Boîte à outils N°1 Faire campagne avec...

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1 Boîte à outils N°1 Faire campagne avec succès Conçue à l'intention des membres d'ENAR qui ne disposent que de peu sinon d'aucune expérience en matière d'activités de campagnes, la présente boîte à outils offre une base générale d'utiles recommandations et conseils pratiques leur permettant de s'engager dans ce domaine et d'y soutenir ENAR. Conçu pour être un outil de création et de renforcement de capacités, cette boîte à outils présente l'essentiel d'une bonne campagne: Qu'est ce qu'une campagne? Comment entreprendre une campagne efficace? Pourquoi collecter des informations? Comment définir des objectifs? Comment choisir une méthodologie et le genre d'outil à utiliser? On trouvera à la fin de la présente boîte à outils une double étude de cas de campagnes efficaces dans le domaine de l'antiracisme. Table des matières REMERCIEMENTS ................................................................................................................ 2 1. INTRODUCTION ................................................................................................................ 2 2. QU'EST CE QU'UNE CAMPAGNE?.......................................................................................... 3 3. COMMENT ENTREPRENDRE UNE CAMPAGNE EFFICACE? ........................................................... 3 3.1 RECHERCHE ............................................................................................................. 3 3.2 DEFINIR VOTRE CAMPAGNE .......................................................................................... 4 3.3 CONCEVOIR UNE STRATEGIE ........................................................................................ 4 3.4 IDENTIFIER VOTRE CIBLE .............................................................................................. 5 3.5 CONSTRUIRE DES ALLIANCES........................................................................................ 5 3.6 ETABLIR UN CALENDRIER ............................................................................................. 6 3.7 COORDINATION ENTRE LES NIVEAUX EUROPEENS ET NATIONAUX ......................................... 6 4. METHODES DE CAMPAGNE ................................................................................................. 6 4.1 ACTION DIRECTE ........................................................................................................ 7 4.2 LOBBYING................................................................................................................. 7 4.3 INFLUENCER L'OPINION PUBLIQUE .................................................................................. 8 4.4 TRAVAILLER AVEC LES MEDIAS ...................................................................................... 9 4.5 PUBLICATIONS ET INTERNET ....................................................................................... 11 4.6 MOBILISER L'OPINION PUBLIQUE .................................................................................. 12 5. ÉTUDES DE CAS DE CAMPAGNES DANS LE DOMAINE DE L'ANTIRACISME...................................... 13 5.1 AU NIVEAU EUROPEEN : LE STARTING LINE GROUP ......................................................... 13 5.2 AU NIVEAU NATIONAL : KISA ET LA TRANSPOSITION DE LA DIRECTIVE EUROPEENNE SUR LA RESIDENCE DE LONGUE DUREE A CHYPRE ......................................................................... 15 6. SOURCES ..................................................................................................................... 17

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Boîte à outils N°1

Faire campagne avec succès

Conçue à l'intention des membres d'ENAR qui ne disposent que de peu sinon d'aucune expérience en matière d'activités de campagnes, la présente boîte à outils offre une base générale d'utiles recommandations et conseils pratiques leur permettant de s'engager dans ce domaine et d'y soutenir ENAR. Conçu pour être un outil de création et de renforcement de capacités, cette boîte à outils présente l'essentiel d'une bonne campagne: Qu'est ce qu'une campagne? Comment entreprendre une campagne efficace? Pourquoi collecter des informations? Comment définir des objectifs? Comment choisir une méthodologie et le genre d'outil à utiliser? On trouvera à la fin de la présente boîte à outils une double étude de cas de campagnes efficaces dans le domaine de l'antiracisme. Table des matières REMERCIEMENTS ................................................................................................................ 2 1. INTRODUCTION ................................................................................................................ 2 2. QU'EST CE QU'UNE CAMPAGNE?.......................................................................................... 3 3. COMMENT ENTREPRENDRE UNE CAMPAGNE EFFICACE? ........................................................... 3

3.1 RECHERCHE ............................................................................................................. 3 3.2 DEFINIR VOTRE CAMPAGNE .......................................................................................... 4 3.3 CONCEVOIR UNE STRATEGIE ........................................................................................ 4 3.4 IDENTIFIER VOTRE CIBLE .............................................................................................. 5 3.5 CONSTRUIRE DES ALLIANCES........................................................................................ 5 3.6 ETABLIR UN CALENDRIER ............................................................................................. 6 3.7 COORDINATION ENTRE LES NIVEAUX EUROPEENS ET NATIONAUX ......................................... 6

4. METHODES DE CAMPAGNE ................................................................................................. 6 4.1 ACTION DIRECTE ........................................................................................................ 7 4.2 LOBBYING ................................................................................................................. 7 4.3 INFLUENCER L'OPINION PUBLIQUE .................................................................................. 8 4.4 TRAVAILLER AVEC LES MEDIAS ...................................................................................... 9 4.5 PUBLICATIONS ET INTERNET ....................................................................................... 11 4.6 MOBILISER L'OPINION PUBLIQUE .................................................................................. 12

5. ÉTUDES DE CAS DE CAMPAGNES DANS LE DOMAINE DE L'ANTIRACISME ...................................... 13 5.1 AU NIVEAU EUROPEEN : LE STARTING LINE GROUP ......................................................... 13 5.2 AU NIVEAU NATIONAL : KISA ET LA TRANSPOSITION DE LA DIRECTIVE EUROPEENNE SUR LA RESIDENCE DE LONGUE DUREE A CHYPRE ......................................................................... 15

6. SOURCES ..................................................................................................................... 17

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REMERCIEMENTS Pour concevoir la boîte à outils suivante, ENAR s'est appuyé essentiellement sur différents ouvrages ou diverses boîtes à outils traitant des campagnes, élaborés par des organisations réputées pour leur expertise de longue date en cette matière, le but étant de ne pas réinventer la roue dans le domaine des campagnes d'ONG, qui connaît une rapide évolution, mais de faciliter plus particulièrement l'accès des membres d'ENAR à des informations prêtes à l'emploi sur les outils disponibles les plus actuels. ENAR voudrait exprimer sa profonde reconnaissance pour le travail réalisé par Amnesty International, le Minority Rights Group et le Directory of Social Change, qui ont respectivement produit les publications approfondies ci-dessous:

1. Amnesty International Campaigning Manual, 2ème éd., Londres, Amnesty International, 2001;

2. BALDWIN (Clive), Minority Rights Group Campaigns Guide (disponible sur le site: ://www.minorityrights.org/?lid=456);

3. LATTIMER (Mark), The Campaigning Handbook, 2ème éd., Londres, Directory of Social Change, 2000.

1. INTRODUCTION Dès ses tous débuts, le développement d'ENAR s'est enraciné dans l'activité de campagnes en tant que fruit du Starting Line Group (Groupe Ligne de départ)1

