BOURDIEU Lemprise Journalisme

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’objet, ici, n’est pas le «pouvoir des journalistes >>— et moins encore le journalisme comme «quatrième M » pouvoir» - mais Temprise que les mécanismes d’un champ journalistique de plus en plus soumis aux exi- gences du marché (des lecteurs et des annonceurs) exer- cent d ’abord sur les journalistes iei les intellectuels-jour- nalistes) et ensuite, et en partie à travers eux, sur les différents champs de production culturelle, champ juri- dique, champ littéraire, champ artistique, champ scienti- fique. II s’agit donc d’examiner commenl la contrainte structurale que fait peser ce champ, lui-même dominé par les contraintes du marché, modifie plus ou moins pro- DU lOURNALISME fondémemlesrapports de force àrinténeur des différents champs, affectant ce que l’on y fait et ce qui s’y produit et exerçant des effets très semblables dans ces univers phé- noménalement très différents. Cela sans tomber dans l’une ou Tautre des deux erreurs opposées, l’illusion du jamais vu et 1’illusion du toujours ainsi. L’emprise que le champ journalistique et, à travers lui, la logique du marché exercent sur les champs de produc- tion culturelle, même les plus autonomes, n’a rien d’une nouveauté radicale : on pourrait sans peine composer, avec des textes empruntés aux écrivains du siècle dernier, un tableau tout à fait réaliste des effets les plus généraux qu’clle produit à Tintérieiir de ces univers protégés Mais il faut se garder d’ignorer la spécificité de la situation ac- tuelle qui, par-delà les rencontres résultant de 1’effet des homologies, présente des caractéristiques relativemenl sans précédent: les effets que le développement de la té- lévision produit dans le champ journalistique et, à travers lui, dans tous les aulres champs de production culturelle, sont incomparablement plus importants, dans leur inten- sité et leur ampleur, que ceux que Tapparition de la litté- rature industrielle, avec la grande presse et le feuilleton, avait provoques, suscitant chez les écrivains les réactions d’indignation ou de révolte d’oú sont sorties, selon Ray- mond Williams, les définitions modernes de la «culture». Le champ journalistique fait peser sur les différents champs de production culturelle un ensemble d’effets qui sont liés, dans leur forme et leur efficacité, à sa structure propre, c’est-à-dire à la distribution des différents journaux 1 - On pourra par excMTiple s en convaincre en lisant 1’ouvrage de Jean- Marie Goulemot et Daniel Oster, Gens de lettres. Écrivains et Bohèmes, c)ú Pon trouvera de très nombreux exemples des observations et des notations constitutives de la sociologie spontanée du milieu littéraire que les écrivains produisent, sans en détenir pour autant le principe, notamment dans leurs efforts pour objectiver leurs adversaires ou l ensemble de ce qui leur déplaít dans le monde littéraire (cf, J. M. Gou- lemot et D. Oster, Gens de lettres, Écrivains et Bohèmes, Paris, Minerv^e, 1992). Mais 1'intuition des homologies peut aussi lire entre les lignes dune analyse du fonctionnement du champ littéraire au siècle dernier une descripticjn de.s fonctionnements cachês du champ littéraire d’aujourd'hui (comme l'a fait Philippe .Murray, ■Des règles de 1’art aux couli.sses de .sa misère », Art Press, 186. juin 1993, p. 55-67).

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’objet, ici, n ’est pas le «pouvoir des journalistes >> — et moins encore le journalisme com m e «quatrièm e

M » pouvoir» - mais Temprise que les m éc a n ism es d ’un cham p journalistique de plus en plus soum is aux exi- gences du marché (des lecteurs et des annonceurs) exer- cent d ’a b o r d su r les jo u rn a lis te s i e i les intellectuels-jour- nalistes) et ensuite, et en partie à travers eux, sur les différents cham ps de production culturelle, cham p juri- dique, cham p littéraire, champ artistique, cham p scienti- fique. II s ’agit donc d ’exam iner com m enl la contrainte structurale que fait peser ce champ, lui-même dominé par les contraintes du m arché, modifie plus ou m oins pro-

DU lOURNALISME fondém em lesrapports de force àrin tén eu r des différentschamps, affectant ce que l’on y fait et ce qui s’y produit et exerçant des effets très sem blables dans ces univers phé- nom énalem ent très différents. Cela sans tom ber dans l’une ou Tautre des deux erreurs opposées, l’illusion du jamais vu et 1’illusion du toujours ainsi.

L’em prise que le cham p journalistique et, à travers lui, la logique du marché exercent sur les champs de produc­tion culturelle, mêm e les plus autonom es, n ’a rien d’une nouveauté radicale : on pourrait sans peine com poser, avec des textes empruntés aux écrivains du siècle dernier, un tableau tout à fait réaliste des effets les plus généraux qu ’clle produit à Tintérieiir de ces univers protégés Mais il faut se garder d’ignorer la spécificité de la situation ac- tuelle qui, par-delà les rencontres résultant de 1’effet des hom ologies, présente des caractéristiques relativem enl sans p récéd en t: les effets que le développem ent de la té- lévision produit dans le champ journalistique et, à travers lui, dans tous les aulres champs de production culturelle, sont incom parablem ent plus importants, dans leur inten- sité et leur ampleur, que ceux que Tapparition de la litté- rature industrielle, avec la grande presse et le feuilleton, avait provoques, suscitant chez les écrivains les réactions d ’indignation ou de révolte d’oú sont sorties, selon Ray- mond Williams, les définitions modernes de la «cu ltu re».

