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Le Fonds d’Assurance Formation de la Branche sanitaire, sociale et médico-sociale, privée à but non lucratif avril 2014 Nord-Pas-de-Calais La parentalité : regards pluriels bl Les cahiers d’Unifaf

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Le Fonds d’Assurance Formation de la Branche sanitaire,sociale et médico-sociale, privée à but non lucratif

avril 2014

Nord-Pas-de-Calais

La parentalité :regards pluriels

bl

Les cahiers d’Unifaf

Remerciements

Un grand merci à l’ensemble des auteurs placés sous la direction deBertrand COPPIN, directeur général de l’EESTS. L’agrégation de leurs pointsde vue constitue un éclairage nouveau et utile sur la question de laparentalité.

Merci également aux membres du comité de relecture et notamment à Gilles JOOSEN, directeur de l’IME de Coopenaxfort, pour leurs remarquespertinentes qui ont enrichi la publication.

Enfin, nous remercions l’équipe technique d’Unifaf Nord-Pas-de-Calais et plus spécifiquement le pôle ingénierie de formation, pour avoir piloté la conception et la formalisation du cahier.

Bonne lecture !

3La parentalité : regards pluriels

Sommairep. 5 Préface

Articles

p. 7 La parentalité au regard des enjeux sociétaux et sectoriels

Par Bertrand COPPIN

p. 10 Perceptions de la parentalité : enjeux des pratiques professionnelles et de formation

Par Bertrand COPPIN

p. 16 Parler de parentalité en travail social : approches socio-historique et socio-politique

Par Éric MARTEAU

p. 26 Les travailleurs sociaux face aux familles d’origine étrangère

Par Emmanuel JOVELIN

p. 35 La médiation familiale, une démarche singulière pour construire

ou reconstruire de nouveaux liens au moment d’un conflit dans la famille

Par Audrey RINGOT

p. 44 Parentalité en petite enfance : réflexions sur une expérience professionnelle et militante

Par Catherine DEBRET

p. 54 L’être parent : un parcours singulier… aux racines et expressions plurielles…

Par Béatrice COTTON

p. 64 L’atelier des parents : une réponse singulière à des parents

d’adolescents en difficulté dans leur être parent

Par Béatrice COTTON

p. 68 Être parent avec une déficience intellectuelle

Par Bertrand COPPIN

p. 79 Aider à la parentalité des personnes déficientes intellectuelles

Par Brigitte DORÉ

p. 91 Postface

Annexes

p. 92 Index des sigles

p. 94 Questionnaire Perceptions de la parentalité :

enjeux des pratiques professionnelles et de formation

p. 96 Repères bibliographiques

p. 100 Le web au service de la parentalité

4 Le Fonds d’Assurance Formation de la Branche sanitaire, sociale et médico-sociale, privée à but non lucratifbl

5La parentalité : regards pluriels

Préface

La Commission régionale paritaire de Promofaf Nord-Pas-de-Calais avait proposé en 2003 àses adhérents une Action prioritaire régionale sur la parentalité. Trois initiatives ont étémenées dans ce cadre à l’École d’Éducateurs Spécialisés de mai à décembre 2003, avec l’orga-nisme de formation IFAR (Intervention Formation Action Recherche).

Afin d’amplifier la résonance de cette action et de démultiplier le nombre de bénéficiaires,les partenaires ont poursuivi leur réflexion et décidé, avec l’accord et le soutien du Conseil d’Administration Paritaire de Promofaf, de transcrire leurs différentes investigations dans uncahier parentalité.

L’objectif de ce cahier était double, «permettre de comprendre, de mener une réflexion, uneétude-recherche sur la parentalité au sein du travail social (ou médico-social, sanitaire). Maisaussi, (…) de percevoir qu’il y a une diversité de pratiques, d’approches et d’aborder une tentativede réponse à un ensemble de problématiques contemporaines d’actualité qui concernent l’indi-vidu et sa famille».

Il s’agissait là de convoquer différents champs disciplinaires en tendant la plume à des auteursdont la réflexion et la liberté de ton ont séduit les concepteurs de ce cahier. Les propos contenusdans les articles ne sauraient engager Unifaf au-delà de l’objectif qu’il s’est assigné.

La notoriété de ce cahier a été telle qu’il a été rapidement épuisé.

Il est apparu aux administrateurs de la Délégation régionale paritaire d’Unifaf Nord-Pas-de-Calais qu’une réédition en 2014 serait tout à fait judicieuse.

Notre service régional a donc contacté la plupart des auteurs afin qu’ils veuillent bien réac-tualiser leurs écrits.

Nous les remercions sincèrement pour leur mobilisation, ainsi que le Conseil d’Administra-tion Paritaire d’Unifaf pour son soutien, et nous avons le plaisir de vous convier à lire ou àrelire ce cahier parentalité.

Hugh CHICK et Jean-Benoît BALLÉPrésidents de la DRP Unifaf NPDC

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Articles

7La parentalité : regards pluriels

La parentalité auregard des enjeuxsociétaux et sectoriels

Traiter de parentalité à travers ce cahier peut paraître singulièrement ambitieux, tant cettenotion apparaît complexe, polymorphe et, dans le même temps, banale de par l’utilisationquotidienne qu’en fait tout un chacun. La «vulgarisation» du terme a produit une opacité dusens : nouvelle notion ou remise au goût du jour, à la mode, d’une notion éprouvée ? Le termede parentalité, introduit en 1961 par RACAMIER1 (à propos des psychoses puerpérales) n’apas été développé à cette époque. Seul le terme de monoparentalité a été utilisé notammentpar les sociologues pour désigner les mères seules élevant leur enfant, ce terme se substi-tuant au péjoratif «fille mère». La parentalité a été utilisée ensuite pour désigner les troublesde la relation parents-enfants sans toutefois s’appuyer sur des références théoriques claires.Enfin, des travaux de recherche ont proposé une approche intégrée de la parentalité en lienavec les mutations des compositions familiales. L’entreprise est donc ambitieuse même si, àtravers ces pages, il ne s’agit bien évidemment pas de définir une fois pour toutes le sujet maisd’apporter un éclairage pluriel dans une configuration particulière qui est celle de la forma-tion. L’intention est d’ouvrir quelques fenêtres susceptibles de produire des arrêts sur imagedu processus complexe de l’accompagnement à l’être parent en proposant des référencesthéoriques (non exhaustives) mais aussi des contributions en lien avec des projets innovantsmis en place dans la région Nord-Pas-de-Calais.

La famille n’est pas une institution isolée du contexte dans lequel elle existe. Il n’est doncpas étonnant que le processus de parentalité soit sous influence, voire syntone de l’environ-nement dans lequel il progresse. Comment, en effet, imaginer que la parentalité ne se modifiepas dans un contexte dans lequel les mécanismes d’intégration traditionnels, tels que l’écoleet le travail par exemple, sont bouleversés profondément ? Le processus de parentalité s’entrouve naturellement affecté. Si certains auteurs évoquent l’idée de crise2 (P.ROSANVALLON…)au regard de la famille, nous adhérons, en accord avec D.LE GALL et C.MARTIN3, à l’idée demutation de la parentalité. G.GREINER4 illustre avec beaucoup de clairvoyance ce processusen écrivant : «Les parents sont insuffisamment étayés dans leur fonction qui est non seulementmal désignée mais en redéfinition dans une société qui se délite, sur fond de crise du symbolique,avec des effets de morcellement, de déstructuration». Les apports des enquêtes statistiquesmontrent et objectivent cette mutation : l’augmentation des divorces, la baisse de la fécon-dité, la baisse de la nuptialité, l’accroissement du phénomène de cohabitation et des nais-sances hors mariage sont autant de paramètres d’influence des mutations de cette parentalité.

Le travail d’accompagnement à la parentalité réalisé par les professionnels au quotidiens’est complexifié lui aussi et, d’une certaine manière, se doit d’opérer lui aussi une transforma-tion. «Les professionnels ont un devoir d’optimisme», écrit R.CLEMENT5. Cette position s’opéra-tionnalise à travers l’aide au processus de parentalité quand il est fragilisé par certainesépreuves, l’aide à redevenir parent quand la disqualification a entamé le processus ou enfin,l’aide à mettre en place une suppléance quand les parents sont en difficulté ou empêchésd’assumer leur rôle. En ce sens, le modèle théorique construit sous la direction de D.HOUZEL6,

1 P.C.RACAMIER et al. La mèreet l’enfant dans les psychoses dupostpartum, in L’évolution psy-chiatrique, 1961

2 P.ROSANVALLON, La crise de l’État Providence,Paris, Seuil, 1981 3 D.LEGALL et C.MARTIN,Familles et politiques sociales,l’Harmattan, Logiques Sociales,19964 C.GREINER, Fonctions maternelles et paternelles, Erès, 2000

5 R.CLEMENT, Parents en souffrance, Ed. Stock, 1993

6 D.HOUZEL (dir), Les enjeux de la parentalité, Erès, 1999

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développant l’exercice, l’expérience et la pratique de la parentalité, s’avère un modèle éclairantles paradoxes dans lesquels les travailleurs sociaux sont pris dans leur pratique quotidienne.

Le «devenir parent» se construit dans un rapport à autrui et ce processus nécessite desapproches dialectisées de l’attachement et du détachement, de l’altérité et de l’identité desrapports entre familles-travailleurs sociaux et au-delà, familles-politiques sociales. La compré-hension de ce processus requiert une pluridisciplinarité qui, donnant du sens à l’éclairage,comporte de nombreuses difficultés. Dans cette rencontre complexe, la formation se révèleun enjeu de taille tant cette rencontre parents-professionnels se situe dans un système decontraintes règlementaires et juridiques, défini d’abord par des textes issus des politiquessociales, mais aussi à partir de références théoriques et méthodologiques diverses orientantle travail institutionnel mené. Il s’est produit une sorte de révolution copernicienne dans laperception des familles chez les travailleurs sociaux. En effet, des modèles s’appuyant essen-tiellement sur des approches de dysfonctionnement des familles, nous sommes passés à unecompréhension basée sur la notion de compétence des familles. Sans céder à un optimismebéat ou à une naïveté inappropriée, les modes de travail et d’accompagnement à la parenta-lité se sont orientés sur la collaboration avec les parents plutôt que leur stigmatisation, dis-qualification, infantilisation, jugement, défaillance et la culpabilisation qui y étaient réguliè-rement associés.

Les différents chapitres de ce cahier ont été rédigés par des professionnels confrontés auxsituations de parentalité difficile, de par leur profession (éducatrices spécialisées, psycho-logues, médiatrices), leurs recherches-actions (sociologues, psychologues) ou leur engage-ment à divers titres dans la gestion d’associations, de services ou encore de dispositifs de for-mation. La spécificité des auteurs est d’être des acteurs impliqués dans cette question de laparentalité.

Les apports théoriques proposés permettront d’analyser la parentalité en référence à plu-sieurs champs qui nous semblent éclairants. Tenant compte des milieux soiciaux d’apparte-nance, les évolutions socio-historiques évoquées par E.MARTEAU, intègrent la place de lafamille et le rôle qu’elle joue dans une société bouleversée et recomposée. Substitution etrenouvellement de la terminologie autour du travail avec les familles montrent que la notionde parentalité n’est pas soudaine ; elle s’inscrit bien dans une histoire qui met en scène quatreacteurs  : l’enfant, les parents, l’État et les professionnels. B.COTTON, dans un autre registre,évoque la famille comme le lieu d’inscription de l’enfant dans une généalogie et une filiation.À partir de définitions stabilisant nos connaissances, elle propose une argumentation sur lacomplémentarité entre partenaires qui nous amène à changer de logique. Enfin, A.RINGOTprésente les bases de connaissance de la médiation familiale au travers de valeurs et de pra-tiques de plus en plus présentes dans le décor des pratiques d’accompagnement à la paren-talité.

Six articles qui, tout en n’étant pas spécifiques de la région Nord-Pas-de-Calais, présententdes réalités en action ou en cours d’élaboration de manière novatrice, ont été regroupés enun chapitre plus pratique. Ainsi, B.COPPIN présente une analyse comparative des perceptionsde la parentalité et des besoins en formation qui reprend un article publié antérieurement7

et l’actualise avec de nouvelles données recueillies auprès de professionnels en 2012. E.JOVELIN propose une analyse des pratiques d’accompagnement de familles de cultureétrangère auprès desquelles le travailleur social doit parfois intervenir et qui génèrent en luides questions sur le sens de l’intervention et le décodage du travail mené dans un contextequ’il se doit de comprendre. L’accompagnement à la parentalité dans le cadre d’un centre

7 Les cahiers de la parentalité :regards pluriels, Promofaf 2004

9La parentalité : regards pluriels

social traité par C.DEBRET reprend le concept en référence à la petite enfance (l’île auxenfants) sur un territoire. Il est articulé avec une contribution de B.COTTON relative à l’accom-pagnement de parents d’adolescents placés en MECS (l’atelier des parents). Enfin, être parentavec une déficience intellectuelle constitue une situation en évolution quantitative et surlaquelle très peu de publications sont disponibles. Les contributions de B.COPPIN et B.DORÉtentent d’atténuer ce constat. Un article se propose d’établir un état des lieux de la situation :facteurs d’émergence, données descriptives et perspectives d’accompagnement en complé-ment d’une contribution présentant la mise en œuvre concrète, dans le département duNord, d’un projet spécifique d’aide à la parentalité de couples ou de personnes seules présen-tant une déficience intellectuelle.

La dernière partie se veut résolument formative. Notre intention, à travers ce cahier, est qu’ilsoit utilisé aussi à moyen terme pour nourrir des démarches plus ambitieuses que la simplelecture du document. Construire un groupe de réflexion sur les pratiques d’accompagne-ment à la parentalité, organiser une journée de réflexions et d’échanges, viser l’acquisition deconnaissances et de lectures permettant de se positionner comme personne ressource sur laquestion, sont des idées susceptibles d’être alimentées par le travail d’organisation docu-mentaire de S.ARNAUD et L.SERBOUTI. Le travail de délimitation, de classification d’ouvrageset de sites Internet à partir de normes classiques et de mots clés, facilitera la recherche et l’in-vestissement de la fonction exploratoire de ceux qui souhaitent aller plus loin.

Par Bertrand COPPINDirecteur général de l’École européenne supérieure en travail social

Éducateur spécialisé – Psychologue

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Perceptionsde la parentalité : enjeux des pratiquesprofessionnelles et de formation

Le but de cet article est de tenter d’identifier un certain nombre de constats sur les ques-tions relatives à la parentalité et à l’accompagnement à partir du discours de professionnelsaguerris dans le champ du travail social.

Ces constats peuvent nous intéresser dans la mesure où ils reflètent la perception et lacompréhension de professionnels quant à cette notion de parentalité fréquemment évo-quée dans la pratique des travailleurs sociaux. À partir de leurs conceptions, de leurs repré-sentations du travail éducatif, de la façon dont ils regardent les personnes accompagnées, ilest possible d’identifier des éléments contribuant à une meilleure compréhension des enjeuxde la professionnalisation en lien avec la parentalité.

Lors d’une étude plus ancienne1, nous avions recueilli, à partir d’un questionnaire, l’avis detravailleurs sociaux. L’idée est ici, à partir d’un outil de même nature, d’identifier ces percep-tions huit ans après, afin d’observer d’éventuelles évolutions sur cet axe de travail.

Nous avons repris le même questionnaire2 qu’en 2004 afin de pouvoir comparer lesréponses et surligner les permanences et différences éventuelles.

1. Composition des échantillons

Étude de 2004 : 44 professionnels dont la majorité est diplômée en travail social (36 diplô-més et 7 non diplômés). Le type d’inscription professionnelle se situe sur un spectre assezlarge de publics et d’institutions, même si l’on retrouve de façon très importante un lien avecdes publics relevant de l’Aide sociale à l’enfance (Maisons d’enfants à caractère social) ou dela déficience intellectuelle (Instituts médico-éducatifs, Services d’accompagnement à laparentalité…). Nous retrouvons dans ce groupe 11 professions sociales parmi lesquelles ladominante est celle d’éducateur spécialisé (15 sur 44). Deux autres professions sont représen-tées de façon significative (6 moniteurs éducateurs et 6 assistantes de service social). Enfin,l’ancienneté dans le travail est très variable (de 1 à 27 ans).

Étude de 2012 : 22 professionnels dont la grande majorité est diplômée en travail social(19 diplômés et 3 non diplômés). Les lieux d’exercice professionnel sont diversifiés au traversde grands secteurs : Maisons d’Enfants à Caractère Social ou établissements de l’Aide Socialeà l’Enfance (9 sur 22), en lien avec le handicap mental (7 sur 22), l’Action Éducative en MilieuOuvert (3 sur 22).

5 professions sont représentées pour lesquelles la dominante est celle d’éducateur spécia-lisé (14 sur 22), assistant de service social (4 sur 22). L’ancienneté dans le travail varie entre 4et 28 ans.

1 Les cahiers de la parentalité :regards pluriels, Promofaf 2004

2 Questionnaire en annexe

11La parentalité : regards pluriels

2. Les attentes des professionnels

La question posée vise à identifier les attentes des professionnels au regard de leursbesoins en formation sur la question de la parentalité en général.

En 2004, trois axes essentiels déterminaient les attentes des professionnels : ≥ Axe 1 : augmenter leur niveau de connaissances sur la notion de parentalité afin d’aller au-

delà de l’effet de mode. Une étude plus approfondie de leurs propos montre leur volonté :• de mieux cerner cette notion plurielle de parentalité à partir d’auteurs de référence ;• d’être éclairés sur les mutations de la famille contemporaine ;• de mieux comprendre le fonctionnement des familles aujourd’hui ;• d’appréhender le fonctionnement familial lorsque l’un ou les deux parents ont une défi-

cience intellectuelle.≥ Axe 2 : acquérir des éléments de connaissance méthodologique et de réflexion pouvant

contribuer à la mise en place d’actions nouvelles ou améliorant des actions déjà en place.Ainsi assez fréquemment ont été évoquées des actions qui font participer les parents, quiles mettent au centre du dispositif (actions de participation, de formation, de réflexions etd’échanges et plus rarement de médiation…). Il semble, par ailleurs, qu’existait une attentede soutien et de supervision dans l’analyse des pratiques professionnelles. Les pratiques deréseau entraient également dans cette attente.

≥ Axe 3 : trouver des réponses ou des pistes sur des situations rencontrées dans la pratique.Le questionnement de ces situations est en lien avec des particularités identifiées chez lepublic accompagné  : par exemple, comment aborder des situations difficiles avec desfamilles en grande difficulté sociale, issues de culture étrangère, avec une déficience intel-lectuelle…

L’étude de 2012 produit des attentes sur les trois axes précédemment définis :≥ Axe 1 : augmenter ses connaissances représente toujours un axe majeur qui se décline sur

plusieurs dimensions :• l’évolution de la parentalité ;• l’organisation des familles ;• la notion de lien familial ;• la parentalité et les situations de divorce ;• la parentalité dans le domaine des droits et devoirs.

≥ Axe 2 : acquérir des éléments de connaissance méthodologique constitue une dimensionencore fortement sollicitée. Ainsi, de manière plus précise, est évoquée la nature des dispo-sitifs (organisation, avantages, inconvénients), des outils permettant de travailler diversesdimensions (agressivité, communication, évaluation des compétences, diagnostic et iden-tification des besoins).

≥ Axe 3 : trouver des réponses s’articule en 2012 en lien avec des situations d’accompagne-ment des relations parents enfants, de participation de la famille, de repérage des difficul-tés, de prévention de la maltraitance et de travail avec des familles s’écartant de la norme(déficience intellectuelle, culture étrangère, grande précarité).

Nous pouvons donc observer de nombreuses ressemblances entre les préoccupationsdes professionnels en 2004 et huit ans après. La littérature, nombreuse et variée, sur lethème de la parentalité déjà évoquée en 2004 (et toujours aussi nombreuse en 2012) nesemble pas avoir tari les besoins en formation y compris dans les dimensions théoriques.

Aucun axe majeur nouveau ne semble émerger des attentes des professionnels, si ce n’estl’apparition de thèmes non évoqués précédemment et qui  enrichissent les axes déjà existants.

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Par exemple, dans la rubrique  «augmenter ses connaissances» apparaissent la médiationfamiliale, les entretiens familiaux, qui n’étaient pas ou peu évoqués en 2004.

Les réponses recueillies évoquent souvent les compétences des parents à travers des grillesd’évaluation, des fiches de développement des compétences, une aide à la valorisation. En2004, cette évocation de la compétence des parents représentait un point d’appui, une forcesur laquelle il semblait positif de s’appuyer. Huit ans après, il semblerait que cette perspectivesoit intégrée comme une capacité nécessaire dans les savoirs et savoir-faire des profession-nels. D’une perspective possible et souhaitable, la question de la compétence desfamilles semble devenue une nécessité dans la pratique des professionnels. Les orien-tations du secteur, les textes nombreux et les formations sur les questions de bientraitancejouent probablement un rôle contributif de cette tendance au travers de l’affirmation de fon-damentaux, telles la valorisation de l’expression des usagers, la promotion de leurs droits et laparticipation au projet. Il s’agit là de la différence essentielle sur cette dimension.

3. Perceptions et compréhensions de la parentalité

Il s’agissait ici de repérer les fonctions attribuées à la parentalité par les professionnelsinterrogés. À la demande de nommer les cinq fonctions estimées essentielles pour chacun, leclassement des réponses permet d’identifier trois grandes fonctions que les professionnelss’attendent à trouver ou qu’ils vont tenter de travailler avec les familles.

L’étude de 2004 met en évidence trois fonctions dominantes :≥ la fonction de protection : il s’agit ici de pointer la nécessité de structuration des règles

dans l’éducation de l’enfant et la nécessité du principe de réalité. Ainsi les mots suivantsreviennent fréquemment : règles, limites, repères, sécurité, guide, autorité, obéissance… ;

≥ la fonction d’apprentissage : sont concernées les actions des parents qui mènent leurenfant vers la connaissance, l’apprentissage, l’autonomie. Les mots comme intentions édu-catives, stimulations, respect des besoins, du rythme de développement… sont régulière-ment cités ;

≥ la fonction affective : l’attention bienveillante à l’enfant, l’amour, l’affection, le respect del’autre, l’écoute, la patience, la disponibilité, la confiance sont les idées revenant le plus souvent.

Le recueil de données en 2012 produit quatre catégories quantitativement équiva-lentes en nombre de réponses : trois catégories identiques à 2004 et une catégorie nouvelle.

Les items évoqués dans les catégories fonction de protection et fonction affective sont lesmêmes qu’en 2004 alors que ceux constituant la fonction d’apprentissage évoluent dans leurdiversité. Dans cette fonction sont évoquées notamment la transmission des valeurs, la dimensionculturelle, la socialisation, notions qui apparaissaient peu en 2004. D’autre part, le terme apprentis-sage est remplacé par celui d’accompagnement. Dans cette catégorie, qui laisse place évidemmentaux projections des répondants, le parent semble se situer davantage aux côtés de l’enfant en luiproposant, l’emmenant vers la connaissance, vers l’autonomie.

Une quatrième catégorie que l’on peut nommer «Élever, éduquer, humaniser» appa-rait ici. Elle se situe en surplomb des 3 autres intégrant l’ensemble des fonctions. Il est à noterqu’elle n’existait pas en 2004 et qu’elle paraît être le signe d’une position plus globale de laperception de ce qu’est être parent. Nous pouvons émettre l’hypothèse que, d’une part lesprofessionnels expriment des besoins en formation similaires à ceux de 2004 et, dans lemême temps, ils semblent maîtriser davantage les questions de parentalité par l’inscriptiondans leur compréhension d’une vision davantage «écosystémique».

13La parentalité : regards pluriels

Comme en 2004, nous avions demandé aux répondants de noter cinq mots qui leurvenaient spontanément en tête à l’évocation du vocable parentalité. Les cinq mots proposés,là aussi, nous ramènent, comme en 2004, à une catégorisation de même type que celle évo-quée plus haut au travers des fonctions parentales repérées. Nous pouvons donc référer laproduction de ces mots spontanés à la définition de la parentalité issue du dictionnaire cri-tique d’action sociale3 : «La parentalité apparait comme un terme spécialisé du vocabulairemédico-psycho-social qui désigne de façon très large la fonction «d’être parent» en incluantà la fois des responsabilités juridiques, telles que la loi les définit, des responsabilités morales,telles que la socio-culture les impose et des responsabilités éducatives».

Les formations initiales, les expériences professionnelles des répondants et l’inscription decette notion dans l’exercice professionnel permettent de constater une bonne connaissancede cette notion de parentalité. En effet, les fonctions essentielles repérées par les répondantsrecoupent la définition généraliste qu’en donne le dictionnaire précédemment cité.

4. La parentalité questionnée dans les pratiques professionnelles

Il s’agit ici de tenter de mieux connaître les éléments de difficultés concrètes et les pointsd’appui qui semblent exister dans la pratique.

À la question «Quelles difficultés vous semblent les plus complexes à travailler en ce quiconcerne la parentalité ?», les éléments recueillis en 2004 mettaient en exergue trois catégo-ries de réponse :≥ les difficultés d’interaction éducative entre l’enfant et ses parents. Les réponses sou-

lignent particulièrement le désengagement relationnel et l’indifférence observée chez lesparents comme la difficulté la plus fréquente à atténuer. De façon moins appuyée, lesréponses se déclinent à propos des comportements de surprotection, de la difficulté dereconnaître le handicap de l’enfant, du manque d’initiative et des difficultés éducativesimportantes dans les trois niveaux de la parentalité cités précédemment ;

≥ les difficultés internes aux parents, à partir du manque de confiance en soi, d’une culpa-bilité importante, d’un sentiment d’incompréhension, de la peur du jugement et parfois dela détresse sociale dans laquelle ils se trouvent ;

≥ les difficultés en lien avec les travailleurs sociaux eux-mêmes. Ils représentent aussiune catégorie de réponses non négligeables. Il faut entendre par là, bien sûr, les interactionsentre ces derniers et les parents eux-mêmes qui ne vont pas de soi (acceptation du place-ment, climat de confiance…) mais aussi la conscience qu’ont les travailleurs sociaux deslimites à ne pas dépasser (ne pas faire à la place de, jusqu’où aller, à partir de quand ne plusintervenir pour laisser la place aux parents…).

Les données recueillies en 2012 ne laissent pas apparaître de différences significativesdans la catégorisation des réponses. Nous retrouvons de manière assez claire les trois catégo-ries précédemment citées. La différence se situe plutôt dans l’apparition d’un spectreplus large de réponses (plus diffuses) dans chaque catégorie, comme si la difficultéaujourd’hui résidait dans la multiplicité des difficultés (ou des préoccupations des pro-fessionnels). Aux items évoqués dans la catégorie «difficultés d’interaction éducative entrel’enfant et ses parents» en 2004 s’ajoutent les notions de violence, de maltraitance, de conflic-tualité et de désengagement plus prononcé du père. La catégorie «difficultés internes auxparents» se diversifie également, intégrant des items non présents en 2004 tels les conflitsparentaux, les carences des parents, les incohérences éducatives.

«Les difficultés estimées d’interaction entre parents et travailleurs sociaux» sont proches

3 Dictionnaire critique de l’ac-tion sociale – Edition Bayard –Paris 1995

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avec un ajout fréquemment évoqué qui semble traduire une préoccupation essentielle  : ladifficulté croissante à faire comprendre aux parents la fonction d’aide des travailleurs sociaux,dimension essentielle dans la construction d’un climat de confiance, voire d’un comporte-ment d’adhésion au processus de travail.

Les points d’appui

À la question posée : «Quels sont les points d’appui les plus utiles et efficaces à mobiliser dansle travail autour de la parentalité ?», nous trouvons en 2004, quatre types de réponses en lienavec les difficultés citées précédemment :≥ développer le travail en partenariat : il s’agit pour les professionnels de mieux commu-

niquer entre eux, de percevoir la situation de manière plus holistique afin de répondre defaçon plus adaptée aux difficultés rencontrées par la famille.

≥ garder une vigilance extrême à la distance professionnelle (ne pas juger, prendre letemps, admettre de ne pas avoir tout le savoir…) ;

≥ mettre en place une approche consistant à viser des objectifs atteignables : partir dethèmes concrets tels que le sommeil, l’alimentation, la scolarité de l’enfant, susceptibles decréer ou d’améliorer la communication. Cette dimension met en évidence la pertinence deprendre en compte le point de vue de l’autre ;

≥ s’appuyer sur les compétences des parents s’avère être de loin la réponse la plus fré-quente. Les professionnels soulignent l’importance fondamentale de considérer la famille,de lui redonner une place, de partir de ce qui ne pose pas de problèmes… Les mots comme«valorisation», «positivation», «appui sur les compétences» sont cités par presque tous lesprofessionnels comme des moyens puissants de travailler la dynamique familiale.

Cet axe de recueil des données parait assez stable au travers des réponses fournies. En huitans, les points d’appui des professionnels semblent les mêmes, ce qui n’est pas étonnant sil’on considère que les types de réponses s’apparentent davantage à une posture (distance,compréhension globale, prise en compte des points de vue des parents, partir des compé-tences). Figure cependant un ajout qui, sans représenter une nouvelle catégorie depoints d’appui mais plutôt des moyens nouveaux, est cité plusieurs fois : les entretiensfamiliaux médiatisés, les lieux de rencontre parents-enfants, les groupes de parole deparents avec un travailleur social sont autant de modes d’intervention représentantdes outils d’opérationnalisation des points d’appui évoqués plus haut.

L’appui sur les compétences des parents marquait une rupture en 2004 avec une concep-tion précédente, dépassée, qui inclinait le travailleur social à se centrer sur les difficultésparentales. Cette rupture est confirmée et amplifiée huit ans plus tard et marque une postureclaire dominante des travailleurs sociaux dans leur travail avec les familles.

Le concept de compétence des familles, défini entre autres par Guy AUSLOSS4 semble êtreune référence partagée au moins dans ce qui se dit du travail à mener.

La comparaison des réponses de 2004 avec celles de 2012 confirme, pour l’essentiel, lespropos antérieurs. Si en 2004 la modestie et le nombre limité de réponses nous invitaient à laprudence dans l’analyse et la généralisation des résultats, il en est de même huit ans plus tard,au regard des interactions humaines qui peuvent fluctuer et évoluer ainsi que des effets defocalisation d’un échantillon de cette taille. Il n’en reste pas moins que, même si les donnéesrecueillies laissent apparaître de nouvelles attentes sur le plan des connaissances et desoutils, un ressenti de complexification des difficultés rencontrées, un souci plus important demieux faire comprendre son action, les professionnels confirment les tendances observées en2004. Par exemple, «travailler à partir des compétences des parents» qui représentait un point

4 Guy AUSLOSS, La compétence des familles –Éditions Erès - 1995

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d’appui en 2004, est devenu une attente de formation (théorique et méthodologie) qui faitpasser cette notion de l’intention à la professionnalisation (dimension formative).

La coupure traditionnelle, voire l’opposition entre théorie et pratique qui prévaut si sou-vent en formation chez certains professionnels, ne se retrouve pas. Il se pourrait donc bienque la parentalité, par l’intérêt que la notion suscite chez les professionnels travaillant à son«soutien», soit un puissant vecteur de formation continue. L’intérêt des professionnels pourles formations liées à la parentalité semble dépasser sans doute très largement le simple effetde mode évoqué dans notre recherche de 2004.

Les articles de ce cahier, ainsi que leur structuration à travers des productions de type théo-rique et d’autres plus en lien avec des dispositifs concrets devraient répondre, de manièreadaptée, à cette étude sur les enjeux des pratiques professionnelles et de formation.

Par Bertrand COPPINDirecteur général de l’École européenne supérieure en travail social

Éducateur spécialisé – Psychologue

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Parler de parentalité en travail social : approches socio-historique et socio-politique

Comme le dit Paul DURNING, «le succès du néologisme parentalité intrigue par sa soudainetéet son ampleur1».

Le terme de parentalité est d’un usage récent. Il s’est largement diffusé ces dernièresannées dans le champ socio-éducatif et imprègne aujourd’hui largement les différents dis-cours constitutifs du champ : discours des politiques sociales2 , discours scientifiques3, dis-cours des travailleurs sociaux sur leurs pratiques4. Cet engouement dépasse le simple effet demode, il se substitue et renouvelle en partie une terminologie qui lui préexistait : celle du «tra-vail avec les familles». En amont de cette dénomination contemporaine des interventionssocio-éducatives conduites auprès des parents, il y a donc bien une histoire… Dit autrement,les actions professionnelles dites de «soutien à la parentalité» sont une forme actualisée d’unscénario beaucoup plus ancien qui a fait se rencontrer des professionnels et des parents àpropos de l’éducation que ces derniers dispensaient à leurs enfants. Et c’est à l’origine et auxavatars historiques de cette rencontre que l’on voudrait ici s’intéresser. Elle nous semblemettre en scène quatre acteurs : l’enfant, les parents, l’État et les professionnels, et se joue entrois grands épisodes chronologiques qui nous amènent aujourd’hui à parler de parentalitéen travail social.

1. Lorsqu’un enfant paraît dans la famille

Le premier épisode nous amène à considérer la vie familiale sous l’Ancien Régime, puis àsaisir les premiers pas de «l’enfant roi» au 18e siècle, pour finalement conclure avec la Révolu-tion de 1789. Cette période, au regard de ce qui nous intéresse, se caractérise par l’absence del’acteur «professionnel» (qui n’apparaîtra qu’à la fin du 19e siècle) et par une profonde trans-formation de la place qu’occupe l’enfant dans la famille et dans la société française.

1.1. L’enfant et la vie familiale sous l’Ancien Régime

On ne peut synthétiser valablement le remarquable travail de P.ARIES5 ; on se contenteradonc modestement d’en dégager deux idées.

1.1.1. Sous l’Ancien Régime, dans la société comme dans le milieu familial, la place de l’enfant apparaît subalterne par comparaison à notre réalité contemporaine.

On ne se soucie pas réellement d’éducation au sens moderne du terme, au moins chez l’im-mense majorité de paysans ou de petits artisans aux existences précaires. Si l’enfant est uneressource pour la famille au sens où il participe très jeune à la vie économique de son foyer,au sens également où il constitue pour ses parents l’assurance d’être secondés dans le travailet secourus lorsque survient la maladie et/ou que s’installe la vieillesse, cet enfant, longtempsreprésenté dans les tableaux antérieurs à la Renaissance comme un adulte en miniature,connaît lui-même de sévères conditions de vie. Famines, disettes, conflits armés et razzias, épi-

1 Le processus qui a permis à lanotion de parentalité de s’impo-ser progressivement comme unethématique et un des axes domi-nants des pratiques en travailsocial a été étudié. Lire notam-ment Paul DURNING in FABLET D,Les interventions socio-éduca-tives, actualité de la recherche,L’Harmattan, 2002. 2 À titre d’exemple, on peutciter la circulaire n°99-153 du 9mars 1999 ou l’actuel schémadépartemental du Nord.3 Par exemple, LE GALL, D. BET-TAHARY, Y, La Pluriparentalité,PUF, 2001.4 On pense, entre autres, àBUGHIN M, LAMARCHE C,LEFRANC P, La parentalité : uneaffaire d’État, L’Harmattan, 2003

5 ARIES P, L’Enfant et la vie fami-liale sous l’Ancien Régime, Plon,1960.

17La parentalité : regards pluriels

démies, émaillent ces siècles qui précèdent la Révolution. La mortalité infantile est forte et lesabandons ne sont pas rares.

1.1.2. La société de l’Ancien Régime est également une société fortement communautaireL’ordre privé (familial) et l’ordre public (social) sont étroitement imbriqués. Entre le roi et

ses sujets, il existe un continuum : le Roi règne en exerçant un pouvoir absolu, et le père defamille est dépositaire et maître d’un ordre familial conforme à l’ordre social. Dans l’espacecommunautaire, essentiellement villageois, les formes de contrôle social sur la vie familialesont multiples et les pratiques religieuses agglomèrent et homogénéisent les communautés.La vie privée, et plus encore l’intimité familiale, telles que nous les pratiquons aujourd’hui,sont quasi inexistantes. La vie communautaire s’étend donc dans la famille, elle la domine enquelque sorte. Les relations affectives entre les membres d’une même famille ne définissentpas encore le foyer familial.

1.2. Les premiers pas de l’enfant roi et les Lumières

À la fin du 17e siècle et au début du 18e, d’importantes transformations dessinent progres-sivement un nouveau paysage familial : l’enfant commence à prendre une place centrale dansla famille et celle-ci amorce un repli sur elle-même. Que se passe-t-il donc ? Les conditionsmatérielles d’existence et les idéologies sont en mutation et les effets s’en font sentir dans lavie familiale.

En étant bref, au risque d’être caricatural, la Renaissance européenne a lentement maissûrement modifié la réalité et la perception que les contemporains se faisaient de leur monde(révolution copernicienne par exemple6) en même temps que l’invention (ou la découverte)et la maîtrise des techniques leur permettaient d’être moins dépendants de la nature, de sescaprices et de l’exploiter plus rationnellement (il n’est qu’à parcourir l’Encyclopédie7). Lecommerce, l’artisanat, l’agriculture, la construction navale, l’activité métallurgique, l’imprime-rie etc. connaissent aussi des progrès cumulatifs qui permettent à l’homme de s’émanciper. Lapesanteur des tutelles (la monarchie, la religion, le patriarcat…) s’allègent et les limites desactivités humaines reculent (conquête des mers, exploitation des sols, audaces architectu-rales etc.) La dynamique d’émancipation influence l’ancien ordonnancement familial. En voicitrois domaines d’illustration.

1.2.1. En devenant plus libres de Dieu et de leur environnement, les rapports entre leshommes se reconfigurent

La montée du protestantisme et des critiques envers l’Église catholique omniprésente etomnisciente crée les conditions d’une révolution contraceptive dite «naturelle» (la pratiquedu coït interrompu était interdite par l’Église). Avec ce contrôle progressif (et privé) des nais-sances, l’enfant se fait plus rare et acquiert une plus grande valeur car il devient désiré (1er

domaine). Le couple parental évolue sur un versant nettement plus conjugal : l’existence d’unsentiment amoureux réciproque et librement consenti devient peu à peu une norme dechoix du conjoint. La naissance d’un enfant peut en être le prolongement recherché (2e

domaine). Sous l’influence des philosophes humanistes et libéraux, on commence à considé-rer l’enfant comme un sujet digne d’éducation avec des besoins spécifiques à son état. Sou-cieux de liberté individuelle, d’exercice de son libre arbitre, d’usage de sa raison, l’adulteconsent, timidement, à reconnaître que l’enfant mérite d’être respecté (3e domaine).

Dit autrement, l’amour et le respect se diffusent au sein de la famille qui s’en trouve, pourpartie, resserrée sur elle-même. En son centre se profile un enfant sujet porteur (et porté) d’unprojet éducatif et d’un projet affectif.

