Bertrand Dacosta, Limitation des moyens invocables dans le référé précontractuel.pdf

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RFDA 2008 p. 1128 Limitation des moyens invocables dans le référé précontractuel Conclusions sur Conseil d'Etat, sect., 3 octobre 2008, Syndicat mixte intercommunal de réalisation et de gestion pour l'élimination des ordures ménagères du secteur Est de la Sarthe (SMIRGEOMES), req. n° 305420 Bertrand Dacosta, Maître des requêtes au Conseil d'Etat, Commissaire du gouvernement Le Syndicat mixte intercommunal de réalisation et de gestion pour l'élimination des ordures ménagères du secteur Est de la Sarthe (SMIRGEOMES) a lancé, en janvier 2007, une procédure d'appel d'offres ouvert pour l'attribution d'un marché de services ayant pour objet la prise en charge, le transport, le tri et la valorisation des métaux collectés au sein des déchetteries. Il a donc, à cette fin, fait publier au Bulletin officiel des annonces des marchés publics (BOAMP) et au Journal officiel de l'Union européenne (JOUE) un avis d'appel public à la concurrence. Le syndicat n'a pas eu à faire preuve d'imagination pour déterminer les mentions requises. Pour les marchés supérieurs aux seuils communautaires, l'arrêté du 28 août 2006 impose d'utiliser les modèles annexés au règlement n° 1564/2005 de la Commission du 7 septembre 2005. Notre syndicat intercommunal s'est donc trouvé confronté à l'exercice auquel tout pouvoir adjudicateur d'une certaine importance est désormais accoutumé : remplir les quelques dizaines de rubriques prévues par le modèle type. Au nombre de celles-ci, figure une rubrique II.1.7, « marché couvert par l'accord sur les marchés publics : oui/non ». Peut-être, intrigué par cette mention, a-t-il recherché en quoi consistait cet accord sur les marchés publics. Il a alors découvert qu'il s'agissait d'un accord conclu en 1994 sous l'égide de l'Organisation mondiale du commerce, dans le cadre de l'Uruguay Round. Cet accord a pour objet de permettre aux fournisseurs de biens et services des pays signataires d'avoir accès, dans les mêmes conditions que les fournisseurs de biens et services nationaux, aux marchés publics passés par les pouvoirs adjudicateurs des Etats signataires. Dépourvu d'effet direct, il a été intégré dans l'ordre juridique communautaire par une décision du Conseil du 22 décembre 1994 ; ses stipulations ont été prises en compte par le droit communautaire, via deux directives des 13 octobre 1997 et 16 février 1998. On peut supposer que, soucieux de bien faire, le syndicat intercommunal a consulté le texte de l'accord pour tenter de déterminer si, oui ou non, le marché qu'il envisageait de conclure entrait dans son champ d'application. Il résulte de l'annexe 4 de l'appendice I de l'accord sur les marchés publics (AMP) que celui-ci inclut les services de voirie et d'enlèvement des ordures, services d'assainissement et services analogues. C'est donc, probablement, en toute quiétude, que le syndicat a coché la case « oui ». Mal lui en a pris. Saisi par une entreprise dont l'offre n'avait pas été retenue - la société Passenaud Recyclage - le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a, lui, estimé que le marché en cause n'était pas assimilable à une prestation d'enlèvement d'ordures au sens de l'annexe 4, et n'était donc pas couvert par l'AMP. Parfaitement au fait de votre jurisprudence, il s'est certainement souvenu de votre décision Communauté d'agglomération de Lens-Liévin du 14 mai 2003 (n° 251336), par laquelle vous avez jugé que « la circonstance que l'accord international sur les marchés publics n'a pas d'effet direct (...) n'est pas de nature à priver de caractère impératif (...) la rubrique relative à cet accord » et qu'ainsi l'absence de tout élément sur ce point devait entraîner l'annulation de la procédure de passation du marché. Il s'est également imprégné de votre décision Communauté d'agglomération de Limoges Métropole du 10 mars 2004, par laquelle vous avez jugé que devait aussi entraîner l'annulation de la procédure le fait d'avoir indiqué, à tort, que le marché n'était pas couvert par l'accord, alors qu'il l'était. Enfin, et s'il en était besoin, il a dû puiser un surcroît de conviction dans la relecture de votre décision du 10 mai 2006, Syndicat intercommunal des services de l'agglomération valentinoise (1), par laquelle vous avez annulé une procédure de passation de marché au motif que figurait au Journal officiel de l'Union

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  • RFDA 2008 p. 1128 Limitation des moyens invocables dans le rfr prcontractuel Conclusions sur Conseil d'Etat, sect., 3 octobre 2008, Syndicat mixte intercommunal de ralisation et de gestion pour l'limination des ordures mnagres du secteur Est de la Sarthe (SMIRGEOMES), req. n 305420 Bertrand Dacosta, Matre des requtes au Conseil d'Etat, Commissaire du gouvernement Le Syndicat mixte intercommunal de ralisation et de gestion pour l'limination des ordures mnagres du secteur Est de la Sarthe (SMIRGEOMES) a lanc, en janvier 2007, une procdure d'appel d'offres ouvert pour l'attribution d'un march de services ayant pour objet la prise en charge, le transport, le tri et la valorisation des mtaux collects au sein des dchetteries. Il a donc, cette fin, fait publier au Bulletin officiel des annonces des marchs publics (BOAMP) et au Journal officiel de l'Union europenne (JOUE) un avis d'appel public la concurrence. Le syndicat n'a pas eu faire preuve d'imagination pour dterminer les mentions requises. Pour les marchs suprieurs aux seuils communautaires, l'arrt du 28 aot 2006 impose d'utiliser les modles annexs au rglement n 1564/2005 de la Commission du 7 septembre 2005. Notre syndicat intercommunal s'est donc trouv confront l'exercice auquel tout pouvoir adjudicateur d'une certaine importance est dsormais accoutum : remplir les quelques dizaines de rubriques prvues par le modle type. Au nombre de celles-ci, figure une rubrique II.1.7, march couvert par l'accord sur les marchs publics : oui/non . Peut-tre, intrigu par cette mention, a-t-il recherch en quoi consistait cet accord sur les marchs publics. Il a alors dcouvert qu'il s'agissait d'un accord conclu en 1994 sous l'gide de l'Organisation mondiale du commerce, dans le cadre de l'Uruguay Round. Cet accord a pour objet de permettre aux fournisseurs de biens et services des pays signataires d'avoir accs, dans les mmes conditions que les fournisseurs de biens et services nationaux, aux marchs publics passs par les pouvoirs adjudicateurs des Etats signataires. Dpourvu d'effet direct, il a t intgr dans l'ordre juridique communautaire par une dcision du Conseil du 22 dcembre 1994 ; ses stipulations ont t prises en compte par le droit communautaire, via deux directives des 13 octobre 1997 et 16 fvrier 1998. On peut supposer que, soucieux de bien faire, le syndicat intercommunal a consult le texte de l'accord pour tenter de dterminer si, oui ou non, le march qu'il envisageait de conclure entrait dans son champ d'application. Il rsulte de l'annexe 4 de l'appendice I de l'accord sur les marchs publics (AMP) que celui-ci inclut les services de voirie et d'enlvement des ordures, services d'assainissement et services analogues. C'est donc, probablement, en toute quitude, que le syndicat a coch la case oui . Mal lui en a pris. Saisi par une entreprise dont l'offre n'avait pas t retenue - la socit Passenaud Recyclage - le juge des rfrs du tribunal administratif de Nantes a, lui, estim que le march en cause n'tait pas assimilable une prestation d'enlvement d'ordures au sens de l'annexe 4, et n'tait donc pas couvert par l'AMP. Parfaitement au fait de votre jurisprudence, il s'est certainement souvenu de votre dcision Communaut d'agglomration de Lens-Livin du 14 mai 2003 (n 251336), par laquelle vous avez jug que la circonstance que l'accord international sur les marchs publics n'a pas d'effet direct (...) n'est pas de nature priver de caractre impratif (...) la rubrique relative cet accord et qu'ainsi l'absence de tout lment sur ce point devait entraner l'annulation de la procdure de passation du march. Il s'est galement imprgn de votre dcision Communaut d'agglomration de Limoges Mtropole du 10 mars 2004, par laquelle vous avez jug que devait aussi entraner l'annulation de la procdure le fait d'avoir indiqu, tort, que le march n'tait pas couvert par l'accord, alors qu'il l'tait. Enfin, et s'il en tait besoin, il a d puiser un surcrot de conviction dans la relecture de votre dcision du 10 mai 2006, Syndicat intercommunal des services de l'agglomration valentinoise (1), par laquelle vous avez annul une procdure de passation de march au motif que figurait au Journal officiel de l'Union