Le cham p journalistique fait peser sur les différents cham ps de production culturelle un ensem ble d’effets qui sont liés, dans leur forme et leur efficacité, à sa structure propre, c ’est-à-dire à la distribution des différents journaux

1 - On pourra par excMTiple s en convaincre en lisant 1’ouvrage de Jean- Marie Goulemot et Daniel Oster, Gens de lettres. Écrivains et Bohèmes, c)ú Pon trouvera de très nombreux exemples des observations et des notations constitutives de la sociologie spontanée du milieu littéraire que les écrivains produisent, sans en détenir pour autant le principe, notamment dans leurs efforts pour objectiver leurs adversaires ou l ensemble de ce qui leur déplaít dans le monde littéraire (cf, J. M. Gou­lemot et D. Oster, Gens de lettres, Écrivains et Bohèmes, Paris, Minerv^e, 1992). Mais 1'intuition des homologies peut aussi lire entre les lignes dune analyse du fonctionnement du champ littéraire au siècle dernier une descripticjn de.s fonctionnements cachês du champ littéraire d’aujourd'hui (comme l'a fait Philippe .Murray, ■ Des règles de 1’art aux couli.sses de .sa misère », Art Press, 186. juin 1993, p. 55-67).

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PlERRE B o ü RDIEU

et journalistes selon leur autonomie par rapport aux forces externes, celles du marché des lecteurs et celles du marché des annonceurs. Le degré d’autonomie d’un organe de dif- fusion se mesure sans doute à la part de ses recettes qui proviennent de la publicité et de 1’aide de TÉtat (sous form e de publicité ou de subventions) et aussi au degré de concentration des annonceurs. Quant au degré d’auto- nom ie d’un journaliste particulier, il dépend d’abord du degré de concentration de la presse (qui, en réduisant le nom bre d’em ployeurs potentiels, accroít rinsécurité de Tem ploi); ensuite, de la position de son journal dans l’es- pace des journaux, c ’est-à-dire plus ou moins près du pôle «intellectuel •> ou du pôle ■< com m ercial»; puis, de sa posi­tion dans le journal ou 1’organe de presse (titulaire, pigiste, etc.), qui déterm ine les différentes garanties statutaires (liées notamment à la notoriété) dont il dispose et aussi son salaire (facteur de moindre vulnérabilité aux formes douces de relations publiques et de moindre dépendance envers les travaux alimentaires ou m ercenaires à travers lesquels s ’exerce 1’emprise des com m anditaires); et enfin de sa capacité de production autonom e de Tinformation (certains journalistes, com m e les vulgarisateurs scienti- fiques ou les journalistes économ iques, étant particulière- m ent dépendants). Il est clair en effet que les différents pouvoirs, et en particulier les instances gouvernementales, agissent non seulement par les contraintes économ iques qu ’ils sont en mesure d’exercer mais aussi par toutes les pressions qu ’autorise le m onopole de Tinformation légi- time - des so u rces o ffic ie lles notamment - ; ce monopole donne d’abord aux autorités gouvernem entales et à l’ad- ministration, la police par exem ple, mais aussi aux autori­tés juridiques, scientifiques, etc., des armes dans la lutte qui les oppose aux journalistes et dans laquelle elles es- saient de manipuler les informations ou les agents chargés de les transmettre tandis que la presse essaie de son côté de manipuler les détenteurs de Tinformation pour tenter de 1’obtenir et de s ’en assurer 1’exclusivité. Sans oublier le pouvoir sym bolique exceptionnel que confère aux grandes autorités de 1’État la capacité de définir, par leurs actions, leurs décisions et leurs interventions dans le cham p journalistique (interviews, conférences de presse, etc.), V ordre d u jou rçx . la hiérarchie des événem ents qui s’imposent aux journaux.

Q u e l q u e s p r o p r i é t é s

D U C H A M P J O U R N A L I S T I Q U E

Pour com prendre com m ent le cham p journalistique contribue à renforcer, au sein de tous les cham ps, le «com m ercial» au détriment du •< p u r», les producteurs les

plus sensibles aux séductions des pouvoirs économ iques et politiques aux dépens des producteurs les plus atta- chés à défendre les príncipes et les valeurs du ■< métier >, il faut à la fois apercevoir qu’il s’organi.se selon une stmc- ture hom ologue de celle des autres champs et que le poids du «com m ercial» y est beaucoup plus grand.

