Blanchet 1923 - Venus Et Mars Sur Des Intailles Magiques
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Académie des inscriptions et belles-lettres. Comptes-rendus des séances de l'année... - Académie des inscriptions et belles-lettres. 1923.
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COMPTESRENDUSDES SÉANCESDE
L'ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS
ET BELLES-LETTRES
PENDANT L'ANNÉE 1923
SÉANCE DU 1- JUIN
PRÉSIDENCE DR M. THÉOPHILE HOMOLLE.
M. Adrien BlancheT, au nom de la Commission de la fondation
Pellechet, propose de voter les subventions suivantes
500 francs, pour l'église de Chemilly-sur-Serein (Yonne)4.000 francs, pour l'église d'Anzème (Creuse)4,000 francs, pour l'église de Reilhac (Dordogne)8.000 francs, pour l'église de Vinnenf (Yonne).
Adopté.
M. Antoine Thomas informe l'Académie que la Commission
du prix de La Grange a partagé également le prix entre M. Tan-
querey, professeur à l'Université de S' Andrews, pour son
édition de poèmes anglo-français (Roman des Romans, etc.),et M. Audiau, pour son édition des poésies provençales des
quatre troubadours d'Ussel.
Acte est donnée de cette communication.
M. Charles Bémont achève la lecture de son mémoire sur la
bulle Laudabiliter.
Cet acte par lequel le pape Hadrien IV, à la demande du roi
Henri II, a autorisé l'expédition projetée par ce prince en 1155
pour conquérir l'Irlande nous est connue surtout par le chroni-
queur Giraud de Barry (Giraldus Cambrensis), qui a publié non
seulement le texte de la bulle, mais en outre une confirmation
donnée parle pape Alexandre III en 1172. L'authenticité de ces
VÉNUS ET MARS SUR DES INTAILLES
deux documents a été combattue d'une part par les nationalistes
irlandais, indignés à la pensée qu'un pape aurait approuvé l'as-
servissement de leur pays à l'Angleterre, d'autre part, pour des
raisons purement critiques, par plusieurs érudits contemporains.En ce qui concerne la balle de 1155, on a montré que la rédac-
tion n'en n'est peut-être pas strictement conforme aux règlessuivies alors par la chancellerie pontificale bien que le cursus
y soit observé mais on peut prouver que, dans le fond, elle
est d'accord avec un autre témoignage non contesté, celui de
Jean de Salisbury. Quant à la confirmation de 1172, elle est
en contradiction avec trois lettres authentiques du pape et doit
être rejetée. Néanmoins, il est probable que Giraud de Barrya été dans les deux cas de bonne foi. Son tort fut sans doute
d'écrire en se fiant à sa mémoire et sans avoir vu les textes ori-
ginaux.M. Maurice Phou présente une observation.
M. Adrien Blanchet communique une note au sujet de la
représentation de Vernis et Mars sur des intailles magiques
COMMUNICATION
VÉNUS ET MARS SUR DES INTAILLES MAGIQUES ET AUTRES, PAR
M. ADRIEN BLANCHET, HEHfiBË DE L'ACADÉMIE.
On connaît la restitution de la Vénus de Milo, groupée
avec Mars, que Félix Ravaisson a décrite ici, en 1890 "2. Si
1. Voircî-aprcs.
2. Comptes rendus de l'Académie des Inscriptions et Belles- Lettres, 1890,
p, IBS, 313 1891, p. 175. Du même, La Vénus de Milo, dans Revue archéo-
logique, 1890, II, p. 1 «6 à 157, pl. XV.
Cf. les has-reliefs de Sidé et d'Aquincum (?}, signalés par M. S. Reinach,
dans le même vol. de la Rev. archèùl., p. 249, flg.
Je n'essaie pas de rappeler tous les exemples de groupea analogues. Ce
serait d'ailleurs inutile pour le sujet véritable de mon étude. Je citerai
seulement la récente découverte à Ostie d'un groupe analogue, représen-
VENDS ET MARS SCB DES INTAILLES
je désire étudier aujourd'hui quelques types de ces divinités,
ce n'est pas pour reprendre cette idée qui, avec un côté
séduisant, n'apporte cependant pas la certitude qui serait
souhaitable mais c'est pour rapprocher quelques petits
monuments de la glyptique, à peu près tous inédits jusqu'àce jour et dont les types, assez tardifs, sont apparentés à
ceux de la grande sculpture et présentent des scènes inté-
ressantes pour le thème de Mars et de Vénus.
