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Et toi, ô m a muse , ba layant les guerres , en t re dans la danse ,

ô ma belle a m o u r !

Ar i s tophane

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Page de l'édition princeps (Venise, 1498).

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ARISTOPHANE victor-henry^ebidou^

écrivains de toujours/seuil

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UN H O M M E D É C O N C E R T A N T

L'Antiquité nous a laissé, par centaines, des bustes au regard vide, à la barbe banale : ces philosophes, orateurs ou écrivains grecs, parfaitement interchangeables, étaient taillés

en série pour peupler noblement les portiques des riches demeures romaines. L 'un d'eux, au musée des Offices, porte le nom d' « Aristophane, fils de Philippide, Athénien ». Nous avons deux raisons pour une de n'en tenir aucun compte : la tête n'appartient pas au socle sur lequel est gravée l'inscription ; et l 'homme qu'elle représente est bien fourni de cheveux, alors que le seul trait corporel que nous sachions du poète, c'est qu'il était chauve avant trente ans : lui-même nous le dit dans la Paix...

Nous ignorons à peu près tout de sa personne physique et de sa vie. La curiosité et l'indiscrétion, en ces domaines, sont fort étrangères aux écrivains anciens aussi bien qu'à leurs commentateurs. Si nous sommes assez amplement renseignés sur Démosthène ou Cicéron, c'est parce qu'ils furent des hommes politiques, et parce que, du second, une copieuse correspondance a été conservée. Rien de tel pour Eschyle, Sophocle, Euripide, rien de tel pour Aristophane : il faut nous contenter d'une part de catalogues - d'ailleurs incomplets

Marbre, théâtre de Dionysos.

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et non concordants - des titres de leurs pièces, avec le rang qu'elles ont obtenu au concours dramatique, et d'autre part de quelques anecdotes en général oiseuses, suspectes ou absurdes. (Après tout, il n'en va pas très différemment de Rabelais.) Parler d'Aristophane, c'est donc, bon gré mal gré, essayer de dessiner un Aristophane par lui-même : en- tendons par ses œuvres, ces onze comédies qui nous sont parvenues sur plus de quarante qu'il écrivit. Heureusement, elles s'échelonnent sur presque toute sa carrière, ce qui permet d'en dessiner à peu près la courbe.

Né vers le milieu du ve siècle, il a débuté très jeune au théâtre. Pour les historiens de la littérature, il représente à lui tout seul ce qui nous reste de l'Ancienne Comédie, celle qui régna à Athènes dans les beaux jours de Périclès et pendant les trente années anxieuses, glorieuses et amères de la guerre du Péloponnèse. La satire politique, la propa- gande virulente, la polémique ad hominem y sont reines, et Aristophane s'y lance à corps perdu. On a beaucoup épi- logué sur un décret de 415 (décret de Syracosios) interdisant à la comédie d'insulter ou ridiculiser aucun citoyen nommé- ment désigné. En tout cas, il est resté lettre morte. Mais après la défaite, il semble qu'un ressort soit brisé. La comédie s'achemine vers le ton plus impersonnel, moins endiablé, qui sera celui de la Comédie Moyenne. Aristophane de son côté, avec l'âge, semble se décourager à la fois dans ses espoirs, dans ses convictions, dans ses haines : le bon vieux temps ne reviendra plus : non seulement, bien sûr, la radieuse Athènes des guerres médiques, mais même la cité militante qui orientait si mal son patriotisme ou son enthousiasme littéraire, mais qui méritait encore qu'on lui dît ses vérités pour essayer de la redresser. Quel sursaut serait à attendre à présent de la patrie humiliée, aveulie? Aristophane avec l' Assemblée des femmes, et plus encore avec le Plutus, renonce à clouer au pilori les mauvais chefs et les mauvais maîtres : il s'en prend au « gouvernement des hommes » (les femmes feraient mieux qu'eux!) et au « train du monde » (l'argent vient combler à l'aveuglette ceux qui ne le méritent pas : si, par un bon tour de passe-passe, on le faisait changer de

L'ant ique Athènes, la merveilleuse...