  • europenne (JOUE), mais non au Bulletin officiel de l'accord sur les marchs publics (BOAMP), la mention selon laquelle le march tait couvert par l'accord. Et c'est ainsi que, par une ordonnance en date du 24 avril 2007, le juge des rfrs du tribunal administratif de Nantes a annul la procdure de passation du march engage par le Syndicat mixte intercommunal de ralisation et de gestion pour l'limination des ordures mnagres du secteur Est de la Sarthe, qui se pourvoit en cassation devant vous. Pour comprendre le cheminement qui a conduit jusque-l, un bref retour en arrire s'impose. Introduit en droit franais par la loi du 4 janvier 1992, le rfr prcontractuel constitue alors un objet juridique difficilement identifiable, ne se rattachant aucune des catgories habituelles de la procdure contentieuse administrative. Cette singularit s'est un peu estompe au fil des annes, le juge administratif se voyant dot, grce des rformes lgislatives successives et aux inflexions de votre jurisprudence, de nouveaux pouvoirs qui relativisent la singularit du dispositif. Le rfr prcontractuel rencontre, en outre, un succs croissant : connu des oprateurs conomiques, matris, voire instrumentalis par ceux-ci, il est devenu l'un des lments, et non le moindre, du paysage procdural. Cette banalisation apparente est cependant trompeuse : l'instrument demeure, nous le verrons, irrductiblement original... Si un souci de transparence et de moralisation de la vie publique a imprgn de multiples lgislations au dbut des annes 1990, le rfr prcontractuel est issu, au premier chef, de la ncessit de transposer la directive 89/655 CEE du 21 dcembre 1989 portant coordination des dispositions lgislatives, rglementaires et administratives relatives l'application des procdures de recours en matire de passation des marchs publics de fournitures et de travaux, communment appele directive recours . A l'poque o cette directive a t adopte, le droit communautaire encadrait dj, de longue date, un vaste pan des marchs publics (2). Mais les institutions europennes devaient constater qu'imposer des rgles non-discriminatoires en matire contractuelle n'en garantissait pas le respect effectif ; d'o la volont de prvoir, en cas de violation des rgles communautaires, des recours efficaces et rapides, c'est--dire des recours permettant d'obtenir, au cours des procdures de passation des marchs publics, et avant que ceux-ci ne soient signs, la suspension ou l'annulation de dcisions illgales. Tel est l'objet de la directive recours . Il faut observer que cette directive laisse une relle marge d'apprciation et de choix aux Etats membres quant aux moyens mettre en ?uvre. En particulier, elle n'impose pas le recours une procdure juridictionnelle. Le lgislateur national a, dans un premier temps, entendu se limiter une stricte transposition de la directive, tout en choisissant de juridictionnaliser la procdure, tant devant le juge administratif que devant le juge judiciaire. Rappelons que la notion de march public, au sens des directives communautaires, dborde largement les seuls marchs couverts par notre code des marchs publics (3). La transposition de ces directives a donc conduit modifier le code, mais aussi adopter des dispositions spcifiques pour les pouvoirs adjudicateurs non soumis celui-ci : les articles 9, 10 et 11 de la loi du 3 janvier 1991 relative la transparence et la rgularit des procdures de marchs et soumettant la passation de certains contrats des rgles de publicit et de mise en concurrence. Les contrats mentionns ces articles peuvent tre soit des contrats de droit priv, soit des contrats administratifs, par application des critres traditionnels de rpartition des comptences. La transposition de la directive recours a par consquent donn lieu la cration d'un rfr prcontractuel devant le juge administratif, pour les contrats rgis par le code des marchs publics ainsi que pour ceux des contrats viss par les articles 9, 10 et 11 de la loi du 3 janvier 1991 relevant du droit public, mais aussi devant le juge judiciaire, pour les autres contrats. S'agissant des premiers, les dispositions en cause ont t codifies l'article L. 22 de ce qui tait alors le code des tribunaux administratifs. Le dispositif a ensuite vu son champ d'application considrablement tendu par la loi du 29 janvier 1993 relative la prvention de la corruption et la transparence de la vie conomique, dite loi Sapin . L'extension a port, d'une part, sur l'ensemble des marchs

  • publics au sens du droit national, et plus seulement sur les marchs d'un montant suprieur aux seuils communautaires, et, d'autre part, sur les dlgations de service public, non couvertes par les directives marchs . Puis un nouveau rfr prcontractuel a t institu pour les secteurs dits exclus (secteurs de l'eau, de l'nergie, des transports et des tlcommunications), par une loi du 29 dcembre 1993 transposant la directive 92/13 CEE du 25 fvrier 1992. D'autres modifications sont intervenues ultrieurement. Citons notamment la suppression, en 2000, de l'obligation d'un recours administratif pralable obligatoire avant la saisine du juge administratif ou l'extension aux contrats de partenariat par l'ordonnance du 17 juin 2004. En l'tat actuel du droit, l'article L. 551-1 du code de justice administrative, qui a pris le relais de l'article L. 22, s'applique donc, pour simplifier, aux marchs publics stricto sensu, aux contrats administratifs conclus par les pouvoirs adjudicateurs soumis l'ordonnance du 6 juin 2005 relative aux marchs passs par certaines personnes publiques ou prives non soumises au code des marchs publics, aux contrats de partenariat et aux dlgations de service public. L'article L. 551-2, qui a pris le relais de l'article L. 23, s'applique, lui, aux contrats administratifs non soumis au code des marchs publics et intervenant dans les secteurs prcdemment qualifis de secteurs exclus, tant prcis que, pour ces secteurs, est utilis le terme d' entit adjudicatrice et non de pouvoir adjudicateur . Quant aux contrats de droit priv conclus par les pouvoirs adjudicateurs et les entits adjudicatrices, ils relvent de la procdure de rfr devant le juge judiciaire prvue par l'ordonnance du 6 juin 2005. Pour ajouter une petite touche de complexit supplmentaire au tableau, les pouvoirs du juge des rfrs ne sont pas identiques dans le cadre des articles L. 551-1 et L. 551-2 : ils sont bien plus substantiels dans le premier cas. Ces pouvoirs ont une limite abrupte dans le temps : ils prennent fin ds le moment o le contrat a t sign. Si le contrat a t sign avant mme que le juge ait t saisi, la requte est irrecevable (4) ; s'il l'a t postrieurement la saisine du juge et avant que celui-ci n'ait statu, il y a non-lieu ; enfin, il y a non-lieu en cassation si le contrat est sign postrieurement au pourvoi (5). On comprend que la tentation puisse tre grande, pour le pouvoir adjudicateur, de hter la procdure. Aussi le lgislateur, s'tant avis de ce risque, a-t-il donn au juge la possibilit, ds sa saisine, d'enjoindre de diffrer la signature jusqu'au terme de la procdure et pour une dure maximum de vingt jours (v. l'article 14 de la loi du 30 juin 2000) (6). Mais, ds lors qu'il est bien comptent pour statuer, le juge du rfr prcontractuel dispose de pouvoirs totalement trangers l'office normal du juge des rfrs, voire l'office normal du juge du fond. Il peut, certes, prendre des mesures provisoires, telle la suspension de la passation du contrat ou de l'excution de toute dcision s'y rapportant. Mais il peut galement enjoindre l'auteur du manquement de se conformer ses obligations. Il peut, ce titre, contraindre la collectivit retirer un critre illgal du rglement de la consultation (7). Il dispose, en outre, du pouvoir d'annuler des dcisions administratives, voire, hypothse trs frquente, la procdure de passation dans son ensemble (8). Enfin, le juge du rfr prcontractuel dispose de ce qui s'apparente un pouvoir de rformation, puisqu'il peut supprimer des clauses ou des prescriptions destines figurer dans le contrat. Comme le relevaient C. Bergeal et F. Lenica dans leur ouvrage consacr au contentieux des marchs publics, alors que l'ordonnance de rfr classique est un jugement provisoire sur un acte dfinitif, l'ordonnance de rfr prcontractuel est un jugement dfinitif sur un acte prparatoire (9). Vous avez, en outre, permis au juge des rfrs de piocher librement dans la bote outils que constitue l'article L. 551-1, sans s'arrter ce qui lui est demand par le requrant : ds lors qu'il est rgulirement saisi, il dispose (...) de l'intgralit des pouvoirs qui lui sont ainsi confrs pour mettre fin, s'il en constate l'existence, aux manquements de l'administration ses obligations de publicit et de mise en concurrence (10). Ne commet donc pas d'erreur de droit le juge qui prononce l'annulation de la procdure, alors que seule sa suspension tait demande. Dans la mme logique, vous avez jug que le juge des rfrs peut tre conduit annuler toute la procdure de passation d'un contrat, alors mme qu'une partie de celle-ci n'est pas conteste devant lui (11).

  • Ces pouvoirs consquents, le juge les exerce en la forme des rfrs, c'est--dire en statuant seul, sans audition du commissaire du gouvernement ; il statue, de surcrot, en premier et dernier ressort, sous le seul contrle du juge de cassation. Le juge des rfrs prcontractuels, dans la sphre qui est la sienne, dispose donc d'un instrument juridique d'une redoutable efficacit, renforce, de surcrot, par les choix de politique jurisprudentielle qui ont t les vtres. A cet gard, deux lments doivent tre particulirement mis en relief. En premier lieu, vous avez retenu une conception particulirement extensive de l'intrt agir. Comme le relevait Christophe Chantepy dans ses conclusions sur votre dcision de section du 3 novembre 1995, District de l'agglomration nancienne, le texte semble donner de l'intrt agir une dfinition plus restrictive que celle qui vaut en excs de pouvoir, et inciter en particulier le juge en apprcier la ralit au vu des moyens invoqus. De mme, les commentateurs autoriss de cette dcision indiquaient, dans leur chronique de jurisprudence l'AJDA, que l'article L. 22, ds lors qu'il dispose que les personnes habilites agir sont celles qui sont susceptibles d'tre lses par le manquement, incite le juge, contrairement aux rgles gnrales relatives la recevabilit des requtes, tenir compte des moyens invoqus pour apprcier l'intrt agir (12). C'est pourtant une interprtation inverse que vous avez accord votre prfrence, en jugeant que tout candidat potentiel l'attribution d'un march public est recevable invoquer n'importe quel manquement, sans qu'il doive justifier que ce manquement lui a, en fait, caus le moindre prjudice : pour reprendre les termes de votre dcision Socit Stereau du 16 octobre 2000 (13), une entreprise candidate l'obtention d'un march (est) susceptible d'tre lse par tout manquement aux obligations de publicit et de mise en concurrence . Pour le dire autrement, une entreprise candidate l'obtention d'un march peut invoquer devant le juge du rfr prcontractuel tout manquement aux obligations de publicit et de mise en concurrence, mme s'il n'a pas t commis son dtriment . (14) (15) Dans la ligne de cette jurisprudence, vous avez mme jug qu'une entreprise dont la candidature avait t carte en raison de l'insuffisance de ses rfrences tait recevable invoquer des manquements aux obligations de publicit et de mise en concurrence relatifs la phase de slection des offres, alors que de tels manquements non seulement n'avaient pas t commis son dtriment, mais avaient t, par construction, insusceptibles de lui causer le moindre prjudice (16). Vous appliquez donc au rfr prcontractuel, sans tats d'me, le principe selon lequel l'intrt agir s'apprcie au regard des conclusions, et non des moyens, alors mme qu'une telle lecture du texte revient neutraliser l'une des conditions qu'il impose. La seule limite pose par votre jurisprudence est qu'elle exclut la possibilit de se prvaloir d'irrgularits qui sont sans lien avec les obligations de publicit et de mise en concurrence. Ainsi, le requrant ne saurait utilement soutenir que l'un des candidats ne respecte pas son objet social ou, s'agissant d'un tablissement public, le principe de spcialit (17). Ajoutons, enfin, que toute entreprise intervenant dans le secteur concern est rpute avoir intrt conclure le contrat au sens de l'article L. 551-1, et donc saisir le juge (18). Tout manquement peut donc tre invoqu par tout requrant ; en outre, et c'est l le second lment dcisif, tout manquement peut conduire le juge des rfrs prcontractuels user des pouvoirs qui sont les siens. Sur ce point, il convient, malgr tout, d'oprer une distinction entre les manquements aux obligations de mise en concurrence et les manquements aux obligations de publicit. Les manquements aux obligations de mise en concurrence qui ne revtent pas la forme d'une omission ou d'une erreur affectant la publicit de la procdure de passation du contrat sont de nature trs varie : ambiguts ou contradictions dans les documents de la consultation (19), absence de pertinence des critres de choix des offres (20), fixation d'exigences injustifies de nature rduire indment la concurrence (21), irrgularit des motifs retenus par la collectivit au stade de la slection des candidats (22)... La caractrisation de tels manquements implique gnralement une apprciation in concreto du juge. Ceci peut le conduire estimer que l'irrgularit n'est pas constitue, ou bien que, la supposer avre,