En effet, contrairement à des organisations dédiés presque exclusivement aux activités de campagnes et bénéficiant d'une plus grande cohérence interne grâce à un développement organisationnel spécifique par l'ouverture de succursales dans diverses régions de l'UE, ENAR, en tant qu'organisation faîtière créée comme une émanation d'un nombre croissant de membres, se trouve confronté à des défis spécifiques liés à la grande diversité des organisations et des structures de ses membres. Alors qu'elles se consacrent avec passion au progrès de la lutte contre le racisme, toutes ces organisations membres ont développé différentes cultures et expériences en termes d'activités de lobbying, de plaidoyer et de campagne. Ceci exige un certain nivellement vers le haut si l'on veut pouvoir harmoniser, d'une

. Au fil des ans, ENAR a pu développer un certain nombre de campagnes internationales intéressantes, variables en termes de portée et d'intensité (comme la campagne pour une citoyenneté de résidence en 2003 et, dans le courant de l'année 2006, une campagne de sensibilisation à l'Année européenne 2007 de l'égalité des chances pour tous). Bien que réussies, ces campagnes ont démontré la nécessité accrue d'un développement de campagnes totalement intégrées dans les plans stratégiques et les programmes de travail d'ENAR, ainsi que mieux articulées entre le niveau européen et les différents niveaux nationaux si l'on voulait en obtenir un impact optimal.

1 Fondé en 1991, le Starting Line Group (Groupe Ligne de départ) était une association d'ONG de l'UE-15 défendant le point de vue selon lequel le racisme était un problème européen et qu'une mesure européenne contre ce fléau s'imposait. Son objectif final était l'adoption d'une directive européenne qui exigerait des Etats membres l'élaboration de mesures juridiques visant à interdire la discrimination directe ou indirecte fondée sur les motifs de la race, la couleur, la descendance, la nationalité, l'appartenance ethnique ou nationale. La plupart de ses organisations membres furent les membres fondateurs d'ENAR en 1998. Après l'adoption de la directive sur l'égalité raciale et de la directive-cadre sur l'égalité de traitement dans l'emploi en 2000, le Starting Line Group a cessé d'exister et ENAR s'est chargé de la tâche de surveiller la transposition et la mise en œuvre de ces directives. Pour plus d'information à ce sujet, on se reportera au chapitre 5 ci-dessous: Étude de cas du Starting Line Group.

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façon systématique et cohérente, les pratiques de campagne et la communication structurée des messages. Par conséquent, la présente boîte à outils de campagne est conçue pour fournir aux membres d'ENAR un premier ensemble de conseils de gestion de leurs campagnes, qu'il s'agisse d'une campagne coordonnée à l'échelle européenne ou d'une campagne qu'ils souhaiteraient lancer au niveau national en vue d'atteindre un certain nombre d'objectifs spécifiques dans leur pays. Aussi vastes soient-ils, ces conseils constituent néanmoins la base de l'activité de campagne et ne peuvent être ignorés par les activistes antiracistes qui désirent obtenir un réel changement et transformer leurs aspirations à un monde exempt du racisme en un progrès sociétal véritable et concret. Cette boîte à outils ne s'adresse pas aux professionnels des campagnes, habitués aux subtilités de l'élaboration d'une campagne, mais aux activistes néophytes ou de la base qui voudraient améliorer leur mise en synergie avec les activités de campagne d'ENAR. D'autres formations spécifiques concernant les campagnes seront développées au cours des prochaines années à l'intention des membres d'ENAR. En attendant, la présente boîte à outils vous offre une première introduction à cet ensemble complexe d'activités entrelacées, et met à votre service une méthodologie à la l’état relativement brut, type "taille unique", qui permet déjà l'obtention de bons résultats.

2. QU'EST CE QU'UNE CAMPAGNE? Une campagne pourrait être définie comme un ensemble planifié d'activités destinées à atteindre un but particulier (selon le dictionnaire de Cambridge). Il ne s'agit pas d'une action unique mais d'une série d'actions organisées selon un plan, consistant à inscrire un problème à l'ordre du jour, à lui découvrir une solution et à tâcher d'obtenir un soutien lui permettant de la réaliser. Il existe de nombreuses formes de campagnes, tels que le lobbying, les publications, l'utilisation des médias ou de l'Internet, pour n'en citer que quelques unes. Il n'est toutefois pas possible pour des ONG de tout réaliser en une fois; il leur faut faire des choix et les concrétiser en temps opportun. Les pages qui suivent fourniront quelques clefs pour s'assurer une planification efficace.

3. COMMENT ENTREPRENDRE UNE CAMPAGNE EFFICACE? Chaque campagne est unique et il n'existe pas de clef unique au succès. Il convient d'adapter les stratégies aux contextes spécifiques de l'action (européen, national, local), aux secteurs politiques, aux ressources disponibles et à vos objectifs spécifiques. Toute personne qui entreprend une campagne doit toutefois suivre certaines étapes.

3.1 RECHERCHE La recherche est importante. Elle conférera un poids factuel à vos arguments et vous donnera une expertise de terrain. Sans recherche préalable, votre adversaire pourrait écarter votre campagne d'un revers de la main en arguant du fait que vous ne saisissez pas tous les aspects du problème. Il vous faut donc avoir plus qu'une compréhension de base de votre sujet. Vous devez en saisir la complexité; sous peine de voir votre campagne marginalisée.

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• Assurez-vous que vous comprenez le contexte du sujet, les lois ou politiques gouvernementales concernées ainsi que les attentes et préoccupations de votre public cible. Si vous défendez le droit d'un groupe minoritaire, par exemple, veillez à consulter ce groupe, évaluez sa situation et trouvez ce qui devra être spécifiquement réalisé à ce niveau.

• Votre recherche doit correspondre au contexte en cours, en gardant à l'esprit qu'elle ne servira pas seulement à informer votre public cible mais qu'elle devra tendre également vers l'obtention de changements.

3.2 DEFINIR VOTRE CAMPAGNE La recherche préalable sur le terrain vous permettra de définir votre sujet et de définir vos objectifs.

• Votre objectif doit être simple. S'il est impossible de le traduire en une seule phrase, il se peut que vous visiez plusieurs objectifs simultanément. Dans ce cas, vous devrez déterminer quelles sont vos priorités.

• Votre objectif devra être focalisé. Les objectifs vagues ne déboucheront sur aucune action. Comme l'illustre bien l'exemple donné par le Minority Rights Group2

• N'oubliez pas de traiter la question du motif qui vous pousse à faire campagne pour cette cause et de la raison pour laquelle vous pensez que d'autres devraient le faire aussi. Il sera plus facile de persuader des personnes d'agir si vous pouvez leur offrir une bonne raison de rechercher des changements.

, si votre campagne est définie comme étant "L'égalité pour les Roms", tout le monde sera d'accord avec cette déclaration mais personne ne se sentira tenu de faire spécifiquement la moindre chose pour la concrétiser. Par conséquent, une telle déclaration est vide de sens. Si vous définissez votre campagne comme étant "Mettre un terme à la ségrégation des Roms dans l'éducation", vous augmenterez vos chances de succès mais le thème restera trop large. "Stop à l’envoi des enfants roms dans des écoles séparées et de niveau inférieur en Slovaquie en 2008" est un énoncé clair, spécifique et réalisable.

