiliser l’un et l’autre dans le mêmesens. Ce que nous n’avions pas noté, c’est que ces termes sont avant tout utilisés dans desarticles qui soutiennent Coluche ou qui du moins ne s’engagent pas totalement contre celui-ci. Libération parle de « l'excitation produite par le phénomène Coluche ».86 En fait, ce termeest souvent utilisé par les journaux qui commentent les sondages. On sait que cela limite leurnombre puisque par exemple, Le Figaro n’inclura jamais le « candidat de la dérision » dansses sondages d’opinion. Le terme « effet Coluche » semble tout de même être plus souventutilisé par la presse qui s’oppose à la candidature ce qui n’empêche pas Libération d’utiliserce terme, notamment pour traiter des comités de soutiens. En fait, l’« Effet Coluche » est letitre d’un article du Matin qui est conclu par ces termes : « Si Coluche arrive à surnager età maintenir un courant d'intérêt autour de ses provocations, peut-être démontrera-t-il qu'ilest encore possible de remuer cette société qui semble définitivement engourdie... »87 . Cetarticle place beaucoup d’espoir dans la campagne de Coluche, on peut donc noter qu’audébut de la campagne le terme « effet Coluche » est tout à fait positif, il perdra ce senslorsque tour à tour L’Express et Le Nouvel Observateur se l’approprieront.

Enfin, ce qui marque les articles les plus positifs au sujet de Coluche et de sacampagne présidentielle, c’est l’utilisation de termes politiques autre que ceux se référantau poujadisme. Nous allons par la suite montrer que deux des journaux les plus virulentscontre Coluche seront L’Humanité et Le Figaro. Ces journaux n’utilisent quasiment pasde termes politiques, d’ailleurs une fois les termes dérivés du poujadisme retirés, on peutnoter que L’Express n’use guère de termes politiques pour définir cette campagne. Lecontraire est tout aussi vrai. Libération emploie, pour désigner la campagne de l’humoriste,beaucoup de termes politiques qui lui sont propres tels « politique rentré » ou « énigmepolitique ». Paraît le 2 janvier, un article intitulé « Coluche : Le candidat pas sérieux du tout

82 SERY (Patrick), « L'effet Coluche »,L’Express, 22 novembre 1980, n°1533, p.10883 Charlie Hebdo, 3 décembre 1980, p.1284 Charlie Hebdo, 1er avril 1981, n° 542, p.1285 WEILL (Claude), « Plus qu'un trouble-fête », Le Matin de Paris, 15 décembre 1980, p.486 ROLAND-LEVY (Fabien), «Les sondeurs vont devoir pêcher le Coluche », Libération, 15 novembre 1980, n°2101, p.887 « L'effet Coluche », Le Matin de Paris, 1er novembre 1980, n°1146, p.2

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devenu l’événement politique français », on n’est pas si loin du terme « heureux événementpolitique » utilisé par Cavanna en début de cette campagne événement. Ainsi on peutnoter que les articles utilisant souvent le terme candidat pour définir Coluche sont ceux quicherchent le moins à mettre à mal sa campagne. Ainsi lorsque Le Matin de Paris utilise cestermes c’est souvent pour clamer son soutien à cette initiative coluchienne. Le quotidienles emploie notamment pour traiter l’un des sujets dont il a quasiment le monopole, larecherche des signatures par Coluche. Libération traitera assez peu de ce sujet, CharlieHebdo va consacrer une pleine page à cet événement mais c’est en fait parce que Cabu aaccompagné sur la route le journaliste du Matin. En fait, ce n’est pas vraiment un monopolepuisque VSD, dont le rédacteur en chef de l’époque, Maurice Siegel, a assuré son soutien àColuche88, consacrera un article à ce sujet89. Le Matin va faire paraître deux jours de suite lecarnet de bord de Jean-Paul Kauffmann, envoyé sur le terrain pour trouver des signaturesà l’humoriste. On retrouve probablement ici l’appât commercial que représentait Coluche,on sait qu’il « fait vendre ». Ainsi, les journaux qui parlent abondamment de sa candidaturevont devoir rivaliser d’imagination pour trouver un angle nouveau. Pour Libération, cela nefait aucun doute, ce seront les militants, pour Le Matin, ce sera la recherche des signatures.

A travers six des mots les plus utilisés nous venons de réaliser un aperçu des prises deposition les plus tranchées des journaux. Afin d’être exhaustif, nous allons à présent nouspencher sur le sens des autres mots que l’on a repérés régulièrement dans notre corpuspour montrer en quoi ils permettent de classer les journaux par catégories.

B. L’utilisation des autres mots indique tout autant le positionnementet permet d’établir un classement.

Nous venons de l’annoncer nous allons à présent nous appuyer sur les mots quenous n’avons pas encore détaillé, ceux du music-hall, pour compléter le panel despositionnements affichés au sujet de la candidature de Coluche.

a) Le « clown » nous ferait-il qu’une « farce » : la difficile interprétation desmots du music-hall ?Contrairement aux autres mots il ne va pas y avoir une, mais plusieurs, utilisations destermes issus du champ lexical de la comédie. Nous allons les présenter en deux temps,tout d’abord nous reviendrons sur Le Point, figure de prou de cette catégorie pour ensuiteanalyser les différents sens donnés aux mots du music-hall.

Nous avons montré dans la partie précédente que Le Point avait tenu des propos trèsrudes à l’encontre de Coluche. La publication va rapidement revenir sur cette position et enappeler à la raison. « Suspendons, un instant, s’il vous plaît, nos désespoirs républicains »90

écrira Jean-Noël Jeanneney. On ne sait pas réellement pourquoi la ligne rédactionnelle vaconnaître un tel revirement, deux hypothèses sont envisageables. Soit l’hebdomadaire seréjouit de voir que Coluche pipe des voix à la gauche (un de ses sondages le montrera), soitles journalistes ont particulièrement apprécié le spectacle du Gymnase et corollairement ilsont décidé de présenter Coluche comme une véritable « bête de scène » et non plus commeun candidat. Toujours est-il que les articles vont changer de cap. Il ne faut pas croire pour

88 Information lue dans plusieurs biographie notamment celle de BOGGIO (Philippe), Coluche, Paris, Flammarion, 199189 DE SAINT-PIERRE (Isaure), « En suivant Coluche dans sa campagne », VSD, 20 novembre 1980, n°168, p.35-3790 JEANNENEY (Jean-Noël), « Un clown chasse l’autre », Le Point, 1er décembre 1980, n°428, p.50-51

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autant que l’hebdomadaire va encenser Coluche, mais plutôt se contenter de le présentercomme un clown.

Tout commence, en fait par un constat. «Il existe en France une très sérieuseCommission de contrôle de la campagne chargée de vérifier la « dignité » et la « décence» de[s candidatures]. Mais son action ne peut s'exercer que lors de la campagne officiellesoit dans les semaines précédant le vote. »91. On pourrait presque imaginer que c’estd’ailleurs à partir de ce constat que Le Point a décidé de ne pas s’acharner sur Coluchepourtant traité d’« égoïste, démoralisateur et poujadiste ». Le Point présument peut-êtreque cette commission mettra fin à la campagne du clown si besoin était. Alors pendantque L’Express réalise un parallèle avec Poujade, ce magazine va comparer Coluche auxprécédents candidats fantaisistes. Affirmant que « le rire appartient à la République »92,pendant que Le Nouvel Observateur écrit que « rien n’est moins supportable, (…) que ladérision »93 , Le Point présente les précédents candidats fantaisistes :

« Au début de ce siècle, Alphonse Allais présentait déjà aux électeurs deMontmartre, royaume des chansonniers, son fameux Captain Cap, qui promettait,s'il était élu, de supprimer le wagon de queue dans le métro et de reconstruireles villes à la campagne (l'air y étant plus pur). Ferdinand Lop, qui existait, lui, enchair et en os, fit partie pendant plusieurs décennies du folklore estudiantin duquartier Latin, éternel candidat des titis à tous les scrutins. Quant à Pierre Dac,fondant son propre mouvement politique, il l’appelait sans équivoque « le partid’en rire »94.

Cette image montre qu’une « candidature présidentielle d’un marginal porte ses limitesen elle-même ». Ainsi « la ressemblance avec Poujade est superficielle, imagine-t-on desdéputés coluchiens ? » 95. Le Point présentera aussi Coluche sur scène. Même s’il y ades « plaisanteries salaces pas faites pour les âmes sensibles », « on suit comme un seulhomme le héros du jour »96. Par la suite, on peut noter que Le Point fera un retour au politiquepar le biais d’un sondage. Ce sondage présente toute une série de question se rapportantà la candidature de Coluche. Il a été soumis à un échantillon représentatif de la sociétéfrançaise composé de 1236 personnes. On y découvre que 48% des sondés voudraientque Coluche retire sa candidature. S’il maintient sa candidature, les personnes enquêtéespensent majoritairement qu’il ravirait les voix des abstentionnistes, mais 10% d’entre euxpensent qu’il en prendrait à Valéry Giscard d’Esataing, et 5% à François Mitterrand.

On peut noter que malgré le sérieux de ce sondage, Le Point joue le jeu de ladécontraction, en illustrant celui ci par le bandeau de trois photographies présenté ci-dessous :

91 DE MONTVALON (Dominique), « Coluche, le candidat de la coulisse », Le Point, 24 novembre 1980, n°427, p.4692 JEANNENEY (Jean-Noël), « Un clown chasse l’autre », Le Point, 1er décembre 1980, n°428, p.50-5193 DANIEL (Jean), « L’effet Coluche », Le Nouvel Observateur, 24 novembre 1980, n°837, p.36

94 JEANNENEY (Jean-Noël), « Un clown chasse l’autre », op.cit.95 idem96 DE MONTVALON (Dominique), « Coluche, le candidat de la coulisse », Le Point, 24 novembre 1980, n°427, p.46

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Le Point contrastera sa vision comique de l’événement lors des problèmes judiciairesde Coluche. Problèmes qualifiés de « drame dans la guignolade » et sur lesquels nousreviendrons ultérieurement. Notons que cet hebdomadaire garde toujours la possibilité decritiquer l’action de Coluche qui, si elle devenait sérieuse, pourrait «peut-être [être] grave »97.En attendant pour la rédaction du Point, « Coluche : « Y s'marre, le mec! » » 98. Pour résumercette position notons que les journalistes n’ont qu’un espoir, espoir qu’ils répètent à deuxreprises dans l’article que nous venons de citer : « Pourvu qu'il n'oublie pas que Colucheest un clown ! ».

Nous venons de présenter la position du Point qui est le journal utilisant le plus determes issus du music-hall. Si pour ce journal ces termes sont une occasion de montrerque le danger Coluche est limité. Certains journaux vont utiliser ces mots pour critiquerl’humoriste.

