Bernard Dupriez, Gradus. Les procédés littéraires, t.1 Abrègement-Barbarisme - Scans

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Gradus es procédés littéraires (Dictionnaire) ernard Dupriez

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Graduses procédés

littéraires(Dictionnaire)

ernard Dupriez

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GRADUS*

* Abrégement de gradus ad Parnassum, « escalier versle mont Parnasse, séjour des Muses ». Ainsi désigna­t-on aux siècles classiques des manuels qui facili­taient la composition littéraire.

UNION GÉNÉRALE D'ÉDJnONS8, rue Garancière - 75006 Paris

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DU MÊME AUTH.iR

L'Étude des styles ou la Commutation en litté­rature, 2e éd., Paris, Didier Érudition; Mon­tréal, Didier Canada; 1971, in-B", 366 p.

C.A.F.É.. (Cours sutodidectique de françaisécrit), Univ. de Montréal, 3 cahiers microgra­dués d'exercices sur les singularités de la lan­gue, 256, 256, 278 p.

En soixante-six symboles. Introduction à lapoïétique formalisée, document de travail dugroupe D.I.R.E,

(C) Union générale d'Éditions, 1984

ISBN 2.264-00587-4

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IGRADUsl

LES PROCÉDÉS LITTÉRAIRES

(DICTIONNAIRE)

parBernard Dupriez

docteur ès lettres

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Dans les nacelles de l'enclumeVit le poète solitaire,

Grande brouette des marécages.

RENÉ CHAR

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INTRODUCTION

On trouvera iCI les figures traditionnelles, définies sur deséchantillons de textes modernes et complétées par des figuresplus récentes, surréelles ou autres. La considération du systèmequ'elles forment - le répertoire (dans GRADUS 2) en donneraune meilleure Idée - nous a conduit à des redéfinitions, commeà proposer un petit nombre de concepts encore inédits.

Mais l'essentiel est ailleurs. Ce long travail est destiné àsoutenir une activité qui engage plus Intimement un lecteur.Certes. il n'est pas inutile de res.tuer l'oeuvre dans une époque,un contexte socio-culturel. On peut aussi tavoriser une lectureplurielle. qUI VOit le texte de façon purement formelle. On peutencore tenter de retrouver le texte comme Signifiant pulsionnel,lié aux Intérêts. au plaisir. et donc subjectif (le sujet n'y fût-ilqu'un lieu et restant parfois muselé par sa situation). Mais onpeut aussi essayer d'apercevoir dans le prolongement du texteun procès signifiant une articulation rhétorique, ce que J.Kristeva appelle "cbore sémiottque", un comportement del'être-au-monde-et-au-Iangage. C'est proche de ce que nousproposions naguère d'appeler stylémie. (Cf. l'Étude des stylesou la Commutation en tittéretore.I

La stylérme est repérable dans un ensemble de stylèmesdesquels elle offre une interprétation cohérente aux yeux dulecteur, suivant sa sensibifité. son activité. son insertion dans lemonde. Elle est la rencontre de deux personnes, de deuxidiolectes et de deux mondes vécus, en une tentatived'èlucrdation par la pratique textuelle. Car la stvlérnie. expriméecomme l'entend celui qUI la confectionne par l'apport de savariante, reste au niveau concret de l'art puisque sa premièremanifestation est le couple ft/v]. Dans cet algorithme, t désigneun élément de texte: v. une variante decontenu ou d'expression;le trait oblique, leurs différences réciproques. On comparedonc le signifiant (Situé) de l'auteur à celui d'un lecteur (celui quidira Je, et donc tOI, désormais) en tenant compte du doublecontexte (le réel et l'imaginalfe) de chacun. Ces contextes sontalignés par la Visée initiale, que réassume la lecture. Lapossibilité de "Ilfe" par des variantes personnelles offre,pensons-nous, au Critique littèraire. une échappatoire à sonlangage de représentation positive et généralisante, mais pourautant que, cessant de "Juger", il ose n'être que lui-même.

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écnvant face à l 'éc rivain ou avec lUI. Ceci va dan s le sens de ceque pr opose notamment Ph Soll ers: Étudi er l' écriture par"l'écritu re ell e-même (son exercice dans certaines 'condit ions).... Économ ie dramatiq ue dont le " lieu géométriqu e " n 'est pas

représentable (II se Joue)" Tel Quel. nO 3 1. p. 3 .

Lire en créant des variantes personnetles. com prendre en serisquant pa r les Interprétat ions de ces venante s commutées(différances mt.mes). telle est ia vo ie d accès la pl us tang ib le etla p lus nue à l 'un ivers de de ux "j e" l iés par deux proc èssignifiants parallèles.

Le présent drct .on narre destiné à faCiliter le maniem entdes forme s. aux divers ruve.sux. pcurrart mett re le lecteur sur lavore de ses var .sntes. En suuua nt al' Jeu des fo rmes. on enViendr a à ne plus se con ten ter cune ,mprègnat:t::n passive ni

d' un Simple étiq uet age on saura se Jouer les oeuvres. se créeren ell es son espace à SO I.

Analyser. c lasser de s f ig ures peut débouche r sur unpro longement de SOI ca ns les text es

La term ino lo gie.

Les qu elqu e de ux mill e te l mes auxquels renvoi e l'I ndexappart iennent. n èoloq .srnes mis à part. à quatre couches SOCIO­

histon ques. Le fond s le pius anc ien est jundi que et logique, ilrem onte à Corax et Ar istote il S'6glt de ab absurdo, abj uration.a dj u ra ti o n. e n tens c tese , a n ta n ag og e. s rn ip e res tese.spe qoq iooe. epocuon s etc. Le fonds le plus abondant est celuide la phrlologie clsss.qu e. qU I s'étend du Moye n Âge à nos Jourset smspir e largement de l'Annqu.t è. Il s'agit de: ebrup tton.sccommodet ice. acronyme. acrostich e. edvneton. allég orie.ettn éret.on. amphibo log ie. anacoluth e. ensd.p tose. anag ramme.anap este. anaphore, ennonnnstion. entepodose. enuctimex .etc . Le tonds le plus natu re l est ce lui de la langue commune. oùl'on trou ve: accent. sccumuleuoo. elmé s, allocution. ettuston.embiçuït é. enecdcte. s nn o ts u on. en orm em ent. aparté.apolog ie. apostrop he. archaïsme. argot. argum en t. etc . Certainsde ces termes ont pns un sens spèc ifrqu e à la rhèto rrque. Ceso n t: a brègem ent. ebs ire c t i on . accord. a djon c ti on .agglutinat ion. alexand ri n . all iance. e tie rnetiv e. amorce .emphticsno n. ennonce. ent.c ipe uo n. s tteteç e. att énuati on. etc.Le fonds le plus récent est un app ort des science s mode rnes:hnqu rstique et psvcnoloq ie surtout . cont queiq<Jes co nceptscaractérrsent des procéd és littéra ires. Ce sont : ect uelise teur.agrammatisme. st tocentnque. amalgame. epoucet.oo. etexis me.euusme. eu ton vmi e. axe perodiqmououe. axe synta gm atique.etc .

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Tous ces termes sont français. Les terme s étrangers ontété écartés, à l'exception d'un pet it nombre, qUI sont francisés(kérygme. leitmotiv, oxymore. speech thriller), ou usités (adhominem ', concetti', flash in petto, isocolon. hiatus ') ousimp lement ut iles ibethoe. chereteme. zwanze).

Ouand il avait des synonymes, nous avons pris le terme leplus actuel comme vedett e. préférant donc accumulation' àetbroïsme. congerie ou conglobatio n; alliance' de mots àoxymote: sutocorrection' à épanorthose; gradation ' à climax;m en ace ' à comminetion: pr ér érition ' à paralipse etpréterrnission. "Ne trouveriez-vous pas qu'il fût aussi beau dedire ..... le noeud. que t'ép itese?" (Dorante. dans la Critique del'école des femmes).

À "In st ar des psych analyst es, qUI o nt remplacéhermaphrodisme par in tersexua li té , nous avons proposéisolexisme ' pour remplacer potyptote: brouillage syntaxique 'pour remplacer synch ise . Ouant aux concepts qUIn écessitaien tappellation neuve, ils l'ont t rouvée conformément à la pratiquedes anciens rhéteu rs, qui dénomma ient les figures par des motsc ou ra nts d ési gnant l 'opérat ion . Ce son t : a l luvio n,approximation ', change ment , concrétisat ion ', effacement.g én éralisation ' , var ia t ion ' typograp h iq ue, notation',permutation , réam orçage '. red épert. re ssaisissement.schématisation . D'autres sont ob te nus par composit io n,dérivat ion ou ana log le: assise', contre-interruption', motdévalisé. pseudo- langage, quasi-interj ection. sens subjectel,tohu-b ohu .

La term inolog ie ancienne garde , par ailleurs. quelquechos e d'att rayan t: ce sont "mots de métier, légèrementexotiques. étranges, (en dirait t éériques) " écrit Paulha n(Énig mes de Pers e). C'est qu 'à la faveur de l 'évol ut ionphonétiq ue et lexicale, ces te rmes, qui étalent généraux, sesont dédoublés, la forme savante, lat ine ou grecque, étantdésormais réservée à la rhétorique. Litote' ne voulait rien di red 'autre qu'atténua tion ' . En français, litote pourra d ésrqnerl'art ifi ce rhétorique qUI att énue " pour faire entendre plus" .Apocope ' et aphérèse ' vou laie nt dire abrèg emen t ';antip hrase ', contre -v érité: prolepse', anticipation ': crase,contrection.

L'évolut ion sémant ique a fait perdre des accept ions quenou s avons parf o is rappel ées: aposiopèse ', calembo ur ',épithète, ép itrocbesme ', iron ie'. m étetepse '. récnmination.

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La dénomination d'une ligure n'en souligne d'ordinairequ'un des aspects, ce qui provoque certaines ambivalences.Nous nous sommes attaché à désambiguïser certains termes:adjonction', disjonction' et zeugme ': entensctese' et diaphore ':entimétethése'. entimétebole' et antimétalepse ': allégorie' etpersonnification ': brechytoqie' et ellipse ': énslleqe'. hyperbate'et svnchise: épeneteose', anadiplose' et anaphore ':épiphonème' et épiphrese', équivoque' et à-peu-près ':incohérence' et Inconséquence ': phébus', verbiage',psittacisme' et verbigération',' pictogramme' et idéogramme;prolepse' et enticipetion ': redondance' et battologie: lesdiverses répétitions. En toutes nos décisions. l'usage général oul'aVIS des spécialistes ont été les Critères prépondérants. Aulecteur excédé par les distinctions, rappelons que lesoppositions lexicales sont neutralisables, que tout terme peuts'employer au sens large, que pour tout texte, le sens dépendaussi de la voluntas du locuteur.

Aux rubriques actant', énoncietion'. écho sonore', grouperythmique', intonation', récit'. rythme', syntagme' et vers' ontété placées des méthodes d'analyse ouvrant sur de nombreuxprocédés, galaxies de formes trop peu connues pour êtredétaillées. Des termes comme blasphème', apocalypse,eucharistie ont été repris pour leur utilité dans l'étude destextes religieux.

La compilation des nomenclatures a donné un Index. Cetindex est détaillé. Nous souhaitons ainsi faciliter le repérage desfigures inconnues. Par exemple, à rapprochement comme àincongru, on trouvera un renvoi à collage'; à liaison comme àemphatique, on trouvera un renvoi à anadiplose '. De nombreuxtermes significatifs ont été repris dans l'index. Ainsi ouvre-t-onégalement la voie à une recherche sur les divers possibles desphénomènes (par exemple, tous les effacements). Ensystématisant et en synthétisant l'ensemble de ces données, onpourra sans doute créer une poïétique opérationnelle assezsimple. C'est la tâche que s'est donnée le groupe D.I.R.E.(Délibérations informatisées sur les ramifications del'expression). Dans les articles du dictionnaire également denombreux renvois multiplient les lectures transversales. Ils fontde ce manuel le support éventuel de démarches multiples.L'index contient aussi les noms des écrivains cités.

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le rhétorique.

En confrontant les définitions aux phénomènes, leucomplexité, si naturelle, apparaît comme tout autre que lacomplexité terminologique de leur approche. Contrairement àce que l'on pourrait penser, ce sont les figures .sirnples. et lesplus fréquentes, qui furent les moins reconnues des rhétoriciens(les pauses', les intonations', les rythmes', les types de phrase').Elles sont si familières qu'on les considère comme allant de soi.Dès qu'elles se compliquent (réticence, exclamation', hypotaxeou période', vers' rythmique ou métrique, ironie', etc.). elles sedessinent plus nettement. acquièrent des propriétés, etdeviennent d'autant plus rares. Voilà pourquoi les figurespassent pour quelque chose de raffiné, et de singulier.

En réalité, les figures foisonnent. envahissent nonseulement la littérature mais la langue. C'est le cas même d'unefigure biscornue comme le macaronisme'. Elle pourrait éclaircirl'étymologie, obscure, du mot cagibi. Les "figures" (en latin:schema ta, c'est-à-dire structures...) s'accumulent dans lessegments de texte même les plus courts, mêlées ousuperposées. Les connaître par leurs définitions ne sert passeulement à l'analyse littéraire. Elles constituent en effet unsystème immanent à toute la culture (métonymie' etmétaphore' par exemple sont essentielles en sémiologie desobjets); elles sont là dans tous les problèmes de communication,langagière ou autre, publique ou intime; elles font le joint entrel'inconscient enraciné dans le corps propre, dans le milieufamilial et social. avec ses pulsions. ses intentions, sessouvenirs,et la phrase exprimée, structure "de surface", située etconcrète. geste visible, trace laissée. Aussi ne faut-il pas lesdéfinir par opposition à du langage qu'elles modifieraient. selonla trop commode théorie de l'écart. Cette théorie est utile enstylistique, à certaines conditions (cf. l'Étude des styles. p. 181& 213). mais le problème d'établir une variante zéro, sansvaleur particulière, sera toujours insoluble, parce que lerhétorique sera présent aussi dans la variante, étant sous-jacentau langage. Pour les éléments du style comme pour ceux de lalangue, il n'y a que des différences 'sans terme positif'(Saussure). Ce n'est qu'occasionnellement. faute de mieux, queles figures modifient la langue. Les figures fondamentales, quine sont pas seulement celles 'de pensée" ou "de passion"oomme disaient les classiques. sont à un niveau plus 'profond'que l'expression.

Lesfigures sont la forme, propre mais conventionnelle à lafOIS, de ce surgissement. souvent indifférencié. du moi aumonde. On ne peut parler sans figures. Lorsqu'elles s'incurvent

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au niveau de la première ou de la deuxième art iculationlingu istique (all it érat ion' , rnêtaplasma ' . tacti sme') . il y a jeu dela part de l'auteur , " jeu' de mots" ou jeu de sens. C'est unerhétoriq ue redoublée, dénu dée . la plus visib le. non la plusconstant e. Il en est de même a fort iori dans le cas de lapoét iq ue.

Tout est rhétorique. qUI a rapport à l'acte. L'amplificat iongrossit le texte comme le microscope un tissu musculaire. Pourspéci fier le rhétorique. on restrei nt son domaine au discours. onl'oppose au réel ob jec tif, au sujet même (V. à sens ' subjectal). Ilest cet entre-deux où se jo iqnent su/et et ob/et par le langage etqui se laisse oub lier, en sorte qu 'on ne l'aperçoit que déplacé.quand il fonctionne à vide. ar tific iellement. forme réuti lisée.Norataire " ( \1. à faux - ). Sans doute. le rhétorique n'est ni moi.ni monde, ni langue: mais ni moi. ni le monde, ni la langue neserions sans lui.

A ussi le méco nnaît -o n fac ilemen t . Le p lus gr andcollect ionneu r de formes, James Joyce. n'en a eu. semble-t-il.qu 'une connaissance presque scola ire (cf . l'Étude des lang ues,dans ses Essais crit iques) . On ramène le méti er d'écrivain àquelqu es truc s, à l'expérience ou au "génie".

"Comme le musicien. le po ète doit connsître bien son métier.de façon très ar tisanale. avant de se mettre à écr ire. Il y a unartisanat préalable. " (P.-M. Lapointe},Cet artisanat. le plus commun et pourt ant le plus complexe,voilà précisément ce que la poïét ique comme science a pourtâche de mettre au jour. Combie n d'a mbiguïtés et finalement demécomptes dans les assemblées, les déclara tio ns publiques, lescontrats, les communications scient ifiques , les conversat ionsmême, peuvent être dus à de simp les façons de parler dontpersonne n'arrive à se dépêtrer, voire à se rend re compte . Parexemple, le personnage de Satan est-il un être réel. ou un mytheant ique et durable. ou une personnificat ion rhétorique de l'i déede mal?

Rhétorique ne signifie donc pas nécessairement trucbizarre . superficiel. Le rhétorique a de profondes racines dansl' inconscient. C'est le "fond de mon errie re-cuisine N, selonl'expression savoureuse de Jacques Ferron Seul le rhéto riquepur est absurde et a mauvaise presse.

Et pourquoi mon gosier qUI devra it être sobreS'ouvre-t-il si béant au JUS que p resse Octobre?se demande Gaut ier. provoquant l' ironie de Flaubert. Il ya unabus possible des tro pes comme du reste.

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Mais toute action parie, pour le sujet en formation, pourson corps (physique, familial. social). Les procédés ne sont pashmitès aux phrases de discours quoique les phrases soient déjàtissues de nos Vies er-trernê.èes.

Le classement

Le "désccc's" ai[]!!0C!S1iquE est commode a~l consultantou: s':nterroS8 :~,.;r ur. [T'oC)) vedette En revancho. GU chercheur'JUI ~:lnrerroge~LJr U'" ;?cha:' :<!on de texte COridT!8 au lecteur quiD;~S:3e d'un concept DU :1 ~ôUT un ordre fondé sur quelquefh(~or!e et cDpac!ie de 18 clarté, Le grCUQ8 D. l. R. E.<attacr:e à effec:tUGi (je.:" dnaiyses cornoonentielles pièce àDI8CE'. analyses Cl al.'Un' approxrrnatrves que les élémentsréunIS repréSeni~rGt·,;. 12 cuasi-totatitè du systèrne recueilli dans'a te,'mlf1o ioq:e pr~s,c"",E ':·t passée du rhétoc,que et du:~OGLJ()Ue_ L'ex_~~p.uS1.~vité_, en ce cas, est mo.ns \.;ne ambitionqu'une cor.dit.on '3 l'exact,tude La confrontation "UX exemplesconcrets Vient. du r8si(~ dévoiler les dimensions et les porntsfaibles des Ch8"lpS sémantlqlies usuels, Invitant à développer lathéorie dans plusieurs dlcect:ons Nulle figure ne peut occuperd'espace Indéfini, Ilrrlltée qc"elle se trouve par chacune de sesVOISineS, La vox popuu. l'usage, ia tradition soutiennent ourènstaurent des concepts qUI obtinrent. en d'Autres cadressocio-culturels. une pertinence. Tout individu el tout groupeSimplifie à sa façon.

Parler de structure, pour le rhètortque. c'est doncchercher l'articulation de l'acte sous-jacent au langage, dans lecadre thèorique le plus englobant. le moins exclusif Maisqu'est-ce quartrculer? C'est transposer en combinaisonsd'éléments formant entre eux un système clos de différences,une substance vécue mais de façon encore indéfinie et parconséquent multiple. Dans le cas, par exemple, des phonèmes,SI bien délimités en apparence, on constate par les clichésCinématographiques qu'ils restent variables et parfois mêlés.L'articulation du rhetor.que présente de nombreuses difficultés,sinon de réels obstacles. Nul ne s'en étonnera, qUI aura saisi leniveau où Il se trouve dans la "spirale de l'élaboration' (J.Knsteva) du texte

Précisons ces difficultés dans un exemple. Éluard énoncela sentence: Il faut battre sa mère pendant qu'elle est jeune.Méchanceté gratuite? Paradoxe bête? Ne nous hâtons pas. Onaura remarqué l'absence de virgule mais cela ne signifie peut­être rien, Éluard étant partisan de la suppression systématiquede ce signe, Toutefois. la virgule après mère aurait permis

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d'isoler l'assertion pr incipale. Son absence incline à faire porterl'assert ion par la subord onnée: c'est pendant qu'elle est(encore) jeune qu 'il faut la batt re (à supposer qu'il fai lle le faire);et non plus tard. pourrait-on enchaîner. Pourquoi donc? Parceque c'est trop tard? "Battre sa mère" est donc escamoté dans leprésupposé de l'assertion et présenté comme allant plus oumoins de soi. Fausse naïveté, en ce cas? Pseudo-simulation?Examinons mieux.Il existe deux proverbes - et "o n sait qu' Éluard et Breton ontbeaucoup pratiqué les substi tutions dans les proverbes - quiconseillent l'u n de battre le fer tant qu'il est chaud, l'autre dechât ier ses enfants dès leur plus jeune âge. Reprise formelle del'u n et inversi on du co ntenu de l'autre: fu sion . Jeu surl'intartexte. alors: pur plaisir de provoquer un heurt entre desextrêmes? (Plus les termes sont éloignés. plus l'étincelle seratorte.) À la lim it e, pouvoi r battre sa mèr e jeune est uneimpossibilité, un advnaton' : car elle n'est plus jeune. une foisqu'elle est mère, elle n'est plus une enfant. À moins que ce nesoit l'idée qu'il appart ient aussi. réciproquement aux enfantsd'apprendre à vivre à ceux qui les éduquent théorie nouvelle,très avant-gardiste. ou retournement de situation, qui rétabl itune just ice?Ou exuto ire proposé à quelque vieux ressentim ent?Ou encore généralisation d'un processus jugé inique, sorte d'ababsurdo. en vue d'affirmer qu 'il ne faut battre personne?

On choisira soi-même un sens ou l'on tentera de savoircomment. par quel acte, le texte a surgi. Il peut y avoir des actescomposés, surdétermi nés, avec plusieurs figures coïncidentes .Ouant à l'informe ou au confus. ce sont des figur es aussi,déterminées après tout (en tant que figures). Il faut bien quel'act e qu i produi t un texte ait son mode pr opre . Fût- ilcombinaison. amalgame ou absence, il est spécifiable puisqu'il aexisté, souvent avec des relectures. des réécritures, qu i legaràntissent l'app rochent des systèmes signif iants.On peutdonc viser cet acte ou tenter de le constituer.

Exposer les concept s indispensables à la définit ion desfigures sera l'objet des essais réunis dans Gradus 2. Disonsseulement ici que la figure est un syndrome, ensemble de traits.Par là s'expliquent les variations de définition, de plan. lamultiplicité des f igures trop dét aillées. la rareté desfondamentales. Ne sachant par où définir. on a surdéfini. Larhétorique et la poétique traditionnelles font musée et bric-à­brac, elles définissent moins par c1assèmes que par propriétés,elles mult iplien t les points de vue. La proximit é des procédés,les transformations possibles n'apparaissent pas. " en iraitautrem ent si la figure éta it défi nie dans des ensemblesstru cturés et o péra t ion ne ls q ui gou ve rnera ient les

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métamorphoses possibles aux divers niveaux: celui du récit,celui du langage, celui de la disposition , etc. De tels ensemblespourraient aussi être formalisés. Des symboles prenant placedans des matrices suggéreraient abstraitement les opérationsintuitivement menées par les poètes et to ut être qui parle.

Car un trait n'est Jamais exclusif à la figure qu'i l définit. Lechiasme' a un point commun avec le paralléli sme' (membressemblables syntaxiquemen t), un autre avec l'i nversion' (ordreinversé des termes). t.'ann rnètebote' de même, qui est en outreune répét iti on ' . SI "on cons idè re la to talité des t raitsnécessaires à la définition des figures (une soixantaine) et lespossibilités de leurs arrangements (des mil lions), on compre ndque Lamy ait pu penser "le nom bre des figures est infini ' .

Avec des out ils aussi épais que les sémèmes (c'est-à-dire,en somme, le lexique). il n'est pas étonnant que. dans les traitéset les dict ionna ires, les exemp les de f igures voisines sechevauchent. Travailler avec une précision plus grande est-ilpossible? Il faudrait caractériser les échant illons, non par un mot(dont les sèmes sont agencés de façon flott ante), mais parl'énumérati on des sèmes (qu'il reste à défin ir, transcrire etagence r). Ce travail, si considérable qu'i l paraisse, doit êtreentrepris globalement. car c'est l'ensemble qu i forme système.Une rhé t o r ique des sè mes, une rhét o ri q ue vr aimentsystématique, semble possible. Divers efforts en ce sens, ceuxd'A.·J . Greimas. de G. Genette, du groupe mu, d'O. Ducrot. deslinguistes de Lyon, de nombreux sérniot iciens ont donn é leurspremiers fruits.

M . B. OUEMADA a amendé nos néologismes. Nous luidevons les mots tactisme, isolex isme. eutruisme. s érisme.brouillage syntaxiqu e et rappel' syntagmatique tandis qu'i l aapprouvé chassé-croisé '. écho ry th mique ', louchement ',miroir, mixage. musicetion', nominelisstio n '. resssssement '. ÀMme CH. VAN DER REST, nous devons la compilatio n desdéfinitions classiques. M . M. ANGENO T nous a comm uniquéun important dossier de figures polémiques (V. à argumentréfuta tio n et paralogisme) Nous avons largement puisé dans sathèse inédite sur la rhétorique du surréalisme. M, J . PESOT arévis é nos figures de sonorités; M . D. DELAS, les figures deqraphies; MM . A. BRO CHU et J .- M . KLi NKENBERGl'ensemble. Mme S. CLOUTIERet M. G. CONNOLLY ont revu laprésentat ion typog raphi que. M"es L. CAMERLAIN et F.THIVIERGE. ainsi que M. N. CHAURETTE ont amend é lemanuscrit. Le Centre de calcul de l'Université de Montréa l. MM.

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CI. SCHNÉEGANS, D. BELZILE, S. FROMENT et la Cie Logidecont réalisé les logiciels d'entrée de texte, d'index automatiqueet de photocomposition.

Cet ouvrage a été publié avec une subvention de laFédération canadienne des Études humaines. dont les fondsproviennent du Conseil de recherches en sciences humaines duCanada.

Dans le texte du dictionnaire. les termes marqués d'unastérisque sont des vedettes traitées à leur place alphabétique.Les numéros de page des références renvoient aux éditionscourantes ou. quand il yen a une. à l'édition de poche. Quand ils'agit d'Oeuvres. c'est dans la collection pléiade. si elles yfigurent. Les ouvrages cités par le seul nom de l'auteur setrouvent dans la Bibliographie.

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D!CTION NA IRE

A I3RÈGEf\l;Er-lT Po u r 'en mot su bs t itu tion ' d 'u ne form eré d u i te à la lo rm e p le ine . pa r exe m p te d e m é t ro àmétropolitain. MAROUZEAU

L'arg ot" et les Jargons' ut il .sent l argem ej:~ ce pr,')cédô, q UI

obéi t à la, 101" du mo -nore effort linç uistiqut:' do m parl eMarti net tEtoments de trna u.s t-q ue générale 6·5) Ex,: les diams{pour les dismeots: c f. Rob t':3ft Sup pt émentï . un soir de penne(p e rmiss io n. J2i gon ' m dl ta ii 8) IJ prof (pour te p roiesseurtéminm. jargon ' des lycées).

Les exemples !i t t é r~;Hr6S son t des CBS de ja ~ g (} n · . 0 i": son tart ifi ciels

Si tu savais comme en 5 'en n ui eÀ la Mente 'Tu m 'écrirais Dien p lus souventÀ la Menis.coueqon? .

G. Da R. la Mante. cha nson.

je mon dans un eut ptein de voveR. Q U EN EAU. Exercices de style. p 5 5 , sou s le t i tr ed'Ap ocope s '

Syn, Raccourcissement par t rcncauon (ST ERN. cité et tradu rtpar P . GUI RAUD , la Séman tique. p. 42) .

Rem. 1 On aura remarqué l'a bsence de poi nt abréviat if dansl'ab rège men t. procédé sono re (tou jours au mo ins une syllabe)et non graphique. Ce typ e de mét aplasme' est t rès cou rant pou rfor mer les pet its nom s d'amit ié . Ex,: Loi pour Lola (M. DU RAS,le Rs vissement de Loi V Stein ). A lex po ur Alexan dre ouAlexandra, etc .

Rem. 2 L'abrègem ent peu t se fair e par amputation init iale. Ex.:Nadette pou r 8ernadette (en ôtant le suffixe, Il reste Nede. t itred'u n magazine pou r adoiescentes); Leine pou r Madele ine, etc.