• Les meilleures campagnes sont basées sur les espoirs et les rêves du public plutôt que sur les craintes et les problèmes. Ce dernier levier attirera l'attention mais l'appui que vous recevrez ne durera pas longtemps. Pour une campagne durable, vous devrez tenter d'inspirer le public et de susciter de l'enthousiasme parmi les gens qui vous soutiennent.

3.3 CONCEVOIR UNE STRATEGIE Une fois que vous aurez défini vos objectifs, vous devrez convenir d'une stratégie.

• C'est votre objectif qui doit déterminer votre stratégie et pas l'inverse. • Rester centré sur ce que l'on veut réaliser. Une approche centrée est importante pour

établir des priorités mais aussi pour utiliser vos ressources et votre énergie aux endroits qui produiront le plus d'impact. Tout au long de la campagne, tenez-vous à vos objectifs et ne vous laissez pas détourner par d'autres questions. Rappelez-vous qu'une campagne réussie ne s'écarte jamais de son message.

2 BALDWIN (Clive), Minority Rights Group Campaigns Guide, p.1.

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• Vous devrez toujours fixer des visées et des stratégies réalisables, même si elles ne semblent pas ambitieuses de prime abord. Il importe de commencer par des objectifs que vous êtes sûrs de pouvoir réaliser en lançant la campagne.

• Fixer des priorités. Vous ne pouvez pas réaliser tout en même temps et vous devez savoir quelles actions sont les plus pressantes.

• Rester clair et simple. Les plans simples et clairs sont plus faciles à organiser, à expliquer et faire comprendre. Les communications doivent également être claires, au niveau interne comme externe. Plus claire et simple sera votre stratégie et plus efficaces seront les actions entreprises.

• Etre créatif. N'oubliez pas que les décideurs ont peu de temps et ont tendance à être submergés de requêtes. Votre message devrait se détacher de tous les autres. Une requête créative, claire et brève a plus de chances d'attirer leur attention.

• Toujours proposer une alternative. La seule critique ne mènera pas au changement. Vous devez prévoir une solution alternative que vous voulez mettre en œuvre.

• Identifier ses faiblesses. Plusieurs facteurs peuvent entraver votre capacité à agir, comme un manque d'expérience, un manque de ressources humaines ou un financement limité. Par conséquent, vous devriez connaître vos limites pour pouvoir prendre les mesures qui vous permettront de les surmonter ou pour éviter des stratégies que vous ne pourriez pas assurer.

3.4 IDENTIFIER VOTRE CIBLE Les cibles peuvent se diviser en trois catégories:

1. Les cibles primaires: les personnes ou institutions dotées du pouvoir d'apporter des changements. Il s'agit souvent d'autorités officielles qui peuvent définir des lois et des politiques ou assurer leur exécution.

2. Les cibles secondaires: les personnes ou institutions capables d'influencer les cibles primaires. Il pourrait s'agir de personnes que les décideurs écouteront, telles que des conseillers ou d'autres politiciens, mais ce peut être aussi les médias, des ONG ou d'autres associations.

3. Les opposants à votre campagne, qui tenteront d'entraver vos démarches. Il est important que vous déterminiez l'ampleur de la menace qu'ils peuvent représenter pour votre campagne et ce qui pourrait être fait pour diminuer leur influence.

Si vous agissez au nom d'une communauté, gardez à l'esprit l'impact que pourront avoir vos actions sur elles. Vous perdrez en crédibilité si votre campagne n'est pas soutenue par les gens que vous essayez de défendre.

3.5 CONSTRUIRE DES ALLIANCES Votre campagne a plus de chances de réussir si vous agissez dans un cadre de coopération plutôt qu'isolément.

• Agir en groupe augmentera non seulement vos chances d'être entendu(e)s mais vous permettra également de partager l'information, le savoir-faire, les ressources et la charge de travail.

• Tâchez de trouver des partenaires potentiels dans d'autres ONG mais également parmi les associations, les entreprises, les autorités locales ou les syndicats. Vous n'oublierez pas de rechercher des alliances au-delà de votre propre secteur politique.

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• Les alliances présentent toutefois un inconvénient, à savoir que vous devrez inévitablement faire des compromis. Fixez d'emblée les responsabilités de chacun et convenez d'une stratégie commune.

3.6 ETABLIR UN CALENDRIER Dans une campagne, le temps est tout. La même action aura un impact différent à des moments différents, selon le contexte et l'interaction des acteurs. Ainsi, publier un rapport sur les droits de l'homme avant la réunion d'une association d'assistance dans le pays en question aura, par exemple, beaucoup plus d'impact que si le rapport est publié après3

3.7 COORDINATION ENTRE LES NIVEAUX EUROPEENS ET NATIONAUX

. Lorsque l'on travaille avec les médias, le temps est également une donnée très importante pour assurer la couverture médiatique voulue. Par exemple, si vous travaillez avec un quotidien, il sera préférable d'envoyer votre rapport tôt le matin et pendant les mois d'été, quand la concurrence avec d'autres faits d'actualité est moins forte. De même, un rapport remis à la presse dès après un événement aura de plus fortes chances d'être couvert que s'il est publié une semaine plus tard.

Dans le cadre d'une campagne d'ENAR, il est important de déterminer si votre cause est liée à une compétence nationale ou si elle relève de celle de l'UE. Rappelez-vous que, de nos jours, l'UE a une incidence dans presque chaque aspect des compétences des Etats membres. Si votre sujet revêt une dimension européenne, veillez à engager une coordination efficace avec le Secrétariat d'ENAR ou avec les Coordinations nationales concernées d'ENAR. Sans coordination au niveau européen ou transnational, votre campagne perdra beaucoup de son efficacité et de sa crédibilité. En outre, ENAR fonctionne en tant que réseau d'ONG et vous offre à ce titre des relations professionnelles déjà existantes, qui pourraient s'avérer très profitables à votre campagne.

4. METHODES DE CAMPAGNE Vous pouvez aborder votre campagne de maintes façons. Il se peut que vous préfériez travailler publiquement et attirer la publicité sur votre campagne mais vous pourriez tout aussi bien préférer travailler en coulisse. Dans certains cas, votre campagne prendra la forme d'une collaboration avec les décideurs; dans d'autres, la confrontation sera inévitable. Les méthodes de campagnes présentées ci-dessous sont décrites individuellement mais aucune d'elles n'est vraiment efficace isolément. Pour travailler au mieux, elles devraient être associées les uns aux autres. Par exemple, travailler avec les médias ou tenter de modifier l'opinion publique ne mènera à aucun changement sans contacts avec les décideurs. D'autre part, les décideurs se sentiront rarement contraints de mettre en œuvre des changements s'ils ne ressentent pas une forme de pression indirecte, par un lobbying de cibles secondaires ou par le soutien du public à votre cause.