"Je prendrai ponr point de départ de ma modeste étude
une intaille du British Museum, dont le type est précisé-ment très voisin des groupes de la sculpture, qui ont inspiré
à Ravaissou la restitution dont il s'était fait l'ardent cham-
pion. Mars est nu, debout, coiffé d'un casque il tient un
large bouclier de sa main gauche. Devant lui se tient Vénus,
à demi nue, le pied gauche appuyé sur une petite base
circulaire. La déesse pose ses deux mains sur l'épauledroite de Mars. Derrière celui-ci se tient Eros. Autour, on
lit
MCIA ET CS ERSS-(
La pose des mains de Vénus s'écarte un peu du gesteadmis pour les groupes connus, mais elle est à peu prèssemblable à celle que nous remarquons sur la monnaie
de bronze de Faustine jeune •. Ce qui est plus digne d'être,
noté, c'est le geste « offensif lï^de Mars, qui porte la main
sur le genou gauche de la déesse, comme pour enlever la
tant sûrement Commodeet Crispine {Nati&iedegtt Scaui, 1920, p. 60).M. SalomonReinach(Gaz.des Beaux-Arts,1923,[, p. 243-246.flg.)penseque le prototype de ces groupes se trouvait, dès le r" siècle, de.vantle temple du Forum,dédiéà Mars et à Vénus.
1. A. Il. Smith,A Catalogueof engrauedgerns in the British Muséum,1888,p. IN),n' 790,pl. G (jaspe rouge 0. 030sur 0. 016).
2. H. Cohen,Deser. des m. impér.,2' éd., t. III (1883),p. 136,n" 241.Cf.Fr. Gnecchi, Medaytioniromani, t. II, 1912,p. 39, n" 10, pl. 67,n» iô,pi. 67,n*8; sur ce médaillon,l'Amour paraît derrière Vénus, alors qu'ilest absent sur le moyenbronze.
VÉNUS ET MARS SUR DES IISTAII.I.ES
draperie dont le bas du corps est recouvert. Le dieu tient
encore son bouclier, mais il a déjà abandonné son glaive et
c'est évidemment cette arme que l'Amour, debout derrière
lui, tient sous son bras droit.
Je passerai rapidement sur l'inscription, qui pourraitcacher deux noms, l'un féminin, peut-être Marcia, et le
second, masculin, avec le prénom Caius 1. C'est un sens
possible pour ce groupe de douze lettres où je ne reconnais
aucun élément gnostique ou magique 2.
Il n'en est pas de même pour les intailles suivantes, dont
les types sont plus complexes 3 et inconnus, je crois.
Sur la première (Fig. /), Vénus est nue, debout, portantune main 4 sa chevelure et tenant de l'autre l'extrémité
d'une corde qui lie, derrière le dos, les mains de Mars nu,
mais casqué.Derrière Vénus et «'éloignant du groupe, on voit l'Amour,
qui emporte le glaive et peut-être le bouclier peu distinct.
Autour, se développe une suite de lettres dont la direction
normale est de gauche à droite sur la pierre
PIZCOIIPAEICINCINYEA A6EPNEKAICIN
Je laisse provisoirement de côté l'inscription sur laquelle
1. Onpourrait penser qu'un coupleadopta, pour lechaton d'unebaguedonnéeen présent, cette scènemythologique, qui présente une allusionsuffisammenttransparente.
2. Remarquonsque la légendese lit de gaucheà droite sur le moulage.Il s'agit doncd'un cachet et nond'une amulette.
3. Bienque cesgroupementsde Mars et de Vénusparaissent s'éloignerdu type de la grandesculpturedontj'ai rappeléles exemples,j'estimeqneles groupes de Marset de Vénus, évidemment communsa partir dun" siècle, ont dû inspirer les types des pierres magiquesdont je vais
parler.i. C'estla main gauche, si l'on décrit le sujet d'après l'empreinte de
l'intaille.5. Hématite, 0.023sur 0.020.Macollection.Les figurespubliéesici sont
grandiesd'uncinquièmeenviron.