  • elle a t sans incidence sur le bon droulement de la procdure. Vous avez ainsi jug que la participation la commission d'appel d'offres d'un ancien salari d'une des socits candidates, salari licenci par celle-ci quelques annes plus tt, n'avait pas constitu, en l'espce, un manquement aux obligations de mise en concurrence, en l'absence notamment de toute allgation prcise permettant de mettre en doute son impartialit (23). Dans ses conclusions sur cette dernire affaire, notre prdcesseur, D. Piveteau, vous invitait d'ailleurs expressment ne censurer que les vices de procdure ayant concrtement port atteinte la libre concurrence. C'est une voie dans laquelle vous vous tes engags, mais non sans une certaine prudence. La situation se prsente diffremment en ce qui concerne les mentions qui doivent figurer, en vertu de textes communautaires ou nationaux, dans les avis d'appel public la concurrence, s'agissant des marchs publics. En l'tat actuel de votre jurisprudence, les omissions ou les erreurs qui affectent ces mentions sont rputes entraner un manquement aux obligations de publicit et de mise en concurrence ; la sanction est alors quasi mcanique : l'annulation pure et simple de la procdure. Les contre-exemples sont peu nombreux. Vous avez ainsi admis qu'il puisse tre drog au principe selon lequel l'avis de publicit au JOUE doit tre identique celui publi au BOAMP lorsque ne peuvent tre releves que des diffrences de dtail (24). Vous avez galement jug que l'absence de mention, dans l'avis, de la dure d'une convention d'affermage n'avait pas t, dans les circonstances de l'espce, de nature entacher d'irrgularit la procdure, ds lors que l'information figurait dans le dossier de consultation remis l'ensemble des candidats (25). Par ailleurs, aprs avoir annul systmatiquement les procdures de passation lorsque n'avait pas t remplie la mention relative aux modalits de financement du march (26), vous avez lgrement assoupli votre jurisprudence en admettant une indication trs succincte, mais suffisante pour dterminer si le march allait tre financ sur ressources propres ou par le recours l'emprunt (27). Relevons enfin que, par deux dcisions du 8 fvrier dernier, Commune de Toulouse ( mentionner aux Tables) et Dpartement de l'Essonne (n 300275), vous avez sembl vous engager dans la voie consistant, pour le juge des rfrs, vrifier si le caractre incomplet ou inexact d'une mention a affect de manire substantielle les conditions de publicit ; mais vous n'avez pas, ce stade, retenu le mme parti dans le cas d'une omission pure et simple. Tel est le cadre actuel. Et telles sont les raisons pour lesquelles l'ordonnance attaque devant vous n'est pas htrodoxe. Quelles sont, aujourd'hui, les solutions envisageables ? Nous n'en citons une que pour mmoire. Elle consisterait censurer l'erreur de qualification juridique commise par le juge des rfrs en estimant que le march en cause ne relevait pas de l'AMP. La difficult qui a arrt le premier juge rside dans le fait que le march en cause ne concerne pas les dchets collects auprs des particuliers, mais la prise en charge et la valorisation des mtaux collects dans les dchetteries. Il nous semble, toutefois, que, quelles que soient les hsitations qu'implique la terminologie utilise, la logique de l'accord va dans le sens d'une inclusion de ce type de prestations dans son champ d'application. Si le syndicat a indiqu juste titre que le march tait couvert par l'accord, alors la question des incidences d'une mention inexacte ne se pose plus. Mais l'affaire n'a pas t porte au rle de votre formation de jugement pour connatre un tel dnouement. La premire vritable option sur laquelle il convient de s'arrter a le mrite de la simplicit et de la continuit : elle reviendrait confirmer avec solennit votre jurisprudence traditionnelle. Plusieurs arguments militent dans ce sens. En premier lieu, cette jurisprudence encourt, certes, et nous y reviendrons, quelques critiques, mais elle a l'avantage d'tre dsormais parfaitement connue des parties prenantes - pouvoirs adjudicateurs et oprateurs conomiques - ou du moins devrait l'tre. En deuxime lieu, elle a, en quelque sorte, les qualits de ses dfauts : sa svrit et son formalisme sont aussi le gage de sa robustesse. Pas ou gure de dbats sur l'importance et les effets de l'irrgularit invoque : c'est la

  • hache que le litige peut tre tranch, ce qui simplifie sans conteste l'office du juge. En troisime lieu, l'automaticit de la sanction devrait avoir un fort effet prventif ; de fait, les pouvoirs adjudicateurs tentent, autant qu'ils le peuvent, de se prmunir contre la commission involontaire d'irrgularits. Enfin, et c'est l l'lment le plus important, votre jurisprudence nous semble reposer sur l'ide selon laquelle mieux vaut saisir l'irrgularit un stade o elle n'a pas encore produit tous ses effets que d'tre confront, en aval, la ncessit de constater la nullit d'un contrat, avec les consquences souvent ravageuses qui en dcoulent. Ces arguments sont pertinents ; mais de fortes raisons doivent conduire, selon nous, les relativiser. Nous observerons, tout d'abord, que le systme actuel, malgr les apparences, est empreint d'une forte inscurit juridique. On pourrait croire que remplir correctement les rubriques d'un avis d'appel public la concurrence est la porte de tout agent un tant soit peu consciencieux. Il n'en est rien. Le simple examen du modle d'avis annex au rglement du 7 septembre 2005, ou des modles annexs l'arrt du 28 aot 2006, dmontre le contraire. Encore une lecture rapide ne permet-elle pas d'imaginer toutes les ressources que l'inventivit de certains requrants peut y dceler. Nous nous limiterons quelques exemples. La rubrique II.1.3 du modle communautaire fait obligation au pouvoir adjudicateur d'indiquer si l'avis implique un march public, la mise en place d'un systme d'acquisition dynamique ou l'tablissement d'un accord-cadre. La rubrique II.1.4 ne doit tre remplie que si le march est un accord-cadre ; il faut alors indiquer s'il est conclu avec un seul ou plusieurs oprateurs, ainsi que le nombre de participants, ou, le cas chant, le nombre maximal. Un pouvoir adjudicateur lance une procdure de passation d'un march bons de commande. En droit interne, les notions d'accords-cadres et de marchs bons de commande sont des notions distinctes. Les premiers sont rgis par l'article 76 du code des marchs publics, les seconds par l'article 77. Notre pouvoir adjudicateur indique donc, la rubrique II.1.3, que l'avis implique un march public, et ne remplit pas la rubrique II.1.4. Hlas pour lui, en droit communautaire, les marchs bons de commande sont une sous-catgorie des accords-cadres. Et c'est ainsi que la procdure est annule (28). Le formulaire standard comprend galement une rubrique VI.4, relative aux procdures de recours, elle-mme subdivise en trois sous-rubriques. La sous-rubrique VI.4.1 impose de mentionner les coordonnes de l'instance charge des procdures de recours ; la sous-rubrique VI.4.2 s'intitule Prcisions concernant le(s) dlai(s) d'introduction des recours ; enfin, la sous-rubrique VI.4.3 a trait au Service auprs duquel des renseignements peuvent tre obtenus concernant l'introduction des recours . Vous avez jug que l'indication des coordonnes du service auprs duquel peuvent tre obtenus les renseignements concernant l'introduction des recours, c'est--dire le fait de remplir la rubrique VI.4.3, dispensait de remplir la rubrique VI.4.2, relative aux dlais de recours (29). Mais le pouvoir adjudicateur peut-il se borner indiquer l'adresse du tribunal administratif ou encore celle de ses propres services ? Ou doit-il mentionner un autre organisme, tel un Centre interministriel de renseignements administratifs ? Seul le juge apportera, le moment venu, la bonne rponse. Et si, anim de bons sentiments, le pouvoir adjudicateur veut apporter lui-mme les indications requises, quelles sont-elles ? Vous avez bien jug, par votre dcision Commune de Toulouse du 8 fvrier 2008, que l'on pouvait, dans ce cas, se limiter voquer l'existence du rfr prcontractuel ; mais, comme l'illustre d'ailleurs cette dcision, il y a bien des manires de mal remplir cette rubrique pourtant ainsi circonscrite, et d'encourir par voie de consquence l'annulation de la procdure. Les piges tendus aux pouvoirs adjudicateurs sont, parfois, ce point ingnieux que vous tes contraints de faire preuve d'une certaine hardiesse juridique pour les en faire sortir. Prenons l'article 40 du code des marchs publics, dont le VII prvoit que l'avis publi au BOAMP doit mentionner la date d'envoi de l'avis l'Office des publications officielles de l'Union europenne. Innovation heureuse : un dispositif de tltransmission des avis de march a t mis en place. Ce systme, dit de la passerelle unique, permet au pouvoir adjudicateur d'effectuer une seule saisie, valant pour les deux publications, sur le support en ligne mis disposition par les services du BOAMP. Autrement dit, le pouvoir adjudicateur pense