3 Exemple tiré de International Campaigning Manual d'Amnesty International, p.21.

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Comme les ONG ne disposent souvent que d'un modeste budget, il est préférable de donner la priorité aux stratégies de campagne les moins onéreuses. Contrairement à des convictions largement répandues, il est possible de mener une campagne efficace à peu de frais. Vous pourriez, par exemple, préférer l'utilisation de l'Internet plutôt que d'autres genres de communication. Vous pourriez aussi éviter des techniques de publicité coûteuses pour votre campagne et privilégier plutôt un travail avec les médias.

4.1 ACTION DIRECTE

La manière la plus radicale de mener campagne est d'entrer directement en contact avec le décideur (cible primaire) et de lui expliquer clairement vos objectifs et ce que vous vous attendez de lui4

• Si vous ne savez pas nettement si le décideur est favorable ou hostile à votre cause, approchez-le comme si il était neutre et attendez sa réaction.

.

• La manière la plus efficace d'influencer un décideur consiste à montrer ce qu'il gagnera en agissant et ce qu'il perdra en s'en gardant; notez que parfois le prix à payer pour ne pas avoir agi peut s'avérer plus lourd que si une action avait été entreprise.

• Si vous ne pouvez pas persuader le décideur vous-même, recourez à une pression indirecte au moyen de l'une des méthodes décrites ci-dessous: faites pression sur les cibles secondaires, employez les médias, agissez sur l'opinion publique, etc.

• Rendez le décideur responsable de ses actions. Attendez-vous à des arguments du type "cette décision a été prise par le Conseil d'administration" ou "c'est ainsi que le système fonctionne". En centrant la responsabilité (ou le blâme) sur la personne même, vous rendrez le décideur responsable à la fois personnellement et professionnellement.

• Le décideur pourrait également témoigner d'emblée une sympathie pour votre cause et se montrer disposé à agir. Dans ce cas, vous n'aurez pas besoin de le persuader plus longtemps mais vous devrez lui fournir des solutions au problème, des justifications claires de son action et, dans certains cas, une assistance, telle qu'une formation. Vous noterez qu'un décideur pourrait sembler ouvert à votre cause dans le simple but de se débarrasser de vous alors qu'en réalité il n'est nullement disposé à agir.

4.2 LOBBYING Une autre manière de faire entendre votre voix consiste à faire pression sur une cible secondaire: une personne ou une institution qui fera pression à son tour sur les décideurs.

• Choisissez soigneusement votre cible secondaire. Il peut s'agir d'autres instances officielles, des institutions ou des ONG. Ce pourrait être aussi des conseillers ou des cadres du décideur parce que ce seront les premières personnes que la cible primaire consultera lorsqu'il s'agira de prendre une décision. Ne sous-estimez pas le pouvoir des relations transnationales non plus: votre propre gouvernement peut avoir une certaine influence sur les décideurs étrangers. De même, des institutions internationales telles que l'UE ou l'ONU exercent une forte influence sur leurs Etats membres ainsi qu'à l'échelle mondiale. Posez-vous les questions suivantes: Les cibles

4 La section suivante est adaptée du Campaigns guide du Minority Right Group.

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secondaires seront-elles intéressées par votre cause et la présenteront-elles exactement? Pourquoi la cible primaire les écouterait-elle?

• Vous devriez privilégier l'utilisation de cette méthode si vous pouvez influencer la cible secondaire et si la cible secondaire a beaucoup d'influence sur le décideur.

• A contrario, employer cette méthode serait une pure perte de temps si le décideur est déjà favorable à votre cause. Dans ce cas, il sera préférable de travailler directement avec lui. Vous ferez de même si la cible secondaire a peu d'influence sur le décideur.

• Vous devez savoir clairement ce que vous voulez que la cible secondaire fasse et connaître les propres motivations de la cible secondaire. Présentez-lui des objectifs clairs et réalisables et une information crédible et fiable5

.

4.3 INFLUENCER L'OPINION PUBLIQUE Les décideurs peuvent également ressentir une forte pression émanant de l'opinion publique, particulièrement s'ils sont soucieux de leur image. Il faut toutefois beaucoup de patience, de publicité et d'argent pour convaincre le public. L'influence de l'opinion publique est liée étroitement au sujet traité au point 4.4 relatif au travail avec les médias, ceux-ci reflétant l'opinion publique mais la façonnant aussi.

• Employez cette méthode si le décideur se montre soucieux de son image. Dans une démocratie, où il est responsable vis-à-vis du public, le décideur est plus susceptible de prêter attention à l'opinion de son électorat et à écouter un média qui, à ses yeux, reflète cette opinion. Il peut également s'inquiéter de son image si celle-ci est importante pour attirer des investissements étrangers et favoriser le tourisme.

• N'employez pas cette méthode: o Si l'opinion publique ou les médias n'ont aucune influence sur le décideur

parce que vous ne ferez que perdre votre temps et gaspiller vos ressources. o Faites preuve de prudence dans l'utilisation de cette méthode si vous faites

campagne pour une question qui s'efface rapidement de l'attention publique. Dans ce cas, il faudra déployer de nombreux efforts pour attirer l'attention publique sur le long terme.

o Le public ou les médias pourrait se montrer hostiles à votre cause; veillez à ce qu'ils n'utilisent pas votre campagne à des fins qui sont peu favorables à vos objectifs.

• Avant d'entreprendre une action visant à influencer l'opinion publique: o Vous devez définir clairement au public ce que vous attendez de lui. Par

exemple, souhaitez-vous lui faire signer une pétition, l'amener à manifester ou en obtenir des fonds?

o Vous devez également lui présenter un message clair et concis. La plupart du temps, les gens n'écouteront que les trois premières phrases de votre message voire moins. Assurez-vous de bien leur expliquer en quoi cela les concerne et les solutions que vous proposez.

Il existe différentes manières d'influencer l'opinion publique.

• Utiliser les techniques publicitaires. Les possibilités sont nombreuses: des spots publicitaires à la télévision, des affiches, des brochures, des bannières, des autocollants, des badges… Cependant, cette solution pourrait à terme s'avérer très

5 Vous pourrez trouver plus de conseils sur le lobbying dans le manuel de campagne d'Amnesty International, http://www.amnesty.org/resources/pdf/campaigning-manual/chapter11.pdf

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coûteuse; vous devez donc vous assurer que de telles démarches sont absolument nécessaires avant de vous engager dans une campagne publicitaire.

• Entrer en contact avec d'autres organisations. Il s'agit d'une bonne manière de s'introduire auprès de réseaux de personnes préexistants. Vous pourriez tenter d'entrer en contact avec des groupes qui partagent vos préoccupations mais aussi avec d'autres associations, entreprises, partis politiques, au sein ou au-delà de votre domaine politique. Dans le cadre d'une campagne d'ENAR, vous pourriez utiliser les réseaux d'ONG existants pour assurer une coordination.