Rem, 3 L'abrèg eme nt d'un sy nt agme peut se fa ir e parsuppression de pl usieurs mot s (Ex.: Gradu s) ou affecter chacundes élé ments et les réun ir en un com posé nouveau. Ex.: 80u!'Mich (Boulevard Saint- Miche l), surgé (surveillant général). V. àacronyme.

1 Le I ci est un otosu CV. à implosion) dans te tex te chanté li est ëcnt mars oru'entend pas la phase exp losive

1 La Manicouagan. riv ière du Québe c Sur laq lJelle des barrages hyd ro-électriqu esd ,lie nt en constructi on.

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Rem.4 L'abrègement peut s'accompagner de gémination'. Ex.:Nounou, Gugusse, Mimi

Rem. 5 L'abrègement et l'abréviation' sont souvent confondus.Ainsi. dans Loi V. Stein, V. est une abréviation (d'où le point). Ilne faut donc écrire ni LoI V , ni LoI. V.

Rem. 6 L'abrègement est parfois commandé par la pudeur. Nilasauvé la sit. Culottes col. Brillante insp. " (JOYCE, Ulysse, p.257). Pour cacher les noms propres. on met des astérisques,précédées parfois des initiales. V. aussi à gros mot. rem. 1;ellipse, rem. 1.

ABRÉVIATION Réduction graphique (ainsi etc. pour etcaetera). MAROUZEAU.

Ex.: Mon identité de pauvre CF condamné, par deuxsiècles de délire, à parler mal, sans plaisirH. AQUIN, Trou de mémoire, p. 95. (CF Canadien français.)

Analogue Sigle, lorsque l'abréviation est entrée dans l'usagepour remplacer un subst. Ex,: "idée ..... définitive. emmurente.Devenue vérité V" (MICHAUX. Connaissance par les gouffres,p. 217). "Le nombre aberrant des T.S. aux barbiturates nousoblige à prendre des précautions" (H. AQUIN, Trou demémoire, p. 93; pour tentatives de suicide, sigle en psychiatrie),

Rem. 1 L'abréviation appartient aux métaplasrnes'. Elle estsouvent confondue avec l'abrègement', procédé sonorecorrespondant (graphiquement on réduit à la lettre, sur le plansonore à la syllabe).

La marque de l'abréviation est le point abréviatif, mais on nele place pas (à la différence de l'anglais) SI la dernière lettre dumot est reprise dans l'abréviation 1 (Dr, Cie). ni quand Il s'agit desymboles (V. ce mot. rem. 1) mathématiques ou scientifiques (h.rn. mn, mm).

Une série d'initiales peut former un mot nouveau. V. àacronyme.

Rem. 2 L'abréviation est utilitaire. On s'en sert aussi pourabréger des inscriptions. R.F. (sur un monument). I.N.R.1. (sur uncrucifix). Mais elle a parfois un rôle euphémisant. "II s'est casséla g... Qu'est-ce qu'il allait f... là?" Également pour les nomspropres: "P,.. fait un visage en soudant une demi-face à un profil,visage deux fois plus vivent que le réel" (MICHAUX, Passages,p. 70; P pour PIcasso). On recourt aussi à des astérisques, sansinitiales si l'on veut un anonymat complet. Pour les abréviations

1 Les dernières lettres sont normalement suscrites, c'est-à-dire en pents caractèreset surélevées. Ex.. no. nOS, MIls, (mais tiv., part.• chap. pour livre, partie. chapitre).Analogue Lettres supérieures.

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protocolaires, V. à discours, rem. 2; pour celles des rites, V. àsouhait. rem. 2.

Rem. 3 Littré donne à brachygraphie: art d'écrire parabréviations; à brachygraphe: celui qui possède cet art. Ex.:cette transcription d'une variante: Je ne fais que v.d.d.a. contremoi (SPITZER. Études de style, p. 278; vous donner des armes).

Rem. 4 Un autre type d'abréviation consiste à supprimer lesvoyelles (comme dans les langues sémitiques, où elles sontfacultatives). Ex.: cpdt (cependant). Mtl (Montréal).

Pons propose (p. f l ) d'appeler le procédé littérairecorrespondant dévocelisstton. SWift en offre des exemples: Pdfr(Podefar), Ppt (Puppet). Joyce aussi: "Les célèbres chanteursdes rues de Dublin i-n-ti-n et M-II-Q-n soulevèrent l'hilaritéçénérsle" (Ulysse. p. 295; pour Lenehan et Mulilgan).

Rem. 5 Certaines abréviations sont lexicalisées. On entend direesvépé pour s.v.p. Les abréviations ne prennent pas la marquedu plunel. V. à lexicalisation. ainsi qu'à trait oblique. rem. 1.

Rem. 6 Dans le nouveau roman. qui veut faire abstraction' de lapersonnalité, le héros n'pst parfois désiqné que par une initiale.Ex.: A dans la Jalousie de ROBBE-GRILLET.

ABSTRACTION Comme procédé. l'abstractionconsiste à remplacer un adjectif de qualité par unsubstantif, ou un verbe d'action par une périphrase. defaçon à isoler et à mettre en évidence un aspect abstrait.

Ex.: Inclinez la binarité de vos rotules vers la terre.LAUTRÉAMONT.

Autre ex.: (faux col et gilet) "deux articles vestimentaires maltolérés par les quadragénaires et qut ne se prêtent pas auxmodifications du volume par l'expension." (JOYCE. Ulysse, p.630).

Autre sens: V. à énigme. rem. 2; amalgame; tête-à-queue, rem.2.

Rem, 1 L'abstraction est une forme du baroquisme'. Ex.: "Lescommodités de la conversetion" pour les fauteuils dans lelangage des précieuses. Maupassant Ironise sur la métonymie'par la qualité, chère aux Goncourt: "Ceux qUI font aujourd'huides images sans prendre garde aux termes abstraits, ceux quifont tomber la grêle ou /a pluie sur la propreté des vitres"(Préface à Pierre et Jean).

Rem. 2 L'ebstracuon est souvent synecdochique. Ex.courant: SaMajesté.

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Ex. litt.: • Ce côté tenace de sa personnalité songeait déjà àtoutes les fouilles qui l'attendaient.' (SOLJENITSYNE, lePremier Cercle, p. 74).

On n'est pas loin de la demi-tautologie (V. à tautologie, rem.3)

Rem. 3 Dans le syntagme nominal, l'abstraction se réalise eninversant les fonctions de l'adjectif et du substantif. L'adjectifdevient lexème premier en prenant la forme d'un substantifabstrait correspondant et le substantif devient complémentdéterminatif. Ainsi "la binenté de vos rotules" remplace vosdeux genoux et Nia propreté des vitres", les vitres propres.

Rom.4 L'abstraction de la qualité est un mode de soulignement(V. ce mot. rem. 1) assez ca.ectéristique du style dit "féminin"

Ex.: •Elle était maigre ..... EI/e avait vêtu cette maigreur d'unerobe noire à double fourreau de tulle également noir. trèsdécolletée." (M. DURAS, le Revissement de Loi V Stein, p.l 4.)Mais on la trouve aussi chez les doctes: "la rapidité de la languenous jette dans de mauvais pas d'où l'agilité des pieds ne peutnous retirer" (A. KOUROUMA. les Soleils des Indépendances,p. 21)

Rem. 5 Le langage mathématique concrétise des abstractions.On énonce: la rnultiplicauon est commutative: et on écrit: a x b= b x a (C. SERRUS, le Parallélisme log/co-grammatical, p.106). Et en littérature: 'une personne réelle, par exempleMonsieur X, particulièrement repoussant. Monsieur Z que Jevomis ou Monsieur N qui me fatigue et rnennute "(GOMBROWICZ, Ferdydurke. p. 205)

Rem.6 La faculté de percevoir les Idées ou les valeurs qUI sontaux prises sous les actes (ou qui leur servent de prétexte) est unautre type d'abstraction: l'idéologie.

Ex.: - Je SUIS prêt à donner ma vie pour t'idéet! - Allez! Allez-y,les gars! Cassez-lui la figure à cet adolescent' - À moi. lesadolescents! Défendez-mal! À cet appel, plusieurs sentirent eneux l'Adolescent combattre le Gaillard. Des coups furentéchangés.GOMBROWICZ, Ferdydurke. p. 39.

Rem. 7 L'abstraction s'offre à la personnification'.

ACCENT Un phonème ou un groupe de phonèmes estarticulé avec plus de force (ou de durée ou de hauteur).M. GRAMMONT. Traité de phonétique, p. 115.

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En français, l'accent final, normal! , est placé sur ladernière syllabe du mot phonétique (V . à grouperythmique) et se caractérise par un allongement2 .

D'autres accents, appelés accents d'insistance, etcaractérisés par un accroissement de volume sonorepeuvent prendre place en fin de phrase (V. à exclamation),en fin de syntagme, et se comb iner avec l'accent normal,ou s'étendre sur plusieurs syllabes.

Ex.: JEANNE (cla ir et triomphal). - Et quand Jeanne aumois de Mai monte sur son cheval de bataille. il faudraitqu'il soit bien malin celui qui empêcherait toute laFrance de partir.CLAUDEL.Jeanne d'Arc au bûcher, dans Théâtre. t. 2. p. 1238.

Parmi les accents d'insistance. qUI sont facultatifs. ondistingue encore deux variétés. qui sont part iculièresparce qu'elles p rennent place au début du mot. C'estl 'accent ant ithétique' et l 'accent affectif' jo uénergétique).L'épitrochasme' tire parti de l'accent "de motphonétique" .

Autres déf. 1 Ton expr imant les sentiments (accent pathétique,orato ire, hautain. amer, ironique. personnel. etc.). C'est unedéfinition qui vise le rythme, les mélod ies de phrase plus quel'accent (V. à ponctuation) .

2 Inflexions de voix particulières aux habitants d'une région(accent parisien, accent du midi ... cf. Robert). C'est unedéfinition qui vise plutôt des hab itudes collectives deprononciation.

V. à faute. rem. 2. et à étirement rem. 1.

3 Signe graphique qui , en français. se met sur une voyelle pouren indiquer le timbre (Ex.: é, accent aigu; è. accent grave: 0 , sansaccent) ou le timbre et la durée (i . accent circonflexe).Rom, 1 Lacoupe du vers métr ique' se libère de la contra inte desaccents ton iques.

ACCENT AFFECTIF Au sens large, synonyme d'accentd'ins istance, voire même d 'accent émotionnel.emphatique. pathétique. oratoire (MAROUZEAU,QUILLET). V. à eccent.Mais. par opposition à accent antithétique'. l'expressionaccent affectif a reçu un sens restreint :Accent d'intensité ..... (qui) frappe les mots de valeur... Lemot. prononcé dans un état d 'exaspération. reçoit un

1 On dIt souvent accent ton ique par analogie avec le lat in

2 Cf Léon. p 58 . q UI cite Detartre

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accent supplémentaire sur la première consonne,MORIER (à affectif),

Ex. donné par Morier: C'est Inconcevable,

Rem. 1 Cet accent très particulier puisqu'il porte sur uneconsonne 1 , mérite un nom qui le distinguerait davantage D'unautre côté, il n'exprime pas nècessarrernent un sentimentd'exaspération. Ex.: NDUPONT-Je m'appelle Dupont d'Isigny.(II accentue les 0)" (B. VIAN, Théâtre, t. l . p. 250), On peutaffirmer que, dans tous les cas, accentuer des consonnesconfère plus d'énergie à "expression. Pourquoi ne pas spècmer:"accent énerqétrque"? L'accent ettectit. en effet. couvre tropd'accents distincts, aux nuances difficiles à démêler par critèreextérieur. L'accent pathétique renvoie à un sentiment peut-êtrefeint l'accent oretotre à un ton sublime: l'accent émotionne! àun trouble du locuteur: l'accent expressit à la couleur du style:l'accent emphatique à un excès de soulignement', etc.

ACCENT ANTITHÉTiQUE Parmi les accents', " enest qUI frappent le début du mot Dauzat et Marouzeau(Accent affectif et Intellectuel. dans le Français moderne, t.Z. p.23 à 28) en ont discerné un qUI touche la premièreconsonne (V. à accentaffectifou énergétique) et un autre quitouche la première voyelle. Ils appellent ce dernieraccent d'insistance intellectuel. Moner précise en disantaccent antithétique.'Accent frappant la première voyelle d'un mot, mis enévidence dans le dessein de l'opposer à son contraire, oudu moins de créer une distinction de natureintellectuelle... Ex.: Nous n'avons pas voulu parler de sesattentions à notre égard. mais bien de ses intentions.MORIER (à antithétique)

Rem. 1 Garde (l'Accent, p. 45) confirme la place de ces deuxaccents et offre l'exemple que VOICI: "C'est eoommsbtet C'estterrible! (insistance affective) Ce n'est pas abominable, ce n'estpas terrible. c'est normal (insistance Intellectuelle)",

Rem. 2 Garde précise que l'Insistance logique portenécessairement sur une "unité Significative", morphème oumot. On dira: "Ne confondez pas les sulfates avec les sulfures"(suffixes), mais on ne dira pas: "Je n'ai pas dit Monte-Carlo, j'aidit Montélimar" car l'unité Significative est Ici le mot entier Ondira "...Montéllmar". De même Saint-Eustache, Cincinnati

Marouzeau et Morrer précisent avec raison que le premierterme de l'OPPOSition (celui qUI est nié) peut rester Implicite, Ex.:Voilà qui est parfaitement amoral.

1 ct l'Étude des styles, 2e éd p. 327

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Rem.3 L'accent antithétique est. en langage parlé, la marque duposé dans l'assertion'. Il Joueaussi un rôle important au point devue esthétique (V. à assonance, rem. 2.)

ACCUMULATION On ajoute des termes ou dessyntagmes de même nature et de même fonction, parfoisde même sonorité finale. J.-M, KLiNKENBERG.

Ex.: et là se fait entendre un perpétuel piétinementcequettement. mugissement beuglement bêlementmeuglement, grondement. r o q n o n n e m e n t .mâchonnement broutement des moutons et des porcset des vaches à la démarche pesanteJOYCE. Ulysse, p. 283.

Autre ex.: ces multitudes terribles et migratrices tourbillonnantsans fin à la surface de la terre errant de l'Orient à l'Occident àtravers le temps et l'espace se treînent de lieux saints en lieuxsstnts fanatiques cauchemaresques avec leurs yeux chassieuxleurs ulcères leurs membres tordus leur colère et leur désespoirles hall/oneux troupeaux de paralytiques d'affamés de borgnesde boiteux et de bossus se bousculant dans les déserts lesdéfilés les montagnes sauvages les vittes pestiférées et Vides .....se treînent claudiquant véhiculés dans un bruit de béquilles devoitures d'infirmes de camales d'autos démantibulées deîitemes d'hymnes de sébittes et d'imprécettonsCI. SIMON. Histoire. p. 226-7.

Syn. Amas (PAULHAN. Éruqmes de Perse, NRF, 1963, p. 74);amplification' (Girard, Littré, Preminger); athroïsme (Ouillet.Lausberg); synathroïsme (Littré, Lausberg); congerie (Lausberg,Preminger); conqlobation (Fontan rer. p. 363; alors que Littré,Morier et Quillet définissent la conqlobation comme uneaccumulation de preuves dans les procès).

Rem. 1 L'accumulation peut servir à amplifier, mais c'est unmode d'amplification" facile. Théophile Gautier le souligne dansla préface à Mlle de Meupin.

MODÈLE D'ARTICLES VERTUEUXAprès la littérature de sang, la littérature de fange; après laMorgue et le bagne, l'alcôve et le lupanar; après les guenillestachées par le meurtre, les guenilles tachées par la débauche;après, etc. (selon le besoin et l'espace, on peut continuer sur ceton depuis SIX lignes jusqu'à cinquante et au-delà)...

Rem. 2 L'accumulation et l'énumération' ne sont pas toujoursnettement distinctes. L'une et l'autre peuvent être longues,baroques (V. à baroquisme), désordonnées (V. à verbigération,rem. 3) ou en gradation '. Mais l'accumulation garde quelquechose de moins logique: elle saute d'un pOint de vue à l'autre,

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semble pouvoir se ooursuivre Indéfiniment, tandis quel'énumération' a une fin, même SI les parties énumérées sontcontradictoires. Ex,: '017 peut ettirmer la présence ou laperception d'un objet quand il est présent et perçu. quand II estabsent et perçu, quand il n'est ni présent ri! perçu.'(P. QUERCY, dans le Dict. abrégé du surréelisrne. à perception)

Toutes les possibilités ayant été enVisagées. la série est fermée,c'est une énumération. En revanche, des séries même trèscomplètes restent nécessairement ouvertes et sont donc desaccumulations.

Ex.:L'nattucinenon. la candeur. la fureur. la 1;;:':1770,/"2, ce Protéelunatique. les Vieilles tustoires. la table et t ercner les paysagestnconnus. la nuit tournée, les souvenirs inopioés. les prophétiesde la passion. les coniteçretions d'idées, de sentiments,d'objets. la nudité aveugle les entreposes svstémetiquos 3 desfins inutiles devenant de première ut/lité. /e oorootemem de lalogique jusqu'à l'absurde, l'usage de l'absurde Jc!squ'àl'indomptable raison. c'est cela - et non l'assemblage plus oumoins savant. plus ou moins heureux des voyelles, desconsonnes, des syllabes, des mots - out contribue à l 'hormomed'un poème.ÉLUARD, Donner à voir.

Rem. 3 Quand les termes ne sont pas de même nature.l'accumulation est désordonnée. "chaotique" (Spitzer). prochedu verbiage'

Ex.: Quel programme d'occupeuons intettectuettes pouvaitsimultanément se réaliser? La photographie Instantanée.l'étude comparative des reliqions. le folklore relatif à un certainnombre de pratiques amoureuses et superstitieuses, etl'observation des corps célestesJOYCE, Ulysse, p. 634.

Elle peut aller jusqu'à la verbigération '.

Rem. 4 L'accumulation d'adjectifs a reçu le nom de styleépithétique: (Lausberg). Ex.: "et sous ses couleurs rouges,vertes, jaunes, brunes. roussâtres, douce, amère. plantureuse,pommelée, la pomme" (JOYCE, Ulysse, p. 283). S'ils sont endésordre, on parlera d'un tohu-bohu de qualifiants. Ex.: "(laJoie),une tiorrib!e. une superbe. une absurde. une éblouissente.une poignante réettté!" (CLAUDEL Théâtre, t. 2, p. 536), Untohu-bohu de métaphores' peut faire un poème extraordinaire.Ex,: l'Union libre de BretonV. aussi à épitbétisme. et. pour l'accumulation de lexèmes, V àsynonymie, rem. 1

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Rem. 5 L'accumulation de qualifiants ralentit l'exposé (V. àsuspension. rem. 3 et à parastase). Inversement. l'accumulationde noms propres ou de courtes phrases semble l'accélérer.

Ex.: Mais nous avons eu la bonne Idée de reventr sur nos pas.repassant une seconde tots le Simplon enfilant le velets de Bngà Martigny et pUIS. après quelques heures douces passées àMartigny. rejoignant les bords lumineux du Léman: Villeneuve.Terrttet. Vevey. Cully. LutryH. AQUIN. Trou de mémoire. p. 151-2.

Autre ex.: • Enttte-mot cet uniforme. là. OUI. c'est ça. eh bien.qrouttte-tot. ts.s tiçe. meqne-tot le pot. le popotin SI tu préfères.enfin t'y voilà" (QUENEAU. Pierrot mon ami. p. 79-80).

Rem.6 Pour l'accumulation de mots courts. V. à épttrochssme:pour l'accumulation de titres. V. à titre (collation de -). rem. 4;pour celle de verbes personnifiant. V. à personnification. rem. 2;pour celle de questions, V. ce mot. rem. 2

ACCUSATION Représenter quelqu'un co rnm ecoupable d'un délit.

Ex.: Henry Fleury. Sans dorntctle fixe. Vagabondagenocturne et stationnement sur la vote publique.JOYCE. Ulysse. p. 435

Analogue V. à discours.

Rem. 1 L'insinuation est une accusation dont l'énoncé restepartiel. Pour les arguments' de l'accusation, V. à enttperestese.rem. 5. Pour les déguisements de l'accusation, V. à questionrem. 3.

Rem. 2 Leprocès d'intention est une accusation portant. nonsur des faits, mais sur des Intentions que l'on prête plus oumorns gratuitement à l'adversaire. Par exemple. sion ademandé à qqn qqch. et qu'il vous répond non seulement qu'ilest occupé, mais: Tu as juré de ne pas me laisser une secondede trenqutlùté!

ACRONYME Groupe d'initiales abréviatwes. plus oumorns lexicalisé' . On les prononce comme s'il s'agissaitd'un nouveau mot. "prononctation intégrée" (l'IUrs/) ouen c o n s r d é r a n t chaque lettre séparément,"prononciation drsjotnte " (lU.R.S.S./). Dans le cas de laprononcratron drsjointe. Il devient possible de transcrireen toutes lettres cette prononcrat.on.

, La Iexrcahsatron est plus forte SI lacronvrne est éCrit comme un mot (Pul). Avec oespomts, on est assez près encore de la simple aorev.auoo (P UF.)

2~.

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Ex.: Achélème pour H. L.M. (Queneau), Tébésette pou'T.S.F. (Duhamel). cités par M. Rheims.

Un autre type de formation d'acronymes part del'abrègement' des mots en leurs syllabes initiales. Ex.: Bénéluxpour l'ensemble formé par Belgique. Nederlend. Luxembourg:Telbec pour Compagnie de télécommunication du Québec

L'invention d'acronymes originaux peut constituer unprocédé littéraire Ex.: "Le Syndicat des empêcheurs de rire enrond à t'Opére'" et en bas de page: ' SDEDRERALO. (RDUCHARME, la Fille de Christophe Colomb. p. '85).

Analogue Sigle.

Rem. 1 L'acronyme est l'une des ressources de la dénominationpropre N. ce mot. rem 2) Le nouveau lexème formé peutengendrer une série lexicale. Cf. J. DUBOIS. Étude sur ladérivation suffixale en français moderne et contemporain p. 75.Des dérivés originaux relèveront à leur tour du procédé. Ex.:cégétiste et. en littérature: "Les Uerressestois " (R.DUCHARME, t'Océentume. p. 44).

Rem. 2 Les acronymes donnent lieu à un Jeu littéraire', fondé surla diversité possible des lectures. Ce jeu débouche aussi sur unprocédé. Ex.: NLa maison s'appelle PI. parce qu'elle a laspécialité des pêtisseries intectes" (JOYCE, Ulysse. p. 237-8).

Rem. 3 On rencontre aussi de faux acronymes, qui sont enréalité des atloqraphes'. Ex.: 'FMRFIJ' (R. DESNOS. Corps etbiens. p. 6).

Rem. 4 Confié au graphiste. le Sigle devient symbole (V, ce mot.3). Évoquant alors plus directement l'objet. il devient icône:évoquant certaines quektés (image de marque). il devientemblème.

Rem. 5 Pour la typographie des acronymes en fin de ligne, V. àcésure typographique. rem, 3.

ACROSTICHE Poème dont on peut lire le sujet. le nomde l'auteur ou celui du dédicataire dans un mot formédes initiales de chaque vers.

Ex.: Villon signe plusieurs ballades' en plaçant les lettres de sonnom au début des vers de la dernière strophe (envoi).

Voulez-vous que verté vous die? (que je vous dise la vérité)1/ n 'est jouer qu 'en maladieLettre vraye que tragedieLasche homme que chevalereux.Omble son que melodie.Ne bien conseillé qu 'emoureux.VILLON. Ballade des contre vérités.

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Rem. 1 L'acrostiche appartient à la cryptographie'. V. aussi àJeux littéraires.

ACTANT Rôle joué dans t'action. Souriau (les 200000Situations dramatiques) en repéra six qu'il décrivit ainsi:force orientée (Fo). bien souhaité (Bs). obtenteursouhaité (Os). opposant (Op). arbitre de la situation (Ar).adjuvant (Ad). Propp. étudiant de ce point de vue laMorphologie du conte. distingue (chap. 6) septpersonnages types: le héros. la princesse. "agresseur, lernandateur. l'auxiliaire, le donateur et le faux héros.Greimas (Sémantique structurale. p. 176 à 180) étend cesnotions à des entités plus abstraites et envisage uneconcordance avec les systèmes antérieurs. Il prendcomme exemple le philosophe "des siècles classiques".

PARADIGMES ACTANCIELS

Souriau Propp Greimas EXEMPLE

Fo héros sujet philosopheBs princesse objet mondeAr ",andateur destinateur' DieuOs destinataire' humanitéOp agresseur opposant matière

faux hérosAd auxiliaire adjuvant esprit

L'application des paradigmes à une oeuvre donnée se fera avecsouplesse et sans ramifications excessives. Un mêmepersonnage peut avoir une fonction distincte vis-à-visdes autresantagonistes, ou assumer seul plusieurs fonctions. Il faudraremodeler parfois les paradigmes. Ainsi, dans le théâtre deMontherlant. nous avons pu les ramener à quatre. avec desconstantes qui évoluent parallèlement à la situation affective del'auteur (les Structures et l'inconscient dans le théâtre deMontherlant dans Protée. no6. p. 47 à 64). Une analyseactancielle doit échapper à l'imbroglio de l'intrigue. Elle serad'autant plus claire que le pornt de vue choisi pour la tracer serévélera pertinent.

Rem. 1 L'analyse actancielle peut encore se faire. non d'aprèsune dialectique générale mais en serrant l'intrigue au plus près,comme ra proposé CI. Bremond dans Logique du récit. On partdes personnages concrets, on les envisage dans le détail de leurparticipation à chaque événement. et même aux trois étapesessentielles de chaque événement: l'éventualité, le processus

1 ou donateur.

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de réalisation, l'issue. On les classe en agent et patient.influenceur. améliorateur ou protecteur. dégradateur oufrustrateur, acquéreur de mérite et rétributeur. Selon Ph.Hamon, les descriptions. même réalistes. transforment lesacteurs en actants. et constituent donc des indices actanciels.De nombreux procédés restent à définir dans ce domaine. V. àcommunication. autres dét.. 2.

Rem. 2 1/ est possible d'inverser les actants. V. à chassé-croisé,rem. 3 et à entimétebole. rem. 3.

AD HOMINEM (Argument -) Argument qui ne vautque contre l'adversaire que l'on combat. soit que cetargument se fonde sur une erreur, une inconséquenceou une concession de l'adversaire, soit qu'il vise tel ou teldétail particulierà l'individualité ou à la doctrine de celui­ci. LALANDE, Vocabulaire technique et critique de laphilosophie.

Ex.: Ceux qui se prétendent réalistes devraient aussi tenircompte de ce que sera la réalité demain. Ex, litt.:Pour jamais! Ah, Seigneur. songez-vous pour vous-mêmeCombien ce mot cruel est affreux quand on aime.RACINE, Bérénice.

Analogue Argument ad personam (Perelman).

Autre déf. "Arçurnent qui oppose à t'opinion actuelle d'unhomme ses paroles ou ses actions entétieures" (Littré. TLF).C'est un sens très spécifique et qui rapproche le procédé de larétorsion',

Rem, 1 L'argument ad hominem est une attaque, Ouand Ilmasque l'absence d'argument valable et qu'il s'en prend à lapersonne faute de pouvoir réfuter les idées. il est purementrhétorique et donc faux'. Ad personam pourrait être le nom duprocédé correspondant mais bienveillant. Ainsi, pourrenseigner quelqu'un sur le chemin à suwre. on cherchera despoints de repère faciles à Identifier, tel magasin de mode si l'ons'adresse à une dame. etc. ou avant de proposer un concert:·Vous qui aimez Chopin. etc.'

ADJONCTION Sorte' d'ellipse' par laquelle onretranche, dans une section de phrase, un mot exprimédans une section voisine. LITTRÉ.

Ex.: S'armait d'un oeil si fier, d'un front si redoutableRACINE, cité par LAUSBERG, t 1. p. 372.

1 Ellipse sur proposmon ajoutée ~ une phrase syntaxrquernent déjà complète. d'où lenom d·adjonction.

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Ex.cont.: On est contraint. en face d'elles, à une espèce decomédie; peu honnête; mais qu'y faire?/0. GIDE. Romans, p. 1015.

\V1ème dM. Lausberg.

Autre nom Zeugme'.