Le champ journalistique s ’est constitué com m e tel, au xix^ siècle, autour de 1’opposition entre les journaux offrant avant tout des «n ou velles de préférence «sensa- tionnelles», ou, m ieux, «à sensation», et des journaux proposant des analyses et des «c o m m e n ta ir e s » et atta- chés à marquer leur di.stinction par rapport aux premiers en affirmant hautement des valeurs d’» objectivité - ̂; il est le lieu d’une opposition entre deux logiques et deux príncipes de légitimation : la reconnaissance par les pairs, accordée à ceux qui reconnaissent le plus complètement les ■' valeurs -- ou les príncipes internes, et la reconnais- sance par le plus grand nom bre, m atérialisée dans le nom bre d'entrées, de lecteurs, d’auditeurs ou de specta- teurs, donc le chiffre de vente (best-sellers) et le profit en argent, la sanction du plébiscite démocratique étant insé- parablement en ce cas un verdict du marché.

Comme le cham p littéraire ou le champ artistique, le cham p journali-stique e.st donc le lieu d’une logique spé- cifique, proprement culturelle, qui s ’impose aux journa­listes à travers les contraintes et les contrôles croi.sés qu’ils font pe.ser les uns sur les autres et dont le respect (parfois désigné com m e déontologie) fonde les réputa- tions d ’honorabilité professionnelle. En fait, en dehors peut-être des «rep rises», dont la valeur et la signification dépendent elles-m êm es de la position dans le cham p de ceux qui les font et de ceux qui en bénéficient, il y a peu de sanctions positives relativement indiscutables; quant aux .sanctions négatives, contre celui qui om et de citer ses sources par exem ple, elles sont à peu près inexis- tantes - si bien q u ’on tend à ne citer une source journa­listique, surtout lorsqu’il s ’agit d’un organe mineur, que pour se dédouaner.

2 - Sur rémergence de 1’idée d’« objectivité ■■ dan.s le journali.sme améri- cain comme produil de 1’effort de.s journaux .soudeux de respectabilité pour distinguer l information du .simple récit de la pres.se populaire, voir M. .Schudson, Discuvering the news, New York, Basic Books, 1978. Sur la contribution que 1’opposition entre les journali.stes tournés vers le champ littéraire et .soucieux d'écriture et les journali.stes proches du champ politique a pu apporter, dans le cas de la France, à ce processus de différenciation et à Einvention d’un - métier » propre (avec, notam­ment, le repórter), on pourra lire T. Ferenczi, Vinvenlion du journa- lisme en F ra n ce: naissance de la presse m oderne à la f in du x/\' siècle, Paris, Plon, 1993- Sur la forme que prend cette opposition dans le champ de.s journaux et hebdomadaires français et sur sa relation avec de.s catégories différentes de lectures et de lecteurs, voir P. Bourdieu, La Distinction, Critique sociale du jugem ent de goüt. Paris, Éd. de Minuit, 1979, p. 517-526.

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L ’e .v ip r is e d u jo u r n a l is m e

Mais, com m e le cham p politique et le champ écono- mique, et beaucoup plus que le champ scientifique, artis­tique ou littéraire ou même juridique, le cham p journa­listique est soum is en perm anence à 1’épreuve des verdicts du marché, à travers la sanction, directe, de la clientèle ou, indirecte, de l’Audimat (m êm e si Taide de rÉtat peut assurer une certaine indépendance à 1’égard des contraintes im m édiates du m arché). Et les journa­listes sont sans doute d’autant plus enclins à adopter le "critère Audimat» dans la production («faire sim p le-, «faire court», etc.) ou dans 1’évaluation des produits et mêm e des producteurs (<■ passe bien à la télévision », «se vend b ie n », etc.), qu ’ils occupent une position plus éle- vée (directeurs de chaíne, rédacteurs en chef, etc .) dans un organe plus directem ent dépendant du marché (une chaíne de télévision com m erciale par opposition à une chaíne culturelle, etc.), les journalistes les plus jeunes et les moins établis étant au contraire plus enclins à oppo- ser les principes et les valeurs du «m étier» aux exi- gences, plus réalistes ou plus cyniques, de leurs <• an cien s»

Dans la logique spécifique d’un champ orienté vers la production de ce bien hautement péri.ssable que sont les nouvelles, la concurrence pour la clientèle tend à prendre la forme d’une concurrence pour la priorité, c ’est-à-dire pour les nouvelles les plus nouvelles (le scoop), - et cela d’autant plus, évidemment, que l’on est plus proche du pôle commercial. La contrainte du marché ne s’exerce que par 1’intermédiaire de 1’effet de champ : en effet, nombre de ces scoops, qui sont recherchés et appréciés comme des atouts dans la conquête de la clientèle, sont voués à rester ignorés des lecteurs ou de.s spectateurs et à n etre aperçus que par les concurrents (les journalistes étant les seuls à lire Lensem ble des journaux...). Inscrite dans la structure et les m écanism es du champ, la concurrence pour la priorité appelle et favorise les agents dotés de dis- positions professionnelles inclinam à placer toute la pra­tique journalistique sous le signe de la vitesse (ou de la précipitation) et du renouvellement permanent Dispo- sitions sans cesse renforcées par la temporalité même de la pratique journalistique qui, en obligeant à vivre et à penser au jour le jour et à valoriser une Information en fonction de son actualité (c ’est L“ accro -actu -> des jour­naux télévisés), favorise une sorte d’amnésie permanente qui est Lenvers négatif de Lexaltation de la nouveauté et aussi une propension à juger les producteurs et les pro­duits selon Lopposition du <■ nouveau» et du " dépas.sé ■>