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mains ?). D e tels t hèmes p e u v e n t para î t re b e a u c o u p p lus larges que les po l émiques de naguère , p lus hard is , voire révolu t ionna i res ?... Il n ' e n est r i en : ils sont t imides , anod ins ; ils a m u s e n t p e u t - ê t r e le poète et son pub l ic , ils ne les pas- s ionnen t plus. Les r èg lemen t s de comptes de jadis - et D i e u sait s'il y en a ju sque dans cette comédie d 'évas ion et de fan- taisie que son t déjà les Oiseaux - é ta ient a u t r e m e n t audac ieux et gros de conséquences : c 'é ta i t la vie c iv ique d ' A t h è n e s , son des t in matér ie l et mora l i m m é d i a t qui y é ta ient engagés. L ' a u t e u r des Cavaliers, de la Pa ix , de Lysis t ra ta pouvai t , dans son registre à lui , d o n n e r r ép l ique à T h u c y d i d e ; celui de Plutus (après cette pièce, nous p e r d o n s sa trace) a M é n a n d r e p o u r petit-fi ls et T h é o p h r a s t e p o u r pe t i t -neveu .

Q u a n t à sa vie personnel le , elle nous échappe en t i è r emen t . O n a pensé qu ' i l avait passé son enfance dans la c a m p a g n e a t t ique , t an t on voit qu ' i l conna î t et a ime, dans sa t r a m e quo t id ienne , la vie paysanne . O n a pensé qu ' i l avait fait de solides é tudes l i t téraires et ph i losoph iques , vu l ' in té rê t qu ' i l por te à ces ques t ions ; on pour ra i t a jou te r qu ' i l f r é q u e n t a a s s i d û m e n t l ' agora et ses bou t iques , la P n y x et les t r ibunaux . . . Passons. E t passons aussi su r son mar iage : il faut bien qu ' i l ait eu une f e m m e p u i s q u ' o n lui conna î t deux enfants (ou trois).

Mais tou t de m ê m e , que l h o m m e fu t - i l ? O n dirai t qu ' i l p r e n d plaisir à nous déconcer te r , à se m o n t r e r sous des aspects cont radic to i res , humi l i t é et a r rogance par exemple : c o m m e il est modes t e , q u a n d il charge son coryphée d ' e x p l i q u e r p o u r q u o i il n ' a pas d é b u t é o u v e r t e m e n t sous son vrai n o m !

I l dit, notre nomme, que ce n'est pas sans des motifs bien médités qu' i l l ' a f a i t . C'est qu'il estimait que trousser la Comédie, c'est la tâche la plus difficile qui soit. Bien des gens en ont tâté, et bien peu ont eu ses faveurs . . . E t puis, voilà longtemps qu'il discernait chez vous une humeur fantasque selon les années : il vous voyai t lâcher les poètes ses devanciers dès qu'ils vieillis- saient. (Il n ' a pas v ing t - c inq ans !) E t de plus, il professait qu'il f a u t , a v a n t de se mettre à la barre, commencer p a r t irer la rame, puis ensuite être vigie de proue, gue t t an t les vents, et enfin seulement gouverner pour son propre compte. E t c o m m e il est p r u d e n t , q u a n d on sait qu ' i l s 'agissait su r tou t de ne

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pas s ' exposer de ple in foue t à la rage d u r edou tab l e Cléon ! Mais c o m m e il est i n t r ép ide p o u r b raver le démagogue é c u m a n t ! I l n ' a pas peur de dire ce qui est juste et il marche vai l lamment contre le Typhon et l' Ouragan. E t que l orgueil il a de son talent , d o n t il ne dou te pas, et de son succès, qu ' i l espère ! Pou r tous ces motifs, puisqu'en homme sage il n ' a pas bondi à l 'étourdie sur les planches, pour dire des balivernes, soulevez un immense bruissement de paumes bat tantes, et vogue la galère !

Donnez- lui pour escorte le brouhaha joyeux du fest ival comique,

afin que notre auteur r ayonnan t d 'un succès qui comblera ses vœux se retire tout aise, et le f r on t radieux!