• Parler aux passants. Il s'agit d'une bonne manière de mobiliser les gens mais cette méthode exige des ressources humaines et donc des fonds. Par ailleurs, elle pourrait ne pas convenir à toutes les formes de campagnes.

• Travailler avec les médias, comme expliqué dans le chapitre suivant.

4.4 TRAVAILLER AVEC LES MEDIAS Travailler avec les médias est une démarche très proche de la précédente, qui consiste à influencer l'opinion publique: la plupart des médias prétendent représenter l'opinion publique et définissent également le cadre même des débats. Les médias exercent une grande influence dans la fixation de l'agenda politique et sont habituellement écoutés par les politiciens au moment d'opter pour une politique gouvernementale. On distingue différentes formes de médias.

• Les médias peuvent être locaux, nationaux ou internationaux. Vous pourriez utiliser chacun de ces genres de média à des fins différentes.

o Les médias locaux pourraient promouvoir votre cause auprès de défenseurs potentiels et d'associations locales. Ils pourraient se montrer très utiles si votre campagne vise des changements au niveau local.

o Les médias nationaux pourraient conférer plus de crédibilité à votre campagne et attirer l'attention du public, d'autres organisations voire des décideurs à une échelle nationale.

o Certains médias, comme la BBC, sont essentiellement nationaux mais jouissent d'un retentissement mondial. Vous pourriez également cibler les médias européens (Euronews, European Voice, Euractiv, EU Observer…) si vous souhaitez défendre votre cause à l'échelle européenne.

• Les journaux et les magazines recouvrent un large éventail de publications: elles peuvent être quotidiennes, hebdomadaires, mensuelles, locales, nationales, européennes, spécialisées ou de caractère plus général. Lorsque vous approchez un journal, pensez à son public, sa ligne éditoriale et examinez s'il a déjà traité des sujets semblables au vôtre auparavant. Si vous visez des changements dans le secteur médical, par exemple, vous pourriez vouloir cibler un journal spécialisé en médecine. Il peut toutefois s'avérer également utile de cibler d'autres journaux qui peuvent être indirectement liés à votre sujet de campagne afin d'atteindre un lectorat aussi large que possible (par exemple, si vous menez une campagne sur la question des travailleurs migrants, il peut être utile de cibler la presse spécialisée dans l'agriculture, dans la mesure où de nombreux travailleurs migrants sont employés dans ce secteur). De même, vous ne présenterez pas votre histoire sous le même angle si vous approchez un journal à sensations ou si vous approchez la presse financière. Vous devriez également ne pas vous limiter aux journaux dont la ligne éditoriale est favorable à votre cause; vous gagnerez plus de crédibilité si votre campagne est

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couverte par des journaux qui ne seraient pas susceptibles de défendre vos arguments de prime abord. Vous devrez également prêter une attention particulière au choix du moment. La couverture dont bénéficiera votre histoire dépendra des délais des journalistes. D'une part, dans la presse quotidienne, le meilleur moment pour contacter les journalistes se situe tôt le matin; une histoire a moins de chances d'être couverte par la presse si elle arrive l'après-midi, lorsque le contenu de l'édition du jour suivant a été déjà fixé. En outre, vous devez offrir chaque jour à la presse quotidienne un nouvel angle de votre histoire sous peine de ne rien lui soumettre de "nouveau" à traiter. D'autre part, les journaux ou magazines hebdomadaires ou mensuels ont tous des délais différents et permettent donc plus d'espace en rubrique des divers. Ils sont souvent plus spécialisés que la presse quotidienne et n'ont pas besoin de se voir proposer régulièrement un nouvel angle de traitement du sujet.

• La télévision nécessite des histoires visuelles, des images et des interviews filmées. Si vous ne pouvez offrir des images attrayantes ou choquantes, la télévision sera moins susceptible d'être intéressée par votre campagne. Ainsi, des manifestations publiques ont plus de chances de donner lieu à des séquences spectaculaires que des rapports. La télévision est regardée par des millions de téléspectateurs et pourrait constituer un puissant outil pour susciter un soutien à votre cause; cependant, organiser des événements qui leur fourniront la séquence nécessaire est souvent coûteux.

• La radio s'appuie fortement sur le son. Cibler la voie radiophonique est généralement moins onéreux que choisir la voie télévisée: un bon haut-parleur saisissant des expressions frappantes pourrait être particulièrement efficace à la radio, alors que la télévision exigera une histoire dont le potentiel dépasse une simple interview.

• Les médias en ligne sont également une manière d'atteindre un large public. Quelques médias existent exclusivement sur l'Internet (par exemple Euractiv, EU Observer), et la plupart des agences de presse possèdent leur propre site web sur lequel une équipe de journalistes écrivent souvent des histoires qui ne trouvent pas leur place dans les actualités usuelles. Certains sites web peuvent également atteindre un public plus international (comme le site web de la BBC, par exemple).

Travailler avec les médias ne conviendra pas à tous les styles de campagnes. De petits conseils pratiques vous aideront pour savoir quand et comment recourir à cette méthode.

• Vous devriez toujours combiner l'utilisation des médias avec d'autres méthodes. Employez-les pour faire pression sur les décideurs, pour conférer une publicité à votre campagne ou pour influencer l'opinion publique.

• Les journalistes se fondent sur deux critères pour décider ce qui constitue une bonne histoire: le public du média et l'appartenance de l'histoire à "l'actualité". Tous les médias ont un public différent et définissent différemment ce qui fait l'intérêt de leur lectorat; tenez particulièrement compte de cet aspect lorsque vous vous adressez à des médias spécialisés. Comme mentionné plus haut, votre histoire doit également concerner "l'actualité" et devrait donc offrir régulièrement de nouveaux angles à la presse; la fréquence de ce renouvellement dépendra des délais auxquels sont tenus les médias que vous ciblez.

• Ayez un message clair et offrez des solutions claires. Plus claires seront vos explications et plus votre histoire a de chances d'être présentée fidèlement. Vous ne devriez pas transmettre plus de trois messages si vous voulez lui assurer un maximum de clarté et de concision. Lors des entretiens, restez calme et prenez le temps de réfléchir, cela vous donnera plus de crédibilité.

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• Utilisez des faits et des chiffres pour justifier vos arguments et donner "du corps" à votre message.

• Soyez capable de répondre rapidement si votre sujet se trouve soudainement au centre de l'attention publique.

• Il existe plusieurs manières de cibler l'actualité. Habituellement, les ONG rédigent des communiqués de presse qui pourraient être utilisés par des agences de presse ou par les médias que vous ciblez. Les communiqués de presse sont habituellement distribués à différents médias après leur publication. Essayez d'établir des contacts personnels avec les journalistes qui pourraient être intéressés par vos sujets afin d'accroître vos chances de couverture médiatique. Tâchez aussi d'identifier les médias et/ou journalistes influents qui sont plus susceptibles de façonner l'opinion publique ou d'influencer les décideurs. Suivez toujours vos envois par courriel et télécopie d'un appel téléphonique permettant de vous assurer que votre information est arrivée au bon bureau. Vous devriez toujours être en mesure de faire des commentaires dignes d'être cités par les journalistes. Vous pouvez également tenir des séances d'information plus détaillées à l'intention des journalistes intéressés; rédigez des billets d'humeur ou écrivez des lettres au rédacteur en réponse à un article qui était lié au sujet de votre campagne.