F:~m. 1 Fontan.e- oppose lanjoncuon à l'ellipse', où les mots"'Jppnmés ne sont pas exprimés dans le vorsmaqe. Mais il1 oppose auss au zeugme' (p. 33ô), contrairement à Fabn (t. 2,i' 15ô), Littré, t.e Bidors. Lausberg. Robert. La différence qu'il'."ooose est que l'adjoncnon doit se faire avant que la,»"OPOSltlc n ne SOit achevés. en sorte que le tout ne fasse"auune seule et même proposition complexe" (p 338). Ex.: "Je,jenna/s, {enlevais. je rcndeis les États'.

Nous voyons mails nécessité d8 ce trait distinctif, puisque deroute façon, sans l'adjonction, ia phrase serait syntaxiquementcomplète (V à disjonction. lem 3). Qu'on se contente.i'observer que l'adjonction se fait aussi bien au débutiprotozeugme) ou au milieu (mésozeugme) qu'à la fin de laohrase (hypozeugme).

Rem, 2 L'adjonction est un mode courant de développement.vruaxrque. surtout dans la langue parlée. C'est en effet. lafaçon la plus simple de faire une assertion adjacente (V. àassertion, rem. 3). Ex.: "Un obus!.: vrançt.. qut rentre dans leponti La ma/tresse arche sau:e, éctetet.. Creuse un gouffre danste chaussée, une béance énorme: un cratère où toutsenqouttrel,." (L.-F CÉLINE, GUignols Band. p. 17) V. à.l.slocetion. rem 1f.!le est possible même quand la phrase parait achevée. Ex.: "(II)v bâtirait une hutte. Aux neiges un Igloo. N (Y. THÉRIAULT.!Îgaguk, p. 10).

Hem. 3 SI l'élément adjoint ne remplit pas la même fonctionqu'un élément énoncé, on a une demi-adjonction. Ex.: "Unobusl.: Vrangl... qui rentre dans le ponti" (En revanche, éclate,,'(ouse, béance et cratère présentent. dans l'exemple de Céline,les cas d'adjonction).

id demi-adjonction est fréquente en parataxe'1 »ut syntagme' "en exclusion" et en tin de phrase peut êtrel,lacé en derni-adjonction par une ponctuation' renforcée. Ex.:.,lntroduite de force dans l'intimité de cette ma/son bamcadée.11/ plein hiver. Au bord de la route, entre Sainte-Anne ett..nnourescs. La nuit du 3 7 janvier' (A HÉBERT, Kemoureske.l' 210).'1,lc syntagme' exclu final est introduit par une conjonction, uneJII,]ule suffira. Ex.: "Tu auras une belle dot. et un bel héritage. "IH QUENEAU, Pierrot mon ami, p. 95)

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Rem, 4 L'usage détermine les éléments à élider. Dans l'exemplesuivant Gide rend son adjonction insolite en répétant le si. "Oblsi le temps pouvait remonter vers sa source! et SI le passérevenirl" (GIDE. Romans, p. 245).

Rem. 5 L'adjonction donne des hyperbates (V. ce mot rem. 2),des parataxes (V. ce mot rem. 2).

ADYNATON Hyperbole' impossible à forced'exagération.

Ex.: Ne pas se laisser condamner à défaire les chignons debronzeMICHAUX. Face aux verrous. p. 41.

Ex. publicitaire: L'eau qUI fait digérer des briques.

Même déf, Lausberg (§ 1245). Preminger.

Analogues Fatrasie. conte à dormir debout.

Rem. 1 L'advnaton est de pure rhétorique ("châles...... sedéchirent rten qu'à les regarder", JOYCE. Ulysse. p. 674) ou iltouche au fantastique'. tendant à reculer les bornes du réel. Ex,:"L 'atmosphère était si humide que les potssons auraient puentrer par les portes et sortir par les fenêtres, naviguant dans lesairs d'une pièce à l'autre" (G. G. MAROUEZ. Cent ans desolitude, p. 299) Comme de uxièrne terme dans unecomparaison'. on peut tout accepter. "L'insaisissable Djekycomme le vent / Comme la flamme comme l'espace" (Geste deDjeky. dans l'Épopée treditionnelte. p. 45). La question desisotopies' se pose avec plus d'acuité lorsqu'il est dit: "Djeky .....OUI avala l'océan et le cracha" Il n'est pas sûr qU'II faille larésoudre de la même façon que dans les fatrasies, plus prochesde la verbigération'. Le fatras impossible (Morier). la fatrasiemédiévale étaient des poèmes' à forme fixe qUI n'offraient quedes incohérences' ou des irnpossibilitès. Il en est resté une tracedans les comptines. Ex.: "J'al vu une angut/le - OUI COiffait satilt' - Au tieut d'un clocher" (Vieille chanson. dans leDictionnaire du surréalisme, à possible).

Les adynatons surréels ont quelque chose de fantastique' etde rhétonque à la fois.

Ex,: Un Jour noire amitié aura rendu son regard si metérietqu'elle pourra me toucher comme avec ses mains en meregardant. Un jour. son seul regard pourra, comme letranchant d'un resotr. [racer des Sillons dans ma chairR. DUCHARME, t'Océentume. p. 116.Ils gardent un sens, Irréel. tandis que les dissociations' vont plusloin, dissolvant les structures mêmes du mental.

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ALLÉGORIE lrnaqe ' littéraire dont le phore estappliqué au thème, non globalement comme dans lamétaphore' ou la comparaison' figurative, mais élémentpar élément ou du moins avec personnification'.

Ex.: La rêverie ... une jeune femme merveilleuse,imprévisible. tendre, énigmatique, provocante, à qui jene demande jamais compte de ses fugues.A. BRETON. Farouche à quatre teuilles. p. 13.

Autre ex.: Mon beau navire Ô ma mémoireAvons-nous assez neviquéDans une onde mauvaise à boireAvons-nous assez divaguéDe la belle aube au triste SOirAPOLLINAIRE, la Chanson du mal aimé

Syn. Métaphore' en plusieurs points. métaphore filée V. àapocalypse.

Oéf. analogues Girard, Littré. Albalat. Morier. Robert. Lausberg,Preminger.

Rem, 1 C'est par la dimension et le nombre des éléments quel'allégorie diffère des autres images'. On retrouve donc au seinde l'allégorie la distinction appliquée, pour des segments plusréduits, entre la comparaison' et la métaphore'. Il y a desallégories où le thème' est bien Isolé (aveccomme ou une autremarque de l'analogie: V. à comparaison, rem. 2), d'autres où ilest mêlé au phore. Les deux exemples ci-dessus illustrent cesparticularités.

Rem, 2 Comme pour la métaphore (V. ce mot rem. 1) lasuppression du thème est possible. C'est même pour Fontanierune condition de l'allèqorie proprement dite (cf. p. 114). Quandle thème' est mêlé au phore. on n'a, dit-il. qu'un allégorisme.Cette remarque peut avoir son importance. L'allégorisme seraitune allégorie partielle, une derm-elléqorie.

Est-ce à dire que l'allégorie serait nécessairementénigmatique? Elle peut l'être (V. un ex. à éniqtne. 1), maisnormalement le contexte indique le thème'. C'est le cas pourtous les exemples que cite Fontanier. Quand Boileau déclare:"J'aime mieux un ruisseau etc. qu'un torrent débordé", c'est àpropos d'auteurs et donc on sait qu'il parle de leur style.

Fontanier pnvilégie la cohérence Interne de l'exposé duphore. On préfère aujourd'hui, semble-t-il. un glissement duthème' au phore.

Ex,: les spectateurs, les femmes en robes bruissantes gravissentmajestueusement les marches disparaissent dans uneflamboyante apothéose engloutis, digérés, comme SI les

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lumières les velours les suaves couleurs des robes se fondaientdans un unique conglomérat auréfté J et bourdonnant tapissantles profondeurs caverneuses sanglantes et jaunes de quelquemonstre boeuf omnivore qui les digérerait lentementCI. SIMON. Histoire. p. 56.

Rem, 3 L'allégorie est souvent définie comme personnification'(Cf. Morier. sens 1. Lausberg. sens Il) parce que cette figureentraîne habituellement plusieurs métaphores (V. ce mot rem.4). L'aspect vécu propre à l'Image' trouve son épanouissementdans une allégorie personnifiante qUI rend le thème' visible et lefait agir. V. l'ex. de CI. Simon CI-dessus.Personnifiante, l'allégOrie peut être brève, mais il faut prévoiraussi le ridicule d'une figuration excessive. Ex,: "Allez. et quel'amour vous serve de cornac. Doux éléphant de mes pensées".(Tristan DERÈME, la Verdure dorée. 1).

Rem.4 Tout trope en plusieurs points n'est pas allégorique... Ex.:"Louis: - Le plus grand coquin a dans son coeur un stock desplus nobles sentiments. dont il regrette de n'avoir jamais pu seservir. C'est comme neuf" (CLAUDEL, Théâtre. t. 2. le Pain. p.448). Stock. comme neuf. n'est-ce pas Simplement le concretpour l'abstrait et donc une métonymie'?

On rencontre auss: le concret pour le concret: "Le troupeau dessensations tactiles peît dans les prés Illimités de la peau." (M.LEIRIS. Aurora. p.120). VOici un cas d'application de l'abstraitau concret.NOTES D'AURORE volet la plus récente édition du vieux textedu jour: le verbe SOLEILdéveloppe les conjugaisons de couleurqui lUI appartiennent; Il commente toutes ces propositionsvsnées de lumière et d'ombre dont se fait le discours du tempset du lieu...VALÉRY, o.. t. 2, p. 859.On rencontre aussi un changement de pornt de vue. devocabulaire: "La première opération (de I'hrstoire de larnédecme). pratiquée sur Adam, fut une incision intercostale.Une compticenon postopéretoire se meruteste sous la formed'une ravissante jeune femme." (L.-M. TARD, SI vous seisissezl'astuce. p. 1 1).Dans ses Exercices de style. Queneau exploite amsi le langagedes domaines les plus variés. philosophique. botanique.médical. gastronomique. zoologique. mathématique. racontanttoujours la même histoire..

La métonymie' en plusieurs points pourrait recevoir le nom.emprunté à la mathématique ensembliste. d'application". " ya.

l SIC.pour aurrtrè

2 Moner l'étudie sous le nom de similé.

3<;)

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en effe t. mise en relation d'un ensemble avec un autre par lemoven d'un cert ain nomb re d'é léments qu i sont en contact. Cf.P H. DUBOIS. HIa Métaphore filée " dans le Françats moderne.IUIHet 1975 .

fil'm. 5 L'app hcauon . comme l'al légorie ' . peut s'étendre àl 'enuer d'une oeuvre Ex.: R. de OBA LDIA. le Tamerlan descoeurs; H. AQ UIN . Procbem Épisode.

1'1am, 6 Pour la différer.ce entre t'allèqone et l'apc logue. V. ceu.ot , rem. 1 V aussi à a.etvpose. rem. 1; à énigme. l.'all èqoncappart ren t aJ style sublim e (V à ç rendüoauence. rem. 1)

J~lLiANCE DE M OTS Rapp rocher deu x te rm es dontles sig n if ications p araissent se contred ire.

[ :{.: Cette obs cu re clarté qut tom be des étoile sCORNEILLE. le Cid, IV. 3

L\lJtr'3 ax.: un vie ux p o lichmetlc articulé désa r t iculé IR.PINGET. Clope au dossier. p. 45).

M ême dM, Le Clerc . p. 2 40. Il cite "l'o rgueilleuse faiblesse"d'Agamemnon dans ïiotnçémo de Racin e et commente: "cesont deux Idées QUi semb lent Incohérentes. mais qUI dans lareel i t é s'al/l ent avec préCISIOn. H

Svn, Oxymore (Premin ger, groupe mu). oxymoron (Lausberq. §807 : Mor ier): antonymie (Littré, QUillet).

Rem, 1 "A ltîeoce de mots" est une ellipse de la définition:Hall/ance de mots contredictotres " Les deux termes doiventdonc v iser des q ua l it és o p po sé es. M ai s ces q ua l it ésappartienn ent au même objet. ce qUI distingue l'al liance demots de la dissociauon ,

Hem. 2 Les vocables s'opposent dans leur sens hors contexte, leparadoxe' reste laten t et Il n'y a pas d'ann toqre' . car, en réali té,les sens ne sont pas incompati bles. Le "soleil noir de lamélanco lie ' de Nerval est un astre figuré. Il est tou t natu rel des'élancer "en avant derrière la mus/que" (JOYCE, Ulysse. p.156).

Quand l'all iance de mots se double d' une opposrtron du sens,!n con tex te (sens' d ivis é). il y a aussi alli ance d'Idées' . Ex.: De«rets chevaux de bOIS. Des tulipes en matiè re plastiquenaturelle. V. aussi à mtrotr, rem 2.

AI.L1ANCE DE PHRASES Fa rre d e ux asse rt io ns 'suc c e ss iv e s i n v e rs es " u n e de l ' au tre ma is nonIncom pat ib les.

Ex.: N 'en par/ons plus. Par/ons-en.M PLEYNET. dans Théone d'ensemble. p. 119 .

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Ces assertions' peuvent être adjacentes 1 , coordonnées, votremême subordonnées. Ex.: (Ce qu'écrit un auteur, par rapport àsa pensée vécue) "est plus ncbe et motns rtche. Plus long et plusbref Plus clair et plus obscur" (VALÉRY. 0, t. 2, p. 569)."C'est égal, tI y a sans doute mieux à faire ou à ne pas faire.'(BRETON, Manifestes du surréalisme, p. 43).

'Ceux qUI comprennent ne comprennent pas qu'on necomprenne pas." (VALÉRY, 0, r. 2, p. 827).V. aussi à miroir, rem. 2.

Rem. 1 Les alliances de phrases et de mots se distinguent desautres types d'ail lances, qUI Visent des signifiés, parce que lesOppositions qu'elles créent ne sont qu'apparentes et secantonnent sur le plan du signifiant (V. à alliance d'Idées, rem.1). Ex.: "S'II a troid. c'est sans avoir trotd. Il a chaud sanschaleur.' (MICHAUX. l'Espace du dedans, p. 150).Le poète décrit ams. un état d'indifférence analogue à celui desascètes (cf. 1re Épître eux Corintbiens. 7,29 à 31). Les extrêmesse neutralisent dans une réalité Visée qUI est unique. V. aussi ànéçetion. rem. 3.

Dans les autres exemples Cités, II semble que le réel est SOI{quelconque, SOit double, SOit alternant (V. à alternative). SOitencore étagé (cas d'assertions subordonnées l'une à l'autre).

ALLIANCE DE SENTIMENTS En un mêmepersonnage se heurtent deux sentiments contraires.

Ex.: Gargantua . ... voyant d'un côté sa femme Badebecmorte, et de l'autre son fils Pantagruel né ..... pleuraitcomme une vache; mais soudain riait comme un veauRABELAIS, Penteqruet. chap. 3.

Autre ex.: • Ch't'haïs mais ch 't'aime quand même." (J. RENAUD,le Cassé, p. 76).

Rem. 1 Les sentiments aillés s'opposent partois sous formed'Images'. Ex.: "Et durant le voyage toute la journée cettesttustton est restée mcttenqée. elle 8 été à côté de mOIséparéede mOIgouffre etsoeur." (M. DURAS, le Ravissement de Loi VStem, p 192).Rem.2 La compensation', destinée seulement à redresser l'effetde certaines connotations, est une fausse alliance desentiments.

Rem. 3 Assez proche. on a l'alliance d'actions inverses ouatternance iDtct. des media), dont Montherlant a fait la théorie.

1 C'est-à-dire contenues dans des syntagmes et pas nécessairement dans des phrasesdistinctes V à assertion.

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Ex.: •Solange avait satisfait Castels. à la tois dans sa frmgalecharnelle et dans son "riqorisrne". Elle s'éteit montrée à lUIdouble. grue et fi/le du monde. et on ne l'mtéressen quelorsqu'on était double " (MONTHERLANT Romans p. 1245).

ALLIANCE D'IDÉES Rapprocher. dans une relationquelconque. deux Idées Inverses l'une de lautre.

Ex.: LA FRANCE PLEURE BOURVIL. OUI L'A TANT FAITRIREPans Match.

Ex. litt.: 'Je n'al jamais vu mon beau grand frère SI laid' (R.DUCHARME, l'Avalée des avalés chap. 20)

Syn. Antithèse' (Fontaruer. p 379: Littré: Le Clerc: Martin, E.-L.,les Svmétnes C:J français littéraire, p 68 à 70: Marouzeau:QUillet: Lausberg, (à entutieton. § 787): Robert: Preminger),C'est un sens élargi de l'antithèse' classique (V. ce mot),Oppos.tion (Lausberg. Robert) contention (Fabrl: Bary, t. 1. P319). contraste (Garein de Tsssv. p. 78)

Rem. 1 L'alliance de mots' et l'alliance de phrases', qUI peuventexprimer des Idées cohérentes, ne créent pas xt'oppositionforcée entre les Idées Quant à la dissociation', àl'Inconséquence' et au coq-à-l'âne', Ils concernent des Idées,non pas Inverses, mais Incompatibles

ALliTÉRATION Retours multipliés d'un son Identique,

Ex: Pour qUI sont ces serpents qUI sifflent sur vos têtes?..RACINE, Andromaque, V, 5, v. 1638

Ex. (avec des voyelles): Salut! encore endormies.4 vos sourires jumeaux,Sunïtitodes amiesOui brillez parmi les mots!VALÉRY, 0, t. t. P 111

Même déf. Fontanler (p 345), Littré, Verest. Marouzeau, Quillet.lausberg, Robert. Preminger

Svn , Paragrammatlsme (Littré), parachrèse (Fontanre r):1ebondissernent (Mener). "réoétutoo. coup sur coup, dans unmême mot. d'une voyelle' (Ex.: saccadé" lugubre. hagard).

Rem. 1 L'allitération n'est pas nécessairement la reproduction.illuslve d'un son, comme dans le célèbre exemple des serpents.1Ile peut ne servir qu'à faire résonner le texte. comme dans cet«xernpte de Bossuet. que cite Marier: 'C'est que Paul a des.uovens pour persuader, que la Grèce n'enseigne pas et quettorne n'a pas appns'

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Rem. 2 Morier propose de réserver assonance' aux répétitionsde voyelles et allitération aux répétitions "de consonnes,notamment des consonnes initiales, mieux perçues et souventmises en évidence par l'accent affectif" C'est restreindre le sensd'allitération et étendre celui d'assonance'.

Rem. 3 Sa notoriété fait que l'on prête à l'allitération un sens trèsétendu; elle sert à désiqner toutes les figures de sonorité autresque la rime' (V. à musicetton. rem. 1; à cacophonie. rem 2: àécho sonore, rem 1: à herrnonie Imitative, rem. 1: àparonomase, rem. 2: à tautogramme. rem 2). MOrler, aprèsValéry, parle d'intrasonance (par opposition à multisonance,recherche de la variété des sons)

ALLOGRAPHE (Néot.) Texte transcrit en d'autres mots.On a remplacé les mots par des homophones qUIsemblent conférer à la phrase un sens nouveau.

Ex.: "La rue meurt de la mer. Île faite en corps noirs. "(pour: La rumeur de la mer. Il fait encore noir).(COCTEAU,Opéra. p. 41). "Sceau d'eau mégots morts" (PREVERTj

Syn. Langage CUit (DESNOS, la Révolution surréaliste, t. g, P26-7, Cité par Angenot. p 163)

Rem. 1 L'allographe s'obtient par une métanalyse' de la chaînesonore, à l'Instar de la charade ou du rébus (qui est unallographe pictographique). Il y faut parfois des prodigesd'Imagination. Ex.: "la garce (un l'a tzar)l" pour la gare Satnt­Lazare. (QUENEAU, Exercices de style, p. 128).

Rem. 2 L'allographe est volontiers allusit. Ex.: la des-mots-crstie.la messe-cëtine. Dans ce but. il se combine avec l'à-peu-près'Ex.: "en mail oh de bi[eJn" (R. DUCHARME, t'Océentume, p.134).Les. combinaisons sont multiples et Significatives: "existencedevient aiguesistence pour les poissons. ogresistence pourtes.homerds. ou eggsistence pour la vie en coquille" (R.QUÈNEAU, Petite Cosmogonie portative).

Rem. 3 L'allographe alphabétique abrège la transcription. Ex.:'- Et LN? - LH "(pour: - Et Hélène? - Elle erre.) (Queneau)V. à acronyme.

Le boustrophédon' est un Jeu alloqrephrque.

Rem. 4 On distingue l'allographe de vettoptione (V. à équtvoque).

ALLUSION On évoque une chose sans la direexplicitement, au moyen d'une autre qui y fait penser.

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Fx.: J'al eu chaud place de la paix. Di»: mille degrés sur lal 'lace de la Paix. Je le sais. La température du soleil sur laf 'lace de la Paix. Comment l'Ignorer?M DURAS. Hiroshima mon Amour p. 25

Même déf. Paul (p 144), Fontarner (p. 125), Littré, Robert.

Analogues (Se faire entendre) à demi-mot, à mots couverts, par:.ous-entendus

Rom. 1 Comme les tropes, l'allusion est un détour du sens'; maisulle concerne la phrase (ou t'équivalentl. Il y a donc des.iuusrons~ Métaphoriques. Ex.: "Pas d'année. dit grand-père, pasd'année où je VIS tant de mouches" (MICf1AUX. la Ralentie),I\nalogle d'Impression produite par une telle phrase etdrrnpressron ressentie par 'la ralentie'- Métonymiques. Ex.: "C'est là (dans les zones mal éclairéesde l'actrvrtè humaine) qu'epperetssent les grands pharessomtuets. votstns par la forme de Signes motns purs' (ARAGON.le Paysan de Pans) C'est l'abstrait (moins purs) pour le concret(phallus) V aussi à rnétetepse.- Synecdochiques. Ex, de M Duras la température du soleilôtant celle de la désintégration atomique- Allégoriques. Ex.: "l'Arçtenne Hélène. la jument de Troie qUIn 'éteu pas de bOIS et qUI hébergea tant de héros dans seslianes' (JOYCE Ulysse, p 192) Allusion historique avecrapprochements en plusieurs pornts- Catachrêtiques. Ex.: 'Bouche bien faite pour cacher / Uneautre bouche (ÉLUARD la Halte des heures), Cacher pourbaiser parce Qu'il n'y a pas d'autres sens possibles,

De plus, I'atlusion a volontiers recours à la syllepse', c'est-àdire à deux sens possibles à la fOIS AinSI le conteur du villageavec son histoire de fusil "qu. ne partait jemets" ridiculiseTartann. qUI parle depurs longtemps d'aller chasser en Afrrque(DAUDET Tartarm de Tarascon)

Rem. 211 y a des allusions historiques. mythologiques, littéraires,politiques, comrrunatorres. érotiques, personnelles, selon lecontenu Ex. dauusron trttérarre (le romancier) se treîne sur unseul roman tmeçmeire dans le temps que je mets à en conneîtreCInquante. qUI sont vécus. Je me tets l'effet d'être une sorte.tAsmodée qUI soulève les toitures et les crânes. et qUI a le donautnquué,1 AICARD Meurtri des Maures. p. 51 (Allus!On au Diablebotteux de Le Sage) V eussi à concetti

iallusron érotique semble la plus facrle à décoder puisqu'elle seréalise par Simple effacement' lexrcal Ex.: Il ne pense qua ça.[ Ile est assez portée sur la chose, comme chacun salt. V aussi à

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euphémisme.D'autres contenus sont possibles: il suffit que l'auditeur salt

présumé au courant d'avance. La perception de l'allusion resteassez subjective. Il ya ceux qUI ne les Valent pas et ceux qUI envoient partout. Aussi l'allusion est-elle une ressource précieusepour celui qui veut faire entendre quelque chose sans qu'onpuisse l'accuser de l'avoir dit. Ex, la chanson de G. Vigneault."Mon pays, ce n'est pas un pays, c'est l'hiver" Simpleantithèse' de soulignement" de l'hiver? Tel ne fut pas leJugement du Gouvernement canadien. qUI commença parInterdire la chanson, parce qu'il y voyait une aliusion subversiveau séparatisme québécois.

L'allusion peut donc être voilée ou transparente Ex.: "Unechaussée empierrée attache /'Île au contment. Ma mère déplorecet Isthme. Elle parle de le tuer de le faire crucitier." (R.DUCHARME, l'Avalée des avalés. p. 29)Bérénice veut-elle se moquer de sa mère, qUI est catholique(elle est JUive)? Ou bien serait-ce une syllepse', le mot isthmereprésentant parà-peu-près ' tous les mots en -tstne. dontchristianisme. et Ducharme exprimant alors sa défiance desIdéologies par les allusions tuer crucitier? L'allusion reste plutôtvoilée...

Rem, 3 L'implication (V. ce mot. rem 1) est à distinguer del'allusion.

Rem.4 L'évocation, récit voilé parce qu'inséré dans un discours(V. ce mot.rem. 1) est une variété de l'allusion, de même que lamétalepse.

Rem. 5 Il ya des allusions purement sonores. V. à snnominetion.autres déf., 2, à contrepléonasme. rem 4 & 5. à olhtéretion. àécho sonore, rem. 3. à tautogramme. rem. 2; ou des allusionsgraphiques (V. à graphie, rem. 1, allographe, rem. 2).Disséminée, elle devient une variété de l'anagramme'.

Rem. 6 Elle aime la périphrase (V. ce mot. rem. 2), Joue un rôledans la définition du calembour (V. ce mot. rem. 1) Elleaugmente la concision (V. à épithétisme. rem. 3). Elle provoquele rire (V. à espnt. rem. 1), véhicule la menace (V. ce mot. rem.1). prolonge le sarcasme (V. ce mot. rem. 2), alourdit le silence(V. à intertuptionï.

ALTERNATIVE On laisse à ch o isi r entre deuxpossibilités qui s'excluent mutuellement.

Ex. courant: La bourse ou la vie. De deux choses rune: oubien (etc.) ou bien (etc.).

Ex. litt.: LE CONTRÔLEUR. - Et ainsi de suite, par une série debalancements et de merveilleux carrefours où seront inclus, au

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hasard des contrées. la chasse aux coqs de bruyère ou la p ëcneà la mostetle. le leu de boules ou les vendanges. les ma tches dehaflan ou la représenta tion aux arènes de l'Avent urière avec laComé dte-trençeise. 1'erriverei un beau jour au sommet de lap vrs trude .GIRAUDOUX, tntermerro. !II. 3 .

Rem. 1 Ouand les deux termes ne s'exc luen t pas. on a unefausse etterneuve (et/ou) qUI Signifie que le cho ix en lui -mêmeImpo rte assez peu. Ex.: iU n résumé ne oou rreu) " donner uneIdée. mêm e sommaIfe. du contenu. ou de l 'ebsence de contenu.de ce tte p ièce (le Bétrou de ï orrnsi." (G. LAU NOIR. Clefs pourla 'oetephvstque. p. 7 4)Autre ex.: Lui rep rocher (à l'artiste) de voir les choses belles ou100 ides. petit es ou ép iques. qrecteuses ou sinis tres. c'est luirep rocher d 'être contormé de tette ou telle faço n et de ne pasavoir une Vision concordant a vec la nô tre." (MAUPASSANT,préface à Pierre et Jea n).V. aussi à alliance de phrases. rem. 1.

Rem. 2 Au sens stnct. l'a lternat ive est un argument' (Littré.Lalande) , pa r leq u e l o n enferme "auditeu r dans unraisonnement' . Celu i-ct atteint la perf ecti on quand. dans lesdeu x hypothèses Inéluct ables , les con séq uences so ntIdent iques. C'est le dilemme. Ex.: "Ne le châtie pas. Car ou bienil cretnt le châtiment. ou bien Il ne le cretn t pas. S 'it le craint. ilest bon. muti le de le châtier. S'I/ ne le cretn t. 1/n 'en tiendra pascomp te." (FA BRI, 1 2. p . 114).Le dilemm e n'est pas tOUjOUrS présent é dans les form es. Ex.:"On meurt toujours trop tôt - DU trop tard." (SARTRE. Huis­clos).Il n'y a pas d'he ure qUI convien ne à quel que chose d'absurde.La réfutation ' du dilemme cons iste à montrer qu'il y a d'autreséventualités. Son acceptation consiste à rejeter to utes leséventual ités sauf une.

Rem . 3 L'alt ernat ive peut être placée devant le lecteu r. V . àdouble lecture et à atténuatio n. rem . 1.