«La découverte de l’enfance serait concomitante de la montée du sentiment amoureux quifonde le couple» prévient M. SEGALEN. En se repliant sur elle-même, autour de l’enfant, la

6 Nicolas COPERNIC (1473-1543), astronome, a rompu laconception géocentrique del’univers selon laquelle la Terreétait au centre du systèmesolaire…7 L’ENCYCLOPEDIE ou Diction-naire raisonné des sciences, desarts, et des métiers est uneœuvre collective (1751-1772)dirigé par DIDEROT qui témoignede ces progrès émancipateurs…

18 Le Fonds d’Assurance Formation de la Branche sanitaire, sociale et médico-sociale, privée à but non lucratifbl

famille s’émancipe ; l’ordre social public et l’ordre privé familial se désimbriquent. La Révolu-tion de 1789 prend acte des transformations en cours, tandis qu’une nouvelle classe sociale,la bourgeoisie, assure ses conceptions humanistes et libérales et devient dominante. De lasuppression des lettres de cachet à la création d’un mariage et d’un divorce civils en passantpar les propositions de lois scolaires de Condorcet et de projet d’instauration d’une assistancepublique pour les enfants abandonnés ou les enfants mendiants, le programme révolution-naire atteste des mutations plus favorables à l’enfant tandis que le modèle de la famille bour-geoise avec son projet éducatif et affectif s’installe. L’enfant roi fait ainsi ses premiers pas.

2. La famille au cœur de la question sociale

Dans ce second épisode, l’accent sera mis sur la famille, la place qu’elle occupe et le rôlequ’elle joue dans une société bouleversée et recomposée par deux révolutions industrielles,le développement du capitalisme et, tardivement dans le siècle, l’avènement d’un régimerépublicain démocratique.

2.1. Des familles aux destins sociaux divergents

Deux modèles familiaux coexistent au 19e siècle. L’un est dominant, au pouvoir, il ne va pascesser de se renforcer et de s’affirmer comme le modèle de référence, normatif, c’est la famillebourgeoise. L’autre apparaît comme instable, avatar de l’ancien modèle familial paysan, c’estcelui de la famille ouvrière plongée dans la destinée misérable de la pauvreté et du paupé-risme. Cette dernière est au cœur de la question sociale qui hante le 19e siècle8, au pointqu’elle sera perçue par la famille bourgeoise comme un contre-modèle dangereux.

2.1.1. La famille ouvrière paupérisée…Au fur et à mesure que l’industrialisation s’étend sur un fond d’économie libérale, elle

appelle une main d’œuvre toujours plus nombreuse. Les familles paysannes sont mises àl’épreuve du nouvel environnement (plus urbain), d’une nouvelle temporalité (organiséeautour de la machine), de nouveaux rapports sociaux extrafamiliaux (rapport de productionet discipline du travail) et intrafamiliaux (salarisation des femmes et des enfants) etc. Un uni-vers nouveau, la condition ouvrière, prend en défaut les anciennes cultures familiales. La litté-rature réaliste et naturaliste9 abonde de descriptions saisissantes de l’extraordinaire difficultéde la condition ouvrière durant le «siècle de fer»10. Mais la misère économique n’est que lapartie émergée d’un destin social tout entier dominé par les insécurités : chômage, maladie,vieillesse, handicap, accident de travail, etc. Autant de risques de «perdre son travail» et/oud’en mourir ! La maternité elle-même est une épreuve, un risque physique et économique deplus qui s’ajoute aux multiples risques qui menace des existences vulnérables ; et c’est pourfaire face tant bien que mal à ces risques que naîtront dans les familles et entre les familles,puis peu à peu dans la classe entière, une culture d’entraide et de résistance qui sera aussicelle des luttes sociales11.

Mais si la vie familiale ouvrière est tourmentée par la misère et les risques, elle est aussi fac-teur de risques pour la bourgeoisie.

2.1.2. Des familles dangereuses…Pour la bourgeoisie au pouvoir, les familles ouvrières apparaissent menaçantes. À la faveur

d’épisodes révolutionnaires, des progrès médicaux, et du renforcement du modèle familialbourgeois, les familles ouvrières finissent par devenir des familles dangereuses…En quoi lesont-elles ?

8 On lira utilement le chapitre 5,Une politique sans État, deRobert CASTEL dans son ouvrageLes métamorphoses de la ques-tion sociale, Fayard, 1995

9 On peut lire à ce propos :LOCHARD Y, Fortune du pauvre,parcours et discours roma-nesques, Presses Universitairesde Vincennes, 1998.1 0 On attribue à Pierre PIERRARD, historien et auteur denombreux ouvrages, Histoire duNord, Hachette, 1978 ou Gens du Nord, Arthaud, 1985, par exemple.1 1 Sur cette culture : VERRETM, La culture ouvrière, ACL éditions, 1988 et SCWARTZ, O, Le monde privé des ouvriers, PUF, 1990,…

19La parentalité : regards pluriels

≥ Le danger démographiqueSi le prolétariat, comme l’a dit K. MARX, constitue «une armée de réserve» pour l’industrie, il

l’est aussi pour les conflits de plus en plus meurtriers qui jalonnent le 19e siècle. À l’usine et surles champs de bataille, les ouvriers payent de leur corps et/ou de leur vie le salaire ou la soldequ’ils perçoivent en échange. À la fabrique puis à l’usine, les femmes et les enfants jusqu’aumilieu du siècle, ne sont pas traités différemment des hommes. Mort, handicaps, maladieschroniques, malnutrition, surmortalité infantile, baisse de la fécondité, etc. Autant d’incapaci-tés définitives ou momentanées de travailler ou d’aller à la guerre et qui finissent, dans lespires jours des conflits nationalistes européens (notamment avec l’Allemagne), par créer une«obsession démographique française»  : celle du danger de manquer d’hommes sur leschamps de bataille et dans les ateliers.

≥ Le danger sanitaireLorsque le progrès scientifique, notamment en médecine, rencontre les réalités de la condi-

tion ouvrière, les familles apparaissent potentiellement porteuses et propagatrices de mala-dies infectieuses : syphilis, tuberculose, grippe espagnole etc. Visitant une cave de la rue desEtaques à Lille, au mi-temps du siècle, le docteur Villermé rend compte : «Je voudrais ne rienajouter à ce détail des choses hideuses qui révèlent, au premier coup d’œil, la profonde misère desmalheureux habitants ; mais je dois dire que, dans plusieurs des lits dont je viens de parler, j’ai vureposer ensemble des individus des deux sexes et d’âges très différents, la plupart sans chemise etd’une saleté repoussante. Père, mère, vieillards, enfants, adultes, s’y pressent, s’y entassent. Je m’ar-rête… le lecteur achèvera le tableau…»12 Foyer infectieux latent, le foyer ouvrier sera la cibledésignée de la conquête hygiéniste : dans le dernier quart du siècle, l’infirmière visiteuse, quiprécéda dans les familles l’assistante sociale, ouvre la voie de l’intervention de l’État.

≥ Le danger moralAux yeux de leurs contemporains, les familles ouvrières ont des mœurs dissolues et

déviantes : concubinage, abandon, prostitution, délinquance, alcoolisme, impécuniosité etc.C’est tout un imaginaire menaçant l’ordre moral, contraire au modèle familial bourgeois, quise développe et effraie. Il suscite un vaste mouvement, sur fond de charité et de philanthro-pie, de «relèvement moral de la classe ouvrière» que les travailleurs des premiers servicessociaux reprendront à leur compte avec la fin du siècle. Les mœurs familiales et la famille elle-même, dans un registre parfois à peine moins teinté de moralisme, retiendront fortement l’at-tention des pères fondateurs de la sociologie. Dans le courant du siècle F. LE PLAY, A.COMTE13, puis E. DURKHEIM, par exemple, s’attacheront à décrire et à analyser la «cellule»familiale dans l’organisation sociale. Les Églises ne seront pas en reste, et les catholiquesnotamment, avec l’encyclique Rerum Novarum (1891), tenteront de peser sur les mœurs fami-liales et de les réorienter vers des pratiques plus conformes à l’ordre dominant.

≥ Les dangers sociaux et politiquesLes multiples révoltes ouvrières qui précèdent et accompagnent la naissance du mouve-

ment ouvrier finissent par inquiéter. Les socialismes et leurs projets révolutionnaires conquiè-rent de larges fractions de la classe ouvrière. Porteurs d’une vision antagoniste du rapportsocial à la bourgeoisie (la lutte des classes), ils proposent et prédisent sa disparition. Avec laCommune de Paris, on touche à l’apogée de la menace du renversement de l’ordre écono-mique et social qui dominait le siècle. Cet épisode effraye considérablement la classe domi-nante. Implacablement réprimé dans le sang, et prolongé par un exil massif, il met un termeprovisoire aux agitations émeutières et révolutionnaires qui ont émaillé le siècle et ouvre(enfin) une ère de réformes sociales et politiques qui sécuriseront peu à peu le salariat et amé-lioreront la condition ouvrière. Et ce sera aussi dans les familles et par la famille qu’on

1 2 VILLERMÉ L-R ,Tableau del’état physique et moral desouvriers employés dans lesmanufactures de coton, de laineet de soie (1840) , livre de poche10/18, 1971. Encore en 1900, lamortalité infantile est à Lille de383 pour mille dans la très popu-leuse rue des Étaques, de 40 pourmille dans la très bourgeoise rueRoyale !

1 3 A.COMTE disait du proléta-riat, en une phrase restée célèbrequ’il «campe au milieu de lasociété occidentale sans y êtreencore casé».

20 Le Fonds d’Assurance Formation de la Branche sanitaire, sociale et médico-sociale, privée à but non lucratifbl

espèrera faire barrage à la propagation des utopies socialistes, communistes, féministes, si dangereuses…

2.2 Premières rencontres familiales en travail social

À ce stade du raisonnement, l’ordre social public et l’ordre privé, en ce qui concerne lesfamilles dites «dangereuses», paraissent comme nettement séparés, presque radicalementcoupés l’un de l’autre. Au point qu’il faille intervenir pour en contrôler et/ou en atténuer leseffets, pour préserver le système économique et social qui prévaut à l’époque. Deux scénariid’intervention sont expérimentés. Ils se succèdent en se chevauchant et l’on va ici les distin-guer pour la clarté de l’exposé14.

2.2.1. Le premier scénario fait appel à la charité et à la philanthropie. Le libéralisme économique et politique dominant, hérité de la Révolution ordonne les fonc-

tions de l’État autour de la défense du territoire et de la propriété privée. Cet État, parfois qua-lifié de «gendarme» ne peut ni ne doit intervenir dans la sphère économique, et peut interve-nir, de manière très limitée, dans la sphère sociale (police et justice). C’est à la charité, qui estune affaire de volonté individuelle (privée), de conception religieuse, qu’il incombe de com-battre la pauvreté et de promouvoir les règles morales des «bonnes» pratiques familiales. À lacharité d’abord, puis, plus loin dans le siècle, à la philanthropie qui, sur des bases philoso-phiques et scientifiques, adaptera ce projet et l’étendra à la vie sociale et au travail desouvriers (dans et hors de l’usine). Ce scénario bute sur ses limites humaines (la volonté indivi-duelle), idéologiques (la pauvreté résulte du système économique lui-même) et matérielles(même en épargnant, la famille ouvrière ne parvient pas à se prémunir contre les aléas d’unecondition modelée par les risques et les insécurités), et ne parvient pas à endiguer un paupé-risme endémique. Il faut attendre le dernier quart de siècle, avec la montée de la dangerositéouvrière (culminante avec l’épisode de la Commune de Paris) et le constat partiel de l’échecdes efforts charitables et philanthropiques, pour que s’ébranle véritablement un scénarioalternatif (sans que le précédent ne disparaisse).

2.2.2. Le second scénario fait appel à la puissance publique et aux politiques sociales. Avec l’avènement de la Troisième République, l’idée de l’intervention de l’État est prudem-

ment admise. Dans la sphère économique, la régulation de la condition salariale (premièresbases d’un futur Code du travail) sous l’arbitrage de l’État atténue la paupérisation. L’assis-tance publique, «atelier de réparation de l’outillage humain15», vient en aide à ceux qui sontmomentanément ou durablement privés de leur capacité à travailler. L’État intervient dans letraitement de l’enfance perçue comme «en danger» dans les familles dangereuses. On sortl’enfant partiellement de sa famille pour l’éduquer et l’instruire dans la morale républicaine(l’école laïque, gratuite et obligatoire). On entre dans le foyer familial également pour édu-quer et aider (infirmière visiteuse et assistante sociale). C’est là, précisément, que s’invente ets’origine le travail social moderne en relais d’une doctrine, le solidarisme, qui autorise que lapuissance publique intervienne auprès de familles tout autant victimes (des dures réalitéséconomiques) que coupables et responsables de leurs comportements.

Avec l’achèvement de ce siècle de misère, de frayeur et de fureur révolutionnaire, la rencontrede l’enfant, des parents (de la famille) et des premiers travailleurs sociaux a eu lieu sous l’égidede l’État et de la puissance publique. Nos quatre acteurs sont enfin réunis. Un projet a vu le jour :«Contrôler les familles pour les aider et aider ces familles pour les contrôler» pourrait-on dire. L’assis-tance publique et les politiques sociales peuvent se déployer, les bornes du travail socialmoderne sont posées et, comme le dit C. BEC16, désormais les individus et les familles assistésseront considérés comme des victimes de l’ordre économique et non comme des coupables…

1 4 On ne s’étendra pas sur untroisième scénario, tout entierrépressif qui frappe les individuset les familles par l’emprisonne-ment, la déportation ou l’exécu-tion à chaque convulsion révolu-tionnaire. Il ne nous intéresse pascar il ne rejoint pas le contrôlesocial et l’aide aux familles quifondent le travail social moderne

1 5 L’expression est d’HenriMONOD (directeur de l’assis-tance publique) en 1906, cité parColette BEC dans son livre Assis-tance et République, Ed de l’Ate-lier, 1994

1 6 BEC C, ibidem.

21La parentalité : regards pluriels

Ainsi donc la place de l’enfant dans la famille s’est transformée : il en devient progressive-ment le centre. La famille s’est repliée sur elle-même en se distinguant de l’ordre public. Plusprivées, plus intimes et plus décisionnelles de leurs modes de vie, certaines familles, ouvrières,apparaissent dangereuses (réellement ou dans les représentations sociales de l’époque).Pour préserver l’ordre public de ces dangers, l’État intervient alors et les premiers travailleurssociaux y pénètrent en même temps que l’État sort partiellement l’enfant de sa famille pourprendre en charge son éducation grâce à l’école.

3. L’État et les questions familiales

Le dernier épisode qui court du XXe siècle à notre époque verra proliférer les formes d’inter-vention de l’État dans la vie des familles. L’intervention de l’État est aujourd’hui massive etglobalement visible, le travail social comme dispositif d’aide et de contrôle, atteint actuelle-ment une ampleur inégalée dans notre société, à la hauteur de l’attention quelle porte à l’en-fance et aux familles… Cependant l’affirmation de la puissance publique n’est pas exemptede contradictions et d’hésitations. Avant de tenter d’en cerner quelques aspects et deconclure sur quelques enjeux, il nous faut d’abord prendre la mesure des transformations dela famille et de l’État au fil du siècle.

3.1. L’affirmation de l’État et les transformations familiales

3.1.1. Croissance et crise de l’État ProvidenceLe XXe siècle voit triompher la conception de l’État interventionniste. Son point culminant

est atteint dans sa seconde moitié avec le déploiement de l’État Providence. Un nouveaucontrat social en quelque sorte scelle la vie démocratique : il dessine pour les individus et lesfamilles un horizon égalitaire (d’intérêt général) et propose d’échanger de la paix socialecontre du progrès économique. Le travail et le salariat sont enfin sécurisés grâce à l’assistanceet surtout grâce au système de protection sociale qui garantit aux citoyens et aux familles desconditions de vie acceptables en minorant les risques (accident, vieillesse, maladie, chômage,etc.). Parallèlement, la puissance publique accroît considérablement ses interventions(notamment grâce aux services publics), dans tous les domaines (éducation, santé, logement,culture, loisir, économie, transport, etc.).

Ce modèle d’intervention est aujourd’hui largement critiqué et remis en question. Sonfinancement, qui alimentait le travail social et redistribuait des moyens d’existence et de sou-tien aux familles, est en régression…

3.1.2. La famille en évolution, des familles en difficultéLa famille (en fait les familles) ne cesse de se transformer également. Aujourd’hui la réalité

familiale est foisonnante, complexe. En taille, en structure, en mode de vie et d’organisation,en modèles éducatifs, il existe une multiplicité de conceptions et d’existences possibles «dufaire et du vivre en famille». Les modèles sociologiques classiques (famille ouvrière, bour-geoise, paysanne) sont plus ou moins dissous dans des reconfigurations mouvantes. La «per-sonnalisation» des liens intrafamiliaux entre les parents et les enfants, renouvelle les manièresde «vivre ensemble17» entre conjoints et en famille. Des crises identitaires18 individuelles oucollectives apparaissent et déclenchent des recompositions variées et variables. Plusieurscentaines de milliers de familles connaissent des niveaux de vie précaire, se paupérisent, per-dent leur sécurité sous les effets conjugués de «l’horreur économique19» et de l’effritementcroissant de l’État social providentiel.

1 7 Sur ces dynamiques, cf. DESINGLY F, Sociologie de la famillecontemporaine, Nathan, 1996 ; etégalement Libres ensemble, l’in-dividualisme dans la vie com-mune, Pocket, 20031 8 Crise des identités et dyna-miques de la famille en référenceà DUBAR C, La crise des identités,PUF, 20011 9 Le terme est de VivianeFORRESTER et reprend le titre del’un de ses ouvrages, Fayard, 1997

22 Le Fonds d’Assurance Formation de la Branche sanitaire, sociale et médico-sociale, privée à but non lucratifbl

3.2 La puissance publique : des interventions hésitantes et contradictoires

Depuis le début du XXe siècle, la puissance publique hésite et se contredit dans son affirma-tion. Actuellement ce phénomène ne fait que s’amplifier à la faveur de la montée des exclu-sions et de la critique de l’État providence. En voici quelques aspects.

3.2.1. Entre le laisser faire et le contrôleAlors qu’au début du XXe Siècle le contrôle social des familles osait s’affirmer en tant que tel,

la puissance publique se fait plus hésitante. La reconnaissance et la législation de nouvellesformes de conjugalité (le PACS par exemple) débouche sur la pleine et entière reconnaissancede nouvelles formes de famille (promulgation en 2013 de la loi autorisant le mariage auxcouples de même sexe ; l’adoption pour ces couples est possible mais se heurte dans les faitsà des représentations stigmatisantes qui la limite très fortement). La puissance publique n’apas entièrement renoncé à édicter une norme familiale mais paraît bien en peine de l’énon-cer clairement… laissant parfois aux travailleurs sociaux le soin de définir et de fixer la norme,ainsi que d’en mesurer les écarts.

3.2.2. Entre la substitution et la responsabilisationLa puissance publique s’est progressivement emparée de bon nombre de fonctions fami-

liales : en se substituant à la famille dans l’entraide intergénérationnelle, dans l’éducation dela petite enfance, dans l’encadrement de la jeunesse, par exemple. En même temps elleengage des plaidoyers et des mesures de responsabilisation de la famille : retour sur l’obliga-tion alimentaire, sanction de l’absentéisme scolaire,… Les travailleurs sociaux sont parfoispris et partie prenante d’injonctions paradoxales adressées aux familles «en difficulté».

3.2.3. Entre influence et indifférenceLa puissance publique s’engage visiblement dans des interventions directes de modelage

des familles, en taille et en qualité : création du congé paternité, incitation fiscale au troisièmeenfant, … Pour autant elle est étrangement sourde à certains besoins sociaux : timidité dansle développement des systèmes de garde publique en petite enfance, absence de soutien auxmères qui, par nécessité économique, retournent à l’emploi. Des milliers de familles dont lesparents sont travailleurs handicapés ne disposent pas de droits identiques aux travailleursordinaires.

3.2.4. Entre l’aide et la répressionLa puissance publique reconnaît les phénomènes de précarisation et de fragilisation qui

affectent les familles rencontrant des difficultés financières et elle tente de les endiguer et/oude les atténuer par divers moyens, y compris par des aides directes ou indirectes (allocations,aides des travailleurs sociaux, etc.). Les familles précarisées sont ainsi reconnues comme lesvictimes collectives d’un certain ordre économique. Mais lorsque la précarité est telle qu’ellesape les conditions concrètes d’existence et d’éducation d’une famille, la causalité écono-mique et son caractère collectif s’effacent, tandis que s’installe le soupçon de la responsabilitéindividuelle des parents quant aux «dangers» qui menaceraient l’enfant, sa sécurité, sa mora-lité , sa santé20… Et bientôt, au sein de familles en grande précarité ou en situation d’exclu-sion sociale, le retrait des enfants dits «en danger» s’opère comme s’il s’agissait de familles quiétaient, en elles-mêmes, «dangereuses» et coupables21.

3.3 L’État et les représentations sociales de la famille : un double effritement …

En ces débuts du nouveau millénaire et du nouveau siècle, les évolutions des sphères fami-liale et étatique semblent davantage encore se brouiller, les contradictions et tensions rele-

2 0 Pour reprendre les termesde l’article 375 du Code civil2 1 LAMARCHE C, in Cesfamilles dites dangereuses…,BOUAMAMA S et H CHERONNETH , in L’AEMO au carrefour de sesvaleurs, montrent, en prenantappui sur des enquêtes de ter-rain en AEMO, combien la notionde danger est sujette à interpré-tation subjective, comment desprocessus de stigmatisation dis-créditent les familles dans leurscapacités éducatives en instal-lant des grilles de lecture psy-chologisante, en occultant leursdifficultés économiques

23La parentalité : regards pluriels

vées précédemment s’exacerbent encore un peu plus. Sous les effets de ce que l’on nommehâtivement «les crises», faute de parvenir à en appréhender la redoutable complexité, l’Étatet la famille n’en finissent pas de se transformer, de se réformer et paraissent durablementinscrits dans un processus de décomposition/recomposition. Au point que sur la scène desinterventions familiales les acteurs peinent à trouver des repères.

3.3.1 L’État n’est plus ! Ou plutôt, il est moins ! Ou plutôt, hâtons-nous d’ajouter que la puissance publique est plurielle. En tension entre

une dynamique d’intégration à l’échelle européenne22 et une dynamique décentralisatrice,les niveaux et les plans de représentativités politiques, de l’élaboration législative et des pou-voirs exécutifs révèlent une profonde hétérogénéité des politiques et des modes d’action. Neserait-ce qu’à l’échelle du territoire national (et il en va de même à l’échelle européenne), il estfrappant d’observer combien les interventions socio-éducatives auprès des familles et lespolitiques familiales diffèrent, s’articulent ou pas, et revêtent des configurations originales.

Prenons par exemple un Conseil régional qui décidera de faciliter massivement l’accès àdes moyens contraceptifs dans les lycées ; un Conseil général qui «déconventionnera» desclubs et équipes de prévention spécialisée (intervenant en prévention dite «précoce» enpetite enfance) ; une municipalité qui décrètera la gratuité de l’accès à la cantine scolaire pourles familles bénéficiaires du RSA ; un pays qui décidera de confier un large pan de son inter-vention socio-éducative publique à la «société civile» et à la philanthropie. Enfin, l’État lui-même mute et se redimensionne23.

3.3.2 L’épuisement des représentations familièresLes représentations classiques de la famille semblent ne plus suffire à rendre compte de

l’infinie diversité des pratiques de la conjugalité, des singularités du tissage des liens inter ettrans-générationnels, des formes toujours renouvelées de la filiation et de l’affiliation, des sur-prenantes inventions interculturelles. À la fin du XXe siècle, on s’était fait à l’idée des «recom-positions familiales» ; en ce début du XXIe siècle, c’est l’idée même de famille qui parait sedécomposer et finalement nous échapper, au point que l’on peine à rendre intelligible le foi-sonnement des manières d’être, de vivre, de se «tenir ensemble » en famille. Pour certainsdémographes et certains économistes, la notion même de «foyer familial» (périmètre rési-dentiel et fiscal du «ménage» et de la «famille») devient conceptuellement et opérationnel-lement obsolète. Dans certaines approches thérapeutiques, la «familialité» comme processuset résultat de la création de liens familiaux étendus, tente de renouveler des approches plustraditionnelles et jugées trop limitées à la conception «nucléaire» de la famille restreinte.

Pour ne pas conclure…

C’est dire, en définitive, la complexité du contexte des interventions socio-éducatives endirection des familles ou en matière de parentalité. L’arrière-plan et la scène de ces interven-tions apparaissent pour le moins incertains, brouillés voire contradictoires. En travail social, depar son héritage récent, cette problématique est nettement en tension entre une solidaritécollective qui renvoie à l’aide aux familles, et une responsabilisation de chacune des famillesqui renvoie au contrôle de celles-ci. C’est donc entre aide et contrôle, entre solidarité etresponsabilisation que se déploie historiquement l’intervention socio-éducative enmatière de parentalité.

Cependant, cette lecture de l’espace de l’intervention peut être enrichie. On peut en effetajouter, on l’a vu, que l’État Providence est encore en décroissance et que la puissancepublique elle-même gagne en hétérogénéité (de l’Europe à la commune) et qu’elle n’est pas

2 2 En cette période de «crisefinancière» et de «la gouver-nance économique», l’intégra-tion européenne est à la foisardemment souhaitée et forte-ment contestée. Davantage d’Eu-rope devrait pour certains, nousprotéger des crises, tandis quepour d’autres elle ne ferait queles aggraver… Il n’empêche quenos politiques sociales natio-nales (éducation, famille,enfance, situations de handicap,etc..) puisent, s’alimentent, etparfois ne font que se conformer,depuis longtemps déjà, auxorientations politiques del’Union européenne. Une réalitéfort mal connue des citoyens, etdes travailleurs sociaux.2 3 Cf. La Révision Généraledes Politiques Publiques quiredessine structurellement lepérimètre et les moyens de l’in-tervention de l’État. Voir égale-ment l’effacement de la figure del’État éducateur au profit de cellede l’État sécuritaire que nousavons questionné dans un articleintitulé,  Derrière les violencesurbaines : le travail social àl’épreuve du sécuritaire, in Visagede la justice, Dir Rey JF ; l’Harmat-tan 2010

24 Le Fonds d’Assurance Formation de la Branche sanitaire, sociale et médico-sociale, privée à but non lucratifbl

si idéalement cohérente et si nettement affirmée, d’une part. Ajouter également, d’autre part,que la famille, les familles, sont toujours en recomposition et ne cessent de se reconfigureren se singularisant dans une infinie diversité de pratiques, de conceptions, de liens, au pointque nos représentations classiques ne parviennent plus à rendre compte correctement de cefoisonnement.

Dès lors, l’espace de l’intervention socio-éducative et la parentalité, sont non seule-ment situés et pris en tension entre aide et contrôle, solidarité et responsabilité, mais aussi, ilssont partie prenante de la question même de ce qu’est, ou devrait être, ou pourraitêtre la puissance publique, et de ce qu’est, ou devrait être, ou pourrait être la famille,dialectiquement.

Ces tensions dévoilées, historiquement héritées et qui s’actualisent, permettaient peut-êtred’appréhender un peu plus sûrement les raisons du succès du néologisme «parentalité», surlequel s’ouvrait cet article. Dans un paysage brouillé et innovant, où l’intervention est com-plexe, où penser la famille fait problème, la parentalité peut apparaitre comme un repère sûr :elle serait le plus petit dénominateur commun pour comprendre ce qui fait, ce qui fonde, cequi «anime» la famille, les familles. La définition suivante de la parentalité, adoptée le 10novembre 2011 par le Comité national de soutien à la parentalité nous met sur cette voie : «Laparentalité désigne l’ensemble des façons d’être et de vivre le fait d’être parent. C’est un processusqui conjugue les différentes dimensions de la fonction parentale, matérielle, psychologique,morale, culturelle, sociale. Elle qualifie le lien entre un adulte et un enfant, quelle que soit la struc-ture familiale dans laquelle il s’inscrit, dans le but d’assurer le soin, le développement et l’éduca-tion de l’enfant. Cette relation adulte/enfant suppose un ensemble de fonctions, de droits et d’obli-gations (morales, matérielles, juridiques, éducatives, culturelles) exercés dans l’intérêt supérieur del’enfant en vertu d’un lien prévu par le droit (autorité parentale). Elle s’inscrit dans l’environne-ment social et éducatif où vivent la famille et l’enfant».

Le soutien à la parentalité serait alors «logiquement» l’alpha et l’oméga de l’interventionsocio-éducative en direction des familles, pour des professionnels quelque peu perplexesdevant la complexité d’une commande sociale confuse et/ou contradictoire…

Cette même commande fait aujourd’hui de la «participation» et de la «médiation» desimpératifs axiologiques24, réglementaires et techniques de l’intervention socio-éducative enpermettant d’associer davantage les «usagers» à la définition de leur destin social et à laconstruction de leur identité.

Face à l’extraordinaire complexité de la problématique du lien familial, des liens familiauxemmêlés et de leurs démêlés avec les travailleurs sociaux, les impératifs de participation et demédiation peuvent être questionnés en ligne de mire de la parentalité. Avec la médiation etla participation, il s’agit bien, encore une fois, de parler du lien et d’intervenir sur, dans, autourdes liens intra et extrafamiliaux… Médiation entre l’espace public et l’espace privé, entre«commande sociale» et «projet familial autonome», médiation entre les institutions de l’inter-vention socio-éducative et l’institution familiale, etc. Participation à l’opérationnalisation despolitiques sociales, à la gouvernance des opérateurs de l’intervention, à la définition du pro-jet d’intervention, à l’évolution de la qualité du service, au financement de la prestation, etc.Médiation et participation : véritable flux démocratique et reflux technocratique, et/ou«cache misère» du délabrement et de la discrète chalandisation du travail social25 ? La ques-tion mérite d’être posée mais les praticiens de l’accompagnement à la parentalité se sontdéjà emparés des principes, des notions et des outils.

2 4 Certains préféreraient sansdoute dire «éthiques», d’autresparleraient plus volontiers d’impératifs «déontologiques»pour ce qui nous concerne nousvoulons simplement insister sur l’idée que ces «principes d’action» sont en passe d’intégrer le corpus des valeurs de référence explicite du travail social

2 5 Chauvière M, Trop de gestion tue le social. Essai surune discrète chalandisation, La Découverte, 2007

25La parentalité : regards pluriels

L’étude récente qu’a conduite Bertrand COPPIN à l’occasion de la réédition de cet ouvrage,confirme bien que les notions de parentalité, médiation et participation se font écho et s’arti-culent déjà en pratique ; elle engage à une analyse pertinente des besoins de formation en lamatière.

Finalement, en parlant de parentalité, l’intervention socio-éducative, médiatrice et partici-pative, fait bien plus que s’interroger sur des enjeux de pratique professionnelle. Elle inter-roge ce qui fait société et, avec ses moyens, ses institutions, ses ressources et ses contraintes,elle tente d’ouvrir et d’explorer un espace dans lequel les familles auraient «droit de cité».

Puissent celles qui sont stigmatisées, maltraitées, exclues, y puiser un réel soutien et y fairevaloir leurs propres intérêts …

Par Éric MARTEAUÉducateur spécialisé, formateur praticien,

Chercheur en travail social, Directeur du site EESTS de Lille

26 Le Fonds d’Assurance Formation de la Branche sanitaire, sociale et médico-sociale, privée à but non lucratifbl

Les travailleurs sociauxface aux familles d’origine étrangère

Introduction

Le XXe siècle a été sans conteste celui des déplacements de masse, des brassages de popu-lations, le siècle où la terre est devenue «une planète nomade».

Les nouvelles migrations et leur ampleur posent la question de la multiculturalité de notresociété qui apparemment n’y était pas préparée. Mettre de côté l’héritage assimilationniste,pour des raisons historiques n’est pas chose aisée, même pour les travailleurs sociaux, et poseinévitablement des problèmes. Les turbulences migratoires montrent que cette société estcontrainte de s’ouvrir à l’altérité. Mais qu’en est-il réellement ? Depuis quelques années, lesquestions d’identité et de diversité placent le travail social devant un défi auquel il n’était pasconfronté : l’extranéité1. Ce défi ne peut que nous inciter à repenser les pratiques profession-nelles, comme le montrent tous les jours les questions interculturelles soulevées dans l’accompagnement des familles d’origine étrangère. L’objet de cet article est d’aborder l’évolution des familles maghrébines et africaines, au regard des processus d’accompagne-ment social.

1. La famille maghrébine

Les sociétés maghrébines2 pensent et décrivent les rapports familiaux par le biais d’unvocabulaire de l’habitat. Contrairement aux familles occidentales contemporaines, la cellulepremière n’est ni l’individu ni la famille nucléaire. La plus petite cellule est désignée sous lenom de «el ayla» ou «el akham» en relation avec la maison équivalent de la grande famille,c’est-à-dire la famille élargie. Ici, nous n’avons pas affaire à une seule famille (famille nucléaire)mais à une communauté familiale.

À partir de la cellule première qu’est la maison s’organisent les autres niveaux de la vie sociale,à l’intérieur d’un système articulé sur la dimension communautaire. La famille est de typepatriarcal : le père ou son substitut (le fils aîné) est le chef spirituel et le gestionnaire du groupefamilial. En ce qui concerne les mariages, il est endogamique, c’est-à-dire que les mariages sontcontractés entre cousins consanguins. Le privilège est accordé aux unions entre les enfants dedeux frères. C’était un moyen de préserver le groupe contre les déviances extérieures.

Pour penser la place de chacun, il y a trois éléments préalables : priorité au collectif, rôle dudedans et du dehors et enfin structure patrilinéaire et endogamique. De là, nous verrons plusloin ce qui se maintient en terre d’immigration. Cette place doit être pensée selon la tradition,considérée comme un régulateur social. Une tradition fondée sur des pratiques et des com-portements basés sur des valeurs, règles et préceptes que diffuse la religion islamique. La tra-dition présente pour rappeler à la communauté «toutes les prescriptions de vérité, toutes lesvaleurs, toutes les normes de conduites révélées par Dieu et enseignées par le prophète, il ne

1 JOVELIN E., (éd.), Le travailsocial face à l’interculturalité.Comprendre la différence dansles pratiques d’accompagne-ment, Ed. L’Harmattan, 2002

2 BOUAMAMA S, SADSAOUD H.,Familles maghrébines de France,Ed. Desclee de Brouwer, 1996

27La parentalité : regards pluriels

peut rien s’y ajouter d’extérieur. Toute pratique, toute pensée nouvelle non sanctionnée par latradition, doit être rejetée sous le nom d’innovation» : Bid’a3. La place et le rôle de chacun,renvoient à la division de l’espace, c’est-à-dire qu’il y a l’espace de la femme et celui del’homme. L’un est fermé et l’autre est ouvert sur l’extérieur. La distinction entre ces espacestraduit la différence des rôles, des statuts et des tâches. Si l’espace de la femme s’étend à celuide la maison, clos et protégé, celui de l’homme, par opposition, s’étend aux lieux de réunion,d’assemblée et est sans limite.

Le système est basé sur un contrôle social au centre duquel se trouve la femme. Ainsi la sor-tie de son propre espace est possible mais pour cela, il faut qu’il y ait une raison valable sinoncela entraînerait la réprobation sociale, allant à l’encontre de l’ordre social et du sacré. Maisavec la transformation des structures sociales, cela n’est plus vécu de la même manière.

Les familles maghrébines vivent une confrontation entre deux cultures, deux conceptionsde la famille et de sa structure. Toute l’organisation de la société d’enracinement rappelle enpermanence la différence avec la société d’origine. Cette différence se retrouve dans l’habille-ment, dans l’habitat, dans les relations entre hommes et femmes, dans les rapports entre lesindividus au sein de la famille, dans l’éducation des enfants. Cette dimension de rupture s’estaccentuée avec la fermeture des frontières en 1974, qui a entraîné un non-retour possible desfamilles.

Le poids du passé pousse les hommes et les femmes à se tourner vers des valeurs familialestraditionnelles alors que les conditions de vie en France et les aspirations à une meilleure vieles incitent à adopter les valeurs du pays d’accueil. L’une des manières de gérer la rupture estde ne pas choisir. L’ambivalence est à l’intérieur de chaque individu. C’est la tentation dereproduction du système traditionnel dans certains aspects de leur vie et, dans le mêmetemps, la tentation d’adopter les normes de la société d’accueil.

Le processus d’enracinement est complexe. On ne peut le restreindre simplement au phé-nomène d’assimilation et de repli. Des systèmes bi-référentiels se construisent, des équilibresnovateurs sont trouvés. Il n’y a pas de choix fait entre l’assimilation pure et le retour au sys-tème traditionnel. Les nouveaux équilibres trouvés font de ces familles une réalité nouvelle etspécifique (on réinterprète les valeurs traditionnelles pour les adapter ici). Nous avons vuapparaître de nouveaux équilibres identitaires. Ainsi, les nouvelles formes familiales qui émer-gent, ne sont pas les familles de la Tunisie, de l’Algérie, voire du Maroc mais ce sont des«familles maghrébines de France».

Le plus grand changement tourne autour de la fonction paternelle. La légitimité absolue dupère diminue dans l’immigration. L’autorité du père est remise en question par différents fac-teurs : la migration elle-même, qui entraîne un éclatement du groupe communautaire et l’ac-tivité professionnelle souvent peu valorisante pour les pères, lorsque ces derniers ne seretrouvent pas au chômage.

Le mutisme des pères est empreint de souffrances. Les enfants sont quelquefois dans unrapport ambigu avec le père. Ils ne supportent pas l’autorité qu’ils jugent illégitime. Chacunessaye de faire ses choix et de construire sa vie. Les rapports avec le père sont peu clairs, puis-qu’en apparence on est obéissant, on respecte le père. Cependant le comportement est autreà l’extérieur.

Les mères de famille s’ouvrent également à l’extérieur et sont dotées d’une maîtrise de lasociété civile. Elles sont de plus en plus autonomes et le lien de dépendance à l’égard de leur

3 BOUAMAMA S, SADSAOUD H,1996, op. cit.

28 Le Fonds d’Assurance Formation de la Branche sanitaire, sociale et médico-sociale, privée à but non lucratifbl

mari diminue. Elles maîtrisent le «dedans et le dehors». Ce sont des femmes qui s’émancipentet certaines d’entre elles portent sur les épaules toutes les difficultés de la famille. Elles ontaussi beaucoup de complicité avec leurs enfants. Quelquefois elles cachent, d’ailleurs, beau-coup de choses aux maris. La mère est la personne de tous les investissements affectifs et ellene renonce pas à marier ses fils avec celles qu’elle a choisies pour eux.

Cette liberté des femmes entraîne aussi une attitude indépendante des filles : autorisation desortir, plus grande tolérance à l’échec scolaire, aux mariages mixtes, aux écarts de comportements.

En ce qui concerne les jeunes d’origine immigrée en général, les tentatives d’identificationà la jeunesse française qu’ils côtoient et aux parents qui reflètent la culture d’origine étran-gère sont parfois contradictoires. Certains réagissent par des comportements d’auto-néga-tion de leur culture d’origine, en adoptant des conduites d’assimilation. Pour d’autres, il s’agitd’une attitude de «survalorisation» qui se traduit par un repli identitaire et communautaire. Ilsrevendiquent haut et fort leurs origines, leur langue. Ils rejettent le modèle occidental et sonten quête de leur histoire. Il s’agit souvent de jeunes ayant vécu l’expérience du racisme.

Les populations maghrébines de France questionnent à travers leur mode de vie différentcar les formes familiales ne sont pas comparables à celles de la culture d’origine ni à celles del’Occident. Ces familles constituent un défi pour la société française  : celui de s’adapter àl’autre en brisant la barrière de la différence culturelle. Il est difficile de résumer la famillemaghrébine en quelques mots comme nous venons de le faire. L’objet de cet article est dedonner quelques éléments de compréhension d’un système familial complexe. En effet, larencontre entre les professionnels du social et les familles maghrébines pourrait être ambi-guë si l’on gomme cet aspect de la culture, puisque les représentations sociales et les motiva-tions de chacun sont différentes. C’est pour cela qu’il faut tenir compte de l’origine de la per-sonne sans toutefois l’enfermer dans un carcan culturel.