4.5 PUBLICATIONS ET INTERNET À un moment de votre campagne, il vous faudra diffuser des informations. Vous devrez choisir entre deux options: l'Internet ou le support papier. Les deux sont souvent utilisés ensemble.

• L'Internet peut servir à un large éventail d'objectifs: publication de rapports, publicisation de la campagne, communication de réponses, placement de documents audiovisuels, création de forums de discussion et même mise sur pied de systèmes de collecte de fonds en ligne. Il permet de diffuser de grandes quantités d'informations, de les modifier, de les mettre à jour, d'atteindre un grand nombre de personnes, à des coûts très réduits. Au 21ème siècle, l'Internet est devenu le premier outil de campagne. Cependant, mener une campagne par l'Internet présente un risque lié à la surabondance d'information; votre message doit se dégager plus que jamais de la pléthore d'informations circulant sur le web.

• Les publications peuvent revêtir des formes multiples: brochures, rapports, documents d'information… Mais elles impliquent généralement des coûts plus élevés et votre budget vous contraindra donc à limiter la quantité d'informations que vous pourrez publier sur le papier. Cependant, une publication sous belle mise en page en format papier vous offrira un document sérieux, à même d'étayer votre argumentation et de séduire les décideurs (comme les rapports alternatifs européens d'ENAR, par exemple).

• Il existe de nombreux liens entre les deux genres de publications. Même si les courriels sont habituellement plus efficaces que la poste pour faire circuler l'information, on trouve généralement les publications importantes à la fois en format papier et sur le site web des ONG.

• Dans les deux cas, une publication pourrait vous aider à faire pression auprès de cibles primaires et secondaires et, accompagnée d'un communiqué de presse, fournit l'information nécessaire aux médias. Cependant, ne voyez pas la publication comme une fin en soi. Utilisée isolément, cette méthode ne persuadera pas les personnes d'agir. Utilisez-la toujours en combinaison avec d'autres méthodes.

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• En ce qui concerne vos communications, veillez à ce que votre message reste clair et simple et faites preuve de créativité. Votre publication devrait se distinguer des autres afin d'attirer l'attention de ceux qui ont peu de temps pour les lire.

• Gardez à l'esprit la nature du public auquel vous destinez vos publications et adaptez votre message au besoin.

4.6 MOBILISER L'OPINION PUBLIQUE Il n'existe pas de manière simple de mobiliser l'opinion publique et aucun groupe de campagne ne vous conseillerait de le faire. S'il est vrai qu'une mobilisation de l'opinion publique peut faire pression sur les décideurs en prouvant l'existence d'un soutien à votre campagne, cette formule implique généralement des frais importants (à de rares exceptions près) et exige beaucoup plus d'efforts et de risques que d'autres méthodes de campagne. On distingue différentes formes de mobilisation de l'opinion publique.

• Les manifestations constituent une manière de démontrer physiquement la détermination des militants et l'appui du public à leur cause. Cependant, l'organisation et la publicisation d'une manifestation exigent un important investissement en ressources humaines et en fonds ainsi que la coopération de larges parts de la population et comportent un risque en cas de faible participation. Si vous projetez d'organiser une manifestation, assurez-vous que votre cause mobilisera un nombre suffisant de personnes sans quoi le manque de participants témoignera de la faiblesse de votre cause plutôt que de sa force.

• La désobéissance civile implique des actions telles que des manifestations non violentes d'occupation des lieux, où un groupe de manifestants s'assied ou se couche sur le sol jusqu'à ce qu'il obtienne ce qu'il veut ; l'occupation d'un bâtiment ou d'un endroit, particulièrement si cet endroit est l'objet de la campagne ; des manifestations silencieuses, lorsque les manifestants restent éveillés pendant les heures de sommeil habituelles, etc.

• Dans ces deux formes de protestations, les participants peuvent se trouver confrontés à une intervention de la police. Il vaut donc toujours mieux tâcher d'obtenir la permission de la police avant d'organiser la protestation. Il est fondamental que toutes les formes de mobilisation publique restent pacifiques sans quoi votre campagne perdra de sa crédibilité. En cas de tensions entre la police et les manifestants, vous devrez donner l'impression que la police agit contre vous et non l'inverse. N'oubliez pas que les médias peuvent être présents pour couvrir l'événement et que des séquences vidéo pourraient être prises. Si la police est présente mais réagit, les médias montreront l'Etat comme imposant publiquement des mesures répressives. Mais si vous réagissez à votre tour, l'on pourrait vous accuser d'obstruction à l'exécution de leur devoir voire même d'agression contre ceux qui sont chargés de faire leur devoir.

• La rédaction de lettres et les pétitions constituent une autre manière de mobiliser l'opinion publique. Il s'agit d'une démarche simple à organiser, personnelle et qui peut se faire à un coût relativement faible.

o Une pétition apportera une preuve tangible du soutien dont jouit votre campagne et vous permettra de rassembler une base de données de vos partisans.

o La rédaction de lettres constituera une manière facile de susciter un sentiment d'implication personnelle de la part des personnes visées.

o Dans les deux cas, vous devrez rendre aisée aux yeux de la personne la tâche que vous lui demandez d'accomplir. Moins les personnes ont à faire et plus

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elles sont susceptibles de le faire. Par exemple, la manière la plus aisée de produire d'un grand nombre de lettres consiste à les préparer à l'avance. Le texte est-il déjà écrit ? Si vous demandez que la lettre soit envoyée par la poste, l'enveloppe est-elle déjà affranchie6

o Limitez-vous à un texte court et simple: plus vous écrivez, plus vous trouverez des personnes en désaccord avec le contenu.

?

o Rappelez-vous qu'en l'espèce, la qualité de l'expéditeur pourrait avoir autant d'influence que le nombre de personnes qui écrivent. Une lettre ou une signature d'une personnalité pourrait équivaloir à cent actions menées par la population.

• Dans des cas plus spécifiques, le choix de l'inaction plutôt que la coopération pourrait entraver les actions des autorités plus que toute autre forme de protestation. Par exemple, lorsque la poll tax, un impôt local, a été mise en application au Royaume-Uni, beaucoup d'activistes ont fait campagne en ne payant pas cette imposition. Quand elle a été supprimée en mars 1991, 17 millions de citoyens ne l'avaient pas payée. La mise en application de la poll tax dépendait de la coopération des citoyens. En ce sens, c'est la force d'inertie qui a assuré le succès des campagnes.