  • lgitimement que lorsqu'il remplit la case date d'envoi , cette rubrique vaut aussi bien pour l'envoi au BOAMP qu'au JOUE. Funeste erreur : l'avis publi au BOAMP, au moins dans les premiers mois, ne comportait aucune indication sur la date d'envoi l'Office. Il vous a donc fallu juger que, dans une telle hypothse, la date d'envoi du prsent avis figurant sur l'avis publi au BOAMP devait tre regarde comme tant galement celle de l'envoi de l'avis l'Office des publications officielles de l'Union Europenne (30). En ralit, il est aujourd'hui trs difficile pour une collectivit d'avoir la certitude que la conclusion d'un march ou d'une dlgation de service public sera exempte de toute irrgularit. Et les irrgularits releves par le juge risquent fort de conduire l'annulation de l'ensemble de la procdure, alors mme que chacun sera convaincu, y compris le magistrat, de leur absence totale d'incidence sur le choix effectu par la personne publique. Pour reprendre les termes du professeur Gabriel Eckert, conclure un contrat public est devenu une aventure hasardeuse (31). On comprend, dans ces conditions, que les entreprises vinces succombent de plus en plus frquemment la tentation d'obtenir du juge des rfrs une seconde chance de conclure le contrat. Ceci d'autant plus que si une certaine inhibition dissuadait nagure celles-ci d'aller devant une juridiction pour obtenir gain de cause, l'obstacle a disparu. Non seulement l'entreprise qui saisit le juge ne se prive pas de la possibilit d'obtenir un contrat l'avenir, mais le rfr prcontractuel peut tre l'un des lments d'une stratgie d'entre sur un march jusque-l ferm (32)... Le rfr prcontractuel est bien, dans nombre de cas, instrumentalis par les oprateurs conomiques. La lecture de certaines requtes introduites devant les tribunaux administratifs nous conduit d'ailleurs regarder l'usage de cette procdure contentieuse comme parfois totalement dvoy, avec des arguments dont la bonne foi n'est certes pas le trait dominant (33). Selon des observateurs attentifs - nous citons une chronique publie l't dernier dans un quotidien conomique - certains candidats vincs se sont mme fait une spcialit d'engager de tels recours pour se dsister l'instant d'aprs, trs vraisemblablement au prix d'arrangements, voire de compensations que l'on peut souponner (34). De facto, le nombre de recours a approximativement doubl entre 2003 et 2006, avec un taux de satisfaction de l'ordre d'un tiers, mais largement suprieur si l'on exclut les dsistements et les non-lieux. Or les consquences pratiques de l'annulation d'une procdure de passation d'un march public ou d'une dlgation de service public ne sont pas anodines. Survenant gnralement juste avant la signature du contrat, l'annulation rduit nant une srie d'actes pris sur plusieurs mois, parfois sur une anne entire ; lorsqu'elle est fonde sur une irrgularit affectant l'avis de march, c'est ab initio que la procdure est vicie. Le besoin satisfaire n'en a pas pour autant disparu. Lorsqu'il s'agit d'un march de travaux pour la rfection d'un ouvrage public, le retard peut n'avoir d'autre incidence, si l'on peut dire, qu'un surcot pour la collectivit. Mais lorsqu'est en cause le renouvellement d'un affermage ou d'une concession, le principe de continuit du service public peut placer l'autorit dlgante - et la population concerne - dans une situation pour le moins inconfortable. Pour citer nouveau l'un des commentateurs de votre jurisprudence, le bilan cot-avantage de l'annulation dcide par le juge est pour le moins dsquilibr au dtriment tant de la continuit du service public que de la rationalit conomique (35) . Quand on met en regard les motifs de certaines annulations et les consquences de celles-ci, on peut donc lgitimement s'interroger sur la pertinence du dispositif. On le peut d'autant plus que le paysage juridique dans lequel s'inscrit votre jurisprudence a substantiellement volu. Celle-ci repose, en ralit, sur l'ide selon laquelle le rfr prcontractuel aurait pour fonction d'assurer le respect objectif de la lgalit, du moins de l'ensemble des rgles relatives la mise la concurrence et la publicit. Dans cette optique, l'entreprise requrante n'agit pas, principalement, dans son propre intrt. Elle est, en quelque sorte, le porte-voix de toutes les personnes qui ont t, qui pourraient ou qui auraient pu tre victimes d'un manquement quelconque, mais qui n'ont pas pu ou pas voulu saisir le juge. Cette conception est justifiable dans un systme juridique o, une fois le contrat conclu, il n'existe plus de possibilit, pour l'entreprise vince, de faire valoir ses droits. Elle est galement justifiable lorsque le systme prvoit qu'une sanction de l'irrgularit demeure possible aprs la signature du contrat, mais

  • se traduit par la nullit de celui-ci. La logique et l'quit commandent alors de purger tous les manquements au stade du rfr, puisque, dans le premier cas, ces manquements ne pourront plus tre corrigs dans une phase ultrieure et que, dans le second cas, ils ne pourront l'tre qu'au prix d'une mise nant du contrat, plus prjudiciable aux diffrents intrts en cause qu'une annulation de la procdure de passation. Mais nous n'en sommes plus l. Par votre dcision d'assemble Socit Tropic Travaux Signalisation Guadeloupe du 16 juillet 2007, vous avez ouvert tout concurrent vinc de la conclusion d'un contrat administratif la possibilit de former un recours de pleine juridiction contre ce contrat ou certaines de ses clauses, en modulant le pouvoir du juge, qui peut, aprs avoir pris en considration la nature de l'illgalit ventuellement commise, soit prononcer la rsiliation du contrat ou modifier certaines de ses clauses, soit dcider de la poursuite de son excution, ventuellement sous rserve de mesures de rgularisation par la collectivit contractante, soit accorder des indemnisations en rparation des droits lss, soit enfin, aprs avoir vrifi si l'annulation du contrat ne porterait pas une atteinte excessive l'intrt gnral ou aux droits des cocontractants, annuler celui-ci, totalement ou partiellement, et le cas chant avec un effet diffr. L'entreprise vince qui n'a pas eu recours au rfr prcontractuel a dsormais un accs direct au juge, sans tre oblige d'emprunter la voie dtourne d'une demande dirige contre l'acte dtachable. Le juge, pour sa part, dispose de toute une gamme d'instruments juridiques pour corriger ou compenser l'irrgularit invoque. Sur le plan du droit communautaire, l'volution est analogue. La directive du 11 dcembre 2007 (36) s'intresse la phase postrieure la signature du contrat. Elle prvoit qu'un march devra tre dclar, en certains cas, dpourvu d'effets. Mais cette dclaration de nullit ne sera obligatoirement prononce que pour les manquements les plus graves : passation d'un march sans publication pralable d'un avis au JOUE, signature du march avant que l'instance de recours se soit prononce ou avant l'expiration du dlai minimal de dix jours suivant la dcision d'attribution. Encore le texte rserve-t-il le cas o des raisons imprieuses d'intrt gnral imposeraient que les effets du march soient maintenus. Comme l'indique expressment le considrant n 28 de la directive, il y a lieu de recentrer le mcanisme correcteur sur les violations graves du droit communautaire . Ces changements dans l'tat du droit rendent lgitime une rflexion sur de possibles volutions de votre jurisprudence. Nous avons d'autant moins de scrupules vous proposer de vous engager dans cette voie que le Rapport public 2008 du Conseil d'Etat appelle lui-mme prciser le rgime du rfr prcontractuel, en envisageant une volution de la jurisprudence (37). A ce stade, nous avons identifi trois inflexions possibles. La premire consisterait vous engager plus nettement dans la voie d'une distinction entre formalits substantielles et non substantielles. Une telle approche a un mrite vident : elle correspond une conception de l'office du juge dont vous tes familiers et qui irrigue de nombreuses branches du droit. Elle a d'ailleurs les faveurs de la doctrine et, nous vous l'avons indiqu, vous avez sembl, tout rcemment, la faire vtre en matire de rfr prcontractuel, au moins en certaines hypothses. Elle rencontre, cependant, des limites. La notion de formalits non substantielles doit, tout d'abord, tre prcise. Vous qualifiez parfois de non substantielles des formalits qui, par principe, et sans qu'il y ait lieu de rechercher quelle a t leur incidence concrte, sont rputes n'en avoir eu aucune (38). Mais il existe aussi des cas o la mconnaissance d'une formalit en principe substantielle peut ne pas entacher d'irrgularit la dcision prise (39). Si vous reteniez une approche in abstracto, consistant ne pas sanctionner les irrgularits qui ont t insusceptibles de prjudicier quiconque, vous risqueriez de ne pas franchir un bien grand pas, ou au contraire d'tre en porte--faux par rapport aux autorits communautaires. A partir du moment o l'objet mme de la rglementation est d'astreindre les pouvoirs adjudicateurs un formalisme contraignant lorsqu'ils remplissent les avis d'appel public la concurrence, il est difficile de soutenir que le fait de ne pas remplir, ou de mal

  • remplir, telle ou telle rubrique est, par principe, sans consquence. Soit votre jurisprudence resterait peu prs en l'tat, soit vous seriez amens neutraliser purement et simplement telle ou telle rubrique. Tel serait le cas, par exemple, si vous estimiez qu'ont un caractre substantiel les seules indications portant sur les caractristiques essentielles du march. Nous ne serions pas, pour notre part, heurts par une telle neutralisation. Juger, pour prendre un exemple, que l'indication des modalits de financement d'un march est dpourvue de toute utilit relle et que l'erreur affectant cette mention ne peut, a priori, gure porter atteinte l'gal accs la commande publique ne nous paratrait pas dnu de pertinence. Mais, en procdant ainsi, vous seriez amens consacrer l'inutilit d'une mention que le droit communautaire regarde comme obligatoire. Vous seriez donc en opposition frontale avec ses exigences. La situation ne serait pas trs diffrente si vous reteniez une approche in concreto, c'est--dire si vous jugiez que les rgles de publicit ont, en principe, un caractre substantiel, mais que certaines irrgularits peuvent, dans les circonstances de l'espce, tre sans incidence. A partir du moment o tout requrant peut invoquer tout manquement, comment affirmer que l'irrgularit allgue, s'il est patent qu'elle n'a pas prjudici celui qui l'invoque, n'a pu pnaliser personne ? Ds lors que vous vous refuseriez neutraliser telle ou telle rubrique, et donc que vous continueriez juger que toute omission est normalement pendable, nous ne voyons pas comment une telle omission pourrait tre regarde, dans un cas de figure dtermin, comme n'ayant pas eu d'incidence. Votre jurisprudence, il est vrai, offre des exemples qui peuvent paratre proches. Vous jugez rgulirement, en matire d'enqutes publiques, que l'omission ou l'irrgularit de certaines formalits de publicit n'a pas eu, en l'espce, d'incidence sur la rgularit de la procdure, ds lors que le public intress n'a pas t empch de prsenter ses observations (40). Mais l'analogie n'est qu'apparente. Chacune des mentions qui doivent figurer dans l'avis d'appel public la concurrence est suppose constituer un lment dterminant, pour toute entreprise potentiellement intresse, dans sa dcision de prsenter sa candidature et dans la faon dont elle la prsentera. A la vrit, le seul cas - et encore... - o il sera loisible d'affirmer sereinement que l'absence de la mention n'a pu prjudicier personne sera celui o son contenu aura figur ailleurs dans l'avis de march. Nous ne sommes donc pas persuad que la thorie des formalits non substantielles puisse tre d'un trs grand secours. Plus exactement, elle peut trouver s'appliquer dans des hypothses o le dbat porte sur le caractre plus ou moins complet d'une mention ; mais l'exercice risque d'tre plus dlicat lorsqu'est en jeu son absence ou son inexactitude. Ceci tant, en l'espce, nous serions prt considrer que le fait d'avoir indiqu, tort, qu'un march est couvert par l'AMP, alors qu'il ne l'est pas, est insusceptible d'avoir la moindre consquence ngative sur le jeu de la concurrence et doit, par suite, tre regard comme une irrgularit non substantielle (contrairement l'hypothse inverse). Mais retenir cette solution conduirait, par scurit, tous les pouvoirs adjudicateurs cocher la case oui et la rubrique serait, de facto, neutralise. Une autre inflexion de votre jurisprudence, voque expressment dans le Rapport annuel 2008, est concevable. Elle consisterait, pour le juge des rfrs, oprer la balance des diffrents intrts en prsence. Elle est effectivement sduisante, d'autant plus que, l encore, il s'agit d'une mthode que le juge administratif a l'habitude d'appliquer, y compris dans le rfr suspension, pour apprcier la condition d'urgence. Il reviendrait au juge de mettre en regard, d'une part, la gravit de l'irrgularit, c'est--dire la gravit de l'atteinte porte au principe de l'gal accs la commande publique et, d'autre part, les incidences prvisibles de l'annulation de la procdure par rapport l'ensemble des intrts en jeu. Deux considrations nous font cependant hsiter vous proposer de vous engager dans cette voie. La directive du 21 dcembre 1989 prvoit que les Etats membres peuvent permettre l'instance responsable - c'est--dire en France au juge des rfrs - lorsqu' elle examine s'il