Avant de détailler les différents journaux qui utilisent le vocabulaire du music-hall pourdésigner Coluche, notons qu’un mot de ce domaine est toujours utilisé pour mettre à malla candidature de l’humoriste. Il s’agit du mot « chansonnier ». Pour Jean-Michel Vaguelsyquelqu’un qui écrit à propos de Coluche que c’est un chansonnier fait preuve « avant toutd’ignorance, c’est quelqu’un qui n’est pas venu voir le spectacle » Coluche pourtant utilisaitce mot à son propos : « Je fais comme les chansonniers autrefois : je raconte ce qu’il ya dans les journaux »99. Le Figaro associe au mot « chansonnier », « la grossièreté desprocédés »100 de Coluche. «Quand le discours politique ennuie les gens, ils cherchent à sedistraire avec les chansonniers. Tout cela a un aspect négatif. »101 renchérira Le Matin, JeanDaniel pour Le Nouvel Observateur va utiliser à propos de Coluche le terme « chansonnieranarcho-poujadiste »102. Guy Sitbon va dans le même journal utiliser le terme « chansonnierobscène »103. Notons enfin que pour L’Express, Coluche est un « chansonnier qui ne tirepas à blanc »104

97 CHAMBRAUD (André), « Coluche drague à gauche », Le Point, 12 janvier 1981, n°434, p.36-3798 BILLARD (Pierre) & LOISEAU (Jean-Claude), « Coluche : « Y s'marre, le mec ! » », Le Point, 22 décembre 1980, n°431,

p.3 puis p.9599 FLEOUTER (Claude), « La politique me fait rire », Le Monde, 27 mars 1980, n°10936, p.13100 SLAMA (Alain-Gérard), « La France malade de Coluche », Le Figaro, 28 novembre 1980, n°11 270, p.2101 « Coluche bouffon ? Oui mais après ?… », Le Matin de Paris, 22 novembre 1980, n°1164, p.14-15102 DANIEL (Jean), « L’effet Coluche », Le Nouvel Observateur, 24 novembre 1980, n°837, p.36103 SITBON (Guy),« La France de Coluche », Le Nouvel Observateur, du 17 novembre1980, n°836, p.48-49104 SERY (Patrick), « L'effet Coluche », l’Express, 22 novembre 1980, n°1533, p.108

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Tous les autres termes vont en fait être utilisé dans les deux sens. Commençons par lemot « clown », il va être utilisé conjointement par Libération et L’Express ce qui peut paraîtreparadoxal. Libération, utilise l’expression « clown pour clown », cette expression est en faitutilisé dans le sens : « clown pour clown, autant en prendre un vrai »105. Pour Le Figaro, laprésence d’un « clown », « ridiculisera à mort à la fonction présidentielle »106. Le Point utilisece mot pour servir les intentions que nous présentions auparavant. S’il fallait établir unerègle générale, nous remarquerions que le mot « clown » est dans ce corpus plutôt négatif.

Le même problème se pose autours du mot « vedette ». Pour L’Express « cette vedette,issue du peuple, joue les divas » alors que pour Libération, Coluche est « le numéro unou deux des vedettes de variété française ». Ce mot est trop peu présent pour en sortirun sens positif ou négatif, on voit que les journaux complètent terme avec les qualificatifsnécessaires pour orienter le mot dans le sens qu’ils souhaitent. Nous ne détaillerons pastous les mots de cette façon, cela ne présenterait pas d’intérêt notons toutefois que le motfantaisiste est employé plus généralement dans des articles à connotation positive alorsque le mot bouffon fait plus souvent références à des articles négatifs.

Tous les mots que nous venons de détailler nous amènent à une mise en garde contreune interprétation qui laisserait croire à une trop grande rationalité des journalistes. Il estindéniable que ceux-ci pèsent leurs mots, mais ce n’est pas pour autant qu’ils trouverontet utiliseront toujours le mot juste, celui qui servira le sens qu’ils souhaitent donner à sonarticle. Ceci est particulièrement vrai pour les mots qui ne sont pas utilisés fréquemment, ilne faut pas croire que ne cherchons à remettre en cause ce que nous avons expliqué audébut de cette partie de notre réflexion.

b) tous ces mots mènent à déterminer le positionnement des journauxFaire un classement sans paraître réducteur ce n’est jamais chose simple, nous allonsessayer de nous confronter à l’exercice afin de rendre intelligible le positionnement desjournaux. Nous allons délimiter trois catégories, tout d’abord nous verrons les journaux quitraitent abondamment de la campagne de Coluche et nous montrerons en quoi ce sont ceuxqui l’encensent, pour ensuite montrer ceux qui en parlent modérément, présentant ainsi uneposition intermédiaire, nous conclurons par ceux qui s’abstiennent d’en parler pour ne pasavoir à en dire du mal.

Les trois journaux qui sont les plus prolixes au sujet de Coluche, sont aussi ceux quien pensent le plus de bien. Au sujet de Charlie Hebdo, il ne fait aucun doute, sa rédactionsoutient unanimement la campagne de l’humoriste, nous pouvons d’ailleurs souligner queles accointances que nous pouvons relever entre les rédacteurs de Charlie Hebdo etColuche sont en fait le produit des liens amicaux qui les unissent. Nous parlions de soutiensans « faille » de cet hebdomadaire. A vrai dire, il y en aura une de faille, une et une seuleaussi vite effacée. Sylvie Caster fait paraître un article qui affirme que « rire ça ne rend pasgai »107 :

« Ceux qui sont pour Coluche ne me font pas rire davantage. « On va leurmontrer, aux politiques, par la preuve par neuf du clown, qu'ils sont des clowns.On va leur foutre au cul. On va foutre la merde. On va leur prouver, par nos voix,

105 GILSON (Martine), « Randonnée dans le parti des coluchiens – 1ère partie : les chanteurs, les déprimés et les beaufs »,Libération, 26 décembre 1980, n°2135, p.6

106 DEROGY (Jacques), « La vraie nature de Coluche », L’Express, 27 décembre 1980, n°1538, p.35107 CASTER (Sylvie), « Rire, ça ne rend pas gai » , Charlie Hebdo, 10 décembre 1980,n°526, p.9

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qu'on y est en pleine déliquescence de la démocratie, des institutions, du jeupolitique. » Si c'est marrant ! Si y a de quoi rigoler! Emmerder qui? Foutre au culà qui? C'est nous qui l'avons. Et jusque-là! Plus d'espoir. Plus de lutte. Plus decombat. »

Elle conclura son article par ces mots : « Bleu-blanc-merde, ça flotte déjà. Et croyez-moi, çapue! Quand Coluche sera depuis longtemps au soleil dans sa retraite de jeune clown et quenous, on en aura repris à l'ombre pour sept ans de Giscard où il va faire noir, très noir, onl'aura peut-être retrouvée, la "morale" du rire. Pas dire : merde. Dire : NON. » . Sylvie Castertient dès lors des propos assimilables au parti communiste, nous y reviendrons quand nousparlerons de L’Humanité, mais notons que Charles Fiterman, membre du secrétariat ducomité central du P.C.F., a déclaré : « Tenez, j’ai lu l’autre jour le but qu’il se donne : « foutrela merde ». Mais pour utiliser le vocabulaire de Coluche – et vous m’en excusez – moi jedirais : foutre la merde ? Merci bien. La merde, on l’a déjà. On y est en plein dedans. Et çanous suffit. Le vrai problème, c’est de s’en sortir, de la merde dans laquelle les capitalisteset leurs soutiens plongent les jeunes et le pays. »108

Cette brèche ouverte par Sylvie Caster ne va en rien altérer le soutien de CharlieHebdo, Siné utilisera d’ailleurs un droit de réponse, il n’y aura par la suite plus aucun articlen’encensant pas Coluche dans les colonnes de cet hebdomadaire. Ce droit de réponse estun véritable concentré de la prise de position de Charlie Hebdo, dès lors il nous est difficilede le couper, le voici donc presqu’en intégralité :

« Sylvie Caster, aujourd’hui, dans Charlie, grinche et renâcle dans un article-déprime, intitulé : « rire, ça rend pas gai ! » Ceux qui sont pour Coluche ne mefont pas rire. Emmerder qui ? Foutre au cul à qui ? Si elle a besoin d’une liste,j’lui file volontiers… et longue ! Au cours de cette pénible et laborieuse entreprisede démoralisation, elle essaie par tous les moyens voire les plus bas. (cf 7dernières lignes) de nous communiquer sa hargne et sa grogne. Pour terminer,elle nous apostrophe péremptoirement : « Pas dire : merde. Dire : NON » Qu’est-ce que ça veut-il dire ? Dire NON comment ? Ces atrabilaires qui ne sont jamaiscontents, ces cons-tipés dévorés par la sinistrose, qui broient sans arrêt du noir,non contents de bouder leur plaisir voudraient aussi qu’on boude le nôtre. Ilsfont toujours la gueule, la moue ou la fine bouche, ces pisse-viniagre acariâtres.Ils geignent et maugréent, haïssent non seulement les dimanches mais tous lesjours de la semaine. Ces dépressifs congénitaux nous les briseraient moins s’ilsgardaient tout ce fiel pour eux, chez eux. Mais quand ces emmerdeurs viennentd’un ton con-descendant nous donner des conseils de « savoir-rire », qu’ilsaillent se faire foutre. Ils ont beau être plus à plaindre qu’à blâmer de ne passavoir ou oser se marrer, faut leur foutre au cul aussi sans hésiter. « On n’estpas là pour se faire engueuler » disait Boris Vian. (J’suis sûr que Boris auraitété à fond pour Coluche). Allez, Sylvie, déride-toi, fends-toi la gueule, envoie-toien l’air, bois un coup, fume un joint, baise, pète… Ce serait dommage de mouriridiote. »

Nous avons pu voir que dans ce débat, il est sujet des termes « bleu-blanc-merde », cecirenvoie à la célèbre « une » du numéro de décembre 1980 d’Hara-Kiri. Nous n’avons pasencore parlé de ce journal parce qu’en fait nous nous sommes rendus compte qu’outre cetteune et le dessin que nous reproduiront ci-dessous, Hara-Kiri se contente de renvoyer à ses

108 « La candidature de Coluche, M.FITERMAN (P.C.) : la merde, on l’a déjà. », Le Monde, 25 novembre 1980, n° 11 141, p.11

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camarades de Charlie Hebdo. D’ailleurs nous noterons aussi ci-dessous que si Hara-Kirisoutient Charlie Hebdo, Charlie Hebdo ne manque pas non plus de faire de la publicité pourle mensuel.