U s a n t et abusan t de l ' a m p l e i m m u n i t é d o n t bénéficie à Athènes la verve comique , il est d ' u n e audace s tupéf iante : en ple ine guer re , il p rêche la négocia t ion avec les ennemis , l eu r r e n d h o m m a g e p o u r leurs exploi ts , et les p la in t de ce qu ' i l s on t eux aussi à e n d u r e r - mais il mul t ip l ie les décla- ra t ions d u p lus a r d e n t pa t r io t i sme , célèbre les victoires et les ver tus . mil i taires de ses conci toyens (les obscurs , les sans -g rade , mais aussi cer ta ins chefs) et se dé f end énergi- q u e m e n t de « laconiser ». S u r les gens, il a ses idées, avec trois pr inc ipa les tê tes de T u r c (sans par le r de la m e n u e cliquaille, c o m m e il dit , de ses adversa i res de m o i n d r e volée) : Cléon, Socrate , Eur ip ide . Mai s t o u t n ' e s t pas clair dans la querel le d u j eune Ar i s t ophane et de Cléon : n ' y eut- i l pas q u e l q u e a c c o m m o d e m e n t passage r? T r o i s vers des Guêpes qui se d é r o b e n t avec q u e l q u e e m b a r r a s derr ière u n p rove rbe d o n t l ' app l ica t ion reste obscu re et cont roversée , le d o n n e n t à penser . Q u a n t à Socra te , no t r e h o m m e fu t de ses amis, et des amis de ses amis, c o m m e en t émoigne le Banquet de P l a ton ; et Eu r ip ide , il le sait pa r coeur : qu i sait si son achar- n e m e n t à l ' a t t aque r n ' e s t pas le signe d ' u n e vér i table fasci- n a t i o n ? Les vues de Gi lbe r t M u r r a y , qui t e n d e n t à m o n t r e r que , b lague à pa r t , il admi ra i t s i n c è r e m e n t ces deux g rands espri ts , ne son t pas à écar ter t o u t à fait. (Res te q u ' u n Aris-

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tophane envisagé « blague à part », c'est un être tout théo- rique, dont on peut se demander ce qu'il garderait de commun avec l'Aristophane réel...) Ses idées nous ménagent bien d'autres perplexités : comment peuvent-elles être si mou- vantes, étant si arrêtées ? Il n'aime rien tant que la vie pai- sible, celle du paysan de l'Attique, entre sa vigne, ses figuiers et ses oliviers, avec le coin des violettes, près du puits ; mais lorsque Lysistrata est venue à bout de réconcilier Athéniens et Spartiates, en sorte que chacun pourra désormais rester avec sa chacune, et chacune avec son chacun, le dernier vers de la comédie est pour proclamer tout à trac : Célébrons la toute-puissante et toute-guerrière, la déesse au temple de bronze ! Notre poète honnit toutes les nouveautés, que ce soit en littérature, en musique, en philosophie, en pédagogie ou en morale. Il est l 'homme du temps de Miltiade et d'Aristide, le champion du respect dû aux pères et aux ancêtres ; mais cela ne le gêne pas pour prendre énergiquement la défense de la jeunesse dorée des Cavaliers et parfois le parti des jeunes contre les barbons radoteurs et entêtés : ainsi dans les Guêpes, où il bafoue et cajole à la fois les vieux Héliastes. Même jeu avec Démos - Lepeuple - dans les Acharniens ; même jeu pour l'argent, pour le beau sexe... Même jeu jusque pour les dieux, qu'Aristophane défend contre Socrate - mais un peu comme Molière, devant Don Juan l'impie, fait défendre pêle-mêle le bon Dieu, l'enfer et le loup-garou par Sganarelle - et dont il ne perd pas une occasion de se gausser comme cupides, faméliques, couards, bravaches et malfaisants : des hymnes religieux admirables s'intercalent dans d'épaisses et blasphématoires gaudrioles.

Non moins surprenantes sont certaines des professions de foi qu'il lance sur son art. A maintes reprises il s'enor- gueillit d'avoir été le premier à donner à la muse comique quelque dignité, mais ce faisant, il nous offre avec une in- conscience ou une impudence... désarmantes le bâton pour le battre : d'abord c'est lui, et lui seul, qui a fait renoncer ses rivaux à exercer toujours leur verve sur les guenilles, et à batailler contre les poux. Ces Héraclès brouilleurs d'omelettes et criant famine, vous savez ? c'est lui qui le premier les a vidés comme

Allons, que chacun s 'en aille au travail des champs !

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des malpropres ; et qui a donné congé aux esclaves qu'on t i ra i t de leur trou, pleurnichant à tout propos. Ceci est dans la Paix . Or trois ans plus tôt les Cavaliers d é b u t e n t pa r des jéré- miades de d e u x esclaves ba t tus , et seize ans après dans les Grenouilles, il par le des gal imafrées de pu rée d o n t se gorge Héraclès . En suppr imant ces misères, ces balourdises, ces bouf-

fonneries sordides, il nous a bâti un a r t vraiment fo r t , il l ' a élevé pierre à pierre, et crénelé de fortes paroles et de fortes idées, de blagues qui ne t raînent pas au coin des rues. I l ne mettai t pas en scène des pauvres types sans surface, ni des femmes. V r a i m e n t ? E t que fait-il dans telles scènes des Acharniens, des Thesmophories ?... E t les douza ines et douza ines d ' i nd iv idus obscurs qu ' i l t ra îne dans la boue , et à p ropos desquels les é rud i t s s ' a r r achen t les cheveux p o u r che rche r de quoi et de qui il s ' ag i t?