GROUPES DE VÉNUS ET DE MARS
SUR DES PIERRES MAGIQUES
1. MARSENCHAINEPARVÉNUS.Fig. 1 et 3.Il. VÉOVSENCHAIKÉEPAUMARS.Fig. 2 et 4.
VÉKl'8 ET MARS SIR DES IHTAILUSS
je reviendrai à la fin de cette notice et je passe à la descrip-tion d'une autre intaille, qui présente le même 'sujet(Fi<f 3).
On y voit Mars casqué, cuirassé et portant un paluda-mentum qui flotte en arrière. Il essaie de s'éloigner de Vénus.
Mais celle-ci, nue et droite, une main à sa chevelure 1, tient.
de l'autre main la corde dont les mains de Mars sont liées
derrière son dos. Derrière la déesse, on voit l'Amour, chargédes armes du dieu. A l'exergue Ae cette scène, un groupede quatre lettres, ainsi disposées sur Vin[aille
HOOO a
Les' deux intailles précédentes représentent la dernière
phase d'une lutte supposée entre Mars et Vénus, lutte dont
l'idée a pu être inspirée par l'expression œterno detiiclus
volnere amoris des vers de Lucrèce 3, bien que le poèten'ait pas cherché à peindre une résistance véritable du
dieu de la guerre 4.
L'intaille, qui vient ensuite, présente un intérêt particu-lier pour l'Institut, puisqu'elle fait partie des précieusescollections conservées à Chantilly, au Musée Condé. Elle
est enchâssée dans le couvercle d'une tabatière d'or prove-nant de la famille royale ».
1. C'est la main droite sur l'empreinte donnée par la pierre.2, Lapis-lazuli,0. 023sur 0.016.Ma Collection.Je transcris l'inscriptioo
sur la pierre et non sur l'empreinte.3. De nal. rerum, I, vers 33à 38.
4. Des pierres gravées, publiéespar diversauteurs déjà anciens,serapprochent plus de l'abandonnonchalantde Mars, dépeint par le poètelatin.
je ne saurais attacher une sérieuse importance ans. helles imagesinfidèlesde Lévesque de Gravelle, parmi lesquelles on trouve quatregroupesde Vénus,de Mars et de l'Amour (Gravelle, t. Ier, pl. 6 à =S. Reinach,Bibl.desMonum.fig.t pierresgravées,pl.75,p. 74).Cf.Mariette,1, pi. Jd. Je laissede coté, à plus forte raison,la pierre du Cab.de France
(A.Chabouillet,Cal.des Camées. 1858,p. 3)7, n" 2296),qui n'eutpasantique.
5. No481des bijoux.Cabinetdes Gemmes,au premierétagede la Tourdu Trésor. Hématite 0, 021sur 0. 18.
VÉXUS ET MARS SUR DES INTAILLES
1923 15
Sur cette pierre gravée nous saisissons un renversement
des rôles.
Vénus nue, debout, les deux bras à moitié levés, est en
présence de Mars casqué, qui, dans un élan énergique, porte
ses deux mains, l'une sur la poitrine, l'autre sur une épaule
de la déesse. Cupidon est absent. A l'exergue, on lit un
groupe de quatre lettres OHHH
Au revers, une longue inscription magique ou gnostique,
dont voici la transcription
0AOAGA
COCOGOCOCOXOYOYO
COYCOYCOYCOYCOYEOYOWNOOY
0000000XOYXOYXOYXOY
OYOWNIOY
OYOY
AICOACOANA
MEXIP
Sans nous attarder maintenant sur cette inscription,
remarquons que Mars saisit Vénus avec des gestes de bras,
qui correspondent à ceux de Vénus sur la première intaille
décrite ici. Il y a donc, sur l'intaille du Musée Condé, la
représentation d'une phase nouvelle du mythe des deux
divinités et cette phase se développe sur deux pierres que
je vais décrire maintenant.
J'ai pu étudier cette pierre grdce l'obligeance de MM. H. Lemonnier
et G. Maçon.La disposition de celle pierre dans une monture précieuse a empêché
de prendre une bonne empreinte de lointaine je ne l'ai pas fait dessiner
pour cett« raison.1. Je transcris sur la pierre, comme pour la précédente. C'est le sens
normal, indiqué par la direction des lettres de l'inscription gravée au
revers de la pierre.