Nous n’allons par particulièrement revenir sur la prise de position de Libération, elle esttout à fait claire. Nous avons trouvé dans les colonnes de ce quotidien cette formule quirésume relativement bien son engagement : « Ouvrez les yeux, ouvrez les oreilles, ouvrezle comprenoir, avec Coluche, vous allez tout comprendre sur le fonctionnement l'étonnantpetit monde politique français. »109. Notons tout de même que de nombreux articles de cequotidien sont les fruits du travail de Maurice Najman qui était un ami intime de Coluche.Interrogé à son propos Jean-Michel Vaguelsy nous a confié qu’il « était avec [Coluche etlui] tout au long de la candidature. »

Revenons plutôt sur l’engagement du Matin. Contrairement à ce que nous aurionspu croire au début de cette partie, Le Matin va être un puissant soutien à la candidaturede Coluche. En fait, cela va se dérouler en plusieurs temps, tout d’abord, au moment où

109 « Coluche aussi a ses intellectuels pétitionnaires », Libération, 19 novembre 1980, n°2104, p.8

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Coluche met fin aux bruits qui courent pour annoncer officiellement sa campagne, Le Matinva faire paraître ces lignes que nous citions auparavant, se félicitant qu’« une célébrité »«remu[e] cette société qui semble définitivement engourdie »110. Puis vient le temps dudébat à l’intérieur de la rédaction de ce quotidien, on peut lire dans ces colonnes les propostrès acerbes que nous citions auparavant et d’autres encore plus durs que nous n’avonspas encore mis en relief. Des propos tels que : « Tout neuf, son souci des minorités? "J'enappelle aux juifs, aux clodos, aux pédés, etc. " Pas tout à fait. On a déjà vu, dans l'histoirecontemporaine, des politiciens s'intéresser de très près aux juifs, aux pédés, aux clodos,etc. C'était en Allemagne, dans les années trente. »111. Par la suite, ce journal trancheraen portant de l’intérêt à Coluche sans vraiment prendre position. Les journalistes ayant prisdes positions trop tranchées n’écrivent plus au sujet de Coluche. On peut noter d’ailleursque les articles ne seront rapidement plus signés, ou signés par des journalistes n’ayantpas pris part à ce débat. Notons tout de même que les articles de ce journal prendront desconnotations de plus en plus positives au sujet de la campagne de l’humoriste. Nous allonsmontrer par la suite que ce journal sera le plus présent à la fin de la campagne de Coluche,qu’il médiatisera tous les événements du « candidat-nul », en fait on pourrait dire que dansun ultime temps, Le Matin va « remplacer » Libération qui a dû se mettre en sommeil.

Avant de continuer en direction des journaux qui ne traitent que relativement peu de lacandidature de l’humoriste, nous allons nous arrêter sur le cas du Monde qui entend tenirleur rang de journal de référence. Peu de prises de position, mais un traitement completde la campagne de Coluche, le quotidien de la rue des italiens sera presque présent surtous les événements - nous y reviendrons plus tard - et présentera pratiquement toutes lesprises de position publiques des hommes politiques au sujet de la campagne du fantaisiste.On peut noter que ce quotidien de référence fera paraître en début de campagne un articletrès positif. 112

« Ce serait quand même drôle, ce serait quand même bien s'il les recueillait,Coluche, le candidat Coluche, les satanées cinq cents signatures de «per-sonnalités» habilitées au parrainage pour Le marathon présidentiel. Ce serait.«sympa» si, en rangs suffisamment serrés, des maires ou des conseillersgénéraux, qui n'ont rien à perdre ni à gagner — il y en a peut-être, —cautionnaient la « plaisanterie à caractère social » , du bouffon à bretelles avec sasalopette rayée ciel et blanc ».

Par la suite, Mathilde la Bardonnie n’écrira plus au sujet de Coluche, et deux prisesde positions que nous notions précédemment vont s’opposer à cette candidature. Dansl’ensemble on peut affirmer que ce journal a été le moins engagé même s’il est possiblequ’au sein de la rédaction il y ait eu un peu plus de journalistes qui voyaient cette candidatured’un mauvais œil que d’un bon. On peut noter pour affirmer ceci que les journalistesemploient volontiers le nom de « Michel Colucci ». Appeler quelqu’un par un autre nom quecelui qu’il se donne est une façon de le critiquer, dans le cas présent c’est aussi une façond’afficher sa neutralité. Neutralité qui transparaît aussi dans le fait que les journalistes duMonde utilisent plus facilement le terme de « fantaisiste » que celui de « bouffon ».

Nous venons de montrer que les journaux qui traitent le plus massivement de lacandidature de l’humoriste sont ceux qui la soutiennent le plus. Les journaux qui accordent

110 « L'effet Coluche », Le Matin de Paris, 1er novembre 1980, n°1146, p.2111 BAUBY (Jean-Dominique), « La chaussette », Le Matin de Paris, 24 novembre 1980, n°1165, p.16112 LA BARDONNIE (Mathilde), « Coluche candidat : sérieux », Le Monde, 1er novembre 1980, n°11121, p.8

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une place relativement importante à cette candidature sont des hebdomadaires. Parmi euxce n’est pas celui qui en parle le plus qui en dit le plus de bien. En effet, L’Express est parmiles hebdomadaires celui qui aborde la candidature de Coluche de la manière la plus prolixe,c’est pourtant celui qui à le positionnement le plus tranché. Pour ce magazine il y a unecertaine « indécence » dans la présence de ce comique au langage « ordurier » au seindu débat présidentiel.

Nous verrons par la suite que les journaux les moins prolixes sont ceux qui seronttotalement opposés à la campagne de Coluche. C’est donc finalement un paradoxe queL’Express ait écrit autant au sujet de Coluche, puisque ce journal s’est aussi totalementopposé à la campagne de l’humoriste. Ce paradoxe, les lecteurs de ce magazine vont lerelever comme en témoignent les deux lettres suivantes extraites du courrier des lecteursdu 17 janvier 1980 :

Coluche le méprisQu'un hebdo comme L'Express (n° 1538) fasse l'honneur à Coluche de luiconsacrer quatre pages... je n'en reviens pas. Un pareil individu (Coluche) nemérite que le mépris. Dans son for intérieur, une créature de ce genre doit eneffet croire que « c'est arrivé ». Vraiment, nous sommes tombés bien bas. Il fautêtre en France pour voir cela, et le subir. (...)

Jean Blin, Remireront (Vosges).Vous passez les bornes

Je suis étonné et stupéfait que votre hebdomadaire ait gâché plus de quatrepages et mobilisé trois reporters (Jacques Derogy, Michel Delain et BrankoLazitch) pour nous présenter ce pitre dévoyé et cupide qui se nomme MichelColucci, dit Coluche. (...) On peut penser ce qu'on veut de Giscard ou deMitterrand, et même de Marchais, mais faire de la propagande pour Coluche, celapasse les bornes ! Je ne suis pas fier de L'Express, auquel je suis abonné depuislongtemps ; il ne m'avait jamais autant déçu.

Charles Morançon, Marseille.Les autres hebdomadaires peuvent se prévaloir d’un positionnement moins radical.

Jean Daniel pour Le Nouvel Observateur expliquera dans son éditorial du 24 novembrepourquoi son journal ne souhaite pas que Coluche obtienne les cinq cents signatures. Pourlui il est de son devoir « d’alerter l’opinion public sur ce phénomène ». Mais dans cet articlec’est avant tout la société politique qui, en refusant d’ouvrir les yeux sur le phénomène,« augmente le nombre de français coluchiste ». Il conclura son article par ces mots : « Sinous ne disons pas ce genre de chose qui va le dire ».

Mais par la suite cet hebdomadaire sera moins critique vis-à-vis de cette candidature.Nous verrons plus loin que la rédaction va laisser une tribune à Felix Guattari. C’est, en fait,par la voix de Delfeil de Ton, condamnant la censure qui s’est abattue sur la campagne del’humoriste, que l’apaisement va se faire. Comme nous le montrions, jusqu’au 8 décembrel’hebdomadaire va n’avoir de cesse de justifier le dossier sur « la France de Coluche ».Avec Delfeil de Ton on peut considérer que ce magazine infléchit sa position. En revanche,la rédaction est plus dure envers la gauche qui « par peur d’un clown préfère être compliced’un acte de censure ! ». Ce chroniqueur humoristique issu d’Hara Kiri écrira aussi que« Coluche canalise une révolte, c’est sa fonction », pour lui, il doit rester un « symbole ».Notons pour finir que cet hebdomadaire n’a jamais attaqué la personne de Coluche mais

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sa candidature, ce qui n’a pas été le cas des hebdomadaires qui voulaient « saborder » lacampagne du « candidat-nul ».

Nous avons déjà abondamment présenté la prise de position du Point, il ne semble pasnécessaire de revenir sur ce point. Pour finir, donc, nous allons présenter les deux journauxqui ont été le moins prolixes à ce sujet. Ils l’ont été tellement peu que l’étude des motsde notre corpus n’a pas permis de dégager beaucoup d’informations à leur propos. Il fautse plonger au cœur de leurs écrits pour mieux comprendre leur positionnement. Ces deuxjournaux veulent mettre à mal la candidature de l’humoriste, cela ne fait aucun doute.

Commençons par L’Humanité, la prise de position tardive de ce quotidien sera sansambiguïté : Coluche comique pourquoi pas, mais certainement pas candidat. La preuve enest que seul ce journal ne va pas annoncer que Coluche est candidat dans sa rubriquepolitique mais dans sa rubrique « télévision-radio-presse ». La citation ci-dessous confirmece que nous avançons :

« Il dit qu’il roule pour les paumés, mais les paumés ça fait longtemps qu’ilsconnaissent la musique des rupins qui viennent leur conter fleurette, ils saventrouler tout seuls. « la politique est nase » , répète sans fin l’artiste comme s’ilvenait d’inventer l’eau tiède. On a déjà entendu ça quelque part non ? Et le refrain« Giscard-Mitterrand-Marchais », ça l’a pas étouffé pour le trouver. »113

La position de ce quotidien n’évoluera pas. L’Humanité cite aussi la phrase de CharlesFiterman que nous présentions auparavant. Un journaliste écrira plus tard, « Coluche,dont on peut penser ce que l’on veut de ses prestations sur scène, n’est ici pas drôledu tout, hors de son univers »114. On pourrait s’y méprendre, mais dans le cas présentce quotidien traite du film « l’Inspecteur Labavure », pas de la campagne de Coluche.Campagne n’apparaissant presque plus dans les colonnes du quotidien communiste à partpour rappeler que c’est un « coup de pub »115 et pour la comparer à Rodolphe Salis. Si cettecomparaison est faite, ce n’est pas pour rappeler que M.Salis était le premier loufoque à seprésenter à l’élection et que Coluche s’inscrit dans son sillage, c’est pour affirmer que Salis« annexait froidement aux farceurs de son comité électoral Maurice Barrès, Léon Bloy, PaulDéroulède »116. Cette image renvoie, corollairement, Coluche à un personnage de droite,voire d’extrême droite.