2. La famille africaine

Parler de la famille ou de la culture africaine est une gageure car le continent africain est d’unegrande complexité. Si en Afrique, il n’y a pas une culture mais des cultures, c’est qu’il n’y a pas unmodèle familial mais des modèles familiaux4 qui se différencient d’un pays à un autre, d’unetribu à une autre, d’une ethnie à une autre…

Si on prend l’exemple d’un enfant qui vient de naître, chez les Bambara du Mali, l’enfant estbaigné et on lui fait ensuite boire l’eau de son bain avant tout aliment. Ce rite permettrait aubébé de prendre conscience de son individualité en tant que futur être humain. Dans d’autrestribus, on allume un feu en face de la hutte de réclusion où se trouvent la mère et l’enfant.Chez les Bakongo, on entoure l’enfant de lianes afin d’affermir ses membres et, quelquefois,on essaye de produire de la fumée pour faire pleurer l’enfant et le préserver du mauvaisesprit. Au Rwanda, la sage femme lui met l’index dans la bouche, la nettoie et manipule lalangue afin d’éviter à l’enfant d’avoir la parole trop lente ou de devenir muet. Après on luisouffle dans les oreilles afin d’éviter la surdité. Toutes ces pratiques étranges montrent effec-tivement qu’en Afrique, il y a plusieurs cultures qui, certes se complètent dans certaines cir-constances, mais dont il convient de tenir compte lorsqu’on parle de la famille africaine. Laquestion étant : que peut faire le travailleur social face à ces modes de vie ?

Dans le respect de cette conception, nous pensons que la manière de croire à ces «objetssacrés» apporte des réponses à la vie et qu’il est important que cela soit pris en compte dans

4 ERNY. P, Les premiers pas dansla vie de l’enfant d’Afrique noire.Naissance et première enfance.Ed. L’harmattan, 1998

29La parentalité : regards pluriels

le processus d’accompagnement social des populations africaines. Il ne s’agit pas de recher-cher l’essence des comportements, notamment des rites, du sacré, de la religion mais de com-prendre comme l’a dit M. Weber, la façon dont la relation des individus au divin affecte leuraction sociale. En terre d’immigration, il y a beaucoup de familles africaines qui ont encorerecours à des pratiques traditionnelles en matière de soins. Que faire lorsqu’on accompagneces familles ? Où se situer en tant que professionnel du social ?

2.1. La famille africaine traditionnelle et d’aujourd’hui

En Afrique, il existe une manière particulière de désigner les parents. L’usage fait appel àune nomenclature classificatoire et non descriptive. On n’est pas forcément parent avec sonpère ou sa mère. Un individu peut être le parent d’un autre, c’est-à-dire le père ou la mèred’autres enfants sans les avoir mis au monde. En fait, la parenté ne se réfère pas principale-ment à un phénomène biologique mais social ; elle engage la descendance, la filiation. Or lafamille engage l’alliance, le mariage. La famille conjugale monogame, appelée nucléaire, neconstitue pas un modèle d’organisation universel. L’individu se trouve pris dans un réseau dedépendances à l’égard de son lignage. La parenté est le fondement de l’organisation, la des-cendance se fait dans la lignée matrilinéaire ou patrilinéaire voire bilatérale. La famille est dece fait «une entité sociale plus qu’un fait biologique», le rassemblement d’un groupe dedépendants autour d’un chef. À partir de ce schéma, chaque groupe humain interprète à safaçon les données biologiques de base privilégiant tantôt la filiation maternelle, tantôt la filia-tion paternelle (comme les Peuls, les Soninkés, les Bambara), tantôt la filiation bilatérale quicombine les deux avec une prédominance utérine (comme chez les Bakongo du Congo Kin-shasa ou du Congo Brazzaville), tantôt une prédominance masculine (comme les Diolas, lesManjak, les Sérères qui viennent des zones côtières du Sénégal, de la Gambie ou de GuinéeBissau ou les Wolofs)5.

Pour ce qui est de la place de la femme, le groupe social a découvert très vite que la fille estune richesse. À l’époque on savait que la force du clan était liée au nombre et à la féconditédes filles. La femme répond à quatre critères : la puberté, l’initiation, le mariage et la mater-nité6. La femme n’est femme que dès qu’elle devient pubère, elle accède à l’initiation et aumariage. Elle devient véritablement une femme avec la maternité. Dans la tradition africaine,elle est une richesse sociale parce qu’elle est féconde, source de connaissances, et qu’ellereprésente les traits d’union entre les familles.

Elle a aussi un rôle d’agent de production puisque, dans plusieurs sociétés, elle a deschamps, fait du commerce, élève des moutons, des chèvres, et participe activement à la viedomestique. L’une des grandes fonctions dévolues à cette femme est l’éducation des enfants.Même si on parle de la sexualité des rôles parentaux, le temps que la mère consacre auxenfants n’a rien à voir avec celui du père qui n’est en réalité que l’assistant de la mère. C’est laraison pour laquelle on attribue à la femme cette fonction de la gestion de la politique inté-rieure. Aux femmes sont attribués comme valeurs la solidarité et le soutien dans les momentsdifficiles.

Le père est considéré comme le patriarche et le Dieu sur terre à qui on doit obéissance et res-pect. Il appartient également à l’homme de pourvoir aux besoins de toute la famille. La vie socialeest globalement réglée autour de l’homme. Les valeurs attribuées à l’homme sont significatives :l’honneur, le prestige et le courage. Enfin dans le contexte africain, on a tendance à dire que «lespantalons exécutent le jour, ce que les pagnes ont décidé la nuit, faisant, de ce fait, de la femme unesubordonnée insubordonnée». D’ailleurs l’immigration place hommes et femmes en position oùles rapports reposent sur un socle d’égalité imposé par les conditions de vie. Le rôle de la femmes’intensifie de plus en plus, en France comme en Afrique.

5 POIRET. C., Familles africaines en France, CIEMI, L’harmattan, 1996, p. 34.

6 MEMEL-FOTE Harris, Lessciences humaines et la notionde civilisation de la femme, in lacivilisation de la femme dans latradition africaine, société afri-caine et culture, colloque d’Abid-jan, 3-8 juillet, 1972, Ed. PrésenceAfricaine, 1975, p. 152

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En ce qui concerne l’éducation des enfants, elle se fait dans deux espaces en étroite rela-tion7 : d’une part l’intérieur et d’autre part l’extérieur. À l’intérieur de la maison, il y a d’abordl’éducation maternelle dispensée essentiellement par la mère jusqu’à peu près six, voire septans. Cette socialisation est faite grâce à trois techniques fondamentales : le maternage, le mas-sage et l’allaitement. Il y a ensuite, un deuxième type d’éducation, qui intervient vers six/septans avec la sexualisation des rôles parentaux où l’enfant qui avait tous les droits a des devoirsen fonction de son sexe. Les deux parents deviennent les éducateurs principaux des enfantsen fonction du sexe de chacun, le père pour le garçon et la mère pour la fille.

À l’extérieur de la maison, les enfants sont sous la surveillance des adultes, en interactionavec les parents, puisque ce qui est dit à l’intérieur est ce qui est dit à l’extérieur. L’adulte al’obligation d’intervenir voire de corriger l’enfant en cas de déviance même s’il n’y a aucunlien de parenté.

Arrivé à un certain âge, notamment vers six ans, l’enfant est l’éducateur de l’enfant à traversles différents jeux. Cette éducation à l’écart des adultes, suivie de loin par les aînés et qui sepratique dans la rue, sur la place du village ou du quartier, que l’auteur appelle «l’éducationde/par/dans la rue», déroute assez souvent les Occidentaux qui ne comprennent pas que l’en-fant puisse jouer dans la rue sans la surveillance des parents. En Afrique, il y a un transfert deresponsabilités éducatives favorisé par la parenté sociale. L’enfant se trouvant dans la ruen’est pas en danger puisqu’il y a un contrôle social efficace de la part des parents sociaux, quine sont pas les parents biologiques. Ces parents peuvent sanctionner un enfant s’il commet-tait un écart.

2.2. Le changement en terre d’immigration

En terre d’immigration, la famille africaine est confrontée à des difficultés d’adaptationdans une culture qui n’est pas la sienne mais pourtant, et souvent, qui est celle des enfants. Lapremière confrontation est celle de la famille élargie qui se réduit au cercle familial nucléairecomplété par des amis ou des copains, eux-mêmes en transition par rapport à leur propre cul-ture. Cette absence de réseau communautaire représente un handicap dans le processusd’immigration.

La première personne à subir les contrecoups de l’immigration est la femme. Des étudesanthropologiques ont montré que la grossesse, par exemple, est mal vécue. Cet événementvalorisé, porté par le groupe tout entier, qui introduit les femmes dans le monde de la respec-tabilité, devient en terre d’immigration «un problème personnel» qui n’est pas facile à sup-porter. L’enfant arrive au monde dans les mêmes conditions d’angoisse que certaines mèresqui ne sont pas en capacité de maîtriser les techniques traditionnelles de maternage, pour-tant réclamées parfois par le mari. En face, nous avons des femmes qui se trouvent dans dessituations transculturelles délicates où on leur demande d’intérioriser les valeurs de la sociétéd’accueil, tout en éduquant leurs enfants sur des bases traditionnelles8. Cela a parfois desconséquences dramatiques pour la famille et essentiellement pour les enfants.

En terre d’immigration, il y a une confrontation culturelle indéniable pour les parents,même dans l’éducation de leurs enfants. Nous remarquons souvent que la toute puissance dupère diminue. Les enfants ont tendance à contester cette autorité. Les relations de crainte etd’obéissance passive entre les enfants et les parents disparaissent puisqu’en Occident l’objetde socialisation qu’est l’école ainsi que les groupes de pairs apprennent à l’enfant à réagirselon sa sensibilité et sa personnalité. De nouvelles valeurs perturbant l’équilibre familial sontimportées dans la cellule familiale par les enfants. Les parents désemparés se posent souvent

7 MUANZA. K., Les modèleséducatifs et la transmission sym-bolique dans les familles afri-caines, conférence FAS, 2000,Paris

8 RABAIN. J., WORNHAM.W.,  Transformations deconduites de maternage et despratiques de soin chez lesfemmes migrantes originaires del’Afrique de l’Ouest, Psychiatrieenfant, 1990, n°33, pp. 287-319.L’enquête effectuée par ces deuxauteurs auprès de 26 mèresmigrantes venant d’Afrique del’Ouest, vivant en France, montreparfaitement la contradiction deces femmes dans la transmissiondes connaissances à leursenfants.

31La parentalité : regards pluriels

des questions sur leur mode de socialisation. Ces pères biologiques qui n’exercent pas sou-vent de responsabilités paternelles au niveau social dans leur pays d’origine doiventapprendre à «faire de l’enfant un partenaire social».

Il est, à notre sens, du devoir des travailleurs sociaux de réfléchir à cette problématique, afinde ne pas stigmatiser les parents souvent accusés d’être démissionnaires et de les aider aumieux à comprendre le système éducatif occidental sans omettre leur culture d’origine.

Comme le souligne Kabangu Muanza9 de l’Afrique Conseil, en premier lieu, il est importantque les parents transmettent ce qu’ils maîtrisent le mieux et, de surcroît, ce qui est compatibleavec les lois de la République. Il est toujours difficile de donner aux enfants ce qu’on n’a passoi-même acquis. C’est ce qu’il appelle le «principe d’authenticité ». En deuxième lieu, ilconviendrait de conseiller aux parents de transmettre, non seulement ce qu’ils maîtrisent lemieux, mais ce qui sera nécessaire aux enfants en terre d’immigration, sans omettre le mythedu retour. C’est ce qu’il appelle «le principe de maximisation des avantages».

3. Quel accompagnement social : De l’interculturalité à la reconnaissance.

Pour qu’il y ait un accompagnement social s’inscrivant dans une démarche éthique, il fautéviter les comportements qu’on rencontre parfois chez certains travailleurs sociaux : l’ethno-centrisme, le stéréotype, les préjugés, la discrimination et le racisme.

J.R LADMIRAL et E.M LIPIANSKY10 nous apprennent que la bonne volonté et la tolérancene suffisent pas pour que s’instaure une véritable ouverture à l’altérité. Il faut une prise deconscience de l’ethnocentrisme intrinsèque de son propre regard sur l’autre en reconnais-sant l’étranger comme semblable et comme différent. Ce trajet permettrait de relativiser sonpropre système de valeurs. C’est un mouvement de décentration par rapport à la positionégocentrique que constituent les trois attitudes (ethnocentrisme, préjugés, stéréotypes) faceà l’altérité11. Les auteurs poursuivent que : «cette décentration suppose la prise de consciencede soi-même, on ne parvient jamais à connaître les autres  ; que connaître l’autre et soi est uneseule et même chose».

Enfin, la reconnaissance de l’altérité est une manière de prendre conscience que «noussommes tous des métis culturels» et que la différence, au lieu d’être un obstacle à la communi-cation, est vraiment un stimulant et un enrichissement mutuel. Par reconnaissance, il fautentendre que le sujet a besoin des autres pour devenir autonome : «la conscience de soi n’estpas un point de départ, mais le résultat d’une série de transactions symboliques et sociales»12.Chacun attend d’être confirmé dans sa valeur propre mais cela ne se fait que par des gestesexpressifs des uns envers les autres. Cela montre que l’identité d’un individu est acquise dansune socialisation et non donnée dans une nature : «ce que je suis n’est séparable, ni de ce que jefais, ni de l’image que les autres me renvoient de mon action» (ibid.). Dans le processus de recon-naissance, le sujet a besoin des autres pour agir mais aussi pour se faire une représentation delui-même. Certains immigrés ont l’impression d’être des invisibles aux yeux de la majorité. Orl’homme ne peut se saisir qu’en reconnaissant l’autre comme son égal.

Ainsi, pour Axel HONNETH, la formation de l’identité de la personne est tributaire de rela-tions de reconnaissance. La réalisation de soi comme personne individuée dépend de l’éta-blissement de la reconnaissance mutuelle au sein des trois sphères normatives distinctes : «del’amour, du droit et de la solidarité». C’est à partir du moment où les personnes sont reconnuescomme porteuses de besoins affectifs, et comme sujets égaux qu’elles peuvent s’autoréaliser.

9 MUANZA,K, Les modèles édu-catifs et la transmission symbo-lique dans les familles africaines,conférence FAS, 2000, Paris

1 0 LADMIRAL, J.R, LIPIANSKY,M.E, La communication intercul-turelle, Armand Colin, 1989

1 1 JOVELIN E., Vivre la discri-mination, vivre la différence, inBoucher M., Discriminations etethnicisations. Combattre leracisme en Europe, Paris, Del’Aube, 2005

1 2 FOESSEL, 2008, p. 67

32 Le Fonds d’Assurance Formation de la Branche sanitaire, sociale et médico-sociale, privée à but non lucratifbl

Celles-ci prennent dans ce cas la forme des trois types distincts de rapports à soi  : «Laconfiance en soi, le respect et l’estime de soi». Lorsque les personnes sont atteintes dans leurintégrité physique, sont exclues des droits ou se sentent niées dans leur valeur sociale, toutesces atteintes à la reconnaissance entraînent «une expérience du mépris qui affecte négative-ment le rapport à soi des personnes concernées. On assiste alors à la dissolution de la confiance ensoi en tant que personnes dignes d’affection, à la perte de soi comme membres d’une commu-nauté d’égaux en droits et à la perte de l’estime de soi, comme sujets contribuant par leurs pra-tiques à la vie commune»13. Ces trois formes de rapport à soi positif (confiance en soi, respectde soi, estime de soi) appartiennent aux structures de l’identité personnelle14. Ces privationsde reconnaissance amènent des expériences morales négatives car les personnes concernéesse voient refuser «les conditions d’une formation positive de leur identité». Dans plusieurssituations, vivre ces expériences de mépris conduit ces personnes à mener des combatsvisant à restaurer des rapports de reconnaissance.

Mes travaux (E. JOVELIN, 2010) m’ont conduit aussi à m’interroger sur les conditions danslesquelles, il devient possible d’appréhender une vie, mais aussi les conditions qui font quecela devient impossible. Selon Judith BUTLER15 (p. 9), «les sujets sont constitués à travers desnormes dont la réitération produit et déplace les termes dans lesquels ils sont reconnus». Laquestion étant dans quel sens la vie excède toujours les conditions normatives de ce qui larend reconnaissable  ?» (Ibid. p.  10). Le concept de «reconnaissabilité» qu’elle développedans son dernier ouvrage me semble apporter un autre palier de compréhension dans lavoie de la reconnaissance humaine. Si la reconnaissance est un acte ou une pratique initiéepar au moins deux sujets et qui constitue, si l’on suit Hegel, une action réciproque  : «lareconnaissabilité décrit les conditions générales à partir desquelles la reconnaissance peut seproduire et se produit effectivement».

La reconnaissance caractérise un acte, mais la reconnaissabilité caractérise les conditionsplus générales qui préparent ou forment un sujet pour la reconnaissance. Donc la reconnais-sabilité précède la reconnaissance. Ici, selon Butler, il reste à comprendre deux termes, l’appré-hension et l’intelligibilité. L’appréhension est une forme de connaissance associée au sens età la perception. C’est un mode de connaissance qui n’est pas la reconnaissance. Alors que l’in-telligibilité fonde les domaines du connaissable. Tous les actes de reconnaissance n’amènentpas à la reconnaissance. Le passant qui fait signe aux jeunes SDF n’est pas dans la reconnais-sance. Le travailleur social qui discute avec une personne en grande précarité n’est pas dansla reconnaissance. Pour être reconnaissable, «une vie doit être intelligible comme une vie, elledoit se conformer à certaines conceptions de ce qu’est la vie» (p. 12). La reconnaissance arrive aumoment où l’individu se «sait» reconnu, par lui-même et par les autres. Comme le souligneGuillaume Leblanc, «l’homme de la reconnaissance ne peut être l’homme de l’intérieur qu’ilcherche à être que pour autant qu’il est un homme extérieur, confirmé par les autres»16. C’est laforme que prend cette confirmation qui fait qu’une vie est réellement reconnue.

Ainsi, dans la rencontre interculturelle17, il conviendrait de prendre conscience de cettequestion de la reconnaissance de l’autre et du décalage par la découverte de ses propresfonctionnements. Il est possible de se dire que l’autre n’est pas là pour nous assimiler et noustransformer à son image. Il s’agit «d’une reconnaissance réciproque de nos systèmes culturels» :au niveau des valeurs, nous devons nous demander quelles sont les valeurs motivant les choixgrâce à l’échange et à l’explication. Le mieux est d’apprendre à faire exister l’autre à partir deses normes et de ses propres valeurs  : «C’est par la connaissance ou la reconnaissance de sapropre culture et par la capacité de l’assumer que passe la possibilité d’ouverture à d’autres cul-

1 3 HONNETH A., La Lutte pourla reconnaissance, Le Cerf, 2002,et La société du mépris. Vers unenouvelle théorie critique, LaDécouverte, 20071 4 RENAULT E., L’expériencede l’injustice. Reconnaissance etclinique de l’injustice, La Décou-verte, 2004 et Reconnaissance,institutions, injustice, in De lareconnaissance. Don, identité etestime de soi, MAUSS n°23, 20041 5 BUTLER J., Ce qui fait unevie (La Découverte), traduit del’anglais par Mirelli J. Essai sur laviolence, la guerre et le deuil,Zone, 2010

1 6 LE BLANC G., L’invisibilitésociale, PUF, 2009

1 7 PEMBROKE Emmanuellede, Petits malentendus entrecommunautés : Japonais et Amé-ricains à Paris in ABDALLAH-PRETCEILLE et PORCHER, L. Dia-gonales de la communicationinterculturelle, Ed. Ànthropos,1999, pp. 68-71. Voir aussi, ClaudeCLANET 1993, op. cit. pp. 218-221

33La parentalité : regards pluriels

tures. Il faut bien que je sache qui je suis pour être capable d’accueillir l’autre sans crainte et avecle moins possible d’ambiguïté».

Au niveau des comportements, il est nécessaire de savoir relever des indices porteurs desens afin d’éviter uniquement de prendre en compte ce que nous connaissons et laisseréchapper certains signes qui semblent étrangers. Savoir remettre en cause sa propre inter-prétation et s’attacher à comprendre d’abord l’intention de l’autre qui est en face de soi, seraitrecommandable sans prétention aucune.

La complexité de la culture n’incite pas à devenir «entrepreneur de morale», «donneur deleçons», «fournisseur de recettes», même si nous n’y avons pas échappé tout au long de cetécrit. Le chercheur doit être humble dans sa manière d’interpréter le monde, de dire leschoses, d’autant plus qu’il appartient à chaque être de participer à la construction d’unmonde meilleur. Les lunettes de la vie quotidienne donnent à voir tous les jours un spectaclecomplexe. Heureusement, l’expérience sociale de chacun d’entre nous offre des réponsesinimaginables à cette complexité du monde. Nous pensons que les formations spécifiquesproposent un cadre sécurisant pour mieux saisir les phénomènes sociaux. Pour ce qui est dela rencontre des cultures, le choc culturel senti par cet autre en face d’un autre, est une expé-rience émotionnelle qui peut être canalisée dans le champ du travail social à partir desdiverses formations initiales, parce que cela renvoie à l’expérience personnelle des différentesrencontres (français d’origine face à une autre famille française d’origine, algérien face à uneautre personne d’origine algérienne, etc.). Il s’agit de la position à partir de laquelle l’intercul-turalité doit se définir d’abord. L’ouverture à l’altérité ne se fait pas à partir d’une formation desociologie de l’immigration, où le sociologue donnerait des recettes miracles, mais à partir duvécu, de son histoire, de sa propre trajectoire. Ainsi, l’objet de la sociologie n’est pas de dire«comment faire», mais de «s’efforcer de maintenir l’idée de l’universalité de la connaissance, à lafois comme projet et comme horizon»18 (SCHNAPPER, JOVELIN).

Le fait que les travailleurs sociaux considèrent que les hommes qui sont en face d’eux nesont pas des objets mais des êtres de valeur est déjà en soi une valeur fondamentale et unereconnaissance de l’altérité. S’ils pensent qu’il n’y a pas plusieurs êtres humains fondamenta-lement différents et qu’il n’y a qu’un être humain vivant dans la même humanité que soi, c’estqu’ils reconnaissent qu’il y a une parole au-delà de tout être humain. Ils reconnaissent égale-ment qu’il y a une multiplicité de cultures, certes avec des limites, qu’il y a une humanité avecdes différences et qu’il y aura toujours une unité et donc une communication parmi leshumains19.

Par conséquent, une société interculturelle apparaît comme une issue inespérée d’inter-connaissance, de reconnaissance réciproque des ensembles culturels différents d’interactants pouvant faire que «ces différences soient à l’origine d’une dynamique, de créations nou-velles, d’enrichissements réciproques et non de crispations, de fermetures, d’énergies dilapidéesdans la haine et la destruction20. Une société interculturelle, où l’agir politique est présent, estcelle qui peut amener les sujets à passer d’une société de mépris21, d’une société indécente, à unesociété juste et reconnaissante» (AVISHAI MARGALIT, 1999).

1 8 SCHNAPPER. D., La relationà l’autre. Au cœur de la penséesociologique, Ed. Gallimard, 1998,p.24 et JOVELIN E., (éd.), Le tra-vail social face à l’interculturalité.Comprendre la différence dansles pratiques d’accompagne-ment, Ed. L’Harmattan, 2002.

1 9 Voir GOSSELIN. G., Vers uneéthique des sciences sociales, Ed.L’Harmattan, 1995.

2 0 CLANET.C., L’interculturel.Introduction aux approchesinterculturelles en éducation etsciences humaines, Presses Uni-versitaires du Mirail, 1993, (2 éd.),p 222.

2 1 HONNETH A., La Lutte pourla reconnaissance, Le Cerf, 2002.

34 Le Fonds d’Assurance Formation de la Branche sanitaire, sociale et médico-sociale, privée à but non lucratifbl

Conclusion

Cette réflexion n’épuise évidemment pas le sujet sur les travailleurs sociaux et les famillesd’origine étrangère mais nous a permis de connaître les fonctionnements aussi bien tradi-tionnels que modernes de ces familles. Le constat d’absence des pères d’origine étrangèredans l’éducation de leurs enfants est fortement marqué auprès des travailleurs sociaux. La fra-gilité de l’autorité parentale de ces parents ne peut être appréhendée sans un détour par laculture d’origine de ces personnes qui souffrent en même temps que leurs propres enfantsen évitant le piège du culturalisme. Au lieu de les renforcer dans leurs représentations tradi-tionnelles, en les obligeant par des pratiques «du social aveugle» à adopter des stratégiesidentitaires faisant appel au repli, à la rigidification des attitudes autoritaires, voire au renon-cement, comprendre que leur comportement exprime un désarroi lié à des différences cultu-relles du vivre ensemble dans un autre pays, c’est participer à leur intégration. Alors, un seulmot d’ordre  : aidez-les simplement à compléter et à acquérir d’autres compétences néces-saires pour mieux vivre.

Par Emmanuel JOVELIN Professeur de sociologie (université catholique de Lille)

et Directeur adjoint de l’Institut social de LilleDirecteur du pôle formations supérieures, recherches et coopérations internationales

Membre du Centre Pierre Naville, Université d’Evry Val d’Essonne

35La parentalité : regards pluriels

La médiation familiale : une démarche singulière pourconstruire ou reconstruirede nouveaux liens au momentd’un conflit dans la famille

1. Un contexte d’émergence

C’est au sein de la société civile que la médiation familiale est née, au début des années 80,à l’initiative de parents -notamment des pères, au sein d’associations militantes- et de profes-sionnels des champs du social, du thérapeutique et du droit, qui souhaitaient proposer denouvelles réponses pour faire face aux conflits récurrents observés dans les divorces et lesséparations.

À cette époque, depuis une vingtaine d’années, le mariage n’est plus le seul modèle pouvant représenter la famille. Ce qui se vit en son sein nécessite une réflexion autour de : ≥ l’augmentation des divorces, la montée en escalade judiciaire des conflits intrafamiliaux ;≥ la difficulté pour les personnes concernées de rester maîtres et sujets de leur projet de vie ;≥ la rupture des relations familiales, particulièrement pour les enfants ne vivant pas auprès

d’un de leurs parents, entraînant un risque important de perdre une voie d’identification,des repères et des ressources.

Dans le même temps, les rapports entre les hommes et les femmes évoluent sous l’impul-sion d’acteurs de la société civile, du politique et d’associations militantes. Le législateur aainsi progressivement pris en compte une demande d’égalité et de parité : pour les femmes,l’accès accru au monde du travail, à des postes à responsabilité professionnelle, politique etsociale ; pour les hommes, la reconnaissance de leur compétence de parent de plus en plusimpliqué dans le quotidien des enfants.

C’est dans ce contexte que des pères et des mères souhaitent faire face à leur séparation dansla liberté, la dignité, dans la parité et dans le respect de l’autre, en s’appropriant leur histoire etleur devenir, leur responsabilité et leurs décisions, même à un moment souvent difficile.

Il s’agit alors de pouvoir favoriser, pour les pères et les mères, lors des séparations, la possi-bilité de prendre ensemble des décisions dans ce nouveau contexte.

Le terme de «médiation familiale» fut retenu pour la première fois le 10 décembre 1983 àBruxelles : lors d’une rencontre, des mouvements européens donnaient naissance à ParentsForever International. Il fut alors décidé d’une part de valoriser la co-parentalité, l’égalité dedroit des deux parents et la parité ; d’autre part, de proposer la médiation familiale commemoyen de mise en œuvre de cette co-parentalité.

36 Le Fonds d’Assurance Formation de la Branche sanitaire, sociale et médico-sociale, privée à but non lucratifbl

Ces acteurs ont ainsi mis en valeur des principes qui allaient devenir fondateurs :≥ faire la part entre ce qui relève de l’espace public - la séparation se déroule dans un cadre

judiciaire - et ce qui doit rester dans l’espace privé : l’élaboration de la fin de la relationintime et affective ;

≥ pouvoir organiser dans un espace privé et confidentiel les responsabilités de chacun ;≥ favoriser un processus négociatoire, juste et équilibré ;≥ accompagner la recherche de solutions que les parents élaboreraient ensemble et eux-

mêmes avec le soutien d’un tiers neutre, impartial et indépendant ;≥ promouvoir un rapport égalitaire pour les hommes et les femmes et une égalité de droit

entre parents vis-à-vis de leurs enfants ;≥ prendre en compte le besoin fondamental de l’enfant de rester en contact avec ses deux

parents ;≥ pouvoir examiner concrètement les questions financières et matérielles ;≥ prendre un temps, mais aussi le limiter, dans un lieu sécurisant et un cadre spécifique.

2. Les étapes de la reconnaissance de la médiation familiale en France

2.1. Le temps des militants

À l’origine, la médiation familiale est née Outre-Atlantique. Vers la fin des années 70, auxÉtats-Unis, un thérapeute familial1 et un avocat2 sont les précurseurs d’une nouvelle concep-tion de réorganisation des liens familiaux qu’ils promeuvent dans les situations de séparationet de divorce.

Puis, en 1982, deux enseignants d’Harvard, Roger FISHER et William URY, conceptualisent unmodèle de négociation entre les personnes en conflits appelée «Négociation raisonnée»3.

John HAYNES s’expatrie au Canada, où il diffuse ses travaux et forme des médiateurs au Qué-bec. Le premier service public de médiation familiale s’implante au tribunal de Québec en 1981.

En France, l’Association Père Mère Enfant médiation (APME) est créée en 1983, s’appuyant surla volonté de participer au maintien des liens familiaux dans les situations de crise et de conflitdans la famille. C’est la première association qui s’est intéressée à la médiation familiale.

En janvier 1988, l’APME organise un colloque sur la médiation familiale, auquel est invitéeLorraine FILLION, médiatrice familiale du service public de Québec.

En juin de la même année, Annie BABU, responsable d’un service éducatif en milieu ouvert,organise un voyage à Québec, auquel participent des professionnels de divers horizons : psy-chologues, travailleurs sociaux, magistrats, avocats, et également des militants des mouve-ments de la condition paternelle. Au retour de ce «voyage initiatique», ces précurseurs fon-dent l’APMF (Association pour la promotion de la médiation familiale).

Dès 1990, ils élaborent le premier Code de déontologie qui pose les principes d’uneéthique nécessaire à la pratique de la médiation familiale.

L’APMF, qui réunit essentiellement des praticiens, a pour objet la promotion de la média-tion familiale auprès des pouvoirs publics, du grand public et des médias. Des instances deréflexion, d’échange et d’élaboration sont créées et les praticiens participent très largementà la conceptualisation d’une pratique encore très largement méconnue. Cette association estrégulièrement consultée par des instances nationales (ministères, Caisse nationale des alloca-

1 HAYNES, John2 COOGLER, James

3 FISCHER R., URY. W., Commentréussir une négociation, Paris, LeSeuil, 1991

37La parentalité : regards pluriels

tions familiales (CNAF), Commission des lois de l’Assemblée nationale et du Sénat…).

En 1991, lors du Congrès de Caen, se crée le Comité national des associations et services demédiation familiale (CNASMF) devenu la FENAMEF (Fédération nationale de la médiationfamiliale et des espaces familiaux). Cette fédération réunit des associations qui gèrent un ser-vice de médiation, dans le but de défendre la qualité de la médiation familiale et de représen-ter les services auprès des instances nationales de financement.

En 1992, Jocelyne DAHAN insuffle avec l’APMF le mouvement vers la professionnalisationde cette pratique avec la Charte européenne de formation des médiateurs familiaux. Cesassociations nationales et représentatives - l’APMF et la FENAMEF - vont continuer de militerpour faire reconnaître une pratique qui se professionnalise tout au long des deux décenniessuivantes. La première, en faisant participer les praticiens, les services et les centres de forma-tion à cette élaboration, la seconde en se préoccupant de l’organisation des services.

2.2. Institutionnalisation et professionnalisation de la médiation familiale, la consécration par le législateur et le politique du principe de co-parentalité…

C’est dans ce contexte sociétal, politique, et d’actions des associations militantes que lamédiation familiale va être introduite par le législateur dans le Code civil.

≥ La loi du 8 février 19954 et le décret du 22 juillet 19965 confèrent aux juges la possibilité dedésigner un tiers, le médiateur, dans toute situation où les personnes se trouveraient en conflit.

≥ Le 8 octobre 2001, Ségolène ROYAL, ministre de la Famille, institue le Conseil nationalconsultatif de la médiation familiale (CNCMF), dont la présidence est confiée à la directricegénérale adjointe6 de l’Union nationale des associations familiales (UNAF). Nommé pourtrois ans, le Conseil est chargé de faire des propositions visant à «favoriser l’organisation dela médiation familiale et promouvoir son développement». Les associations militantes participent activement au CNCMF et notamment à sa définition officielle : «La médiation familiale est un processus de construction ou de reconstruction du lienfamilial axé sur l’autonomie et la responsabilité des personnes concernées par des situations derupture ou de séparation dans lequel un tiers impartial, indépendant, qualifié et sans pouvoir dedécision, le médiateur familial, favorise, à travers l’organisation d’entretiens confidentiels, leurcommunication, la gestion de leur conflit dans le domaine familial entendu dans sa diversité etdans son évolution».

≥ La loi du 4 mars 2002 relative à l’autorité parentale est venue redéfinir les modalités d’exer-cice de cette autorité pour chacun des parents, ainsi que leurs droits en cas de séparation.Cette loi réaffirme également le droit des enfants à pouvoir maintenir un lien avec chacunde ses parents au-delà de toute rupture ou séparation.D’une certaine manière, cette loi consacre le principe de co-parentalité et légalise celui dela résidence alternée. Les accords directs entre parents séparés deviennent le mode privilé-gié d’organisation de l’exercice de l’autorité parentale, le juge étant invité à homologuer lesconventions écrites entre parents. Par cette loi, la médiation familiale fait son entrée dans le Code civil en donnant au magis-trat la possibilité d’y recourir: «À l’effet de faciliter la recherche par les parents d’un exerciceconsensuel de l’autorité parentale, le juge peut leur proposer une mesure de médiation et, aprèsavoir recueilli leur accord, désigner un médiateur familial pour y procéder. (…) [Il peut mêmeles] enjoindre à rencontrer un médiateur familial qui les informera sur l’objet et le déroulementde cette mesure.»

4 Relative à l’organisation desjuridictions et de la procédurecivile, pénale et administrative5 Relatif à la conciliation et à lamédiation judiciaire

6 Madame Monique SASSIER

38 Le Fonds d’Assurance Formation de la Branche sanitaire, sociale et médico-sociale, privée à but non lucratifbl

≥ Un décret7, en 2003, crée le diplôme d’État de médiateur familial (DEMF) : «Il est créé un diplômed’état de médiateur familial qui atteste des compétences pour intervenir auprès des personnes ensituation de rupture ou de séparation afin de favoriser la reconstruction de leur lien familial et aiderà la recherche de solutions répondant aux besoins de chacun des membres de la famille.» Uneréforme du DEMF est intervenue le 19 mars 2012, à laquelle ont largement contribué les associations nationales représentatives des médiateurs familiaux.

≥ Avec la loi du 26 mai 2004 relative au divorce, le juge aux affaires familiales peut : «proposeraux époux une mesure de médiation et, après avoir recueilli leur accord, désigner un médiateurfamilial pour y procéder, [et, comme dans la loi de mars 2002] enjoindre aux époux de rencon-trer un médiateur familial qui les informera sur l’objet et le déroulement de la médiation».

≥ La réforme du 5 mars 2007 relative à la Protection de l’Enfance fait de la prévention un axemajeur qui vise à éviter ou limiter une mise en danger de l’enfant. À ce titre, l’un des guidespratiques de cette réforme préconise le recours à la médiation familiale, notamment en casde conflits persistants entre parents séparés. Ce guide précise, que la médiation familialepourra être ordonnée par le juge aux affaires familiales, voire par le juge des enfantscomme obligation particulière d’une mesure d’assistance éducative en milieu ouvert.

≥ En juin 2008, une commission8 est missionnée par la garde des Sceaux afin de faire des pro-positions dans le cadre d’une nouvelle répartition des contentieux. Ce collectif préconisedes mesures reprises par le gouvernement, parmi lesquelles, l’information sur la médiationfamiliale préalable à l’audience, et la préconisation d’une obligation de recourir à une ten-tative de médiation familiale pour les nouvelles actions en justice tendant à faire modifierles modalités de l’exercice de l’autorité parentale.

≥ En octobre 2009, le député Jean LEONETTI remet au premier ministre un rapport intitulé«Intérêt de l’enfant, autorité parentale et droits des tiers». Il vise essentiellement à faire lepoint sur la modernisation de la législation portant sur l’autorité parentale et le droit destiers – beaux-parents ou tiers qui vivent avec les enfants – afin de promouvoir des solutionssouples, adaptées à la diversité et à la complexité des familles. Il préconise de privilégier etde renforcer les dispositifs de médiation familiale.

≥ En novembre 2010, la secrétaire d’État à la Famille9 installe le Comité national de soutien àla parentalité (CNSP) ayant pour objectif de mieux coordonner les actions d’aide à la paren-talité en rationalisant leur pilotage. Cela concerne la médiation familiale, les Réseauxd’écoute, d’appui et d’accompagnement des parents (REAAP), les Contrats locaux d’accom-pagnement à la scolarité (CLAS), les Points d’informations aux familles (PIF) et le parrai-nage. Ce Comité doit veiller d’une part à ce que tous ces dispositifs s’adressent à l’ensembledes parents, d’autre part à définir des priorités d’action et à mettre en œuvre une démarched’évaluation, de communication et d’information en matière d’accompagnement desparents. Il est présidé par le ministre chargé de la Famille, secondé par le président de laCaisse nationale des allocations familiales.

7 Décret du 2 décembre 2003

8 Commission GUINCHARD

9 Madame Nadine MORANO

39La parentalité : regards pluriels

3. Une démarche singulière : une rencontre authentique

3.1. La déclinaison des principes éthiques

La médiation familiale est un processus singulier en ce qu’elle offre aux personnes en conflit,un temps et un espace leur permettant une confrontation : pouvoir adresser une parole à cetautre, parfois devenu étranger, en lieu et place d’un silence, d’un acte qui fait violence.

Le médiateur familial leur permet cette rencontre dans un cadre sécurisant : écoutemutuelle, respect de la parole de chacun, expression des ressentis, cela dans un espaceneutre, à distance du regard parfois contrôleur des institutions judiciaires ou du social.

La médiation familiale repose sur trois principes éthiques fondateurs : l’éthique de liberté,l’éthique de responsabilité et l’éthique de la médiation et du médiateur10.

Liberté de s’engager dans un processus de changement, liberté de parole, liberté de choi-sir les sujets abordés, liberté de construire son propre modèle d’organisation, rencontre avecles limites de sa propre liberté…

Responsabilité des engagements et des décisions élaborées, responsabilité de sa parole,responsabilités à partager, à choisir et parfois renoncer…

L’éthique de la médiation, c’est d’abord de ne pas avoir de projet parental, familial pour cespersonnes que nous accueillons. Il arrive parfois que l’impossibilité de la rencontre laisse aumagistrat la responsabilité du jugement et donc de l’organisation de la séparation. Il arriveaussi que les personnes ne souhaitent pas penser une co-parentalité. Le médiateur familialpermet alors que la parole sur la possibilité de ne plus s’adresser la parole soit possible, lasuite appartient aux personnes.