  • y a lieu de prendre des mesures provisoires (41), tenir compte des consquences probables de ces mesures pour tous les intrts susceptibles d'tre lss, ainsi que l'intrt public, et dcider de ne pas accorder ces mesures lorsque des consquences ngatives pourraient dpasser leurs avantages (42). Lorsque le Gouvernement a saisi le Parlement du projet de loi qui allait devenir la loi du 4 janvier 1992, il avait expressment prvu, l'article L. 22, une disposition en ce sens. Devant les deux chambres, le ministre a indiqu qu'il s'agissait de permettre au juge d'appliquer la thorie du bilan. La disposition en cause, adopte par le Snat, a toutefois t disjointe par l'Assemble nationale, pour des motifs d'ailleurs assez peu clairs, et ne figure donc pas dans le texte dfinitivement adopt. L'article L. 551-1 est donc muet sur ce point, alors que l'article L. 551-2, relatif aux contrats non soumis au code des marchs publics passs dans les secteurs autrefois qualifis d'exclus, prvoit expressment que le juge, lorsqu'il prononce une astreinte, doit prendre en considration les consquences probables de sa dcision pour tous les intrts en cause. Sur le fond, il est difficile de trouver une justification cette diffrence de traitement entre les deux branches du rfr prcontractuel ; elle existe nanmoins. On pourrait certes soutenir qu'avec ou sans texte, le juge des rfrs prcontractuels peut faire la pese des avantages et des inconvnients de sa dcision. Mais vous avez jug exactement le contraire. Dans le cadre de l'article L. 551-2, si l'on s'en tient sa lettre, la possibilit de faire jouer la thorie du bilan vaut pour le prononc d'une astreinte, mais non pour le prononc d'une injonction. Vous avez donc considr, et votre dcision est fiche sur ce point, que la facult ouverte au juge des rfrs prcontractuels statuant sur le fondement de cet article de prendre en considration les consquences probables de la mesure envisage pour tous les intrts susceptibles d'tre atteints, notamment l'intrt public, et dcider de ne pas l'accorder lorsque ses consquences ngatives pourraient dpasser ses avantages ne concerne que son pouvoir d'assortir son injonction d'une astreinte et non son pouvoir d'injonction lui-mme (43). Au-del de cette premire considration, fonde sur le texte de la loi et sur la faon dont vous l'avez jusqu'ici interprt, une autre proccupation nous arrte : l'apprciation que devrait porter le juge des rfrs, dans le cadre d'un contrle du bilan, serait, en ralit, fort complexe, en tout cas, nous semble-t-il, bien plus complexe que l'apprciation de l'urgence dans le cadre du rfr suspension de droit commun, ceci alors mme que les pouvoirs du juge des rfrs prcontractuels sont beaucoup plus importants. Rappelons que, dans le cadre du rfr suspension, la condition d'urgence est remplie si la dcision conteste prjudicie de manire suffisamment grave et immdiate un intrt public, la situation du requrant ou aux intrts qu'il entend dfendre. Mais vous n'avez cure de la situation du requrant dans le cadre du rfr prcontractuel, puisque, redisons-le, celui-ci peut se prvaloir de manquements qui ne l'ont aucunement ls... Il faudrait donc que le juge prenne en compte non la situation du requrant, mais la situation de toutes les entreprises potentiellement lses. Par ailleurs, rappelons-le, le juge des rfrs prcontractuels statue seul, statue dans des dlais contraints et statue en premier et dernier ressort. Or l'apprciation des consquences de la mesure envisage pour tous les intrts en prsence est un exercice particulirement dlicat. Introduire un contrle du bilan dans l'office du juge des rfrs prcontractuels serait certes facteur de souplesse ; mais nous ne sommes pas persuad que vous simplifieriez ainsi sa tche, ni que la scurit juridique en ressortirait accrue. Vous aurez compris qu'une troisime option a notre faveur. Elle consiste restituer au rfr prcontractuel le caractre qu'il aurait d, notre sens, conserver, celui d'un recours de plein contentieux destin protger les intrts de celui qui le forme. En d'autres termes, le principe selon lequel une entreprise candidate l'obtention d'un march peut invoquer devant le juge du rfr prcontractuel tout manquement aux obligations de publicit et de mise en concurrence, mme s'il n'a pas t commis son dtriment, doit, selon nous, tre remis en cause. Il doit l'tre, en premier lieu, car il ne repose sur aucun argument de texte. L'article 1er de la directive du 21 dcembre 1989 fait obligation aux Etats membres de rendre les procdures de recours accessibles au moins toute personne ayant ou ayant eu un intrt obtenir un march public (...) dtermin et ayant t ou risquant d'tre lse par une violation allgue.

  • La rdaction est identique dans la nouvelle directive recours du 11 dcembre 2007. Il ne s'infre pas de cette rdaction que l'entreprise ayant ou ayant eu intrt obtenir le march puisse invoquer tout manquement, y compris des manquements qui ne l'ont pas lse et qui ne risquent pas de la lser. Il y a bien, dans la directive, deux conditions cumulatives, comme l'a expressment jug la Cour de justice des communauts europennes (CJCE) (44). La CJCE a certes admis, par le mme arrt, qu'un soumissionnaire doit pouvoir contester la lgalit de la dcision du pouvoir adjudicateur de rejeter son offre, mme si ledit pouvoir adjudicateur soutient que cette offre aurait d tre carte au pralable pour d'autres raisons et que, de ce fait, le soumissionnaire n'a pas t ls par l'illgalit qu'il invoque ; mais, si l'instance comptente aboutit la conclusion que l'offre aurait bien d tre carte au pralable, elle peut alors rejeter le recours au motif que le requrant n'a pas t ls par la violation qu'il allgue. L'article L. 551-1 du code de justice administrative n'est pas bti selon une logique diffrente. S'il pose le principe selon lequel le juge des rfrs peut tre saisi en cas de manquement aux obligations de publicit et de mise en concurrence, il prcise que les personnes habilites agir sont celles qui ont un intrt conclure le contrat et qui sont susceptibles d'tre lses par ce manquement. Affirmer que doit tre accueilli le recours de celui qui n'est pas susceptible d'tre ls par le manquement allgu, c'est purement et simplement neutraliser une condition prvue par le lgislateur. Votre jurisprudence utilise parfois une formule qui tente de contourner la difficult, et que nous avons dj cite : une entreprise candidate l'obtention d'un march (est) susceptible d'tre lse par tout manquement aux obligations de publicit et de mise en concurrence . Entre l'article L. 551-1 et cette formulation, il y a un glissement smantique sur lequel nous voudrions nous attarder quelques instants. Oui, au moment o le pouvoir adjudicateur s'apprte engager la procdure de passation d'un march public, on peut considrer que, virtuellement, une entreprise candidate peut tre lse par tout manquement. Mais l'article L. 551-1, lorsqu'il dispose qu'a intrt agir la personne susceptible d'tre lse par un manquement, signifie, selon nous, surtout si on l'interprte au regard du texte de la directive qu'il est suppos transposer, que le recours est ouvert la personne qui a t lse ou qui peut encore l'tre, et non la personne qui, pour une raison ou pour une autre, ne l'a pas t et ne peut plus l'tre. Nous reviendrons sur ce point. Il n'appartient donc pas au juge des rfrs, saisi en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, de se prononcer sur un manquement qui n'est pas susceptible de lser le requrant, de mme qu'il ne lui appartient pas de se prononcer sur des irrgularits qui sont sans lien avec les obligations de publicit et de mise en concurrence. La condition tenant l'existence d'une lsion s'efface, en revanche, lorsque le juge des rfrs est saisi par le prfet, s'agissant des contrats conclus par les collectivits territoriales ou les tablissements publics locaux ; mais c'est prcisment parce que le reprsentant de l'Etat est en charge, lui, et non les entreprises intresses, de la dfense de la lgalit. On nous objectera, peut-tre, que l'intrt agir s'apprcie au regard des conclusions et non des moyens et que, par suite, la personne qui a intrt conclure un march peut invoquer toute irrgularit, qu'elle ait t ou non susceptible de lui prjudicier. Cette prsentation repose, notre sens, sur une conception errone du rfr prcontractuel. Le rfr prcontractuel n'est pas le procs fait un acte, comme l'est le recours pour excs de pouvoir. Son conomie n'est pas celle de conclusions diriges contre une dcision administrative, au soutien desquelles tout moyen pourrait tre utilement mobilis. Elle est toute autre. Son seul objet est de faire cesser des manquements aux obligations de publicit et de mise en concurrence. Que la cessation de ces manquements implique, comme c'est frquemment le cas, l'annulation de dcisions administratives, ne doit pas tromper quant la nature vritable - et originale - de ce recours. La meilleure preuve en est d'ailleurs fournie par votre jurisprudence Commune d'Andeville du 20 octobre 2006, prcdemment cite : le juge des rfrs prcontractuels choisit parmi les pouvoirs dont il dispose celui qui lui parat le plus appropri pour mettre fin aux manquements ; il n'est pas tenu par les conclusions du requrant, en ce sens qu'il peut prononcer une annulation l o le requrant sollicitait