5. ÉTUDES DE CAS DE CAMPAGNES DANS LE DOMAINE DE L'ANTIRACISME

5.1 AU NIVEAU EUROPEEN : LE STARTING LINE GROUP L'exemple qui suit illustre la façon dont le Starting Line Group (SLG), le Groupe Ligne de départ, a géré sa campagne en faveur d'une directive sur l'égalité raciale7

6 On en trouvera une bonne illustration sur le site web d'Amnesty International,

. Travail de recherche Lors de sa fondation en 1991, le Starting Line Group a défendu le point de vue selon lequel le racisme était un problème européen et qu'une mesure européenne pour combattre ce fléau s'imposait. Définition de la campagne Il a procédé alors à la définition de son objectif, à savoir la mise en œuvre d'une directive qui exigerait des Etats membres qu'ils élaborent des mesures juridiques à même d'interdire la discrimination directe ou indirecte fondée sur la race, la couleur, la descendance, la nationalité, l'origine ethnique ou nationale. Toute la campagne de SLG était basée sur des projets de propositions visant à modifier la législation et sur le lancement d'un débat à leurs propos, en maintenant de la sorte cette question à l'agenda politique.

http://www.amnesty.org/actnow/ 7 Ce chapitre est basé sur le texte de CHOPIN (Isabelle), "Le Groupe Ligne de départ: une approche harmonisée de la lutte contre le racisme et la promotion de l'égalité de traitement", dans le Journal européen de la migration et de la loi, 1, 1999, pp.111-129.

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Calendrier La première proposition Starting Line a été officiellement présentée en 1992, avant le sommet d'Edimbourg. En raison de ce choix de calendrier, la proposition a eu une influence sur l'adoption de la Déclaration sur le racisme et la xénophobie qui a suivi le sommet, spécifiant la nécessité d'adopter des mesures juridiques européennes en cette matière. Conception d'une stratégie et identification des cibles Le Starting Line Group s'est alors engagé dans des consultations intensives auprès des institutions de l'Union européenne. Le Parlement européen a fait preuve d'un soutien particulièrement important et a adopté deux résolutions invitant la Commission européenne à employer la proposition Starting Line comme base d'élaboration de la directive. A cette occasion, l'action de lobbying auprès de la cible secondaire (le Parlement européen) qui a fait pression sur la cible primaire (Commission européenne) s'est avérée être un choix de méthode extrêmement efficace, la Commission écoutant généralement le Parlement et le Parlement se montrant d'emblée bien disposé à l'égard du Starting Line Group. Adaptation de la stratégie Pourtant, même après avoir examiné les résolutions du Parlement, la Commission est restée divisée sur la question. Quelques Etats membres ont reconnu que le fondement juridique nécessaire pour adopter une telle directive faisait défaut. D'autres Etats membres ont invoqué le principe de subsidiarité et leur préférence pour une coopération intergouvernementale. Il manquait une véritable volonté politique d'un changement de la situation en place. Le Starting Line Group a décidé alors d'adapter sa stratégie pour la concentrer sur les besoins de ses cibles spécifiques. Si le racisme est une problématique européenne et que l'UE se doit de prendre des mesures pour le combattre, la nouvelle stratégie devrait se centrer sur l'un des mandats essentiels de l'UE: faciliter la mobilité des travailleurs dans un marché unifié, ce qui exige l'élimination de la discrimination raciale et ethnique dans les différents domaines de vie. Un tel raisonnement obtiendrait un soutien aisé des Etats Membres à l'apport des changements nécessaires. Le SLG a procédé alors à la rédaction d'une proposition visant à modifier premièrement le Traité de la CE, accordant à la Communauté la compétence d'agir en matière de discrimination raciale et religieuse. Il a nommé sa nouvelle proposition "the Starting Point" (le Point de départ"). Création d'alliances Dès lors, le SLG a mené une campagne intensive par des actions de lobbying et de contacts en préparation de la Conférence intergouvernementale (CIG) de 1996 conçue pour réexaminer le Traité de la CE. Le SLG a mené une action de lobbying auprès des institutions européennes mais a cherché également à obtenir l'appui des gouvernements nationaux et des ONG nationales qui pourraient, à leur tour, exercer une influence au niveau européen. Influence de l'opinion publique Outre le lobbying, le SLG a organisé aussi des conférences et des réunions afin de créer un débat autour de cette question.

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Recentrage sur le premier objectif La campagne du SLG a atteint son objectif: Le Traité d'Amsterdam, qui a suivi la réunion de la CIG, a adopté une clause d'antidiscrimination (l'article 13). Le Starting Line Group s'est alors recentré sur l'objectif qu'il s'était fixé à sa fondation, à savoir la mise en œuvre d'une directive sur l'égalité raciale. Le SLG a réuni un groupe d'experts pour entamer un réexamen de la proposition de directive originale qui tiendrait compte des derniers développements législatifs, appelé "The New Starting Line" ("la nouvelle ligne de départ). Enfin, L'objectif du SLG a été atteint en 2000, avec l'adoption de la directive sur l'égalité raciale. Le succès du Starting Line Group était basé sur sa capacité à adapter sa stratégie pour répondre aux attentes de ses cibles primaires tout en restant centré sur l'objectif final ainsi que sur une offre cohérente de propositions, ce qui a eu pour effet non seulement de fournir une référence législative à une directive sur l'égalité raciale mais également de susciter une discussion et de garder ce sujet inscrit à l'agenda politique.

5.2 AU NIVEAU NATIONAL : KISA ET LA TRANSPOSITION DE LA DIRECTIVE EUROPEENNE SUR LA RESIDENCE DE LONGUE DUREE A CHYPRE 8

Travail de recherche En 2006, le gouvernement chypriote a décidé de ne pas transposer la directive européenne relative au statut des ressortissants de pays tiers résidents de longue durée (2003/109/CE) dans sa législation malgré l'imminence de la date butoir imposée par la Commission européenne pour procéder à cette transposition. Dans le même temps, la politique migratoire du gouvernement s'est affermie, entraînant l'expulsion des migrants de longue durée ou leur éviction directe ou indirecte hors de l'île. Les migrants se sont également retrouvés sans permis de séjour, étant donné que les permis de séjour de tous ceux qui comptaient déjà cinq ans de résidence légale n’avaient pas été renouvelés dans le contexte de la politique « zéro migrants permanents à Chypre » adoptée par le gouvernement. Définition de la campagne En conséquence, l'organisation KISA – Action pour l'égalité, soutien de l'antiracisme, membre d'ENAR-Chypre, a décidé de combattre cette politique et de faire campagne pour la protection des migrants à Chypre Conception d'une stratégie KISA a décidé de:

Sensibiliser l'opinion publique et les politiciens et de mettre en lumière les aspects positifs de la migration;

Informer les migrants sur leurs droits et leur donner les moyens de les revendiquer. Identification des cibles Comme le gouvernement n'était pas disposé à changer son approche et que l'objectif était de créer le rapport de forces requis pour obtenir le changement politique attendu, KISA a opté pour la méthode suivante: 8 Voir: http://cms.horus.be/files/99935/MediaArchive/pdf/enargy_20_en.pdf

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Influencer les partis politiques et faire pression sur la Chambre des représentants pendant les discussions sur le projet de loi concerné;

Dénoncer le gouvernement chypriote auprès des institutions de l'UE. Calendrier KISA a lancé sa campagne dès l'expiration de la date limite fixée pour la transposition. Influence de l'opinion publique Afin de sensibiliser les différentes parties prenantes et le grand public à cette problématique, KISA a organisé les activités suivantes : Pendant deux semaines, l'organisation a mis sur pied des journées d'information pour les

migrants de longue durée au Centre pour les migrants et les réfugiés de KISA, leur donnant des conseils à titre individuel et des informations générales sur les dispositions de la directive.

