BLANCHE SANGLA - Numilogexcerpts.numilog.com/books/9782900272725.pdf · ÉDITIONS JACQUES BERSEZ ....

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  • BLANCHE SANGLA

    N I C O L E Roman

    ÉDITIONS JACQUES BERSEZ

  • CHAPITRE 1

    — Mon Dieu, quel Temps !

    Noèlie Vitrac rentre d'une course dans la campagne, elle exploite avec son mari une petite ferme située sur un sommet découvert où le vent souffle fort.

    Elle entre dans le salon, allume toutes les lampes. Elle n'aime pas ce faux sommeil ; elle prépare le feu dans la cheminée, dehors la pluie redouble ; Noèlie pense à sa fille qui rentre de la pension en solex ; depuis qu'elle est au monde, elle ne lui a guère donné de soucis ; à part les légères indispositions que doivent subir tous les enfants. Du reste après les six premiers mois, elle poussa comme un jeune mélèze.

    C'est la créature la plus séduisante qui soit, avec des traits réguliers, de beaux yeux noirs et des cheveux au- bur, où le soleil met un reflet doré.

    Etant fille unique elle est assez gâtée, malgré cela elle est douce comme une colombe, avec une voix caressante et une expression pensive ; elle est surtout portée vers la rêverie.

    Son père aussi l'aime beaucoup et ne lui a jamais adressé une parole dure ; la curiosité et une intelligence

  • – Mais l'enfant, ton enfant. – Mon enfant, je l'élèverai seule, avec l'aide de mes

    parents qui se sont montrés si compréhensifs, je ne suis pas triste, je suis contente car je suis certaine que j'ai la meilleure part.

    Ses yeux s'emplirent de larmes.

    – Nicole, Nicole !

    Il la regarda une seconde, puis brutalement, il l'étrei- gnit, il l'embrassa sur sa joue glacée, avec un sanglot, puis il la repoussa et s'en alla à grands pas éperdus dans le soir.

    Le lendemain, dans l'après-midi, une voiture s'arrête dans la cour. Noèlie Vitrac vient prévenir Nicole dans sa chambre.

    – Denis est en bas. – Seul ? – Oui.

    Elle savait qu'il viendrait. Le bruit de la voiture, sans même regarder par la fenêtre, elle l'avait reconnu.

    – Je descends, dit-elle.

    Elle se lève, se regarde dans une glace, elle se trouve vieille, si vieille ; Marie-Luce l'a-t-il prévenu ? Elle se penche sur son fils qui dort.

    – Mon amour, dit-elle tout bas.

    Elle sort de sa chambre, la porte du salon est ouverte, tout de suite, avant même de commencer à descendre l'escalier, elle aperçoit Denis debout, au milieu de la pièce, très droit, qui lève la tête vers elle et la regarde.

    Ils s'offrent sans détours, avec leur visage nouveau, leur vie nouvelle, à cette minute, ils ne se cachent rien de leurs blessures.

  • Nicole descend lentement, marche après marche, leurs regards ne se quittent pas.

    – J'aurais voulu venir avant, dit enfin Denis, j'aurais voulu pouvoir être près de toi. Qu'il n'y ait jamais rien eu Nicole, toute cette souffrance.

    Elle lève la main, très vite. – C'est oublié. – Toutes ces épreuves.

    Ils gardent le silence encore un moment.

    – Je voudrais te dire combien je t'aime, je t'aimais déjà lorsque tu n'étais encore qu'une petite fille, mais je me suis toujours effacé croyant que ton bonheur était ailleurs.

    Il a un peu de mal à parler, mais sa voix s'affermit de nouveau.

    Au début, j'ai essayé d'oublier tout, je me défendais contre toi, maintenant je ne me défends plus.

    Il réussit à sourire.

    – Si tu veux de moi, si tu veux venir partager avec moi la vieille maison de l'école, je crois que je pourrai te rendre heureuse.

    Il l'a dit lentement, tendrement parce qu'il n'accepte pas que cette jeune fille qu'il aime, qui est sa lumière, soit devenue cette ombre.

    – Il faut que tu me croies. Elle sourit à son tour.

    – Je te crois Denis, et je te remercie profondément, mais ce n'est plus possible, je ne suis plus digne de toi, je ne suis plus une jeune fille, je suis une femme, une vieille femme, une mère, je suis souillée, meurtrie.

    CouvertureCopyright d'originePage de titreCHAPITRE I