  • simplement une suspension. L'ordre habituel de prsentation doit tre invers : les vritables conclusions, ce sont celles qui tendent ce qu'il soit mis fin au manquement ; la suspension, l'annulation ou la rformation des dcisions administratives contestes ne constituent que les moyens d'y parvenir. C'est donc, en toute logique, manquement par manquement que le juge doit examiner la requte dont il est saisi. La seule circonstance que le requrant est susceptible d'tre ls par un manquement ne saurait l'autoriser invoquer, et faire censurer, des manquements qui ne le concernent en rien. Vous pourriez fort lgitimement hsiter nous suivre dans cette voie si celle-ci devait conduire le requrant devoir faire la preuve, chaque fois, que le manquement l'a ls ou est susceptible de le lser. Mais telle n'est pas notre proposition. Celle-ci a un objectif modeste, simple et, esprons-nous, efficace : il s'agit simplement de ne pas permettre au requrant d'invoquer un manquement qui est insusceptible de le lser, compte tenu de la porte de ce manquement, du moment o il a t commis et du moment o le juge statue. Expliquons-nous. Les procdures de passation des dlgations de service public et, souvent, des marchs publics, sont des procdures longues, qui voient se succder plusieurs squences successives. Il est de l'intrt de tous que d'ventuelles irrgularits en amont soient sanctionnes le plus rapidement possible, afin de minimiser les incidences d'une suspension ou d'une annulation de la procdure. Or, aujourd'hui, c'est la situation inverse qui prvaut. Des entreprises dont l'offre a t finalement rejete, au terme de la procdure, obtiennent l'annulation de celle-ci en raison d'irrgularits ayant affect l'avis d'appel public la concurrence. Or, parmi ces irrgularits, certaines, l'vidence, ne sont plus susceptibles de leur porter prjudice. Prenons des exemples concrets. Certaines des mentions devant figurer dans l'avis sont relatives aux caractristiques essentielles du march ou aux critres d'attribution ; elles ont une incidence directe sur la prsentation des offres ; les omissions ou les inexactitudes qui les entachent sont susceptibles de lser toute entreprise jusqu' la fin de la procdure. D'autres mentions ont pour objet d'assurer le bon droulement des premires phases de la procdure : adresse auprs de laquelle des informations complmentaires peuvent tre obtenues, adresse laquelle les offres doivent tre envoyes, capacit technique, capacit conomique et financire, date limite de rception des offres... A partir du moment o l'entreprise a vu sa candidature retenue et a prsent une offre, on ne voit pas trs bien comment ces irrgularits ventuelles pourraient encore lui prjudicier. En sens inverse, l'entreprise dont la candidature a t carte pour un motif quelconque ne peut pas tre lse par un manquement qui se situe un stade ultrieur de la procdure, sauf, bien sr, si elle dmontre que c'est tort qu'elle a t carte ; dfaut, nous ne voyons aucune raison de lui ouvrir le prtoire. Concrtement, il reviendrait, par exemple, l'entreprise dont les capacits techniques n'ont pas t juges suffisantes de prouver que les exigences formules par le pouvoir adjudicateur taient excessives par rapport l'objet du march. Mais elle ne pourrait pas se borner invoquer une irrgularit relative la phase de slection des offres. Dans cette perspective, aucun manquement ne sera, en lui-mme, neutralis. Toute entreprise ayant intrt conclure le march pourra, en constatant que l'avis d'appel public la concurrence est incomplet, demander et obtenir que la procdure soit suspendue pour permettre de purger l'irrgularit. Mais toute irrgularit ne pourra plus tre souleve n'importe quel moment et par n'importe qui. Une telle approche serait compatible avec le droit communautaire. Nous avons dj voqu l'arrt Hackermller du 25 fvrier 2003. Dans le mme sens, la CJCE a jug que la directive ne s'opposait pas ce qu'une personne soit prive, aprs l'attribution d'un march public, du droit d'accder aux procdures de recours prvues par le texte, lorsque cette personne n'a pas particip la procdure de passation du march au motif qu'elle n'aurait pas t en mesure de fournir l'ensemble des prestations faisant l'objet de l'appel d'offres, mais qu'elle n'a pas exerc de recours l'encontre des spcifications du march (45). Dans ses conclusions sur cette affaire, l'avocat gnral, M. Geelhoed, soulignait que la ncessit de garantir la scurit juridique impliquait que le recours form contre les spcifications du march intervienne le plus tt possible dans la procdure. Ce constat peut tre tendu toutes les

  • irrgularits qui se situent dans la phase amont. Il ne s'agit pas de restreindre indment l'accs au rfr prcontractuel, mais de lui restituer sa porte utile. Comme le relevait l'avocat gnral - Mme Kokott - dans ses conclusions sur l'arrt de la CJCE Pressetext Nachrichtenagentur GmbH c/ Rpublique d'Autriche (46), il ne saurait tre question d'exiger de la personne concerne qu'elle apporte dj au stade du dpt de la demande la preuve concrte de ce qu'elle a effectivement t lse ou risque effectivement d'tre lse. Au contraire, il doit suffire pour avoir accs une procdure de recours que, outre une violation du droit par le pouvoir adjudicateur, la personne concerne fasse valoir de manire concluante qu'elle a un intrt obtenir le march public en cause et l'ventualit de la survenance d'un dommage. L'ventualit d'un dommage doit tre retenue lorsqu'il n'est manifestement pas exclu que, en l'absence de l'illgalit allgue commise par le pouvoir adjudicateur, le requrant aurait obtenu l'attribution du march. Nous souscrivons pleinement cette analyse. Et nous en dduisons que, lorsqu'il est manifestement exclu que le manquement allgu ait eu une incidence quelconque sur le sort du requrant, il ne revient pas au juge du rfr prcontractuel de le sanctionner. Telle est d'ailleurs, apparemment, la position du juge judiciaire, lorsqu'il est saisi de rfrs prcontractuels (47). Telle est aussi la suggestion, ou plutt l'une des suggestions formules par le ministre de l'Economie, de l'Industrie et de l'Emploi, auquel la requte a t communique pour observations et qui estime que la recevabilit du manquement devrait tre subordonne l'existence d'un prjudice potentiel subi par le requrant. Une dernire objection peut tre mise : subordonner la recevabilit d'un manquement la condition qu'il n'ait pas t insusceptible de lser le requrant risquerait de laisser passer travers les mailles du filet tendu par le juge des rfrs prcontractuels des irrgularits susceptibles d'avoir ls d'autres entreprises. Mais nous n'y voyons pas un obstacle insurmontable. Les irrgularits les plus graves - absence pure et simple de publicit ou bien omissions ou erreurs affectant les caractristiques essentielles du march - ne pourront gnralement pas tre regardes comme insusceptibles d'avoir eu des incidences sur le sort de l'entreprise requrante. En effet, toute entreprise, y compris celle qui prsente une offre, est susceptible d'tre pnalise par l'incertitude pesant sur les caractristiques essentielles de la prestation attendue ou sur les critres de slection. On peut, il est vrai, imaginer des hypothses dans lesquelles une irrgularit grave a t commise au bnfice, en quelque sorte, des entreprises qui prsentent une offre : tel est le cas lorsque l'avis a t publi dans un journal national, mais pas, alors qu'il aurait d l'tre, au JOUE. Dans un tel cas, il nous semble que toute entreprise candidate a intrt invoquer un tel manquement, tant qu'elle demeure elle-mme en course ; en effet, comme vous l'avez jug, une entreprise a toujours intrt conclure un march selon une procdure rgulire (48). Mais le rfr prcontractuel n'est pas conu pour lui permettre d'attendre d'tre carte pour invoquer le manquement, un stade o il ne peut plus lui prjudicier. Quant aux entreprises qui auront vritablement t lses, et qui n'auraient pas pu ou pas voulu saisir le juge des rfrs, elles pourront toujours saisir le juge de plein contentieux d'un recours dirig contre le contrat, contrat qui devra d'ailleurs tre priv d'effet en application de la nouvelle directive recours . Si vous nous suivez, vous jugerez que les personnes habilits agir pour mettre fin aux manquements du pouvoir adjudicateur ses obligations de publicit et de mise en concurrence sont celles susceptibles d'tre lses par de tels manquements et qu'il appartient ds lors au juge des rfrs prcontractuels de rechercher si, eu gard en particulier leur porte et au stade de la procdure auquel ils se rapportent, les manquements allgus du pouvoir adjudicateur ses obligations de publicit et de mise en concurrence sont susceptibles d'avoir ls ou de lser les personnes requrantes. Vous censurerez l'ordonnance attaque en tant qu'elle annule la procdure de passation du march, faute pour le juge des rfrs d'avoir procd cette recherche. Faisant droit au pourvoi incident prsent par la socit Passenaud Recyclage, vous annulerez galement l'ordonnance en tant qu'elle a rejet ses conclusions tendant ce qu'il soit enjoint au syndicat intercommunal de lui communiquer divers documents. L'article 83 du code des marchs publics fait obligation la personne responsable du march de communiquer dans les quinze