Il n ' es t pas u n e seule de ces con t rad ic t ions ou de ces incer t i tudes qui ne fasse pense r à Rabelais , et la clé est la m ê m e dans les deux cas : il s 'agi t là de deux génies p o u r lesquels tou t s ' o r d o n n e et se d é s o r d o n n e selon la s u p r ê m e et u n i q u e loi d u rire à déchaîner . Ils on t des idées, D ieu sait, et des ferveurs , des ha ines , des mépr i s et des dégoûts qu ' i l s ne se p r iven t pas de faire connaî t re . Mai s ce ne son t pas des h o m m e s qui , péné t rés de que lque grave pensée, s ' asseyent à leur table de travail et déc iden t après m û r e réflexion d 'hab i l - ler l eu r « message » d ' o r i p e a u x drola t iques p o u r le r é p a n d r e avec moins de péri l et p lus d'efficacité. Rabelais nous la baille belle, avec son os et sa « subs tan t i f ique moel le » : car qu ' e s t - ce qu i est l 'os, et qu ' e s t - ce qu i est la moel le? Quel le est son in ten t ion , en dern iè re analyse ? N o u s suggérer bur l e s - q u e m e n t de hau tes pensées , ou nous in t rodu i re , en caval- cadant à t ravers les ques t ions les plus graves, à une vision « p a n c o m i q u e » des êtres et des choses ? O n en p o u r r a déba t t r e l o n g t e m p s encore. . .

« Ces badiner ies ne son t telles q u ' e n apparence , car dans le fond elles po r t en t u n sens très solide... » Cela, c 'est u n au t re encore qui l 'a dit , et qui d o n n e b ien d u fil à r e to rd re aux doct r ina i res qui essaient de savoir p o u r de bon ce qu ' i l pense : il est b o n h o m m e , La Fon ta ine , il est f inaud, il a

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de grosses naïvetés qui cachent souvent ses subtilités les plus aiguës, il raconte de petites histoires saugrenues dont la morale est très plate et banale (les gros mangent les petits ; il fait bon vivre en paix, en s'occupant de ses affaires ; méfiez- vous des flatteurs, des beaux parleurs, des entêtés ; gardez- vous des faux malins et des faux imbéciles, etc.) et qui parfois n'ont pas de morale du tout, ou bien si ambiguë qu'on se demande où il a voulu en venir. Et poète, par-dessus le marché! Son cas aussi éclaire celui d'Aristophane, bien que sa gaieté à lui ne soit que celle du sourire, cet « air agréable qu'on peut donner à toutes sortes de sujets, même les plus sérieux ».

Rire, fantaisie et « sagesse des nations » font assez bon ménage ; ils sont cousins, et il y a entre eux une substantielle amitié, ne serait-ce que parce qu'ils ont les mêmes ennemis : le pathétique, la raideur, la solennité, le morose - et aussi la logique, du moins celle du doctrinaire qui a souvent, précisément, tous ces caractères-là. Ils ont la leur, et très réelle, mais dont les catégories sont toutes différentes : logique du rire, logique de la gambade, logique du proverbe sont irritantes et délicieuses parce qu'elles battent en brèche l'évidence fondamentale qui voudrait qu'un être raisonnable ne puisse pas se complaire dans l'absurde et le contradictoire. Elles devraient être indéfendables, et elles le sont en effet, dès qu'on y réfléchit sévèrement comme Jean-Jacques ou Lamartine. Mais le scandale, et le miracle, c'est qu'elles sont tout de même parfaitement respirables, et même seules respirables et roboratives pour une foule d'esprits, les plus hauts comme les plus humbles, et qu'elles le sont pour tout homme normal, au moins à certaines heures de sa vie ou de celle de la cité, les plus belles comme les plus sombres.