VÉNUS ET MARS SUB DES IKTAltLES
L'une, quoique éclatée sur la surface gravée, laisse voir
encore nettement les figures de Mars et de Vénus (Fig. 2).Le dieu, cuirassé et casqué, s'appuie d'une main (la droite
sur la pierre, la gauche sur l'empreinte) sur sa lance de
l'autre, il tient l'extrémité d'une corde, qui lie les mains
de Vénus nue, derrière son dos. La déesse tourne son visagevers le vainqueur. Derrière elle, est une petite figure qui
pourrait être l'Amour. Toutefois, malgré l'imperfection de
la gravure et l'état de la pierre, on remarque que le petit
personnage apparaît sous l'aspect anguipède, qui est celui
du génie Irô, sur de nombreuses pierres gnostiques ou
magiquesSous le groupe décrit, il y avait une ligne d'inscription
dont la plus grande partie a disparu, emportée par un éclat,
qui a enlevé aussi le bas des figures il reste les lettres
.HBI..
Au revers, on lit
APOYAT1A
BEXOIEX
Plus nette, et illustrant le même thème d'une manière
indubitable, est la grande intaille suivante, qui offre quelquesvariantes intéressantes (Fig. 4).
Mars debout, couvert de son casque et de sa cuirasse,tient sa lance d'une main (la gauche sur la pierre, la droite
sur l'empreinte) de l'autre, baissée, il maintient son bou-
1, Quartz lydien (densité, 2. 65) 0, 022sur 0. 017.Ma collection. Lanature de cette pierre (et de la suivante)a été déterminéeau laboratoirede Minéralogiede mon confrère M. A. Lacroix,secrétaire perpétuel del'Académiedes Sciences, que je remercie vivement.
Il est possible que les quatre premières lettres représentent le mot
magiqueoepouqp,qui se lit dans des papyrus de Paris et de Vienne. Moncher confrère et ami, M. Bernard Haussoullier, à qui j'ai communiquécette inscription, penseque la secondeHf?nedissimulepeut-être un nomde moiségyptien [y^oiâx).
VÉMIS ET MARS SUR DES INTAILLES
clier posé à terre, tout en serrant l'extrémité d'une corde
qui lie les mains de Vénus derrière son dos. La déesse, dont
le bas du corps est couvert d'one draperie, détourne la tête.
Cupidon est absent 1.
Au revers, on lit, en cinq lignes
IAHCO
BA0NEMOYN^IAA
PIKPI^IAEYEAI-flP
et autour, sur le biseau de la pierre
KIPAAI40N YOI MENEP^À-
`
L'opposition entre Mars triomphant et Venus, abattue
par la défaite et détournant son visage, est très nette.
Bien que le type de la Vénus enchaînée évoque à l'esprit
les représentations de Psyché attachée à un arbre, scène
où Eros joue quelquefois son rôle 2, il est évident que la
scène de Vénus, prisonnière de Mars, forme le pendant de
celle où Mars est représenté comme le captif de la déesse-
Sous quelle influence est né le type de la Vénus enchaî-
née ? On ne saurait croire à la seule fantaisie d'un individu,
1. Serpentine tigrée, gris-verdùti-e(densité 2. 62) 0. 035sur 0. 031. Ma
collection.
Style médiocre,mais travail très net et d'une authenticité indiscutable.Cette observation peut s'appliquer à toutes les pierres gravées, décrites
plus haut, qui sont indubitablement antiques.2. II. Kekulè, Rappresenlaazegemmarie delta Pstche, dans Annalidell*
lstituto di Corrisp. archeol., t. XXXVI, 1864,p. 139à 116, 6 et s^
et surtout la llg. 11 (Cornalinedu Musée de Londres cf. Smith, Catal.,p. 113,not822 a 824).Voy. aussi A. Furtwiingler, Die antiken GemmerDescr., t. II, 1900,p. 167, pl. XXXIV, 28.
On trouverait mêmeun renversement des rôles. En effet Gori a publiéune pâte deverre du MuséeBuonarroti,qui représente l'Amour attaché âune colonnepar Psyché (Gori, t. Ier,pl. 79,4= S. Reinach,op. cit., pl. 38*
p. 41).