L’éthique du médiateur, c’est de ne pas avoir d’intention pour les personnes et de lesaccueillir dans toutes leurs dimensions de sujet (homme/femme, parent, professionnel,fils/fille de…). C’est encore accueillir sans jugement et ne pas être dans une position d’expert,qui sait et qui conseille. C’est donc accueillir le dire des personnes, leurs émotions vécues, par-fois non verbalisées, pour accompagner la mise en mots. Le médiateur familial sait qu’il peutêtre au contact de ses émotions et de ses résonances, parce que notamment il va travaillerune neutralité en analyse de pratique ou en supervision.

Ainsi, dès 1990, dans le Code de déontologie de l’APMF, les médiateurs familiaux s’engageaientà s’inscrire dans un travail sur soi. Cet engagement a été repris dans le cadre du financementpublic de la médiation familiale. Tous les services conventionnés financent ce travail et tous lesmédiateurs familiaux adhérant à l’APMF y souscrivent régulièrement de la même manière.

L’analyse des pratiques est une démarche à laquelle les médiateurs familiaux recourentnon par obligation, mais en conscience, parce que c’est le lieu de la réflexion et de la penséepour la singularité de chaque personne rencontrée. Quand nous nous questionnons sur ceque nous produisons dans l’histoire de ces personnes, nous leur permettons de rester libresde leurs actes et de leurs décisions.

L’éthique du médiateur familial, c’est encore assurer son indépendance à l’égard des insti-tutions, en posant comme principe la confidentialité des entretiens et la liberté des sujets àdébattre, y compris quand les prescripteurs orientent vers la médiation familiale.

1 0 Pratique éthique demédiation familiale, édité parl’APMF, 2003

40 Le Fonds d’Assurance Formation de la Branche sanitaire, sociale et médico-sociale, privée à but non lucratifbl

3.2. Un espace de transition pour fonder de nouvelles relations…

Le médiateur familial propose un espace de parole au sein duquel les personnes vont pou-voir débattre des conflits qui les opposent. Pour cela, il s’attache à poser un cadre (respect dela parole adressée, des opinions, équité du temps de parole…) qui va permettre aux per-sonnes d’avancer dans leur processus.

Les couples, autrefois liés par les liens conjugaux, sont désormais liés par l’exercice très sou-vent conjoint de l’autorité parentale. Il s’agit de leur permettre de «se désunir» pour qu’ilspuissent mutuellement reconnaître et accepter leurs compétences et la représentation qu’ilsont de leur rôle parental, et donc la singularité de l’autre parent.

Le médiateur, par sa qualité d’écoute, permet à chacun d’exprimer ses ressentis, ses doutes,ses inquiétudes, ses attentes, ses besoins… Il les reflète de manière à permettre à l’autre deles entendre et de se positionner. Il n’a pas forcément besoin de comprendre les causes duconflit, l’origine de la crise. Il soutient les personnes pour qu’elles puissent parler de ce qui lespréoccupe et pour qu’elles élaborent, entre elles, leurs propres solutions.

Le rétablissement d’une communication directe sera l’une des étapes essentielles dans lareconstruction du lien. Parfois, les personnes s’engagent par des accords qu’elles peuventfaire homologuer par un juge des affaires familiales.

La médiation familiale n’est pas une thérapie ; il ne s’agit pas de «soigner des dysfonction-nements» mais de favoriser la restauration de la communication en permettant aux per-sonnes de se positionner et de (re)prendre de l’assurance dans cette expression de soi. Lespersonnes peuvent alors reprendre le pouvoir sur elles-mêmes.

Par ailleurs, le médiateur, sans pouvoir de décision, n’a pas vocation à conseiller les per-sonnes. Il ne se situe pas dans l’aide à la «parentalité» ou à la conjugalité, il permet aux per-sonnes d’organiser les conséquences du conflit qui les a amenées à se séparer ou à s’opposer.

En médiation, les sujets abordés en séance sont concrets. Ils sont introduits par les per-sonnes. Le médiateur leur permet de les aborder et de les confronter de façon responsable.Nous ne parlons pas de droit de visite ou de pension alimentaire mais d’organisation ou deréaménagement des temps d’accueil des enfants, de partage des responsabilités financières,de négociation des responsabilités parentales…

3.3. La co-parentalité, un effet de la médiation familiale et non un objectif

Le médiateur familial reçoit des personnes dans son espace pour les accompagner untemps (quelques séances), vers le dénouement de leur conflit. Nous ne parlons pas ici d’unerésolution de conflit (la médiation est parfois nommée ainsi, à tort je pense), mais plutôt dedénouer ce qui aliène. C’est à partir de ce qui préoccupe les personnes et parfois de ce qui lesdérange, que le processus de la médiation est engagé.

Dans les situations de séparation et de divorce, la très grande majorité des personnesreçues sont aussi des parents. Se séparer, c’est parfois ne plus être en capacité de faire la partentre les liens conjugaux et les liens familiaux. Ce qui a longtemps été imbriqué doit se délieraussi pour que chacun puisse à nouveau suivre son chemin, sans contraindre l’autre ni lesenfants. L’espace de médiation familiale peut alors être le lieu de cette dé-liaison, qu’IrèneTHERY a nommée le démariage11.

1 1 THERY I., Le démariage,Paris, Odile Jacob, 1996

41La parentalité : regards pluriels

Ces hommes et ces femmes viennent alors parler de leur perception respective de leur rôleet place. Venir la penser ensemble, c’est aussi la possibilité d’élaborer de nouvelles relations etd’organiser de manière singulière et souvent très créatrice la façon d’être parent de chaquecôté des enfants. Certains parents peuvent fonder de nouveaux liens, d’autres viennent poserles limites de leur relation à venir. C’est dire que la co-parentalité ne se définit pas non plusselon un modèle pré-établi, elle est mise à l’œuvre librement, singulièrement, par des proces-sus croisés de dé-liaison et de (re)construction.

Le médiateur familial écoute, reflète et soutient ce mouvement et ces changements enfavorisant le questionnement entre les personnes et les ajustements pour lesquels elles nousdemandent de les accompagner un temps.

Le financement public de la médiation familiale (l’une des propositions du Conseil nationalconsultatif de la médiation familiale 2001-2003) s’est appuyé sur cet effet : pour la CNAF, la direc-tion générale de la cohésion sociale et le ministère de la justice, la médiation familiale allait pou-voir «favoriser la mise en œuvre de la co-parentalité» et également «favoriser la mise en placed’accords pouvant être homologués par le juge des affaires familiales».

Les médiateurs familiaux tiennent cependant aux valeurs et au sens qui ont fondé cettedémarche : proposer un espace de parole et d’expression des ressentis libre de tout contrôleinstitutionnel, qui nuirait à l’éthique de la médiation.

Dans ce sens, le risque pour les médiateurs familiaux serait de devenir les garants d’unepaix sociale en incitant les gens à être de «bons parents»… Or, les médiateurs familiaux n’ontpas de projet parental préétabli. Au contraire !

C’est lorsque les personnes, dégagées des enjeux du conflit, retrouvent leur liberté et leurautonomie, qu’elles parviennent à s’accorder sur les bases d’un nouveau lien : celui de la co-responsabilité. Nous sommes convaincus que la construction de ce nouveau lien procède dulibre-arbitre.

Apprendre à négocier est une expérience fondatrice dans la relation aux autres. Chacun peutdécouvrir que la négociation ne repose pas forcément sur la dualité perdant/gagnant. Per-mettre aux personnes de se positionner et de reconnaître le positionnement de l’autre, c’est lesengager à nouveau vers l’altérité… qui elle-même participe de l’exercice de la démocratie.

La médiation familiale ne se réduit pas à un dispositif de soutien à la parentalité. Que lesattentes institutionnelles et les effets de la médiation familiale convergent, nous pouvonsnous en féliciter. En même temps, les médiateurs familiaux continuent de défendre cet espacede parole et de liberté comme pouvant toujours être un lieu privilégié du débat de l’intime,de la responsabilité d’hommes et de femmes qui ne sont pas uniquement des parents maisencore des sujets humains.

42 Le Fonds d’Assurance Formation de la Branche sanitaire, sociale et médico-sociale, privée à but non lucratifbl

4. Quand les personnes viennent rencontrer le médiateur familial…

Les deux vignettes suivantes représentent des fragments de processus de médiation réali-sée. Elles constituent une «illustration» nécessairement synthétique de ce qui se joue dans leprocessus défini dans la partie précédente de cet article, à partir de son histoire et de ses prin-cipes.

4.1. Pierre, Alexandre et Roger

Pierre m’appelle : il n’a pas revu son père depuis 11 ans. Cette rupture avait fait suite à unconflit au sein de la famille.

Depuis quelque temps, son fils de 3 ans lui pose des questions sur ce père. Pierre s’attendaità être confronté à l’absence d’explications avec son père, au moment et depuis leur rupture.Il explique se sentir démuni pour parler de son père à son fils et surtout craindre d’être un jourlui-même confronté à un conflit avec son fils, conflit qui entrainerait aussi leur rupture.

Lors de notre première rencontre destinée à écouter ses préoccupations et à l’informer dece qu’est la médiation familiale, Pierre dit qu’il se sent mal en tant que père. Il ajoute que cemalaise l’envahit et que cela l’empêche de vivre son expérience de parent. L’écoute proposéeet la restitution que je lui fais de ce qu’il vit et ressent, l’amènent à envisager une médiationfamiliale avec son père.

Je l’accompagne dans une réflexion qui le mobilise sur ce qui motiverait son père à partici-per à cette médiation et sur les possibilités de l’y inviter.

Pierre se décide à lui écrire quelques lignes pour lui expliquer son intention et pour lui don-ner mes coordonnées.

Un mois plus tard, Roger me contacte. Il a reçu un courrier de son fils, avec le faire-part denaissance de son petit-fils dont il connaissait l’existence par la famille élargie. Il m’explique autéléphone qu’il a été choqué car ce faire-part date de 3 ans, et qu’il ne comprenait pas «cettefarce de mauvais goût». Il veut me rencontrer pour m’expliquer comment son fils lui a parlé ladernière fois qu’ils se sont vus, «ce qu’il ne vous a sûrement pas expliqué !»…

Cette deuxième rencontre est empreinte de beaucoup d’émotions : Roger est très en colèredepuis des années et très ému par ce faire-part reçu.

La médiation familiale l’intéresse pour «comprendre la rupture mais pas pour pardonner»car il a beaucoup souffert.

Leur rencontre en médiation familiale s’est organisée à plusieurs niveaux : ils se sont revus,je les ai aidés à dire à l’autre ce qu’ils avaient vécu et compris. Puis, Roger a dit son désir d’avoirdes relations avec son petit-fils. Pierre l’a entendu. Je les ai aidés à exprimer leurs besoins etleurs limites.

Ils ont alors défini ensemble les modalités des possibles rencontres entre le grand-père etle petit-fils. C’est au travers de cette élaboration que leur nouvelle relation s’est dessinée etque chacun a progressivement trouvé une nouvelle place dans leur lignée.

Je les ai rencontrés durant 6 séances, sur une période qui a duré 5 mois.

43La parentalité : regards pluriels

4.2. Simon et Dahlila

Simon me contacte sur le conseil de l’assistante sociale, parce que «son ex» l’a quitté 10mois plus tôt et que «c’est la guerre à chaque passage des enfants». Il explique que leurs fillessont régulièrement malades et que le professeur principal de l’ainée l’a convoqué parcequ’elle se réfugie plusieurs fois par semaine à l’infirmerie du collège. Il me dit également que«l’autre n’est même pas capable de voir que les filles souffrent du mal qu’elle fait à tout le monde».Il ajoute que si cela continue ainsi, il écrira au juge des enfants avec le soutien de l’infirmièrescolaire. Lors de notre première rencontre, Simon s’exprime avec beaucoup de colère. Ses pro-pos sont excessifs : Elle a toujours… elle ne fait jamais, c’est à chaque fois… Lui fait toutpour… Tout le monde lui dit… Le ton, le débit, les mots, la posture montrent sa colère. Nousen parlons. Puis la tristesse succède à la colère : il a été bafoué dans son amour pour elle.

Prendre le temps d’être avec lui dans cette expression, lui permet d’exprimer ce qu’il vit etde parler de la manière dont il le vit.

Durant ma rencontre avec Dahlila, j’observe qu’elle est calme, elle parle de ses émotionsavec discernement et clarté. Je le lui renvoie. Elle explique qu’elle savait que leur histoire étaitfinie bien avant son départ.

Dahlila constate également que leurs filles souffrent. Selon elles, les enfants souffrent destensions entre les parents et non de la séparation directement.

Elle est d’accord pour s’engager dans une médiation familiale même si elle n’y croit pasvraiment, «tant Simon a toujours été impulsif et ne sait pas se remettre en question.».

Lors du premier entretien qui les réunit, les tensions sont visibles et audibles : propos agres-sifs, interruptions régulières de chacun, reproches mutuels sur leurs compétences parentalesrespectives…

Je rappelle le cadre et leur demande de parler en leur nom. Les contraindre à utiliser le JE,modifie le rythme des échanges : ils réfléchissent avant de parler, ils choisissent leurs mots etvont jusqu’à sourire de la difficulté de cet exercice, allant même jusqu’à s’aider mutuellement.

Les enfants ont été la porte d’entrée de la médiation familiale : chacun reprochant à l’autreleurs conditions de vie au domicile de chacun des parents. En les invitant à s’exprimer sur cequi les amenait à vivre de telles émotions, je leur ai permis de se décentrer du sujet desenfants pour parler de leurs ressentis et de leurs besoins, de leur dé-liaison aussi.

Au fil des rencontres, chacun a pu exposer la perception qu’il a de son mode de vie, laissantla possibilité à l’autre de l’appréhender, de la questionner et de dire ce avec quoi il pouvaitêtre d’accord ou pas.

C’est ainsi qu’ils ont pu se séparer, c’est à dire ne plus s’obliger mutuellement au modèle del’autre, pour réfléchir à ce qui pouvait être différent et commun.

Lors de la dernière séance, Simon et Dahlila ont souhaité revenir sur les modalités concrètesde leur séparation et formaliser des accords sur l’organisation de la vie des filles avec chacund’eux. Je les ai accompagnés dans l’écriture de leur projet d’entente. Ils en sont les déposi-taires. Je ne sais pas toujours si les personnes les font homologuer par le juge aux affairesfamiliales. Je les ai rencontrés durant 5 séances.

Par Audrey RINGOTMédiatrice familiale et Présidente de l’Association de

promotion de la médiation familiale (APMF)

44 Le Fonds d’Assurance Formation de la Branche sanitaire, sociale et médico-sociale, privée à but non lucratifbl

Parentalité en petite enfance : réflexions sur une expérienceprofessionnelle et militante

La parentalité est un processus long et lent qui commence bien avant la conception d’unenfant et se poursuit durant toute la vie des parents. Ce processus est jalonné de momentsforts que certains qualifient de sensibles, comme l’adolescence par exemple. La période de lapetite enfance est, elle aussi, fondamentale dans ce travail de choix de valeurs éducatives etd’élaboration d’un projet de vie pour nos enfants. Durant les premières années de la vie del‘enfant, tout n’est pas joué mais il est vrai que les bases s’ancrent profondément et durable-ment… Et si ces valeurs et pratiques éducatives relèvent avant tout de l’intime et de l’histoirede chaque famille, elles résultent également d’un contexte sociétal et se nourrissent de la ren-contre avec d’autres.

Dans notre société aujourd’hui, plusieurs paramètres impactent la parentalité :≥ la profusion d’informations, de conseils parfois contradictoires, concernant la «bonne

manière» d’élever son enfant,≥ l’isolement familial et social qui touche de plus en plus de jeunes couples, ≥ les politiques dites «petite enfance» qui deviennent de plus en plus des enjeux écono-

miques au détriment des enjeux humains et sociétaux,≥ beaucoup de jeunes parents semblent décontenancés, voire angoissés à l’idée d’assumer

cette tâche.

Nous, professionnels de la petite enfance, avons le devoir d’être actifs auprès de ces famillesen devenir. Notre mission est de leur permettre de trouver les informations nécessaires à l’éla-boration d’un projet réfléchi. Nous œuvrons pour qu’ils parviennent à se construire uneparentalité assumée et non subie ou sous influence.

Nous proposons ici d’exposer une réalisation originale non seulement dans sa concrétisa-tion mais aussi dans la démarche d’ancrage territorial, institutionnel et politique, qui a initiéet accompagne toujours ce projet, le Centre Petite Enfance «L’Île aux enfants d’Auby». Résul-tant d’une alchimie complexe, ce projet a vu le jour grâce à la collaboration de différents par-tenaires de proximité (municipalité, Caisse d’allocations familiales (CAF), Protection mater-nelle et infantile (PMI), Éducation nationale, associations locales,…), de professionnels qui ontporté ce projet et de familles qui se sont impliquées pour rendre cette expérience aussi justeet riche.

Dans un premier temps, nous aborderons les fondements et valeurs qui portent les diffé-rents acteurs de ce projet. Ensuite le contexte et l’historique nous permettront d’éclairer l’ex-posé sur le cœur de notre travail au quotidien sur l’Île aux enfants.

45La parentalité : regards pluriels

1. Les valeurs cardinales et le sens de notre travail auprès des familles

Tout d’abord, précisons que ce projet est partie intégrante de celui d’un centre social asso-ciatif. Il adhère donc aux valeurs de solidarité, de dignité, d’équité et de respect avec uneattention particulière envers les populations fragilisées. Il représente un réel outil d’éducationpopulaire : nous reconnaissons à chacun la volonté et la capacité de progresser et de se déve-lopper, à tous les âges de la vie. Nous militons pour une société dans laquelle chacun puissetrouver sa place, nous sommes convaincus de l’importance d’initier à la citoyenneté et à la vieen groupe afin de faciliter l’émergence de lien social entre les personnes quelles qu’ellessoient. Nous recherchons systématiquement une démarche participative dans chacune denos actions. Il s’agit, pour nous, de s’appuyer sur des principes d’intervention qui se définis-sent à partir des trois énoncés suivants : initier sans influencer, accompagner sans dévaloriseret étayer sans juger.

Certaines problématiques sociales et culturelles touchent les familles que nous croisons etcomplexifient le processus de parentalisation. Il ne s’agit en aucun cas pour nous d’unmanque de compétences de ces parents. Nous considérons plutôt que cet environnement neleur permet pas toujours de mettre en place, développer et interroger ces compétences.Nous devons être vigilants à accompagner ces familles sans orienter leurs choix, sans présa-ger de leurs compétences et de leurs potentiels de changement. Notre rôle est simplementde leur donner accès à une information pertinente et de stimuler, si besoin, leur faculté depenser leurs choix et de poser des actes. Si notre projet a clairement une visée éducative pourles enfants que nous accueillons, il s’agit également de permettre au parent de se «qualifier»en tant que tel.

La majorité des structures Petite Enfance ne sont plus, en 2012, de traditionnelles crèchesoù la seule finalité est la garde des enfants de manière «aseptisée» pendant le temps de tra-vail de leurs parents. Cette conception de la crèche comme un lieu de garde dans lequel l’en-fant est en «dépôt» dans des conditions de sécurité et d’hygiène optimales , en attente de«reprise» par les parents pour être éduqué dans le giron familial, est largement dépassée . Sil’hygiène et la sécurité sont évidemment des conditions sine qua none de l’accompagnementéducatif, ce dernier est aujourd’hui bien plus ambitieux. Dans bon nombre de structures d’ac-cueil, qu’elles soient multi-accueil, relais d’assistantes maternelles, lieux d’accueil de type mai-son verte, ateliers parents/enfants, ludothèques… les projets déclinent des axes de travailautour de la parentalité. Ceux-ci sont souvent clairement affichés mais aussi parfois induitspar d’autres objectifs. À Auby, ce travail d’accompagnement est le résultat d’une volonté par-tagée entre la municipalité et le conseil d’administration du centre social. Sans abandonner letravail d’accompagnement social des jeunes et des adultes mené jusqu’alors, tous ont choisid’agir en amont des problèmes et ont misé sur une prévention précoce adaptée aux besoinsspécifiques de la population aubygeoise.

2. Bien connaître son public pour proposer une solution adaptée àses besoins et répondre à ses attentes

Auby est une commune de 7845 habitants proche de Douai, dans le Nord. Elle compte envi-ron 600 enfants de moins de six ans. D’ abord minière puis industrielle, Auby connaît un forttaux de chômage1 en raison de la fermeture successive de plusieurs sites industriels. 10% dela population vit avec le Revenu de Solidarité Active (RSA) et près de 12% accède aux soinsgrâce à la Couverture Maladie Universelle (CMU). 20% des ménages d’Auby ne possèdent pasde voiture.

Sa population, socialement et culturellement très variée, est répartie en trois quartiers

1 Près de 25% de la populationlocale active ; Auby 2011.

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(centre-ville, Asturies, Bon Air) bien repérés au niveau géographique (canal, voie ferro-viaire,…) qui revendiquent une identité propre  «Je ne suis pas d’Auby, j’habite lesAsturies !». Pour certains, il est important également de relever un vécu d’immigration (polo-naise et maghrébine) plus ou moins récent et plus ou moins problématique (regroupementsfamiliaux tardifs et freinés par le patronat local qui prônait un retour au pays). D’ailleurs, 7%de la population est de nationalité étrangère.

La typologie des familles est elle aussi très hétérogène avec 13.6% de familles monoparen-tales2 et 20% d’entre elles où la personne de référence est un homme.

Sur le Douaisis, les statistiques de décès de femmes suite à des complications liées à l’alcoolsont 3,2 fois supérieures à la moyenne nationale ; le taux du Syndrome d’alcoolisation fœtale(S.A.F) est lui de 3.5 fois supérieur à la moyenne nationale.

Des indicateurs témoignant d’un mal-être sont ainsi quotidiennement pointés par les pro-fessionnels intervenant sur la ville au regard de plusieurs axes de référence :≥ le champ sanitaire et social (Protection maternelle et infantile, Centre social, travailleurs

sociaux du département et du Centre communal d’ action sociale, médecins libéraux…) ; ≥ le champ éducatif (Éducation nationale, éducateurs Aide sociale à l’enfance,…) ;≥ le champ socio-économique (Caisse d’ allocations familiales de Douai, Pôle emploi, …).

Très souvent les familles cumulent différentes problématiques qui s’auto-alimentent par-fois : par exemple, des difficultés économiques entrainent une fragilité parentale qui s’enlisedans un tourbillon de dépenses pour compenser ses manques. Pour bon nombre de parents,les ressources socio-éducatives mobilisées restent très pauvres (avec pour raison essentielleleur isolement social et/ou culturel). Ainsi les problématiques diverses que rencontre cepublic se complexifient et s’enchevêtrent en s’opacifiant, tant pour les personnes elles-mêmes que pour les professionnels. Il semble nécessaire d’ajouter, pour nombre d’ entre elles,une situation que l’on pourrait qualifier d’«handicap familial», c’est-à-dire les séquelles psy-chiques et affectives laissées en héritage par les générations précédentes.

Sur Auby, on constate également un nombre important de familles «déracinées» qui sesont installées sur le territoire pour le travail. Certaines d’entre elles souffrent d’un isolementsocial et familial, amplifiant les difficultés classiques.

2.1. La petite histoire de l’Île aux enfants

Au début des années 90, suite à une forte décroissance de l’activité économique sur la com-mune et à une montée de la délinquance chez les jeunes, la municipalité affirme une réellevolonté de lutter contre cette «fatalité» et lance un diagnostic social sur la ville. Celui-ci sera labase d’une politique Petite enfance, associée à un travail sur la parentalité.

Parallèlement, une enquête est menée auprès de la population concernant les attentes etbesoins des familles d’enfants de moins de 6 ans : les finalités majeures de cette mobilisationautour de la petite enfance sont doubles. D’abord travailler avec les familles en amont desdifficultés de parentalité et ensuite poser chez les jeunes enfants les bases d’un développe-ment psychique le plus propice à leur épanouissement présent et futur.

La municipalité voit dans le Centre social P. Picasso, géré par une association loi 1901 com-posée d’usagers et de partenaires, le porteur adéquat d’un vaste programme d’actions. L’es-sentiel de leur définition affinée sera déléguée aux professionnels et aux familles. Des oppor-tunités de financements dans le cadre d’un contrat enfance et une volonté affichée de la

2 Taux supérieur de plus de 2%par rapport à la moyenne dépar-tementale

47La parentalité : regards pluriels

municipalité ont permis la mise en place des premières étapes de cette dynamique : des ate-liers parents/enfants en 1998 et l’élaboration, en collaboration avec les parents, d’un projet destructure multi-accueil. Il s’agissait de répondre conjointement au besoin de garde d’enfantsdont les parents travaillent et à des besoins éducatifs d’éveil et de socialisation en complé-ment du milieu de vie habituel. Cette structure a ouvert ses portes en février 1999. Progressi-vement, en lien avec l’émergence de nouveaux besoins et opportunités, diverses activités ontété mises en place. Certaines ont été éphémères tout comme la demande à laquelle ellesrépondaient, d’autres perdurent et se développent encore.

Pour remplir ses missions, le Centre petite enfance propose donc aujourd’hui de nom-breuses activités : établissement d’accueil de jeunes enfants, relais d’assistantes maternelles,garderie périscolaire, ludothèque, accueil de loisirs 2/4 ans, jardin d’éveil, lieu d’accueilparents-enfants, ateliers parents-enfants, groupe de paroles, réseau d’échange de compé-tences parentales. Ces activités visent non seulement à atteindre les objectifs inhérents à cha-cune d’ entre elles (moyen de garde, socialisation, éveil et loisirs pour les enfants, écoute, infor-mation, dialogue pour les parents) mais aussi à multiplier les portes d’entrée et ainsi êtreaccessibles à un maximum de familles en nombre et en diversité. Le centre se veut ainsi unvéritable espace ressource pour les jeunes familles. Par une attitude active de collaboration entreparents et professionnels, nous recherchons un travail authentique de guidance parentale.

Ces activités sont en constante adaptation en fonction de l’évolution des caractéristiqueset des besoins et demandes des familles : la gestion associative du Centre social facilite gran-dement cette réactivité. De plus, l’intégration de la structure dans le projet global du Centresocial est un atout majeur dans la continuité et la pertinence du suivi des familles et du ser-vice qui leur est rendu.

L’Île aux enfants est donc bien une réponse politique, institutionnelle et, nous allons ledévelopper, technique à des besoins sociaux et parentaux dans un contexte spécifique.

La majorité de ces actions se déroule non seulement dans les locaux du Centre petiteenfance, ancienne école ménagère située en centre-ville, mais également dans des locauxannexes, au cœur des quartiers excentrés. Le souci d’une proximité des lieux de vie desfamilles rend possibles une accessibilité facilitée et une meilleure prise en compte des réali-tés des quartiers.

2.2. Le travail quotidien à l’Île aux enfants

Rendre accessibles ces espaces d’accueil à toute famille, quelles que soient ses caractéris-tiques sociales, culturelles, ethniques, est une priorité majeure. Nous agissons en multipliantles portes d’entrée possibles, en formant les équipes professionnelles à l’accueil de la diver-sité et à la communication, en militant pour la qualification des règles de fonctionnement deces activités. Cela permet à chaque parent de trouver un interlocuteur, autre parent ou profes-sionnel, adapté à sa situation. Ainsi nous touchons près de 60% des enfants de moins de 3 ansde la commune.

L’Île aux enfants est un projet innovant à partir duquel l’accompagnement de la parentalitéfait partie du quotidien. Il est transversal à toutes nos actions. Nous accueillons quotidienne-ment entre 20 et 50 familles très diverses de par leur composition, leurs réalités de vie, leurhistoire… Un brassage social est recherché et encouragé pour offrir une palette de res-sources, y compris en dehors des professionnels.

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2.3. Fragments d’expériences vécues : une journée à l’Île aux enfants

< 8h00≥ Je me gare sur le parking de l’Île aux enfants. Il fait beau, le printemps est là !≥ Je ferme ma porte de voiture quand je vois arriver en courant, zigzaguant entre les voi-

tures, Lucie, à peine 2 ans, en pantalon et bottines d’hiver, anorak et cagoule.«Kakrine, Kakrine, momon elle pleure, elle est là-bas !»

≥ Je prends Lucie dans les bras : «Bonjour Lucie, ne t’inquiète pas, je vais m’occuper de tamaman !»

≥ Jeannette vient à notre rencontre. Elle est en larmes, et ses sanglots l’empêchent de parler.Je la serre dans mes bras tout en portant Lucie qui ne quitte pas mon regard.

≥ «Venez Jeannette, on va aller dans mon bureau.»≥ Dans ma tête les hypothèses fusent :

• son ex-compagnon violent est revenu faire du grabuge chez elle.• il y a un souci avec son futur bébé (Jeannette est enceinte de 6 mois)• elle n’a plus d’argent pour finir le mois et nous ne sommes que le 18 !

≥ Nous entrons le plus discrètement possible dans la structure et avançons vers mon bureau.

≥ Jeannette s’assoit.≥ Lucie grimpe sur ses genoux. ≥ Je lui avance la boite de mouchoirs et me mets à l’aise.≥ Les sanglots se calment peu à peu, tandis que Lucie me regarde toujours fixement.≥ «Tu restes un peu avec nous Lucie et ensuite tu rejoindras tes copines, d’ accord Maman ? Il fait

chaud ici, tu peux enlever ton manteau et ta cagoule.»≥ Jeannette acquiesce de la tête en se mouchant.≥ Je m’assieds et lui souris.≥ «J’ai perdu Maman hier, dit elle en reprenant ses pleurs, et je sais pas comment le dire à la

petite !»≥ Je me relève et la prends dans mes bras.≥ «Je sens qu’elle est importante pour vous. Elle habitait Auby ?»≥ «Non, on est de la Somme. Moi, je suis partie parce que le père de Lucie est d’ici. On se voyait

pas beaucoup, je n’ai pas le permis . . . Elle est veuve depuis 10 ans, car mon père est mort dansun accident de vélo, un peu après que je sois partie. Je lui téléphonais des fois et elle avaitenvoyé un cadeau pour l’anniversaire de la petite. Mais elle était malade, je voulais aller la voirmais j’ai pas pu…»

≥ Ses pleurs reprennent . . .

Les aléas de la vie perturbent d’autant plus une parentalité fragile. Une base de relation chaleu-reuse et fiable permet, le cas échéant, d’étayer cette fonction qui peut vaciller face à la peine et auxtracas de toutes sortes. La connaissance fine des familles permet une approche globale et person-nalisée de chaque situation. L’écoute active et empathique, le non-jugement entretiennent unerelation «sécure» où les parents peuvent se réfugier en toute confiance.

49La parentalité : regards pluriels

< 9h10≥ Madame J. entre dans mon bureau d’un pas décidé, en tirant par la main le petit Jordan,

30 mois, qui suit comme il peut !≥ «C’est pas normal, je dois aller faire mes papiers à la CAF de Douai et elles disent qu’il n’y a plus

de place et que je peux pas laisser Jordan ! Moi, je peux pas prendre le bus et faire la queue là-bas avec lui, il est infernal, il court partout…»

≥ En effet, Jordan est déjà grimpé sur une chaise et attrape les crayons sur le bureau. ≥ «Il faut que tu me le prennes, c’est pas possible !» ≥ Madame J. l’attrape brusquement par le bras et le repose au sol. Jordan se met alors à crier

en la frappant. Je l’arrête fermement. ≥ «Jordan, tu ne peux pas frapper Maman. Elle a raison, tu n’as pas le droit de toucher les

crayons ici. Assieds-toi sur le petit fauteuil panda pendant que je finis de discuter avec elle.Tiens, voilà un livre pour toi !» 

≥ Madame J. ramasse les crayons tombés au sol et les remet en place.≥ «Madame J., je comprends que ce n’est pas facile pour vous mais si ce matin la structure est

complète, on ne peut pas accueillir un enfant de plus. Peut-être pouvez-vous aller à la CAFdemain et comme çà, je bloque tout de suite la place pour Jordan ?» . . .

La gestion des comportements «violents» est aussi une compétence indispensable pour appré-hender des situations «explosives» qui pourraient très vite dégrader la relation. L’approche struc-turale redéfinit un cadre que certains fonctionnements intrafamiliaux ont oublié ou aban-donné…

< 9h30≥ Monsieur et Madame D. arrivent ensemble à leur rendez-vous pris deux jours auparavant.≥ Ils sont intimidés, hésitants. Je les accueille en leur serrant la main et leur propose un café

qu’ils acceptent. ≥ On s’installe autour de la table. ≥ Silence.≥ «Amandine va bien ?»≥ «Oui, oui, elle ne dort pas très bien en ce moment mais ça va.»≥ Silence≥ «Alors, qu’est ce qui se passe ?»≥ Monsieur et Madame D. se regardent, émus.≥ Monsieur prend la parole :

«Eh bien, nous nous séparons car ça ne va plus du tout nous deux, mais on ne veut pas que çaperturbe Amandine. Elle est encore petite et a besoin de nous deux et on ne veut pas qu’ellepâtisse de notre séparation»

≥ La maman pleure en silence en tortillant une peluche de sa fille qu’ils viennent de confieraux professionnelles du groupe des bébés.

≥ «Elle est trop petite pour lui dire alors on ne sait pas comment lui faire comprendre» . . .

Là encore, les parents sont désemparés quant à la posture a adopter avec leur jeune enfant. Ledeuil, les séparations, la perte d’emploi, sont autant de traverses à enjamber qui paralysent cer-tains d’entre eux. Nous sommes alors un point ressource précieux chez qui ils viennent, non seule-ment trouver une solution mais aussi une reconnaissance de leur souffrance.

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< 10h10≥ Je suis dans la rue près de la structure, des dossiers dans les bras pour me rendre à une

réunion à la mairie. Madame B., mère de Myriam, petite fille de 4 ans et demi porteused’handicap, que nous avons accueillie à 2 ans et accompagnée vers un service spécialisé,traverse la rue vivement et m’embrasse chaleureusement :

≥ «Tu sais pas, hier, l’assistante sociale du CMP a téléphoné : ils ont trouvé une place pour Myriamau Centre d’éducation motrice. Elle va pouvoir faire comme les autres. Ils viendront la chercheravec un minibus le matin et la ramèneront le soir  ; c’est comme si elle allait à l’école ! On vamême pouvoir visiter quand on va voir le directeur la semaine prochaine ! Tu viendras voir avecnous ? Je suis trop contente, merci beaucoup Catherine, c’est grâce à toi ! Je me sauve, je sais quetu es pressée !»

≥ Et la voilà repartie sans que j’aie pu dire un mot !

Nous accompagnons le passage des caps critiques et partageons ensuite les petits et grandsbonheurs !

< 12h30≥ Une auxiliaire de puériculture arrive précipitamment dans mon bureau : 

«Catherine, viens vite, Monsieur A. est venu chercher Ryan mais il est complètement saoul !»≥ Ryan a 16 mois ; il vient trois fois par semaine de 9h à 11h30, sur «orientation» de l’assistante

sociale du secteur. Ses parents, sans emploi, habitent à trois kilomètres de l’Île aux enfantset n’ont pas de véhicule.

≥ Je vais à la rencontre de Monsieur A. que je trouve, effectivement, très alcoolisé  : facièsrouge, en sueur, haleine caractéristique, parlant très fort et titubant par moments.

≥ Il tente de rhabiller Ryan qui pleure en raison des gestes maladroits et brusques de sonpère.

≥ «Bonjour Monsieur A., il me semble que ça vous est difficile de rhabiller Ryan, non ? Pensez vousque ça va aller ?»

≥ …Réponse incompréhensible.≥ «Écoutez Monsieur A. j’ai un souci : je ne pense pas que ce soit raisonnable de vous laisser repar-

tir avec Ryan, maintenant, à vélo, vous ne trouvez pas ? Il est midi et demi, les filles lui ont déjàdonné à manger, il va faire la sieste ici et, soit vous repassez si ça va mieux, ou quelqu’un d’autreviendra le chercher cette après-midi.» 

≥ «Non, c’est bon !» ≥ «Pour moi, ce n’est pas bon, Monsieur A., je n’ai pas le droit de vous laisser repartir avec Ryan si

je pense qu’il est en danger et je pense que l’emmener comme ça, en vélo, maintenant, c’est dan-gereux !». . .

Un soutien permanent et absolu de la responsable étaye si besoin l’équipe. L’intérêt de l’enfantest au centre des préoccupations Des solutions sont trouvées sur le champ pour ne pas disqualifierle parent et protéger l’enfant.

51La parentalité : regards pluriels

Ces quelques tranches de vie témoignent du travail d’accompagnement du quotidien deces parents. Cette approche est possible uniquement grâce à une confiance et à un respect par-tagés. Et pourtant, à première vue, rien ne semble différent ici : des enfants jouent, pleurent, des-sinent, grimpent, chantent, mangent et dorment, des adultes discutent, écoutent, pleurent,crient parfois, arrivent et partent tout au long de la journée, entre 7h et 19h, du lundi au samedi.Les espaces sont colorés, conviviaux et fonctionnels et le personnel souriant et poli !

Et pourtant… Voyons comment, par des stratégies réfléchies, par un «feeling» professionnelinspiré, par des techniques audacieuses parfois, notre spécificité prend toute sa dimension.

2.4. Accueillir et bientraiter

Tout commence par un accueil individualisé pour que tout parent qui franchit nos portes sesente reconnu et respecté tel qu’il est.

Quel que soit l’objet de sa venue, qu’il soit énoncé clairement ou sous-entendu dans lesmots ou comportements, une réponse satisfaisante est recherchée. À défaut une orientation,un relais vers un partenaire adapté, est proposée. Les professionnels ont tous été sensibilisésà ce travail de décryptage, de reformulation, de prise en compte spécifique de chaquedemande. Tout échange avec un parent est considéré comme vecteur d’une relation. Nousveillons à maintenir cette qualité d’écoute au quotidien et dans le temps en multipliant leséchanges informels, les rencontres plus anticipées ou les moments conviviaux.

Un autre axe de travail est mené directement auprès des enfants : quoi de plus valorisantpour un parent que son enfant soit sujet d’une attention bienveillante de la part de profes-sionnels.

2.5. Observer, informer et restituer

Cette attention portée à chaque enfant est rendue possible par la mise en place de la fonc-tion de référence : à chaque enfant est associée une professionnelle référente qui devient l’in-terlocutrice privilégiée des parents, le lien entre la maison et la structure. Nous ne sommespas dans une prise en charge exclusive de l’enfant. La référente connaît les habitudes particu-lières de l’enfant, son contexte familial, les valeurs éducatives de ses parents et s’en fait lerelais auprès de l’ensemble de l’équipe. En retour, elle est aussi chargée de transmettre auxparents toute information observée concernant leur enfant. Une réunion d’équipe mensuelleest consacrée à ces échanges, croisements de regards professionnels à propos des observa-tions menées. D’éventuelles attitudes éducatives communes à adopter dans la structureseront débattues et validées en accord avec les parents bien entendu.

Le bien fondé de ce travail d’observation est exposé lors d’un entretien entre la respon-sable et les parents avant l’accueil de tout enfant. Nous présentons, également, les valeursque nous, professionnels, défendons à l’Île aux enfants et auxquelles nous initions les enfants.Ces valeurs sont le respect, la tolérance, l’équité, incarnées par nos règles de fonctionnement.Nos choix pédagogiques et nos outils (jeux coopératifs, ateliers d’expression, valorisation dela diversité…) sont expliqués aux parents afin que la décision de nous confier leur enfant soitbien volontaire et qu’ils soient conscients des enjeux de ce choix. Cet entretien est un supportd’échanges très précieux sur les attentes et craintes des parents et permet de poser les basesd’une collaboration saine et durable.