AMALGAME SYNTAGMATIQUE Exprimer p lus ie u rssvntaq rnes' . voire p lus ieurs assert io ns' . en un se u l mot"pho nét iq ue . Po ur transcri re ce phénomène. on a re cours;i des éhsro ns ' et à des Juxtapositions ' g raphiques. Ex.:Doukip udo ncten (R. QUENEAU. Zazie dans le métro). Autre ex.:1i lalogue de pêcheurs (anonyme) , en joual. - l.odj o. - t.opot.- Mansava? - PommaI. - Kostapri? - Coupparchaudes. ­Sorddapa? - M én épitou é? (Ou'on peu t trad uire : - Hello. Joe ,- Hel/o , Léopold . - Comment ça va? - Pas mal. - Qu'est-ce

'l ue tu as pris ? - Une coup le de perchaudes. - Quelle sorted'appât? - Des menés [d u fret in]. Et puis toi?)

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AMBIGuïTÉ N'était le contexte, combien de phrasesseraient ambiguës! On distinguera les ambiguïtésvoulues (V. à diephore. entenectese. à-peu-près, équivoque.contrepèterie. syllepse) et les involontaires (V. àkakemphaton, amphibologie); celles qui viennent dudécodage par métanalyse' (V. à kekernpheton. équivoque.diephore. etc.): celles que favorisent des morphèmesgrammaticaux "indéfinis" ou des constructionspolyvalentes (V. à amphibologie, irredietton. louchement etnégation. rem. J & 2); celles qUI Jouent sur la polysémie desvocables (V. aussi à diephore et antanaclase) ou sur dessyntagmes idiomatiques; celles qUI viennent d'unedouble isotopie'; enfin celles qui subsistent dans l'idéeexprimée elle-même.

1. Ambiguïtés par vocables polysémiques. Plus courantesqu'on ne pense, elles sont surtout perçues quand on a "l'espritmal tourné" et que l'on feint d'Ignorer l'isotopie' (le sujet de laconversanon). Ex. cette lettre d'hôtelier: 'Nous ne pouvonsabsolument rien garantir. C'est seulement sur place que nouspouvons arranger la clientèle.' (JEAN-CHARLES. les Perles dufacteur. p. 61).Inconscientes et naïves, elles connotent le locuteur. Ex.: 'M. leluge d'instruction. j'en al eu eusst. moi. de t'tnstruction" (J.COCTEAU, début du Fantôme de Marseille. dans Théâtre depoche. p. 89).

Elles sont aussi la source d'innombrables Jeux de mots', Ex,:'Notons que le Cinéma est la seule activité humaine où d'abordon réalise. ensuite on projette." (L.-M. TARD, Si vous saisissezl'astuce. p. n).

Elles peuvent encore servir à des sarcasmes': "Leurs poitrinesreluiront des crachats que méritent leurs visages" (LTAILHADE, Imbéciles... p. 222). Crachat ayant reçu parantiphrase' le sens accidentel de décoretion. le retour parétymologie' se propose assezfacilement. V. à rétutetion. rem 1.

2. Ambiguïtés par syntagmes polysémiques. Un syntagmeest dit idiomatique lorsqu'il a pns une acception spécifiqueplus ou rnorns Indépendante de ses éléments. Ceux-ci peuventalors favoriser un second sens. d'où l'ambiguïté, Ex.: 'Noshommes d'État ont tout pour eux. (C'est pourquoi. d'ailleurs. ilne reste rien pour les autres)' (H. ROCHEFORT. la Lanterne. no1). V. auss: à entenectese. rem. 2.

Parfois, c'est le sens Idiomatique qui est second. Ex.: (À ladevanture d'un photographe) 'IcI. on vous fera de beaux

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enfants " (JEAN-CHARLES. les Perles du facteur, p. 71 J. Onn'est pas loin de la sylleps e'

3. Ambiguïtés par lexèmes insuffisamment déterminés,L'ambiguïté peut venir du sens g lobal. où l'on ne trouve pas deréponse aux cu est .ons que le thème suscite . AIOSI, quand Lustrel it ce que Faust lUI a drci è. elle se demande ce que veulentdire les mots: "SI mon ép ouse tient une conduite conforme àl'usage " (VA LÉRY. 0 , t. 2, p. 2 83) . C'est que l' usage, dans lecont exte , n'a pas été spécifié. Le sens du lexème est donc restéindéterminé,

Les Proverbes de Salomon (26 .4-5) exp loitent habilement ladouble cèterm rnau o n possible de "selo n sa folle" en donnantdeux conseils apparemment Inver ses. en réalité Iden tiques. Neréponds pas à l'Insensé selon sa toue. de peur de lUI devenirsemblable. TOI eussi. Réponds à l'Insensé selon sa toue. de pe urquü ne se ftgu re étre sage.On complète le sens md éte rrruné par des hypothèses sur le sensVisé, que Vient ètayer la co nnaissance que l'on peut avoir dulocuteur. Ex.: "Je me permets. une fOISde plus. docteur, de tetreappel à vous moralement et physiquement " (JEAN-CHARLES.les Perles du facteur. p. 82 ). La brave dame qUI s'expnrne ainsin'a pas d 'a rn ère-pens ée.

Rem. 1 Plus rare. mais possible po ur les textes sans contexte. Il ya l'am btquït è par Ignorance de l'Isoto pie ' Ex.: "La conjonctionn 'est pas une sdjoncuon " Phrase de çrammamen . de loqrcien.de mathémat icien . de biologiste?

Rem. 2 L'amb iguïté est parfots voulu e pou r elle-même, afin dedonner raison à tout le monde. ou par hésitat ion. Par ex.. VOI CI ladéfinit ion que donne Lit tr é au mot graphisme: "maniè re dereprésenter, d 'écore les mols d 'une langue" Veut-il parle r ducnoix des lettres (o rt hographe) ou de leurs for mes? Tou tedéfinition ' gagne à être accom pagnée d 'un exemp le..

Rem. 3 1/ y a aenn-emtnqu ît é quand l'exp ression manque decra n é. non quarn au sens. mais au pornt de vue svntax ique. deuxconstruct ions di fférentes étan t possibles. Ex.: "Oh ! Je VOIS mamer e ren versée Je la regarde. Je mesu re son envergureterressée. Elle éteu Immense. marquée de sang et d 'empreintesmcrust ées." (A. H ÉBERT. le Torre nt. p. 3 6). Elle paraît d'aborddesrç ner l'envergu re (Imme nse) pUIS la mère mê me (sang .urn premtes}.

Le complément du nom, avec de , est facilem ent ambig u. car lesecond nom peut aussi bien être sujet qu'objet de l'act ion duprerruer. Dans la cnttque de DubOIS. on dit qu 'n y a génitifsubj ect if SI DubOIS crinq ue et génitif ob jectif S'II est crit iqué

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Attila, le fléau de Dieu, peut se comprendre spontanémentcomme génitif objectif (fléau = cataclysme) alors qu'il s'agitpour les Romains, d'un génitif subjectif (fléau au sens propre,pour séparer le grain et la paille). V. à sens indétini.

AMPHIBOLOGIE Ambiguïté' d'origine grammaticale(morphologique ou syntaxique).

Ex.: (Une dame télégraphie à son mari) hAi raté train. Partiraidemain même heure". Réponse du mari: hAlors tu vasencore le reter" (JEAN-CHARLES. les Perles du facteur, p.65). On ne peut pas demander trop de précision aux "indéfinis".Aux prépositions non plus. VOICI un extrait de lettre adressée àla Sécurité sociale: "J'ai été malade au lit avec le docteurpendant une semoine" (JE.A,N-CHARLES, ib.. p. 119).Aux articles et pronoms encore moins. VOICI l'explication d'unpaiement en retard: "Mes trois gosses étaient malades et monman est toujours en déplacement Je l'avais complètementoublié" (JEAN-CHARLES, ib., p. 40). Aux articles, .pasdavantage. "Ah' que je SU/S istiqué! Tout de même, il est midi!...Et midi, c'est une heurei .. Non, midi. ce n'est pas une heure,c'est midi!. .. Ahl je ne sets plus ce que je dis!.: h (FEYDEAU,Occupe-toi d'Amélie, 2. 1).Il faut se méfier des fonctions syntaxiques. Ex.: "Je vous faissavoir que le docteur de la Sécurité sociale lUi a prolongé samaladie" (JEAN-CHARLES, les Perles du facteur, p. 118); etdans le syntagme nominal: le lait de vache maigre estamphibologique, il pourrait même être gras si l'on rapportel'adjectif au subst. le plus proche.

La place des syntagmes' a aussi son importance. Ex.: "Faitesrefaire les programmes en nombre insuttissnt" ...pas pour enmanquer, mais seulement ceux dont on manquera. Et même laplace des phrases: "(Sur une pancarte, près de l'école d'un petitVillage) Attention! Ecote! N'écrasez pas les enfants. Attendezl'arrivée de l'instituteur.." (J EAN-CHARLES, ib.. p. 71).

Oéf. analogues Littré, Quillet. Bénac, Lausberg, Robert.

Rem. 1 L'amphibologie est un défaut' mars. comme toutes lesambiguïtés', elle trouve son utilité, salt par des effets parévocation (de la maladresse), salt par des jeux de mots' qui larapprochent de la syllepse de sens'. Ex. "Voici l'homme" (Pilate,aux notables juifs) avec, en français du moins, les deuxactualisations possibles de l'article défini. anaphorique (cethomme) ou synthétique (l'homme, exemple d'humanité).

Rem. 2 D'ordinaire, il n'est pas difficile d'y remédier. Ex.:• Pauvres gens, ceux qui seront arrêtés par les tournants, /Pauvres gens, et il yen aura des pauvres gens et des tournants.(MICHAUX, l'Époque des Illuminés).

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La répétition', après 1/ y en aura, éclaircit le sens de en, '

Rem, 3 V, aussi à dissociation. rem, 9,

AMPLIFICATION Développer lès Idées par le style, demanière à leur donner plus d'ornement. plus d'étendueou plus de force,

ALBALAT, la Forrnot.on du style,

Ex.: Se réjouir = ôtre joyeux = être dans la jOie ~~ êtrerempli de joie = avotr le coeur en téte = sentir soncoeur se gonfler de joie = sentir que son coeur se gonflecie ioie = sentir Clue son coeur s'emplit et déborde de,Oie = sentir que sen coeur s'emplit et se gonfle, ôcombien, de jote. de force, de tendresse = sentir battreson coeur et préférer la jote à une Vie terne, réglée del'extérieur, uniforme (Et a.ns: de suue) V à accumulation,rrrn. 1.

Svn. Étoflement. rnulnphcation (Bary).

Ant. Concentration, résumé.

Autre dM. Les Anciens appelaient amplification le traitement dudiscours' dans son ensemble, c'est-à-dire l'art de trouver lesmeilleurs arguments' et d'en tirer parti en rédigeant SUivant unplan' logique et efficace, établi de préférence selon unegradation en mtensité. Il y fallait des descnpuons. descomparaisons', des exemples, une discussion des raisons, dupathétique, des souvenirs. des Citations' de citoyens illustres oude poètes, on s'expliquait. on se Justifiait. Pour finir, uneaccumulation' d'arguments", de faits, ou seulement de phrases,verre de mots synonymes, Telle est l'amplification oratoire,appelée encore, quand elle va trop loin. développement outré,pathétique, superflu, verbeux, diffus, V. à verbiage et àgrandiloquence.

Rem. 1 l.'ètofiernent peut avoir une fonction de soulignement'.Il peut prendre la forme d'une concrétisation (V, ce mot. rem, 1),d'un exemple (V, à raisonnement. rem, 2), d'une énumération',d 'une gradation". d'une paraphrase', d'un apologue', d'uneapostrophe', d'un cliché', V. aussi à rythme de l'ection.

Rem. 2 L'Inverse de l'amplification est la condensation(GREIMAS, Sémantique structurale, p. 74), où l'on .cherche àtout dire en peu de mots (V, à récapitulation), voire en un seulterme (dénomination)

Rem. 3 À l'amplification se rattache le refus de recourir aupronom et la répétition du lexème, pour des raisons parfoisprosodiques: HLe feu ne franchit pas la limite des cendres / Mets

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la chaleur du feu pénètre la maison' (J.-CI. Renard).Ou pour concrétiser un être plus verbal que visible: 'Lesfantômes du Jour ne sont pas comme les fantômes de la nuit"(Michaux); parfois auss: par amour des beaux prénoms:"Cettienne voulut se séparer de Michel tout de SUite, afin quepersonne ne les vît ensemble. Michel tenta de retenirCetbenne" (A. Hébert).

ANACHRONISME Erreur sur les dates de quelquechose.

Ex.:Après la cérémonie à l'Hôtel de Ville, la princesse serend au château de Sully, d'où s'évada Jeanne d'Arc.Voltaire partagea sa chambre.AUDIBERTI. l'Effet Glepion. p. 236.

Rem. 1 Genette a montré que, dans À la recherche du tempsperdu, des rapprochements spatiaux ou thématiques contrairesà l'ordre chronologique Inclinent le récit vers une sorted'achronie (Figures III, p. 1 19).

C'est ce qUI se produit encore dans la rhétorique surréelle.'Je setçne du nez autant qu 'Holopherne saignait du cou quandNapoléon tui a tranché la tête" (DUCHARME, t'Océentume. p.146). voilà une substitution' de Napoléon à Judith bien plusqu'un anachronisme. On peut donc définir l'achronie commeune vue de l'esprit négligeant la temporalité. On a proposé aussiuchronie iDict. des media) pour une temporalité qUI dépasseles repères chronologiques habituels (en science-fictionnotamment).

Rem. 2 Le dialogue entre morts, genre littéraire un peu vétuste.est une mise en scène (V. à hypotypose) de personnes de Jadis,qUI conversent comme SI elles se rencontraient aujourd'hui (aulieu fictif où se retrouvent les morts). Anachronique. le dialogueentre morts peut rapprocher Charles Ouint et Staline, On ledirait aussi bien parachroruque. ou Simplement achroniquepuisque. s'il est en dehors du temps. c'est pour accéder à uncertain degré d'abstraction, ce qUI prépare les Jugements quel'auteur entend' porter plus ou rnorns expliciternent.

Rem. 3 V. à dissocietion. rem. 2.

ANACOLUTHE (fém.) Rupture de constructionsyntaxique. MaRIER,

Ex.:Pour out a vu une révotution S81t à quoi s'en tenir. Elle berceet SOUrit à son enfant. Le roman n 'est pas pressé comme authéâtre.

Même dêf, Littré. Marouzeau. QUillet. Georqin. Robert.Preminger,

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Autresdéf.1 Sous-entendre, et toujours conformément à l'use je

ou sans le blesser, le corrèlatif.!e compagnon d'un mot expr mé.Ex,: Là est à suppléer avant où dans 'je me sauve où jeouis" .... "Heureux qui, pour heureux celui qui', (FONTANI ~R,p 31 5 à 3'1 8).

2 Lausberg (9 924) définit l'anacoluthe comme un déséquilibre,une asymétrie et non comme une Incohérence' ou une rupture.Il suffirait que, dans une période', Il manque une partie de laprotase ou de l'apodose pour que l'on ait une anacoluthe.

Rem, 1 Ces deux dernières définitions atténuent l'aspect derupture, en vue de faire de l'anacoluthe une figure degrammaire (Fontaruer) ou de style (Lausberg), alors qu'elle estun défaut. parfois expressif. Ce défaut. du reste. n'est pastoujours très évident. Ex.: Ceux d'entre vous qUI ont terrni ré.vous pouvez sortir. V aussi à zeugme, rem. 1.L'anacoluthe n'est fréquente que dans le langage parlé. Oncommence une phrase et on la firut autrement. Dans l'écrit. onremanierait. Ex.: "- et aussitôt. quelle métamorphose... Y a·t-IIune oeuvre d'art .. qUI peut ventr me parler de Poussin deChardin? pourquo. s'agiter, courir les musées?..." (N.SARRAUTE, Portrait d'un tnconnu. p. 114). V à réemorçeçe.rem. 2.Elle caractérise aussi le langage enfantin. Ex.:J'al envie de dodo.

Rem.2 Ouand la phrase est remaniée en cours de route, on a unanapodoton. Variété d'anacoluthe, telle qu'une phraseantécédente qui est restée en suspens. se trouve reprisesous une forme nouvelle et non symétrique pour servird'amorce à une phrase conséquente. Ex.: 'Si vous vous récusez.comme vous en avez le droit. - si c'est là votre attitude,(agirai en conséquence.' (MAROUZEAU) V, à résmorçeqe.rem. 1.

Rem.3 Ouand la phrase est abandonnée en cours de route. Jn aun anantapodoton (ou oerucute pendens): "v'eriétéd'anacoluthe, dans laquelle, de deux éléments corrélatifs d ',neexpresston alternative (comme les uns... les autres), le premierseul est exprimé. Ex.: "Tantôt" s'enthousiesmeit à l'idée de cevoyage; et puis qu'avait-il à gagner loin de son pays. dessiens..." (MORIER).

Cf. aussi Marouzeau. Ex. litt.: 'Les uns, dirait-on. ne songenttemets à la réponse suencieuse de leur lecteur. Ils écrivent P?Urdes êtres béants." (VALÉRY). Ce que font les autres, on ne nousle dira pas.

Rem. 4 Certaines anacoluthe viennent de deux actualisati msIncompatibles,' Ex.: "Les hommes de l'OCCident étaient enmarche vers ceux de l'Orient eitn de s'entretuer." TOLST0Ï,

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Guerre et Paix, 1. 2, p. 6 (pour: et ceux de l'Orient étaient enmarche les uns vers les autres )

ANADIPLOSE Au début d'une phrase, on reprend, enguise de liaison (parfois emphatique) un mot de la phraseprécédente.

Ex.; On a sorti nos revolvers et on a t iré. On a tiréprécipitamment...H. MICHAUX, la Nuit des Bulgares.

Même dM.: t.sqrss. cité par Le Hir. p. 93 : Littré, Lausberg ,Morier. Prem inger.

Rem. 1 Preminger distingue une anad rplose emphatique et uneanadiplose de liaison. Comparer les deux exemples suivants: "Etles princes et les p euples gémissaient en vain; en vair.Monsieur. en vain le roi lu i-m éme tenait Madame serrée par desi étroits embrassements" (BOSSUET. Oraison funèbre de laduchesse d 'Orléans). " Pour ma l, c 'est un malheur. Unmalheur, tout le monde sait ce que c 'est. Ça vous laisse sansdéfense." (CAMUS, l'Étranger. p. 136). (V. à grandiloquence,rem. 1.)

Rem, 2 L'anad iplose introduit (par le biais lexical) les répliques,en conversation. Ex.: À Stephen, qui a donné l'âme pour"unesubstance simple", Sloom répond: "Simple? Je n'eursis jamaiscru que c'était le mot propre.: (JOYCE, Ulysse, p. 556).

Rem. 3 On passe insensiblement de l'anadrplose à larédupl ication' . Ex.: "mes rayons font ma force et la force n apasd'ëqe" (R. GIGUÈRE. l'Âge de la parole. p. 126): "Le suffrageuniversel règne en tyran et en tyran aux mains seles"(STENDHAL, Lucien l.euwen , p. 661). Ce dern ier exemple estnet~ement une réduplicat ion'.

Rem. 4 t.'anad iplose est un procédé naturel pour lier desensembles relat ivement étendus.

Ex.: (Les Goncourt) inventaient et mettaient en pratique unesorte de style si ent ièrement neuve que les meilleurs juges deleur époque en furent étonnés. Ce style est encore le prétexteaux objections les plus ardentes que leurs adversaires (etc .)P. BOURGET, Essais de psycholog ie contemporaine. p. 139.

Dans le cas d'ensembles trè s éte ndus (chapitres par exemple),V. à épenetepse. rem . 4.

Rem. 5 Une suite d'anadiploses est une concaténation'.

ANAGRAMME (fém.) Mot obtenu par transposition deslettres d'un autre mot. ROBERT.

Ex.: chien / niche: Carmen Tessier / être sans merciJ. LACROIX,I'Anagrammite.

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Même déf, Bénac.

Svn. Métagramme (selon Angenot. p. 170, qUI cite Leiris,Gtosseire. avec l'exemple: semeur / mesure. Toutefois. Littré,:' .nsprrant du grec, donne à métagramme un sens plus général.'i le fait synonyme de mètaplasrne'.

Rem. 1 L'anagramme sert avant TOut à composer desusouccnvrnes Ex.: Nccinbas Nasier. pour François Rabelais. Il':'Jf)'t d'une i1nC,gra~;-r,c parfaite, c'est-à-dire reprenant les,(,[jrr,es lottres OXi'c'cment. La première lettre d'A/cofribas!'/as.:er est la 3 8 de Frnnçois Rebetots. Viennent ensuite dans

(w:1(o8 lèS 13". 5e 6", 1 '''. 2e , T», 11 e, 1oe, 8 e . 4 e , 14e, 16e ,Î 2 8 , el Se lertres du patronyme.

SI l'anagramme Inverse l'ordre sans le bouleverser, elle est"Indrome·. On <-,bout,! à lin mot USité (REGATE / ETAGER) ou

i, un mot' forgé.

:'1em. 2 L'anagramme peut aussi se combiner avec leperagriJrnme' Par ex. lvrrniq. le héros des Oranges sont vertesest Url double (approximant) de l'auteur, son nom étant tiré deGeuvreeu par anaqrarnrne des consonnes et paragramme desvovelles (le son 0 devenant il.

Rem, 3 l.'an tirnétathèse' est une anagramme, souvent trèspartielle, étendue dans l'axe syntagmatique.

Rem, 4 Pour Saussure, en disséminant dans le texte lettres ousons "hors cie l'ordre dans le temps qu'ont les éléments" (J.STAR081N5KI. les Anagrammes de F. de Saussure, p. 255),l'anagramme fait lire des mots sous les mots, permet la pratiquede lectures autres. souterraines, "hvpoçremtnetiques". Certains(J Kr isteva. H MEschonnlc) voient dans la conceptionDnagrammatique de l'écriture une voie d'accès à l'inconscientdu t ravail poétique, En ce sens, on parle aussi d'anaphoneI,Deguy), de paragramme (V. ce mot. rem, 4). Intentionnel, leprocédé est une allusion graphique (V. ce mot. rem. 5) ou unecryptographie (V. ce mot, rem, 2). On peut en faire un jeu'littéraire.

ANAMNÈSE Forme de pensée religieuse hébraïque:les souvenirs d'événements concrets remplacentl 'ex p ressio n d'une idée, d'un sentiment.

Ex,: Lui qui fit marcher son peuple dans le désert luiqui frappa de grands rois .....Grand Hallel (Psaume 135, 16-1 7).

Syn, Remémoration

Rem, 1 L'anamnèse entre dans le genre littéraire de l'eucharistieancienne: V à cétébretion. rem, 4.

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Rem. 2 La déchronologie' présente le souvenir comme revécuau présent et en vue d'explrquer l'act ion.

ANAPHORE Répéti t ion du mêm e mot en tête desphrases o u des membres de phrase . LITTRÉ.Ex.: Sem blable à la nature .....Semblable au duvetSemblable à la p ensée ....Semblable à l'erreu r. à la douce ur et à la cruauté .....À la m oelle en même temps qu 'au mensonge .... .Semblable à moi enfin.Et plus encore à ce qUI n'es t pas mal.H. M ICHAU X. l'Espace du dedans. p. 25- 6.

Même dM. Girar d. Verest . Quillet. Bénac. Mener. Robert.Preminger.

Autre déf. En ce qUI concerne l'extension anaphorique del'article . V à expticetton. rem. 4

Autre nom Épanaphore (Men er. Preminger. Lanham). V. aussi àépenetepse. autres déf .. 2Rem, 1 l 'anaphore est un 'outil coordtnettt de remplacementqUI leisse subsiste r et même souligne la juxteposition" (G.A NTOINE, la Coordmetion. p 1291). C'est donc un moyennaturel de créer des accumulat ions' analogiq ues ou disparates.

Ex.: ceux qUI écaille nt le potssonceux qUI mangent la meuvetse VIandeceux qUI fabrique nt les épingles à cheveuxceux qUI soufflent Vides les bouteil les que d 'autres boirontpleinesceux qui coupent le petn avec leur couteauceux qUI passent leurs vacances dans les csmesJ . PRÉVERT. Paroles, p. 15

Les anaphores de ce type. avec variat ion des lexèmes. sont desrepnses' . ce qUI favonse le collage ' par substitution'

Rem. 2 On di stingue "a nap hore de l'è p rp ho re et de lasymp loq ua' . V aussi à éoenetepse. rem 6. Elle appartient ausublime (V. à grandilo quence. rem . 1). Ouand elle porte sur unlexème. celUI-CI constitue un mot if . Elle crée des parallé lismes(V ce mot . rem. 3 ). des refra ins (V. ce mot. rem. 2 ).

ANASTROPHE Renversement de "ordre da ns leq uelse p résentent hab ituellement les t erm es d 'un g ro upe.Ex.: muras tntre (au li e u d e tn tre m uras). MAROUZE AU .

Même déf. Lausberg (§ 173 à 17 5) . Robert. Preminger.

Autre nom Hyperbate (V. ce mot. rem. 1).

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Rem, 1 L'anastrophe est une variété de "In version ' ; elle sedisting ue toutefo is de l'i nversion' au sens stnct . qui porte surdes syntagmes' entiers. L'anastrophe Inverse l'ordre des mots àl 'i ntérieur d'u n syntagme' . Ex,: Excepté lui (au lieu de linexcep té). Ex. litt.: ' Jour un midi vers ' (au lieu de Un Jour versmidI) (R. QUENEAU, Exercices de style, p. 103)

Rem, 2 L'anastr ophe n'es t possible en français qu e danscertaines expressions figées (Ex,: Sans lien aucun. OUI p lus est...)ou avec des qualifiants (adject ifs ou adverbes), Ex.:Plus enco re /encore plus.' pas même / même pas, Encore l'usage restreint- ilbeaucoup les possibi lités d'anastrophe du nom et de l'adject if(cf , A. BLI NKENBERG, l'Ordre des mots en trençeis mode rne).Dans l'exemple suivant. l'anast rop he n'est qu'apparente: on aplutôt une reprise' elli pt ique (plus, touj ours plus),Notre âme blessée de la honte du péché se cramponne à noustoujours plus. femme cramponnée à son amant. plus. toujours,

JOYCE. Ulysse. p. 4 8

Rem, 3 On prend ra garde que la terminolo gie peut masquerl'explicat ion ' au lieu de la fourn ir Il n'est pas sûr que sa vIedurant SOit adéq uatem ent défini comme anastrophe. Il estprobable au contra ire qu'i l s'ag it d'une bra chvloqre ' pour'a utant que sa vie Ira durant ' et que c'est par hasard (durant,pa rt .erpe présent devenu préposmon) qu 'on a l'impression qu'i ly aurait eu Inversion' , Le sens est d'ail leurs nettement disti nctde durant sa vie.

ANGLICISME Pérég rin ism e ' ti ré de " ang lais,

Ex.: J 'al com mencé d 'un petit etr matter of tect e t ne turetp our ne pas les effaroucherN. SARRAUTE, Portrait d 'un inconnu. p 17,Aux mot s français d'origine anglaise (comme redingote, dendmç-coetï s'ajoutent les anq lrcisrnes récemment entrés dansl' usage (comme bdteck. de beefsteak) et tous ceux qui , à lafaveur de la technique et de la vie moderne, tentent d'ypénétrer. Cf ÉTIEMBLE, Partez-vous trenqlets ?et G. COLPRON,les Ançltctsrnes au Québec,

Rem, 1 La pénétrat ion de l'élément ét ranger est plus ou moinscomplè te, PIp eline (prononcer pe -vp la-yne) n'a perdu enfrançais que sa phonie (on pron once ptp' lin') et la t raductionoffici elle ne s'est guèr e répan due (o léoduc) . Il y a desang licismes qUI ne conc ern ent qu e la syntaxe il'ectuetgouvernement pou r le go uvernement actuel), Au point de vuelexical. on dist ingue l'emprunt (livmg roo m) et le calque (sallede séjour), qUI est plus m srd reu x (Cf, A. MARTIN ET, lat inçins tique. Gutde etbeb étiq ue. p, 3 09) , Il faut une racine et un

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suffixe français pour faire une traduction totale (vlVolr).Lorsqu'un mot existe dans les deux langues mais avec des

sens différents, on peut avoir un anglicisme de sens. Ex.: Lesarchitectes ont leur convention annuelle (pour: leur congrèsannuel; conventton : "accord, traité"),

Anglicismes de graphie: rèalizer. abbrèviation.

Rem.2 Il suffit qu'il SOit expressif pour que l'anglicisme devienneprocédé littéraire. Ex.:La Guerre. yes Sir (R. Carrier). La locutionyes Sir. marquant la sourrussion. rappelle que les Canadiensfrançais avaient fait la dernière guerre sous la contrainte.