VÉNUSET MABSSIJHDESINTA1U.ES
puisque nous possédons plusieurs exemples du sujet. Il est
indubitable au contraire que les deux types opposés
paraissent sur des pierres gravées appartenant au groupedit généralement gnostique et qui souvent est simplement
magique, sans rapport précis avec une doctrine religieuse,
plus ou moins définie 1.
Le caractère gnostique ou magique des pierres décrites
plus haut (sauf la première) ressort de l'étude des inscri-
ptions, dont aucune n' offre un sens clair, mais dont plusieurscontiennent des éléments au sujet desquels on ne peutavoir de doute.
Le redoublement du groupe de lettres CIN de la deuxième
intaille est caractéristique et le même groupe termine la
légende, dans un mot, NEKAICIN, qui semble avoir quelqueaffinité avec le mot Ns£xo;, dont le sens de « dispute »
pourrait s'accorder avec le sujet 3.
Sur les pierres qui suivent, les groupes de lettres HOOOet OHHH forment évidemment une opposition, dont la
valeur littérale nous échappe, mais dont le sens doit être-
lié intimement au sujet, puisque, dans le premier cas, Mars
est vadneu, tandis que, dans le second, il reprend l'offeii-
sive.
Ces groupes de lettres sont évidemment du même ordre
que le groupe COCOHTIHnHn, qui se lit sur un papyrus
magique égyptien de la Bibliothèque de l'Université de
Strasbourg 3.
Au revers de l'intaille du Musée Condé, nous retrouvons
1. Ondoit reconnaître que le caractère de ces petits monumentsest sou-vent malaisé à dèfiuir.Maisil est certain que beaucoup de ces pierressont des amulettes contre des maladies,ou destinées &procurer le bon-heur et la richesse
2. Dansla mêmeinscription, le premiermot pourrait,être, si Tonadmet-tait unlapsus pour la deuxièmelettre, le futur pdi-w.
3. K. Predsendanz,dans Àrekiv.fiir Retigionsmissenschiift,l. XVI,1913,p. 5£7_(B&P'grec a° 1167,acquis en Égypte, qui fournit plusieurs noms
magiquesou gnostiques,employéségalementsur des pierresgravées.)
VÉNUS ET MARS SUR DES INTM1MS
des groupes formés de lettres redoublées l'inscription se
termine par un mot qui est le seul compréhensible. Du
moins le groupe MEXIP correspond exactement au nom
d'un mois égyptien, \is"e\p (janvier-février), dontla graphie
;ie-f se rencontre dans des passages de saint Athanase
d'Alexandrie
Si le hasard sent ne peut expliquer la rencontre de lettres
qui constituent un nom de mois on est autorisé à recon-
naître dans ce mot un renseignement précieux, qui pour-rait indiquer l'origine de la pierre gravée du Musée Condé.
La même inscription de l'intaille du Musée Condé eoi*
mence par la syllabe 6x répétée, qui est proche parente du
groupe 9i6, répété plusieurs fois de suite sur une tablette
magique, trouvée à Sousse 3.
Quant à l'intaille, décrite en dernier lieu et dont le revers
et la tranche sont occupés par des lettres, elle présenteun intérêt particulier, car le texte bien qu'incompréhen-
sible, prouve irréfutablement que ce petit monument avait
une valeur magique.En effet, le texte est une formule d'incantation, destinée
à lier des personnages vivants et des esprits, et on le
retrouve plusieurs fois, presque idéntique, dans divers
papyrus magiques, par exemple deux fois, dans un papy-rus de la Bibliothèque Nationale de Paris. Le premier
1. Hisl.Aràn., 2' Cent. Patroî. gr. deMigne,t. XXV,col. 793et 796.Les formescopte et arabe peuvent être transcrites par Méchir; on con-naît aussi une forme égyptienne ancienne.
On trouve d'ailleurs le mêmemoisdansune liste de mois égyptiens quecontient un papyrus magiquede Vienne.
2. Ona vu plus haut que l'avant-dernièrepierre pourrait à la rigueurfournir un nom de mois.Sur la deuxième,décrite ici, un groupe de lettres
fait penser au nomde moisalhyr mais il y a bien un et non un Y<3. Aug. Audollent, Deficionumlabell.ie. 1904,p. 369,ligne19.Nous trouvons encore, sur l'intaille de Chantilly, d'autres groupesde
lettres répétées. Des exemplesanalogues sont fréquents dans les papyrusmagiques (voy., par exemple, C. Leemans, Papyri graeci Musel wttsff.publici Lngdimi-Ba&ivi. t. II, 1885,p. 89,83, II», 139,etc.).