Autre effet de champ, tout à fait paradoxal, et peu favorable à Laffirmation de Lautonomie, collective ou individuelle: la concurrence incite à exercer une .sur- veillance permanente (qui peut aller jusqu’à Lespionnage

mutuei) sur les activités des concurrents, afin de profiter de leurs échecs, en évitant leurs erreurs, et de contrecarrer leurs SLiccès, en essayant d ’emprunter les Instruments su p- p o s é s á e leur réussite, thèmes de numéros spéciaux qu ’on se .sent tenu de reprendre, livres recensés par d ’autres et dont “On ne peut pas ne pas parler», invités qu ’il faut avoir, sujets qiLon doit •• couvrir >■ parce que d ’autres les ont découverts et m êm e journalistes qu ’on se dispute, autant pour em pêcher les concurrents de les avoir que par désir réel de les po.s.séder. C e st ainsi que, en ce domaine com m e en d ’autres, la concurrence, loin d’être automatiquement génératrice d ’originalité et de diversité, tend souvent à favoriser Y u niform ité á e Loffre, com m e on peut aisément s’en convaincre en comparam les contenus des grands hebdom adaires, ou des chaínes de radio ou de télévision à vaste audience. Mais ce m écanism e, très puissant, a au.ssi pour effet d'im poser insidieusem ent à Lemsemble du champ les ■■ c h o ix » des Instruments de dif- fusion les plus directement et com plètem ent soumis aux verdicts du marché, telle la télévision, ce qui contribue à orienter toute la production dans le .sens de la conserva- tion de.s valeurs établies, com m e Latteste par exem ple le fait que les palmarès périodiques par le.squels les intellec- tuels-journalistes s ’efforcent ddm poser leur vision du cham p (et, à la faveur des «renvois d’a scen seu r», la reconnai.s.sance de leurs pareils...) juxtapo.sent presque toujours des auteurs de produits culturels hautem ent périssables et de.stinés à figurer pendant quelques .semaines, avec leur soutien, dans la liste des best-sellers, et des auteurs consacrés qui sont à la fois des •< valeurs sú res» propres à consacrer le bon goút de ceux qui les consacrent et au.ssi, en tant que classiques, des best-sellers dans la longue durée. C’e.st dire que, mêm e si leur effi- cience s ’accom plit pre.sque toujours à travers les actions

3 - Comme dan.s le champ littéraire, la hiérarchie .selon le critère externe, le .siiccès cie vente, est à peu près 1’inverse de la hiérarchie selon le critère interne, le ' SérieuX ” journalistique. Et la complexité de cette distribution selon une structure chiasmatique (qui est aussi celle des champs littéraire, artistique ou juridiciue) est redoublée par le fait que l‘on retrouve, au sein de chaque organe de pres.se, écrite, radio- plionirpie ou télévisée, foncticjnnant lui-même comme un sous-champ, l opposition entre un pôle ■■ culturel • et un pôle »commercial ■■ qui orga- nise l ensemble du champ, en .sorte que l’on a affaire à une série de structures emboítées (du type a: b :: b l : b2).

4 - C est à travers les contraintes temporelles, impo.sées .souvent de manière purement arbitraire, que s exerce la censure structurale, prati- cjuement inaperçue, c|ui pèse sur les propos de.s invités à la télévision.

5 - .Si l affirmation ■ c e.st dépas.sé peut aujourcfhui tenir lieu si souvent, et bien au-delà du champ journalistique. de toute argumentation cri­tique, c ’est au.ssi que les prétendants pre.s.sés ont un intérêt évident à mettre en oeuvre ce principe d'évaluation qui confère un avantage indis- cutable au dernier venu, c est-à-dire au plus jeune. et qui, étant réduc- tible à tjuelque chose comme l opposition presque vide entre 1’avant et Laprès, les dispen.se de faire leurs preuves.

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PiERRE B o u r d ie u

de personnes singulières, les m écanism es dont le champ journalistique est le lieu et les effets qu ’ils exercem sur les autres cham ps sont déterminés dans leur intensité et leur orientation par la stru ctu re qui le caractérise.