52 Le Fonds d’Assurance Formation de la Branche sanitaire, sociale et médico-sociale, privée à but non lucratifbl

2.6. Coopérer et proposer des ressources

Cette coopération se traduit également par une présence active des parents à différentsniveaux. Par exemple, certains participent au Conseil d’établissement. Cette instance consul-tative permet de débattre des différents points de vue concernant l’organisation pratiquemais aussi d’aborder un travail de fond sur la qualité de l’accueil, les valeurs défendues dansla structure. Certains parents ont pris goût à l’engagement militant et ont intégré le Conseild’administration du centre social ou de l’association de parents d’élèves ou même siégé auConseil municipal !

L’implication de parents au sein des diverses activités du Centre Petite Enfance est forte-ment facilitée : nous réduisons au maximum les contraintes pour les parents tout en diver-sifiant les modalités de leur possible collaboration. La multiplication de ces espacesd’échanges nous permet de mieux connaître les attentes des parents, leurs éventuelles diffi-cultés, leurs espoirs. Nous pouvons alors agir en conséquence en déclinant ces connaissancesdans notre prise en charge professionnelle.

Afin que chacun puisse être acteur et responsable dans son cheminement de parent, il nousparait indispensable que l’accès à une information pertinente et raisonnée soit facilitée et libre.Un espace ressources avec livres, revues professionnelles spécialisées, DVD… est à dispositiondes familles au sein de nos locaux. Cette information passe également par des échanges entrepairs ou avec des «experts». Ainsi des groupes de parole complètent ce travail d’ouverture enpermettant aux parents de confronter leurs pratiques entre eux et /ou d’en débattre avec despersonnes «éclairées» qui, loin d’être dans le jugement, vont questionner le pourquoi et le com-ment de leurs choix éducatifs et pédagogiques dans une démarche formative.

2.7. Se former et être formateur

Le management de l’équipe est un pilier de ce projet pour lequel l’adhésion de tous les pro-fessionnels est indispensable tout autant que leurs compétences et qualités humaines.L’équipe est composée d’une vingtaine de femmes et d’un homme, de culture, de formationset d’expériences très diverses. La formation initiale et continue est étayée par des supervi-sions et un soutien hiérarchique constant, individualisé ou collectif. Tout ceci permet àl’équipe d’acquérir et de maintenir une réelle maîtrise émotionnelle et une expertise petiteenfance. La suprématie professionnelle n’est pas de mise dans cette équipe où le parent,quelles que soient ses limites et ses difficultés, est reconnu comme le premier éducateur deson enfant. L’expérience acquise au fil des rencontres de familles multiples a développé chezchaque membre de l’équipe une pertinence et une réactivité aux besoins spécifiques dechaque parent. Le choix d’une approche plurielle mixant des notions systémiques mais éga-lement de programmation neurolinguistique (PNL) et d’analyse transactionnelle (AT) est,encore une fois, voulu afin de libérer au maximum tous les champs possibles de la relation.

2.8. Indispensables partenariats et réseaux

Afin d’éviter à nos projets de s’asphyxier, l’ancrage partenarial nous est indispensable.Notre implication active dans différents réseaux et instances locales entretient ce partenariatet facilite le lien vers l’extérieur.

La pluralité est de mise dans cet ancrage qui se veut :≥ de proximité (médiathèque, foyer de personnes âgées,…) ;≥ d’expertise (Consultation médico-psychologique (CMP), Centre d’action médico-sociale

précoce (CAMSP), Protection maternelle et infantile (PMI)) ;≥ de pairs (autres structures du territoire ou plus éloignées) ;≥ fédéral (association Colline ACEPP Nord-Pas-de-Calais, Fédération des centres sociaux,

Association des ludothèques françaises (ALF)…).

53La parentalité : regards pluriels

Tous sont précieux et nous réinterrogent régulièrement sur le bien-fondé de nos actions etla pertinence de nos approches.

Notre engagement dans différents réseaux («pas de zéro de conduite pour les enfants demoins de 3 ans», Collectif Nord-Pas-de-Calais pour la qualité d’accueil de la petite enfance,ACEPP), notre participation à différentes instances (Commission d’accueil du jeune enfantpiloté par le Conseil général et la CAF du Nord), notre implication dans des associations ( «Entoute Familialité», Planning familial , «Naitre dans le Douaisis..») traduisent notre besoin d’in-teragir et d’échanger avec des collectifs partageant nos valeurs.

Conclure ?

Non, l’Île aux enfants n’est pas un conte pour enfants et l’ensemble n’est pas tout bleu etrose au pays des enfants heureux… Le doute, le découragement mais aussi la joie, la recon-naissance, font partie de ce travail d’accompagnement.

Oui, il y a encore trop d’informations préoccupantes qui sont lancées, trop de paquets demouchoirs qui sont vidés chaque mois dans mon bureau, trop de scolarisations traumati-santes… D’un autre coté, combien d’enfants ont découvert le bonheur de vivre ensemble ?Combien de parents moins seuls et désemparés ? La pressante question de l’évaluation de cetype de travail est souvent posée, notamment par des financeurs qui n’osent croire en desprojets où tout ne rentre pas dans les cases et par lesquels nous revendiquons le primat duqualitatif sur le quantitatif, de l’humain sur l’économique !

Gageons que, malgré la «toute puissante crise» qui justifie des logiques gestionnaires dra-coniennes, l’on puisse encore longtemps faire vivre ce type d’expérience innovante.

Nous militons pour qu’en dépit du financement à l’heure de garde réalisée, des évaluationsquantitatives où le qualitatif ne trouve plus sa place, de l’insertion insidieuse du monde «mar-chand» dans le paysage social et médico-social, la prise en compte globale de l’enfant et desa famille dans toutes ses dimensions ne devienne pas une utopie !

Parce qu’il n’existe pas de parentalité unique, qui serait meilleure que toute autre, nouscontinuons à œuvrer pour que toutes les parentalités puissent s’épanouir au regard de l’envi-ronnement socioculturel propre à chaque famille et dans le respect de l’unicité de chacun.

Par Catherine DEBRETCoordinatrice petite enfance

Directrice de l’établissement d’accueil de jeunes enfants (EAJE)Infirmière – Thérapeute familial systémique

1 P.C.RACAMIER et al. La mèreet l’enfant dans les psychoses dupostpartum, in L’évolution psy-chiatrique, 19612 LAMOUR, M, BARRACO, M.,Souffrances autour du berceau -Des émotions au soin, GaëtanMorin éditeur, 1998

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L’être parent : un parcours singulier…aux racines et expressions plurielles

Préambule

L’ être parent est ici synonyme de processus dynamique, de mouvement et d’évolution etse conjugue aux trois temps qui fondent la temporalité de l’être humain: le passé, le présentet le futur.

Psychologue clinicienne au sein d’un établissement qui accueille des adolescents en diffi-culté d’existence, en situation de mal-être et de souffrance, l’être parent est un sujet qui nouspréoccupe en permanence. La rencontre avec l’adolescent et celle avec son ou ses parents,nous permettent de mettre en évidence des troubles de la parentalité qui s’inscrivent autantqu’ils affectent alternativement et/ou simultanément différents domaines tels que : ≥ la transmission et la répétition intergénérationnelle de l’histoire familiale, sans oublier le

poids des secrets de famille, des non-dits ;≥ le processus d’attachement ;≥ les interactions précoces, les projections imaginaires ;≥ l’identité de parent, l’absence de «père dans la tête», le déni (le plus fréquent) de l’imago

paternel, c’est-à-dire la représentation du père élaborée à partir d’expériences infantiles etfixée dans l’inconscient durant l’enfance.

Notre propos ne se veut pas être un exposé de troubles et a pour objet de visiter quelquesprocessus psychiques inhérents à l’être parent, afin de mieux en comprendre les mécanismesà l’œuvre (conscients et/ou inconscients) et les articulations diverses.

Ainsi, après un essai de définition, nous étayerons successivement les notions de transmis-sion intergénérationnelle, d’attachement, d’interactions et de projections imaginaires avantde développer ce qu’est la parentalisation et ce qu’est être père et mère. Enfin, avant deconclure notre propos, nous avons choisi de nous arrêter sur les travaux de Didier HOUZELconcernant les phénomènes de la parentalité. Ces travaux nous semblent constituer un réfé-rentiel intéressant pour les professionnels qui œuvrent auprès et avec les parents.

1. Définition

Si la parentalité existe depuis l’apparition de l’être humain, elle se modifie et évolue avec lesépoques. De même, la culture n’est pas sans incidence sur cette notion.

La parentalité est un néologisme introduit pour la première fois en 1961 par le psychana-lyste Paul RACAMIER1 qui distinguait d’abord la mater nalité pour évoquer la crise psychiqueentraînée par la naissance d’un enfant.

Pour les psychanalystes auteurs de «Souffrances autour du berceau2», la parentalité peut sedéfinir comme l’ensemble des réaménagements psychiques et affectifs qui permettront àdes adultes de devenir parents, c’est-à-dire de répondre aux besoins de leur enfant au niveaudu corps (soins nourriciers), de la vie affective et de la vie psychique.

Certains auteurs parlent de la parentalité comme une crise analogue à celle de l’adoles-

55La parentalité : regards pluriels

cence et, comme toute crise liée à l’édification du rapport à soi (intériorité) et du rapport aumonde (extériorité), celle-ci peut entraîner des troubles spécifiques.

Une autre approche psychanalytique de la parentalité montre que l’organisation psychiquede l’individu ne peut se comprendre sans faire référence au groupe d’appartenance et que sastructure personnelle est empreinte de la structure du groupe dans lequel le sujet évolue.

Il existe d’autres approches qui privilégient la relation parentale en faisant l’impasse sur ladimension sociale par exemple, et pour lesquelles la parentalité prime sur l’organisation sociale.

La parentalité est l’un des facteurs et l’un des agents qui favorisent la transmission intergé-nérationnelle ; elle est, à ce titre, le creuset des identifications.

2. Les mécanismes à l’œuvre dans l’être parent 

2.1. La transmission intergénérationnelle

La parentalité n’est pas la parenté au sens biologique du terme. Être parent, ce n’est passeulement avoir un enfant, mais aussi pouvoir assurer sa descendance. Pour être parent, ilfaut comprendre et accepter que l’on ait tous un héritage tout autre que l’héritage génétique,celui qui relève de la transmission intergénérationnelle.

L’enfant, en héritant de l’histoire des générations, hérite aussi de leurs conflits intérieurs.Ainsi, dès qu’une femme est enceinte, elle contracte une dette symbolique vis-à-vis de sapropre mère, puisqu’elle la déloge de sa place initiale et la met au rang de grand-mère. Cettedette se transmet de génération en génération avec tous les conflits plus ou moins tus qu’ellesuppose.

Cette transmission porte d’abord sur l’enfant imaginaire ; la mère donne, inconsciemment,un héritage à l’enfant pendant la grossesse et les interactions commencent à ce stade. Déjà,dans le désir d’enfant, chacun des futurs père et mère, donne un héritage au bébé rêvé. Leprocessus de parentalisation comporte un enfant imaginaire, fruit de l’histoire trans -générationnelle. Tout cela constitue «l’arbre de vie»3. La parentalité se construit tout au longde la vie ; elle contient cette dimension temporelle fondamentale.

2.2. Le processus d’attachement

La parentalité est aussi au cœur de nombreuses questions qui ouvrent la porte du «biengrandir», de l’épanouissement de l’enfant et donc de son autonomie. Rappelons à ce sujetque l’autonomie de l’enfant nécessite séparation, ce qui sous-tend par exemple que lesparents ne soutiennent pas toujours l’enfant, qu’ils établissent une certaine distance entreeux et lui. Cette séparation, à entendre dans le sens d’une distanciation, est un facteur néces-saire et indispensable aux processus de maturation, de développement et d’identité de cha-cun. Elle est à distinguer de la rupture et ne peut être réduite au seul éloignement géogra-phique, par exemple. Il s’agit d’une distanciation psychique, c’est à-dire d’un espace psy-chique (au sein duquel cohabitent de nombreuses interactions) qui permet à chacun deconstruire en permanence sa propre identité psychique. L’identité psychique de l’enfant com-mence très tôt dans des jeux d’identification et d’introjection, toutes deux étant intimementliées aux projections parentales. Par ailleurs, la maturation psychique de l’enfant va contribuerà la conjugalité des parents. En effet, l’enfant, après avoir créé ses parents et de par son auto-nomie psychique grandissante, va être un maillon constitutif de leur fonctionnementd’homme et de femme.

La notion de séparation évoquée précédemment ne trouve son bien-fondé que dans l’exis-tence de l’attachement.

L’attachement est un phénomène universel. Tout être humain élit un être ou un objet

3 LEBOVICI.S, SOLIS-PONTON.L, La parentalité. Défi pour le 3e

millénaire, PUF 2002

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auquel il s’attache. Le processus d’attachement du tout petit enfant à une figure maternelleest, selon J. BOWLBY4, essentiel au «tréfonds de l’espèce humaine». Cet attachement provien-drait d’une pulsion primaire, d’un besoin relationnel ou social primaire. L’attachement est unlien affectif avec les personnes du système familial. Ce lien émotionnel contribue à larecherche de proximité et de contact avec les personnes auxquelles nous nous attachons,celles qui constituent les figures d’attachement. Selon cet auteur, un bébé placé dans les brasde sa mère, va se lover contre sa poitrine de façon réflexe et, en réaction, se produit chez elleune montée de lait. Le bébé a besoin d’un lien qui l’humanise ; il noue ainsi des attachementsprivilégiés grâce à la continuité et la fiabilité, c’est-à-dire qu’il construit des relations stables etsécurisantes. L’enfant construit un lien d’attachement différencié entre son père et sa mère,mais aussi différencié avec d’autres personnes. En effet, la construction des attachements nese limite pas aux relations parents-enfant. Les attachements, les liens, se diversifient et s’étof-fent au fur et à mesure que l’enfant grandit et s’autonomise. La théorie de l’attachement deBOWLBY diffère de celle de S. FREUD5 par exemple. En effet, FREUD avait observé chez le bébéhumain, que l’attachement à la mère obéissait à un programme inné et pour lui, l’attache-ment est lié à la libido.

Néanmoins, quelle que soit la théorie de l’attachement, ce dernier engage la disponibilitédu parent (disponibilité physique et psychique), sa sensibilité aux signaux de l’enfant et sacapacité à y répondre de façon adéquate. D.W. WIN NICOTT6, par exemple, ne disait-il pas quela mère se laisse «habiter» par cette préoccupation maternelle primaire qui consiste à iden-tifier les besoins de son bébé en s’y identifiant ?

Du côté des parents, ces liens commencent déjà pendant la grossesse, période pendantlaquelle père et mère développent de puissants sentiments d’attachement à l’égard du bébéimaginaire ; celui-ci sera confronté, à la naissance, au bébé réel et pour que cet attachementcontinue de se développer, il est essentiel que le degré de similitude entre les attentes paren-tales et la réalité du bébé soit grand.

En effet, si le décalage entre le bébé imaginaire, idéalisé, et le bébé réel est intense, ladéception parentale sera à la hauteur de ce décalage. De fait, le processus d’attachement peutsubir une altération forte, voire connaître une «rupture». Il importe qu’il y ait une certaine adé-quation, et peut-être dans certains cas, un ajustement entre imaginaire et réel afin que cha-cun, parent et enfant, s’accorde affectivement, condition sine qua non au développementd’un attachement sécure, élément fondateur de toute relation humaine.

Le lien d’attachement qui se crée entre un père et son enfant existe tout autant qu’entreune mère et son enfant. Le père passera par d’autres modes d’interactions avec son enfant.

Ce processus d’attachement n’est pas étranger aux interactions qu’elles soient fantasma-tiques, comportementales ou affectives.

2.3. Les interactions et les projections imaginaires

Les interactions se définissent comme l’ensemble des phénomènes qui se déroulent dansle temps entre un nourrisson et ses différents partenaires.

Le bébé se construit dans l’interaction autant qu’il la construit. Quand bébé naît, il a déjàvécu 9 mois au sein de l’utérus maternel ; il a appris à réagir et à s’adapter aux mouvementsde sa mère, à sa voix et à celle de son père.

Mère et bébé, mais aussi père et bébé vont interagir avec leurs comportements, leursaffects et leur vie psychique.

Les interactions fantasmatiques sont des influences réciproques de la vie psychique dechacun. C’est dans ces interactions que prend place l’enfant imaginaire, produit de la «gros-sesse de la tête», où interviennent les projections et les anticipations parentales. Le futur père

4 BOWLBY. J, Attachement etperte, PUF Paris, 1984

5 FREUD., S Trois essais sur lathéorie de la sexualité, 1905

6 WINNICOTT. D.W., Jeu et réa-lité, Gallimard Paris, 1975

57La parentalité : regards pluriels

a toute sa place dans ces interactions. Cette vie psychique, dans les relations précoces, va don-ner tout son sens aux interactions comportementales.

Les interactions comportementales sont observables : c’est la manière dont le comporte-ment de l’enfant et celui de la mère (et du père) s’agencent l’un par rapport à l’autre. Bébé estsurtout un être sensoriel, et tous ses sens sont en direction de la découverte des autres et dumonde. Mère et bébé dialoguent ainsi avec les yeux par exemple. En 1975, D.W. WINNICOTT7

évoquait le rôle du miroir que jouait la mère pour son bébé : le regard mutuel, en permettantl’intégration, de par le visage de la mère, d’états affectifs différents du bébé, va favoriser laconstitution d’une image de soi du nourrisson, distincte et différenciée de celle de sa mère.De plus, dans les premières heures, mère et bébé s’engagent dans un échange langagier: lebébé par ses cris, ses pleurs, puis plus tard, par ses vocalises variées, communique ce qu’il res-sent. De fait, la mère l’anticipe comme un sujet parlant. Il en est de même pour la sensibilitéacoustique : la mère va adapter le timbre de sa voix.

À la charnière de ces interactions et des interactions affectives, s’intercalent les comporte-ments de tendresse, avec les baisers, les caresses, dont on sait le rôle essentiel qu’ils jouentdans le processus d’attachement entre le petit enfant et ses parents.

Les interactions affectives sont des influences réciproques de la vie émotionnelle du bébéet de celle de sa mère (et de son père). Mère et bébé vivent dans un «bain d’affects» et D.N.STERN8 parle d’ «harmonisation des affects» ou encore d’ «accordage affectif» vers l’âge de 6-8 mois, pour signifier l’expérience subjective qui fait que la mère reproduit la qualité des étatsaffectifs de son bébé sur un autre mode que celui de son bébé ; par exemple, à un geste dubébé, correspondent des mots de la mère. Ainsi, nous voyons qu’à cet âge, ce n’est plus seule-ment la présence physique ou encore l’affectivité qui entrent en scène mais aussi les étatsmentaux et psychiques, telles les émotions, la raison… Les travaux de R. SPITZ9 dans ce qu’il anommé l’ «angoisse du 8e mois» montrent bien qu’à cette période de la vie, l’enfant acquiert lanotion de la «permanence de l’objet», c’est-à-dire la capacité de conserver une trace mnésiquedes personnes et des objets de son environnement.

Dans ce jeu complexe des interactions, le phénomène de la paren talisation mérite que l’ons’y attarde quelques instants.

3. Le concept de parentalisation : père - mère - enfant

Elle apparaît comme l’influence exercée par une personne, le bébé par exemple, sur le sen-timent qu’a un adulte d’être parent. Elle fait donc référence au vécu de l’identité parentale etau sentiment de compétence. Cette parentalisation concerne aussi de près la conjugalité. Eneffet, la qualité de l’alliance parentale exerce une influence sur la parentalité, et donc sur ledéveloppement de l’enfant.

Si père et mère constituent des fonctions symboliques, c’est à partir de passages successifsque s’élabore la place du sujet dans la fonction parentale. Ces passages sont : filiation (fils-fille)- sexualisation (homme-femme) - génération (père- mère).

Si la mère est le socle biologique vivant de l’enfant, c’est aussi dans un renoncement à cetordre et dans l’avènement d’un autre ordre, symbolique, lié à la loi du langage, qu’elle ouvreune voie d’humanité à son enfant. Pour ce faire, elle ne peut se débrouiller seule ; elle a besoind’un appui à l’extérieur, sur un ailleurs dont le père se fait gardien et représente ce queLACAN10 nomme «Le Nom du Père».

Dans le processus de parentification, le père a une fonction de soutien émotionnel à lamère (pendant la grossesse, lors de l’accouchement, …). Pour certains auteurs, le père mater-nalise d’abord sa femme avant d’être le père de son enfant ; de la même façon, la mère pater-na lise son mari, en «contrôlant l’accès» de ce dernier au bébé et favorise le développement de

7 D WINNICOTT. D.W., Op. cit

8 STERN D.N., La conversationd’avant le langage » dans Unenouvelle Science, la bébologie, G.Delaisi de Perceval. AutrementParis 1985.

9 SPITZ, R., De la naissance à laparole. La 1ère année de la vie. PUFParis 1968.

1 0 LACAN, J., Séminaire IIISeuil 1981.

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la paternalité. La mère contribue à la paternalité, et de façon symétrique, le père contribue àla maternalité. Ce mouvement les unit dans l’expérience de la parentalité.

Tout comme pour la mère, nous pouvons parler d’interaction dyadique père-nourrisson.Dans un cas comme dans l’autre, le bébé parentalise son père et sa mère.

S’il existait autrefois un courant de pensée qui montrait des similitudes entre père et mère,des recherches mettent en évidence que le père se différencie de la mère. Ainsi, l’un n’est pasl’autre, pour reprendre l’expression de Jean LE CAMUS11 et d’ajouter: «Dès la naissance, le pèrese représente, se désigne, se nomme comme père». Ainsi, tout comme on ne naît pas mère on nenaît pas père. À ce propos Patrick BEN SOUSSAN12 dit : «on n’est jamais le père de ses enfants,on le devient avec le temps»… et «ses enfants, ça ne dit rien de la possession»,… «Ça dit le lien, unlien, fragile, tissé au-dessus de la vie, de génération en génération».

À la différence du lien maternel, le lien paternel est marqué par un acte de reconnaissance.Pour devenir père, celui-ci va reconnaître l’enfant et l’affilier dans sa lignée. Pour l’homme, lepassage du statut de géniteur à celui de père peut être considéré comme un «acte de nais-sance sociale, un acte de culture», comme l’a démontré FREUD13. Par ailleurs, chaque culturedéfinit ses formes paternelles, comme le montrent Claude LEVI-STRAUSS14, Boris CYRULNIKet Michel LEMAY15.

B. CYRULNIK16, pour qui le père est en quelque sorte un «utérus en dehors du corps de lamère», résume la différence entre père et mère de la façon suivante : le père est plus dans lejeu, dans le faire, il stimule davantage, il est plus manuel et moins dans le langage ; tandis quela mère est plus tranquillisante et plus intellectuelle.

J. LE CAMUS17, pour sa part, distingue le «dialogue phasique» de la relation avec le père(discontinu et marqué par des mouvements) et le «dialogue tonique» de la relation à la mère(lent, continu, marqué par un maintien des postures). Dans la maternalité, la mère s’engageavec sa personnalité, son histoire personnelle et trans générationnelle, son histoire conjugale,les situations évènementielles, avec tout ce qui est conscient mais aussi avec tout ce qui estinconscient et elle va puiser dans ses premières relations. Tout en étant dans un processus devie, celui de donner la vie à un enfant, la jeune mère est confrontée à une série de deuils fon-damentaux : de la vie d’avant, de son corps d’adolescente, de sa grossesse, de l’enfant imagi-naire, … Cette évolution se retrouve aussi chez le père. Dans la paternalité, l’homme estamené à modifier sa place dans le cours des générations, il devient père comme son proprepère et il transmet son nom. De plus, les changements dans l’organisation de la vie familiale,l’amènent à prendre part de plus en plus aux soins de l’enfant (pater nagé). La vie fantasma-tique du père est aussi riche que celle de la mère ; il porte aussi en lui un enfant imaginaire,«un enfant dans la tête» pourrait-on dire.

Être père n’est donc pas être un substitut de la mère et réciproquement. Pour chacun, c’estoccuper une place dans la vie psychique de l’enfant, une place dont va dépendre l’identificationde la personne et sa santé psychique. Catherine SELLENET18 ne dit-elle pas : «un père n’est pasune mère bis ?». Le bébé, quant à lui, va différencier très précocement les soins paternels dessoins maternels grâce aux différentes expériences et à la tonalité affective de l’interaction. Danscette dynamique interactive, le bébé est un partenaire à part entière de par ses compétences et sa personnalité, de par son corps et sa riche sensorialité. Ses caractéristiques, ce que BRAZELTON19 appelle «tempérament», agissent sur le sentiment de compétence parentale.

Donc pour l’enfant, l’un n’est pas l’autre, et grandissant, il sait ce qu’il peut attendre de samère et de son père de façon différenciée. L’environnement, c’est-à-dire le père et la mère, etle nourrisson s’influencent réciproquement dans un processus de développement etd’échanges. Dans cette même dynamique, la notion de temporalité évoquée au début de cet

1 1 LE CAMUS, J., Pères etbébés. L’Harmattan Paris. 1995.1 2 BEN SOUSSAN P.,  Com-ment ça fonctionne un père. Edi-tion de la Martinière 2003

1 3 FREUD.S, Totem et Tabou,Paris Payot, 19511 4 LEVI-STRAUSS., C., Lesstructures élémentaires de laparenté, Paris-La Haye PUF 2e

édition Mouton, 19681 5 CYRULNIK. B et LEMAY. M.,Parlez-moi du père, Doc. VidéoAnthéa parole donnée, 19981 6 CYRULNIK. B, Ethologie dela naissance du père. In Devenir,19891 7 LE CAMUS, J., Op.cit

1 8 SELLENET. C.,  La parenta-lité décryptée, Edition L’harmat-tan, 2007

1 9 BRAZELTON T., Comporte-ment et compétence du nou-veau-né, dans Psychiatrie de l’en-fant, 1981

59La parentalité : regards pluriels

écrit, est importante : elle sous-tend une adaptation réciproque qui se déroule dans le temps. À chaque étape du développement de l’enfant (jusqu’à l’adolescence et encore après), cor-

respond un stade de la parentalité ; la parentalité est un processus maturatif. L’identité del’enfant et son moi se forment et se fondent dans le creuset de la vie psychique et relation-nelle de ses parents ; de même que la parentalité se forme et se fonde dans celle de l’enfant.Par ailleurs, chaque naissance réactualise le processus de parentification et cela, même si laprimauté est fondatrice des mécanismes psychiques qui le sous-tendent.

4. Qu’est-ce qu’une mère, qu’est- ce qu’un père?

Le désir de devenir parent s’inscrit dans nos instincts les plus fondamentaux, dans notrerencontre avec un sujet différent, dans nos rêves communs et dans notre histoire personnelle.

La fonction maternelle, tout comme la fonction paternelle, est loin d’être indépendante desfacteurs sociaux et même politiques. À ce sujet, E. BADINTER20 a montré que l’amour mater-nel n’est pas indépendant, dans son expression, du contexte historique, social et culturel.

La mère n’est pas davantage définie par une attitude morale que par des tâches spé-cifiques. Pour Gérard POUSSIN21, «un père, une mère, c’est une personne qui présente un com-portement qui correspond à ce que l’on attend de la fonction parentale à une époque donnée etdans une culture donnée, qui s’identifie à cette fonction et qui est reconnue par l’enfant dans cetteidentité-là».

De quel père parlons-nous lorsque nous disons qu’un enfant a besoin d’un père ?

Si l’on se réfère à Françoise HURSTEL22, nous distinguons :≥ le père au sens social de la fonction, celui qui élève l’enfant et que l’on qualifie de «parent

au quotidien» ;≥ le père au sens biologique, géniteur qui a donné la vie ;≥ le père légal, celui qui a reconnu l’enfant et l’a inscrit dans sa filiation en lui transmettant son

nom (ou non). Rappelons ici que le patronyme est un élément de la construction identitaire ;≥ le père œdipien, c’est-à-dire en position de tiers séparateur entre la mère et l’enfant.

Ce père «œdipien» est en quelque sorte le «père dans la tête» dont l’enfant a besoin pourse construire, en plus du papa dans la réalité. Ce «père dans la tête» est l’instance symboliqueindispensable à l’élaboration psychique, au processus d’individuation.

En effet, le père n’est pas uniquement le papa ; le père, au sens où on l’entend quand on ditqu’un enfant a besoin d’un père, représente 3 choses simultanément :

≥ d’abord le père géniteur (au sens biologique), dont l’enfant, même si il ne l’a jamais vu, doiten connaître l’existence et l’identité ;

≥ c’est le papa, compagnon ou mari de la mère, celui qui élève l’enfant ;≥ et surtout, une «instance paternelle», c’est à-dire une instance symbolique que l’enfant doit

intérioriser, donc les «place et fonction» du père.

Pour les psychanalystes, plus que de fonction paternelle, il est davantage question d’ins-tance paternelle. Ainsi, François MARTY23 expose les trois pères qui constituent cette mêmeinstance : le père réel, le père imaginaire et le père symbolique.

Ces trois pères habituellement n’en font qu’un, même si chaque registre peut être distin-gué. Le père, c’est le «nouage» de ces trois registres en une unité singulière qui assure à lafonction paternelle une importance qui dépasse la seule reproduction ; c’est leur nouage quidonne au père sa consistance et son efficacité.

Le père réel est, par définition, incertain. «Mater certissima est, pater incertum». Il n’inter-

2 0 BADINTER, E., L’amour enplus, Flammarion Paris, 1980

2 1 POUSSIN, G., Qu’est-qu’une mère? Qu’est-ce qu’unpère? , Dans De la parenté à laparentalité. Ed. Erès, 2001

2 2 HURSTEL, F., Fonctionpaternelle et recompositionsfamiliales, dans Le Journal desPsychologues, Avril 2002

2 3 Marty, F., La parentalité : unnouveau concept pour quellesréalités ? La place du père. In Car-net/psy numéro 81.

60 Le Fonds d’Assurance Formation de la Branche sanitaire, sociale et médico-sociale, privée à but non lucratifbl

vient pas sur la scène de l’imaginaire et du symbolique. Il peut laisser vacante la place du père,celle qui fait fonctionner le rapport à la loi et l’interdit.

Le père imaginaire est le père idéal auquel chacun essaie de se conformer et auquel chacunpeut se référer ; il peut servir de recours à la mère autant qu’à l’enfant.

Pour Marcel RUFO24, pédopsychiatre, le père imaginaire c’est celui que chacun rêveraitd’avoir et sur lequel il projette ce qu’il attend et que le père de la réalité ne lui donne pas. C’esten cela qu’il est le père du roman familial que chacun va «chercher à travers différentes figuressusceptibles de s’en approcher».

Le père symbolique est celui qui introduit le sujet au monde du langage, mais aussi dudésir. Il est aussi le représentant de la loi, mais il n’est pas la loi ; cette place symbolique dupère doit être présente dans le discours maternel. «Penser ainsi le père, c’est entrevoir la placequ’occupe pour la mère son propre père».

Selon Marcel RUFO, il est le tiers qui met fin à la relation duelle avec la mère, qui permet à lavie psychique «d’échapper à la confusion», en introduisant la dimension du symbolique et dela loi.

Enfin, toujours pour Marcel RUFO, l’équilibre de l’enfant dépend avant tout de l’articulationde ces différents pères dans son psychisme. Pour lui, le père est «toujours une mosaïqued’images mêlant réel et imaginaire… et cette mosaïque n’est jamais complète»…

Cette instance paternelle dont nous venons de définir les contours et que nous avonsétayée, et donc ce père en lui, est nécessaire à l’enfant pour se situer et savoir qui il est. Pourcela, il doit connaître 3 choses fondamentales : ≥ d’où il vient. comme tout un chacun, il est issu de 2 lignées, il a une origine, des racines et

une place ;≥ il doit apprendre que sa mère a besoin d’un homme et cela lui permet de relativiser la

toute-puissance qu’il lui attribue et lui donne un point d’appui pour se séparer d’elle etgrandir ;

≥ enfin, la mère a eu au moins un homme dans sa vie, donc l’enfant peut prendre conscienceque, dans la vie de sa mère, il existe un espace auquel il n’a pas accès. Dire à un enfant qu’ila un père, c’est mettre les conditions pour qu’il intègre l’interdit de l’inceste.

En fait, avoir un «père dans la tête» c’est, pour un enfant, passer de la relation dyadique à larelation triadique. C’est poser l’existence, entre lui et sa mère, d’un tiers investi d’une autorité,puisqu’il a le pouvoir de par son existence, de lui interdire cette mère. C’est parce qu’il a de saplace ce pouvoir initial, que le père représente l’autorité et la loi.

Pour résumer, nous pouvons dire que la fonction paternelle est indispensable pour per-mettre au sujet de devenir un être social. Le père fait de l’enfant un sujet social ; il ne s’opposepas à la mère mais vient la compléter. Il est l’autre de la mère, mais il n’est pas son symétrique.Dire père, c’est entrer dans le registre de la génération, c’est se situer par rapport aux autres etaccéder à la dimension de la socialisation. Et penser le père ne peut se faire sans la mère.

Par ailleurs, la fonction paternelle intervient aussi au niveau du développement affectif enassurant les possibilités d’autonomie et d’indépendance, nécessaires à une vie affective«équilibrée» et ce grâce à la fonction de séparation, de différenciation, de tiers séparateurentre la mère et l’enfant. Le père doit éduquer son enfant dans le sens étymologique du mot«educare» : faire sortir, conduire en dehors de soi. La fonction paternelle se manifeste dans desdomaines tels que la protection, l’éducation, l’initiation, la séparation et la filiation.

Nous partageons aisément la terminologie de Jean LE CAMUS25 lorsqu’il parle du père en

2 4 M. RUFO. , Chacun chercheun père, Edition Anne Carrière,2009

2 5 LE CAMUS, J., Le vrai rôledu père, Edition Odile Jacob.2000

2 6 HOUZEL, D., Les enjeux dela parentalité, Ed. Erès, 2001

61La parentalité : regards pluriels

tant que «c’est le premier “Autre“ et qu’il occupe une place de tiers». Jean LE CAMUS25 opte pourcette position de père pour ne pas risquer d’enfermer le père dans une fonction qui s’exerceplus à travers une image et un nom qu’à travers des actes inscrits dans la vie quotidienne.

La fonction paternelle participe aussi au développement de la confiance en soi grâce à lafonction d’identification qu’elle contient.

Enfin, elle contribue également à l’organisation de la personnalité dans la mesure où ellepermet la constitution d’un surmoi stable de par sa fonction de rapport à la loi.

Si la fonction maternelle apporte les soins de base, la proximité, quelque chose qui a à voiravec la contenance et la spatialité, l’enveloppement et l’immédiateté, la fonction paternelle,quant à elle, apporte une autre temporalité, tournée vers le futur. C’est dans ces deux fonc-tions que l’enfant va puiser les repères qui lui permettront de se trouver lui-même.

Ainsi, même si le père et la mère ont des rôles complémentaires et interchangeables, lematernel semble davantage dans le registre de l’intime, de l’intérieur, tandis que le paternelse situe du côté de l’ouverture au monde, de l’extérieur.

En conclusion, tous s’accordent à dire que le père n’existe pas tout seul. C’est la mère qui ledésigne à son enfant comme père ; d’une certaine façon, comme le souligne Marcel RUFO, onpeut repérer ici une certaine fragilité de la condition paternelle, car le père dépend de la mèreen ce sens qu’elle lui accordera ou non la place qui est la sienne.

Comme nous l’avons énoncé précédemment, si le père n’est pas la mère et si la mère n’estpas le père quels que soient les rôles qu’ils assument par ailleurs auprès de l’enfant en fonc-tion des circonstances, des époques et des cultures, arrêtons-nous maintenant sur ce qu’il enest des phénomènes de la parentalité et notamment sur ce que sont les fonctions et lestâches parentales.

5. Les phénomènes de la parentalité

Didier HOUZEL26 analyse les phénomènes de la parentalité selon 3 axes : l’exercice, l’expé-rience et la pratique de la parentalité ; notons que dans la réalité, ils sont indissociables etinterdépendants.

L’exercice de la parentalité constitue en quelque sorte l’identité de la parentalité. Il correspond au niveau symbolique et il définit les cadres nécessaires pour qu’une famille

et un individu puissent se développer. Il a trait aux droits et aux devoirs attachés aux fonctions parentales, à la place de chacun

(enfant, père et mère) dans une filiation et une généalogie.

L’expérience de la parentalité est l’expérience psychique subjective, (ressenti, vécu) despersonnes qui assurent les fonctions parentales.

Les fonctions parentales sont essentiellement d’ordre relationnel ; elles correspondent à cequ’est personnellement, psychologiquement et affectivement chacun des 2 parents, en tantqu’homme et femme, c’est-à-dire père et mère de l’enfant. Elles sont liées au réel et au sym-bolique de chacun des parents et ne sont donc pas humainement interchangeables.

Elles concernent l’être père et l’être mère dans les relations qu’ils nouent avec l’enfant, cha-cun selon son propre sexe, pour permettre les attachements, les rivalités et les identificationsnécessaires au développement psychoaffectif harmonieux de chaque être humain.

Elles conduisent chacun à se construire positivement sur le plan mental et affectif, aux dif-férents moments de son évolution, de la petite enfance à l’adolescence et à l’âge adulte.

Les fonctions parentales pourraient être qualifiées de la manière suivante : apaisante, sécurisante,stimulante, nourricière, de symbolisation, conte nante, socialisante, transmettant des valeurs, …

62 Le Fonds d’Assurance Formation de la Branche sanitaire, sociale et médico-sociale, privée à but non lucratifbl

Elles sont diversement remplies par les parents selon la société dans laquelle ils vivent etselon la personnalité de chacun.

La pratique de la parentalité correspond aux qualités de la parentalité. Elle concerne les tâches effectives, objectivement observables qui incombent à chaque

parent. C’est la mise en œuvre des soins parentaux et des interactions parents-enfant. Ces tâches sont toujours partiellement déléguées à des adultes même quand l’enfant est

élevé par ses parents. Bien souvent, elles font l’objet de suppléance tout au long de la crois-sance de l’enfant.

Les rôles parentaux, à la différence des fonctions parentales, sont humainement interchan-geables; ils peuvent être assumés par l’un ou l’autre des parents, en fonction des circons-tances, des époques, des cultures.

Paul DURNING27 propose un référentiel des tâches parentales habituellement effectuéespar la famille : les tâches domestiques, techniques, de garde, d’élevage, éducatives et sociali-santes, de suivi et de référence sociale.

On pourrait dire que les fonctions parentales sont exercées au niveau symbolique, vécuesau niveau de l’expérience et médiatisées dans la pratique.

Des dysfonctionnements peuvent apparaître sur chacun de ces 3 axes, soit par défaut, soitpar excès, à un moment donné de l’histoire personnelle de chacun.

La parentalité «partielle» est à considérer comme la part que les parents, même malades,peuvent assumer, au moins en partie sur tel ou tel axe de la parentalité. Il est essentiel, dansnotre accompagnement, de reconnaître avec les parents leurs savoir-faire et leur savoir-êtreet de les valoriser. Cette reconnaissance peut constituer un des prémices indispensables à larestauration narcissique du parent et, par voie de conséquence, à sa manière d’être parentavec son enfant.