VÉNUS ET MARS SUR DES INTAILLES
exemple se présente sous la forme suivante: uiêugjqp psvejMu-
«ôiÀotpt xpitice evEa; ^tpxtpceXiBovus[*svepç>af5(i>e:Kivoc |ahj 2;r,ç
trjv V *a' xsçïXiiv xs^aXn)xsMdiot) 1.
Si la première partie du texte est inintelligible 2, du
moins la fin en est compréhensible îva |i^ Sçtfi tijv y xaï
zs^ocXJjvît£®«XîjxoXX'àjirfl.Il s'agit évidemment d'obtenir, par les vertus de l'incan-
tation magique, qu'un adversaire n'emmène pas une cer-
taine femme et que leurs deux têtes ne soient pas réunies,
image consacrant une union complète, confirmée pard'autres membres de phrase.
Je ne crois pas qu'il soit possible de douter de cette
interprétation car, la seconde fois que la même formule
paraît dans le même manuscrit, elle est inscrite autour
d'un cercle, et, au centre, il y a, en plusieurs lignes, un
autre texte, qui contient, entre autres, le mot magique bien
connu, spsT/i-jxX, et qui se termine par les mots fur,y^vs'iOw6 f!o'¡ÀQ1M"[Jo+,l''(he¡~(,. Q é~ "0'1âr,xv.x XPÓvo',a.
Il est évident que la formule est écrite cette fois dans le"
but d'éviter pour toujours qu'une certaine femme soit
épousée par un autre que l'auteur du charme 4.
1. C. Wessely, GriechischeZnnberpapyrwsvon Paris undLondon, dans
Benkschriften der kaiserliohenAkadeinieder Wissenschaften(Philoso-thisch-historispheClasse),t. XXXVI,Wicn,J888, p. 5i, ligues39-i à 402.
Cette publicationne donnepasd'essaid'interprétation ni de comparai-son avec les monumentsfleures.
2. Je n'osemême pas reconnaître, dans le groupeAI0ON* l'accusatifdeÀîOoç,qui serait normalsur des amulettes depierre, maisqui ne saurait
lètre sur d'autres matièresoùla formuled'incanLationa certainement étéÉcriteou gravée.
Le signe^r remplacele nom de la personne qui devait être écrit dans
la formule définitive^3. C.Wessely, loc. cit., p. 136.Laformulecirculairese termineparjïctfus-
StjîQivai.J'ose à peine dire que le sens des huit dernières lettres peut se
rattacher à celuide Si'xtj,avec la valeur de «procès ou châtiment».
i. Onpeut évidemment rapprocher le texte de celui d'une tablette
VÉNUSET MARSSUR DES INTAILLES
Le troisième exemple de la formule magique, inscrite
dans un manuscrit relie ce texte à diverses formes du
nom laô et l'associe aussi à la figure du serpent oûpojîé-
p.ç.
Or, précisément sur une pierre où, d'un côté, est gravé
un génie ailé, au-dessus du serpent replié en cercle {5p«-
xwveàpo^ifoç), on lit, au revers, notre texte magique, très
reconnaissable en dépit des erreurs de gravure, imputablessans doute à l'artiste, qui a dessiné la planche d'une publi-cation du xvne siècle 2.
De même que j'ai cité plusieurs exemples de la formule
magique, inscrits dans des papyrus, de même il convient
d'énumérer d'autres pierres gravées qui portent le même
texte. Nous comprendrons mieux ainsi la faveur que les
gens superstitieux 3 des 11°et me siècles de notre ère, accor-
daient à des amulettes semblables à celles que je commu-
nique aujourd'hui.Une intaille, conservée autrefois dans le Cabinet des
antiques de la Bibliothèque de Strasbourg, portait le texte
magique sur huit lignes, terminées par le groupe MENEP-
4>AB(O' Au revers, une autre inscription, du même genre,
commençait par ABPAX et entourait un scarabée à tête
d'Anubis
magique ..jjuJîtot* Sutov'yîjjiaLàtXXijvYuvat*{za)H-7! î̂ïatB»(£t. Wiînsch,Dc/MMKsnt<i)Mhe ~«MM,JM7,app. au C. T..AMM.,p. 17,n° '7S).Defixionumtahellae alticae, 1897,app. au C.