  • jours au candidat non retenu les motifs du rejet. Le juge des rfrs s'est born constater que ce dlai n'tait pas coul la date de sa saisine et que le manquement n'tait donc pas constitu ; mais il lui appartenait, en tant que juge de plein contentieux, de se prononcer la date de sa propre dcision. Statuant au titre de la procdure de rfr engage, vous constaterez que la plupart des manquements invoqus ont t insusceptibles de lser la socit Passenaud Recyclage. Cette socit, au terme de la procdure de passation du march, a vu son offre rejete par la commission d'appel d'offres, qui l'a classe en deuxime position avec une note de 68/100, tandis que l'offre de la socit retenue obtenait une note de 85/100. Les manquements qu'elle invoque sont relatifs l'erreur affectant, selon elle, la mention selon laquelle le march est couvert par l'AMP, l'imprcision de la rubrique relative la nomenclature dite CPV, l'insuffisance des mentions portes dans la rubrique relative aux voies de recours, l'absence de fixation de niveaux minimaux de capacit techniques, professionnelles et financires des candidats et au caractre discriminatoire des justificatifs demands par le Syndicat. Le fait qu'aient t mal remplies les rubriques relatives l'AMP et la nomenclature CPV (Common Procurement Vocabulary, traduit en Vocabulaire commun de march) ou que des justificatifs discriminatoires aient t exigs des candidats ne peut avoir ls une entreprise dont la candidature a t retenue et dont l'offre n'a t finalement carte que parce qu'elle satisfaisait moins bien qu'une autre aux critres de slection. Nous ne voyons pas comment une insuffisance des mentions relatives aux voies et dlais de recours peut tre regarde comme susceptible d'avoir ls une entreprise qui, prcisment, s'est adresse au juge des rfrs prcontractuels pour faire cesser les manquements dont elle s'estimait victime La situation serait diffrente en dbut de procdure, toute entreprise intresse tant alors susceptible d'tre lse par des omissions ou des imprcisions sur les voies et dlais de recours et pouvant saisir le juge afin qu'il enjoigne au pouvoir adjudicateur d'y remdier. Seule l'absence de fixation de niveaux minimaux de capacit est en ralit susceptible d'avoir ls la socit Passenaud Recyclage, puisqu'un tel manquement, le supposer constitu, pourrait avoir pour objet ou pour effet de permettre la socit dont l'offre a t retenue de franchir l'tape prliminaire de la slection des candidatures. Mais, prcisment, le pouvoir adjudicateur n'est pas tenu de fixer des niveaux minimaux (49). Vous rejetterez donc la demande prsente par la socit Passenaud Recyclage devant le tribunal administratif, en tant qu'elle tendait ce que vous sanctionniez par l'annulation de la procdure de passation du march les diffrents manquements invoqus. Vous rejetterez, par ailleurs, les conclusions tendant ce que lui soient communiqus les motifs de rejet de son offre et les caractristiques et avantages de l'offre retenue : le syndicat lui a communiqu ceux-ci, par courrier du 3 avril 2008, avec une prcision suffisante. Vous rejetterez enfin, par voie de consquence, ses conclusions tendant l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; mais vous ferez droit celles prsentes ce titre par le Syndicat, hauteur de 3 000 ?. Pour ces motifs nous concluons l'annulation de l'ordonnance attaque, au rejet de la demande prsente devant le tribunal administratif de Nantes par la socit Passenaud Recyclage ainsi que de ses conclusions tendant l'application de l'article L. 761-1 et ce que soit mis sa charge le versement au Syndicat intercommunal d'une somme de 3 000 ?. Annexe Conseil d'Etat, sect., 3 oct. 2008, req. n 305420 Syndicat mixte intercommunal de ralisation et de gestion pour l'limination des ordures mnagres du secteur Est de la Sarthe (SMIRGEOMES),

  • Considrant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : " Le prsident du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il dlgue, peut tre saisi en cas de manquement aux obligations de publicit et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation des marchs publics (...) Les personnes habilites agir sont celles qui ont un intrt conclure le contrat et qui sont susceptibles d'tre lses par ce manquement, ainsi que le reprsentant de l'Etat dans le dpartement dans le cas o le contrat est conclu ou doit tre conclu par une collectivit territoriale ou un tablissement public local. (...) Le prsident du tribunal administratif peut tre saisi avant la conclusion du contrat. Il peut ordonner l'auteur du manquement de se conformer ses obligations et suspendre la passation du contrat ou l'excution de toute dcision qui s'y rapporte. Il peut galement annuler ces dcisions et supprimer les clauses ou prescriptions destines figurer dans le contrat et qui mconnaissent lesdites obligations. Ds qu'il est saisi, il peut enjoindre de diffrer la signature du contrat jusqu'au terme de la procdure et pour une dure maximum de vingt jours (...)"; Considrant qu'il ressort des pices du dossier soumis au juge des rfrs que le Syndicat mixte intercommunal de ralisation et de gestion pour l'limination des ordures mnagres du secteur est de la Sarthe et la socit Passenaud Recyclage (SMIRGEOMES) a lanc, en janvier 2007, une procdure d'appel d'offres ouvert pour l'attribution d'un march de services ayant pour objet la prise en charge, le transport, le tri, la valorisation des mtaux collects au sein de ses dchetteries et l'limination des refus ; que le SMIRGEOMES se pourvoit en cassation contre l'ordonnance en date du 24 avril 2007 du juge des rfrs prcontractuels du tribunal administratif de Nantes en tant qu'elle a fait droit aux conclusions de la socit Passenaud Recyclage, dont l'offre n'avait pas t retenue, tendant l'annulation de la procdure de passation du march ; que, par la voie du pourvoi incident, la socit Passenaud Recyclage demande l'annulation de la mme ordonnance en tant qu'elle a rejet ses conclusions tendant ce qu'il soit enjoint au syndicat de lui communiquer certaines informations, notamment les motifs de rejet de son offre ; Sur le pourvoi principal : Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ; Considrant qu'en vertu des dispositions prcites de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, les personnes habilites agir pour mettre fin aux manquements du pouvoir adjudicateur ses obligations de publicit et de mise en concurrence sont celles susceptibles d'tre lses par de tels manquements ; qu'il appartient ds lors au juge des rfrs prcontractuels de rechercher si l'entreprise qui le saisit se prvaut de manquements qui, eu gard leur porte et au stade de la procdure auquel ils se rapportent, sont susceptibles de l'avoir lse ou risquent de la lser, ft-ce de faon indirecte en avantageant une entreprise concurrente ; que, par suite, en annulant la procdure de passation litigieuse au motif que le syndicat aurait indiqu tort dans les avis d'appel public la concurrence que le march tait couvert par l'Accord sur les marchs publics, sans rechercher si cette irrgularit, la supposer tablie, tait susceptible d'avoir ls ou risquait de lser la socit Passenaud Recyclage, le juge des rfrs a commis une erreur de droit et a ainsi mconnu son office ; qu'il en rsulte que le SMIRGEOMES est fond demander l'annulation de l'ordonnance attaque en tant qu'elle a prononc l'annulation de la procdure de passation du march ; Sur le pourvoi incident : Considrant qu'aux termes de l'article 83 du code des marchs publics : " Le pouvoir adjudicateur communique, dans un dlai maximal de quinze jours compter de la rception d'une demande crite, tout candidat cart qui en fait la demande les motifs dtaills du rejet de sa candidature ou de son offre et, tout candidat dont l'offre n'a pas t rejete pour un motif autre que ceux mentionns au III de l'article 53, les caractristiques et les avantages relatifs de l'offre retenue ainsi que le nom du ou des attributaires du march ou de l'accord-cadre " ; Considrant qu'en rejetant la demande de la socit Passenaud Recyclage tendant ce qu'il soit enjoint au SMIRGEOMES de lui communiquer diverses informations au motif qu' la date

  • de l'enregistrement des conclusions de cette socit, le dlai de quinze jours prvu par les dispositions prcites de l'article 83 du code des marchs publics n'tait pas coul, alors qu'il lui appartenait d'examiner le bien fond d'une telle demande la date laquelle il statuait, le juge des rfrs a commis une erreur de droit ; que la socit Passenaud Recyclage est ainsi fonde demander l'annulation de l'ordonnance attaque en tant qu'elle a rejet ses conclusions aux fins d'injonction ; Considrant que dans les circonstances de l'espce, il y a lieu, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de rgler l'affaire au titre de la procdure de rfr engage par la socit Passenaud Recyclage ; Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir souleve par le SMIRGEOMES ; Sur les conclusions tendant ce qu'il soit enjoint au SMIRGEOMES de communiquer diverses informations : Considrant que la socit Passenaud Recyclage demande au juge des rfrs d'enjoindre au SMIRGEOMES de lui communiquer, conformment l'article 83 du code des marchs publics, les motifs dtaills de rejet de son offre et les caractristiques et avantages de l'offre retenue, ainsi que divers documents tels que les procs-verbaux d'ouverture des plis et le rapport d'analyse des offres, afin de pouvoir utilement contester la procdure de passation du march et en particulier les motifs de rejet de son offre ; que toutefois, il rsulte de l'instruction que le syndicat lui a communiqu, par courrier du 3 avril 2008, les motifs de rejet de son offre et les caractristiques et avantages de l'offre retenue et ce avec une prcision suffisante pour lui permettre de contester le rejet qui lui est oppos ainsi que la procdure litigieuse ; qu'ainsi le syndicat n'a pas mconnu les dispositions de l'article 83 du code des marchs publics, lesquelles n'impliquent pas, en tout tat de cause, la communication des divers documents demands par ailleurs par la socit Passenaud Recyclage ; qu'il en rsulte que les conclusions aux fins d'injonction prsentes par celle-ci doivent tre rejetes ; Sur les conclusions tendant l'annulation de la procdure de passation : Considrant, en premier lieu, que la socit Passenaud Recyclage soutient que les avis d'appel public la concurrence mentionnent de faon errone que le contrat envisag est couvert par l'Accord sur les marchs publics, que l'exigence que les entreprises fournissent, l'appui de leur candidature, une "dclaration indiquant l'outillage, le matriel et l'quipement technique dont le candidat dispose pour la ralisation des marchs de mme nature " prsente un caractre discriminatoire et disproportionn et que les codes CPV ( vocabulaire commun de march ) utiliss dans les avis d'appel public la concurrence taient imprcis ; que, toutefois, il ne rsulte pas de l'instruction que la socit requrante, dont la candidature a t admise et qui a prsent une offre correspondant l'objet du march, soit susceptible d'avoir t lse ou risque d'tre lse par les irrgularits ainsi invoques, qui se rapportent une phase de la procdure antrieure la slection de son offre ; que, compte tenu de l'office du juge des rfrs prcontractuels, tel qu'il a t dfini ci-dessus, elle ne peut, ds lors, se prvaloir de tels manquements l'appui de sa requte ; Considrant, en deuxime lieu, qu'en renvoyant notamment, au titre de la rubrique VI-4-2) " dlais d'introduction des recours " des avis d'appel public la concurrence, l'article L. 551-1 du code de justice administrative, le syndicat a rempli avec suffisamment de prcision ladite rubrique ; qu'ainsi le moyen tir de ce que les dlais et voies de recours n'ont pas t mentionns avec les prcisions requises dans les avis d'appel public la concurrence doit tre cart ; Considrant enfin que la socit Passenaud Recyclage soutient que l'absence, dans les avis d'appel public la concurrence, de fixation des niveaux minimaux de capacit au regard desquels s'effectue la slection des candidatures mconnat l'article 52 du code des marchs publics et a permis de retenir la candidature d'une entreprise, la socit Derouin, ne disposant pas de la capacit technique et financire pour excuter le march ; que toutefois, aux termes