Elle a imprimé des brochures d'information reprenant les principales dispositions de la directive.

Elle a encouragé les migrants de longue durée à soumettre des demandes préparées par KISA pour obtenir le statut de résident de longue durée.

Action directe et travail avec les médias KISA a également publié des communiqués de presse et a donné des conférences de presse pour faire connaître publiquement sa position sur les droits à la résidence de longue durée et a organisé, de concert avec les principales communautés immigrées de Chypre, une manifestation afin d'exiger les droits de résidence de longue durée pour les migrants. Après la soumission par le ministère de l'Intérieur du projet de loi à la Chambre des représentants, KISA a préparé une analyse détaillée des dispositions du projet de loi en les comparant aux dispositions de la directive européenne afin de montrer en quoi les dispositions du projet de loi constituaient une violation du droit communautaire. L'analyse a été soumise à la Direction générale Justice et Affaires intérieures (JAI) de la Commission européenne et un exemplaire en a été remis au ministère chypriote de l'Intérieur. La Commission européenne a assuré à KISA qu'elle examinerait la loi dès son adoption par la Chambre des représentants. La même analyse a été préparée pour la commission parlementaire de l'Intérieur, laquelle procédait à l'examen du projet de loi à la Chambre des représentants et s'est centrée principalement sur les conditions d'intégration que les migrants devaient remplir afin d'obtenir le statut de résident de longue durée (connaissance de la langue chypriote et de l'histoire de Chypre). Pendant que les discussions se poursuivaient à la Chambre des représentants, KISA a organisé son festival multiculturel annuel, le Festival Arc-en-ciel, sous le slogan "L'intégration des migrants – La résidence de longue durée pour les migrants maintenant". Dans le même temps, l'organisation a mis sur pied deux ateliers, l'un consacré à la directive relative à la résidence de longue durée et l'autre à l'intégration des enfants migrants. La semaine précédant le vote sur le projet de loi relatif à la résidence de longue durée à la Chambre des représentants, KISA a mené une action de lobbying auprès de tous les partis politiques de la Chambre, concentrant exclusivement ses efforts sur la nécessité de retirer du

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projet de loi les dispositions qui fixaient, pour les ressortissants de pays tiers, des conditions d'intégration à l'obtention du statut de résident. Le jour du vote du projet de loi à la Chambre des représentants, KISA a organisé une manifestation à l'extérieur de celle-ci. Création d'alliances KISA est parvenue à: Convaincre le parti socialiste de la validité de sa position; Gagner certains alliés tels que les associations patronales et les syndicats; Déplacer le climat négatif global régnant quant à la possibilité d'accorder des droits aux

migrants vers une atmosphère plus positive en se concentrant sur les aspects positifs de la migration et en révélant le caractère strict et inhumain des politiques et des pratiques du département chargé de la migration au ministère de l'Intérieur.

La campagne a abouti aux résultats finaux suivants: Le projet de loi voté par la Chambre des représentants a été amélioré dans l'ensemble par

rapport à celui qui avait été initialement soumis par le gouvernement ; La Chambre des représentants a retiré les conditions d'intégration du projet de loi ; Le ministre de l'Intérieur s'est engagé politiquement devant la Chambre des représentants

et dans les médias, promettant que tous les migrants qui résidaient légalement à Chypre depuis cinq années consécutives au 23 janvier 2006 (date limite de la transposition) seraient considérés comme des résidents de longue durée, qu'ils possèdent ou non un permis de séjour, et ne seraient pas expulsés s'il s'avérait qu'ils ne possédaient pas de permis de séjour. Ils bénéficieraient également de la possibilité de soumettre une demande dès l'adoption de la nouvelle loi.

6. SOURCES Amnesty International Campaigning Manual, 2ème éd., Londres, Amnesty International, 2001. BALDWIN (Clive), Minority Rights Group Campaigns Guide (disponible à l'adresse: ://www.minorityrights.org/?lid=456). Civil Society Contact Group, Making your voice heard in the EU: A guide for NGOs, 2006 (disponible à l'adresse: ://act4europe.horus.be/module/FileLib/NGOGuide_EN.pdf). Friends of the Earth, How To Win (Friends Of The Earth's Guide To Successful Community Campaigning), 2000. JONES (Dan), Banners And Giants/Dragons (The Complete Guide To Creative Campaigning), Londres, Amnesty International, 2003. FOOT (Kirsten), Web Campaigning, Cambridge MA (US), MIT Press, 2006. LATTIMER (Mark), The Campaigning Handbook, 2ème éd., Londres, Directory of Social Change, 2000.

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MAIER (Michaela), Campaigning In Europe-Campaigning For Europe (Political Parties, Campaigns, Mass Media And The European Parliament Elections 2004), Münster, Lit Verlag, 2006. MARK (David), Going Dirty (The Art Of Negative Campaigning), Lanham MD (US), Rowman & Littlefield Publishers, 2007. WILSON (Des), Campaigning (The A To Z Of Public Advocacy), Londres, Thorogood, 1995. ZETTER (Lionel), The Political Campaigning Handbook (Real life lessons from the front line), Petersfield, Harriman House, 2007. POUR DE PLUS AMPLES INFORMATIONS, VEUILLEZ CONTACTER: ENAR, Réseau européen contre le racisme Rue de la Charité 43, 1210 Bruxelles - Belgique Site web : ://www.enar-eu.org E-mail : @enar-eu.org Cette boîte à outils a été rédigée par Sybille Regout et éditée par Michael Privot.

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Le Réseau européen contre le racisme (ENAR) est un réseau d'ONG

européennes oeuvrant pour lutter contre le racisme dans tous les Etats membres de l'UE et représente plus de 600 ONG réparties dans toute l'Union européenne. Il constitue l'une des grandes réalisations de l'Année européenne contre le racisme de 1997. ENAR est fermement résolu à lutter contre le racisme, la xénophobie, l'antisémitisme et l'islamophobie, à promouvoir l'égalité de traitement entre citoyens de l'UE et ressortissants de pays tiers et à assurer la liaison entre les initiatives locales/régionales/nationales et les initiatives européennes.

ENAR est financé par la Commission européenne, DG Emploi, Affaires sociales et Egalités des chances, Unité Antidiscrimination.