La connotation propre à un anglicisme n'est pasnécessairement évocetive. elle peut appartenir au vocablecomme tel. Ex.: "Boys du sévère" AinsI débute l'Amour fou deBreton, qui évite ainsi à la fois les connotations religieuses dumot ange et celles, trop familières. des mots garçon ou serveur.

Rem. 3 l.'anqlicisrne est parfors une question de snobisme. Ex.:"Les membres de ce bar, vêtus de complets à carreaux et coiffésde casquettes, passent leur time à boire du stout. du porter et del'Old Tom çtn. en mangeant des mutton-chops avec despickles." (A. JARRY, la Chandelle verte. p. 374),

ANNOMINATION Remotivation' du nom propre parétymologie', ou métanalyse' ou traduction'. En d'autrestermes, un nom propre est utilisé avec le sens soit dunom commun soit des segments qUI j'ont formé ou quel'on peut y déterminer, même par simple homophonie,voire dans une autre langue. LITTRÉ

Ex. donné par Littré: "Je te dis que tu es Pierre et sur cettepierre je bâtirai mon Église" (Évangtle se/on Matthieu, 14,18).

Ex. actuel: "Ah! qu'il est malin, le Malin" (c'est-à-dire Méphisto)(VALÉRY, Mon Faust. dans O: 1. 2, p. 346),

Autres déf. 1 Scaliqer. Marouzeau et Lausberg (§ 637-9) fontàermominetion un synonyme de paronomase'.2 Morier voit l'annornination (dans un premier sens) commel'évocation d'un nom propre qui n'est pas prononcé, par lemoyen de plusieurs mots dont les sonorités sont analoguesIellusion' sonore), Ainsi "eau muette" suscite "Juliette" (dansun esprit prévenu comme celui de Roméo).

Rem. 1 Dans sa dèfinition. Littré ne distingue pas nettement'annomination de la dénomination' propre quand elle estmotivée par un nom commun. Il inclurait donc dans'annomination des exemples comme Lieutenant Létourdi etMadame Vabontrain, qui sont très proches puisqu'on y Joueaussi sur deux sens (mais en partant du nom commun pour allervers le nom propre).

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Rem.2 Le context e utili se le second sens de façons diverses. parexemple négat ivement Ex.: "D Of! INE - Ce monsieur Loyalporte un air bien d étovet" (MOLIE RE Tartuffe. 5 . 4).

Rem. 3 L'annorm natron. parto rs proche du Jeu de mols'. estIréquente dan s la langue famil ière Ex.: Mederne Mau ra nem 'aura pas. Rap pelon s se u le me nt. avec So u rrau (Revued Esth étique. 19 65. p. 28). qu' "en frança is. les p tstsentenessur les noms prop res sont eusst mal vues que les persona lremarks en A ngleterre ". Ex. litt .: "Paul de Kock. Que l coquin denom!" (JOYCE. Ulysse. p. 2 57 ).

Jo yce mod ifie des noms et des t it res avec une Iron ie ' efficace." La dét éçs uon. au grand comp le t. comprenait le Comm andeurBectbeci Bentbenone .... Monsie ur Pierre-Paul Peti t épa tant. teGrendtruc vtetekrourmr Tirernoterdott . . Comte AthanatosKsrsrnelopoutos ' (Ulysse. p. 295 )Cette tors, l' èqurvoqu e accentue le Jeu de mot s' ,

ANNONCE Évén em en t com mun iqué ava nt so n te mpso u u n ive rse ll eme nt (an nonce p ubl ique).

Ex.: La sig na ture définiti ve des accords assaisonnan t d econvertibilité r éc ip ro q ue le l ib re écha ng e d es monna iesrespect ives aura lieu sous la pr ésidence de la p rincesseA ugusta...AUDI BERTI . l'Effet Gtepton. p. 207

Analogue Dé cl arati on . avis. messag e. pr ocl am ation (V. àdiscours). Ann on ciation. terme spè crhqu e de l'annonce. àMarle. que "le fr uit de ses entrailles" sera le Messie: poncifsurtout pictu ral.

Renci Dans un réci t ' . l'an no nce est une anncrpanon' (V. cemot. rem. 3) amsi qu 'une répétit ion ' (V. ce mo t. rem. 5); dans undiscours. elle s'appel le diVISIOn (V. à p lan) ou en tre dans lestrensuions (V. ce mot. rem . 1). À la rad io. elle peul pre ndre lafor me d'une notat ion' (V. ce mot. rem . 1). Elle est souventrmp hc rte . Par ex .. la d éc la ration de Roosevelt ci t ée àimpticetion.

Rem. 2 Les petites annonces offrent des tran sact io nsparti cu lière s occasronnetles (Journaux . pan neaux d'affichaqe ).Ex.: V. à ellipse ' , rem. 1.

Rem. 3 L'annonce est performati ve. Elle réalise qqch. qUI est lanoto riété enu crp ëe ou gé né rale de qu elque événeme nt (V. àprophétie, rem . 1.)

Rem. 4 Dan s l' annon ce évangéli que (kérygme), c 'est lemandat eur qUI est ét ranger (tra nscendant. invisi ble ). (V. àprophét ie, rem . 3 .)

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ANTANACLA5E Draphore ' prenant place dans undialogue' voire une plaidoirie (cf. Lausberg, § 663). Il s'agitde reprendre les mots de "Interlocuteur (ou de la partieadverse) en ieur donnant une signification autre, dont onpourra tirer avantage.

Ex.: Procuteius reorocbeit à son fils d'attendre sa mort etcelut-cs répondait qU'II ne l'attendait pas Eh bien, reprit­Il en tout cas. je te prie d'attendre. OUINTiLia~

Autre ex.: ~ Et ce roi ce n'est pes 101 qUI l'as lué? - Je lel'accorde. - Tu me l'accordes! Que Dieu l'accorde alors lademnetton pour ce torte.t! SHL\KESPEII.P.E. V al'SSI à réponse

Même déf. Verest (§ 422) et Vuiltaurne (p. 16) rapprochentïiqnoretro eiencht. (réponse à côté de la question) del'antanaclase. ce qUI montre qu'ils la situent dans un dialogue'Ex.: ..- vetentootvs. lu fais tou.ours tmter la cuiller sur Ion verreaprès l'extmcnon des feux el j'en ai marre.- Comment veux-luque je fasse tondre mon sucre? - En silence." (SOLJ ENITSYN E,le Premier Cercle, p 70).Autresdéf,1 Dlaphore' (du Marsais. p 243. Fontanler, p. 347 à349: Ourtlet. Mener. Robert. Preminger). C'est un sens élargi

2 Pour Fontaruer. l'antanaclase est une paronomase' "où laforme et les sons se trouvent exactement les mêmes dans lesmots de stqntttcetton différente rapprochés l'un de l'autre" (p.347-8). Le poète Colletet ayant reçu de Richelieu unegratification en rerner crerne nt d'un court poème decourtisanerie, ie remercia en ces termes: "Armand. oui pour SIX

vers m'as donné SIX cents ttvres / Que ne puis-je à ce prix levendre tous mes tivres!" On voit qu'il s'agit plutôt d'unehomonymie'

Rem, 1 Ouand. dans une réplique, on reprend les mots del'Interlocuteur, mêrne sans diaphore. on a une réflexion (Bary.cité par Le Hlr, p. 129: Lausberg: rettexroï. L'antanaclase estdonc une variété retorse de la rettexio. Elle Joue sur uneambiguïté', sans aller habituellement Jusqu'au calembour'. Il yadonc simulation' de coq-à-l'âne (V ce mot. rem. 2) arns. quefausse rétorsion'

Rem, 2 le dialogue' n'est pas nécessairement explicite. Ex.: "Jel'sais qu 'tu veux mon bien, mais lu l'auras pas, mon secripent!"(Un cultivateur, à un politicien)

Rem. 3 Fondée sur l'homophonie, l'antanaclase devient un Jeu.

h.: PROTÉE. - Ah. je voudrais la voir (la belle Hélène)./IIIINDOSIER - Vous voudrter l'avoir?(1 i\UDEL, Protée.

no

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Rem. 4 Modalisateurs de l'antanaclase: "justemen t. surtout.particulièrement, sp écietement" (V. à énonciat ion, rem. 3 etil contre-li to te, rem. 2).

Rem. 5 L'antanaclase qUI porte sur le référent est un eochappatorre (V à argum ent. rem 2)

Ex.: - Tu aimes touj ours les ùvres? me demends-t-tl. Esautssent/lne moue d 'Indifférence, je tin déclarai que les hvres brûteientmoins longtemps que le charbon. mais que. faute d 'autrecombusttbte. Il m 'ern vett de m 'en servirG BESSETTE, le t ibretre. p. 23 .

ANTÉPIPHORE Répét it io n de la m ême form ule ou dumê me vers au début et à la fi n d 'une périod e o u d 'u nest ro p he. M ORIER.

Ex,: A dorable sorciè re. a im es-tu les dam nés?DIS, connais-tu l'ir ré missible ?Conna is-tu le remords aux trous empoisonnés?À qUI notre coeur sert de Cible?A dorab le sorcière, aimes-tu les damnés?BAUDELAIRE. l'Irréparable.

Rem, 1 t.'ant éprphore est Inte rméd iaire à la svrnploque' et àl'mclustcn. car elle ent oure l'alinéa ou la strophe, non la phrase,ni l'oeuvre

ANTICIPATION Da ns le déroulement de la narration,on Insè re une scèn e qu: a eu lieu seulement p lus tard

Ex.: (À propos de Mll e de Saint-Loup) cette fille, dont le nomet la fortu ne p ouvaient faire esp érer à sa m ère qu'elleépouserait un onnce royal ChOISit plus tard com m eman un homm e de le ttres o bscur, e t fit redescendrece tte fami l le plus bas que le II/veau d 'où elle était partie,PROUST À la recherche du temps perdu, t 3, p. 1028.

Syn. Prolepse' (Genette).

Ant. Déchronol ogie ' .

Autres déf. V. à prolepse.

Rem, 1 L'ann crpeuon saute dans le dérou lement chronologiquedu narré sans touc her à la tempora lité de la "nsrretio n" Elleconserve donc les temps du r ée.t ' mais remodèle son ancrageauocentncue (par un adverbe , 'PIUS tard "). Sa temp oralité ladistmque de la prévrsron. de la déc taranon d'Inten tio n et de lapromesse (V. à prophétie , rem. 1 ). qUI sont dans l 'ancragenunégocent roqu e. donc en éno ncé direct. et qUI ssxpnment parun futur car on ne salt pas encore SI elles auront lieu. Ex.: " Un[our. quan d le temps sera venu, la danse se débarrassera de son

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enveloppe dure, la danse s'échappera, et mes jambesintérieures laisseront sur mon lit les écailles fanées de leurImmobilité." (A. HÉBERT, lAnge de Dominique, .o, 97).C'est la conviction d'une Jeune infirme fascinée par un danseur.Dans un récit au passé, le futur devient futur du passé(conditionnel) avec les mêmes valeurs. On rencontre aussil'auxiliaire aller ou devoir. dèlexicalisé C'est ce que Benvenisteappelle le prospectif Ex. donné par J-F LYOTl\RD, Desdispositifs pulsionnets. p. 249 ." La lutte cornmerciote ne devaitpas cesser dans ID Bassin Moi.terrsnoen juscu'é la destructionde Carthage"

Ces deux futurs peuvent aussi être mis cians la bouche del'auteur, qUI se donne l'ail ce Jouer les prophètes dans sonpropre r êcit' C'est ce q.ion pou irait appeler pseudo­prophétie, artifice romar.esq..e qUI présente surtout l'avantagede ne pas modlflel l'ancrage allocentrique.

Ex.: (Renata est entrée au couvent) Elle pensait encore àMeuricio Bebnon.e. à son odeur d'hu/le et aux papillons outl'environnaient. et et!e continuerait d'y penser chaque jour desa vie jusqu'à celte aube d'un automne encore éloiqné 01) ellemourrait de vieillesse. sous une autre identité que ts sienne etsans avoir prononcé une parole, dans quelque ténébreuxhospice de CracovieGARCIA-MARQUEZ, Cent ans de solitude, p 281.

AinSI peut-on ant.crper sans risquer de perdre le lecteur dansdes changements d'ancrage temporel.

Rem, 2 Le roman "d'entic.petion N a pour ancrage un présentréel. Il serait logique de l'écrire au futur, temps de la science etde la fiction, donc propre à la science-fiction, Telle n'est pas lacoutume. Les futuristes tiennent au cassé Simple, temps durécif, sans doute parce que ce temps Implique moins d'Irréel.

À bien y penser, pourtant. ce passé ancre le lecteur en unpornt si éloigné de l'avenir, SI hypothétique, qu'il doit se trouverhabitué, blasé, même des Inventions les plus étranges, pour luidéjà dépassées. L'auteur es! donc obligé de présenter commenaturelles des inventions qU'II lUI faut expliquer en détail et quisont essentielles au genre. Le futur lèverait ce dilemme, Leprésent même y suffirait. Ex.: "C'est un nouvel eppsreil (dephoto). L 'lma-ge se développe toute seule. Pas besoin d'ytoucher" (CLAUDEL, Protée) Le déplacement de lancraqe està peine sensible dans ce cas. On pourrait même soutenir qu'iln'y a pas de déplacement. vu que l'appareil en question a étéinventé depuis la phrase de Protée.

Rem, 3 L'annonce', qUI réduit l'anticipation à un sommaire, estune déclaration d'Intention de l'auteur, d'où sa formule

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mtroductnce: HOn verra plus tard que... H. Lorsqu'il s'agit d'un.iper çu prom etteur destiné à atti ser la cunosnë . c'est un appât.Le truc de l'appât est constan t à la dernière Image de la livraisonhebdom adaire de bandes dessm èes. dans les Illust rés et. dans leroma n policier, à la fin des chapitr es. Ex.: ' Je ne sets pasrourquot mais (a l t 'impression que Je veis très bientôt ebou tirdans cette atteire" (P . CHEYNEY. la Môme vert-de-ons. fin ducn ap. 6) . Cet app ât n'est qu'un leu rre. il y en aura encore neuf.

ANTILOGIE Cont radic t io n en t re le s idées. OU ILLET.

Ex,: M ême SI c 'est vret. c 'est faux.H. MI CHAUX. Tranches de savoir.

Autre ex .: C'est assez vague pour être cletr. n'est-ce-pas?G. V IAN . En avant la zutque.Sur le coup de cinq heures et demIe SIX heures11. OUENEAU , Pierrot mon ami. p. 32.

Mê me déf, Robert.

Svn. Contrad ict ion dans les te rmes.

Am, Tautologie' .

Rem . 1, L'ant il o qre s'a ppa re nte au so p hisme' et a uparalogisme' . Elle est. en effe t. un défaut de raisonnement' , (V .ce mot. rem. 1), défaut qUI est pou ssé SI loin que non seuleme ntles Idées paraissent se cont redire. mais encore que le sens desmots employés rend Impossible tout e conciliation .

Rem, 2 L'annloqie ne se confond pas avec l'alliance d'idées' oùles ext rêmes, mis en parallèles. restent compatib les chacu ndans sa sphère. Elle est proche de l'alliance de mots' , où un senspourtant peut se dégager.

Rem,3 L'anu loqre appartient au paradoxe' , l'Incompati bili té destermes ne pouvant que heurter le sans commun . S'il n'y a pasd'mte lhqibihtè . elle const itue un non-sens' .

Rem. 4 Une f igu re assez fréquente chez les théor icienscontemporains est la fausse entitoç ie. opposit ion forme llerésolue par un sens plus profond. Ex.: ' le Signifian t exige unaut re heu... pour que la Parole qu 'II supp orte pu isse mentir.c 'est-à-dire se poser comme Vérité " (J. LACAN. Écrits. p. 8 0 l).

ANTIMÉTABOLE Deux phrases font pour a ins i diree nt re e lles l'échange des m ots q UI les co mposent, dema n iè re q ue chacu n se trou ve à so n to ur à la m êmeplace et dan s le m ême rapport où éta it l 'aut re . LITTRÉ.

Ex,: J e ne prétends pas Justifier ma vie par mes tivres. n onplus que m es livres par ma vie . J 'al mené une vie dectuen. non p as un e ch ienne de vie.BERNANOS, Essais, p. 87 5.

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Même déf, Moner Preminger.

Syn. Antrmétalepse et annrnètathèse (Littré), réversion(Fonte ruer. p. 381-2), commutation (lorsque les deuxpropositions sont de sens opposés: Littré).

Autre sens V à enumétetbèseRem. 1 La méta baie . consiste à drre la même chose en d 'autresmots L'antirnétabole. autre chose avec les mêmes mots, "II fautmanger pour v'vre et non pas vivre pour manger" (Lausbero. §708)

Rem. 2 L'annmotabo!e est propre à remettre en question lesliens de causalité AinSI les classrques les ètud.e-t-on parcequ 'ris sont classrques ou sont-ris clessiques parce qu'on lesétudie? "C'est la sélection derwmteone out crée la tinehté. etnon pas la ttnetné qUI crée la sélection" (J ~lonod)

Son originalité a mis cette figure à la mode chez lesexistentrahstes. Le tableau p.ctural est dét.m par Merleau-Pontycomme "le dedans du dehors et le dehors du dedans" (l'Oeil etl'esprtti. cette belle anu-r.ètabole rend compte à la fOIS deI'inténonsanon du monde et de I'extér.onsanon de l'artiste

Rem. 3 Une antrmétabole de forme un peu différente consiste àInverser les actants autour d'un lexème. Ex,: "(Nizan) neconcevait pas qU'II pût y avoir possession quand on ne possédaitpas la femme, quand elle ne vous possédait pas." (SARTRE,Situstions IV. p. 154) • (La bourqeoisre) est obligée de te Ietsserdéchoir (le prolétaire) au pomt de devoir le noorrir au lieu de sefaire nourrir par tu. " (MARX, 0, 1. 1 p. 250),

Rem, 4 Sans subordination des termes, Il n'y a qu'une fausseenttmétebote. Ex.: "Vide et amour. emour et Vide" (Y,THËRIAULT_ Cul-de-sac p. 83)

Rem. 5 V aussi a paronomase. rem. 7: ctuesme. rem 2:éptpbore: réversion. rem 1

ANTIMÉTATHÈ5E Rapprochement de deux mots qUIne diffèrent que par l'ordre de succession de quelqueslettres.

Ex.: "S'il se pouvait un choeur de violes voilées"(ARAGON. les Yeux CE/s8. p. 67) "Le fiat et le fait la - 8/"

(CLAUDEL, Journet L 2, p. 873)

Même déf, Lausberg.

Autre dêf. V. à sntimétebcle

Syn, antimétebole". sourr.étarepse (Littré. Marrer), antistrophe,rétorsion' (Littré).

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Rem. 1 L'ant imétath èse est une variété de la paronom ase" etplus gé néralement de la répétit ion' , c'es t-à-dire que les deuxrerrnes do ivent se suivre ou occuper des emplacements qUI secorrespondent. Ex. : "tant de g rands pans de rêve de parties.tintimes patries effondrées" (CÉ SAIRE. c ité par L ,KESTELOOT, les Écri vains noirs de langue française: naissanced rune littérature, p . 17 3).

Rem. 2 Autre type d 'antirnè tat h èse. le chia sme sono re, qUI peu t:;e produire même dan s un mot. A insI "métamathématique "présen te les voyel les é-a. pUIS a-è. Dans "t 'eruste attristé" on actuesme sonore (part ie l) des consonnes mais paral lé lis mesonore des voyelles.

Rem. 3 l.'anu m étath èse parfaite serait une anagramme' s'i l yavai t rem placement des termes et non rapp rochement dansl' axe syn tagmati q ue . Ex.: "Di vrmser mdtvtser " (LE IR IS.Gtosssire ï.

Rem. 4 Plus to ta le encore, I'ann m ètat h èse s'ident if ie aupali ndrome ' . Ex.: "C'est Adam. Madame, Adam du fait d 'Evâ hhâ ve" (JOYCE. Ulysse, p. 131).

Rem. 5 V. auss: à éoutvoque. rem . 2

ANTIPARASTASE Ré futatio n ' qui con siste à m ontrerq ue le fa it incriminé est a u co nt raire louable .

Ex.: - Vous abusez des cttettons - Ell es ne son t pasen eusst grand nombre que vous le croyez, et c'est leurqualité, leur j us tesse, leur rareté e t le ur écla t qUI vouso n t donné t'illusi on de leur fr équence .V .LA RBAUD, Sous l 'in vocetton de saint Jérôme . p. 2 15.Même déf. Littré. Mon er.

Rem. 1 L'antiparastase sans preu ve ni exphcatr on' n'est pasd'aUSSI bonne fo l.

Ex.: - Ne pensez-vous pas cependant. demanda le professeur.qu'insinuer la naïveté aux élèves est un procédé pédagoglq'ueli n peu archaïque . un peu enecnrornqu e? - Justement! Lesprocédés snectuoruoues son t les metlleu rstCOMBROWICZ. Ferdydurke. p 28

Le, "Raison de ptus!" Qu'on assène à l'aveuglet te cont re un bon.irqument est une ruse cou rant e QUI ne surp rend plus Que ceux'l UI discutent avec trop de sèrreux .

Rom. 2 t.'ennparastase est partors seulement dans le ton (V. àononeuo nï Le s ann pa ras tases eu .ouou es ne son t pasdüoal gnées en li ttérature. Ex.: "Oueno (le cheval) aval! couru. ilS1/81t: c'es t briller! " (SAIN T-JOHN PERSE. 0. poétiqu es. t. l . p .3 9 ) .

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Rem. 3 L'inverse, prouver que le fait loué est au contrairecondamnable, est aussi une annparsstase. On reste sur le mêmesujet (oarastase") mais on le présente sous un Jour Inverse (anti).Ex.: (Gillou a annoncé qu'II voulait entrer dans la Hésistance.)·GEORGES. - En somme, il voudrait se jeter dans le couragecomme un passe-temps pour l'été. Le désoeuvrement est pèrede bien des choses." (MONTHERU~NT, Théâtre, p 704)Rem.4 Le genre httérarre correspondant est ['apoI0Ç!8, qUI jointl'éloge à la défense ou à la Justification. L'apologie peisonnette ason auteur pou, objet.

Rem. 5 On peut retourner l'Interprétation de l'accusation sanspour autant avouer le fait. "II serait à louer et non â blâmer s'ilétait vrai qu'li eot fait ce qu'on iui oppose" (Encyclopédie,1751).

ANTIPHRASE On emploie un mot dans un senscontraire à celu: qUI lui est naturel. ForHAN!ER. p266Ex.: Cherchant le otus doux nom qu'elle puisse donnerÀ sa joie, à son ange en fleur, il sa chimère- Te voilà réveillée, horreur! tu. dit sa mère.HUGOEx. courant: Ne vous gênez pest (V. aussi à menace, rem. 1,estéisme. rem 2; euphémisme. rem. 6; gros mot, autre déf.;lettre; persiflage, rem. 1.)

Même déf. Littré (II donne comme exemple les Euménides),Marouzeau. Quillet. Bènac. Willem (p.4l), Lausberg (§ 585).Robert.

Autre déf. Morier. après Quintilien, la fait synonyme d'ironie'.Lausberg, au contraire, l'en distingue. L'ironie est pour lUI dansle ton, tandis que l'antiphrase est évidente. salt par le contexte,SOit par la Situation (§ 585)

Cette distinction n'est pas toujours applicable.

Ex.: L'homme continua: "Tu peux espérer que je vais bien larecevoir. H Il Insista sur le mot "bien", de manière à montrer au 'ilfallait comprendre tout le contraire. En outre, comme beaucoupde gens de me, Il employait "espérer" à la place de "présumer"- qUI~ dans le cas présent. signifiait plutôt "eteindre".ROBBE-GRILLET, le Voyeur, p. 142.

Même sans le ton et les explications' du romancier, la phrase estperçue comme une menace voilée et donc commeantiphrastique.

Mais il y a des ironies sans antiphrase, et le plus simple estdonc de considérer que l'ironie' englobe l'antiphrase commeune de ses vanétés.

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Syn. Contre-vérité réduite à un seul mot. selon Littré et Lausberg(§ 1244). Toutefois, selon nous, l'antiphrase communique assezclairement le contenu Inverse du terme, et Il n'y a pas contre­vérité, c'est-à-dire erreur ou mensonge. Ex.: "Elle a ..... unmoteur exceilent (bruit de moteur défectueux)" (ION ESCO, leSa/on de l'automobile) C'est une contre-vérité, non une,l' .nphrase. le vendeur n'ayant pas l'intention de faire saisir(LItre chose que ce qu'il dit.

Bem.1 La force de lant-phrase dérive d'une affirmation ImpliciteIV à Implication) comme: "ce que nous voulons d're est SI vraiquon peut même dire le contraire sans danger d'être malcompris". Ex.: " elle connut. la caverne d'honnêtes gensou 'est le monde. ," (MOiHHERLANT, Romans, p. 766). Elledépend donc du contexte (v. à litote, rem 2 et à mot doux. rem.2).

Rem. 2 Quand on VOIt que l'annphrase n'est pas reconnue parl'interlocuteur, on la souligne, pour accentuer" invraisernblance. Ex.: "il est Inte lligent. (- 7) - Très vifd'esprit. Supérieurement doué..." On peut aussi faire appel aujugement de l'Interlocuteur à l'aide de formules comme: "Nuln 'Ignore.../ .. on le ssn.r' Comme chacun sait ... ". On disposed'une intonation' particulière.

Rem. 3 Le lexicographe. s'il ne tient pas compte de la présenceclu procédé, attribue à un terme des valeurs contradictoires. parexemple le mépris et la tendresse: Robert. à ça, cite Brunotavec le cas d'une mère montrant son enfant. "Vous voyezcomme on est attaché à ça"

ANTITHÈSE Présenter, mais en l'écartant ou en laniant une idée inverse, en vue de mettre en relief l'idéeprincipale.

Ex.: D'autres préfèrent le monologue intérieur, moi nonj'aime mieux battre,H. MICHAUX. l'Espace du dedans. p. 33.

Autre ex.: • Le Canada est le peredis de l'homme dstteires. c'estl'enfer de l'homme de lettres." (J. FOURNIER, Mon encner. p.48),

L'aspect artificiel de ce procédé est ridiculisé par R. Queneauclans ses Exercices de style (p. 29): 'Ce n'était ni la veille, ni lelendemain, mais le jour même. Ce 17'était ni la gare du Nord. ni lagare de Lyon, mets la gare Samt-Lazare. " (V. à redondance, rem3.)

Autre déf. V. à alliance d'Idées.

Rem. 1 C'est un mode courant de soulignement" Ex.: Cela et pasautre chose. (V. aussi à allusion. rem 2.)

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Rem. 2 Ouelquetors, la thèse reste Implicite. Ex.: "Ce n'est pas ensemant qu'on devient forgeron" (H. MICHAUX, Tranches desavoir).

Rem, 3 L'antithèse, surtout Implicite, est très naturelle etdispose d'une marque auditive directe (V. à accentantithétique)

Rem, 4 Gorgias conseillait de JOindre à l'antithèselhomèotèteute dans les membres isocotons (V. à phrase).Cicéron, Ouintihen. Augustin ont transmis et suivi eux-mêmesce conseil, réunissant les trois procédés sous le nom de figuresgorgianiQues (M. Comeau /a Rhétorique de Saint Augustin, p.51). L'antithèse caractérise le pétrarquisme (V. à tmttetton. rem.3). Le classrcisrne en usera et abusera: elle facilite la confectiondes périodes (V ce mot. rem. 2). Albalat. qUI lUI consacre deuxchapitres entiers dans /a Formation du styte. ne craint pas dedire Qu'elle est "le clef t'exoticetion. la raison çénérstrice de lamoitié de /a littérature française, depuis Montaigne Jusqu'àVictor Hugo'

Rem. 5 On distinguera "antithèse, rhètonque. de ïénsntiose.opposition essentielle. Les pvthaqoriciens considéraient le bienet le mal, le pail et l'Impair, l'un et le multiple, etc. comme lasource de tout C'est l'énantiose plus que l'antithèse qUI méritela critique de G. Durand: "elle hante de son manichéismeImplicite /a majeure partie de /a pensée de t'Occident" (lesStructures anthropologiques de l'Imaginaire, p. 453).

Rem. 6 Elle peut prendre la forme du distinguo (V. ce mot. rem.2): elle favorise des surprises (V. à néqetion. rem. 1); permetd'aliqner des hypothèses (V. à SUppOSitIOn, rem. 3); s'appuie surdes synonymes (V. ce mot. rem. 6).

ANTONOMASE Prendre un nom commun pour unnom propre, ou un nom propre pour un nom commun.LITTRÉ.