Au carrefour de ces logiques-là est Aristophane. Avant de l'aborder, force est donc bien de dessiner ce que furent, avant lui et de son temps, les cheminements de la fantaisie comique et les données sociales, politiques et morales sur lesquelles pouvait s'exercer à Athènes, en pleine guerre du Péloponnèse, un bon sens populaire aussi intrépide qu'im- puissant.

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DU CÔMOS A LA COMÉDIE

Les origines de la comédie a t t ique sont for t obscures dans le détail et dans la chronologie , mais, dans les g randes lignes, suf f i samment ne t tes p o u r ce qui nous impor t e ici.

Ce t t e fo rme de théâ t re , c o m m e tou tes les aut res , se ra t t a - che à des festivités religieuses, et, de fait, elle y est tou jours restée liée : c 'est au cours des fêtes annuel les de Dionysos , L é n é e n n e s ou Dionysies , au théâ t re de Dionysos , devant la s ta tue de Dionysos , en p résence et sous la p rés idence d u g r a n d prê t re de Dionysos que tou tes les comédies d 'Ar i s - t o p h a n e f u r e n t jouées, c ' es t -à -d i re chantées et dansées , brail lées et gesticulées. Mais Dionysos est u n dieu, si l ' on ose dire, s ingu l iè rement polyvalent . Les d i t hy rambes célébrés en c o m m é m o r a t i o n des exploits et épreuves de Bacchus on t d o n n é naissance, à la fois pa r é la rg issement (dans les sujets) et p a r concen t ra t ion (dans le ton) , à la t ragédie . Mais les joyeusetés ne m a n q u a i e n t pas dans les aven tures d u n o u r - r isson de Silène p o u r d o n n e r mat iè re à déve lopper des d o n - nées plus joviales : dans le d r a m e sa tyr ique , qui est res té p e n d a n t tou t le Ve siècle le c o m p l é m e n t no rma l des trilogies t rag iques , le c h œ u r est tou jours composé de satyres velus et endiablés d o n t les singeries dé t enda ien t les nerfs et dila- ta ient la rate d u publ ic .

Le culte de Dionysos mélangeait la Semaine Sainte et le mardi-gras...

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Ainsi le culte même du dieu postulait fantaisie débridée, ses solennités mêmes organisaient l'irrespect. En chrétienté, les libertés du Carnaval et de la Mi-Carême sont comme des compensations octroyées ou arrachées à l'austérité des pres- criptions religieuses ; des « paraliturgies » plus ou moins parodiques y prennent corps, à l'égard desquelles l'attitude des autorités peut varier de la réticence à la tolérance, voire de la coercition à la connivence : du moins le cortège du Bœuf gras n'a-t-il pas pour but de rendre gloire à Dieu au même titre que la procession des Rameaux et celle du Vendredi saint. Or, à Athènes, le culte de Dionysos mélangeait la Semaine sainte et le Mardi gras. Une cohue ivrognante et festivante se répand avec force vociférations, et mimiques obscènes, échangeant facéties et quolibets avec les bonnes gens qui font la haie. En tête titube un phallophore, dont le gigantesque et rubicond attribut ouvre la voie et rallie les égarés ou attardés ; trognes barbouillées de lie de vin, accou- trements saugrenus, tintamarre de chaudrons et de pots cassés : c'est le cômos des Lénéennes, des Anthestéries ou des Dionysies rurales, d'où est sortie la comédie aristopha- nesque, qui passe dans les faubourgs d'Athènes. Pour nous autres, gens raisonnables et évolués, que nous soyons des âmes pieuses ou des esprits forts, de trois choses l'une : nous connaissons le sacré, le sacrilège et le laïc, c'est l 'un ou l'autre. Qu'une manifestation, un spectacle, où les institutions reli- gieuses sont ouvertement intéressées, puissent n'être ni sacrés, ni sacrilèges, ou, si l'on préfère, puissent être les deux à la fois, nous avons peine à le concevoir. Ainsi en était-il pourtant. Il faudrait se reporter à certains dévergondages - cléricaux, anticléricaux ? allez en décider ! - de la fin du Moyen Age pour comprendre cela. Et Rabelais peut nous y aider : lorsque frère Jean, n'écoutant que sa sainte indigna- tion et empoignant à deux mains « le bâton de la croix qui estoit de cœur de cormier », défend si vaillamment le vignoble de Seuillé contre les pillards picrocholins, c'est bien à la fois le vin de la messe et celui du réfectoire qu'il entend sauver pour ses frères et pour lui-même...