Enfin, Le Figaro a aussi eu un positionnement très tranché sur la candidature del’humoriste, nous ne nous attarderons pas trop sur ce journal que nous avons déjà présentéen détails, nous retiendrons juste que aux yeux de la rédaction Coluche est un « dangereuxclown politise le rire », à cause de lui :

« on glisse vers un modèle à la Staline, ou à la Mao : quand on confond, defaçon mythologique, l'exercice de la liberté avec une partie de plaisir ; quand onreproche tout à ses gouvernants parce qu'on a pris l'habitude d'en attendre tout ;quand, rendu passif devant le pouvoir par une mentalité d'assisté, on n'est plus

113 CABANES (Claude), « Coluche me fait rire », L’Humanité, 19 novembre 1980, n°11269, p.2114 « Un inspecteur pas drôle », L’Humanité, 12 décembre 1980115 « Coup de pub », L’Humanité, 23 janvier 1981, n°11325, p.116 WURMSER (André), « De Salis en Coluche », L’Humanité, 16 décembre 1980, p.1

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capable d'endiguer l'emprise du contrôle social, de séparer la vie privée de la viepublique, et, en l'occurrence, l'art de la politique. »117

Maintenant que nous avons vu que les journaux présentaient des positions plus ou moinshostiles à la candidature de Coluche, nous allons voir comment les différents titres abordentquelques thèmes clés de la campagne de l’humoriste.

II. Le positionnement des journaux confirmé par lesthèmes abordés

Parmi les thèmes que nous souhaitions abordés se trouvent la censure et les petitsévénements créés de toutes pièces pour la contourner, nous y consacrerons notre premiertemps en montrant que tous les journaux ne parlent pas de ce thème. Puis nous essayeronsd’analyser des points de clivage autour d’un fait divers et de l’engagement des intellectuels.

A. Les journaux qui soutiennent Coluche crient à la « censure ».Dans ce premier temps nous allons montrer que la censure, qui est un des éléments quenous avons le plus retenu de la campagne de Coluche n’est à l’époque traité que parquelques titres, ceux qui ne cherchent pas à nuire à la campagne de Coluche.

a) Les journaux utilisant le mot « censure » soutiennent ColucheNous le signalions dès l’introduction, les questions au sujet de l’éventuelle censure de lacandidature de l’humoriste n’ont jamais été vraiment résolues mais ont fait couler beaucoupd’encre. Le débat est, à vrai dire, sans fin, car il n’y a jamais eu de documents écrits stipulantqu’il fallait interdire Coluche d’antenne. Tous les actes de censure qui ont touché l’humoristeont été expliqués par les chaînes de télévisions et de radios par des raisons « x » ou « y »,sur lesquelles nous aurons l’occasion de revenir. Nous allons dans cette partie de notreréflexion montrer qu’en fait le débat sur la censure est présent tout au long de la campagnede Coluche mais uniquement dans les journaux qui le soutiennent, ou du moins qui necherchent pas à lui nuire.

On retrouve en tout et pour tout vingt-trois articles traitant de la censure dans notrecorpus. C’est un des sujets les plus traités. Pourtant, seuls cinq journaux l’abordent. LeNouvel Observateur lui consacre deux articles. On retrouve six occurrences à ce sujet dansCharlie Hebdo et ce sans compter les multiples caricatures. Cinq articles feront référenceà la censure dans Le Matin de Paris, autant dans Le Monde et Libération. Avant dedétailler ces articles, notons que la censure a été l’objet de deux parutions indépendantes,une provenant d’intellectuels parue le 24 mars 1981 dans les colonnes du Monde, l’autreprovenant de la ligue contre le racisme a été publiée le 1er Avril 1981 dans les colonnes deCharlie Hebdo dans la rubrique « on a reçu ça à propos de Coluche ». Nous présenteronsaussi un article que Coluche a fait paraître à ce sujet dans les colonnes de Charlie Hebdo,le 25 mars 1981 et tout d’abord un dessin de ce même journal daté du 3 décembre 1980.

117 SLAMA (Alain-Gérard), « La France malade de Coluche », Le Figaro, 28 novembre 1980, n°11 270, p.2

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Charlie Hebdo, 3 décembre 1980, p.3

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Ces trois parutions crient haro à la censure. Elles interviennent toutes les trois en toutefin de campagne, nous reviendrons donc dessus un peu plus tard.

Tout d’abord notons que le premier cri contre la censure qui toucherait Coluche provientdes colonnes de Charlie Hebdo, le 5 novembre 1980. Arthur écrit : « Un Coluche, roi del'audio visuel, [se présente à l’élection présidentielle] : on ne l'entend ni ne le voit sur lesondes et les écrans. ». Appel anticipé, mais qui ne s’avérera pas totalement faux. En effet,nous le signalions au début de ce mémoire, la dernière apparition en direct à la télévisionde Coluche sera programmée le 10 décembre 1980. C’est un peu avant cette date que laplupart des articles dénonçant la censure sont rédigés.

Le 24 Novembre, Le Matin fait paraître un article intitulé : « Coluche et TFl déjà lacensure », les journalistes reviennent sur l’émission « C’est pas sérieux » de Jean Amadouet Jean Bertho. Cette émission a passé pendant une heure l’actualité des candidats àl’élection présidentielle au peigne fin. Tous les candidats ont eu droit à un reportage ou àune brève à leur sujet, même Marie-France Garaud, Brice Lalonde (écologie), et PascalGauchon, candidat du parti des forces nouvelles (mouvance proche de l’extrême droite).

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Tous les candidats, sauf Coluche. Le journaliste du Matin surpris de ne pas avoir trouvél’humoriste dans cette émission appellera Jean Bertho afin de s’assurer qu’« il n’[avait] pasdéjà reçu de consigne formelle de la boucler ». Ce dernier lui aurait répondu nerveusementqu’il n’y avait jamais eu quelconque consigne à propos de Coluche.

Par la suite, MM Carreyrou et Duhamel, prennent l’initiative d’inviter Coluche au« club de la presse », l’émission politique phare d’Europe 1. Ils suggèrent l’idée à EtienneMougeotte qui n’est pas enchanté de la proposition mais qui suggère aux deux hommes defaire un petit sondage auprès des autres journalistes politiques de l’émission. Ils récolterontdix-neuf « oui », deux « non » (celui de Claude Estier, qui écrit pour L’Unité, l’hebdomadairedu parti socialiste, et de M.Andrieu que l’on peut lire dans L’Humanité), et trois réponsesmitigées dont celle de P.Duhamel, chef du service politique de T.F.1.

MM Carreyrou et Duhamel rapportent ces résultats à M. Mougeotte, qui refusecatégoriquement l’émission. L’ordre vient de Jean-Luc Lagardère, vice-président de lastation, qui ne veut pas jeter le discrédit sur sa prestigieuse émission qui a reçu quelquessemaines auparavant M.Kissinger. Dans un article du Nouvel Observateur Thierry Pfisterécrira : « Pauvre gauche qui, par peur de la parole d'un clown, préfère être complice d'un actede censure ! Ce qui ne l'empêchera pas de continuer à faire campagne, sans complexes,en se présentant comme le meilleur garant des libertés. »118

Puis vient l’épisode de Radio-7, épisode en deux parties. Cette radio, à l’initiative de sondirecteur des programmes Patrick Meyer, décide d’inviter l’humoriste. Cette radio fait partiedu groupe Radio-France, Patrick Meyer demande l’accord du groupe pour son émission,accord refusé sous prétexte que Coluche est déjà passé à l’émission de Bouteiller surFrance-Inter.

On aurait pu imaginer que l’affaire en reste là, mais Patrick Meyer est persuadé qu’ils’agit d’un acte de censure et il entend bien le faire savoir. On ne saura jamais s’il adémissionné ou s’il s’est fait licencier, les avis divergent, toujours est-il qu’il doit quitter sonposte au début de l’année 1981, son contrat n’ayant pas été renouvelé. Patrick Meyer,déclarera au Matin et à Libération, qu’il s’agissait bien d’un acte de censure, puisquepersonne n’avait été choqué par le fait que Monique Pelletier, ministre chargée de la familleet de la condition féminine du gouvernement sortant, soit invitée un jour au « téléphonesonne » et le lendemain au « Club-7 ». Il quitte Radio-7 parce qu’il ne pouvait pas cautionnercet acte de « censure intolérable »

Mais l’événement qui fera le plus de bruit, c’est la censure de l’émission de fin d’annéed’Antenne 2. Nous en avons déjà parlé, le Collaro-show spécial réveillon sera amputéde la scène où Coluche présidait son premier conseil des ministres. Jacques Chancel,responsable des programmes de cette fin d’année, affirme qu’il n’y a pas censure puisqueseul ce sketch a été coupé, la vidéo dont Coluche faisait la voix-off devait rester présentedans l’émission. Coluche ne l’a pas entendu de cette oreille et a demandé que ce petit sketchsoit supprimé afin que l’on puisse passer l’autre. Résultat, ni l’un ni l’autre ne seront diffusés.

Coluche ne passera plus à la télévision jusqu’au 10 mai 1981, pendant ce temps làquelques articles continuent de paraître au sujet de cette censure. C’est Delfeil de Ton,alias Henri Roussel, dans le Nouvel Observateur qui va écrire l’article le plus long de cettepériode sur ce sujet.

« Le principal intérêt de la candidature Coluche apparaît ailleurs. Ce qu'elleprovoque en montre long sur la censure qui règne chez nous et sur les compli-

118 PFISTER (Thierry), « Que faire de Coluche ? », Le Nouvel Observateur, 8 décembre 1980, n° 839, p.40

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cités qu'elle rencontre. Songez : pas un sondage sur la candidature de Coluchene le crédite de moins de dix pour cent des intentions de vote. Ce n'est pas rien.Eh bien ! depuis le premier sondage, aucune, absolument aucune télévision,d'Etat ou privée, en France, n'a fait venir le candidat Coluche à une émissiond'informations. Aucune radio non plus. »

Le Monde fera plus ou moins le même constat lorsque Coluche renoncera à sa candidature :« Il est vrai que Coluche a été victime de censures répétées à la radio et à la télévision. ».

Nous ne pouvons pas affirmer que la presse a censuré Coluche, mais nous ne pouvonsqu’être surpris de remarquer que Le Figaro, L’Express ou encore L’Humanité – qui clamenttout au long de ses colonnes que « son » candidat, Georges Marchais, est censuré par latélévision – n’ont jamais abordé ce sujet de la censure de cette candidature.

b) Les journaux qui relayent les événements créés par Coluche pour luttercontre la censure le soutiennentDe janvier à mai 1981, Coluche va tout faire pour attirer l’attention des médias. Nous enparlions en première partie, il y aura la conférence à Polytechnique, l’appel aux petitscandidats, l’annonce de la fin de sa campagne, puis la grève de la faim. Ce sont les mêmesquotidiens que ceux cités précédemment qui couvrent ces événements. Pour commencerpar la conférence de Coluche à Polytechnique, nous montrions précédemment que letraitement était relativement irrégulier. En effet, L’Humanité va faire paraître un article trèscourt à ce sujet. En fait, si L’Humanité couvre cet événement ce n’est pas parce que cejournal connaît un regain d’intérêt pour Coluche, mais plutôt pour clamer que Coluche se« fou[t] de la politique et qu’[il a] fait ça pour [se] faire de la pub. ». Le Monde avait àcette occasion fait paraître un article relativement long dans lequel le journaliste s’étonnede l’absence de journalistes radios et télévisions pour couvrir cette conférence loin d’êtreordinaire. Charlie Hebdo consacre une pleine page à l’événement :

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Cet événement n’est pas forcément lié à une envie de sortir de la censure, Coluchel’aurait probablement réalisé en toutes circonstances. Les événements suivants enrevanche ont vraiment été créés de toutes pièces par l’humoriste et son équipe afin de luttercontre son exclusion de la sphère médiatique.