Ex. donnés par Littré: un Zoïle pour un cnttque envieux,l'orateur romain pour Cicéron. Autre ex.: betksrusetion("fragmentation d'un territoire unifié en plusieurs États").

Même déf, Fontaruer (p 95). Quillet. Lausberg, Preminger.

Autre nom Synecdoque' d'mdlvldu (Fontsnrer)

Rem, 1 L'antonomase agrémentait le style l'époque d'Auguste,le siècle de Périclès, le rOI Soleil, la Vierge. la D!va Eliecorrespond, dit Barthes, à quelque chose de mythique,"t'mcemstton d'une vertu dans une figure" (cf Communication,t 16, p. 201): Caton pour ia vertu. Amyclas pour la pauvreté; denos Jours Churchill pour le courage, Jean XXIII pour la bonté.

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Elle peut tenir simplement au fait que les granas nommes.ont connus (leur nom propre en devient commun). Ex.: "Moncrotesseur de mettiémetiques m'a prédit que Je serais unsouoan" (PH. f\UBERT DE GASPÉ, les Anciens Canadiens, p.l5) II devient commun au sens grammatical du terme quand iles: employé sans majuscule. son origine propre étant oubliée(:11Cicchabée, pandore)

Hem, 2 Les Grecs donnaient aux années le nom du magistratprincipal. l'archonte éponyme. à leurs villes des noms de dieux(Athènes): c'est passer de nom propre à nom propre.L'èponvrrue se retrouve aujourd'hui dans la dénomination descomplexes (comme celui d'Oedipe). (V à métonymie. rem. 6.)

Ram.3 Il ya des antonomases très spontanées (Londres décideque pour le gouvernement anqlais. le quai d'Orsay se refusecl tout commentaire: le Québec, c'est la Corse? (pour' Êtes-vousdélaissés par le gouvernement7).(V. à concrétisetion. rem. 3.)

Rem.4 V. aussi à denominet.on propre, rem. 3; métonymie, rem.4; personniticetion. rem. 1; sens, 4; synecdoque, rem. 1 et 7;titre (collation de -), rem. 5.

À·PEU·PRÈS Double sens' obtenu par un légerdéplacement, sans contrepartie, d'un ou de deuxphonèmes d'une phrase ou d'un syntagme'. (II) ne peuts'établir que dans le cadre d'une expression figée oubien connue. Dans une contrepèterie, il ya au contra ireun double déplacement. ANGENOT, p 167.

Ex.: Elle disait toujours que Ben Dollard a une VOiX debasse banltonnante. Il a des jambes comme des barils etvous crotriez qu'il chante dans le fond d'un tonneau. Ehbien, ça n'est-il pas spirituel?JOYCE, Ulysse, p 146.

Autre nom Ouasi-hornonyrne (Orct de Ilng.).

Rem. 1 L'à-peu-près est un des moyens d'obtenir deséquivoques '. Nerval Signale le goût des Allemands pour ceprocédé (Cf Robert. à près, citation 21). Il se combine avecl'allographe (V. ce mot. rem 2); il n'est pas loin du brouillage"lexical; il se raffine en contrepèterie (V. ce mot. rem. 1).

Rem. 2 Il peut y avoir aussi des à-peu-près graphiques. Ex.: le"Bien à vous" sur lequel Costals termine ses lettres(MONTHERLANT, les Jeunes FI/les, p. 162) et qu'il écrit sansfermer le B, en sorte qU'II ressemble à un R.

Rem. 3 Au sens large, l'à-peu-près est l'emploi d'un motlégèrement impropre, d'une tournure un peu gauche, etc. (Cf. leHir. p. 122). Mais dans ce cas, il y a translation plutôt que

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lexicalisation; on dit: c'est de l'à peu près et non: c'est un a-peu­près. La loc. adv. à peu près est employée comme nom maisn'est pas devenue un nom. d'où l'absence de traits d'union. Onparle aUSSI, en ce sens. de langage approximatif. Ex.: "Jesavais bien qu'à neuf ans c'est pas possible. j'étais encore tropmmontaire. Je réveis d'être the parce qu '11s ont la force desécurité." (É' A,IAR. la Vie devant SOI, p. 34-5)V. aussi à etuose. rem. 3

APHÉRÈSE On retranche une syllabe ou une lettre aucommencement d'un mot. LITTRÉ.

Ex.: T'y VOIS core moins clair que mal (encore).JOYCE. Ulysse p 239

Même déf, Marouzeau. Lausberg (§ 487). Robert. Preminger.

Autre déf, Quillet (au commencement OU à la fin d'un mot).

Rem. 1 L'aphérèse fait partie de métaplasmes'

Rem. 2 Le langage enfantin a d'abord tendance à ne retenir quela dernière syllabe des mots (nette pour marionnette, ange pourJUS d'orange). pUIS deux syllabes (andall pour chandail. acteurpour docteur) La prononciation relâchée ireurment pourheureusement. qrectement pour exactement) a donc quelquechose dentanun ~\~als dans tension (pour attention). c'estl'économie. 1efficacité qUI Jouent.

Rem.3 Comme l'apocope', l'aphérèse est un relâchement usuelde lexpressron plutôt qu'un procédé littéraire. Un cas comme:"l'HUMOUR NOIR. l'UMOUR (sans hl" (Breton, dans leDtcttonnetre abrégé du surréalisme, à Vaché). bien qu'il semblecorrespondre à la définition, est plutôt. pensons-nous, unegraphie"

APOCALYPSE Allégorie" fantasmagorique (V. àfantastique). dont le thème est la révélation d'événementsà venir ou de réalités présentes mais cachées.

Ex.: Je VIS sept candélabres d'or, entourant comme unFils d'homme, revêtu d'une longue robe serrée à la taillepar une ceinture en or... Dans sa main droite. it e septétoiles. et de sa bouche sort une épée effilée, à doubletranchant..Jf:AN, Apocalypse. 1. 12 à 16.

Rem. 1 Ce qu'iI 'i a d'outré dans l'apocalypse renvoie. non à lafl("lIon, mais à un aspect transcendant. religieux ou surréel.

Fx.: Je VIS devant mal un tombeau. J'entendts un ver toisent.III,md comme une maison, qUI me dit' "Je vais t'éclairer. List inscription. Ce n'est pas de moi que vient cet ordre suprême. H

GO

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Une vaste lumière cou leur de sang, à l'asp ect de laquelle mesmâchoires claquèrent et mes bras tombèrent inertes, serépandit dans les airs j usqu 's l'horizon.LA UTRÉ,i\M ONT, les Chants de Me ldoror, 1.

L'a l légo ri e ' et la fo rme de réc it ' (passé sim p le) av ecdéveloppement exp lic it e de l' énonciat ion ' (all ant par fo isJusqu'au dialogue ' avec le lecteur) visent à conférer au contenufantasmagor ique un statu t de réalité et de vérité. L'apocalypselen te d'unir deux eff ets cont raires. d 'où l'adm irati on dessurréalistes pour Laut r èurnont .

~em. 2 Genre litt érai re antique. l'apocalypse tlont dans la Bib le(liv re de Daniel ). la KaDbale. le Coran Diff ic ile à décoder, elleverse dans lh e rm èusme, Ex.: "L 'Un se mani feste trOIS/ Le pôlea levé le do içt / César penteqramme ! en crOIX " (JA RRY, César­Antéchrist 4 , 5).

Ma is ce carac tèr e est so uve nt co nt rebalancé par desrép li ques tr iv ial es, du lan gage parlé, une sim pli ci té p lusrassuran te.

Rem. 3 Dans l'apocalypse est Inc luse l' apot héose. tr icmpheduhéros qUI, aux yeux de tous, est élevé Jusqu'aux cieux. .

Ex.: Et ils virent le char où Il se tenait debo ut qUI montait au cie l.Et ils Le viren t dans le char. vêtu de la çlotre de cett e lum ière .....Et ils Le virent Lui, Lus-même. Ben Bloom Élie. mon ter parmi lestourbillo ns d 'anges vers la çlotre de la lumière à un angle de 45degrés au-dessus de chez Donohoe. Little Green Street. commeune plein e pe lt ée de POUSSier.

JOYCE, Ulysse, p. 333 .

Rem. 4 V. aussi à prophétie, rem . 2.

APOCOPE (fém.) Retranc he m ent d 'u ne lett re ou d 'unesy ll abe à la f in d 'un m ot . Ex.: encor pour encore . LITTRÉ.

Même d ëf, Marouzeau. Quillet Mene r. Robert , Preminger.

Syn. Ecthlise (Lausberg).

Antonyme Paragoge (V. ce mot rem. 1)

Rem . 1 Selo n Lausberg (§ 490) , c'est une variété del'ab règeme nt' ou de ïendie (retranchement d'une lettr e); selonMarouzeau, de la chute ' . (V. ce mot n. 1, aussi à m éteplssme.rem. 1.)

Rem. 2 L'élision . est l'apocope d'une voyelle finale devan t unmot commençant par une voyelle.

1 "tait de cinq lett res'

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Rem. 3 La disparition progressive du e muet a posé au verssyllabique de nombreuses difficultés. Déjà Ronsard avait optépour l'apocope. Au lieu d'écrire 'Rolland avait deux épé-es enmem ". il ex iqe 'deux ép é's en la mstn". 'Ne sens-tu pas,argumente-t-il, qu e ces deux épé-es en meut ottencent ladélicatesse de t 'eurettte?" (cité par GRA MMONT, le Versfrançais, p. 464). Le co nseil est SUIVI.no tam men t par Desportes(qut écnt: 'des charbons motitsr) , mais Malhe rbe mrervmt ., etgrâce à ce rig oriste. no t re théât re cla ssrque est co mposéd 'alexandrins que les coméd iens ne peuvent prononcer avecvrai semblance qu 'en onze, d ix. voi re neuf syllabes - ce qUIn'est pas to ujours la meil leure faço n de les rythmer (sur ceproblème, V. à vers).

La pnncrpale apoc ope auto risée par le classicrsrne est cell e dus suivant un e muet élidé. 'Tu l'emporte. il est vrai ' (Lamart ine).

Une façon élégan te d ' évrter le problème est d ' èlrder les efinal s en les faisant SU ivre d 'un mot à in it iale vocali que (marbreonyx). C'est ce que fait par exemple Th. Gautie r. Me ner appellevers plein ce type de ve rs, et vers ajouré le vers qUI contient un(ou plusieurs) e muet prononcé.

Rem. 4 La Situat ion actuelle du e muet (ou e caduc) est Instable.Les traités de prononcratron apportent à la 'lOI des trOISconsonnes' ' d 'Innombrables restrict ion s (Cf . Martmon.Fouché). La solidité du e dans la prononciation méridionale, laPOSSibilitéd 'autre part de prononcer un derm-e. voire des tracesde e, sont parmi les raisons du maintien du e graphique. Dèslors , l'usager a pns l'habitude de faire. sans même y penser, lesélrsrons et apocopes nécessaires. Dans le vers libre, on liraspontanément: 'en Jouant d'l'harmonica' (DELOFFRE , le Verstrsnçeis. p . 114).

On peut euss: recourir à l'apostrophe pour supprimer toutehésnatron

Ex.: Les marmots en boutott 'nt et tous nous trépignonsEn voyant t 'Pstotm qUI brandit sa tomette.Et les btessur's et les numéros d 'plomb.Soudam i' perço.s dans l'cam, près d 'la mectune.La gueul' d 'un boris' q UI n ' m ' re vient qu'à moni é.A. JARRY, Ubu rOI, la chanson du dëcervetaqe.Rem, 5 SI l'o n veut que le e salt nettement prononcé, Il estdevenu néce ssaire d' écn re eu. Ex.: ' Tout de même, leu temps,c 'est leu temps. L 'passé. c 'est l'passé. ' (QUENEAU , leChiendent, p . 295).

En somme, nou s seri ons d 'accord avec Ducharme, qUI aide le

1 Un e reparaît torsqu': s'agit d' évrter cevo« à prononcer tr OIS consonnesde sune(Je m ' dis, el non J ' m ' dis )

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lecteur à trouver le rythme en indiquant par des rentorcementsou des apocopes le sort qu'il entend réserver aux e litigieux.

C'est J'âge. c'est /a vraie tristesse.Ce//eu où s'éteint /a tendresseFt avec e// te feu du drame.H. DUCHARME. te Nez qUI vecue. p. 71

Rem. 6 En dehors du problème du e muet l'apocope attaquesurtout les finales liquides (tabre, propre. quatre). Ellesappartiennent à la langue pariée. Ex.:Le tmmsïtre). Ex. litt.: 'C'estpas croyab ." (OUENEAU. Zezre dans te métro, p. 31)

Rem. 7 Dans la diction de l'alexandrin. c'est la voyelle atone 2

finale de mot phonétique qUI tombe de préférence. Ex,: Tacbevetur' d'oranges (Cf le Vers tr au XXe siecte. p. 34)

APOLOGUE RéCIt' Illustrant quelque "vérité"

Ex,: Et chacun de mes sens a eu ses désirs. Quand j'aivoulu rentrer en moi, j'al trouvé mes serviteurs et messervantes à ma tab/e La place d'honneur étaitoccupée par la Sad; d'autres sorts lUI disputaient la belleplace. Toute /a teb!e était querelteuse. mais Ilssentendeient contre mal ..... ils m'ont treîné dehors .....J'al marché; j '8/ voulu /asser mon désir: je n 'al pu fatiguerque mon corps.GIDE, Romans, p. 200-1.

Rem. 1 À l'Origine. l'apologue appartient à la littérature orale. Ilest proche du mythe (V. ce mol, rem. 1). C'est le cas aussi de laparabole (V. CI-dessous). Ensuite, l'apologue est devenu unmode de l'amplification' des Idées. distinct de l'hvpotvposa' parson caractère purement Imaginaire et surtout par sa "morele"..moucrte ou explicite. AinSI les fables de La Fontaine sont-ellessouvent des apologues.

Quand la vérité sous-jacente (le thème; le noème selonMorter. la moralité S'II s'agit d'une fable) est clairementexprimée, j'apologue se rattache à la comparaison' figurative;quand elle est implicite. Il se rattache au symbole'.

Le thème étant quelque vérité d'ordre religieux. on pariera deparabole. Ex.: les paraboles évangéliques des dl,J( vierges, dufestin nuptial. des vignerons horrucides.

L'Interprétation de l'apologue dort se faire globalement etnon pas en établissant une correspondance terme à terme (J.-P.Audet). En effet sans cela, l'apologue serait une allégorie' ouune comparaison' SUIVie

2 Atone: -qUI ne reçoit pas d'accent tornque"

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Rem. 2 L'expression d'une idée par une anecdote relève dumême procédé (mise en scène plus ou moins détaillée et propospertments de la part des persormaqes) Toutetors. l'anecdote,n'étant pas Imagmalre 1 , appartient plutôt à l'exemple. AinsI:MONlOUE. - ... Maln tencn t. {aurais le ménage à m'occuper,je me porterais mieux Mais avec cette bonne que nous avons,comment veux-tu? . Tiens" Je m'étais réservé en mecachant d'elle, je m'étais réservé un peu de poussière, dansun coin, pour mon dimanche!. .. Juste de quoi torchonner unbrin. Eh bien, ce matin, ma poussière, envolée! nettoyée!AUDIBERTI. l'Effet Giap/on, p. 142.V aussi à Simulation rem.4.

Rem. 3 L'apologue est un excellent argument" pour qUI veutfaire sentir certaines nuances plus sentimentales que juridiques.

Ex.:(le Gouverneur. anglais, du Canada français) a fait comme unétranger qur. dans une réuruon de famille où l'on célèbre lamémoire d'un défunt cher. .ren sans y être tnvité se mêler à lafête. s'esseoir à la table. boire et chanter. SOUS prétexte qu'il estproprtéteire de la maison.J. FOURNIER, Mon encrier. p. 62.Il peut remplacer un rersonnernent (V ce mot. rem. 3).

APOSIOPÈSE Interruption brusque, traduisant uneémotion, une hésitation, une menace. PETIT ROBERT.

Ex.: (Marcelle est enceinte et croit que son amant lUI garde lesecret: mais. aux allégations d'un ami. elle devine que ce derniera été mrs au courant.)

Elle blêmit: "II... Ohlle.., Il m'avait juré qu'il ne vous diraitnen. H

SARTRE, l'Âge de raison, p. 226.

Même déf. Lamy, Littré. Ouillet. Lausberg. Morier. Preminger.

Syn. Réticence, retenue (LEGRAS, cité par LE H! R, p. 132-3),

Rem. 1 l.'e posvop èse est une varl8té de l'Interruption'caractérisée par le fait que les causes (Je l'Interruption (V. cemot. rem. 1) sont personnelles et d'ordre émotif (Cf. Lausberg,Morier). C'est souvent l'Indignation (ex ct-cesses] mais celapourrait être un excès de plaisir. Ex. à replacer dans soncontexte: "II a beaucoup de fièvre et il ne salt. .. il ne saitréellement plus ce qu'Ii dit." (BERI'-JM>jOS, Romans, p. 838)(Constatant qu'elle a repris la photographie et s'est donc trahie,il ne peut s'empêche. de laisser échapper sa Jubilation dans cetarrêt.)

l D'où le sens d'anecdotique: "quI ne 'la pas à lessentre!"

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Rem. 2 Du Marsais (V, 285), Fontanier (p. 135-6) et Littrérangent la réticence parmi les prétéritions' et mettent l'accentsur l'aspect oratoire du procédé (V. à faux-). C'est l'aposiopèseclassique. Elie consiste à "s'arrêter tout à coup dans le coursd'une phrase, pour retire entendre par le peu qu'on a dit, et avecle secours des Circonstances, ce qu'on affecte de supprimer, etmême souvent beaucoup au delà. H (Pontanier. p. 135).C'est une ruse du pathos (V. à argument).

Ex. traduisant une menace': Je dovreis sur l'autel où ta mainsscritieTe... mais du pnx qu'on m'offre Il faut me contenterRf\CINE, Athalie. V, 5.

Rem. 3 SUivant Lamy, le oscours ' n'est pas nécessairementretenu, mais Simplement haché par la prècipuation.

C'est en effet Îe cas lorsqu'il s'agit de traduire l'hésitation.

Ex.: Dans une eoothi.. th 0 ... dans une apothéose triste etset.taire!M.-CI. BLAIS. Une saison dans la vie d'Emmanuel. p. 60. (Lehéros cherche le mot).De même, pour exprimer la distraction: M'Coy demande àBloorn l'heure du service funèbre. mais celUI-CI est ailleurs, ilpense à la lettre de Martha. '- On. Onze Heures. n (JOYCE,Ulysse. p. 68).

Ces aposiopèses sont spontanées, naturelles. Elles sontfréquentes dans le monologue' Intérieur, où l'on ne prend pas laperne de finir ses phrases.

Ex.: La mer? Pourqu.. Oh! Non je m'occupe des terres voussavez. Je SUIS toute la journée sur le trsct.... puis sa propre mainlUi apparaissant (etc.)CL. SIMON, la Route des Flanares. p. 201. (Monoloque 'rntèrieur dans lequel prend place un dialogue' imaginé).

Rem. 4 La "réticence' n'est pas loin de son sens courant(att itude de réserve) lorsqu'elle consiste en un refus de finir laphrase commencée.

Ex.: Le rire est dans ma...Un pleur est dans mon ..H. MICHAUX, Glu et gll.

On peut s'arrêter encore parce que l'on VOit que l'Interlocuteura déjà compris. C'est la réticence par connivence (Marchais).

Rem. 5 L'aposiopèse a son Intonation (V. ce mot. rem. 3) et saponctuation' expressive.

APOSTROPHE L'orateur, s'Interrompant tout à coup.adresse la parole à quelqu'un ou à quelque chose.L1TTRE.

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Ex.: (Au milieu d'un texte Impersonnel) Enfoncez-vous biendans la tête que je ne veux pas des rteurs de mon côté.ARAGON, Tretté du style, p. 210.

Autres ex.: "(Au milieu de son discours de réception àl'Académie) Et c'est entre toutes. votre absence que j'évoque.cher ami. cher frère. Philippe Berthelot, qUI depuïs treize ansm'attendez dans ce cimetière abandonné de Neuilly."(CLAUDEL 0. en prose. p. 635). "Ceche-tot. guerre."(LAUTRÉAMONT. Poésies. 2). "Ptscmesl Ptsctnes! noussortirons de vous purtttés." (GIDE, Romans. p. 217).

Même déf. Girard, Fontanler (p. 371). Marouzeau, Quillet.Bénac, Mener. Robert, Preminger

Syn. Appellation (Bary. p. 344).

Autre sens Signe graphique de l'élision'

Rem. 1 Avoirun Interlocuteur, s'adresser à lUI, rien de plusnaturel (V à dialogue: discours, 2). L'apostrophe est rhétoriquequand un de seséléments est Inattendu, SOit que, dans un récit'.l'énoncration' SOit explicitée par un pronom à la 2e personnedésignant le lecteur (V. ci-dessous. rem. 2); SOit que, dans undiscours', une vérité générale SOit adressée spécialement auxauditeurs (ex. d'Aragon, ci-dessus). SOit que l'auteur. par unefeinte, s'adresse à des absents (ex de Claudel), à des Idées (exde Lautréamont), à des objets (ex. de Gide). Seul le premierexemple appartient au style tempéré (V à grandiloquence. rem1).Une marque, plutôt sublime, de l'apostrophe est à l'initiale, le 6vocatif. distinct du ho d'appel' mais il exrste ausst un ôexclamatif. distinct du oh (cf. Bossuet: "Ô nuit désestreuse!"ï. (V.aussi à prosopopée et à faux, rem. 1.)

Rem. 2 On peut appeler adresse le passage d'une oeuvrelittéraire où l'auteur nomme et décrit son lecteur. Cf. B.Tomachevski. dans p. 264. L'adresse prend place au début del'oeuvre (Par ex" BAUDELAIRE, Au lecteur, poème liminairedes Fleurs du mal) ou à la fin (Par ex POUCHKINE. EugèneOnégume).

De l'adresse, on distingue la dédicace, formule manuscriteou Imprimée qUI accompagne le don de l'oeuvre, ou d'unexemplaire de celle-ci. à un particulier. Ex.: HAu poèteimpeccable, au parfait magicien ès lettres françaises, à moncher et très vénéré maître et ami Théophile Gautier .... je dédieces fleurs melsdtves". BAUDELAIRE

En pubhcité. on appelle personnalisation le procédé quiconsiste à Inclure dans le message le nom des destinataires. V.aussi à pnère. rem. 1.

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Rem. 3 L'apostrophe peut JOindre à la fonction référentielle ouinjonctive une fonction de contact (ou phatique) qu'un simpleappel réalise rait à l'état pur (V. à exclemetton. rem. 2 et àtnjonctton. rem. 3).

MaiS il arrive aussi que "apostrophe ne s'adresse à personnede réel mais qu'on veuille prendre tout un monde (Imaginaire) àtèmoin de la vérité de ce qu'on profère. C'est parler à lacantonade. On hausse le ton. Il arrive encore qu'on s'adresse àquelqu'un dans l'espoir d'être entendu d'un tiers, comme cettemère qUI demande à un enfant de deux ans de hn chercher sesciseaux. mais le mari n'est pas loin. Il ya double actualisation dudestinataire. Le procédé est rnoins rare qu'on ne pense. AinSISqanarelle. au début de Don Juan de Molière, ose tancer. ensimulant qu'il s'adresse à un autre maître: "Je ne parle pas aussià vous Je parle au maître que j'al dit"

La recherche d'un Interlocuteur "valable" peut donner lieu àune dubrtatron

Ex.: Tempêtes. soeurs des ouragans; firmament bleuâtre dont jen'admets pas la beauté; mer hypocrite. Image de mon coeur;terre. au sem mystérieux; habitants des sphères; Dieu qUI l'ascréé avec magnificence. c'est tOI que j'tnvoque: montre-moi unhomme qUI SOitbon!LAUTRÉAMONT. les Chants de Meldoror. 5

Apostropher quelqu'un. c'est entrer en contact avec lui defaçon Inattendue et souvent désobligeante. Ex.: "Tout faraud. tIcria: "- Tu pues. eh gorille." Gabriel souplra."(QUENEAU.Zene, p. 10). (V aussi à sarcasme, rem. 2: titre, rem. 1; motdoux rem 3.)

Rem.4 L'apostrophe est un moyen d'étoffer (V. à emptiticettom.Ex.: Liberté de pensée. liberté d'écure et de parler. samteconquête de t'esprit humetnt que sont les petites souffrances etles SOUCIS éphémères engendrés par tes terreurs ou tes abus. auprix des bienfaits tntirus que tu prépares au monde?G. SAND, fin de la 28 préface olncùens.

C'est aussi un mode de transition (V. ce mot. rem. 1).

Rem. 5 Pour le ton. V. à cétébteuon. rem. 1: mtonetion. rem. 3;supphcetton. rem. 2. Pour la construction, V. à apposition. rem.5: notation. rem. 6

Rem. 6 Elle peut porter sur une métaphore'. Ex.: ..Sable noir.sable des nuits qui t'écoules tellement plus vite que le clair. jen'al pu m 'empêcher de trembler lorsqu 'on m'a délégué lemystérieux pouvoir de te faire glisser entre mes doigts." (A.BRETON. t'Amour fou. p. 81).Quand elle a pour objet une Idée ou une chose, l'apostropheentraîne une personnification'. mais il faut s'Interroger sur ledegré de réalité de celte-ci

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Ex.~ Icebergs. Icebergs. Solitaires sans besoin, des paysbouchés. distants et libres de vermine. Parents des Îles. parentsdes sources. comme je vous VOIS. comme vous m 'êtesfemiliers...'"1. MICHAUX, Icebergs.

.es Icebergs semblent bien devenus des êtres personnels. Etpourtant Michaux écrit à propos de la peinture chinoise:'L 'homme modeste ne dit pas 'Nous souffrons / Les nôtresmeurent/ Lepeuple est sansebri". il dit: 'Nos arbres souffrent'(Lectures. Il). C'est métaphoriquement que l'objet est iCI commeune personne.

APPOSITION Caractérisation ou identification d'unsubstantif ou d'un pronom par un substantif. qui le suit.FONTAN 1ER. p. 297.

Ex. Cité par Fontanier: Déjà coulait le sang, prémices ducarnage.RACINE, Iphigénie.

Autre ex.: ' NUIt, mon feUillage et ma glèbe.' On peut sous­entendre: toi qui es. (R. CHAR. Neuf MerCI...)

Autre nom Épexégèse (archaïsme: Littré, Marouzeau)

Rem. 1 Lorsque l'apposition est mise entre Virgules et qu'onpeut la supprimer sans nuire à la phrase, l'apposition estsimplement explicative [accidentelle comme le souligneFontanier). Sans pauses, il y a Identification dans l'assertion'elle-même. Ex.: 'Avec les mots corbeaux de poèmesqu) croassent.' G, MIRON.

Corbeau qualifie mots. mais d'une façon qui est essentielle àl'assertion. L'intégration de l'apposition peut être plus grandeencore si l'on ajoute un trait d'union. Par ex., les'mots-flots' deR. Giguère. On débouche alors sur la Juxtaposition lexicale".

Du Marsais. Beauzée. Fontanier. Littré et Quillet ne Signaientque l'apposition explicative, procédé grammatical (Homère, leprince des poètes). Ils considèrent comme apposition toutecaractérisation placée entre deux Virgules, même s'il s'agit d'unadjectif.

Rem. 2 La pause' qui précède l'apposition remplace la copuled'une assertion' adjacente (elle équivaut donc à "qui est'). àmoins que, dans un style elliptique (V. à ellipse), il ne s'agisse duverbe principal (copule sous-entendue: 'est"). Dans ce derniercas, l'inversrori' est fréquente et la pause' se marque par ledeux-points'. VOICI, à titre d'exemple. une phrase sansverbe, oùl'on trouve deux assertions' sous forme d'apposrtion.•Règledonnée du plus haut luxe: Un corps de femme - nombre d'or!"(SAINT-JOHN PERSE, Amers, strophe 2). Le tiret accentue la

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pause' qu: précède l'apposmon du type habituel (qui constitueune assertion' secondaire) tandis que le deux-points introduitune aopositron Inversée (qur constitue l'assertion principale).On amplifierait donc comme SUIt: "Un corps de femme (thème)est la règle du plus haut luxe (prédicat)" et "Un corps de femme(thème de l'assertion adjacente) qUI est le nombre d'or" ouparce qu'il est (la relative cache ICI une causale)

De même, dans les énumérations' précédées du deux-points,on a une apposition Inversée, l'élément initiai étant le prédicat.La construction de l'asyndète (V, ce mot rem, 2) est trèsdifférente, le terme rrnpucue étant une coordination (et),

Même dans l'apposition normale (assertion' adjacente). onrencontre parfois 1'1 nvers.on. Ex.: "Joyeux enfant de laBourgogne, je n'al Jamais eu de çuiqnoo.. "

Le rôle de prédicat du substantif apposé explique l'absenced'article, L'Importance de la pause' est due à l'absence detaxème (d'où le nom d'apposition). Sans pause. on aurait unqualifiant Simple (adj.)