  • de l'article 45 du code des marchs publics : (I) Le pouvoir adjudicateur ne peut exiger des candidats que des renseignements ou documents permettant d'valuer leur exprience, leurs capacits professionnelles, techniques et financires ainsi que des documents relatifs aux pouvoirs des personnes habilites les engager. ; qu'aux termes de l'article 52 du mme code : (I) (...) Les candidats qui ne peuvent soumissionner un march en application des dispositions de l'article 43 ou qui, le cas chant aprs mise en ?uvre des dispositions du premier alina, produisent des dossiers de candidature ne comportant pas les pices mentionnes aux articles 44 et 45 ne sont pas admis participer la suite de la procdure de passation du march. / Les candidatures qui n'ont pas t cartes en application des dispositions de l'alina prcdent sont examines au regard des niveaux de capacits professionnelles, techniques et financires mentionnes dans l'avis d'appel public la concurrence, ou, s'il s'agit d'une procdure dispense de l'envoi d'un tel avis, dans le rglement de consultation. Les candidatures qui ne satisfont pas ces niveaux de capacit sont limines ; que si ces dispositions font obligation au pouvoir adjudicateur de contrler les garanties professionnelles, techniques et financires des candidats l'attribution d'un march public au vu des documents ou renseignements demands cet effet dans les avis d'appel public concurrence ou dans le rglement de consultation dans les cas de procdures dispenses de l'envoi de tels avis, le pouvoir adjudicateur n'est, en revanche, pas tenu de fixer dans les avis d'appel public la concurrence des niveaux minimaux de capacits professionnelles, techniques et financires exigs des candidats ; qu'ainsi le SMIRGEOMES n'a pas mconnu ses obligations de publicit et de mise en concurrence en n'exigeant pas de tels niveaux minimaux de capacits ; qu'en outre la socit requrante n'tablit pas, par les lments qu'elle avance, l'incapacit technique et financire de la socit Derouin excuter le march ; Considrant qu'il rsulte de ce qui prcde que les conclusions de la socit Passenaud Recyclage tendant l'annulation de la procdure de passation doivent tre rejetes ; Considrant qu'il rsulte de tout ce qui prcde que les conclusions de la socit Passenaud recyclage prsentes au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent tre rejetes ; qu'il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre la charge de la socit Passenaud Recyclage le versement au SMIRGEOMES de la somme de 3 000 ? ; Dcide : Article 1er : L'ordonnance en date du 24 avril 2007 du juge des rfrs du tribunal administratif de Nantes est annule. Article 2 : La demande de la socit Passenaud Recyclage devant le juge des rfrs du tribunal administratif de Nantes est rejete. Article 3 : La socit Passenaud Recyclage versera au SMIRGEOMES une somme de 3 000 ? au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Les conclusions de la socit Passenaud Recyclage tendant l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetes. Article 5 : La prsente dcision sera notifie au Syndicat mixte intercommunal de ralisation et de gestion pour l'limination des ordures mnagres du secteur est de la Sarthe et la socit Passenaud Recyclage. Copie pour information en sera adresse au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique et au ministre de l'conomie, de l'industrie et de l'emploi. (MM. de Nervaux, rapporteur, Dacosta, commissaire du gouvernement) Mots cls : MARCHE PUBLIC * Rfr prcontractuel * Moyen invocable * Intrt agir * Candidat vinc

  • (1) Lebon 242 . (2) V. la directive 71/305/CEE portant coordination des procdures de passation des marchs publics de travaux et la directive 77/62/CEE du 21 dcembre 1976 portant coordination des procdures de passation des marchs publics de fournitures. (3) C'est--dire les marchs conclus par l'Etat, les collectivits locales et les tablissements publics administratifs. (4) CE, sect., 3 nov. 1995, Chambre de commerce et d'industrie de Tarbes et des Hautes-Pyrnes, Lebon 394 . (5) CE, sect., 3 nov. 1995, St Stentofon Communications, Lebon 393 . (6) Le dlai de vingt jours est le dlai dont dispose le juge des rfrs aux termes de l'article R. 551-1. (7) CE 25 juill. 2001, Commune de Gravelines, Lebon 391 ; AJDA 2002. 46, concl. D. Piveteau . (8) V. par ex. CE 15 juin 2007, Ministre de la Dfense, mentionner aux Tables . (9) Imprimerie nationale, 2004. (10) CE 20 oct. 2006, Commune d'Andeville, Lebon 434 , AJDA 2006. 2340, concl. D. Casas ; AJDA 2007. 782, t. F. Dieu ; JCP Adm. 2006. 1301, note F. Linditch ; Contrats Marchs publ. 12/2006, note J.-P. Pitri ; Dr. adm. 2/2007, n 21, comm. A. Mnmnis ; CP-ACCP fvr. 2007, n 63, p. 49, comm. A. Ondoua ; Courrier juridique des finances et de l'industrie, janv.-fvr. 2007, n 43, note A. Trca. (11) CE 15 dc. 2006, St Corsica Ferries, Lebon 566 , BJCP 2007, n 51, p. 116, concl. D. Casas, note R. S. ; AJDA 2007. 185, note J.-D. Dreyfus ; Contrats Marchs publ. 3/2007, comm. 53, note G. Eckert. (12) J.-H. Stahl et D. Chauvaux, Chronique de jurisprudence administrative, AJDA 1995. 888 . (13) Lebon T. 1091 . (14) CE 19 oct. 2001, Socit Alsthom Transport SA, Lebon T. 1038 sur un autre point. Dcision conforme aux conclusions du commissaire du gouvernement, D. Piveteau, que nous citons : Le plein contentieux prcontractuel n'est pas subjectif. Le juge pse bien sr l'impact concret que peut avoir, sur la publicit ou la mise en concurrence, telle ou telle irrgularit de procdure. Mais il l'apprcie dans l'absolu, et jamais en considration de la personne requrante. La situation particulire de celui qui formule le moyen n'y a pas d'incidence sur le bien-fond du moyen. (15) CE 10 mars 2004, Communaut d'agglomration de Limoges Mtropole, req. n 259680 ; CE 8 avr. 2005, Socit Radiometer, Lebon T. 964 ; CE 16 nov. 2005, Ville de Paris, Lebon T. 966 . (16) V. CE 20 oct. 2006, Syndicat des eaux de Charente-Maritime, Lebon T. 1077 . (17) CE 16 oct. 2000, Compagnie mditerranenne d'exploitation des services d'eau, Lebon 422. (18) V. par ex. CE 8 aot 2008, Rgion de Bourgogne, mentionner aux Tables .

  • (19) CE 22 mars 2000, Lasaulce, Lebon 126 ; CE 19 oct. 2001, Rgion de la Runion et Socit SETEC TPI, Lebon T. 1047 . (20) CE, sect., 3 nov. 1995, District de l'agglomration nancienne, Lebon 391 ; CE 25 juill. 2001, Commune de Gravelines, Lebon 391 ; CE 6 avr. 2007, Dpartement de l'Isre, mentionner aux Tables de Lebon . (21) CE 30 juin 2004, Ministre de l'Equipement, des Transports, du Logement, du Tourisme et de la Mer c/ Fourgeaud, Lebon T. 851 . (22) CE 29 juill. 1998, Garde des sceaux c/ Socit Gnicorp, Lebon T. 1017 ; CE 3 mars 2004, Commune de Chateaudun, Lebon T. 772 ; CE 28 avr. 2006, Socit Abraham btiments travaux publics, Lebon T. 953 . (23) CE 27 juill. 2001, Socit Degrmont, Lebon 413 ; v., dans le mme sens, votre dcis. CE 25 juill. 2001, Syndicat des eaux de l'Iffenet, aux Tables du Lebon. (24) CE 29 juill. 1998, Syndicat mixte des transports en commun de l'agglomration clermontoise, Lebon T. 1015 . (25) CE 25 juill. 2001, Syndicat des eaux de l'Iffenet, prc . (26) V. CE 27 juill. 2001, Compagnie gnrale des eaux, Lebon 406 ; CE 2 juin 2004, Ville de Paris et Socit Polyurbaine, Lebon T. 622 . (27) CE 17 nov. 2006, Agence nationale pour l'emploi, Lebon T. 947 . (28) CE 8 aot 2008, Commune de Nanterre, mentionner aux Tables . (29) CE 15 juin 2007, Ministre de la Dfense, mentionner aux Tables . (30) CE 8 aot 2008, Ville de Marseille, mentionner aux Tables . (31) G. Eckert, Rflexions sur l'volution du droit des contrats publics, RFDA 2006. 238 . (32) Le constat selon lequel les entreprises rechignent souvent mettre en cause les entits adjudicatrices , que l'on trouve dans l'avis du Conseil conomique et social europen sur la proposition de nouvelle directive recours (point 2.6), semble moins concerner la France que d'autres Etats membres. (33) V. dans le mme sens F. Llorens et P. Soler-Couteaux, Rfr prcontractuel : le revers de la mdaille, C. et marchs publics, n 01/2007. (34) L. Rapp et L. Rattode : Marchs publics : trop de formalisme tue la procdure, Les Echos, 23 juill. 2008. (35) G. Eckert, Contenu des avis d'appel public la concurrence : la loi est dure, mais est-ce vraiment la loi ?, note sous CE 2 juin 2004, Ville de Paris et Socit Polyurbaine , C. et marchs publics n 08/2004. (36) Dont le dlai de transposition expire le 20 dc. 2009. (37) Point 13.5.2, pp. 270-271. (38) V. par ex. CE 27 mai 1988, S.A. d'exploitation de carrires de Saint-Avit, Lebon 334 . (39) v. not. CE, ass., 7 mars 1975, Association des amis de l'abbaye de Fontevraud, Lebon 179 .

  • (40) V. par ex. CE 3 juill. 1998, Association de dfense de l'environnement de Saint-Come-d'Olt, Lebon 283 . (41) La question de savoir si la notion de mesures provisoires, dans la directive, recouvre l'ensemble des mesures que peut prendre le juge des rfrs prcontractuels est par ailleurs incertaine, puisque, prcisment, ces mesures sont souvent dfinitives ; sauf considrer que l'annulation d'une procdure est une mesure provisoire en ce sens que le pouvoir adjudicateur peut toujours en lancer une nouvelle... (42) Art. 2, pt 4. (43) CE 30 juin 2004, SNCF, Lebon T. 77 . (44) CJCE 19 juin 2003, Werner Hackermller, aff. C-249/01. (45) CJCE 12 fvr. 2004, Grossmann Air Service, aff. C-230/02. (46) Arrt rendu le 19 juin 2008 ; concl. en date du 13 mars 2008 ; v. les points 141 s. (47) V. en ce sens un arrt de la Cour d'appel de Paris du 25 oct. 2007. (48) CE 19 sept. 2007, Communaut d'agglomration de Saint-Etienne mtropole, mentionner aux Tables . (49) CE 8 aot 2008, Centre hospitalier Edmond Garcin, mentionner aux Tables . RFDA Editions Dalloz 2009