Le 10 février, Coluche annonce aux télévisions anglo-saxonnes qu’il a obtenu 632signatures. Rappelons que seuls trois quotidiens traitent de cet événement, Libération, LeMatin et Le Monde, les autres journaux ne relèveront pas l’information, qui semble pourtantêtre la réponse à une question que tout le monde a sur les lèvres depuis le mois d’octobre1980, Coluche aura-t-il les cinq cents signatures nécessaires ?

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Charlie Hebdo mettra tout son humour au service de l’événement :Jean-Michel Vaguelsy déclarait à une conférence prononcée à l’I.E.P. de Lyon en février

2005 que Coluche n’avait obtenu qu’une quinzaine de promesses de signatures. On estdonc ici dans un événement crée dans le simple but de faire revenir les journaux à lui. Lerésultat est plus ou moins efficace puisque seuls les journaux qui ont l’habitude de soutenirColuche ont répondu présent à l’appel.

Coluche ne baisse pas les bras pour autant, il avait lors du mois de janvier lancédans les colonnes de Libération un appel à la fédération des petits candidats. Il organiseradonc début mars une conférence commune aux petits candidats. Interrogé à ce sujet, lorsde l’entretien que nous avons déjà cité auparavant, Jean-Michel Vaguelsy nous confieque cet appel aux petits candidats est un « véritable moment de désarroi ». Coluche saità ce moment qu’il n’aura pas les cinq cents signatures. Cette conférence n’aura qu’unsuccès très relatif, puisque comme le note Le Monde : « Seuls sont montés sur scène M.Joseph Rennemann, avocat à Strasbourg, défenseur des détenus des quartiers de hautesécurité; Mme Christiane Loretz, qui se prononce pour « un nouvel ordre économiquemondial » favorable aux pays du tiers-monde ; M. Claude Blanchard, porte-parole des«consommateurs» de maisons individuelles ; M. Jacques Vecker, auteur d'un « projet desociété pour l'homme universel ».119 Tous les autres candidats présents sont pour le coupvraiment fantaisistes, le professeur Choron, candidat des chauves, son ami René Fallet,candidat des ivrognes, on pouvait aussi compter parmi les candidats, le candidat desimmigrés qui ne s’est exprimé qu’en arabe, le défenseur du rock’n’roll, ou encore le candidatdes maigres suicidaires. Le Matin a surtout consacré son article à l’apparition de Coluche« vêtu d'un simple ruban tricolore cachant sa virilité et d'une plume d'autruche. »120Le Mondeconclura son article par ces mots : « Faute d'avoir efficacement œuvré en faveur de laliberté d'expression, dont n'ont profité que quatre « petits » candidats. Coluche a ramenéla couverture à lui. ».

Mais la couverture n’est pas suffisamment revenue à lui. Les télévisions n’étaient pasprésentes, et une fois encore, seule une partie de la presse était présente. Coluche seprépare à sortir de cette candidature, un événement va l’en précipiter. Nous le signalionsauparavant, Coluche va être entendu par la police judiciaire à propos de la « une » d’Hara-Kiri. On sait qu’aucune plainte n’a été déposée, il est donc compréhensible que Coluche ait

119 LHOMEAU (Jean-Yves), « les trucs de Coluche », Le Monde, 4 Mars 1981, n° 11 225, p.11120 « COLUCHE, Son trucen plume », Le Matin de Paris, 3 mars 1981, n°1250, p.1

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Titre 2. Les mots du corpus révèlent le positionnement des journaux quant à la campagne deColuche

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vu dans cette convocation un acharnement contre lui et une volonté de déstabiliser une foisde plus sa candidature. Le Figaro sortira de son mutisme pour écrire une brève au sujetde cette convocation.

La dernière idée pour faire revenir les journalistes à lui sera d’annoncer le retrait desa candidature. Le succès escompté est assuré, Le Figaro couvrira cet événement. Le 18Mars Charlie Hebdo fait paraître cette caricature révélatrice :

Les télévisions et les radios annoncent ce retrait, sans pour autant diffuser de reportage.Mais lorsque le lendemain, Coluche annonce que ce n’était qu’une blague pour faire revenirles journalistes. Personne ou presque ne le suit. Le Monde, Charlie Hebdo et Le Matin sontune fois de plus les seuls à couvrir la campagne. Coluche aura beau faire une grève dela faim pour espérer passer à la télé et à la radio, il ne retrouvera plus la médiatisationsouhaitée. En effet, seuls Le Matin et Charlie suivent cette grève.

Claude Weill fera remarquer à Coluche qu’« apparemment, [sa] grève n'empêche pasles responsables d'Antenne 2 et d'Europe 1 de dormir. » L’humoriste lui répondra : « Je

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La candidature de Coluche dans la presse, quand les mots dessinent l’identité des journaux.

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les comprends. Si Giscard d'Estaing faisait la grève de la faim, ça m'empêcherait pas debouffer. Il faut bien le dire. »121. Coluche reviendra dans un entretien avec Cavanna sur cettegrève de la faim : « L'emmerdant, c'est que ta grève de la faim, personne n'en a rien su, oupresque. Et ceux qui l'ont su ont cru à une blague. Les médias t'ont presque entièrementboycotté » faisait remarquer Cavanna à l’humoriste qui a répondu : « Pour moi, c'était uncoup de sonde. Je voulais voir si les journalistes seraient assez crapules pour boycotterça. J'ai vu. »122

B. Les différentes manières d’aborder les thèmes de la campagnecoluchienne révèlent la prise de position des journaux.

Cette partie se veut l’aboutissement de notre raisonnement. Parmi les mots récurrentscertains renvoient à des thèmes bien précis de la campagne, nous n’allons pas pouvoir tousles passer en revue, mais nous allons nous intéresser à ceux qui marquent le mieux lesclivages entre les journaux. Tout d’abord nous allons voir les mots utilisés par la presse pourqualifier les intellectuels, pour ensuite nous porter vers le domaine du judiciaire.

a) Les mots pour qualifier les intellectuels mettent en relief un réel clivageentre les différents journauxQuinze articles de notre corpus font état de l’engagement des intellectuels dans lacampagne de Coluche. Ils se répartissent plus ou moins sur l’ensemble des journaux mêmesi une fois de plus Le Matin, Libération et Le Monde consacrent plus d’articles à ce sujetque leurs confrères.

L’Humanité n’a pas souhaité parler de ces intellectuels. Notons au passage queLe Monde a préféré laisser la parole aux intellectuels plutôt qu’écrire à leur sujet. Lequotidien de la rue des italiens laisse donc une tribune à Chesneaux et Halbwachs, deuxsignataires, respectivement professeur à Paris VII et à la Sorbonne, et ne publie qu’un articlerelativement neutre, où le journaliste montre simplement que Coluche gardait un œil sur ceque faisaient les intellectuels de sa candidature : « Attention les intellos, à ce que vous allezdéclarer comme conneries. Parce que moi, je vais vous taper derrière les oreilles. »123

Si on excepte Libération, tous les autres journaux vont tenir des propos plus ou moinsrudes à l’encontre des intellectuels.

Commençons par une présentation simple des mots utilisés pour désigner cesintellectuels dans les différents journaux. Libération les nommes « gotha de l’intelligentsia »,« intellectuels contestataires », pour Le Matin ce sont « les maîtres à penser de la gauche »,les « zélateurs d’un athlète anti-tout », « nos champions » ; dans un second article onpeut lire les termes « vieux pétitionnaires », « intellectuels sacrés par les médias héritiersde mai 1968 » et enfin « intelligentsia ». Le Point, moins dur, qualifie ces intellectuels de« respectables ». Pour le Figaro ce sont des « chasseurs d’absolu » et pour l’Express cesont des « intellectuels de gauche » ou moins généralement « certains sociologues oulittérateurs ». Rappelons que selon le Trésor de la Langue Française, le littérateur est lemot péjoratif pour dire « homme de lettres ».

121 WEILL (Claude), « Coluche : il faut sortir Giscard », Le Matin de Paris, 27 mars 1981, n° 1271, p.5122 CAVANNA, « Le président Coluche va bien », Charlie Hebdo, 8 avril 1981, n°543, p.3123 LHOMEAU (Jean-Yves), « Coluche ou la campagne imprévisible », Le Monde, 12 décembre 1980, n°11 156, p. 10

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Titre 2. Les mots du corpus révèlent le positionnement des journaux quant à la campagne deColuche

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Outre l’utilisation de mots foncièrement différents, notons que les journaux neprésentent pas le nombre de pétitionnaires par les mêmes termes. Ainsi, ils sont une « unetrentaine » dans Le Monde. (C’est en fait l’estimation la plus exacte que l’on puisse donnerpuisque leur nombre a varié, on sait par exemple qu’Alain Jouffroy s’est retiré pour nepas nuire à François Mitterrand, et que d’autres signataires n’ont jamais reparlé de cetengagement. Ce que l’on peut affirmer c’est qu’il y avait vingt-neuf signataires à la pétitionparue dans Les Nouvelles Littéraires.) Pour Libération, aucune limite n’est donnée, poureux c’est « le gotha de l’intelligentsia » qui s’est mobilisé pour la campagne de Coluche. LeNouvel Observateur parle « de dizaines » d’intellectuels, les autres journaux seront moinsgénéreux sur le nombre « quelques uns de ces intellectuels » écrit Le Figaro, Le Matinfait le même constat, « il en reste quelques uns » enfin, pour L’Express les signatairessont « quelques rares intellectuels de gauche », ils sont dans les colonnes du Point, « unepoignée ».

A partir de ce double constat on peut d’ores et déjà imaginer le positionnement dechaque journal. Nous allons les passer en revue pour vérifier qu’il n’y a en effet pas dehasard, une fois de plus les mots révèlent le positionnement des journaux au sujet desintellectuels.

Pour Libération, les intellectuels insufflent du sérieux dans la campagne de l’humoriste.Ce quotidien prend d’ailleurs leur soutien très au sérieux en reproduisant l’intégralité deleur pétition de soutien dans leurs colonnes. Pour ce journal, les intellectuels vont soutenirColuche grâce au « poids important de leur prestige »124. On peut noter, en outre, que cejournal va faire paraître une très longue interview de Jean Chesneaux le 7 février 1981.