Rem. 3 La valeur assertorique de lappositron apparaîtnettement dans la double' lecture que VOICI: "La conscience(de) SOI" (SARTRE, l'Être et te néant. p. 72). Le rapportd'appartenance avec de est ams: remplacé par un rapportd'Identité (avec qui est sous-entendu),

Rem. 4 L'apposttron m t r o d urr des métaphores', desmétonymies' ou des synecdoques'. (V, à comparaisonfigurative, rem. 1,) Elle permet aussi de lever des équivoques'dues, par exemple, à l'emploi de pronoms,

Ex.: Car il ne voulait pas que les éloges de Paradis amenassentPetit-Pouce à revoir dans le nez. lUI Pierrot. et que sa petite tête.à lUI Pierrot. finisse par ne plus lUI revenir. oh! mais plus du tout.à lUI Petit-Pouce,R. QUENEAU. Pierrot mon ami. p. 9

Rem. 5 La construction de I'apposition est la même que celle del'apostrophe', d'où des contusions possibles. Ex.: "Je merappelle dans la nuit ton nom, Yahvé". (Psaume 1 18); pour "tonnom à tOI. Yahvé" ou "ton nom eut est Yahvé". (V. aussi àepproximetions successives. rem, 3,)

Rem, 6 V. aussi à phrase, 4; à titre. rem. 1.

APPROXIMAT!ONS SUCCESSIVES On donneplusieurs termes de suite dans la même fonction mais ilsne sont pas synonymes: Ils viennent comme faute demieux, visant quelque Signifié qui se situe en marge duvocabulaire.

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Ex.: et ce SOUrire teuttt. touchant. d'enfantN. SARRAUTE. Portrait d'un inconnu. p. 109 (d'enfant qualifiele soume au même titre que les adjectifs).

Rem. 1 Le procédé est fréquent dans la langue parlée lorsqu'onveut caractériser une rmpressron ou qu'on ne trouve pas leterme propre. Des intonations suspensives semblables suffisentà indiquer la fonction Identique des syntagmes'. (V. ausst àlouchement, rem. 2)

Rem. 2 On rencontre des approximations faites de segments trèsétendus: alinéas, paragraphes. Cf les Upanisheds. et Ch. du 80S.qUI donne ce titre à ses recueils de critique.

Rem. 3 Dans l'apposition". les sèmes s'ajoutent; ICI, ils seremplacent

ARCHAïSME On appelle archatsrne un mot Vieilli qUIn'est plus usite. un sens antérieur qUI a cédé la place à unsens nouveau, une construction ancienne qui n'a pluscours.

La Fontsme. qut les aimait, en regorge. "Tel cuide engeignereutrut qui souvent sençeiqne tui-méme. "SU8ERVILLE, p. 100. (Engeigner' "tromper". archaîsrnelexrcal.)

Ex. d'archaïsme de sens: Je vous salue ma France aux yeux detourterelle / Jamais trop mon tourment mon amourJamais trop/ Ma France mon encienne et nouvelle querelleARAGON, Août-Septembre 1943. Querelle. non pas "dispute,eltercetïon", mais. dans un procès, la cause pour laquelle onprend partr, Cf. LeXIS. V. aussi à étymologie. Ex. d'archaïsmemorphologique: "Leurs mains etetent SI froides qu'elles setouchèrent ttlusoirement. dans t'intention seulement, afin quece fût tait. dans la seule tntentton que ce le fût" (M. DURAS,Moderato centebite. p. 110). Le subjonctif Imparfait; mis enévidence alors qu'il est de moins en morris courant; donne augeste l'allure d'un cérémonial figé. Ex. d'archaïsme graphiqueironique: "(Une pensée) d'une singularité espovantable ..... "(MONTHERLANT, Essais. p. 896). Archaïsmes de prononciation.V. à diérèse, rem. 1.

Signalons un archatsrne de contenu ou "de Civilisation", repérépar Klinkenberg chez De Coster, et qUI consiste à mentionnerdes objets ou des coutumes typiques d'une époque du passé,de sorte que le passé y SOit situé.

Même déf. Littré, Marouzeau, Robert ..

Rem.1 Durant la période classique. les archatsrnes admis étalentdes Imitations de Marot; d'où le nom de marotisme (V. àimiteuom. synonyme alors d'archaïsme (Fontanier. p. 288).

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Rem. 2 La langue JUridique abonde en archaïsmes. Les formulesprescrites par Colbert en 1667 ne furent réformées qu'en1908 (Cf. Payen. p. 188-9).

Rem. 3 L'Imitation de l'ancienne langue peut aller assez tom. Ex.:"Ladite garde lUI répondit et dit à li que cette femme était Jà detrots Jours pleins ès affres et que serment couches périlleusesdures à passer mets que dans peu tout serait tine." (JOYCE,Ulysse. p. 374).Rem. 4 Les latinismes inusités (V. à péréçtmismeï sont desarchaïsmes.

ARGOT Langage de la pègre. du "milieu".

Ex.: Nanar terçouqne par les endosses: t'es sourdingue?A. SOUDARD et L ÉTIENNE. l'Argot sans petne. p. 16.

Syn. POissard. mot bas. Jobelin. bigorne, langue verte (l'argotaffecte les hardiesses et les "verdeurs" de langage) Il ya ausstles argots régionaux comme le mourmé (maçons de Haute­Savoie). le brusseleer (V. ex. à réponse. rem. 2)

Autre déf. Par extension. argot dèsiqne aussi tout Jargon'réservé à un petit groupe d'initiés L'argot a. en effet. ses codessecrets (V à crvptcçteptne. rem. 2)

Rem. 1 Il Y a toujours du langage populaire (V. à ruveeu delangue) dans l'argot. et souvent de la qaulorsene. Ex.: T'as d'lamerde dans les châsses / Vous n 'y voyez pas deir. La langue desvoleurs. des snobs. des soldats est aussi à base de languepopulaire. avec une part de Jargon'

Rem. 2 L'argot recourt à l'abrègement' Il est volontierscancatural (V. à cencetore. rem. 1).

Rem. 3 Le mélange d'argot et de style noble fait unedissonance'

ARGUMENT Assertion' utilisée dans unraisonnement'. une plaidoirie, où elle a pour fonction deJustifier ou d'expliquer une autre assertion.

Ex.: JULIEN. - Comment as-tu pu permettre à cegrotesque de t'appeler mon petit loup? Je t'eveis interditde lUI perterlCOLOMBE. - MaIS c'est l'auteur de la piècelANOUILH, Colombe. dans Pièces briltentes. p. 270Svn, Preuve, raison

Analogue Allégation: "assertion sur laquelle on s'appuie pourJustifier sa position".

Même déf. TLF

Autre déf. Synopsis (V. à récepitutenon, rem. 2), raisonnement'.

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Rem. 1 Besoins et abus de plaidoyers firent naître et catégorisermille et un moyens de trouver des arguments. Ce sont les lieuxcommuns au sens original du terme l , autrement dit lestopiques. Dans sa Rhétorique. Aristote les divise selon !'éthos(le caractère de l'orateur), le pathos (ce qui émeut le public) et lelogos (le raisonnement logique ou Imagé par des exemples). Lelivre Il est entièrement consacré à l'explication de ces troistypes de lieux: l'orateur doit se montrer sous un jour favorable,donc afficher les vertus décrites dans l'Éthique: il suscitera dansson auditoire certaines passions, parfois la colère. l'amitié ou lahaine suivant les personnes Visées, la crainte ou l'assurance,l'indignation ou la pitié ... Les lieux 'logiques' sont près dequarante, notamment: la non-contradiction ou tiers exclu- (IIfaut qu'une porte salt ouverte ou fermée). le lien entre j'acte etla personne (Celui qUI assassine est un assassin), le lien entrel'antécédent et le conséquent. celui du tout et des parties ou dugroupe avec l'individu, les inséparables (On ne fait pasd'omelette sans casser des oeufs), etc. Ces lieux débouchent surdes conclusions. non pas véridiques, mais vraisemblables sansplus. On peut y ajouter (selon Angenot) le lieu de l'indifférencedes intéressés (II ne faut pas être plus catholique que le Pape),le lieu du gaspillage (II faut poursuivre pour ne pas rendre vainsles sacrifices consentis). celui de la direction (Sion cède unefois, on devra céder toujours}. etc.

Les lieux 'logiques' visent à assurer une certaine véracité.Aussi l'un des plus importants est-il la règle de justice, quiconsiste à traiter semblablement les choses semblables. Ex.:'Faudrait-il appeler crime l'Incendie de pavillons en briques etpeccadille l'incendie de Villages en bambous?' (BARDÈCHE,Nuremberg. p. 174). Contrevenir à cette règle, c'est 'Fairedeux poids. deux mesures' (Ioc.). Cette règle se retrouve.renforcée, dans l'argument a fortiori (Ioc.: à plus forte raison).Ex.: 'Si mourir pour son prince est un Illustre sort / Quand onmeurt pour son dieu. quelle sera la mort' (CORNEILLE,Polyeuete). Ex. cant.: 'Même un athée européen sera souventblessé par la familiarité avec laquelle ils (les Hindous)conversent de Jésus-Christ' (M ICHAUX, Un barbare en ASie. p.119). Ce genre d'argument doit cependant éviter "hyperbole'.

t Commun a hm par générer le sens de "bene). sans nouveeuté", d'où l'ernp'o:actuel (V à cliché). MaIS pour Ar.stcte. les lieux communs s'opposent aux lieuxspècmques. qUI sont les axrornes des diverses sciences. techniques et disciplines. Lelivre 1 de sa Rhétorique exarn.ne les treux spëcmques des genres judiciaire(concernant le passé). éo.dicnquc (concernant le présent) et délibératif (concernantl'avenir).

2 On dit aussr.prmcrpe du mrlieu exclu, parce Quece sont les cas où un •Justemilieu"n'est pas possible,

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Ex.: "des peintures lubriques qui feraient rougir des capitainesde dragons (la virginité du capitaine de dragons est, après ladécouverte de t'Amérique. la plus belle découverte que l'on aitfaite dep ais longtemps)' (Th GAUTIER, Préface àMademoiselle de Maupm).

À partir de Cicéron, les lieux communs logiques vont céder lapiace à des lieux plus empiriques. Ii s'agira moins de véracitéque d'adresse et pour cela on cherchera à examiner les affairessous tous les angles Imaginables. L'exhaustion est la méthodequi épuise les arguments (Robert) Le diallage (Scaliger,Poetices tibti septem. III. 64: Lausberg) est le discours' quidécoule de cette méthode on y VOit se succéder toutes sortesd'arguments tendant à la même conclusion. On enseigne dèslors, plus que les relations loqiques. les points de vue auxquelson devra se placer pour trouver des arguments. Les lieux'communs deviennent: - la personne (race. nationalité, origine,sexe, âge, éducation. mode de Vie, fortune, condition civile,caractère, goûts, etc.); - l'affaire (dans son ensemble, dans sesparties, dans ses débuts. dans sa progression, dans sa fin, dansles mots employés pour la désigner, dans ses précédents. etc.):- la cause. !e lieu. le moment. la manière. le moyen, ladéfinition, la comparaison', les hypothèses. les circonstances(cf. Lausberg, § 373 à 399). Vuillaume (p. 25-6) en offrait unsommaire mnémotechnique sous forme de vers latin: quis. CUI~

pro quo. de quo, quendo. ubi. quidque loquetur. C'est unhexamètre dactyle. Y sont réunies les "bienséances oratoires'essentielles. celles qUI se rapportent. respectivement. àl'orateur. à l'auditeur, à la personne en faveur de qui l'on parle. àcelle de qUI l'on parle. au temps et au lieu, au sujet- .

Convoités des Ignorants. rabâchés dans les écoles derhéteurs. les lieux se concrétiseront encore davantage. ils seréduiront à des extraits à Imiter, 'morceaux tout faits. utilisablesmoyennant quelques retouches dans n 'Importe quel discours"(Rh. d'Aristote. coll. Budé, Analyse du livre 2, p. 32). On en voitdans les Plaideurs de Racine (acte 3) un plaisant exemple.

Rem.2 Pour être valables. les arguments doivent non seulementêtre justes en eux-mêmes. mais encore pertinents à la question.(V. à ad hominem; alternative; dilemme: aposiopèse, rem. 2:réfutation; apologue; citation, rem. 3: communication;hyperbole. rem. 2: edmorntion: prérnunnion.)

Divers types de ruses arqurnentatives ont été identifiés etenseignés (pas toujours en vue de leur dénonciation} Angenotsignale jes suivants.

:J Barthes (l'Ancienne Rhétorique. p 209) SIgnale d'autres topiques. celles dunsible. du théologique. de l'Imagtrli><re(topique est maso. en Itrlg .. fém en rh)

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- L'argument a contrario ou énantiose, où la preuve estremplacée par la réfutation' d'une assertion' Inverse. Ex.:Mieuxvaut en rire qu'en pleurer.

Autre ex.: "Continuez. les amoureux aimez-vous bien et toi,jeune homme, mets longtemps ta main dans celle de tameîtresse. cela vaut mieux que de la lui mettre sur la figure,surtout brutalement." (A. ALLAIS, la Barbe et autres contes, p.106.)

- Le corax (du nom d'un SICilien qUI Inventa la rhétoriquearqurnentative). où l'on renverse une vérité probable par lemotif qu'elle l'est trop. Ex.:dans les romans policiers. le crime nedoit pas être Imputé à celu: que tous les indices désignent tropclai rement.

- L'amalgame ou essimttetton. où l'on considère comme demême catégorie des notions, phénomènes ou objets différents.L'amalgame est la démarche naturelle de l'esprit d'abstractionquand 1/ se place à un pornt de vue donné: Il est constammentpratiqué en mathématique. Mais Il peut autoriser desconfusions préjudiciables, qu'une analyse critique décèlerait.Ex.: "ces matraqueurs casqués aux joues rouges font le mêmetravail que les purs et vénérables penseurs auprès de qut nousavons grandi" (NIZAN, les Chiens de garde, p. 94)

- L'argument du témoin fictif, recourt à une autoritéanonyme, où l'on fait appel à un arbitre objectif imaginaire situéau loin. Ex.; HJe rêve petiots à ce que diront de nous leshistoriens futurs. Une phrase leur suffira pour l'hommemoderne: Il forniquait et lisait des journaux" (CAMUS, la Chute,p. 10). L'argument est plus fort SI le témoin est quelconque. Ex.:"SI dans ml/le ans quelqu'un lit ce texte [de Lévt-Streuss]. il endéduire qU'II existait dans le midi de la France au XIe Siècle unerelupon du vin" (J .-FR. REVEL. Pourquoi des philosophes, p.145).

- L'argument ad iqnorantiarn. où l'on Impose à l'adversaire lefardeau de la preuve du contraire (Lalande). Ex.: "Prouvez-nousque nous sommes contre le courant de notre nature et de notrehistoire et nous ne nagerons pas contre lui" (NIZAN, les Chiensde garde, p. 88) .

.- Le prétexte (V. ce mot).

- L'échappatoire (réponse à côté. tangente, elibitorein,iqnoretio elenctu. éluder la qaestion '). où l'on débite des propossans rapport avec la question.

Ex.: (Michaux visite l'Équateur et critique le paysage) Un tas deterre, voilà vos montagnes. Meis lui, avec l'immense satisfactiond'être une fOIS de plus d'accord avec moi: "C'est très juste, un

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tas de bê tes, voilà nos mon tagnes, et quelques eucsi votu: untas de loups et de faisans, des perdtices" .., Beaucoup de bëres.des Insectes, des VIboras , non pas véné neuses, des légu mesdUS" I, vou s savez."M! CHAUX, Ecusaor. p. 53

La rép onse à côté est parfoi s comique. Ex, de l'a ff iche: "L 'alcooltue lentement" sur laquel!e un poc hard griff onne : "On s'en t. ..On n 'est pas pressé. ,. L'ignoratio elenchl (Vuillaurne. p. 16 ;Verest. §4 22) est une felrlt e de plaidoine par laquel le, comme sil' on "Ignorai t " le po. nt cent ral du débat. on prouve autre chose,et on dépla ce amsi la que stion ' insensiblement. Vlan pousseviç nore tio jusqu'à la dén uder:Messieurs les j urés, nous laisserons de côté le motif du meu rt re,les circonstances dans lesquel les Il a été accompli, et aussi lemeurtre tut-m êm e Dans ces condit ions, que reprochez-vous àmon client?ViAf-J , le Bro utlterd. dans les Fourm is. p. 15 5 .(V. aussi àantenectese. I- L'arqu rnen t ad po pu l u rn. où l ' on ten te se u lem entd 'émouvoir le " bon public "

- L'ap odi ox is (Mo rier). où l' on reje tt e l'argument sans lediscut er, en te décla rant enfant in. Fabrl (t . 2, p. 11 3) l'appelaitcontetmement: "quan t .. nous disons que c 'est pou de chose cequ'il di ct. ou moins que nen. ou " n 'est pomt à propos, ou ilrepu gne, ou Il est incredible et que Il terme et ennuye d'enparler, ou de s'en rtre en say macquant. "Une va riét é commode propre aux expo sés savants est le rejetd'un po int comme trop long à dévelop per. Ex, (iron ique): NLe laitest-II un ali ment? Une telle d,SCUSSion dépasserai t le cadre decet article " (JARRY, La Chandelle vert e, o. 4 89) , Ou le rej et depo ints que l'on déclare seco ndaires: On p ourrait évidemmentdiscuter certains détails de votre exposé (on les énumè re trèsrapidement) mais nous exemtnerons p lu tô t (etc.)Si le pomt est trop délicat pour être écarté d'un rever s de lamain , on r évue. "promettant que, en temps et lieu, nous enperterons p lus amplement, affm que Il ne semble pas que l'on yvuetlte tuu" (FABRI , L 2 , p. 1 12), C'est ce qu'il ap pel leinterm ission.Anqe not défin it la disqualification comme un aut re type dedispense d'argumente r que l'o n s'octro ie , en déclarant que labassesse, ou la légèreté, ou la Viol ence Indue de l'att aque suff ità discrédi ter son aute ur.

" Espagnol. • perdnx "

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Ex.: D'après Marcel Martinet (Europe, 15 mal 1926), ladéception des surréalistes ne leur est venue qu'après la guerre,du fait d'avoir mal à leur portefeuille", Affirmation dont nouslui laissons la responsabilité et dont l'évidente meuvetse fOImedispense de répondre point par potnt à son article,A BRETON, Légitime Défense,

V, aussi à contre-litote; détinitton. rem, 1; étymologie; argumentad verecundietn: paralogisme; prosopopée, rem 4; sophisme,

Rem. 3 Tout argument entre dans un raisonnement", parfoisimplicite, et donne lieu à une éventuelle réfutation' à moinsqu'on n'ait recours à l'argument d'autorité (V à cttetton rem3),La discussion de la valeur d'un argument est un des moyensde l'amplification' au sens large, (V ausst à déltbéretion et àlettre.)

Rem. 4 Une bonne partie des arguments restent toujoursImplicites, Ce sont les présomptions, Jugements préalables,sédimentés (selon les cultures), présupposés del'argumentation,

ASSERTION Prise de position du locuteur sur un sujetdonné, L'assertion a deux parties: le thème" ou sujetpsychologique' (anglais topic) , c'est-à-dire ce dont onparle ou plus exactement ce dont on dit qqch.. et lepropos ou prédicat psychologique (anqlais comment),c'est-à-dire ce que l'on dit (du thème)

Quoique thème et prédicat ne soient pas toujoursisolables, ce sont eux qUI sont à l'origine de laconstitution syntaxique de la phrase en syntagmenominal suivi de syntagme verbal.

Ex.: Le choc est indispensable, Les Mages aimentl'obscurité,

Le thème peut se placer dans un premier membre SUIVI devirgule, Ex.: Dans cette maison // naquit Voltaire, Phrase deguide touristique. on montre la maison; le thème est donc dansle complément circonstanciel. le reste constitue le prédicat Onvoit que le sujet grammatical et le sujet psychologique necoïncident pas nécessairement.

Le verbe à sujet apparent laisse distinguer plus nettementthème et prédicat. Ex.: Il a été perdu une montre, C'est un avis

1 Ce que la grammaire a appelé sujet logique ou sujet réel est autre chose Cesexpressions sont unt.sées lorsque la roncnon de sujet est assumée parun morphèmequr ne renvoie à rten et qu'on appelle sujet apparent Ex 1/pleut Ce qUi 'pleut' enréaloté est alors sUjet "logique" Ex 1/ pleut des hallebardes (c'est-à-dire deshallebardes pleuvent) Le suiet logique dépend stncternent de la construction duverbe, non de rassertion,

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Le thème serait 'ce qui se passe'. SI montre, sujet réel. étaitsujet grammati cal (Une montre a été perdu e), on verra it mo insnette ment que le th ème n'est pas la montre.

Sur le plan logique, le préd icat se dist ingue par le fait qu 'ilpeu t êt re dit soit vrai, soit faux. Sur le plan psychologique, ilpeut faire l'objet d'une question ' ou êt re nié. Sans être uncnt ère parfait. la transformation par c 'est...qui (ou que) appeléetour pr ésentatif. pseudo-clivage ou ernphasls ë (pro noncerernrnetazis), met en évidence le prédicat. Ex.: C'est elle qui estarrivée en retard hier. C'est en retard qu'elle est arrivée hier.C'est hier qu 'elle est arrivée en retard. Dans ce cas, le verbe etses expa nsions sont refou lés dans le thème. puisque ' C'est ellequi est arrivée en retard hier ' imp lique "Oueiqu 'un est arrivé enretard hier ' . À quoi on ajoute qu 'à ce propos, à ce suj et (il s'agitdonc bien du thème) on a à dire que (ceci annonce le préd icat)c'est elle.

En la ngage pa rlé . l'accent ant it hét iqu e ' joue un rôleIdent ique à celui du to ur pr ésentat it. ce qui est la pr incipaleraison de la meilleure inte lligi bili té du parlé.

Le thème n'ap paraî t pas toujou rs exp lici te ment. S'i l estsuffisamme nt éno ncé dans le contex te ou dans la situation. ilsera élidé. Ex.: Fameuxl Ou bien il n'apparaît que sous la formed' un pronom. Ex.: ' Je n'en parleJamais, maisi'r pense toujours'(A. ALLAIS, Lettre à Paul Déroulède. dans la Barbe et autrescontes, p. 64) . P. Guiraud (p. 73) appelle locutif l'ellipse' duprédicat. phénomène plus rare: celui-ci se réfugie dans lasituation. le ton , une Interjection. Ex.: 'À l'heu re actuelle. lesdistances, ptt! " (AUDIBERTI. l'Effet Glepion. p. 14 5).

Thè me et préd icat. s'ils coîncioent avec sujet et att ribut. sontJOints par une cop ule (être ou un analogue). La cop ule peut seremplacer par le deux-poin ts' ou même par une virgu le3 sansplus. Ex.: • Dans le noir. ce qu 'il importe de connaître et c'estdans la nuit que l'h umanité s 'est formée en son premier âge.'(M ICHA UX, Émerg ence, résu rg ence, p. 3 0). V. aussi àapposition, rem . 2.

Analogues Préd icat ion (Robert. Supp lément ). phrase-pens ée(Séchehaye).

Déf . analogues Marouzeau (à phrase). Robert .

Rem. 1 L'assertion peut prendre la fo rme d'une quest ion" . Dansce cas. c'est l'interlocuteur qu i est invité à prendre positi on .

2 Nous orëtèroos emp besis parce Qu·emp hase. quoique répandu en grammalfeqéné rat1ve. reste USité dans la langue courante avec un sens assezdiffèrent. plutôtp éjoraut V il grandilo quence.

3 Une analyse plus poussée montre rait Que celte v"gule délimIte pïutôt deuxesseruo ns' au statu t Impl iCIte de thème ' POUl l'une . de prédicat pour l'aut re.

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D'autre part. elle peut être affirmative, négative (V. à négation)ou dubitative (V. à dubïtettonï. Il y a plusieurs degrés, del'assurance au doute, dans les phrases affirmatives ou négatives,déclaratives, Interrogatives. exclamatives ou Injonctives

Rem. 2 L'assertion est. en grammaire générative. une modalitéde la phrase. caractéristique de la fonction référentielle. (V. àénoncietioni J. Knsteva (la Révolution du langage poétique. p.42 à 50) signale une parenté entre les constituantssvntaxiques- et la "phase thétique de la srqnitience". faite d'uneénonciation qUI concerne un denotatum. Cette mise en relationde deux éléments. on peut la dire "vraie" ou "fausse". ce qUI estla "propriété logique" des énoncés assertrts. Aristote appelaitapophantlquesf ces propositions.

Rem. 3 À l'assertion constitutive de la phrase assertrve. il y adivers moyens d'adjoindre des assertions supplémentaires,qu'on appelle assertions adjacentes ou seconde troisième.assertion (ou prédication). Ce sont les edjoncttons (V. ce mot.rem. 2), les Incises. les pa renthèses. les apposrtrons '.l'autocorrection'. l'hyperbate'. Ex.: "Nous avons ICI une sorted'équivetent de ce que Godel démontre - teboneosement ­dans son système." (A. BADIOU, la Formehsetton. p. 169).L'adverbe entre deux pauses équivaut à une autre assertion, qUIdirait: mais sa démonstration est plus laborieuse

'Les propositions qUI définissent la réalité donnent pour vraiquelque chose qUI n'est pas (Immédiatement) vrai"(MARCUSE, l'Homme unuitrnenstonnel, p. 171·2) Laparenthèse équivaut à une concession qUI ferait surte auparadoxe. SOit: qUI n'est pas vrai, du moins pas Immédiatement.

'C'est lorsque des yeux se sont ouverts que les vérités. que lemensonge, dis-je. a éclaté, que l'IllUSIOn a envahi l'homme " (R.DUCHARME, l'Avalée des avalés. p. 102).

Une Simple virgule peut suffire: ".4 côté, une boîte d'ébène.Pourquoi cette boîte. d'ébène?" (BAUDELAIRE, dans POE, O:p. 677). C'est dire: pourquoi cette boîte et pourquoi était-elled'ébène.Iv. à césure. rem. 4)

Rem, 4 Une définition opératoire plus stricte est proposée par O.Ducrot. qUI se place au pornt de \ ue du contexte rrnphcite del'assertion. Il oppose posé et présupposé. Le posé, c'estl'élément présenté comme nouveau par l'assernon. en sorteque toute transformation négative ou Interrogative l'efface. Le

4 SN + sv V à syntagme.

5 Du grec u7To<paUl.ç, qUI siqn.t.e aussi bien déclaration que dénégation d'oùchez Littré epoptiese. "dénégation réfutation" en face de cetepb ase,"afflrmatlon"

7.8

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présupposé, qUI subsiste à travers ces transformations, estprésenté à l'Interlocuteur comme évident Implicitement, déjàadmis, hors de discussion, Il a donc une valeur .llocutorre. qClI sefonde sur une convention sociale, (V, à Impasse et à coq-à-l'âne,rem, 5)

Inversement, SI dans le posé on n'a rien mis de plus que dansles présupposés l'assertion est creuse, on parle pour ne nendire Ex.: Picasso ayant voué sa vie à l'art celut-a tient une placeImportante dans son oeuvre picturale. C'est une 101 du texte,selon la oreçmot.que" du discours, que chaque assertion dOIVeapporter un élément susceptible de s'ajouter à ce qut a été ditou sous-entendu

Rem. 5 t.assernon est la forme normale de l'argument', Elle ades degrés (V à énonctetton. rem 1), Elle a son Intonation', Ellese résout par norrunahsation. Elle se développe dans lapériode' Elle se manifeste en divers types de phrases'.s'articule diversement selon la place de l'accent' antithétiqueou expressif (V à ponctuation expressive. rem, 2) Elle s'évidepour devenir question', Implique souvent une réponse (V. cemot. rem 1) Elle se souligne en se réduisant à un seul mot (V. àsoulignement rem 1).

ASSISE (Signes d'-) (Néol) Signes qUI transcnver.t 111ton parnculier à une Citation', une réplique, un titre', etc.et qui Indiquent donc la situation (l'assise) du segmentpar rapport à son contexte syntagmatique ou aucontexte réel évoqué.