En effet, mettre en valeur ces parentalités partielles permet simultanément 3 choses : ≥ réduire la blessure narcissique et donc la souffrance que subit tout parent reconnu comme

défaillant dans sa parentalité ;≥ favoriser la construction, dans le monde interne de l’enfant, d’imagos parentaux de bonne

qualité ;≥ éviter de favoriser des clivages qui s’opèrent lorsqu’un enfant est confronté à la dualité des

figures parentales, les unes présentées comme compétentes et les autres déclarées incom-pétentes, voire même dangereuses.

Précisons que les troubles de la parentalité peuvent être consécutifs aux remaniementspsychiques que la naissance implique, mais que des troubles du comportement et/ou de lapersonnalité peuvent préexister chez certaines personnes. Dans ce cas, les troubles liés à laparentalité pourront venir accentuer les difficultés existentielles préexistantes.

2 7 DURNING, P., dans Avoirmal et faire mal, Les formes de laviolence du côté parental deCatherine SELLENET. Ed. Hommeset perspectives, 2001

63La parentalité : regards pluriels

Conclusion

Au terme de nos propos, rappelons que la famille est le lieu d’inscription de l’enfant dansune généalogie et dans une filiation, inscription nécessaire à la constitution de son identité età son processus d’humanisation. Par ailleurs, la famille est le lieu de confrontation aux diffé-rences fondatrices que tout psychisme humain doit affronter et résoudre, c’est-à-dire la diffé-rence de soi et de l’autre (l’altérité), la différence des sexes et des générations. Enfin, elle estaussi le premier lieu de socialisation de l’enfant.

Aujourd’hui, peut-être plus qu’autrefois, la parentalité est au carrefour des préoccupationsd’éducation, de socialisation et de maturation de l’enfant ; tout naturellement, elle constitueun vaste espace de réflexions et d’actions pour tout acteur du champ social.

Désormais, nous sommes dans un système de pensée (et donc d’actions à développer) decoresponsabilité. D’une culture de frontière, nous sommes passés dans une culture du lienqu’il nous faut étayer et faire progresser. Cette culture du lien sous-tend et implique unereconnaissance des capacités, des potentialités, des compétences de chacun. Qu’il soit parent, enfant ou acteur professionnel, chacun a sa place bien précise. La reconnaissance decette complémentarité entre les différents acteurs, partenaires à part entière, permet de pas-ser d’une logique de substitution parentale à une logique de suppléance parentale lorsqu’il ya défaillance. C’est précisément cette fonction parentale que nous devons soutenir, étayer etaccompagner en tant que professionnels. Pour ce faire, nous devons nous interroger sur l’ef-fet de notre intervention, de notre action sur la parentalité, à savoir : en quoi l’étayons-nouset/ou en quoi la paralysons-nous ?

Nous référant toujours aux travaux de D. HOUZEL28, 3 niveaux d’analyse permettentd’identifier ces processus et surtout, de définir le travail d’élaboration nécessaire et indispen-sable à toute intervention sur la parentalité. Chaque intervenant mais aussi chaque équipedoit : ≥ apprécier objectivement la structure et l’organisation de la cellule familiale (dynamique

relationnelle et communicative, nature des liens, …) ; ≥ se représenter de manière convergente la situation familiale, ce qui nécessite d’avoir une

représentation claire et précise sur ses propres représentations de père, mère et enfantainsi que des liens et interactions qui se jouent entre eux ;

≥ veiller à ne pas reproduire (phénomène de contamination) les mécanismes pathologiquesrepérés au sein du fonctionnement familial.

Par Béatrice COTTON Psychologue clinicienne auprès d’adolescents et de leurs parents dans une MECS

et responsable de l’atelier des parents de cette même MECS

2 8 HOUZEL, D., Op.cit.

64 Le Fonds d’Assurance Formation de la Branche sanitaire, sociale et médico-sociale, privée à but non lucratifbl

L’atelier des parents : une réponse singulière à des parents d’adolescents en difficulté dans leur être parent

À l’adolescence, on éprouve le besoin de s’affirmer vis-à-vis de ses parents, d’être autonomeet responsable, mais on a aussi conscience que ce n’est pas toujours facile de sortir du cocondouillet de l’enfance. L’irruption de l’adolescence représente pour de nombreux parents unesource d’inquiétude due, en grande partie, au sentiment de perte de contrôle.

Parce que l’adolescence enclenche l’inéluctable séparation entre le parent et l’enfant, sépa-ration psychique avant d’être sociale, elle exige du parent une disponibilité psychique qui luipermette de tolérer peu à peu cette absence nouvelle, largement teintée d’incertitude.Inconsciemment au moins, il se passe quelque chose chez le parent de l’ordre d’une luttecontre l’angoisse de la perte de l’emprise.

Cherchant à se détacher de cette emprise familiale, l’adolescent se tourne vers les copains.Le groupe de pairs devient alors pour l’adolescent le lieu de nouvelles identifications. Face àcette revendication du statut d’adolescent et à ces changements, les parents font comme ilspeuvent et sont confrontés au renoncement, au fait qu’ils ne peuvent pas tout faire. Ils obser-vent, désemparés parfois, les transformations diverses qui s’opèrent chez leurs enfants ; ils sesentent souvent seuls et démunis.

Ainsi, si l’adolescent subit des bouleversements physiques, psychiques et identitaires, lesparents connaissent aussi des remaniements dans leur être parent, «un peu comme s’ilsvivaient une nouvelle naissance : l’adolescence de leur enfant»1. Et Alain BRACONNIER d’ajou-ter : «on devient parent d’adolescent comme on est devenu parent à la naissance du bébé»2.

En effet, l’être parent n’est pas figé, défini une fois pour toutes ; il est inscrit dans une tem-poralité dynamique qui se conjugue à tous les temps. Tout comme on n’est pas devenuparent d’emblée, on ne cesse de le devenir, et chacun est constamment remis en questiondans cette qualité parentale. Être parent d’adolescent ne va donc pas toujours de soi.

Par ailleurs, si l’adolescent change, capable en particulier de procréer, les parents, quant àeux, sont aussi «souvent confrontés à une crise, la crise du milieu de vie, que les remises en ques-tion des adolescents ne font qu’accentuer»3, sans oublier que l’adolescence de nos enfantsnous ramène à notre propre adolescence.

Du côté du père de l’adolescent, il s’opère une certaine nouveauté, voire même une spécifi-cité, surtout quand il s’agit du fils. En effet, si l’un des aspects de la fonction paternelle est ce«héros» ou ce «géant» dont parle Marcel RUFO4 si le père est objet d’admiration à la diffé-rence de la mère qui est objet d’amour, ce même héros a une existence éphémère. Cettereprésentation de père idéalisé qui se construit chez le jeune enfant, «ce costume endossé par

1 NEYRAND, G., La culture devos adolescents, Edition Fleurus,20022 BRACONNIER, A., L’adolescentaux mille visages, Edition OdileJacob, 1998

3 «Être parent aujourd‘hui».http://www.couplesfamilles.be

4 , 5 , 6 RUFO, M., Chacuncherche un père, Edition AnneCarrière, 2009

65La parentalité : regards pluriels

le père»5 va lui être retiré, particulièrement à la période de l’adolescence, et peut-être encoreplus par l’adolescent, ce futur homme et ce futur père. L’adolescent va attaquer son père, lecritiquer,… il va déployer une énergie certaine à «faire redescendre ce héros du piédestal où ill’avait installé»6. Le «Zorro n’est plus qu’un zéro» de Marcel RUFO illustre cette déconstructionnécessaire et indispensable pour l’adolescent, déconstruction non pas dans le sens de lanégation, mais bien dans le sens d’un renoncement qui participe à la construction identitairedu futur homme.

Au regard de ces remaniements multiples, de ces changements pluriels, chacun, parent etenfant, doit poursuivre son parcours de vie et à cette période de l’adolescence, les relationsavec les parents deviennent parfois conflictuelles. Pas facile alors pour l’adolescent d’accep-ter les limites quand on a envie de tout faire vite et en même temps. Pour l’adolescent, commepour le parent, tout devient sujet sensible : les sorties et les fréquentations, l’argent de poche,les résultats scolaires, la vie de famille… Ainsi, entre conflit et négociation, il est nécessaired’apporter à l’adolescent tout autant l’écoute dont il a besoin qu’une référence adulte pourl’aider à trouver sa route. Il est aussi parfois nécessaire d’accompagner les parents dans cettenouvelle ère de vie. S’il importe en tant que parent de tenir, il est tout aussi important de mon-trer aux enfants qu’il n’y a pas qu’eux dans la vie et que les parents sont animés du désir devivre de nouvelles expériences.

Ce trouble parental, cette difficulté à être parent d’adolescent et cette souffrance consécu-tive, nous y sommes confrontés régulièrement lors de nos rencontres avec les parents et nousdéfendons l’idée que l’accompagnement des adolescents qui nous sont confiés doit se dou-bler d’une attention toute singulière auprès de leurs parents. C’est ainsi que l’atelier desparents a ouvert ses portes en avril 20107, après un long temps d’échanges et de formation.Il accueille des adolescents et adolescentes en hébergement et en accueil de jour.

L’atelier des parents, espace et lieu de construction commune, de co-élaboration, est ouvertà tous les parents qui ont un enfant accueilli dans l’établissement, y compris lorsque lesenfants sont majeurs. Accompagner ces parents dans le cadre de l’atelier correspond à parti-ciper à un lien social impliquant parents et professionnels, chacun à sa place et ensemble.

Au sein de l’atelier des parents, il ne s’agit pas de soutenir (se placer en dessous), ni de gui-der (se placer devant), ni même de suivre (se placer derrière) et encore moins de surveiller oude corriger. Cet espace-temps n’est pas un espace thérapeutique, ni un espace éducatif. Il nes’agit pas d’aller à la recherche du fantôme caché dans le placard, mais de permettre auxparents de dire comment ils se sentent et se vivent parents, comment ils investissent la rela-tion à leur enfant, comment ils se le représentent.

L’atelier des parents est destiné à des parents d’adolescents, lesquels viennent bousculer etinterroger la frontière générationnelle, mais aussi bousculer les parents dans l’exercice deleurs rôles parentaux et dans leur fonction parentale, alors même qu’ils sont et /ou se sententdéjà fragilisés par leur histoire personnelle, conjugale et familiale. Ils peuvent venir «déposer»leurs difficultés, leurs souffrances, leurs incompréhensions ; dire leur trouble, leur isolement,leur solitude,…

L’atelier des parents est un espace où les parents sont acteurs à part entière, de par leurchoix de participer d’abord et ensuite de par leur expression. Il est un espace d’accueil,d’échange, de parole et d’écoute. Cette notion d’espace est fondamentale dans le sens où cetespace peut entrer en résonance avec l’espace psychique de chacun. De fait, il est contenant

7 Centre des Apprentissages dePhalempin (Maison d’enfants àcaractère social de la sauvegardedu Nord) 

66 Le Fonds d’Assurance Formation de la Branche sanitaire, sociale et médico-sociale, privée à but non lucratifbl

tout en étant chaleureux et convivial, repéré et repérant, mais aussi sécurisant et, de fait, sou-mis à certaines règles (respect de la parole de l’autre, confidentialité, non-jugement,…) etconnaît une rythmicité repérée.

Il se veut être un lieu ressource dans la rencontre avec d’autres parents d’abord et avec desprofessionnels ensuite. Il est co-animé par la psychologue et une éducatrice spécialisée. Cetteco-animation est indispensable afin de permettre un regard croisé sur ce qui se vit ets’échange.

L’atelier des parents a le souci constant d’être créatif et innovant en termes de propositionsaux parents, tout en étant ouvert aux suggestions de ces derniers.

Depuis sa création, il s’est ainsi diversifié dans son contenu, dans ses différents supportsd’expression et de partage. À l’origine, nous avions des temps d’échanges à partir des proposémis par les parents, c’est-à-dire leurs préoccupations et les difficultés rencontrées avec leurenfant dans leur vie de tous les jours. Ensuite, nous avons et continuons d’utiliser des items dujeu «Chemins de parents» destiné aux parents, élaboré par l’école des parents, pour en arriveraujourd’hui à utiliser des extraits de revues et/ou d’émissions télévisées (à la demande de cer-tains parents) comme support aux discussions. Les parents qui participent, régulièrement oupas (il n’y a aucune contrainte quant à la participation), semblent satisfaits de ces supportsdiversifiés. En effet, même s’ils se retrouvent dans les questions ou réflexions, il semble qu’ilsparviennent davantage à se décentrer de leur vécu quotidien, à s’interroger et à réfléchirautrement.

Par ailleurs, le journal de l’atelier des parents, suggestion qui leur a été faite dès le départ, atrouvé un écho très favorable chez les parents et suscite encore aujourd’hui un vif intérêt deleur part. Ce journal, destiné à tous les parents, (même à ceux qui ne participent pas à l’atelierdes parents) constitue pour certains une fierté, pour d’autres une reconnaissance : c’est leurjournal ! Il retranscrit, de façon anonyme, les échanges, les questionnements et les réflexionsqui ont lieu une fois par mois pendant deux heures, dans un climat de convivialité, de bonnehumeur et surtout de non-jugement. Il contient aussi des photos, des commentaires deparents,… provenant des repas que nous savourons ensemble et des sorties, plutôt cultu-relles jusqu’à ce jour, (au moins deux dans l’année, été et hiver) que nous vivons ensemble. Lejournal, tout comme les temps de repas, ont lieu trimestriellement, au rythme des saisons.

Enfin, en accord avec les parents, un album photo qui s’étoffe lors de chaque repas et sortie estune trace de la mémoire collective que les parents apprécient de feuilleter et re-feuilleter.

Si les divers rythmes temporels de l’atelier des parents semblent constituer des repères, iln’en demeure pas moins vrai que la souplesse de fonctionnement est requise.

Avant de clore cet exposé succinct sur l’atelier des parents, nous ne pouvons pas faire l’im-passe sur l’évaluation nécessaire et indispensable de ce type d’outil. À l’issue de chaqueséance, nous prenons un temps pour échanger nos points de vue et identifier les sujets abor-dés. Ensuite nous tenons un cahier dans lequel nous retraçons les grands thèmes discutés ;nous notons aussi qui sont les participants (père, mère, beaux-parents, sans aucun nom) etleur nombre. Ce cahier est pour nous une sorte de mémoire écrite importante, surtout lorsquenous procédons à une évaluation qualitative, au moins deux fois dans l’année. Nous avonschoisi comme référentiel les trois axes de la parentalité définis par Didier HOUZEL8. Si au toutdébut, nous pensions qu’il nous serait plus difficile d’«évaluer» l’axe de l’expérience de laparentalité, il s’avère aujourd’hui qu’il n’en est rien.

À titre d’exemple, à ce jour, nous pouvons affirmer qu’au fil des rencontres et des différentstemps de partage, l’atelier des parents participe à une certaine restauration narcissique chez

8 HOUZEL, D., Les enjeux de laparentalité, Édition Erès, 2001

67La parentalité : regards pluriels

des parents meurtris par les situations vécues, isolés pour différentes raisons dans un ressentide disqualification et un sentiment de culpabilité. Cette même restauration peut contribuer àrelancer la dynamique du désir et une certaine confiance dans l’avenir. Si elle n’est pas l’objetpremier de l’atelier des parents, elle naît de la rencontre avec d’autres parents, rencontre quipeut refléter la connivence, la reconnaissance, la complicité, tout en respectant la singularitéde chacun.

Quelques propos de parents : «c’est difficile de venir au début et puis après, ça cogite dans latête, on en reparle,… ça fait du bien et ça fait réfléchir» ; «je suis pas aussi nulle que ma famille ellele dit» ; «prendre du temps sans les enfants, même si on pense à eux, ça fait du bien,… et puis c’estaussi pour eux et nous» ; «voir d’autres parents qui ont aussi des soucis, ça me rassure, je ne suispas tout seul»…

Par Béatrice COTTONPsychologue clinicienne auprès d’adolescents et de leurs parents dans une MECS

et responsable de l’atelier des parents de cette même MECS

1 http://colloque.padi.free.fr/laboratoire.htm

68 Le Fonds d’Assurance Formation de la Branche sanitaire, sociale et médico-sociale, privée à but non lucratifbl

Être parent avec une déficience intellectuelle

Depuis quelques années, apparaissent progressivement des situations de parentalité chezdes personnes avec une déficience intellectuelle. Les facteurs d’apparition et de développe-ment de ces situations sont multiples et l’émergence de ces situations de parentalité est enlien avec les nouveaux modes de vie et de socialisation de ces personnes. Au-delà des difficul-tés inhérentes à leur déficience, il semble possible d’affirmer qu’un certain nombre sont en lienavec le regard porté sur ces personnes et les représentations sociales souvent négatives etincapacitaires qui pèsent sur elles. À partir d’une meilleure connaissance de ces familles et dudevenir de leurs enfants, des perspectives de recherche et d’accompagnement social pour-raient voir le jour afin de favoriser et de partir des compétences de ces familles.

La première partie de cette communication permettra, de manière synthétique, de se repé-rer dans les recherches menées depuis 25 ans concernant les habiletés, incapacités des per-sonnes déficientes intellectuelles en situation de parent ainsi que les soutiens qu’ils reçoivent.

La deuxième partie proposera une synthèse des résultats de l’enquête nationale1 menéeen France par le groupe de recherche Parents Avec une Déficience Intellectuelle (PADI) en2005. Ceux-ci contribueront à répondre à la question : qui sont les parents avec une déficienceintellectuelle ?

Éléments de contexte

Le contexte révèle un paradoxe de taille entre les facteurs d’émergence de parentalité des per-sonnes avec une déficience intellectuelle et l’impensé de cette question en France aujourd’hui.

La parentalité chez les personnes avec une déficience intellectuelle n’est pas un fait nou-veau, elle existe depuis des décennies. Cependant, la fréquence de ces situations augmente.Les professionnels des services d’accompagnement, ou qui travaillent en relation avec cespersonnes, soulignent la fréquence importante du désir de parentalité chez ces adultes. Evi-demment, tous ne s’engagent pas dans un projet de procréation, mais cette question de laprojection filiale est un sujet de préoccupation fréquemment évoqué. Les facteurs d’émer-gence de ces situations de parentalité semblent de trois ordres :

≥ Des facteurs d’ordre politiqueNous sommes passés progressivement, en France, d’une situation de ségrégation des per-

sonnes handicapées à une volonté d’intégration. Ceci s’est traduit par une évolution dans lamanière de penser, de nommer et de mettre en œuvre les pratiques éducatives ou d’accom-pagnement de ces personnes. La loi de 1975 inscrit, comme une obligation nationale, l’inté-gration (scolaire, sociale, professionnelle…) des personnes handicapées, la loi de 2002 ren-force la notion d’acteur chez ces personnes et leurs droits, la loi de 2005 confirme ce proces-sus en intégrant la notion de compensation. S’intégrer dans un environnement amène lespersonnes à en adopter les normes dominantes de vie (avoir une voiture, des loisirs, vivre encouple, avoir des enfants…)

≥ Des facteurs d’ordre social L’espérance de vie et les conditions de vie ont beaucoup progressé en France depuis

69La parentalité : regards pluriels

30 ans, y compris pour les personnes avec une déficience intellectuelle, favorisant des désirsde filiation plus importants.

≥ Des facteurs d’ordre éducatifLes projets institutionnels et aussi les pratiques éducatives auprès d’enfants et d’adoles-

cents en établissement mettent l’accent, depuis plus de 20 ans, sur des notions comme l’au-tonomie, l’épanouissement et la socialisation. Ces pratiques quotidiennes représentent l’opé-rationalisation des intentions politiques. Ainsi, dans les établissements spécialisés, la pédago-gie a consisté à faire en sorte qu’enfants et adolescents exploitent mieux, et davantage, leurscapacités notamment sur le plan de l’autonomie (déplacements, vie quotidienne, choix enmatière d’habillement…). Ces éléments ont contribué à l’émergence progressive de désirs devivre comme «tout le monde».

Un des paradoxes notables quant aux situations de parentalité est qu’elles sont très sou-vent évoquées par les professionnels de l’accompagnement et que très peu d’écrits ou derecherches sont consultables en langue française sur cette question.

Ce fait est à mettre en relation avec une forme d’impensé de cette parentalité et de la pro-création des personnes déficientes intellectuelles. Les textes de loi (loi de 75, loi 2002-2, loi de2005), les nombreux textes favorisant l’intégration, les processus de normalisation, le déve-loppement des médias n’ont, semble t-il, pas eu raison des tabous autour des questions deprocréation des personnes avec une déficience intellectuelle.

Il suffit, pour s’en convaincre, de lire les nombreux travaux de N.DIEDERICH tant sur lesoubliés de la prévention que sur la procréation. À cet égard, même s’ils datent un peu, les tra-vaux d’Alain GIAMI mettant en évidence les figures «monstrueuses et angéliques» des per-sonnes handicapées sont encore aujourd’hui tout à fait éclairants.

1. Les données descriptives internationales

La plupart des études publiées en Amérique du Nord (États-Unis et Canada) porte sur despublics repérés comme étant en difficulté (notion de population clinique) et, à ce titre, suivispar des organismes de protection de l’enfant pour des raisons de négligence ou d’incompé-tence parentale.

La plupart du temps, ces études soulignent les difficultés importantes de personnes auxprises avec une pratique parentale qui s’avère problématique. Cette réalité amène à sous-esti-mer le niveau de capacités de la moyenne des parents avec une déficience intellectuelle. Eneffet, un certain nombre de parents ne sont pas aidés, accompagnés, suivis en raison de l’ab-sence de difficultés. Ces parents, et cela parait rassurant, ne peuvent être pris en compte dansces recherches puisque, pour des raisons éthiques, on ne peut tester des familles sur le plandu Q.I pour construire des populations de référence. Nous courons donc le risque d’être auxprises avec un phénomène que les travailleurs sociaux connaissent bien qui est le biais duprofessionnalisme.

De nombreuses études portent sur des échantillons réduits et l’on peut s’interroger sur les géné-ralisations de résultats à une population plus vaste. Elles s’intéressent à des familles dans lesquellesl’enfant (ou les enfants) est très jeune. RAY2 et WHITMAN3 soulignent le faible pourcentage d’en-fants dont l’âge est supérieur à 10 ans. Plusieurs explications peuvent être avancées : la récence dela parentalité (plus précisément de son importance quantitative) ou l’évolution du nombre de pla-cements augmentant avec l’âge. Il en ressort que très peu d’éléments de connaissance s’avèrentdisponibles au sujet des pratiques parentales avec des adolescents.

Peu d’études recensent les besoins et limites des Parents Avec une Déficience Intellectuelle

2 RAY, N.K et al, 1994, Unders-tanding the parents who arementally retarded : guidelines forfamily preservation programs –Child welfare league of America73 (6), 725-7423 WHITMAN, B.Y, 1987, Mentallyretarded parents in the commu-nity: Identification method andneeds assessment survey. Àmeri-can journal of Mental Deficiency,91 (6), 636-638

70 Le Fonds d’Assurance Formation de la Branche sanitaire, sociale et médico-sociale, privée à but non lucratifbl

(PADI). Certains aspects semblent mieux connus car mieux étudiés, tels les soins apportés à l’enfanten bas âge. En revanche, les dimensions comme l’attachement et la sensibilité parentale sont peuétudiés en dépit de l’importance considérable qu’ils revêtent dans la qualité des interactionsparents-enfant. Il est également à signaler que les recherches dans lesquelles l’objet d’étude est lepère sont excessivement rares. L’immense majorité des travaux porte sur les mères.

De nombreuses études focalisent sur les limites intellectuelles et leurs conséquences dansle cadre des pratiques parentales. Il est peu fréquent d’observer la prise en compte de fac-teurs environnementaux de première importance. Ainsi WHITMAN et ACCARDO4 montrentque la pauvreté, l’absence de modèles parentaux adéquats, l’ignorance de ressources dispo-nibles dans l’environnement, des expériences de vie limitées (en lien avec l’institutionnalisa-tion), la peur de se voir retirer ses enfants ou d’être jugé par les regards extérieurs, ont uneinfluence considérable sur les pratiques parentales.

Quelques rares recherches réalisées à partir de parents non suivis par des organismes deprotection proposent une comparaison : ZETLIN5 puis KELTNER6 montrent que les difficultésmassives et fréquentes rencontrées avec des parents avec une déficience intellectuelle suivisne se retrouvent pas systématiquement. Ils observent une grande dispersion entre des situa-tions tout à fait comparables à celles rencontrées dans des familles ordinaires jusqu’à dessituations de familles totalement dépendantes de leur environnement notamment familial.

FELDMAN7 est celui qui a le plus travaillé sur cette question depuis 20 ans. Ses recherchesne se focalisent pas seulement sur les capacités des personnes mais prennent en compte denombreuses variables ayant une influence supposée sur les habiletés parentales d’une part etsur le développement de l’enfant d’autre part. Il note que, depuis 20 ans, la majorité desétudes, en Amérique du Nord, se sont focalisées sur les capacités d’apprentissage des parents,les phénomènes de maltraitance et de négligence et la mise en relation de ces caractéris-tiques avec le développement des enfants. Il insiste pour ne pas réduire les difficultés éven-tuelles des parents à la déficience mais de prendre en compte l’environnement au sens large(histoire, soutiens, santé, stress, capacités…)

Les recherches publiées peuvent être classées en 4 catégories majeures : la parentalité et lestress, les compétences parentales, les abus et négligences et les soutiens.

Parentalité et stress

Le stress parental (ABIDIN8) et la dépression sont des aspects souvent étudiés et de nom-breuses analyses soulignent l’influence du stress sur les habiletés parentales. Il existe desétudes controversées sur ce sujet mais la plupart mettent en évidence un niveau de stresssupérieur pour les Mères Avec une Déficience Intellectuelle (MADI) en comparaison de MèresSans Déficience Intellectuelle (MSDI). Le niveau de stress influe sur le style d’interventionsmises en place par les parents et en particulier les mères. Une étude comparative à partir de82 MADI (dont le QI se situe entre 57 et 80) témoigne de vécus de stress parental significati-vement supérieurs aux MSDI.

L’augmentation du stress parental est corrélée positivement à l’augmentation de l’âge desenfants et notamment leur intégration à l’école primaire avec les apprentissages scolaires debase. Le nombre d’enfants présents à la maison semble également en lien avec l’augmenta-tion du stress. Une étude (TYMCHUCK9) montre, à partir d’un échantillon de 33 MADI, que lamoitié de ces mères se sentent découragées et que, dans le même temps, elles ont une faibleestime d’elles-mêmes. Une autre étude réalisée auprès de 27 MADI montre que ces dernièresont une perception plus négative d’elles-même que des mères ne présentant pas de défi-

4 WHITMAN, B.Y, ACCARDO, PJ,1990 : when a parent is mentallyretard : Baltimore : Brookes

5 ZETLIN, B.Y, A.G., WEISNER, T.S,GALLIMORE, R. 1985– Diversity,shared functioning, and the roleof benefactors : A study of paren-ting by retarded persons 6 KELTNER, B (94) : Home envi-ronments of mothers with men-tal retardation – Mental retarda-tion, 32 (2), 123 - 1277 FEDMAN et AL, 1993. Effecti-veness of home-based earlyintervention on the languagedevelopment of children ofmothers with mental retardation.Resarch in Developmental Disa-bilities, 14, 37-408

8 ABIDIN, R., 1990. ParentingStress Index. Short Form. TestManual. Charlottesville, VA : Uni-versity of Virginia.

9 THYMCHUCK A.J, 1992 : Pre-dictary adequacy of Parenting bypeople with mental retardation,child abuse and neglect, 16 pp165-178

71La parentalité : regards pluriels

cience intellectuelle. Près de 46% des mères sont dans un niveau de stress critique qui lesamène à percevoir leur situation personnelle comme éprouvante.

Les auteurs soulignent que la plupart des problèmes vécus par les MADI peuvent, au-delàdes questions de déficience intellectuelle, être en lien avec une détresse psychosociale. Laplupart des études concernant le stress parental et l’aide montrent l’existence d’une corréla-tion positive entre les deux. Le stress semble baisser lorsque des aides sont proposées en par-ticulier si ces aides correspondent à l’expression des besoins de la personne. À ces conditions,l’aide est inductrice de baisse de stress et améliore les conditions d’éducation des enfants.

En conclusion, ce point semble particulièrement central au regard des habiletés parentales.Les incapacités intellectuelles vont limiter les habiletés cognitives mais aussi sociales et adap-tatives, ce qui va générer un stress chez les parents. La pauvreté, l’absence d’un conjoint et l’iso-lement social vont représenter des circonstances aggravantes en matière de stress. Les parentsvont éprouver un sentiment d’incompétence qui est souvent renforcé depuis leur enfance etqui va s’appliquer aux interactions pour lesquelles ils ont des responsabilités à savoir la pra-tique parentale. Il s’agit d’un cercle renforçant : l’augmentation du stress renforce le sentimentd’incompétence qui contribue à maintenir un niveau élevé de stress.

Les compétences parentales

Dans un écrit sur l’état de la question des compétences parentales chez les personnes pré-sentant des incapacités intellectuelles, les auteurs (ETHIER, BIRON, BOUTET et RIVEST10) ten-tent un bilan exhaustif des connaissances au regard de cette question. L’étude des publica-tions montre que ces personnes éprouvent de grandes difficultés à assurer leur rôle de parentet que leurs enfants présentent de sérieux retards de développement. Le texte propose lamise en évidence des multiples déterminants de la compétence parentale et l’importance dusoutien social. Les dimensions mettant en évidence des problèmes dans les études récentessont multiples. L’une des difficultés essentielles semble exister dans le domaine des interac-tions mère-enfant.

Des études précises révèlent les points suivants :≥ une absence d’interactions en particulier positives avec l’enfant est souvent observée

(FELDMAN, SPARKS et CASE11). Les MADI sont moins engagées, plus restrictives et punitivesque les mères sans incapacité (FELDMAN, CASE, TOWNS et BETEL12).Une faible capacité àprendre des décisions efficaces ou à résoudre des problèmes est constatée (TYMCHUK,ANDRON et RAMBAR13) de même qu’une faible capacité à agir en situation d’urgence ou àreconnaître les indices d’une maladie (TYMCHUK, ANDRON14).Un faible niveau d’échangesverbaux, de contacts sociaux et une stimulation peu fréquente caractérisent ces familles encomparaison de familles sans incapacité (FELDMAN, WALTON-ALLEN15) ;

≥ les interactions mère-enfant dans les activités ludiques ont été particulièrement étudiées(KELTNER16). Elles mettent en évidence, chez les MADI, des comportements ou attitudesspécifiques : des connaissances faibles sur les jeux, leur fonctionnement, leur intérêt dansl’éducation de leur enfant, un renforcement moindre de leur enfant socialement, une parti-cipation moindre dans les interactions avec leur enfant (pendant les jeux) et des interac-tions moins variées ;

≥ enfin, une utilisation moindre du langage et du contact visuel.Même si le tableau peut paraître sombre, il est important de rappeler le contexte de

recherche, précisé au début de cet article, à savoir que les parents étudiés sont tous suivis par

1 0 ETHIER L.S, BIRON, C., BOU-TET, M., RIVEST, C., 1999. Les com-pétences parentales chez les per-sonnes présentant des incapaci-tés intellectuelles : état de laquestion. Revue francophone dela déficience parentale, volume10, numéro 2, 109-1241 1 FELDMAN, M.A., L. CASE, etB. SPARKS 1992 : Effectiveness ofchild : care training program forparents at risk for child – Cana-dian Journal of behavioralscience, vol 24, n° A, 14-281 2 FELDMAN, M.A, L.CASE, F.TOWNS et J.BETEL, 1985, Parenteducation project I : develop-ment and nurturance of childrenof mentally retarded parents –American journal of Mental Defi-ciency – vol 90 n°3 – 253-2581 3 THYMCHUCK A., ANDRONL, RAHBAR B : Effective decisionmaking problem salving trainingof mothers who have mentalretardation. Revue AmericanJournal of Mental Retardation1988, 921 4 THYMCHUCK A., ANDRONL : Clinic and home parents trai-ning of a mother with mentalhandicap carrying for 3 childrenwith developmental delay. RevueMental Handicap Reseach 1990-11 5 FELDMAN, M.A, et WALTON– ALEN 1997, Effects of maternalmental retardation and povertyon intellectual, academic andbehavioral status school – agechildren. Àmerican Journal ofMental Retardation, vol 101, n°4,354-3641 6 KELTNER, B.R, 1992, Caregi-ving by mothers with mentalretardation. Family and Commu-nity Health, 15, 10 18

72 Le Fonds d’Assurance Formation de la Branche sanitaire, sociale et médico-sociale, privée à but non lucratifbl

des services de protection de l’enfant en raison de difficultés identifiées. D’autre part, les difficultés identifiées ne se cumulent pas chez tous les parents. De nom-

breuses imprécisions, hésitations, décalages ou manques dans les savoirs, savoir-faire etsavoir-être révèlent un manque d’apprentissage à mettre en lien, de mon point de vue, nonseulement avec leurs difficultés à ce niveau mais aussi à l’impensé de ces situations.

Les abus et négligences

De nombreux auteurs considèrent qu’un faible niveau intellectuel du parent représente unrisque d’abus ou de négligence (CRITTENDEN17 ; PIANTA ; EGELAND et ERICKSON18; ETHIER,BIRON, PINARD, GAGNIER, DESAULNIERS19). Les parents ayant des incapacités intellectuellespeuvent être confrontés à des situations de négligence (GUAY, ETHIER, PALACIO-QUINTIN etBOUTET20). Plusieurs études sur des échantillons réduits montrent qu’un pourcentageimportant d’enfants de PADI est placé. Une étude importante, à partir de 388 parents de laville de St Louis (WHITMAN21), précise que 45% des enfants sont placés.

La négligence parentale se définit comme le résultat conjugué de plusieurs facteurs derisque : les limites cognitives telles que décrites précédemment semblent être un paramètreimportant à prendre en considération. La pauvreté matérielle et aussi sociale représente unautre facteur de risque non négligeable. Le fait d’avoir été soi-même victime d’abus ou denégligence et marqué par une absence de figure d’attachement influe également (CRITTEN-DEN22, ETHIER23). Un certain nombre de difficultés de vie telles la dépression, l’anxiété, lesaddictions constituent également des facteurs de risque (CUMMINGS et CICCHETTI24). Enfinles familles négligentes se distinguent également par leur style de vie désorganisé et leurniveau de stress très élevé (LACHARITE et al25). Les attentes irréalistes et une faible connais-sance des besoins de l’enfant (ERICKSON et EGELAND26) sont également observables dansces situations. Toutes ces caractéristiques sont en lien assez étroit d’une part avec les histoiresde vie difficiles, voire chaotiques, de nombreux parents avec une déficience intellectuelle.

Les études concernent toutes des «échantillons» de parents qui manifestent déjà des diffi-cultés dans leur rôle parental et qui ont demandé, ou à qui on a procuré, des aides diverses.Par ailleurs, les attentes souvent négatives envers ces parents avec une déficience intellec-tuelle sont parfois suffisantes pour qu’il y ait soupçon d’incompétence parentale (FELDMANet AL27), voire même, pour justifier le placement (FELDMAN et AL28). Ces parents sont davan-tage susceptibles de voir leurs enfants placés sous la seule présomption d’une incapacitéparentale (TYMCHUK et FELDMAN29).

Les soutiens

Il s’agit d’un domaine qui a été beaucoup étudié par les chercheurs. Une recension despublications concernant les programmes de formation aux habiletés parentales a été réaliséepar M.AUNOS30 (2003).

Elle souligne que la majorité des programmes a généré des résultats positifs sur le plan del’acquisition et du maintien de nouvelles habiletés favorisant les compétences parentales. Ungrand nombre de difficultés citées précédemment peut être atténué par des soutiens propo-sés aux parents. L’ensemble des études montre que cet accompagnement produit des effetspositifs, a fortiori si le parent présente des caractéristiques particulières telles la perception etsurtout l’acceptation du soutien reçu.

L’origine du soutien est de trois ordres  : le plus important provient des membres de lafamille des PADI (réseau de type 1) et en particulier de la mère de la mère. En 2e lieu, il provient

1 7 CRITTENDEN, P, 1988,Family and dyadic patterns offunctioning in maltreating fami-lies. In : K. Browne, C. Davies etStratton (Eds), Early Predictionand Prevention of Child Abuse.New York : John Wiley et Sons1 8 PLANTA, R., EGELAND, B.,ERICKSON, M.F, 1989. The antece-dents of maltreatment : Resultsof the Mother-child InteractionResearch Project. : D. Cicchetti &V. Carlson (Eds), Child Maltreat-ment Theory and Resarch on theCauses and Consequences ofChild Abuse and Neglect, 203-253. New York : Cambridge Uni-versity Press1 9 ETHIER, L.S, BIRON, C.,PINARD, P., GAGNIER, J.P.,DESAULNIERS R. 1998, Réussir enNégligence, Edité par le groupede recherche en développementde l’enfant et de la famille et lesCentres jeunesse Mauricie/Bois-Francs, Trois-Rivières2 0 GUAY, F., ETHIER, L.S., PALA-CIO-QUINTIN E., et BOUTET M. ,1997, L’impact de la déficienceintellectuelle sur la probléma-tique de la négligence parentale.Revue Européenne du HandicapMental, 3-152 1 WHITMAN, B.Y, 1987. Men-tally retarded parents in thecommunity: Identificationmethod and needs assessmentsurvey. Àmerican journal of Men-tal Deficiency, 91 (6), 636-6382 2 CRITTENDEN, P.M et BON-VILLIAN, J.D, 1984, The relation-ship between maternal risk sta-tus and maternal sensitivity.Àmerican Journal of Orthopsy-chiatry, 54, 250-2622 3 ETHIER, L.S, C.BIRON, M.,BOUTET, et C. RIVEST, 1999. Lescompétences parentales chez lespersonnes présentant des inca-pacités intellectuelles : état de laquestion. Revue francophone dela déficience intellectuelle, vol.19,n°2, 109-1242 4 CUMMINGS, E.M et CIC-CHETTI, D, 1990, Attachement,depression, and the transmissionof depression. In: M.T Greenberg,D. Cicchetti & Cummin (eds),Attachment during the pres-chool years, 339-372. Chicago :University of Chicago Press2 5 LACHARITE et AL (1996),The influence of partners onparental stress of neglectfulmothers. Child Abuse Review.5,18-33

73La parentalité : regards pluriels

du conjoint (réseau de type 2), et enfin des professionnels issus de services d’aide, de soutienou d’accompagnement (réseau de type 3).

Au-delà du soutien objectif, fourni par les différents membres du réseau, la perception dusoutien a des effets positifs sur l’apprentissage de compétences et sur la baisse du niveau destress qui, comme nous avons pu le voir précédemment, est un paramètre inducteur de diffi-cultés et renforcé par ces mêmes difficultés. Deux études mettent en évidence un décalageentre les besoins estimés par les PADI et ceux estimés par les professionnels (LLEWELLYN31,WALTON-ALLEN et FELDMAN32).