Certes Le Matin aussi laissera une place dans ses colonnes à Jean-Pierre Faye, maisce quotidien a une vision des intellectuels pétitionnaires grandement différente. On pourraitcroire par les mots utilisés qu’un article est plus positif que l’autre. Or il n’en est rien. Pour cequotidien, les intellectuels de gauche « démissionnent », il semblerait selon ce journal queles intellectuels de gauche partent à la dérive puisque selon eux, il n’y en a plus que deuxcatégories, ceux « qui tombent dans l’homicide » comme Althusser qui « a tué bobonne » ouceux qui « deviennent des zélateurs d’un athlète anti-tout ». Pour eux c’est un « naufrage ».Le journaliste répète d’ailleurs ce terme dans une phrase cinglant ces intellectuels : « Quelnaufrage ! Mai 68 qui accouche d’une salopette, la subversion par les bretelles »125. Dansle second article126 paru dans ce quotidien, le constat est encore plus amer. Alexis Liebaertvoit dans l’engagement des intellectuels une « subite myopie » générée par « le vague àl’âme de l’intelligentsia », la conclusion de l’article est sans appel : « Y’a des mecs – commedit Coluche – qui à force de se laisser baigner par l’air du temps finissent par avoir le cerveauun peu atteint par la rouille. »

Le Nouvel Observateur n’a pas vraiment pris part dans le débat sur l’engagement desintellectuels, on peut tout de même noter que le 24 novembre 1980, dans son éditorial, JeanDaniel parle de la « cécité intellectuelle » qui est pour lui « aussi grave que le phénomène enelle-même. » On ne peut bien sûr pas non plus parler des intellectuels sans citer cette phraserestée célèbre de Guy Sitbon : « Guattari et Nicoud derrière Coluche : la réconciliation duhash et du beaujolais. »127

124 « Coluche aussi a ses intellectuels pétitionnaires », Libération, 19 novembre 1980, n°2104, p.8125 ALGALARRONDO (Hervé), « le naufrage des intellectuels de gauche», Le Matin de Paris, 24 novembre 1980, n°1165, p.16126 LIEBAERT (Alexis), « Le niveau zéro », Le Matin de Paris, 24 novembre 1980, n°1165, p.16127 SITBON (Guy),« La France de Coluche », Le Nouvel Observateur, du 17 novembre1980, n°836, p48-49

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Le Point ne s’est pas trop engagé non plus. Ce magazine se moque, en fait, de cesintellectuels qui prennent Coluche au sérieux. Le journaliste commente entre parenthèsesles citations de Félix Guattari : « "la musique de Coluche est extrêmement sophistiquéequelque part..." (sic). » Nous soutenons Coluche « pour surmonter "l'impuissantisation dela praxis" (re-sic) ».

L’Express restant toujours sur le même credo va comparer les intellectuels de Colucheaux soutiens de Pierre Poujade. Jean-Pierre Faye utilisera un droit de réponse pour montrerla surprise qu’il a eu en apprenant qu’il était comparé à Pierre Benoît, cet écrivain arrêtépour collaboration et relâché faute de preuves. Dans leur numéro du 22 novembre 1980,Olivier Todd écrit ce propos cinglant : « Le passage de Marcuse à Coluche chez certainssociologues ou littérateurs montre qu’il y a dans la gauche non communiste autant dedésarroi que d’impuissance. ».

Enfin, Le Figaro critique ces « intellectuels qui rêvent d’une société parfaitementtransparente et homogène » et qui « obéissent avec une triste incohérence à la pentetotalitaire de leur idéologie »

A travers cet exemple, on a pu voir qu’en prenant les mots concernant un pointparticulier de la campagne de l’humoriste, on tombe toujours sur le même type d’analyse.Excepté Le Matin dont tous les articles traitant des intellectuels sont parus pendant le débatinterne à la rédaction. En l’occurrence toutes les personnes ayant voulu s’opposer à cettecandidature ont saisi l’occasion de la publication de la pétition des intellectuels pour en diredu mal. Ce n’est pas un journal isolé puisque on a noté que L’Express et Le Figaro ont aussisaisi la perche tendue par les intellectuels pour dire tout le mal qu’ils pensaient d’eux et dela candidature de l’humoriste.

b) les événements sont tous traités différemment selon les journaux. Unexemple concret, les démêlés de Coluche avec la justice.On a eu l’occasion de voir que tous les journaux ont pris une position, plus ou moins franche,sur la candidature du fantaisiste. Dans cette dernière partie nous nous intéressons auxthèmes abordés, l’exemple de la censure et des événements conçus par Coluche pour lacontourner nous a montré que tous les journaux n’abordaient pas l’ensemble des sujets. Ona pu voir aussi auparavant que des thèmes sont abordés quasi-exclusivement par certainsjournaux, les militants sont par exemple l’apanage de Charlie Hebdo et de Libération. Atravers l’exemple des intellectuels nous avons voulu montrer que les journaux ont parfoissaisi des points particuliers de la campagne pour afficher leur positionnement, tout enmontrant que cette prise de position était toujours révélée par les mots. Dans cet ultimepoint, nous allons nous baser sur un sujet extrêmement précis, un fait divers. Ou plutôtplusieurs petits faits divers gravitant autour d’un seul thème, les démêlés de Coluche avecla justice. Le but est de montrer un exemple de traitement différencié d’un fait d’actualité. Ilpourrait apparaître comme une critique du journalisme, il n’en est rien, cette partie est justeune mise en exergue du mythe de la neutralité du fait divers. Même sur un article très brefon peut noter des différences cruciales qui nous indiquent le positionnement des journaux.Nous aurons ainsi qualitative, qui nous a amené à dévoiler le positionnement des journauxtout au long de cette campagne, positionnement qui se révèle aussi par une absence detraitement d’une certaine partie de la campagne, par la critique de certains points et doncenfin par l’utilisation de mots ou d’expressions particulières qui font que même à travers unebrève nous pouvons noter l’absence de neutralité de l’information dans les journaux.

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Les faits divers sur lesquels nous allons nous baser sont ceux qui ont fait de Colucheun « habitué du quai des Orfèvres »128. Avant de commencer l’analyse de presse de cesévénements, nous allons tenter d’effectuer une présentation la plus objective possible desfaits. Le 26 novembre, un corps est retrouvé dans une carrière à Gournay-sur-Marne, aprèsune journée d’enquête, il se trouve que l’homme est un employé de Paul Lederman quitravaillait sur le spectacle de Coluche en tant que régisseur-lumières. Interrogé sur le passéde cet homme, Coluche déclarait : « A une époque, il a effectivement été voleur, comme moi,comme le sont les mômes dans les banlieues, mais depuis il n’a plus eu d’histoires. »129.Afin de se renseigner sur les liens entre Coluche et ce régisseur, il est convoqué avec PaulLederman au 36 quai des Orfèvres. Quelques jours plus tard, Coluche devra revenir dansces mêmes lieux pour déposer plainte suite à la lettre de menace reçue. Cette lettre demenace est un « premier avertissement » du groupe « Honneur de la police » qui semble-t-il n’aurait pas apprécié que Coluche tourne dans le film « Inspecteur Labavure ». Avantd’analyser ces textes nous voulons présenter les éléments utilisés pour illustrer différentsarticles. Nous reviendrons sur deux d’entre eux par la suite.

Nous ne pouvons pas présenter et comparer l’intégralité des articles traitant de cethème, nous allons donc nous baser sur quelques points précis. Nous allons donc toutd’abord voir les mots utilisés pour qualifier René Gorlin, et plus précisément sa fonction.Nous verrons par la suite comment les journaux traitent de son passé et de ses possessionsactuelles, nous finirons par présenter le résultat des perquisitions effectuées à son domicileen soulignant les différences visibles dans chaque journaux. Nous verrons aussi pour finircomment Coluche est présenté pendant cet événement.

Nous le précisions auparavant, René Gorlin était le régisseur-lumières de Coluche.Pour Libération, il n’était que le « régisseur lumières du spectacle de Coluche » même sicertains l’« imaginaient garde du corps »130. Le Monde le qualifie de « régisseur (régisseurlumière plus exactement) »131. On peut dire que pour l’instant les termes semblent plus oumoins équivalents, notons que par la suite, les mots divergent, Pour le Matin, René Gorlin

128 REVERIER (Jean-Loup), « Les embarras de Coluche », Le Point, 8 décembre 1980, n° 429, p.57-58129 BRUNETTI (Denis), « La mort du régisseur-lumière de Coluche », Libération, 28 novembre 1980, n°2112, p.4130 idem131 GREILSAMER(Laurent), « L’Enquête sur le meurtre de René Gorlin », Le Monde, 29 novembre 1980, n°11145 p14

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était « régisseur du spectacle de Coluche »132, poste qui consiste à régir tant l’organisation,que la régie son, lumière… Ce quotidien utilise aussi en titre ce terme de « régisseur deColuche », poste qui devrait, vraisemblablement consister à gérer les affaires de Coluche,voire sa vie. Ce terme sera aussi utilisé dans le titre consacré à l’événement par Le Figaro ;Le Point quant à lui fait paraître cette expression dans le corps de leur article du 1erdécembre, par la suite, le journaliste écrit que son poste était « régisseur-lumière et àl’occasion garde du corps ».133 Enfin, Le Figaro le qualifie de « régisseur homme à toutfaire »134 et Minute, de « gorille de Coluche ».135

Difficile dès lors de s’y retrouver, on ne sait plus vraiment quel était le poste de RenéGorlin, on ne sait donc plus vraiment s’il était proche ou non de l’humoriste, mais la discordeentre les journaux ne se limite pas à ce simple fait, nous allons à présent nous intéresser aupassé et aux possessions de cet homme. En effet, les journaux, cherchant à comprendrepourquoi ce régisseur a été assassiné, vont se pencher sur ces deux éléments. PourLibération, il a été « condamné en 1960 pour vol qualifié », il a fait dix-huit mois de prison« depuis, rien. ». Pour Le Matin il a été condamné pour « vol qualifié », « il est vrai que depuis,il n’a jamais eu affaire à la justice ». Le Figaro, plus évasif, affirme qu’il a eu à « 19 ans,quelques ennuis avec la justice mais n’avait jamais récidivé ». Cependant, le 2 décembre LeFigaro reviendra un peu sur cette position en écrivant qu’il avait « gardé, depuis sa jeunesseorageuse, des relations douteuses »136, Minute, enfin le qualifie de « truand confirmé »soupçonné de « proxénétisme et de casse ». Quant à ses possessions, ce « journal »,affirme qu’il possédait « une fermette », « une écurie de courses » ainsi qu’« un appartementà Paris ». Deux autres journaux reviennent sur ses possessions. Pour Le Figaro, « il vivaità Rosay » et « possédait un studio à Paris » alors que pour Le Matin, « il était domicilié àRosay » et « avait un pied à terre chez une amie à Paris ».