L e s e f f e t s d e l * i n t r u s i o n

L’emprise du champ journalistique tend à renforcer en tout cham p les agents et les institutions situés à proximité du pôle le plus soumis à 1’effet du nom bre et du m arch é; cet effet s ’exerce d ’autant plus que les cham ps qui le subissem sont eux-m êm es plus étroitement soumis, stmc- turalement, à cette logique et que le champ journalistique qui 1’exerce est lui aussi plus soumis, conjoncturellem ent, aux contraintes externes qui, structuralement, 1’affectent plus que les autres cham ps de production culturelle. Or on observe aujourd’hui par exem ple que les sanctions internes tendem à perdre de leur force symbolique et que les journalistes et les journaux «sérieu x» perdent de leur aura et sont eux-m êm es contraints de faire des conces- sions à la logique du marché et du m arketin g , introduite par la télévision com m erciale, et à ce nouveau principe de légitimité qu ’est la consécration par le nom bre et la «visibilité m édiatique», capables de conférer à certains produits (culturels ou m êm e politiques) ou à certains «p rod u cteu rs» le substitut apparem m ent dém ocratique des sanctions spécifiques im posées par les cham ps spé- cialisés. Certaines «analy ses» de la télévision ont dú leur succès auprès des journalistes, surtout les plus sensibles à l’effet d ’Audimat, au fait qu’elles confèrent une lég itim ité d é m o c r a t iq u e à la logique com m erciale en se contentam de poser en term es de p o lit iqu e , donc de plébiscite, un problèm e de production et de diffusion cu lturelles^ .

Ainsi, le renforcem ent de Temprise d’un cham p jour­nalistique lui-même de plus en plus soumis à la domina- tion directe ou indirecte de la logique commerciale tend à m enacer 1’autonom ie des différents cham ps de produc­tion culturelle, en renforçant, au sein de chacun d ’eux, les agents ou les entreprises qui sont les plus enclins à céd er à la séduction des profits ■< ex tern e s» parce qu’ils sont moins riches en capital spécifique (scientifique, litté­raire, etc.) et moins assurés des profits spécifiques que le cham p leur garantit dans Timmédiat ou à terme plus ou m oins éloigné.

L’em prise du champ journalistique sur les champs de production culturelle (en m atière de philosophie et de Sciences sociales notam m ent) s’exerce principalem ent à travers Tintervention de producteurs culturels situés en un lieu incertain entre le cham p journalistique et les champs spécialisés (littéraire ou philosophique, etc.). Ces - intel-

lectuels-journalistes» qui se servent de leur double ap- partenance pour esquiver les exigences spécifiques des deux univers et pour importer en chacun d’eux des pou­voirs plus ou moins bien acquis dans 1’autre, sont en m e­sure d’exercer deux effets majeurs : d ’une part, introduire des form es nouvelles de production culturelle, situées dans un entre-deux mal défini entre résotérism e universi- taire et Texotérisme journalistique; d ’autre part, imposer, notamment à travers leurs jugem ents critiques, des prín­cipes d ’évaluation des productions culturelles qui, en donnant la ratification d’une apparence d ’autorité intel- lectuelle aux sanctions du marché et en renforçant Tincli- nation spontanée de certaines catégories de consomma- teurs à V allodoxia, tendent à renforcer 1’effet d ’Audimat ou de best-seller list sur la réception des produits culturels et aussi, indirectement et à terme, sur la production, en orientant les choix (ceux des éditeurs par exem ple) vers des produits moins exigeants et plus vendables.

Et ils peuvent compter sur le soutien de ceux qui, iden- tifiant r« objectivité •• à une sorte de savoir-vivre de bonne com pagnie et de neutralité éclectique à 1’égard de toutes les parties concernées, prennent des produits de culture m oyenne pour des oeuvres d’avant-garde ou qui déni- grent les recherches d’avant-garde (et pas seulement en matière d’art) au nom des valeurs du bon sens ^; mais ces derniers peuvent à leur tour com pter sur 1’approbation ou m êm e la com plicité de tous les consom m ateurs qui, com m e eux, sont inclinés à V allod ox ia par leur distance au «foyer des valeurs culturelles» et par leur propension intéressée à se dissimuler les limites de leurs capacités d’appropriation - selon la logique de la s e l f d ecep tio n qu ’évoque bien la formule souvent em ployée par les lec­teurs de revues de vulgarisation : »c ’est une revue scienti­fique de très haut niveau et accessible à to u s».

6- 11 suffit pour cela d’énoncer des problèmes de journaliste (comme le choix entre TFl et Arte) dans un langage qui pourrait être celui du jour- nalisme : «Culture et télévision : entre la cohabitation et l’apartheid« (D. Wolton, Éloge du g ra n d p u b lic , Paris, Flammarion, 1990, p. l63). Q u’il soit permis de dire en passant, pour essayer de justifier ce que 1’analyse scientifique peut avoir de rugueux, voire de laborieux, à quel point la rupture avec les préconstructions et les présupposés du lan­gage ordinaire, et tout particulièrement journalistique, s’impose comme condition de la construction adéquate de 1’objet.

7 - 11 faudrait mettre à part, à 1’intérieur de cette catégorie aux frontières floues, les producteurs culturels qui, selon une tradition qui s’est ins- taurée dès 1’apparition d’une production «industrielle» en matière de culture, demandent aux métiers du journalisme des moyens d ’existence et non des pouvoirs (de controle ou de consécration notamment) sus- ceptibles de s’exercer sur les champs spécialisés (effet Jdanov).