Les mères interrogées pensent bénéficier de trop de services en ce qui concerne les soinset de services corrects en rapport avec les tâches domestiques. Les services en termes dedéveloppement d’habiletés sociales, de connaissances du développement des enfants etd’informations (ou de stratégies) quant à la gestion du comportement et de la discipline sontperçus comme insuffisants. Enfin, le type de représentation sociale des intervenants duréseau social semble jouer un rôle majeur dans les résultats observés  (TUCKER et JOHN-SON33). Un réseau de soutien, qui tend à redonner du pouvoir aux parents et à les rendreautonomes, semble être le plus adéquat tant en termes d’efficacité que de conception desoutien proposé. Lors de la naissance de l’enfant, les mères ont tendance à se percevoircomme moins compétentes que les autres mères. Ceci est dans la même tonalité que l’étudemenée par notre groupe de recherche PADI en 1998 sur l’obéissance. Nous avions interrogédes professionnels au sujet des difficultés rencontrées par les mères dans les interactionsparentales et l’obéissance s’avérait une dimension qui posait problème pour environ la moi-tié des mères accompagnées. La même question posée aux mères mettait en évidence quetoutes se sentaient en difficulté avec l’obéissance ! Le niveau d’exigence et la confiance en soipeuvent expliquer cette différence de perception.

L’évaluation des programmes de formation témoigne de capacités d’apprentissage réellesaux habiletés parentales des PADI. Les programmes divers se réalisent à partir d’instructionsverbales, de pictogrammes et de démonstrations. Les publications relatives aux formations,qu’elles soient en lien avec la nutrition, les interactions ludiques, le respect des règles, la sécu-rité domestique, les prises de décision, la prévention des mauvais traitements et des négli-gences attestent toutes des améliorations notables à la suite des formations. Les étudesmesurant les effets à moyen terme montrent la permanence des acquis. Cette dimensionconcernant les soutiens et formations parentales permet d’envisager les situations de paren-talité d’un point de vue moins inquiétant dans la mesure où un certain nombre de difficultéspeuvent être évitées, atténuées, prévenues par des pratiques de formation et d’accompagne-ment adaptées aux besoins des parents.

2. Résultats d’une étude nationale34

Cette recherche a comme point de départ le croisement des préoccupations des tra-vailleurs sociaux confrontés à des situations de parents avec une déficience intellectuelle etune absence de recherches d’envergure. Bien souvent, ils ne peuvent fonder leurs hypothèsesde compréhension que sur des données périphériques ou locales. Cette recherche, la pre-mière en France de cette ampleur, a donc une visée exploratoire.

Nous avons choisi de solliciter les Services d’accompagnement à la vie sociale (SAVS) direc-tement en lien avec des PADI afin de renseigner les questionnaires.

2 6 ERICKSON, M.F, et EGE-LAND, B., 1996, Child neglect, in :J.Briere, L.Berliver, J.A Blkley,C.Jenny, & T.Reed (Eds), TheAPSAC Handbook on ChildMatreatment. Àmerican Societyin the abuse of child : Sage Publi-cations2 7 FELDMAN et AL, 1992. Tea-ching child-care skills to parentswith developmental disabilities.Journal of Applied Behavior Ana-lysis, 25, 205-2152 8 FELDMAN et AL, 1993.Effectiveness of home-basedearly intervention on the lan-guage development of childrenof mothers with mental retarda-tion. Research in DevelopmentalDisabilities, 14, 37-4082 9 THYMCHUK, A.J et FELD-MAN, M.A, 1991, Parents withmental retardation and their chil-dren : Review of research rele-vant to professional practice.Canadian Psychology/Psycholo-gie Canadienne, 32 (3), 486-4943 0 AUNOS, M., GOUPIL, G.,FELDMAN, M., 2002, Les mèresprésentant une déficience intel-lectuelle : une recension desécrits. Revue des scienceshumaines et sociale3 1 LLEWELLYN, G. (1995) Rela-tionship and social support :views of parents with mentalretardation/intellectual disability.Mental Retardation, 33 (6), 349-363 3 2 WALTON-ALLEN, N et FELD-MAN M.A., 1997, Effects of mater-nal mental retardation andpoverty on intellectual academic,and behavioral status of school-age children. American Journal ofMental Retardation, 101, 352-3683 3 TUCKER, M.B, JOHNSON, O,1989, Competence promoting vscompetence infibulating socialsupport for mentally retardedmothers, Human Organization 48(2) pp 95-107

3 4 Cette recherche a été réali-sée par l’équipe du laboratoirePADI en 2005. Elle a été renduepossible grâce au soutien finan-cier ou logistique de La Fonda-tion de France, la Caisse natio-nale des allocations familiales(CNAF) et l’Ecole EuropéenneSupérieure en travail social Nord-Pas-de-Calais (EESTS)

74 Le Fonds d’Assurance Formation de la Branche sanitaire, sociale et médico-sociale, privée à but non lucratifbl

Le critère discriminant pour constituer notre population enquêtée était que les famillesavaient «au moins un des parents reconnu travailleur handicapé» et que ce dernier était accom-pagné par un service en raison d’une déficience intellectuelle. Le total de questionnaires trai-tés concerne 683 familles et 1060 enfants (144 SAVS sur l’ensemble du territoire).

L’élaboration de l’outil de recueil de données part des représentations de sens commun quipèsent sur les parents avec une déficience intellectuelle. Ces représentations sont souvent«incapacitaires», «invalidantes», «stigmatisantes» et conduisent très souvent les non spécia-listes à douter de la possibilité qu’une personne avec une déficience intellectuelle puisse cor-rectement exercer ses fonctions parentales.

Il n’est pas possible de présenter les données complètes de ce rapport et cela serait certai-nement fastidieux. Le plan de présentation des résultats s’organise en 3 parties : ≥ caractéristiques générales des parents ;≥ éléments sur les interactions parents-enfants ;≥ données concernant les enfants, notamment en lien avec la déficience intellectuelle et les

placements.

a. Les parents

Ils se situent sur un spectre large avec une grande majorité de couples (80%) constitués pardeux personnes avec une déficience. 40% des adultes concernés ne bénéficient pas de pro-tection juridique, leurs ressources mensuelles moyennes (traitements et salaires confondus)sont de l’ordre de 1000 ¤ par personne. La plupart des parents ont accédé à une scolarité pri-maire et plus de 20% d’entre eux sont allés au collège. Une majorité nette de parents semblene pas avoir bénéficié de stabilité, ni avoir été bien traités physiquement durant la période dedéveloppement. Enfin, les conditions de vie, en l’état de l’exploitation des résultats, se démar-quent essentiellement par des situations professionnelles en milieu protégé (64% des mèreset 59% des pères).

Les ressources sont modestes, notamment pour les parents vivant en situation monopa-rentale. Le mode de déplacement privilégié n’est pas la voiture, ce qui représente une spécifi-cité. La déficience intellectuelle se définit, en partie, par un fonctionnement intellectuelsignificativement inférieur à la moyenne. Cette situation a pour conséquence de présenterdes limites sur le plan cognitif (attention, apprentissage, généralisation, résolution de pro-blèmes…) mais aussi non cognitif (motivation, estime de soi, attribution causale…). La faiblecapacité de juger semble représenter le problème majeur (anticipation des conséquences,décodage des conventions sociales).

Sur le plan social, les situations des PADI laissent apparaître des réalités désavantageuses(faibles revenus, emplois précaires, conditions de pauvreté, nombreuses aides sociales). Cessituations, ajoutées aux limites cognitives et à une vulnérabilité émotionnelle, génèrent uncontexte parfois difficile.

b. Les interactions parentales 

Au-delà des caractéristiques des adultes et des couples, cela nous intéressait de mieuxconnaître la pratique de la parentalité principalement à partir des interactions parentales.

Si les données relatives aux parents se révèlent accessibles par l’accès aux informationsadministratives du dossier, nous entrons ici dans un domaine où les données recueillies sontobservées par les travailleurs sociaux au risque de projections et de représentations sociales.

75La parentalité : regards pluriels

Nous avons en effet montré lors de recherches antérieures que, parfois, les exigences destravailleurs sociaux se révélaient plus importantes pour des personnes en difficulté parcequ’il pouvait y avoir un risque.

Nous avons appelé cela le processus d’hypernormalisation. Tout se passe comme si, parcequ’il y a des difficultés potentielles (effet d’attente), le niveau d’exigence devait être supérieur(ceci créant un effet de stress sur les personnes observées et renforçant les difficultés poten-tielles).

Au regard de cette précaution, il nous semble donc légitime de relativiser les données suivantes.Nous avons tenté d’approcher quelques activités éducatives majeures dans lesquelles s’or-

ganisent l’implication et les interactions des parents avec leurs enfants. La première observa-tion est qu’il existe de nombreuses interactions entre les parents et les enfants. Les mères sontbeaucoup plus investies que les pères dans l’éducation des enfants ce qui ne représente pas,loin s’en faut, une spécificité (a fortiori avec des enfants souvent jeunes). 93% des parents sonten possession à la maison de jouets adaptés à l’âge de l’enfant.

Dans 91% des situations, les mères communiquent avec leur enfant (contre 67% pour lespères). Sur le plan du jeu, 66% des mères ont des interactions ludiques avec leur enfant contre47% des pères. La participation est massive mais tout de même partielle. Cela pourrait confir-mer l’idée régulièrement évoquée selon laquelle les PADI ne jouent pas ou plutôt ne saventpas jouer avec leur enfant.

L’activité d’aide aux devoirs se révèle la moins investie. En effet, seules 26% des mèresaident aux devoirs et le pourcentage tombe à 10% pour les pères. Il y a évidemment une diffi-culté inhérente aux caractéristiques cognitives des parents : la majorité d’entre eux ne parti-cipe pas à cette activité qui, bien souvent, les dépasse. Il est à noter que l’activité «devoirs» seréalise en lien étroit avec un tiers dans 71% des situations (9% pour la fratrie). Il y a donc là unesuppléance parentale importante.

Les attitudes éducatives au quotidien concernent les réactions des parents sur des décisionsdu quotidien concernant l’enfant, c’est-à-dire en lien avec le contrôle alimentaire, les maladies ouface aux dangers domestiques. Il s’agit toujours, bien évidemment, de réactions appropriées auxyeux des travailleurs sociaux de référence. Les réponses confèrent à la mère une plus forte fiabi-lité sur ces activités, que ce soit dans le domaine du contrôle de l’équilibre alimentaire de l’enfant(72% des mères contre 24% des pères), en cas de maladie de l’enfant et face aux dangers domes-tiques (75% des mères contre 40% des pères).

Les difficultés supposées ou réelles des PADI dans leurs rapports aux enfants, qu’il s’agisse de leurimplication quantitative ou de leurs capacités d’autonomie, ne diffèrent pas radicalement de cellesque connaissent les parents ordinaires. Il ne semble pas y avoir d’activités ou d’interactions posantun problème spécifique et massif (excepté peut-être l’aide aux devoirs). Simplement, et c’est sansdoute là un acquis de cette étude, la déficience intellectuelle paraît alourdir ces difficultés.

c. Les enfants

Point focal des discours de sens commun tenus sur les familles PADI, la situation de l’enfant nédans une telle famille est l’objet de questionnements inquiets et de pronostics plutôt négatifs.

Lorsque l’on examine les discours sur l’enfant, on découvre transversalement un propos

76 Le Fonds d’Assurance Formation de la Branche sanitaire, sociale et médico-sociale, privée à but non lucratifbl

systématiquement teinté de fatalisme. Ainsi, on entend dire du futur enfant qu’il sera «forcé-ment handicapé», soit à la naissance, soit au fil d’un développement qui ne manquera pasd’être problématique. Et quand bien même il «serait normal», tôt ou tard, le retrait et le place-ment semblent s’imposer comme une fatalité indépassable.

Age de l’enfant :Les enfants de PADI recensés dans notre enquête ont entre 0 et 40 ans. Le graphique suivant montre la répartition des âges.

Valeur modale : 1 (n=1) ; Médiane entre 7 & 8 ; Moyenne 8.52, écart-type 6.53

Un enfant sur deux a moins de 8 ans, c’est-à-dire qu’il y a autant d’enfants de 0 à 8 ans qued’individus de 8 à 40 ans. Cela signifie que la moitié de l’échantillon est composé d’enfantsjeunes souvent d’âge préscolaire ou qui sont scolarisés en début de primaire.

Cela signifie également que les huit dernières années semblent avoir été très «propices» àla naissance d’enfants de PADI (avec un doublement du nombre d’enfants depuis 4 ans).

Cette donnée va dans le même sens que les discours des travailleurs sociaux à propos del’expression de plus en plus fréquente du désir d’enfant chez les personnes déficientes intel-lectuelles et de la réalisation de ce désir.

Les enfants de PADI et la déficience intellectuelle83% des enfants de notre échantillon (1060) n’ont pas de reconnaissance de handicap. Cela

signifie que 17% ont cette reconnaissance, qui s’avère très supérieure à ce qu’on observe ordi-nairement, mais infirme dans le même temps l’idée que tous les enfants nés de PADI sontdéficients intellectuels.

Autre constat : les données à notre disposition montrent que 68% des enfants sont scolari-sés. Il peut paraître surprenant d’obtenir un chiffre si faible mais ceci est à mettre en lien avecle nombre important d’enfants dont l’âge est inférieur à 3 ans et qui ne sont donc pas concer-nés. Parmi les enfants scolarisés, les résultats de l’enquête sur le dernier type d’établissementfréquenté laissent apparaître que 63% des enfants ont une scolarité ordinaire.

Là encore, ces données contredisent l’idée que les enfants de PADI sont tous déficientsintellectuels à la naissance, même si presque un tiers d’entre eux sont dans un cursus de sco-larité spécialisé en référence à des difficultés constatées (au moins sur le plan scolaire).

Les enfants de PADI et les placementsCe que nous donnent à voir les résultats enregistrés sur la variable «placement de l’en-

fant» est que la majorité des enfants (67,2%) n’est pas placée et vit avec ses parents. L’idéeque les enfants de PADI sont placés à la naissance ou après (en institution ou en famille d’ac-cueil) est contredite. Ceci étant, quand on rapporte le nombre d’enfants de PADI placés aunombre d’enfants de parents ordinaires placés, on observe une différence significative

77La parentalité : regards pluriels

(32,77% contre 0,16% significatif à .01 au test X²). Dit autrement, même si une large majorité d’entre eux ne le sont pas, les enfants de PADI

sont davantage en situation de placement que les enfants de parents ordinaires.

3. Les perspectives 

Il parait fondamental de mettre en œuvre des pratiques d’accompagnement, sur le modede la formation en alternance. L’alternance permet d’utiliser une pédagogie plus accessibleaux personnes déficientes intellectuelles que l’instauration d’un enseignement. L’alternancepermet d’amener des savoirs et de les articuler à une pratique (mises en situation, projectionsde films, rencontres d’autres parents…) et à partir de cette pratique d’acquérir des savoirs. Cemode d’apprentissage correspond davantage à des personnes ayant des difficultés cogni-tives (attention, mémorisation, résolution de problèmes…), parce que s’appuyant sur dessituations concrètes. La perspective de formation signifie que, sans laisser de côté la dimen-sion d’acquisition de savoirs formels, de savoir-faire techniques et de pratiques, l’accent doitêtre mis sur les savoir-être.

Lorsque le choix d’avoir un enfant a été pris par le couple, il semble essentiel de mettre enplace un accompagnement structuré afin d’éviter que celui-ci soit au centre d’informationsdifférentes et parfois contradictoires générant la confusion.

Il est parfois surprenant d’observer le nombre de professionnels intervenant auprès de per-sonnes ou de couples, dans des registres divers, et la multiplicité des discours qui leur sontproposés. Il me semble pertinent qu’un professionnel puisse coordonner les aides dont uncouple peut bénéficier. Au regard des recherches menées et décrites plus haut, il est fonda-mental d’articuler les aides avec un recueil des besoins exprimés par le couple afin de laisserles parents dans une position centrale et active, dans un contrat d’accompagnement, condi-tion essentielle de participation, de motivation et de sens.

La mise en place de lieux de parole, sur les questions de parentalité, me semble une pisteféconde. Les quelques expériences menées dans ce sens (HABOURDIN35) mettent en évi-dence l’investissement important des parents, en particulier des mères. Ces lieux permettentà des parents, sous la supervision d’un professionnel, d’échanger sur leurs difficultés quoti-diennes et existentielles, tant il est vrai que l’arrivée d’un enfant provoque des remaniementspsychiques, plus aisés à vivre s’ils sont verbalisés.

Ils permettent aussi aux parents, et il s’agit d’une dimension très importante, de parler deleurs capacités et aptitudes, de ce qui fait plaisir et qu’ils réussissent avec leur enfant.

Les effets sont multiples :≥ favoriser la confiance en soi, dimension qui fait souvent défaut aux mères avec une défi-

cience intellectuelle (en lien souvent avec leur histoire) ;≥ proposer des étayages ;≥ rompre l’isolement social ;≥ faciliter la reconnaissance de la parentalité au sens du regard que l’autre pose sur eux en

tant que parents ;≥ contribuer à les narcissiser en tant que parent, en revalorisant leur image de personne avec

des compétences, et de parent avant d’être une personne en situation de handicap.

3 5 HABOURDIN, B. 2004. Uneparentalité discréditée : de véri-tables enjeux d’accompagne-ment. (Mémoire DSTS nonpublié)

78 Le Fonds d’Assurance Formation de la Branche sanitaire, sociale et médico-sociale, privée à but non lucratifbl

Conclusion

Evidemment les professionnels savent la difficulté d’inverser les processus chroniques dedévalorisation qui conduisent à évaluer les personnes qu’ils accompagnent uniquement enfonction de leurs incapacités.

Toutefois, de plus en plus d’expérimentations montrent les effets extrêmement bénéfiquesdes pratiques qui soutiennent les parents avec une déficience intellectuelle dans la prise deconscience de leurs compétences et les amènent à une meilleure maîtrise de leur propre destin.

Un travail important a été mené dans des territoires avec des équipes spécialisées dans l’ac-compagnement de parents. Sans les citer de manière exhaustive, l’exemple des services d’ac-compagnement à la parentalité des Associations de Parents d’Enfants Inadaptés (A.P.E.I.) duNord (Cf. page 79 et suivantes), le travail mené en Loire-Atlantique, notamment à St-Nazaire, età Besançon par la Coordination Parentalité (COPA) depuis plusieurs années, mettent enexergue la pertinence et l’efficience du travail en réseau, condition du sens et de la cohérence.

Une meilleure appréhension des situations de parentalité, du stress parental et du travailen réseau permettrait d’objectiver les difficultés d’une part et les capacités d’autre part. Ellecontribuerait à renforcer les connaissances des modalités d’accompagnement, non seule-ment lorsque l’enfant parait, mais également dans la construction d’un projet parental, bienen amont de la naissance de l’enfant. Cette compréhension contribuerait à rendre optimalel’éducation d’enfants par des parents avec une déficience intellectuelle.

Par Bertrand COPPINDirecteur général de l’École européenne supérieure en travail social

Éducateur spécialisé – Psychologue

79La parentalité : regards pluriels

Aider à la parentalité des personnes déficientesintellectuelles

Confrontées aux situations d’enfants issus de parents avec une déficience intellectuelle maisaussi de l’aspiration de ceux-ci à vivre comme tout à chacun, en autonomie, en couple, à avoir unevie affective et sexuelle épanouie, des enfants… et à formuler des projets de vie, les associationsdes Papillons Blancs du Nord ont développé depuis 10 ans des services d’aide et d’accompagne-ment des parents déficients intellectuels, fragilisés dans leur fonction parentale.

Faisant l’objet d’un processus permanent d’évaluation, l’expérimentation a été renouveléepar convention avec le département du Nord depuis 2002.

S’inscrivant prioritairement dans le champ de la prévention précoce pour des enfants demoins de 6 ans, sauf dérogation et en complémentarité des autres acteurs ou intervenantssociaux et médico-sociaux, le projet a pour objet :≥ de favoriser l’accès aux dispositifs de droit commun en milieu ordinaire notamment auprès des

services du département : démarches individuelles, participation à des actions collectives ;≥ de développer et valoriser les compétences parentales ;≥ de soutenir et développer les apprentissages liés à la vie quotidienne ;≥ de décliner les modalités d’intervention, de mise en commun et de régulation des diffé-

rents partenaires concernés par l’intervention auprès du ou des parents.

L’accompagnement parental se traduit par :≥ une aide éducative dans les domaines pratiques liés à la vie quotidienne (entretien domes-

tique, linge, repas, courses, achats de matériel adapté, gestion du budget familial,…) ;≥ une aide éducative dans le traitement des informations liées à la prise en charge de l’enfant

(soins, sécurité, suivi médical, stimulation sensorielle et cognitive, éducation, petiteenfance, scolarité, exercice de l’autorité parentale…) ;

≥ une aide à la gestion du temps libre et des loisirs ;≥ un soutien psychologique et relationnel (écoute, appui, présence, accompagnement

social) ;≥ la prise en compte de nouveaux projets de vie en lien avec l’arrivée d’un enfant (type d’ha-

bitat, aménagement du temps de travail, organisation matérielle, relations de voisinage…).

La libre adhésion du ou des parents est une condition préalable pour toute propositiond’accompagnement et l’intervention du service n’est pas compatible avec une mesure deprotection administrative ou judiciaire et ne peut répondre à des injonctions d’ordre admi-nistratif ou judiciaire de la protection de l’enfance.

Chaque situation fait l’objet d’une formalisation dans un document d’engagement, d’ac-compagnement parental, partagé entre le service d’aide et d’accompagnement à la parenta-lité et la famille, reprenant une analyse des besoins, les objectifs concrets, les principes d’ac-tions et d’interventions. Un avenant est ensuite conjointement rédigé : il décline, dans un lan-gage adapté aux parents la mise en œuvre des actions du service et celle des partenaires (Pro-

80 Le Fonds d’Assurance Formation de la Branche sanitaire, sociale et médico-sociale, privée à but non lucratifbl

tection maternelle et infantile, Service social départemental…). Ceci permettra de faciliter lacoordination des interventions pour une meilleure prise en compte des besoins et éviter lasuperposition ou la «mise sous surveillance» permanente des parents, voire prévenir le risqued’un niveau d’exigence plus élevé des professionnels auprès de parents fragilisés. Ceux-cisont revus chaque fois que nécessaire et à l’occasion de chacune des synthèses rassemblantles différents acteurs concernés.

La prise en compte de la déficience va supposer le développement d’outils de compréhen-sion ajustés à chacun des parents, une communication et un langage adapté qui vont contri-buer à l’instauration de la relation de confiance. L’accompagnant sera un «facilitateur» de la rela-tion et de la communication avec les tiers et sera un soutien dans la durée de l’accompagne-ment et dans l’aide à l’appropriation de la démarche et des apprentissages du ou des parents.

Parallèlement à l’action individuelle, des actions collectives de soutien à la parentalité sontdéveloppées en fonction des territoires à partir d’intérêts ou de besoins communs desparents (notamment pour les parents dont les enfants ont plus de six ans) favorisant leséchanges, la recherche de conseil ou de réassurance et la rupture de l’isolement.

Dès le départ de l’expérimentation, la construction du partenariat et des modes de coopé-ration s’est jouée simultanément à deux niveaux : ≥ le pilotage départemental avec la Direction enfance famille (DEF) du département du Nord

et l’Union départementale des papillons blancs (UDAPEI) du Nord ;≥ le maillage territorial de proximité avec les Services d’aide et d’accompagnement à la

parentalité des APEI (Association de parents d’enfants inadaptés), les Directions territo-riales pour la Prévention et l’Action sociale (DTPAS), la PMI et les réseaux constitués en fonc-tion des situations.

Situé dans des champs d’intervention différents, chacun a dû apprendre à connaître l’autreet à le reconnaître dans son expertise pour qu’une culture commune puisse se développerdans l’approche de la parentalité, l’élaboration restant dans un processus permanent.

En 2002, l’intervention des services s’est appuyée sur les emplois jeunes qui se sont formés etsont devenus des professionnels qualifiés dans les métiers éducatifs. Ils continuent de dévelop-per des connaissances, des savoir-faire, des savoir-être permettant une approche s’appuyant surune valorisation des compétences des parents en introduisant des méthodes pédagogiquesadaptées et des outils appropriés qui mériteraient une capitalisation.

Cependant, la nécessité s’est très vite fait sentir d’instaurer des temps d’analyse des pra-tiques pour permettre la prise de recul nécessaire face au parcours de vie des parents et auxsituations qui sont souvent complexes quand il s’agit de les accompagner et de répondre ausentiment de solitude qui peut gagner le professionnel.

Le défi de départ a été de considérer ces personnes adultes comme des parents à partentière et non comme des personnes en situation de handicap. Il s’agit de mieux cerner l’in-tervention sociale, la situation d’accompagnement, de proposer les étayages suffisants cor-respondant aux besoins et aux demandes, de modifier les représentations sociales et lesreprésentations que les parents déficients ont d’eux-mêmes en créant les conditions favo-rables pour qu’ils puissent gagner en confiance , trouver les appuis et se sentir mieux armésdans leur fonction parentale.

81La parentalité : regards pluriels

1. La mise en œuvre des actions du Service d’aide à la parentalitéde l’APEI de LILLE

1.1. Cadre éthique et développement des compétences parentales

La démarche du service ne s’inscrit pas en substitution de l’action parentale mais toujoursdans le contexte d’un soutien en vue du développement des compétences de la famille.

Ainsi, lorsqu’un enfant s’agite dans un magasin au point de mettre ses parents en difficulté,le service soutient les parents, les incitant à réagir de façon appropriée. Il n’intervient donc pasdirectement auprès de l’enfant mais passe par son parent pour renforcer, au fur et à mesure,la posture parentale.

Il s’agit bien de ne pas intervenir directement avec notre propre représentation de ce quedoit être la famille mais bien à partir de ce que nous avons compris de la manière dont ellefonctionne. Le service prend le temps de comprendre le système de valeurs de la famille et de permettre à cette dernière de trouver ses solutions. En ce sens, la qualité du lien parents-enfant est privilégiée plutôt que l’organisation et la gestion du logement.

Quand il est question d’alimentation par exemple, il s’agira surtout d’être certain que l’en-fant mange à sa faim (vérification de la courbe de poids et lien avec la PMI) avant de pointerun déséquilibre alimentaire. Une problématique parentale autour de l’alimentation seravérifiée, plutôt que le contenu des assiettes.

L’action s’inscrit bien dans le contexte d’une co-construction du projet d’accompagnementavec la famille.

Au démarrage des interventions, le service s’appuie sur les besoins exprimés par la famille.Puis, tout au long de l’accompagnement, la nature des interventions sera affinée (toujours enfonction de ce qui est partagé avec les parents).

Ainsi, des parents qui souhaitaient au départ être aidés pour trouver un mode de gardepour leur enfant, parlent ensuite de leur relation à lui, de leur difficulté à s’en séparer. Pour res-pecter leur rythme, le service prendra le temps de jouer à domicile avec l’ensemble de lafamille. Cela donnera l’occasion aux parents de se décoller de leur enfant tout en expérimen-tant le jeu. L’idée est bien d’envisager ensuite un Lieu d’accueil parents-enfants (LAPE) puis dese familiariser avec une halte-garderie ou une crèche. Le service s’intéresse ici à ce que leparent ressent dans l’interaction avec son enfant.

À partir de ses ressources internes et externes, chaque individu développe des compé-tences parentales que le service cherche à valoriser et à développer.

Par exemple, lorsque les parents disent leur difficulté à coucher leur enfant agité, nous pou-vons réfléchir ensemble au cadre à poser pour favoriser un temps calme. Conscients de leurimpossibilité à lire une histoire, les parents s’imaginent en échec alors que d’autres modalitéspeuvent être pensées ensemble (raconter les images, écouter un CD audio, organiser un tempsde discussions et de chansons…).

Les professionnels du service auront donc des outils adaptés ou à adapter en fonction dechaque situation rencontrée.

82 Le Fonds d’Assurance Formation de la Branche sanitaire, sociale et médico-sociale, privée à but non lucratifbl

1.2. La notion de prévention

L’action du service s’inscrit aussi dans le cadre de la prévention à partir des axes essentielssuivants :≥ le soutien des relations précoces parents-enfants ; ≥ l’ajustement des attitudes parentales au gré de l’évolution de l’enfant ;≥ la prévention des carences affectives et éducatives ;≥ la prévention des négligences et de la maltraitance.

En intervenant auprès du parent, l’objectif est de favoriser un développement harmonieuxde l’enfant.

Nous devons tenir compte de la double dimension dans laquelle nous intervenons. Celle del’enfant et celle de l’adulte au travers de sa fonction et de ses compétences parentales.

Dans le cas où les intérêts de l’enfant ne sont pas respectés (santé, sécurité physique et psy-choaffective), nous recentrons, avec l’aide des partenaires (PMI, SSD, CMP-Consultationmédico-psychologique…), l’action sur la protection de l’enfant. Dans ce contexte, le servicepeut être amené à réaliser des notes sociales et des signalements.

1.3. Les modalités d’intervention

L’éducateur intervient le plus souvent seul dans la famille. Pourtant, l’évolution de la situa-tion et des objectifs peut amener à envisager des accompagnements en co-interventionavec un collègue.

La multiplicité des intervenants et des supports proposés offre autant de possibilités depermettre au parent de se saisir de ce qui lui conviendra le mieux.

Les modalités d’intervention sont définies en fonction des situations. Elles sont variées etmultiformes. Il est néanmoins important de préciser à nouveau ici que le service n’intervientjamais seul auprès de l’enfant.

Les rencontres peuvent se dérouler à domicile, au service ou dans un lieu extérieur en fonc-tion du projet tel qu’il a été établi.

Le service peut intervenir selon des modalités différentes en fonction des besoins exprimés :≥ les entretiens ou actions parents-enfants : ce sont, par exemple, des temps de stimulation

avec un tout petit. Le professionnel accompagne le parent autour du tapis d’éveil. Il aide leparent à acheter des jouets adaptés à l’âge de l’enfant ou à en emprunter dans une ludo-thèque qu’il lui aura fait découvrir, et dont le parent pourra devenir familier. Avec un enfantplus grand, il sera davantage question de médiation, d’aider à la prise de parole et ainsi desituer la place de chacun ;

≥ les entretiens ou actions avec un parent ou avec le couple parental : pour opérationnalisercette dimension, le service se donne les moyens de rencontrer le ou les parents sans leur(s)enfant(s) afin d’évoquer les difficultés observées. Il est aussi important de restituer ces diffi-cultés aux parents que de prendre le temps de les écouter exprimer les leurs. Ces échangespeuvent être facilités par l’utilisation de divers supports (le récit de vie, la création d’unconte, le collage autour d’une thématique familiale, la vidéo, …) Les outils/supports sontcréés en fonction des situations et restent en constante évolution.

Compte-tenu des caractéristiques des adultes accompagnés, nous ne voulons pas noussituer dans une forme de résolution de problème à court terme. Au contraire, la permanenceet la régularité des interventions caractérisent le cadre de l’accompagnement proposé au tra-vers d’un rythme adapté à chaque situation.

83La parentalité : regards pluriels

1.4. Le travail en réseau

Pour les professionnels du service, il s’agit d’utiliser prioritairement les dispositifs de droitcommun et donc de travailler en réseau.

Il est important de tenir compte de l’environnement social et familial des parents et detoute personne identifiée par les parents eux-mêmes comme étant aidante.

Autour d’une situation familiale, se constitue souvent une équipe élargie composéed’autres professionnels du secteur social et médico-social. De façon non-exhaustive, ces pro-fessionnels peuvent être : ≥ les Unités territoriales de prévention et d’action sociale (UTPAS), partenaire privilégié ; ≥ les services de PMI, le Service social départemental (SSD), l’Aide sociale à l’enfance (ASE), le

Service de prévention santé (SPS) ;≥ les professionnels des délégations à la tutelle ;≥ les foyers-logement et Service d’accompagnement à la vie sociale (SAVS) qui accompa-

gnent les adultes semi-autonomes et autonomes ;≥ les organismes institutionnels et associations existants ;≥ les spécialistes libéraux ;≥ les écoles, et tout professionnel travaillant au sein des dispositifs de droit commun.

Ce travail en réseau (et de ce fait en équipe pluridisciplinaire) est essentiel. Il nous permetde nous prémunir du risque d’enfermer la famille dans une vision unique.

Dans une perspective de travail à partir des compétences des parents et en les plaçant ensituation d’auteurs et de décideurs, les services d’aide et d’accompagnement des parentsdéficients intellectuels sont, dans les différents territoires du département du Nord, des lieuxrendant possibles la réflexion, l’action, la décision sur la pratique parentale.

2. Cas cliniques

Afin d’illustrer de manière plus explicite la forme et les orientations du travail, les trois situa-tions familiales suivantes permettent d’envisager la multiplicité et la richesse des interven-tions. Elles sont l’expression de l’adaptation permanente des professionnels aux besoinsexprimés par les parents avec une déficience intellectuelle et l’opérationnalisation des prin-cipes énoncés dans l’article précédent.

Famille 1 : la famille est composée de Mr D. (le père), de Mlle B. (la mère) et de F (lepetit garçon)

a). PrésentationLa famille vit dans un appartement. Une demande de logement est en cours, les parents

souhaitant que F ait sa chambre à l’avenir. Mlle B. travaille en milieu ordinaire (boulangerie). Mr D. a une formation de dessinateur industriel. Il a terminé un contrat de travail en sep-

tembre 2011 et est actuellement à la recherche d’un emploi.Remarque : Seule Mlle B. bénéficie d’une reconnaissance MDPH.

b). Origine de la demande La déléguée à la curatelle simple de Mlle B. contacte le Service d’aide à la parentalité en

juillet 2011. Mlle B. terminait sa grossesse et montrait des signes «de stress, d’angoisse» à l’ap-proche de la naissance. Alors qu’elle avait dit n’être pas intéressée par les interventions du ser-vice tout au long de sa grossesse, une hospitalisation en juillet l’a amenée à accepter de nous

84 Le Fonds d’Assurance Formation de la Branche sanitaire, sociale et médico-sociale, privée à but non lucratifbl

rencontrer pour connaître les modalités d’accompagnement.Durant la présentation du service, il s’est effectivement avéré que la maman était «stressée» et

peu sûre d’elle. Les parents de Mlle B. appréhendaient également l’arrivée du bébé, se question-nant quant aux capacités de leur fille «à savoir s’occuper d’un enfant». Mr D., le papa, semblait luiplus serein, même s’il s’était montré très nerveux durant l’hospitalisation de sa compagne.

Les parents ont donc formulé la demande suivante : «on souhaite des conseils pour l’éduca-tion ; on voudrait être accompagnés pour les démarches relatives à la crèche, halte-garderie, lestravailleuses familiales, la PMI». Le service a donc débuté l’accompagnement en août, à la nais-sance de F.

c). Nature des interventions Il s’est agi de prendre contact avec l’association «Aide aux mères» pour mettre en place les

interventions TISF (Technicien d’intervention sociale et familiale), à raison de 2 fois 2h par semaine.Les démarches d’inscription en crèche avaient déjà été menées par les parents et soute-

nues par la déléguée à la curatelle et la famille de Mlle B. Des relances ont permis à F d’avoirune place à la crèche St Sauveur dès la mi-octobre.

Des accompagnements aux consultations PMI ont eu lieu ainsi qu’un repérage auprès d’unmédecin traitant dans leur quartier.

Des échanges à domicile ont été possibles, avec la maman seule, et avec le couple parental.Ils visaient à les laisser s’exprimer quant à leur rôle et responsabilités de parents et à apporterau fur et à mesure des indications au sujet du développement de l’enfant.

À titre d’exemple : Mlle B. m’avait demandé en passant au service, de leur montrer le filmdont je leur avais déjà parlé : «Bébé». Je leur montre donc le DVD ce jour. Ils ne savent pas s’ilsveulent le regarder seuls, ou avec moi, lors d’une visite à domicile. Cela semble les intéres-ser… ils réfléchissent… à reprogrammer plus tard.

Visionnage du film «Bébé» (1h15) : la maman réagit tout au long du film. Les bébés la fontsourire et l’amènent à faire des commentaires sur leurs «bêtises», ce à quoi ils jouent, ce qu’ilsfont, mangent… Le papa ne s’exprime pas pendant le film…

Nous parlons des stades de développement chez les enfants (0-2 ans). Ils sont intéresséspar la grille de développement («repères»). Je leur remettrai à la prochaine visite à domicile.

Je remets à Mlle B. une grille schématique du développement de l’enfant de 1 mois à 4 ans.Nous lisons ensemble les cinq premiers mois et échangeons à ce sujet. La maman «valide»certains points de développement acquis par F. Elle montrera la grille au papa.

Nous échangeons autour de la question «c’est quoi être parent ?» selon eux. Le papa prendle temps de faire des passerelles entre son enfance et son statut actuel. La maman parle beau-coup des inquiétudes de sa famille quand elle a annoncé qu’elle allait avoir un enfant. Elle réa-lise qu’ils craignaient qu’elle «ne s’en sorte pas». Temps d’échange intéressant, même si le papase demande «à quoi ça peut servir»… Notre but est de partir de leurs représentations, leurdéfinition de la parentalité, et non de celle des autres. Le papa a parlé «des claques, gifles, coupsde pied…» qu’il a reçus enfant par ses parents. «J’ai été élevé à la dure !». Du coup, il pense qu’ilsera un papa ferme et autoritaire. Il pense également qu’il donnera aussi des fessées. Est-ce unpoint sur lequel le couple est d’accord ? La maman n’avait pas envisagé les fessées… À euxd’échanger : l’éducation des enfants amène toujours de nombreuses discussions de couple…

d). Observations Rapidement, la maman a su prendre ses marques et se faire davantage confiance. Il est vrai

qu’elle a fait preuve de quelques maladresses au début (concernant le portage de F notam-ment) et qu’elle avait très souvent recours à ses parents dès qu’un événement nouveau arri-vait à son fils (ex : la première fois que F a vomi, qu’il a pleuré presque sans discontinuer, qu’il

85La parentalité : regards pluriels

a peu dormi…). En lui rappelant que la puéricultrice de la PMI pouvait être contactée en casde besoin et en la rassurant sur les bons gestes qu’elle prodiguait déjà, la maman s’est mon-trée plus sûre d’elle et sollicite désormais beaucoup moins sa famille. Les grands-parentsmaternels et paternels ont d’ailleurs su verbaliser qu’ils «trouvaient qu’elle se débrouillait bien».La présence du papa à domicile renforce cette confiance en soi et le couple gère parfaitementles soins, l’alimentation et l’éveil de F.

Dans ce contexte, le couple a souhaité interrompre les interventions TISF. Après avoir per-mis à la maman d’être rassurée, la présence TISF s’est arrêtée fin septembre.

L’entrée en crèche prévue pour mi-octobre «est arrivée vite» aux yeux de la maman qui aalors exprimé sa difficulté affective à retourner aussi tôt au travail et à «se séparer de F». Lamaman a souhaité faire une demande de congé parental (démarche accompagnée par le ser-vice et relayée par l’Association tutélaire des inadaptés) : la régularisation de ce congé est encours.

Néanmoins, F va 3 demi-journées par semaine à la crèche. Ses temps d’adaptation, entière-ment gérés par les parents, se sont très bien passés et ses accueils (de 7h30 à 12h30 les mar-dis, mercredis et jeudis) continuent de bien se passer.

Le service n’accompagne plus aucun rendez-vous médical : les parents se rendent à la PMIou téléphonent au médecin si besoin.

e). En conclusion Il apparait clairement que Mr D. et Mlle B. sont des parents très investis dans la santé et le

développement de leur fils. Mlle B. se montre de plus en plus sereine dans la prise en charge deF et semble se faire de plus en plus confiance. Les services de PMI sont bien identifiés et utilisés.