AUic, p. 17,n" 78).Ce rapprochementest admispar mon cher confrèreet ami, M. Bernard
Haussoullier,qui a bien voulu collaborer à l'interprétation des passagesdu papyrus magique.
1. C. Wessely,' Neue ffrceofiischeZauhcrpapyri, dans le recueil cité,t. XLII, Wien, 1893,II, p. 39,lignes594à 600.A la p. 40 (ligne 605),ontrouve un autre exemplede la formule magique,suivi des mots ëia^pX-aÇov[jou,dont le sens est clair.
2. Leonardo Agostini traduction latine de Jacob Gronovius, Gemmzeet sculptural iinliqux. 1699 secondepartie, p. 61à 65,ph 36 e637.5. Surtout en Orient eLen ]%ypte,si l'on tient compte de l'originedes
papyrus et des types des pierres gravées.4. J. Matter, Uist. du gnastlcisnie, IK28,pl. II, U, 5. – Le groupe
ABPAX est évidemmentune forme du mot ABPACAI, si fréquent.
VÉNUSET MAÏS SURDES INTAILLES
Puis, c'est une intaille, qui représente d'un côté un
génie à tête de Méduse terrassant un ennemi Au revers,se lit notre texte magique, terminé par le groupe BOOEAIet
suivi des sept voyelles, ASHIOYCO, dont les monuments
gnostiques ou magiques offrent tant d'exemples 2.
Enfin, une cinquième pierre gravée représente d'un côté
Horus enfant, accroupi sur le lotus et accompagné d'un
épervier et d'un cynocéphale au revers, la légende magiquese développe sur huit lignes et se termine par les trois
lettres EAI sur la tranche
Ainsi, les neuf exemples de la formule magique, relevés
tant dans les manuscrits que sur les pierres gravées,
prouvent la vogue qu'elle avait acquise 4. Du papyrus cité
plus haut, il faut retenir aussi que le texte magique, si
souvent transcrit, formait la partie essentielle des incan-
tations destinées à gagner ou à retenir l'amour d'une per-sonne indifférente ou inconstante. On comprend donc quele groupe de Mars et Vénus ait été associé à cette formule,
considérée comme si puissante.`
Séparément, les deux divinités ont été représentées- sur
d'autres pierres magiques. Par exemple, Vénus à côté du
1. J. Matter,Excursion gnostiqueen Ilalie, 1852,pi. Il, n" 6 (Florence].-C'est à tort que l'inscriptiona été gravéeà rebours, sur la planche,sansdoute d'après uneempreinte.Le texte est ainsi diilicUeà reconnaître ilest cependant sur qu'il s'agit de la formuledont de signalericil'intérêt.
2. Pour lessept voyelles,je renvoie simplementà la bibliographieindi-
quée par M. W. Deonna,dans la lieu. des Études grecques,3918,p. Î59.Onpourrait la quadrupler aisément. Je veux signaler particulièrementl'expression tô ovopaaouxosjîTa-ffbl$iu.&Tov,associéeaux sept voyelles,ainsique de curieusescombinaisonsde la série où a est simpleet torépété
sept fois(C. Leemans,op. «(., p. 39 et 97).Sur ces combinaisons,voy.aussiH. Leclircq,dansD. Cabrol,Diel. d'Arch. ehrét., t. I", col. 1275â1280.
a. GoU.de M. de Montigny,Pierres gravées, 1887(ventedes 23-25mai),p. 41,n"560.Hématite,0. 02Ï.Les lettres de l'inscriptionsont carrées.
4. Hest probableque la liste de ces exemplespourrait être augmentée.
WNUS ET MARS SUR DES INTAILLES
génie anguipéde lad à tête de coq et ailleurs une inscrip-tion débutant par APHC nous apprend que le dieu pouvait
guérir une maladie de foie.
Cependant, c'est, je crois, la première fois que ces deux
divinités sont signalées, sur des intailles magiques, dans
des groupes, analogues à ceux de la grande sculpture, mais
qui représentent certainement des conceptions particulières.