8 - Nombre de contestations récentes de l’art moderne ne se distinguent guère, sinon peut-être par la prétention de leurs attendus, des verdicts que l’on cjbtiendrait si l’on soumettait l’art d ’avant-garde au plébiscite ou, ce qui revient au même, au sondage d opinion.

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L ’e m p r is e d ü jo u r n a l is m e

Ainsi peuvent venir à se trouver m enacés des acquis qui ont été rendus possibles par Tautonomie du champ et par sa capacité de résister aux demandes mondaines, celles que sym bolise aujourd’hui 1’Audimat et que les écrivains du siècle passé visaient expressém ent lorsqu’ils s’insurgeaient contre 1’idée que l’art (on pourrait dire la même chose de la science) puisse être soumis au verdict du suffrage universel. Devant cette m enace, deux straté- gies sont possibles, qui sont plus ou m oins fréquentes selon les champs et leur degré d ’autonomie : marquer fer- m em ent les limites du cham p et tenter de restaurer les frontières m enacées par 1’intrusion du m ode de pensée et d ’action journalistique; ou sortir de la tour d’ivoire (selon le m odèle inauguré par Zola) pour im poser les valeurs issues de la retraite dans la tour d’ivoire, et se ser­vir de tous les moyens disponibles, dans les champs spé­cialisés ou au-dehors, et au sein du champ journalistique lui-même, pour tenter d’im poser à 1’extérieur les acquis et les conquêtes rendues possibles par Tautonomie.

Il y a des conditions économ iques et culturelles de 1’accès à un jugem ent scientifique éclairé et l’on ne pour­rait dem ander au suffrage universel (ou au sondage) de trancher des problèm es de science (bien q u ’on le fasse parfois, indirectement, et sans le savoir) sans anéantir du m êm e coup les conditions mêmes de la production scientifique, c ’est-à-dire la barrière à 1’entrée qui protège la cité scientifique (ou artistique) contre 1’irruption des- tructrice de principes de production et d ’évaluation externes, donc impropres et déplacés. Mais il ne faut pas en conclure que la barrière ne puisse pas être franchie d a n s l a u tre sensQi q u ’il soit intrinsèquement im possible de travailler à une redistribution démocratique des acqui- sitions rendues possibles par Tautonomie. Cela à condi­tion que 1’on aperçoive clairem ent que toute action visant à divulguer les acquis les plus rares de la recherche scientifique ou artistique la plus avancée sup- pose la mise en question du m o n o p o le d es Instrum ents d e d iffu s ion de cette Information (scientifique ou artis­tique) que le champ journalistique détient en fait et aussi la critique de la représentation des attentes du plus grand nom bre que construit la dém agogie com m erciale de ceux qui ont les m oyens de s ’interposer entre les pro­ducteurs culturels (au nombre desquels on peut compter, en ce cas, les hommes politiques) et la grande masse des consommateurs.

La distance entre les producteurs profe.ssionnels (ou leurs produits) et les simples consommateurs (lecteurs, auditeurs, spectateurs, et aussi électeurs) qui trouve son fondement dans 1’autonomie des champs de production spécialisés est plus ou moins grande, plus ou moins dif- ficile à surm onter et plus ou moins inacceptable, du

point de vue des principes dém ocratiques, selon les champs. Et, contrairement aux apparences, elle s’observe aussi dans 1’ordre de la politique dont elle contredit les principes déclarés. Bien que les agents qui sont engagés dans le cham p journalistique et dans le cham p politique soient dan.s une relation de concurrence et de lutte per­m anentes et que le cham p journalistique soit, d’une cer- taine façon, en g lobé dans le cham p politique au sein duquel il exerce des effets très puissants, ces deux cham ps ont en com m un d ’être très directem ent et très étroitem ent placés sous 1’em pire de la sanction du mar­ché et du plébiscite. II s ’ensuit que 1’em prise du cham p journalistique renforce les tendances des agents engagés dans le cham p politique à se soumettre à la pression des attentes et des exigences du plus grand nom bre, parfois passionnelles et irréfléchies, et souvent constituées en revendications m obilisatrices par 1’expression q u ’elles reçoivent dans la presse.

Sauf lorsqu’elle use des libertés et des pouvoirs cri­tiques que lui assure son autonom ie, la presse, surtout télévisée (et com m erciale), agit dans le m êm e sens que le sondage, avec qui elle doit elle-m êm e co m p ter: bien q u ’il puisse servir aussi d ’instrument de dém agogie rationnelle tendant à renforcer la ferm eture sur soi du champ politique, le sondage instaure avec les électeurs une relation directe, s a n s m éd ia t io n , qui met hors jeu tous les agents individuels ou collectifs (tels que les partis ou les .syndicats) socialem ent mandatés pour élaborer et proposer des opinions constitu ées; il dépossède tous les mandataires et tous les porte-parole de leur prétention (partagée par les grands éditorialistes du passé) au m ono­pole de 1’expression légitime de l’« opinion publique ■> et, du même coup, de leur capacité de travailler à une éla- boration critique (et parfois collective, com m e dans les assem blées législatives) des opinions réelles ou suppo- sées de leurs mandants.