Le dernier point de discorde manifeste au sujet du meurtre du régisseur-lumières deColuche concerne la perquisition qui a eu lieu à son domicile. Le Figaro, Le Monde et LePoint font état de cette perquisition, les autres n’en parlent pas. Libération préfère consacrerune brève à l’inhumation de René Gorlin. Le Monde affirme qu’il y avait « plusieurs cartesd’identités françaises, une allemande, une carte grise d’un véhicule allemand et un vieiluniforme de C.R.S. »137. Pour Le Figaro « diverses pièces d’identité peut-être volées…ainsiqu’un uniforme de C.R.S. »138. Notons l’introduction du « peut-être volées », Le Point ôterala nuance puisque pour selon M.Reverier, il y avait au domicile de René Gorlin : « quelquesmunitions, des papiers volés dans des voitures et même un uniforme de C.R.S. »139. Outrel’effacement de cette nuance, on découvre qu’il y aurait eu au domicile du régisseur desmunitions. Ces éléments supplémentaires sont peut-être liés à la parution plus tardive del’enquête mais nous nous devons d’émettre des réserves sur cette hypothèse car commenous le signalions en première partie, cette enquête va être longue, et Coluche se plaignaitd’ailleurs qu’elle n’avançait pas assez vite.

132 « Le régisseur de Coluche assassiné », Le Matin de Paris, 28 novembre 1980, n°1169, p.40133 REVERIER (Jean-Loup),« Les embarras de Coluche », Le Point, 8 décembre 1980, n° 429, p.57-58134 «Le régisseur de Coluche assassiné », Le Figaro, 28 novembre 1980, n°11270, p.11135 « Le gorille de Coluche avait une écurie de courses », Minute, 3 décembre 1980, p.5136 « Coluche : protection policière », Le Figaro, 2 décembre 1980, n° 11273, p.12137 « Les menaces d’«honneur de la police » », Le Monde, 3 décembre 1980, n°11 148 p.10c138 « Coluche : protection policière », Le Figaro, 2 décembre 1980, n° 11273, p.12139 REVERIER (Jean-Loup), « Les embarras de Coluche », Le Point, 8 décembre 1980, n° 429, p.57-58

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Titre 2. Les mots du corpus révèlent le positionnement des journaux quant à la campagne deColuche

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A propos de Coluche, notons que les journaux vont présenter des versions trèsdifférentes de ses passages au 36 du quai des Orfèvres. Libération et Le Matin ne traitentque de son premier passage, Le Monde, Le Figaro et Minute n’abordent que le second.Libération explique que l’ « audition aurait duré deux heures »140 et selon le commissaireFoll l’ambiance était « correcte », pour Le Matin de Paris l’entretien a été « parfaitementcourtois »141. Lors de son deuxième passage à la police judiciaire, Coluche est venu pourdéposer plainte suite à la lettre de menace qu’il a reçu. Difficile de savoir comment s’estpassé son interrogatoire puisque comme le souligne Paul Lederman, « c’est une informationque [les journalistes] ne devr[aient] pas avoir »142. Toutefois, il semblerait que Coluchese soit énervé après qu’on lui ait demandé à nouveau de décliner son identité. Pour LeMonde, Coluche « perdit son humour » face aux « formalités administratives longues maisnécessaires »143. Le Figaro cite les policiers qui ont déclaré que Coluche était « excédé »alors que pour Minute il y a eu tout un scandale, Coluche serait allé se plaindre au chef, etserait parti en criant « les policiers sont tous des c... ».

On voit à travers ces exemples que la prise de position se fait même à travers unsimple fait divers. Les journaux n’hésitent pas à montrer Coluche plus proche de l’hommeassassiné, peut-être dans le but de nuire à sa campagne. Ils n’hésitent pas non plus àsurestimer le passé de cet homme afin de montrer que les relations de Coluche sontdouteuses et mal famées. Chaque journal passe sous silence les éléments qui ne l’arrangentpas, Libération pourtant très prolixe au sujet de Coluche n’informe pas ses lecteurs del’incident dans les locaux de la police judiciaire, Le Figaro de son côté omet de préciserque le premier passage de l’humoriste dans les locaux du quai des Orfèvres s’était déroulésans embûches…

Tout au long de notre travail, nous avons attaché beaucoup d’importance aux mots,avant de conclure ce mémoire, nous voulions signaler que l’on aurait pu aussi anticiper lesens des articles à la simple vue des photographies utilisées pour illustrer l’événement. LePoint et Libération ont eu un traitement quasi diamétralement opposé de cet événement. Cesont les deux seuls journaux à utiliser des photos d’illustrations. Nous les avons reproduitesauparavant. Dans celle de Libération, nous notons que l’image est très claire, Coluche estpris de face et présente un visage neutre voire souriant. Cette image donne une visionsympathique de l’humoriste. Le Point a choisi une photo où Coluche descend d’un escalier.Conséquemment, Coluche a la tête baissée. La photo est très sombre, ce qui donne uneambiance moins agréable, moins attirante, de plus on voit peut l’expression de Coluche maiselle semble triste. Coluche paraît préoccupé et peu avenant. Les mots révèlent le mêmeesprit, ceci n’est pas anodin, c’est un travail de cohérence entre le texte et l’image réaliséconsciemment.

La boucle est bouclée, nous avons présenté le positionnement de tous les journaux àtravers les mots qu’ils ont employés à propos de Coluche. En finissant par ces faits divers,nous avons montré jusqu’à quel point les journaux se sont engagés dans la campagne deColuche. La neutralité de la presse n’existe pas, il n’y a pas que les éditoriaux qui sont desprises de position, chaque article, chaque brève a été l’occasion de donner son point devue sur la campagne de l’humoriste. A présent, nous devons conclure, pour ce faire nousreviendrons sur le concept d’identité.

140 BRUNETTI (Denis), « La mort du régisseur-lumière de Coluche », Libération, 28 novembre 1980, n°2112, p.4141 « Le régisseur de Coluche assassiné », Le Matin de Paris, 28 novembre 1980, n°1169, p.40142 GREILSAMER (Laurent), « Coluche menacé », Le Monde, 2 décembre 1980, n°11 147 p.48143 idem

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La candidature de Coluche dans la presse, quand les mots dessinent l’identité des journaux.

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Conclusion

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Conclusion

Nous avons vu, montré, démontré que les mots utilisés par les journalistes ne sont pas quele simple fruit du hasard, ils révèlent l’identité des journaux et participent à sa construction.Ainsi, nous avons pu classer ces journaux en trois grandes parties, ceux qui se sontdéchirés, divisés ou qui ont simplement fait preuve de réserves et enfin, ceux qui ont adoré.

Mais l’idée d’identité inclut un certain principe d’inamovibilité, du moins de permanence.Ainsi, si nous affirmons que les journaux ont défini une partie de leur identité au cours decette élection, il faut maintenant, pour que ceci soit avéré, voir si la position des journaux ausujet de l’humoriste était uniquement liée à sa candidature ou si elle a traversé le temps.

Avant l’élection, les journaux étaient plus ou moins unanimes au sujet de Coluche.Certes Coluche avait déjà des amis à Libération et à Charlie Hebdo, mais cela n’empêchaitpas Claude Cabanes (L’Humanité) d’« éclater de rire », ni L’Express de le qualifier de « trèsdrôle, très lucide et très tendre personnage ». Ces deux journaux particulièrement durs avecColuche pendant l’élection - rappelons que L’Humanité n’a quasiment pas écrit une lignesur la candidature de Coluche et que chaque fois qu’elle le faisait c’était pour l’attaquer,et que Le Figaro est allé jusqu’à qualifier Coluche de « fossoyeur du music-hall » et de« manipulateur d’excréments » - le journal a-t-il évolué une fois l’élection terminée ?

Coluche disait toujours qu’une fois qu’il cesserait de jouer aux candidats à la présidencede la République, tous les journalistes lui courraient à nouveau après. Il n’a pas vraimenteu tort. Dès le 10 mai, soir de l’élection de François Mitterrand, alors que Coluche se rendau siège du P.S. espérant approcher le nouveau président, des cameramen remarquent saprésence et essayent d’obtenir la réaction à chaud du comique. Ils n’obtiendront guère plusqu’un « tiens donc vous êtes là ? Ça fait longtemps que je ne vous avais pas vus ! ».

Coluche est déçu, « déçu de ses droits civiques » comme il disait. Il est aussiprofondément fatigué et éprouvé par cette campagne. Campagne qui l’a épuisé, atteintmoralement et qui – de plus – a profondément contribué à son divorce. Il ne relèvera pasla tête si facilement. Il avait prévu de partir sur son île déserte et de tourner des films. Ilréalisera ses projets, mais son voyage sur les îles ne ressemble pas au paradis escomptéet ses films reçoivent une critique très moyenne. « Le maître d’école », « Deux heuresmoins le quart avant Jésus-Christ » et « Banzaï » sont autant de films issus de cettepériode. Rien ne lui permettra de sortir de cette déprime. Le suicide de son ami PatrickDewaere (16 juillet 1982) ne viendra pas améliorer les choses. Puis le bout du tunnelcommence à apparaître. Un film à contre-emploi, « Tchao Pantin », va recevoir un succèsinespéré. C’est un des signes précurseurs du retour de Coluche, il sera récompensé d’uncésar en mars 1984 pour ce film où il incarne Lambert, ancien flic reconverti en pompistedépressif et alcoolique. Les radios et les télévisions commencent à nouveau à lui « tournerautour ». Le grand retour de Coluche est annoncé à grand coup de renfort publicitaire. Ilaura lieu lors de l’émission de Patrick Sabatier, « Le jeu de la vérité ». Coluche se mettraà nu devant des questions de téléspectateurs parfois très indiscrètes. On apprendra quependant sa « disparition », Coluche a véritablement sombré dans la drogue, il a trouvé laphrase qui résume au mieux cette dépendance : « sauf erreur ou omissions j’ai du goûtéà tout ce qui existe ». Au cours de cette émission, Coluche paraît à nouveau requinqué etcorrosif. Pas surprenant dès lors qu’en juillet 1985, la France entière se recouvre d’affiches

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annonçant le grand retour de Coluche à Europe 1. Il reprend le créneau quotidien de MichelDrucker qui ne fait plus recette. Cette émission, intitulée « Y’en aura pour tout le monde »,permet à la radio et à Coluche de se refaire une santé. Suite à ce succès, le rêve deColuche de présenter un journal télévisé va devenir réalité. Canal Plus va lui donner sachance en cette fin d’année 1985, un J.T. quotidien intitulé « Coluche 1 faux » laisse carteblanche à l’humoriste. Blagues salaces, déguisements kitsch et reportages vidéos doubléssont l’apanage de cette émission qui connaît un grand succès. La carrière de Coluche estrelancée, elle bat son plein comme jamais. Même s’il quittera rapidement les plateaux de lachaîne cryptée, qu’il surnommait « Anal + », parce que cette émission était démesurémentchronophage. Coluche ne cessera plus d’être en haut de l’affiche. C’est dans ce contexteque vont naître « les restos du cœur ». Début octobre, Coluche est toujours sur Europe1. Las de lire des messages de personnes qui n’ont pas de quoi manger, dans ce « paysde bouffe », Coluche lance l’idée des restaurants du cœur. Il y mettra toute son énergie,tout son talent, comme à son habitude il entraînera ses amis dans l’aventure. Et dès l’hiver1985, les restos du cœur servent leur premier repas. C’est le 26 janvier 1986 que cetteaventure atteint le summum de la médiatisation, après avoir impliqué des étudiants d’écolesde commerce, des hommes politiques, la mairie de Paris et d’autres mairies françaises,Coluche obtient un après-midi d’émission non-stop sur TF1 pour assurer la promotion deses restaurants et ainsi récolter des dons. Le succès sera sans précédent, les restaurantsdu cœur feront des émules jusqu’au ministère de l’Agriculture et au Parlement Européen.Libération du 27 janvier 1986 consacrera ainsi sa « une » à « Saint Coluche ».