En effet, nous avons saisi nettement, dans les papyrus
magiques, le rôle de la formule qui devait protéger un
amour fragile ou malheureux. On lui attribuait même la
vertu de procurer une séduction incomparable, car sur une
pierre du British Museum, le texte est suivi des mots
AOTAI XAPIN lePCONIMA TTPOC TTANTACf.
Et cet emploi n'est pas isolé, car une autre pierre
magique porte une invocation au génie Lacharmarmara-
phba, dont le nom est suivi des mots uuvtr,pi3Sôv [iéàf^PaTOV
t.s.ytipmiiy.iifp 2. « Conserve-moi toujours jeune et sédui-
sante. » C'est un vœu qui .est de tous les temps et il
n'est guère séparable de l'idée de domination. Les unes
recouraient aux invocations magiques pour établir ou con-
server leur pouvoir; les autres, par des moyens semblables,tentaient d'amoindrir ce pouvoir ou de s'y soustraire.
Ainsi s'expliquent les modifications amusantes d'un typeconsacré par la grande sculpture, et les scènes où, tour à
tour, Mars et Vénus sont dominés l'un par l'autre.
Si nous n'entendons pas aujourd'hui le sens littéral de
la formule magique, soyons persuadés qu'elle restait tout
aussi énigmatique pour ceux qui plaçaient leur confiance
dans cet assemblage de lettres. Les textes de ce genrerentrent dans la catégorie des «xoita ôviiisrea %jà ffiy.x:a
1. C. W. King, The Gnosticsand their «mains,1887, p. 243.
M.Haussoullierm'a faitremarquerqueÀOTAl est unegraphienormalede l'impéralifSors
2. Coll.deM. de Mùntigny,op.cil., p. 32,n"278;jaspe rouge 0.015.
VÉNUS ET MARS SUR DES INTAILLES
£ap3:<j3ixà, ces noms absurdes ou étranges et ces mots bar
bares dont Plutarque fait mention dans son traité sur la
Superstition^, mots insolites que Lucien a signalés, à pro-
pos d'une scène de magie 2, et qu'Eusèbe Pamphile, le
« Père de l'histoire ecclésiastique », a rappelés dans un
ouvrage composé au commencement du iv8 siècle 3.
LIVRES OFFERTS
Le Secrétaibe perpétuel offre, au nom de M. Alphonse Meîlhon,
une brochure dont il est l'auteur, intitulée Les possessions de S&int-
Savin de Lavedan à Sa/'ajrosse au XIIe siècle.
Le P. Scheil a la parole pour un hommage.
«J'ai l'honneur de présenter h l'Académie, au nom de M. Edouard
Xaville, une étude publiée récemment au Journal des Savants, et inti-
tulée VÉgyptologie française pendant un siècle 1822-1922 '•.
ilressôrt nettement de cet exposp fait par un étranger, qu'en France
les grands successeurs de Champollion n'ont dû qu'à eux-mêmes
leurs découvertes, et qu'ils n'ont rien emprunté d'essentiel aux
savants allemands Lepsius, Brugsch, etc. dont le rôle scientifique,loin de commander aux travaux d'autrui, leur était au contraire
subordonné.
Toujours, en effet, il s'est trouvé chez nous des esprits assez puis-
sants pour maîtriser les textes dont la grammaire et le vocabulaire
n'existaient pas encore.
Aussi M. de Naville s'indignera-t-il d'entendre le D'1SeLhe, dans
une conférence publique à Berlin proclamer que depuis la mort
de Cbampollron, le sceptre de l'égyptologie est passé aux mains de
l'Allemagne.
Nous estimons certes justement les grammairiens, les lexicographes
1. De superslitione, 3.
2. Di&l. meretr., IV, 5 Papjîapra* axI çptKwSï]ovo|ixr3c.3. Jïusebii Pamphili prœparattonis evantfelicae Ubri XV, éd. Fr, Ad. Hei-
niehen, J842, t. I", p. 141 [tÊTst -tyô; âtnj'AOu7.cd ^op^apix^ç srcippiî-
oetu;4. Journal des Savants, 1922-1923 (trois articles).5. Iturl Sethe, die JSgyptQlogie (der Aile Orient 23.1).