Tout cela fait que 1’em prise sans cesse accrue d’un cham p journalistique lui-même soum is à une em prise crois.sante de la logique com m erciale sur un cham p poli­tique toujours hanté par la tentation de la dém agogie (tout spécialem ent à un moment oü le sondage lui offre le moyen de 1’exercer de manière rationalisée) contribue à affaiblir Lautonomie du champ politique et, du mêm e coup, la capacité accordée aux représentants (politiques ou autres) d’invoquer leur com pétence á'experts o u leur autorité de g a r d ie n s d es va leu rs collectives.

Comment ne pas évoquer, pour finir, le cas des juristes qui, au prix d’une «pieuse hypocrisie >■, sont en m esure de perpétuer la croyance que leurs verdicts trouvent leur principe non dans des contraintes externes, économ iques notamment, mais dans les normes transcendantes dont ils

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PlERRE BOURDIEU

Du fait divers à 1’affaire d’État

On peut se faire une idée de la contribution du journa­lisme à la genèse d’une opinion agissante et efficiente sui- vant le déroulement chronologique d’une affaire, somme toute assez banale, comme l’« affaire de la petite Karine», simple fait divers voué à rester confiné dans la rubrique locale d’un journal régional, qui s’est trouvé peu à peu trans- formé en véritable affaire d’État par un travail de constitu- tion d’une opinion collective, publique et légitime, finale- ment ratifiée par une loi (la loi sur la réclusion à perpétuité).

Au départ, dans un petit journal local, Llndépendant de Perpignan, 1’annonce de la disparition de la petite fdle (15 sep- tembre), l’«appel pathétique* de sa mère ( l6 septembre), Tappel du père «à ses amis» (19 septembre), 1’évocation d’un «suspect», ami de Ia famille et repris de justice «déjà condamné deux fois en Cour d’assise» (20 septembre), les aveux du meurtrier (22 septembre). Puis le 23 septembre, un changement de registre: une déclaration du père de la vic- time appelant au rétablissement de la peine de mort doublée d’une déclaration dans le même sens du parrain de Karine, et un éditorial suggérant que les antécédents du meurtrier «auraient dü entraíner des mesures définitives pour l’empê- cher de récidiver encore». Le 25, un appel de la famille à la manifestation en faveur d’un projet de loi durcissant les peines à 1’égard des violeurs et des meuitriers d’enfants, 1’annonce de la création d’une Association des amis des parents de Karine dans un petit village voisin et d’un appel au ministre de 1’Inté- rieur dans un autre. Le 26, manifestation avec banderoles réclamant le rétablissement de la peine de mort ou de la détention à perpétuité. La Dépêche d e Toulouse suxi à peu près le même mouvement, mais un éditorial du 26 évoque «celui qui reste l’un d’entre nous» et appelle à la modération. Le 27 septembre, L ln dépen dan t2Lrmonce que le gouvernement va déposer à la session d’automne un projet de loi qui durcirait la règle d’exécution de la peine pour les auteurs de meurtres d’enfants. Des hommes politiques interviennent, des membres du Front National d’abord, puis des autres partis (notamment, le maire socialiste de Perpignan).

A partir de cette date, le débat passe à Téchelle nationale. L lndépendant áu 6 octobre annonce que 1’Association Ka­rine, qui s’est dotée d’un avocat, se constitue en partie civile dans toutes les affaires, appelle à la manifestation et demande d’écrire aux députés; le 8 octobre, qu’elle est reçue par le ministre de la Justice; le 9 qu’elle appelle au rassemblement; le 10 qu’a eu lieu une manifestation pour une «vraie perpé­tuité-. Le 16, autre manifestation à Montpellier; le 25, débat rassemblant 2 700 adhérents. Le 28, nouvelle audience chez

le ministre de la Justice. Le 30 oaobre, 137 députés de droite réclament le rétablissement de 1a peine capitale. Le 17 no- vembre, la télévision intervient, en force, avec 1’émission de Charles Villeneuve intitulée «Le Jury d’honneur» oú sont in­vités «la maman de Karine, et M® Nicolau», et aussi le mi­nistre de la Justice, des représentants d’associations et des avocats, sur le thèm e: - Que faisons-nous des assassins de nos enfants?», question dont chaque mot est un appel à 1’identification vengeresse. Les journaux parisiens intervien­nent seulement assez tard et assez mollement. Sauf Le Fi- g a r o : dès la fin septembre, il donne la parole à un avocat, auteur de Ces enfants qu ’on assassine, qui demande qu’on en finisse avec 1’indulgence et appelle au référendum, et il prend position continüment en faveur de la réforme de la loi (comme Le Quotidien de Paris). L’annonce, le 4 novembre, que le Conseil des ministres a décidé d’adopter un projet de loi instaurant la peine de prison à perpétuité, déclenche une levée de boucliers des principales organisations de magis- trats et un syndicat des avocats indique qu’«en poursuivant un but médiatique, le projet va à 1’encontre de la sérénité d’un travail législatif»(La Croix, 4 novembre).