Dionysos est un très grand dieu, sur qui se rassemble

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La ceinturer, soulever, culbuter... ( Musée de Munich)

tout un héritage de croyances et d'adorations venues d'Asie Mineure, et de plus loin encore vers l'Orient. Mais il s'est bien enraciné. Il incarne et patronne les puissances de la végétation et la fécondité, de la surabondance vitale. Lorsque, dans les Grenouilles, le dieu déplore la pénurie de poètes capables de donner aux jeux dramatiques qui se déroulent en son honneur un éclat digne de lui et d'Athènes, il déclare qu'il n'y en a plus un qui soit yov»,|jLOç. Admirable adjectif, à prendre au sens le plus direct : mâle vigueur dans l'inspira- tion héroïque ou burlesque, richesse du sang qui circule dans les organismes plantureux, de la sève qui monte dans les tiges,

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collections microcosme P E T I T E P L A N È T E

1 Autriche, C. Vausson. 2 Suède, F.-R. Bastide. 3 Italie, S. Romano. 4 Pays-Bas, I. et J.-Cl. Lambert. 5 Irlande, C. Bourniquel. 6 Grèce, M. Cranaki. 7 Allemagne, J. Rovan. 8 Tunisie, M. Zéraffa. 9 Suisse, D. Fabre.

10 Espagne, J.-P. Almaric. 11 Turquie, J . -P. Roux. 12 Chine, P. Fava et

J. Leclerc du Sablon. 13 Iran, V. Monteil. 14 Israël, D. Catarivas. 15 Danemark , J . Bailhache. 16 Portugal , F. Villier. 17 Tahit i , J . -M. Loursin. 18 Belgique, T. Henrot. 19 Inde, P . Amado. 20 Brésil, P. Joffroy. 21 Japon, Yéfime. 22 Sahara, F. Vergnaud. 23 URSS, J . Marabini. 24 Grande-Bretagne, J. Bailhache. 25 Yougoslavie, Domenach et Pontault. 26 Finlande, G. Desneiges. 27 Norvège, S. Pivot. 28 Madagascar , S. Thierry. 29 Venezuela, J. Diemer.

30 Égypte, S. Lacouture. 31 Maroc, V. Monteil. 32 Pologne, E. Fournier. 33 Australie, P. Michaels. 34 Mexique, X. Pommeret. 35 Tchécoslovaquie, P. Philippe. 36 Argentine, P. Kalfon. 37 Canada , R. Hollier. 38 Afrique des Grands Lacs, J. Milley. 39 Liban, A. Chedid. 40 Chypre, L. Princet et N. Athanassiou 41 Haït i , M. Bit ter-. 42 Colombie, J. Aprile-Gniset. 43 Albanie, E. Zakhos. 44 Indonésie, V. Monteil. 45 Roumanie , M. Louyot. 46 Hongrie, G. Aranyossy. 47 Afghanistan, M. Barry. 48 Birmanie, E. Guillon, C. Delachet. 49 Yémen, C. Fayein. 50 Népal, D. Odier. 51 Antilles, R. Hollier. 52 Thaïlande, D. Gonin. 53 Pérou, C. Collin Delavaud. 54 Pakistan, C. Debayle. 55 Mongolie, S. Dars. 56 Libye, P. Audibert. 57 Iles grecques, M. Cranaki. 58 Syrie, A.-M. Perrin-Naffakh.

collections microcosme P E T I T E P L A N È T E / V I L L E S

101 New York , P. et L. Blacque-Belair. 102 H o n g Kong, J -R. Bure. 103 Amsterdam, D. Fernandez.

104 Venise, J. Marabini. 105 Athènes, A. Fakinos. 106 Rome, J. Nobécourt.

collections microcosme LE RAYON D E LA SCIENCE

10 L'énergie nucléaire, Y. Chelet.

20 Le froid, en collaboration.

23 La médecine chinoise, G. Beau.

25 Physique de l 'océan, V. Romanovski.

28 Histoire des mammifères , R. Lavocat.

29 Les médicaments, J . -M. Pelt.

30 Les mathémat iques modernes, A. Warusfel.

31 L ' informat ique , M. Ponte et P. Braillard.

ACHEVÉ D'IMPRIMER EN 1 9 7 9 PAR L'IMPRIMERIE TARDY QUERCY (S.A.) BOURGES D. L. 3e t r i m . 1 9 6 2 . N° 1 3 5 2 . 3 ( 3 7 0 2 )

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