Entre temps Coluche avait battu le record du monde du kilomètre lancé à moto, et s’étaitmarié « pour le meilleur et pour le rire » avec Thierry Le Luron. Son succès grandissantl’avait poussé à faire un retour sur scène, l’Olympia était programmé pour la rentrée. Unspectacle très travaillé qui ne laissera de traces qu’à travers un album - « Mimi 86 » - un« putain de camion » ayant mis fin à la vie de « Saint Coluche ».

Autant d’événements amène à penser à une profonde refonte du positionnement dela presse à propos de Coluche. Or, il n’en est rien. Les « unes » parues après l’accidenttragique le prouvent :

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Libération et Le Matin qui avaient été les plus prolixes sur la candidature de l’humoristefont leur « une » sur cet événement. Le premier lui consacre une « une » d’anthologie et undossier spécial de douze pages, le second fait de même dans une proportion moindre (cinqpages, voir CD-ROM). Le Monde fait paraître deux longs articles et lui réserve un encadrébien visible en « une » retraçant la vie de Coluche.

Le Figaro va tout comme Libération marquer par sa « une » mais pour la raison inverse.Un tout petit encadré en bas de page nous informe de la mort de Coluche. L’article estrenvoyé à la page 36, dans la rubrique « spectacle ». Une brève biographie servie ensuitepar un petit article rappelant la position du journal sur l’humoriste : « Il est évident que leregistre de Coluche, d'une partie de ses émissions, se situait assez souvent dans le champde l'agression plus que dans celui du ludique. » Cette froideur du Figaro avait été anticipéepar leurs confrères de Libération qui avait fait paraître dans leur article ce dessin de Cabu :

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Mais Le Figaro n’est pas le seul journal à faire parler de lui. Ainsi, L’Humanité neréservera pas non plus son gros titre à Coluche, mais surtout publiera un article dénué detendresse. Dans « Le temps passé » Brassens chantait « les morts sont tous des bravestypes », il ne semble pas que L’Humanité soit de cet avis, le journaliste écrit qu’« Europe 1ou TF 1 [s’arrachaient] ses blagues hénaurmes, ses éructations de beauf, bref ses facétiesque lui-même, au fond, ne trouvait peut-être pas si drôles. » En outre, ils achèvent leur articlesur une des citations les plus controversées de Coluche, peut-être une de ses blagues lesmoins drôles, celle qu’il a prononcé au lendemain du drame d’Heysel (29 mai 1985), drameprovoqué par un mouvement de panique causé par des hooligans lors d’une finale de couped’Europe de football et qui avait causé une trentaine de morts, « Les gens qui vont auxmatches de foot, c’est des cons. Alors, trente cons en moins ».

Le monde politique a ravalé sa rancœur pour faire des éloges dithyrambiques aucomique :

Le président François Mitterrand : « C'est un déchirement. C'était un amoureux de lavie et il vient de la perdre. Coluche n'était pas seulement un homme qui faisait rire, je leconnaissais personnellement, il était très fin, il avait une réflexion. »

Jacques Chirac, Premier ministre : « J'apprends avec tristesse et émotion le décèsaccidentel de Coluche. Cet artiste dont toute la carrière témoigne d'une grande vervecomique et satirique indiscutable, avait su mettre sa notoriété au service de causesgénéreuses. Je sais que sa mort peinera profondément tous ceux - et en particulier lesjeunes- qu'il avait su divertir. »

François Léotard, ministre de la Culture : « La nouvelle est venue, au cœur desconversations, comme une mauvaise histoire mal racontée. » « Celui qui dérangeait n'estplus. Celui qui voulait aimer n'aurait pas aimé les oraisons funèbres, il s'en moquera. Elleslaisseront derrière elles le goût amer d'un vide. Ceux qui l'aimaient comme ceux qui nel'aimaient pas sauront retrouver, dans la brutalité de cette absence, le dernier signe de lamain d'un comédien à la recherche de son rôle. »

Jack Lang, ancien ministre de la Culture : Coluche « était l'inventeur d'une nouvelledramaturgie dans la grande tradition rabelaisienne française, et il perpétuait avec forceimagination et beaucoup de générosité cette grande tradition. C'était un homme plein definesse, plein de tendresse, plein d'attention. Je crois qu'il a réussi par sa popularité même,par la confiance populaire qu'il avait su gagner, à pouvoir se faire entendre partout. »

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Jacques Chaban-Delmas, président de l'Assemblée Nationale : « J'avais été trèsimpressionné par Coluche. Il m'avait raconté sa vie, les difficultés les plus extrêmes qu'ilavait rencontrées avant de devenir le Coluche que nous connaissions tous, et il n'avait rienoublié de sa misère et de la misère des autres. Cet homme-là ne pouvait pas supporter lamisère. C'était un homme bon que les malheurs n'avaient pas aigri, mais éduqué. »

Les journaux, quant à eux ne semblent pas avoir pardonné les agissements deColuche. L’Express ne consacrera pas sa « une » à l’événement trouvant les « nécrologiesridiculement canonisantes » et qualifiant Coluche de « gros rigolard emmerdeur ». Cemagazine lui consacre un petit article retraçant sa vie dans la rubrique « show-biz ». LeNouvel Observateur et Le Point annoncent tous deux la mort du comique par un petit titreen « une ». Le premier lui consacrera un long article, le second deux articles de tailletout à fait respectable. Les deux font une biographie relativement dépassionnée. Le Pointaccorde quelques gratifications à Coluche, celle d’ « institution nationale », de « monumentrépublicain de la dérision » et de « bouffon de la République » tout en rappelant que cemagazine ne soutenait pas sa « vulgarité provocante », la conclusion des articles est plutôtpositive : « Mais lui, le mec, j'espère que, quelque part, il se marre. »

L’article du Nouvel Observateur est moins tendre avec Coluche. Alors que l’article estdans l’ensemble positif il s’achève sur un petit topo sur les présidentielles, pour eux, « unclown ne fait vraiment rire que lorsqu'il se casse la gueule ». Cet hebdomadaire rappellequ’à l’époque « la classe politique grond[ait] et parl[ait] de déclin de la démocratie. C'[était]surtout le déclin de Coluche, qui s'entêt[ait] parce qu'il a[vait] oublié qu'un nez rouge nes'enlève pas comme une étiquette politique. ».

Finissons sur une touche positive, notons que Libération accordera à nouveau un longdossier lors des funérailles de Coluche, ne manquant pas de rappeler leur soutien au« bouffon essentiel » et finissant notamment un article par ces mots : « Sans Coluche, onpeut craindre le pire ; que l'époque se prenne décidément trop au sérieux sans que personnene vienne y mettre la dérision nécessaire. »

Les journaux ne se sont jamais remis de l’élection présidentielle, ils n’ont pas vouluréviser leur jugement, le débat demeure toujours passionné et c’est pourquoi on trouveratoujours des personnes pour écrire des mémoires de fin d’études au sujet de celui qui restele plus grand comique français.

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Bibliographie

BHAT (Eric) et GERARD (Jean Quentin), Le programme politique d’un mec nomméColuche, Paris, SIPE, 1981, 95p.

BOGGIO (Philippe), Coluche, Paris, Flammarion, 1991, 423p.

BUREAU (Andrea) (dir.), Coluche c’est l’histoire d’un mec, Paris, Stock, 1986, 106p.

DRANGOS (Charles), Coluche Adieu, Paris, CARRERE-Michel Lafon, Juillet 1986,213p.

FERNANDES (Jean-Sébastien) et BRIAND (Arnaud), Coluche « tu nous manquesenfoiré ! », Paris, Absolum, 2005, 207p.

HALIMI (André), Coluche victime de la politique, Paris, Edition°1, 1994, 179p.

MARTINEZ (Aldo), PARIS (Ludovic) et VAGUELSY (Jean-Michel), Coluche à cœur et àcris, Paris, Edition°1, 1987 , 279p.

PARIS (Ludovic), Coluche cet ami-là…, Neuilly-sur-Seine, Michel Lafon, 2001, 213p.

ROMANO (Fred), Le film pornographique le moins cher du monde, Paris, Pauvert,1999, 431p.

TENAILLE (Franck), Coluche, Paris, Seghers, 1986, 223p.

TENAILLE (Franck), Le roman de Coluche, Seghers, 1986, 257p.

VAGUELSY (Jean-Michel), Coluche Roi de cœur, Paris, Plon, 2002, 258p.

Coluche c’est l’histoire d’un mec…,Paris, Solar Sygma, Paris, 1986, 96p.

Livres de citations

Le best of Coluche, coll. Le sens de l’humour, le cherche midi, Paris, 2006, 234p.

COLUCHE, L’horreur est humaine, Paris, Edition°1 – Michel Lafon, 1992, 248p.

COLUCHE, Ca roule ma poule, Paris, Le cherche midi, 1992, 186p.

COLUCHE, Elle est courte mais elle est bonne, Paris, Le cherche midi, 2000, 188p.

COLUCHE, Et vous trouvez ça drôle, Paris, Le cherche midi, 1998, 225p.

COLUCHE, Les inoubliables, Paris, Lederman-Fixot, 1992, 253p.

Recueils d’écrits et de caricatures de et à propos deColuche

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Bibliographie

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Coluche Président, Michel Lafon, Paris, 1993, 199p.

COLUCHE, La France pliée en quatre, Paris, Calmann-Lévy, 1981, 215p.

VANDEL (Philippe), Les entretiens de Coluche par Coluche, Paris, Le cherche midi,2004, 238p.

COLUCHE, Pensées et anecdotes, Paris, Le cherche midi, 1995, 246p.

Bandes dessinées, Albums

COLUCHE, Journal des cons et mal-comprenants, Edition°1-Michel Lafon, 1990

REISER et COLUCHE, Y’en aura pour tout le monde, Paris, F1rst, 1987, 63p.SAINT-PAUL (Erwan) et GAUDIN, Coluche illustré, Genève, La sirène, 2002, 49p.

WACQUET (Jacques), Coluche, Toulon, Soleil, 2006, 78p.

Articles de presse

voir CD-ROM

MERCIER (Arnaud), « Quand le bouffon franchit le Rubicon : la candidature de Colucheà la présidentielle de 1981 », Hermès, mai 2001, n° 29.

Autres ouvrages

CUSSET (François), La décennie – le grand cauchemar des années 1980, Paris, Ladécouverte, 2006, 370p.

FULIGNI (Bruno), Votez fou !, Paris, Horay, Février 2007, 160p.