Ainsi, au moins dans la phase initiale, les journalistes ont joué un rôle déterminant; en lui donnant la possibilité d’accéder à 1’expression publique, ils ont transformé un élan dJndignation privée et vouée à 1’impuissance sérielle, en un appel public, publié, donc licité et légitimé, à la vengeance et à la mobilisation qui a été lui-même au principe d’un mou­vement de protestation public et organisé (manifestations, pétitions, etc.). Et la brièveté du délai, moins de quatre mois, entre la disparition de la petite filie et la décision législative rétablissant Ia réclusion à perpétuité, a le mérite de faire apparaitre les effets que les journalistes peuvent produire toutes les fois que, par la seule vertu de la publication , comme divulgation impliquant ratification et officialisation, ils attisent ou mobilisent des pulsions. Et comme le montre 1’intervention, en cette affaire, de la télévision, la soumission à 1’Audimat, et à Ia logique de la concurrence pour les parts de marché, qui porte à flatter les attentes les plus répandues, ne peut que renforcer la propension à laisser jouer les effets ignorés de la publication, voire à les redoubler par 1’excita- tion démagogique des passions élémentaires. La responsa- bilité des journalistes réside sans doute dans le laisser-faire de 1’irresponsabilité qui les conduit à exercer sans le savoir des effets non voulus au nom d’un droit à 1’information qui, constitué en principe sacro-saint de la démocratie, fournit parfois son meilleur alibi à la démagogie.

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L t m p r i s e d u j o i ; r n a llsm e

sont les gardiens? Le champ juridique n ’est pas ce qu’il croit être, c ’est-à-dire un univers pur de toute com pro- mission avec les nécessités de la politique ou de Técono- mie. Mais le fait qu ’il parvãenne à se faire reconnaitre com m e tel contribue à produire des effets sociaux tout à fait réels et d ’abord sur ceux qui ont pour métier de dire le droit. Mais qu’adviendra-t-il des juristes, incarnations plus ou moins sincères de Thypocrisie collective, s ’il devient de notoriété publique que, loin d ’obéir à des vérités et des valeurs transcendantes et universelles, ils sont traversés, comme tous les autres agents sociaux, par des contraintes com m e celles que font peser sur eux, bouleversant les procédures ou les hiérarchies, la pression des nécessités économ iques ou la séduction des succès journalistiques ?

- d é n o n c e r d es respon sab les, m ettre à V index d e s co u - pables^ . C ’est tenter d P ffr ir a u x u ns et a u x au tres u n e p o s ­sibilite d e se libérer, p a r la p r is e d e con scien ce, d e 1’em prise d e ces m écan ism es et p r o p o s e r p eu t-ê tre le p r o g r a m m e d ’u n e ac tion co n certée en tre les artistes, les écrivains, les sav an ts et les jou rn alistes, déten teu rs du (qu as i-) m o n o ­p o l e d es Instrum ents d e d iffu s ion . Seu le u n e telle co lla - bora tion p erm ettra it d e trava iller e ff ic a c em en t à la divul- g a t io n d es a c q u is les p lu s u n iversels d e la r e c h e r c h e et au ssi, p o u r u n e p a r t, à V u n iversa lisation p r a t iq u e d es co n d it io n s d ’a c c è s à Vuniversel.

P e t i t p o s t - s c r i p t u m n o r m a t i f

D év o iler les co n tra in tes c a c h é e s q u i p è s e n t su r les jou rn alistes et q u ’ils f o n t p e s e r à leu r tou r su r tous les p r o ­du cteu rs culturels, c e n ’es tp as , - est-il b eso in d e le d ir e ?

9 - Pour éviter de produire Peffet d ’«épinglage» ou de caricature que l’on risque de susciter dès que l’on publie tels quels des propos enre- gistrés ou des textes imprimés, nous avons dú maintes fois renoncer à reproduire des documents qui auraient donné toute leur force à nos démonstrations et qui auraient en outre rappelé au lecteur, par Peffet de mise en exergue qui débanalise en arrachant au contexte familier, tous les exemples équivalents que la routine du regard ordinaire laisse échapper.

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Pierre Bourdieu

Uemprise du journalismeIn: Actes de la recherche en Sciences sociales. Vol. 101 -102, mars 1994. L’emprise du journalisme. pp. 3-9.

Citer ce docum ent / C ite th is d o c u m e n t:

Bourdieu Pierre. Uem prise du journalism e. In: Actes de la recherche en Sciences sociales. Vol. 101-102, mars 1994. Uem prise

du journalism e. pp. 3-9.

doi : 10.3406/arss. 1994.3078

http ://w ww.persee.fr/vveb/revues/hom e/prescript/artic le /arss_0335-5322_1994_num _101_1_3078