Famille 2 : La famille est composée de Mr B. (le père), de Mlle B. (la mère), de C (la fille âgée de 2 ans et demi) et K (le fils âgé de 1 an)

a). Origine de la demande En juillet 2009, la tutrice de Mlle B. et l’assistante de service social de l’ESAT contactent le

service : Mlle B. est enceinte et le couple paraît désemparé face à la gestion de son logementet à cette grossesse.

Une présentation du service est faite en septembre 2009 au terme duquel le couple semontre partant pour être aidé à préparer l’arrivée du bébé.

Ils renouvellent leur demande d’être accompagnés par le service en octobre 2010 car souhaitent «être aidés pour les papiers de leur fille, discuter à son sujet», leur objectif étant de «devenir autonomes».

En février 2012, le Projet d’accompagnement parental est difficile à formaliser. Les parentsse montrent mitigés quant à la poursuite des interventions du service. Il semble compliquépour eux d’identifier des problématiques et surtout de vouloir les changer. Il est alors décidéde continuer l’accompagnement pour 6 mois et de faire le point à l’issue de cette période.

b). InformationsC naît en février 2010. C’est une petite fille qui nécessite plusieurs suivis : hospitalisation à

domicile (HAD) puis psychomotricité jusqu’à ses 18 mois. Un bilan génétique a également étédemandé par le Centre d’action médico-sociale précoce (CAMSP) qui conclut à l’absenced’anomalie. C commence à aller en halte-garderie puis est accueillie chez une assistantematernelle à ses 8 mois.

Après un congé parental de 6 mois, Mlle B. reprend le travail en novembre 2010 mais rapi-dement, une seconde grossesse survient, entraînant un arrêt jusqu’à la naissance de K en août

86 Le Fonds d’Assurance Formation de la Branche sanitaire, sociale et médico-sociale, privée à but non lucratifbl

2011. Mlle B. commence un nouveau congé parental de 6 mois.En septembre 2011, a lieu un déménagement pour une maison à Villeneuve d’Ascq. Ainsi,

la fin de l’année 2011 entraînera de nombreux changements concernant les professionnelsentourant la famille : UTPAS, nouvelle tutrice pour Mlle B. et arrêt de la prise en charge de Cchez son assistante maternelle. La tutrice de Mr B. et le service restent les seuls professionnelsstables pour la famille.

c). Observations et évolution de l’accompagnement≥ au début de l’accompagnement, Mlle B. évoquait son envie d’être systématiquement

accompagnée lors de démarches extérieures (peur de bégayer, de ne pas être comprise)même si elle savait se débrouiller. À ce jour, Mlle B. prend de plus en plus confiance en ellelors de ces rencontres.

≥ le rythme de vie (le sommeil, les repas, le cadre posé) reste fragile, tout comme l’investisse-ment du domicile.

≥ la seconde grossesse et l’arrivée de K fragilisent encore plus l’investissement et l’entretiendu logement. Le couple refusera longtemps l’aide d’une TISF, mais la PMI réussira à mettreen place ces interventions en février 2012. Les parents les arrêteront fin août, disant «ne pasen avoir besoin, savoir s’occuper du ménage».

≥ Mr B. se montre facilement en relation avec C qui aime interagir avec son père et l’interpe-ler. Cependant, le papa se situe davantage dans une relation de «copain» avec sa fille quedans un positionnement cadrant et sécurisant. Ce positionnement peut conduire C à semettre en danger (monter sur la table, «escalader» une étagère…).

≥ une dichotomie s’est installée dans le couple parental : Mr B. nomme sa fille «la mienne»,Mlle B. cherche à entretenir un lien privilégié avec son fils qu’elle nomme «le mien». Des frictions de couple se manifestent alors concernant la prise en charge des enfants et leur éducation.

≥ il est important de soutenir les parents dans la stimulation des enfants et le cadre à leurapporter. Le couple s’intéresse aux capacités et progrès de leurs enfants. Il est toutefoisnécessaire de les stimuler pour des temps agréables ensemble, pour favoriser le fait que lesenfants aient des jeux adaptés à leur âge et à portée de main.

≥ C est une petite fille qui a besoin d’être contenue et soutenue, ce qui semble difficile à réa-liser de manière conjointe pour les parents. Une entrée en classe passerelle (tous lesmatins) a eu lieu en février 2012 ainsi qu’une prise en charge complémentaire chez uneassistante maternelle fin mai, en prévision de la reprise du travail de Mlle B. Malgré unedemande de dérogation, C ne pourra pas entrer à l’école en septembre 2012. Elle va doncen journées complètes, comme son petit frère, chez l’assistante maternelle (sauf les mercre-dis à domicile avec maman). Ce «retrait» de l’école a perturbé les parents. Ils ont montré desdifficultés à comprendre et à intégrer cette information.

≥ K présente du retard dans son développement (ce dont la maman a conscience). Il estimportant de l’aider à lui proposer des temps de jeux et d’interaction, ce qui est parfoiscompliqué pour les parents, C centralisant l’attention sur elle. La prise en charge par l’assis-tante maternelle depuis mai 2012 semble tout à fait convenir à K qui y fait des progrès.

≥ un bilan CAMSP a permis la mise en place d’un suivi psychomoteur pour C au CMP (un suivipar un orthophoniste devra se faire dans un second temps), ainsi que des interventions àdomicile pour K (kinésithérapeute libérale).

d). RemarquesMalgré les divers soutiens mis en place (AAP, TISF, UTPAS, CMP), les parents ne semblent pas

prendre en compte les conseils proposés, et les difficultés relevées à domicile restent sensi-blement les mêmes depuis la naissance de C.

87La parentalité : regards pluriels

Les parents se montrent très souvent centrés sur eux-mêmes, faisant passer leurs intérêtsou préoccupations avant ceux de leurs enfants. Il semble nécessaire de leur rappeler réguliè-rement les besoins de C et K, comme dernièrement le rendez-vous chez l’ORL pour C qui seplaignait de douleurs aux oreilles. Il est apparu que les parents semblaient ne pas «savoir semettre à la place de leur fille» et donc imaginer qu’il était difficile pour elle de supporter cettedouleur.

e). En conclusionLe service tente de répondre aux attentes du couple, mais il semblerait que les parents n’ar-

rivent plus à identifier de besoins. Nous leur faisons donc part régulièrement des difficultésrepérées à domicile et essayons de les aider dans le rythme de vie des enfants ainsi que lecadre à poser auprès de ces derniers. Nous essayons de les aider à se mettre d’accord surl’éducation à donner ensemble. Il reste également nécessaire de réfléchir avec eux sur la«séparation» la nuit et l’investissement des chambres des enfants.

Les parents ne semblent pas réellement en demande d’aide. Ont-ils conscience de la néces-sité de changer leurs habitudes et priorités  ? Sont-ils prêts à cela  ? Quelles sont leursdemandes envers le service à l’heure actuelle ? Le service est-il une «offre» convenant à ladynamique familiale ?

Famille 3 : la famille est composée de Mr G. (le père), de Mlle F. (la mère), de Q (le fils âgé de 4 ans et demi) et B (la fille âgée de 1 an et demi)

La famille habite un appartement.

a). Origine des interventions du Service d’aide à la parentalité C’est par le Service d’insertion sociale et professionnelle (SISEP) des Papillons Blancs de

Lille, que Mlle F. a eu connaissance du Service d’aide à la parentalité. L’accompagnatrice d’in-sertion professionnelle étant régulièrement sollicitée au sujet du fils de Mlle F., celle-ci a étéorientée vers un accompagnement plus adapté à sa problématique.

Cette dernière n’était tout d’abord pas convaincue du bien-fondé de cette proposition,mais a fait tout de même une demande au Service d’aide à la parentalité en novembre 2010.

Après un premier rendez-vous auquel elle n’est pas venue, le fonctionnement et les mis-sions du service lui sont présentés fin novembre 2010. L’accent est mis sur le caractère nonobligatoire de l’accompagnement et donc sur l’importance de l’adhésion du ou des parents.Mlle F s’est montrée immédiatement partante pour nos interventions. Cependant, le tempsde fixer un second rendez-vous pour formaliser le début de l’accompagnement, elle dira partéléphone qu’elle a «changé d’avis» sans en préciser les raisons et ne veut donc plus êtreaccompagnée.

Toujours par le biais du SISEP, elle recontacte néanmoins le service en mars 2011. Le coupleest alors rencontré en juin, afin que le service puisse entendre les demandes des «deuxparents». Lors de cette rencontre, Mr G. ne s’oppose pas aux interventions du service mais pré-cise qu’il ne s’y investira pas beaucoup. Mlle F. demande quant à elle «de savoir dire non à sonfils ; de moins céder à ses caprices» ; elle parle de sa fatigue face aux crises et aux pleurs de sonfils ; elle aimerait que «Q soit mieux élevé, qu’il ne prenne pas le dessus sur elle».

Le service propose donc de commencer l’accompagnement en l’aidant dans sa fonction demaman. Ainsi, il est prévu de favoriser des temps agréables avec son fils, à domicile et à l’exté-rieur : ces moments n’existent pas selon elle, «c’est toujours  très compliqué», dit-elle. Le servicelui propose également d’échanger lors de rencontres individuelles au sujet de sa place et deson rôle de mère.

88 Le Fonds d’Assurance Formation de la Branche sanitaire, sociale et médico-sociale, privée à but non lucratifbl

b). Evénement important durant l’accompagnement Alors que le Projet d’accompagnement parental devait être formalisé au bout de 6 mois, un

signalement au parquet est venu différer cette rencontre. Les inquiétudes des profession-nelles de l’UTPAS et du service étaient importantes : le développement de Q, la stabilité psy-chologique de la maman, les tensions dans le couple et l’arrivée du bébé dans ce contextesont autant d’éléments qui ont amené l’ensemble des partenaires à saisir le procureur enoctobre 2011.

Les parents sont auditionnés par le Juge des enfants en décembre 2011. Une Mesure judi-ciaire d’investigation éducative (MJIE) est ordonnée; elle débutera en mai 2012.

Les conclusions de la MJIE orienteront le placement de Q pour la rentrée de septembre2012 selon un rythme «école avec internat» et ce, afin de respecter les souhaits et réticencesdes parents.

c). Observations du service Le père :À cause de ses horaires de travail, Mr G. est très peu présent lors des rendez-vous avec le ser-

vice. De plus, comme indiqué ci-dessus lors de la présentation de service, il avait clairementexprimé qu’il ne se sentait pas concerné par ces interventions. Les rendez-vous sont doncprioritairement fixés avec la maman.

Mr G. s’est néanmoins montré disponible lorsque nous avons eu besoin de rencontrer lecouple pour évoquer nos inquiétudes.

Même si Mr G. intervient peu durant les temps de visite à domicile, nous constatons qu’ilagit fréquemment sur l’humeur ou les décisions de sa compagne. Il existe des problèmes decouple et Mr G. verbalise souvent des reproches à l’égard de Mlle F.

Il refuse les prises en charge collectives (type halte-garderie / crèche) pour sa fille, car ellesont été conseillées par les professionnelles de la PMI. Mr G. est fortement contrarié depuis lesignalement et se montre opposant à toute proposition.

La mère :Rapidement, elle nous a fait part de ses difficultés concernant l’éducation de son fils qu’elle

sait «en retard» : elle évoque l’entrée en maternelle tardive, les difficultés de langage et le bilanfait par le CAMSP. Elle nous a également très vite parlé de ses souffrances et nous a montré dessignes de versatilité : elle a ainsi évoqué le décès de sa mère durant sa grossesse, événementtrès douloureux qui l’a conduite à «rejeter Q quand il est né» nous a-t-elle confié.

Elle nous apprend début juillet qu’elle est de nouveau enceinte. L’annonce de cette gros-sesse ne la ravit pas. «Ça n’est pas prévu». Elle imagine un instant faire adopter le futur bébé, ceque Mr G. refuse. Elle aimerait «accoucher le plus rapidement possible» car sa grossesse lui pèse.

Régulièrement, Mlle F. nous a parlé de ses «crises» (comme elle les nomme) pendant les-quelles son moral oscille entre agitation et déprime. Des changements d’humeur ont effecti-vement été constatés à plusieurs reprises par le service lors de visites à domicile ou lors d’ap-pels de Mlle F. au service.

Dans de tels moments, Mlle F. «broyait du noir», évoquait des sentiments morbides et sedésinvestissait de son fils. Elle verbalisait son regret d’être maman, son envie «de crever», de«tout claquer». Mlle F. explique qu’elle «ne supporte plus» Q. Nous avons observé que le lende-main d’un tel épisode, elle semblait ne plus se souvenir des émotions vives ressenties la veille.Selon elle, «c’est comme ça à chaque fois que ça m’arrive».

Face à ses humeurs fluctuantes, le service lui a conseillé d’en parler à son médecin (elle avaitévoqué avoir déjà «pris des traitements avant d’avoir Q») ou de reprendre contact avec un psy-chologue (comme il lui avait été conseillé à la maternité lorsqu’elle a accouché). Mlle F. a long-

89La parentalité : regards pluriels

temps refusé cette aide, puis a franchi le pas en septembre 2012, disant qu’avec «le placementde Q, elle avait besoin de s’occuper d’elle». Malheureusement, la résistance posée par Mr G. àl’égard de cette prise en charge a amené Mlle F. à annuler le premier rendez-vous.

Mlle F. peut faire preuve de bon sens en terme d’éducation pour son fils : elle sait dire «qu’ilserait important que Q ait moins sa tétine dans la bouche pour mieux parler ; qu’il mange à heuresfixes pour se repérer ; qu’il mange plus de légumes et moins de gâteaux pour sa santé ; qu’il arriveà s’endormir dans son lit, sans la télé». Ces intentions ne sont pas suivies concrètement, Mlle F.cédant très rapidement à son fils, ne souhaitant pas s’opposer à ses demandes ou «ne suppor-tant pas» de l’entendre pleurer.

Elle semble s’appuyer désormais sur les règles de vie de l’internat, montrant ainsi qu’elle aconscience qu’un cadre est nécessaire au bon développement de son fils. Elle ne parvient tou-jours pas à fixer des règles claires à domicile. Elle met en rivalité «ce que Q fait à l’internat et cequ’il fait à la maison». La relation institution-famille ne parait pas fluide. Mlle F. semble malvivre le fait que des éducateurs «prennent un peu sa place».

Lorsque Mlle F. est soutenue par le service dans un cadre précis (temps de jeux), elle peut semontrer plus disponible envers son fils qui arrive à se concentrer sur le support proposé, pou-vant même surprendre par ses capacités d’association et d’attention. Lors des temps d’acti-vité, elle se montre investie en début de rendez-vous, mais tend rapidement à s’extraire dusupport pour poursuivre ses propres activités, laissant ainsi la professionnelle s’occuper deson fils. Il a fallu répéter que le service n’était pas présent pour «prendre en charge Q à sa place»et que sa participation était indispensable pour faire évoluer leur relation.

À l’extérieur, elle se montre en difficulté pour gérer Q sur les trajets : elle sait l’admettre etdemande, en toute conscience, de l’aide. Selon elle, Q «ne lui obéit pas», «n’en fait qu’à sa tête»et elle se sent alors débordée par son fils. Elle semble, dans ces cas-là, attendre que «les gensdehors» prennent en charge Q.

La vie de famille :Le cadre proposé à Q à domicile est fluctuant, Mlle F. et Mr G. pouvant donner des consignes

différentes à leur fils. Mlle F. reconnaît ne pas savoir dire «non» à son fils. Ainsi, Q choisit ce qu’ilsouhaite manger, se couche quand il le décide. La maman nous raconte également que «Qvient souvent se coucher dans le lit des parents», l’amenant, elle, «à aller dormir dans le canapé dusalon ou dans le lit de Q».

Nos observations nous ont amenées à rencontrer le couple pour lui restituer nos inquié-tudes quant à un cadre de vie adapté pour Q, ainsi que les répercussions que peuvent avoirl’instabilité et la fragilité de Mlle F. sur le développement de son fils.

Lors de cette rencontre, Mlle F. a reproché un manque d’organisation à son conjoint, ainsiqu’un manque de soutien de sa part dans le cadre qu’elle essaye de poser auprès de Q. De soncôté, Mr G. a dit ne «pas savoir quoi faire» car Mlle F. «change tout le temps d’avis».

Le service a eu des difficultés à rencontrer la famille à son domicile en juillet, le déménage-ment ne les rendant pas disponibles.

En août, l’accompagnement était plus régulier, Mlle F. se saisissant des propositions et semontrant capable de penser des supports ou des activités pour son fils. Il s’est alors agi deconstruire avec la maman un «semainier» en feutrine pour Q. Mlle F. souhaite aider Q à serepérer dans le temps et dans sa vie entre la maison et le foyer. Cette activité a plu à la mamanqui s’y est investie et l’a menée à terme.

Elle a envisagé une sortie piscine avec Q : cette sortie a été programmée mais ne s’est pasréalisée car la piscine était destinée aux «scolaires» ce jour-là. Cela a beaucoup déçu Mlle F.Fera-t-elle de nouveau la demande d’une sortie piscine ou d’une autre activité ?

Depuis l’entrée de Q dans une Maison d’enfants à caractère social (MECS), Mlle F. verbaliserégulièrement ses préoccupations concernant l’éducation de son fils. Elle semble vivre un

90 Le Fonds d’Assurance Formation de la Branche sanitaire, sociale et médico-sociale, privée à but non lucratifbl

conflit de loyauté entre l’équipe du foyer et elle et cela génère de la colère. Il lui est renvoyé lanécessité de communiquer avec la MECS afin de ne pas placer Q au milieu de la structure ins-titutionnelle et de la structure familiale. Une synthèse a eu lieu fin octobre au foyer, et Mlle Fsemble avoir compris qu’il fallait s’investir davantage auprès de son fils, notamment concer-nant son alimentation.

Alors que le nouveau cadre de vie semble convenir et être bénéfique pour Q (qui fait desprogrès en termes de concentration), la prise en charge de B à domicile soulève des interro-gations. Mr G. refuse que sa fille aille en halte-garderie. Cet accueil collectif pourrait pourtantfaire du bien à B qui se montre très tonique et curieuse de découvrir de nouvelles choses. Enoctobre 2012, les parents sont allés deux fois aux urgences pour B qui avait de la température.Les conclusions médicales n’ont pas révélé de maladie.

En conclusion / Renouvellement du Projet d’accompagnement parental (PAP) :Le service doit travailler sur l’identification du souhait ou pas de la maman de poursuivre

les interventions des professionnels du Service d’accompagnement parental (SAP) ainsi quesur ses demandes en direction de l’éducation de sa fille.

Brigitte DORÉPour l’Union départementale des Papillons blancs du Nord

91La parentalité : regards pluriels

Postface

Tout au long de ce cahier nous avons tenté, au travers des différentes contributions, de pro-poser des éléments de connaissance et d’expérience favorisant la réflexion, la discussion, leséchanges entre les professionnels concernés par la parentalité. Gageons que la forme donnéeà ce cahier (apports théoriques, approfondissements spécifiques, propositions de pratiquesprofessionnelles, références bibliographiques et sites Internet) en feront un outil de travailutile.

Dans l’introduction, je parlais d’ambition à traiter de parentalité car, à partir d’une notionbanalisée par les médias, très longtemps considérée comme innée et immuable, on découvresi l’on ne réduit pas les questions qui se posent à leur seule solution, que la parentalitérecouvre une notion éminemment polymorphe.

Dans un contexte sociétal complexe et mouvant, l’étayage de la fonction parentale desfamilles accompagnées nous intime la nécessité du professionnalisme et de l’adaptation per-manente. Je terminerai ce cahier sur la question de la formation, non par obligation contex-tuelle, mais parce qu’il s’agit d’un véritable enjeu. Enjeu pour les professionnels car il paraitadmis que la formation est un moyen puissant d’adaptation permanente de la qualificationd’une part et de lutte contre l’usure professionnelle d’autre part. Enjeu également en direc-tion des parents. Jusqu’à un passé récent, la formation des parents était une idée impensée.Seuls quelques précurseurs tentaient d’amener cette idée de formation indiscutablementassociée, à l’époque, à l’idée d’incapacité, d’incompétence, d’erreur fatale irrécupérable.

Depuis quelques années, en lien avec l’évolution des représentations sociales de la paren-talité, des connaissances et l’évaluation des pratiques, l’idée de formation à la parentalitésemble en mesure de s’imposer. En ce sens, les Services d’aide à la parentalité pour personnesavec une déficience intellectuelle peuvent sembler précurseurs même si les formes d’inter-vention restent à inventer. Le danger le plus visible me parait être en rapport avec le contextelibéral d’augmentation de la productivité, voire de la performance, qui s’immisce dans le tra-vail social souvent au détriment du lien social. Cela pourrait se traduire par une évolution versdes rapports de simple exécution qui, dans une pensée mécaniste, portent l’illusion d’unesolution rapide à des problèmes réduits à la dimension technique. Je pense plus intéressanteà plusieurs titres l’orientation qui consiste à mettre en place des processus plaçant les parentsen position d ‘acteurs qui participent à la compréhension et à la résolution des difficultés quise posent à eux.

Ce cahier montre qu’être parent ne se décrète pas et ne s’impose pas à la naissance niaprès. L’être parent s’apprend. Les travailleurs sociaux devraient être les piliers de cetteconscientisation.

Par Bertrand COPPINDirecteur général de l’École européenne supérieure en travail social

Éducateur spécialisé – Psychologue

92 Le Fonds d’Assurance Formation de la Branche sanitaire, sociale et médico-sociale, privée à but non lucratifbl

AAP : Atelier d’Aide à la Parentalité

ACEPP : Association des Collectifs Enfants Parents Professionnels

ALF : Association des Ludothèques Françaises

AMP : Aide Médico-Psychologique

APEI : Associations de parents d’Enfants Inadaptés

APME : Association Père Mère Enfant médiation

APMF : Association de Promotion de la Médiation Familiale

AS : Assistante Sociale

ASE : Aide Sociale à l’Enfance

AT : Analyse Transactionnelle

ATI : Association Tutélaire des Inadaptés (aujourd’hui Association Tutélaire du Nord)

CAF : Caisse d’Allocations Familiales

CAMSP : Centre d’Action Médico-Sociale Précoce

CIDIH : Classification Internationale des Déficiences, Incapacités et Handicaps

CLAS : Contrat Local d’Accompagnement à la Scolarité

CMP : Consultation Médico-Psychologique

CMU : Couverture Maladie Universelle

CNAF : Caisse Nationale des Allocations Familiales

CNASMF : Comité National des Associations et Services de Médiation Familiale

CNCMF : Conseil National Consultatif de la Médiation Familiale

CNSP : Comité National de Soutien à la Parentalité

COPA : Coordination Parentalité

DEF : Direction Enfance Famille

DEMF : Diplôme d’État de Médiateur Familial

DTPAS : Direction Territoriale pour la Prévention et l’Action Sociale

EAJE : Etablissement d’Accueil de Jeunes Enfants

ES : Educateur Spécialisé

EESTS : Ecole Européenne Supérieure en Travail Social

FENAMEF : FÉdération Nationale de la Médiation Familiale et des Espaces Familiaux

HAD : Hospitalisation à Domicile

Index des sigles

Annexes

93La parentalité : regards pluriels

JAF : Juge aux Affaires Familiales

LAPE : Lieu d’Accueil Parents-Enfants

MADI : Mères Avec une Déficience Intellectuelle

ME : Moniteur Educateur

MECS : Maison d’Enfants à Caractère Social

MSDI : Mères Sans Déficience Intellectuelle

OCDE : Organisation de Coopération et de Développement Economique

ONU : Organisation des Nations Unies

PADI : Parents Avec une Déficience Intellectuelle

PACS : Pacte Civil de Solidarité

PAP : Projet d’Accompagnement Parental

PIF : Point Info Famille

PMI : Protection Maternelle et Infantile

PNL : Programmation Neurolinguistique

QI : Quotient Intellectuel

REAAP : Réseaux d’Écoute, d’Appui et d’Accompagnement des Parents

RSA : Revenu de Solidarité Active

SAP : Service d’Accompagnement Parental

SAVS : Service d’Accompagnement à la Vie Sociale

SISEP : Service d’Insertion Sociale et Professionnelle

SPS : Service de Prévention Santé

SSD : Service Social Départemental

TISF : Technicien d’Intervention Sociale et Familialle

UDAPEI : Union Départementale des Associations de Parents d’Enfants Inadaptés

UNAF : Union Nationale des Associations Familiales

UTPAS : Unité Territoriale d’Action Sociale

94 Le Fonds d’Assurance Formation de la Branche sanitaire, sociale et médico-sociale, privée à but non lucratifbl

Perceptions de la parentalité : enjeux des pratiquesprofessionnelles et de formation

Informations générales :

Êtes-vous titulaire d’un diplôme en travail social ? OUI NON

Quel est l’intitulé de votre diplôme ?

Quel est votre établissement ou service de référence professionnelle ?

Avec quel type de public travaillez-vous ? (MECS, IME, ITEP, SESSAD…)

Quel est votre ancienneté professionnelle dans votre travail (depuis l’obtention du premier diplôme en travail social) ?

Perceptions de la parentalité1 Si vous deviez participer à une formation sur la parentalité en général quelles seraient vos

attentes et vos centres d’intérêt en termes de buts de la formation ?

95La parentalité : regards pluriels

2 Pouvez-vous nommer les cinq premiers mots qui vous viennent à l’esprit quand vous voyezle mot parentalité ?

3 Pouvez-vous nommer les cinq fonctions qui vous paraissent importantes chez des parents(en général) ?

4 Quelles difficultés vous semblent les plus complexes à travailler dans le domaine de laparentalité (dans le cadre du travail avec les familles de votre champ professionnel actuel)

5 Quels sont les points d’appui les plus utiles et efficaces à mobiliser dans le travail autour dela parentalité ?

96 Le Fonds d’Assurance Formation de la Branche sanitaire, sociale et médico-sociale, privée à but non lucratifbl

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Par Laurence SerboutiDocumentaliste EESTS

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SINGLY, François deComment aider l’enfant à devenir lui-même ? Guide de voyage à l’intention du parentParis : Armand Colin, 2009. - (Eléments deréponse) ISBN 978-2-200-35399-5.

TEXIER, Pierre ; VAN HYFTE, Pierre ; TEXIER, Marie Edith La parentalité nouvelle scène éducative : pourmaintenir leurs parents aux enfants placésParis : L’harmattan, 2001. - (Technologie del’action sociale).ISBN 978-2-7475-0432-4.

TILLARD, Bernadette, dir.Groupes de parents : recherches en éducationfamiliale et expériences associatives Paris : L’harmattan, 2003. - (Savoir et forma-tion) ISBN 978-2-7475-3788-9.

TORT, MichelFin du dogme paternelParis : Aubier, 2005. - (Psychanalyse) ISBN 978-2-7007-2427-1.

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ZAOUCHE GAUDRON, ChantalLes conditions de vie défavorisées influent-elles sur le développement des jeunes enfants ?Ramonville Saint-Agne : Erès, 2005. - (Mille et un bébés) ISBN 978-2-7492-0511-3.

100 Le Fonds d’Assurance Formation de la Branche sanitaire, sociale et médico-sociale, privée à but non lucratifbl

APF (Association des paralysés de France)http://www.apf.asso.frAdresses des entreprises adaptées duréseau APF. La rubrique «S’informer» pré-sente les publications de l’APF. Liens vers lessites spécialisés de l’APF : apf moteurline, leblog politique de l’APF…

Association Parentelhttp://www.parentel.orgParentel propose des services dédiés à l’aidela parentalité et au soutien du lien familial.Le site présente les services d’écoute télé-phonique dédiés aux jeunes, aux parents etaux personnes âgées, l’unité de recherche etde formation sur la parentalité et les liensfamiliaux ainsi que sa maison d’accueil,d’hébergement et d’accompagnement desfamilles et des proches d’enfants oud’adultes pris en charge par un établisse-ment de soin à Brest. Sur le site sont aussirecensées les publications de l’association.

Association PIKLER LOCZY FRANCEhttp://www.pikler.fr/Site associatif. L’Association Pikler LóczyFrance est un centre de réflexions, derecherches, de documentation et de forma-tion sur la petite enfance et par extension sur la notion de soin à toute personne ensituation de dépendance (personne en développement, handicapée, malade…).

Avoir un enfant différenthttp://www.enfantdifferent.org/index.phpSite associatif proposé par l’association UneSouris Verte. S’adresse aux parents d’enfantshandicapés, et aux professionnels de lapetite enfance, de la santé ou de l’éducation.

CAF (Caisse d’allocations familiales)http://www.caf.fr/Site public. Actualités et activités de la CNAFet des CAF. La rubrique «Qui sommes-nous»,présente les missions, savoir-faire de la CAFainsi qu’un agenda et la Lettre des Alloca-tions familiales. La rubrique études et statis-tiques donne accès aux publications,recherches, données statistiques notam-ment celles dédiées à la petite enfance dansl’Observatoire national petite enfance. À partir de la page d’accueil, 3 rubriquessont proposées aux allocataires : connaîtrevos droits selon votre situation, les servicesen ligne, s’informer sur les aides.

Conseil de l’Europe : politiques socialeshttp://www.coe.int/t/dg3/socialpolicies/default_fr.aspPortail informatif sur les politiques socialesde l’Union européenne. Entre autres politiques de la famille et de l’enfant.

CoPa (Coordination Parentalité) http://www.copabesancon.fr/Site associatif. À Besançon, la CoPa apporte un soutien aux professionnels intervenant auprès de familles dont lesparents sont en situation de déficience intellectuelle. Proposition d’outils, de sessions de formation.

CRAIF (Centre de ressources Autisme Îlede France)http://www.craif.org/Le CRAIF s’adresse aux personnels souffrantde troubles autistiques et apparentés, à leurfamille, aux professionnels concernés par l’au-tisme et au grand public. Le site est articulé en8 rubriques : actions du CRAIF, informationssur l’autisme, espace documentation, forma-tions et colloques, les CRA en France, liensutiles, offres d’emploi, l’essentiel sur…

Le web au service de la parentalité (Décembre 2013)

101La parentalité : regards pluriels

Espace famille enfance – Ministère desSolidarités et de la Cohésion socialehttp://www.solidarite.gouv.fr/espaces,770/famille,774/ Site public. Actualités, presse. Accès aux dossiers Famille Enfance par thème.

FENAMEF (Fédération Nationale de laMédiation et des Espaces Familiaux)http://www.mediation-familiale.org/Ce site diffuse des informations sur le métierde médiateur familial. La bibliographie, volu-mineuse, recense des ouvrages destinés aux professionnels mais aussi au grand public et aux enfants.

FNEPE (Fédération Nationale des Écolesdes Parents et des Éducateurs)http://www.ecoledesparents.orgPrésentation des fédérations régionales et du réseau, des actions menées à destinationdes parents, des jeunes et des professionnels.

Le Furethttp://www.lefuret.org/Site associatif du Furet, revue de la petiteenfance et de la diversité. Association engagée dans des projets Petite Enfance en milieu interculturel, dans la lutte contretoutes les formes de discriminations, dans lapromotion de l’intégration de l’enfant et desa famille.

Interventions précoces-Soutien à la parentalitéhttp://www.interventions-precoces.sante.gouv.fr/Site public pour les professionnels de lasanté et de l’enfance, les associations et lesfamilles. Un accès (sur simple inscription) estdestiné aux professionnels. Il offre une basedocumentaire regroupant des textes officiels, des études et articles, des restitu-

tions et partages d’expériences et d’initia-tives locales, interventions lors de colloques ou journées d’études…

ONED (Observatoire National de l’Enfance en Danger)http://www.oned.gouv.frL’Observatoire a pour missions de recueillir,analyser, évaluer et diffuser les données chiffrées, les études, les rapports, lesrecherches. Dans la rubrique «Ressources»,toutes les ressources du site sont réperto-riées de façon transversale sous sept thématiques. Un annuaire chercheurs est également disponible sur ce site.

Réseau LUCIOLES : Le Handicap Mentalau quotidienhttp://www.reseau-lucioles.orgSite associatif créé par des parents d’enfantshandicapés mentaux, avec le soutien de professionnels. Le site vise à collecter etmutualiser les bonnes pratiques qui ont faitleurs preuves dans l’accompagnement au quotidien des enfants fortement handicapés mentaux, qui peuvent aussisouffrir d’une déficience motrice.

UNAF (Union Nationale des Associations Familiales)http://www.unaf.fr/Site associatif. Actualités des politiquespubliques liées à la famille. La rubriqueÉtudes et Recherches propose de nombreuxdocuments réalisés par les observatoires desfamilles et l’Observatoire National des Popu-lations Majeurs Protégés (ONPMP). RubriqueUniversité des familles avec une plateformevidéo des conférences depuis 2008.

Par Sophie ARNAUDDocumentaliste EESTS

Cette webographie a été réalisée à partir de l’annuaire des sites du réseau Prisme. (Prisme est un réseau documentaire national né du rapprochement volontaire de professionnels

de la documentation exerçant dans le secteur de l’action sociale et éducative.)

CIDFF (Centre National d’Information sur les Droits des Femmes et des Familles)http://www.cidff-lille-nord.org Le CIDFF impulse et développe, avec le soutien des collectivités territoriales et des partenaires locaux, des actions en directiondu public, notamment féminin, dans différents domaines dont le soutien à la parentalité. Le site présente les différentes actions menées.

CRA NPDC (Centre Ressources Autismes Nord Pas de Calais)http://www.cra-npdc.org/Tout comme le CRAIF le CRA-NPDC s’adresseaux personnes souffrant de troubles autistiques et apparentés, à leur famille, aux professionnels concernés par l’autisme et au grand public. Il propose notamment des formations et des actions spécifiques pour les familles.

GRPS (Groupement Régional de Promotion de la Santé)http://www.santenpdc.org/Le Groupement Régional de Promotion de la Santé fédère 9 organismes dotés chacund’expertises dans le domaine de l’éducation,l’observation, la prévention et la promotionde la santé. Dans la rubrique anim’actionson trouve une sélection d’outils d’intervention sur la parentalité.

REAAP 62 (Réseau d’Ecoute d’Appui et d’Accompagnement des Parents du Pas-de-Calais) http://www.parent62.orgLe REAAP62 est un réseau qui réunit desparents, des professionnels, des institutions,des associations… autour d’une mêmeidée : les parents sont les premiers éducateurs de leurs enfants. Le site présenteles comités locaux, les actions menées et une importante documentation.

102 Le Fonds d’Assurance Formation de la Branche sanitaire, sociale et médico-sociale, privée à but non lucratifbl

La parentalité au travers de quelques sites en région Nord-Pas-de-Calais

103La parentalité : regards pluriels

“ L’organisation

et la mise en œuvre

d’activités de rup-

ture 24 heures sur 24

sont au cœur de

chaque CER. ”

Fax : 01 49 68 10 39

Tél. : 01 49 68 10 10

Siren : 479 939 449

31, rue Anatole France • 92309 Levallois-Perret cedex

[email protected]

www.unifaf.fr

103La parentalité : regards pluriels

“ L’organisation

et la mise en œuvre

d’activités de rup-

ture 24 heures sur 24

sont au cœur de

chaque CER. ”

Fax : 01 49 68 10 39

Tél. : 01 49 68 10 10

Siren : 479 939 449

31, rue Anatole France • 92309 Levallois-Perret cedex

[email protected]

www.unifaf.fr

Adresse postale : BP 80018 • 67013 Strasbourg cedex

Alsace Espace Européen de l’Entreprise • 19, avenue de l’Europe • 67300 Schiltigheim

Tél. : 03 90 22 22 30 • Fax : 03 88 83 29 19 [email protected]

Bât. 2 • 6, rue Théodore Blanc • 33 520 Bruges Tél. : 05 56 00 85 10 • Fax : 05 56 79 03 71Aquitaine [email protected]

Immeuble@number one • Parc Technologique de la Pardieu • 9, allée Evariste Galois • BP 20233 • 63174 AubièreAuvergne

Tél. : 04 73 28 57 40 • Fax : 04 73 28 57 45 [email protected]

Résidence la Wagram – 48, avenue de l’Hippodrome • 14 000 Caen Tél. : 02 31 15 65 00 • Fax : 02 31 15 65 09Basse-Normandie [email protected]

59, av. Roland Carraz • CS 70141 • 21304 Chenove cedex Tél. : 03 80 30 84 46 • Fax : 03 80 58 90 28Bourgogne [email protected]

39 rue du Capitaine Maignan CS 64 436 • 35044 Rennes Cedex Tél. : 02 23 44 04 40 • Fax : 02 23 44 04 49Bretagne [email protected]

3/5, bd de Verdun • BP 11704 • 45007 Orléans cedex 1 Tél. : 02 38 42 08 44 • Fax : 02 38 62 06 08Centre [email protected]

8, rue du Port de Marne • 51000 Chalons en Champagne Tél. : 03 26 65 81 49 • Fax : 03 26 64 53 02Champagne-Ardenne [email protected]

Ilots des Montboucons • 1 rue François-André Vincent • 25000 BesançonFranche-Comté [email protected]él. : 03 81 88 21 40 • Fax : 03 81 53 40 22

52, rue Victor Hugo • 27 000 Evreux Tél. : 02 32 31 25 23 • Fax : 02 32 33 70 59Haute-Normandie [email protected]

40, rue Gabriel Crié • 92 247 Malakoff cedex Tél. : 01 46 00 41 29 • Fax : 01 46 00 41 21Île-de-France [email protected]

420, allée Henry II de Montmorency • 34000 Montpellier Tél. : 04 67 92 07 64 • Fax : 04 67 58 35 29Languedoc-Roussillon [email protected]

25, boulevard Victor Hugo • 87000 Limoges Tél. : 05 55 10 32 00 • Fax : 05 55 10 32 09Limousin [email protected]

Tél. : 03 83 57 63 27 • Fax : 03 83 57 59 40Lorraine [email protected]

Les Berges du Lac • Bât. B Rue du Colombier BP 47694 31676 Labège Cedex Tél. : 05 34 31 34 60 • Fax: 05 34 31 34 89 Midi-Pyrénées [email protected]

22, rue du Quai • 59043 Lille cedex Tél. : 03 20 30 36 90 • Fax : 03 20 30 36 99Nord-Pas-de-Calais [email protected]

Tour Méditerranée • 65 avenue Jules Cantini • 13298 Marseille Cedex 20 Tél. : 04 91 14 05 40 • Fax : 04 91 91 93 38P. A.C.A.C. [email protected]

Pays de la Loire 1, rue Marguerite Thibert • CS 30225 • 44 202 Nantes Cedex 2

11, rue Vanmarcke • 80000 Amiens Tél. : 03 22 22 34 90 • Fax : 03 22 22 34 99Picardie [email protected]

Poitou-Charentes [email protected]

Tél. : 02 40 89 03 43 • Fax : 02 40 89 97 50 [email protected]

Immeuble le Président • 74, bd du 11 Novembre • CS 50039 • 69 626 Villeurbanne Tél. : 04 72 07 45 30 • Fax : 04 78 28 63 84Rhône-Alpes [email protected]

2/4 rue Jacques Villermaux • Médiaparc • 54000 Nancy

5, rue André Lardy • Centre d’affaires de la Mare • Bâtiment C • 2e étage • 97438 Sainte -MarieÎle de la Réunion

Tél. : 02 62 90 23 59 • Fax : 02 62 41 35 32 [email protected]

Parc de L’Ébaupin, 3 rue de L’Angélique • BP98311 Bessines • 79043 Niort cedex 9 Tél. : 05 49 77 11 33 • Fax : 05 49 77 11 39

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