Dans le texte, ces signes s'ajoutent aux autres Signesde ponctuation'. ce qUI montre qu'ils constituent unecatégorie à part.

1. SI l'on veut intensitier un segment du texte, on dispose demoyens de plus en plus forts, depuis les petites capitales et lescaractères gras Jusqu'à la cornposinon en caractères de plusen plus grands. Ex.:V à çreptne. rem. 5. ou dans ELUARD. O: p.691 à 718. En dehors du texte, les mêmes moyens indiquentdes titres. Leur Importance relative, leur organisation estmarquée par la dimension des caractères employés.

Quant à Butor (IllustratIOns). il a recours à la disposition et autype des caractères pour définir sa forme poétiqueIndépendamment de la lecture linéaire.

2. Les italiques ont une place à part. Dans le texte, ils servent àconnoter une acception que le contexte déterrmne Ex.: "Élisa atrouvé un chandail de dix dollars l'autre JOur." (M,-CI. BLAIS, les

6 pragmatique du discours- crsciptme récente, VOISine de la unqursnque. elleétudie les énoncés et l'ènonctatron'

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Apparences; euphémisme" pour volé). Ils reprennent des titres(même s'il s'agit d'un titre d'article 1 ). Ex.:Énigmes de Perse estun article de Jean Paulhan dans la Nouvelle Revue française. Ilssignalent la présence de mots étrangers. D'une façon générale,ils désignent les segments autonymes (V. à court-circuit). Ilspeuvent aussi servir à distinguer un paragraphe. une phrase. unmot. dans un texte composé en caractères romains. Si le texteest en italiques. ce sont les caractères romains qui assument lemême rôle. Ex.: "On croirait lire des erticies humains sur lesgrands hommes vivants" (VILLIERS DE L'ISLE-ADAM. Contescruels, p. 73). Dans un texte manuscrit ou tapé ft la machine. onsouligne d'un trait (V. à soulignement. rem. 1 et 2).

3. a) Si l'on veut faire une mise en évioence. on peut Introduiredans le texte un tiret-' . Ex.: "Non point la sympathie. Netheneët.- t'amour" (GIDE. Romans, p. 156). Il correspond dans lelangage padé à un silence qUI accroît l'attente,

On peut aussi mettre en évidence des syntagmes' détachésde la construction syntaxique. en les plaçant entre deux tirets(qui Jouent un rôle analogue. mais rnverse quant à l'effet. à celuides parenthèses). Ex.: "par d'à peine perceptibles mouvements- ceux de l'amibe sur sa plaque de verre - et .. (N.SARRAUTE, Portrait d'un Inconnu. p. 144); .. cette betntude-s­mais je la leur ferai passer - de tremper dans l'eau pendant desheures" (lb., p. 157).

Il arrive toutefois que le silence transcrit par le tiret ne SOitque la marque temporelle d'une pause', sans soulignement'.

Ex.: THÉODORE - Ô chère âme! que ne le puis-jet - Mets neperdez pas l'espoir. - Vous êtes belle et bien jeune encore. ­Vous avez bien des allées de tilleuls et d'ececiss en fleurs àparcourir avant d'arriver à cette route (etc.)

TH. GAUTIER, Medemoisette de Meupm. p. 157.

b) Le tiret. en début de phrase. Indique que l'on passe aupoint suivant d'une série,

Ex.: Promenades. - Landes, mais sans âpreté. - Falaises.Forêts. - RUisseau glacé. Repos à l'ombre: csusertes.Fougères rousses.GIDE, Romans, p. 209.

Si des quillernets indiquent qu'il s'agit de citations' (V. CI­

dessous, 5) ou plus précisèrnent de conversations rapportées. letiret annoncera la réplique d'un personnage.

1 l'usage de guillemets dans Gecas est donq.ne anglo-saxonne. mais Il s'est répanduen France

') À la machine. on drst.nque le tiret du tran d'Union en I'écnvant par deux ou trOIStrmts d'union successits. précédés et SUIVIS d'une espace

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Ex,: "Mais, dit Angèle. cela ne suffit pas pour faire une poésie- Alors laissons cela", répondis-je.GIDE, Romans. p 207.

cl Le tiret est encore employé pour marquer la répétition'd'un mot ou d'un syntagme' déjà Imprimé sur la lignesupérieure (Code typographique).

Ex.: Je ne peux écrire ce "sans cesse" sans cesse

MICHAUX, Connaissance par les gouffres. p. 106.

On rencontre très souvent les guillemets dans cette fonction.alors qu'Ils désignent. selon le Code typographique, l'Inverse,l'équivalent de "rien"

4. SI l'on se refuse à Intégrer dans le texte un segmentdisponible qu'on veut mentionner (c'est en quelque sorte lecontraire de la mise en evidence). on place ce segment entreparenthèses'.Il est possible de le mentionner hors du texte. Ce sera la "note"marginale ou mfrapaqmale. qUI ne se rattache plus au reste quepar un astérrsque (') ou un chiffre (appel de note). En revanche.quand la parenthèse est Incluse dans le texte. on a unediqression ou une double lecture' Oueneau, lUI, a vouluInsérer une parenthèse dans une parenthèse. Il lUI a suffid'utiliser pour cela les crochets. comme en algèbre. Cf. Bâtons.chiffres et lettres. p. 130. "- [. (... ) J "

Quant à G. Bessette. Il utilise la parenthèse double. pour lesréflexions m petto: "((cramte constante de montrer un rebord dejupon))" (le Cycle. p. 204). V. aussi à paraphrase. rem. 2 et àsyntagme. rem 1

5. Les guillemets ï ") marquent les limites d'un segmenthétérogène. C'est par exemple un texte tiré d'une autre oeuvre(V. à cttetiom. ou un ensemble de termes dont on ne vise que leSignifié. Ex.: C'est l'fonne veut dire "c'est amusant". V. aussi àdialogue. rem. 3

Les guillemets existent auss: dans la VOIX. comme Proust l'aremarqué:

Quand (Swann) employait une expression qUI semblaitImpliquer une ootnton sur un sujet Important. il avait som del'Isoler dans une tntonetion spéciste, machmale et Ironique.comme s 'il l'avait mise entre çutllemets. semblant ne pas vouloirla prendre à son compte. et dire. la hiérarchie (des arts). voussavez. comme disent les gens ridicutes".À la recherche du temps perdu. t 1. p 93Dans cet exemple. Il s'agit d'une pseudo-cttetton et lesqurllernets sont donc particulièrement Indiqués. On peut

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observer qu'Ils se rangent. dans ce cas, à côté de locutionscomme à ce qu'on dit, soi-disent. prétendu, par lesquelles lelocuteur prend ses distances par rapport au texte et refuse del'assumer entièrement. Jakobson a Isolé le phénomène dansson étude sur les ernbraveurs. mots dont le sens vane suivantles coordonnées de l'énonciation' On précisera avec Duboisque ces termes sont des modalisateurs. c'est-à-dire desmarques spécitiques de la manière dont le locuteur envisageson énoncé (Cf Dtct. de Img,), V aussi à rejet

Ce type de modanseteurs pourrait s'appeler attestation(Jakobson test.morueh. Il est parfois transcrit par des Italiquesplutôt que par des quillemets. car il y a confusion fréquenteentre les ornplo.s de ces deux Signes d'assise (V cr-dessus. 2)

En dehors du texte, la marque de la Citation est la mise enexergue, On y recourt pour un alinéa, ou du moins Dour unephrase de quelques lignes (à ia rigueur un vers) La mise enexergue s'obtient par des caractères plus petits, su' uneJustification pius étroite (marge agrandie) et avec des interlignesréduites

6, Pour indiquer Url texte sauté (l'absence d'un segment) onplace dans le texte des po-nts de suspension entre paromnèsesou entre crochets, Tei est lE; procédé habituel car-s les éÛltionscritiques, ~,,1als Damourette et Pichon 1Traité moderne deponctuation) ont proposé cinq pornts. sans parenthèses, ce qUIest plus léger, Il suffirait même de trOIS pornts. à condition qu'ilssoient entourés, comme le tiret. de deux espaces, ce qui lesdistinguera des points de suspensron. Ouand on saute desphrases entières, c'est la coupure? qu: se marque par une ouplusieurs lignes de pornrs espacés Elle peut avoir une certaineexpressivrté. Ex.: À la fin du crnqurèrne livre des Nourrituresterrestres, Gide remplace un développement par une ligne depoints, mais le sujet de ce développement est la plaine. dont ilévoque ams: en rnërne temps 1 irnrnens.tè V aussi è contre­mterruotion.

7. Les sciences ont 'eurs Signes dassise spéciaux L'3S crochets:[. [. servent pour annoncer une transcnpt.on selon l'alphabetphonétique: les traits obliques Il entourent la nanscnpt.on d'unsème: les guillemets mdiquent que C'8ST !e Signifié seul qUI estvisé: les petites capitales représentent l'objet réel ou référen t

ASSONANCE Marque du vers r é pè'ut ion de ladernière voyelle accentuée, J, PESOT

3 SIgnalons un aulfc; ~:ens de coupure article oecoupë d2P~ un Journal. sanscompter tes cècoupeces en .r-ors. en p.eds etc. V auS51 à coupe rythmique

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Ex.: Ils dormiront sous la pluie ou les étoiles/Is galoperont avec mOI portant en croupe des victoiresAPOLLINAIRE. Poèmes à Lou

Même déf. Littré.

Autre sens V. à allitération. rem 2

Rem. 1 Rime' et assonance sont les variétés. en poésie régulière,du procédé plus général dhornèotèleute. mais assonance estsouvent pns comme synonyme d'homéotéieute. Ex.: "tes mainspleines de fleurs et de meurtres' (CM-1!JS. Caligula. p 170)

Rem, 2 Dans l'homéotéleute. Il y a Identité d'une voyelle qUIporte l'accent. sans que l'on tienne compte des consonnes. Laparonomase' est plus générale. qUI a plusieurs phonèmesproches ou semblables

Rem. 3 On rencontre aussi une Identité des seules consonnespost-toniques. que les Levs d'Amers appelaient rtms consononssignale P GUiraud (p. 258). qu: donne un exemple récent'

Je sors' SI un rayon me blesseJe succomberai sur la mousseRIMBAUD les Hlurmnettons.

J. Mazaleyrat (Cours de métrique. Sorbonne, 1971-2) parle à cesujet de contre-assonance. terme qUI paraît plus pertinent quecetui de nmeapophomque (MORIER V à paronomase, rem. 3)

Rem. 4 Les vers assonancés sont regroupés en laisses (V. àstrophe. rem. 2)

ASTÉISME Badinage délicat et ingénieux par le quel onloue ou l'on flatte avec l'apparence même du blâme etdu reproche. FONTAN 1ER p 150 Ex.: QUOI I encore unnouveau chet-d'oeuvrel N'était-ce pas assez de ceux quevous avez déjà pubttés? Vous voulez donc désespérertout à teit vos rivaux? (VOITURE Cité par Fontaruer )

Autre ex.: Il psreît que tu ne comprendsPas les vers que je te soupireTu les inspires. c'est bien ptre.VERLAINE. 0 c p 837

Loc. À charge de revanche (après un service rendu).

Même déf. Mener. Genette (Figures Il p 251)

Rem. 1 L'astérsrne est une forme de l'Ironie' mondaine Ausscertains lUI adjo.qnent-rts son Inverse "déçutser le blâme sousle voile de la louange" (Le Clerc. p 298: Verest. p 106) Lacélèbre tirade du nez du Cyrano de Rostand en accumule desexemples ('Pour un parfumeur q'Jelle enee.çne!"; qUI sontaussi des chleuasmes' C'est un procédé éminemmentrhétonque (V à faux. rem 1) /1 a son intonation'

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Rem, 2 L'astélsme. qui suppose une certaine connivence entreles interlocuteurs, se pratique surtout entre amis. Ex,: (Brunetpropose à Mathieu d'entrer au Parti. Il pense que s'engager lUI

fera du bien.) Mathieu "s'approcha de Brunet et le secoua parles épaules' II l'aimait très tort. - Sacré vieux racoleur, lui dit-if.sacrée putain. Cela me fait plaisir que tu me dises tout ça"(SARTRE, l'Âge de raison. p. 172). l.'estéisrne va mêmejusqu'au gros mot'. Il est proche de l'antiphrase",

ASYNDÈTE Sorte d'ellipse par laquelle on retrancheles conjonctions Simplement copulatives qui doivent

unir les parties dans une phrase LITTRÉ.

Ex.: La pluie. le vent, le trèfle, les feuilles sont devenusdes éléments de ma Vie. Des membres réels de mon corps.A HÉBERT. le Torrent p 37.

Même déf. Paul (p 141 J Girard. Le Clerc (p. 268). QUilletLausberg (§ 709 à 711 J. Robert Preminger.

Autres noms Dtsjonct.on (paul: Girard: Fontanier. p. 340: Littré:Quillet: Lausberg § 711). dissolution (Le Clerc. p. 269).asynartète (Quillet).

Antonyme Polysyndète

Rem. 1 L'asyndète exprime le désordre (Spitzer, p. 283)

Ex,: Il y avait eu tant de funérailles depuis que qrend-méreAntoinette régnait sur sa maison de petites morts noires. enhiver. disparitions d'enfants. de bébés. qUI n'avaient vécu quequelques mois. mystérieuses dispsritions d'adolescents enautomne. au prtntemps.M.-CI. BLAIS. Une saison dans la vie d'Emmanuel.

Rem, 2 L'asyndète étant caractérisée par l'absence deconjonction et la virqule. il arrive que nen. sinon le sens, nepermette de distinguer St le premier élément s'ajoute aupremier avec la même fonction que lUI. où s'il se rapporte à lUIpar apposition'. Ex.: "cette tr.ste femme contemplait avecdouceur les enfants, les bébés" (lb. p 53). Faut-il comprendred'une part et d'autre part ou les enfants qui sont plusexactement des bébés?

Il ya nettement apposition quand on peut Insérer c'est-à-dire.Ex.: "N'était-ce pas lUI l'étranger. l'ennemi géant" iib.)

Cette parenté formelle n'est pas étrangère à l'effet deconjonction vague que fournit l'asyndète: ses éléments sontrassemblés en un concept mal délimité. Ex.: "Ma mèreconfondait les noms, les événements" (lb.. p. 53).Le langage précis du mathématicien utilise l'asyndète pourénumérer des données encore indépendantes. 'Chacune deslettres A, B, C désiqne une droite' (mais 'Les droites A et Csont

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perelléles"i . Qu ant à la rédup li cat ion asyndét iq ue (V. àréduplicati on. rem. 1) c'est par analogi e qu'elle s' écn t avecvi rgu le , La prono ncrenon Ind ique une seule asserti on. Onèc n ra rt mieux joli-Joli.

Rem. 3 Mieux vaut èv. te r de parler, à orcoos de l'asyndète, deJuxtapositi on ' , ce terme avant un sens scécmoue bien dist inct.

ATTÉNUATiO N O n peu t gro u pe r sous ce nomj'e xt én uat io n ' , l 'e u phém isme ' 8 1 ICI) r varlé:t é u onioue. laIIt 01e ' . Ce so n t des figures dèno ncrauon ' q UI cons is te ntà d im inue r , par bie nséance ou pou r to ut autre mot if.I'mt ens.t é r ée l le d es choses. Ex.; le Ju ro n IV. à mterject.cn.rem . 5). les prétéri t io ns (V. ce mot. rem . 1). ce rt ai n e sn é gat io n s (V . ce mo l. rem. 3) . c e rt a rn es q ue st ions' ,ce rtai nes tauto log ies (V ce mo t. rem 2).

Analogues Écntu re blanche. degré zéro oe l'ècril ure (Barthes. V.à lit ote. rem. 2).

Anto nyme Hyperbole.

Rem. 1 L'att itude qu 'Impliq ue le procédé p lace le lect eu r dev antune altern at ive ' . I l pe ut consid ére r l 'at ténuati on commenatu rel le (par exe mp le Si les ch oses sont de toute faço ncon nues et "pertent a'cnes-m ëmesri ou comm e ironique (parexemple s' il s'agit de vé ri tés controversées ou répri mées).Interprétée comme iroruque. l'atténuati on provoq ue uneréaction vig ou reuse (V à litote).

Rem, 2 On di stinguera l'attén uat ion de la rédu ct io n (V. àqén érshsation. rem . 3), qu: re lève de l'éno ncé et no n d'u neattitude,

Rem,3 Le récit" est att énué quand il est dan s un discours' . Ex,:V.à discours, rem . 1. V. ausst à truisme. rem. 2.

AUTISME A tti t ud e q UI c o nsist e à n 'env isager toutec hose qu 'à un p oint de vue str ic t e m e n t p ersonnel,"s ubjectit ".

Ex,: Cela se passait da ns un de ces Immondes eu tob i q uis 'em p lissen t de p opulus p récis ém ent aux heu res où j edOIS cons entir à le s u ti l iser.QUENEAU, Exerce es de style, p. 24 .

Même déf, Mar cnars,

Rem. 1 L'autisme a un fondement dans t'exp énence Intime.• Toute la SCience hasardeuse des hommes n 'est pas supérieureà la connaissance imm édtste que je pUISavoir de mon être. JeSUIS seul juge de ce qUI est en moi." (AR TA UD, l 'Ombil ic .deslimbes, p. 72) .

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Le SOlipsismede Schopenhauer lUI fournit une base théorique, àlaquelle Leiris a donné, dans Aurora, une forme littéraire,Ce mot Je résume pour mal la structure du monde Ce n'estqu'en tonction de mal-même et parce que le daigne accorderquelque attention à leur existence que les choses sont Cen'est qu'en tonction de mal-même que je SUIS et SI je dis quîlpleut ou que la mer est mauvaise, ce ne sont que périphrasespour exprimer qu'une partie de mal s'est résolue en tinesgouttelettes ou qu'une autre pertre se gonfle de perructeuxremous,De telles Intériorisations constituent un mode de formationd'Images (V ce mot rem 5)

Rem. 2 On distingue l'autisme de l'égoïsme naïf de celui qUI semet en avant Ex.: • Il Ya des choses cuneuses dans la Vie, mal jevous le dts. Il n'y a que les montagnes qut ne se rencontrentpas." (QUENEAU. Exercices de style, p. 57-8)L'égotisme de Barrès, en revanche, est une forme d'autisme, demême que l'apologie personnelle, Ex.: •Je n al pas abusé de laréputation attachée à mon art pour éblouu les humbles et lescrédules .... Jal essayé d'evotr ltmsqmstion juste. Je n'al pasInventé à Vide," (R CAILLOIS, Art poéttque. 1) V aussi àcttstton

Rem. 3 L'autisme a des marques orales comme "Intonation' unpeu chantante et parfo.s le registre plus élevé,

AUTOCORRECTION On rétracte en quelque sorte cequ'on Vient de dire à dessein. pour y substituer quelquechose de plus fort. de plus tranchant, ou de plusconvenable fONTANIER, p. 366 (à correction).

Ex.: Que diS-Je, c'est un cap, c'est une péninsule!ROSTAND Cyrano, tirade du nez

Autre ex.: (Une tête monstrueuse) nourrie d'elle-même, de monImmense chagrin plutôt OUI. OUI. chagrm de je ne saisprécisément qUOI. mais auquel collabora une époque. non, troisépoques déjà, et s: mauvaises toutesMICHAUX, Têtes, dans Peintures

Même déf. Littré

Autre déf. Correction réalisée par le récepteur, de lut-même(théorie de l'inforrnation)

Rem. 1 L'autocorrecnon est èvidernrnent un type particulier decorrection, celle-CI s'adressant aussi bien à d'autres qu'à SOI.Ex.: "Un accident. Vous voulez dire un attentat" (HERGÉ,Tintin). La correction est aUSSI, parfois, de forme sans plus.

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Ex.: L'officier consulta sa liste. dit "Ter-t ô-riste". Le voisin .....ava n ça d'un pas. leva un Index philologique. ditrespectueusement: "Pes terro-nste: tou-riste '.MALRAUX. Anti-mémoires. p. 24 7.

On peut ' elndre de corriqer pou r ren ch érir . Ex.: "- Les gens quisavent disent que (la langue Irlandaise) c'est une fameus elangue. - Fameuse n 'est pas le mot. dit Buck Mulligan. Unepure merveil le." (JOYCE. Ulysse, p. 16) .

Il y a donc des pse udo-corrections. V. aussi à p énphrese. rem.3.

Rem.2 Les marqu es de l'autocorrect ion sont: les locu t ions "Ouedis-je" , "Je veux dire" , "ou plutôt " . "ma is" . "non", '~ OUI" ; lerèarnorçaqe ou seuleme nt l'arrêt SUIVI d' un redépart ("j e n 'alpas cherc hé. voulu chercher. ce qUI vous embelli t SIplemement". VALÉ RY, O: t. 2, p. 34 4). Il ya des red èpartspurement syntaxiqu es. Ex, : "J e, j 'ai. je suis / Attteurs"(M ICHAUX. Épreuves. exorcismes. p. 1 1). Ils n'en const ituentpas moins des autocorrect rons dans la mesure où il v a retou r surle texte que l'on vient d'énoncer. C'est du reste ce retou r quisuffi t à déf ini r le procédé. puisqu'il n'est pas essentiel qu 'il yaitdésaveu de ce qu 'on vie nt de dire, il suffi t que ce SOit revu.quand ce ne serait que pour l'approuver sans plus. C'est le sensde certa ines rédu plicat ions', ou de l'inserti on d'un OUI qUIappart ient à l'én onc iat ion'.

Si l'autocorrection ne porte que sur le Signifiant (V. ètepsus.rem . 3). on la fait suivre de dis-je. Ex.: ...de IT/e - de la ville , dis­je .

Rem, 3 S'il ya des autoc orrectio ns rhétoriqu es, le pro cédé enlui-même est pl utô t un signe de sincérité . Ex.: HOue veut dire cetair de bonté avec lequel elle me regarde souvent (souvent. non.mais queiqoetois)?" (GOET HE, les Souffrances du jeuneWert her. p. 126). Dans le texte écnt. où l'auteur a tou jours eu leloi srr d'effacer, elle est toujou rs volontaire et doit donc avoi r unevaleur perlocutoire (l'auteur poursuit un but qu i se trouve au'delà de l'énonciat ion ' . Cf. Ducrot &Todorov. p. 4 28-9). Il s'agi rapar exemple de caracté riser un personnage comme roué, en lUIfaisant taue un e volte-fac e q UI d évo il e so n abse nce descrupules: "TURELURE. - C'est faux, je veux dire c 'est vraiMets où est le met?" (CLAUDEL. Théâtre. t. 2. p. 431 ).11 peuts'agi r aussi de mon trer que le text e est spo ntané. transcriptionde langage parlé el non composit ion écrite. Ex.: "Elle con naît lesdouze segments du hanneton. C'est une torte-en-botenique.C'est une tone-en-zootoçie. SI vous voulez' (R.· DU CHARME ,l'Avalée des avalés. p. 14 7). L'i mpropriété. (bota nique) estcorr igée et mon trée à la fo is. . .

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Rem. 4 Autres emplois - Limiter une assertion' (V. ce mot.rem. 3) sans la modifier. Ex.: 'un certain nombre d'affaires enapparence compliquées - en apparence seulement'(BERNANOS, Romans, p. 768) - Insérer un distinguo". Ex,:'faute de ces actes, leur liberté (ce qu'on volt de leur liberté) nesaurait être en jeu' (BRETON. Manifeste du surréalisme, p. 13).- Juxtaposer deux lexèmes. Ex.: "(l'État-Mejor en dérouteinvite son chef à enlever ses msiqnes pour mieux se cacher) Lesé-peu-lettesrt - râ/a. non. rugit Semsonov" (SOLJENITSYNE.Août 74, p. 381) Joyce aurait opéré une juxtapositionlexicale', il aurait mis: rëteruan. - Traduire une métaphore". Ex.:'Flèche? non. .. c'est la pensée' (R. DAUMAL. Bherets, p 134.notes) - Souligner (V à péripbrese. rem. 3).

Rem. 5 L'autocorrection a son intonation'. Elle est proche duréamorçage (V. ce mot. rem. 3); se prête à la surenchère (V. cemot. rem. 4); peut servir de transition" Développée. e!le devientune épanorthose (V. ce mot. rem. 1).

BALLADE Série de strophes" sur un rythme' simple(baller: danser). Dans sa forme stricte. la ballade a troisstrophes et demie. terminées par le même vers'(refrain"). La demi-strophe finale (ou envoi) débute parune apostrophe" qui dédie le poème à une personnetitrée ou almée.

Ex. la Ballade des dames du temps jadis de Villon. V aussi àacrostiche.

Rem. 1 La ballade est une Ntaille" (V. à poèmesï. La ballade esten huitains (V. à strophe); la grande ballade, en dizains; le chamroyal, en onzams (et il a Cinq strophes et demie).

BARAGOUIN Déformation SOit phonétique, SOitlexicale en vue d'obtenir une apparence de langueétrangère alors qu'en réalité le texte est décodable àpartir du français.

Ex.: Phus phoyez - dit-il, gue le mié beit de phus dénirdranguile. et maintenant phus zaurez gui che zuis.Recertez-mcê! Che zuis l'Ange ti Pizarre.E. POE, lAnge du bizarre Y. aussi à téectualisetion. 5

Autre déf. Langage incorrect et inintelligible (Petit Robert). Cesens élargi est courant (V à phébus)

Syn. Langage contrefait; hybridation (V à péréqrinisme. rem 3);jargon" (dans un sens élargi).

Rem. 1 La forme la plus simple du bar aqcuin est lepérégrinisme' de prononciation. Ex,: •Ung joor vare meedee gerpreetotobûs" (OUEN EAU. Exercices de style, p. 130) Poe,

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dans l'exemple ci-dessus, remp lace les consonnes sonor es parles sourdes correspondantes (v devient fl ce qu i est proche del'allemand : mais il va plus loin, en perm utant réciproquementles sourdes avec les sonores (t dev ient d) . et il ajoute desallographes (est devien t ha it), etc .

Rem. 2 Il existe un contre-baragouin, qu i consiste à do nner uneapparence de langu e française à un te xte qu i n'est en réa litédécodab!e qu 'à part ir d'une aut re langue ou d'un procédé. Parexemple, au chap . 6 de Pantag ruel. l 'on entend un étudiant de" l'aime, incl vte et célèbre académie qu e l'on vocite Lutèce"parler français en mots lat ins.

Plus subt iJ. le langage "para lloïdre" inven té par A. Martel(compte-rendu par É. Sour iau dans la Revue d 'esthét ique, 19 65 ,p. 3 8-9) . Ex. : "Le Mirivls des naturqi es" Signi fie "l e Mi roi rMerveilleux du Visage des Surgies de la Natu re" , C'est de laglossolalie ' ,

Rem. 3 Le text e au tornanqu e. qUI n'att end d'êtr e co mpris qu eplu s tard ou jamais, laisse la parol e à une instan ce du mo i (ou duno n-moi ) an alogue peu t-être à ce He qu i su rgi t dans laglossolalie ' .

BARBARISME Faute' d e vocabulai re, em p loi de motsou de fo rmes qui ne font pas partie de la lan gue (paropposit ion à solécism e ').

Ex.: elle me d isait su r un ton ra ide ALLEZ DONC VOUSDESVESTIR DANS LE DESVESTOIR MONSIEUR!M .-CI. BLAIS, Une saison dans la vie d'Emmanuel, p. 65.

Même déf . Marouzeau , Robert (qur Insiste: faute gross ière).

Autre dM. Littré donne à berbe risrne un sens plus large: touteexpression , tou te locution qUI Viole la règle, Le barbarismeinclu rait donc le solécisme ' , voire la cacol ogie' .

Ram. 1 Les barbarismes sont des altératio ns, ils sont ob ten us parcomposition, dé rivat ion ou forg és de tou tes pièces: mais Ils sonttoujou rs le fruit de l' ignorance ou de certaines confu sions . Cecine les empêch e pas de tr ouver un emploi dans les texte slittérai res,

Ex.: Eh ben oui, ils evont passé par chus nous pour lerecensement . Et pis ils nous avons tote recensés, pas de soin: ilsavant recensés Gep i. pis Ils avant encensé la Saint e, p is Ilsm 'avant ensemen cée, moi itou .A. MAILLET, la Seçouine. p. 86

1/ s'agit toujours du mot recenser, qu e l'héroïne prononce detrav ers, ce qui permet de bifurqu er vers d'autre s sens. On voitque le barbarisme peut produire des effe ts qui ne son t pas

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