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BACTERIOLOGIE GENERALE (1)

3E CANDIDATURE

J. MAINIL 2004/2005

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1. Présentation des bactéries

1.1. La place des bactéries dans le monde vivant

Les premières descriptions attestées d’organismes vivants invisibles à l’œil nu (micro-organismes) ont été faites

par un drapier hollandais, Antoni van Leeuwenhoek au cours des années 1670 et 1680. De très nombreux micro-

organismes furent décrits durant le 18ème siècle et des tentatives de classification furent proposées. Mais ce n’est

que durant le 19ème siècle qu’elles aboutirent véritablement, après de nombreux essais. Tous les micro-

organismes unicellulaires furent officiellement regroupés sous le nom de « protistes », qui signifie « les tout

premiers (protistos) » en grec (E. Haeckel, 1866). Cependant, dès le 18ème siècle, il était apparu que deux grands

groupes pouvaient être décrits : les micro-organismes pourvus d’un noyau, tout comme nos propres cellules (ou

protistes eucaryotes), et les micro-organismes sans noyau (ou protistes procaryotes : pro = avant ; karyon =

noyau, en grec). Les premiers furent dénommés « protozaires », qui signifie « premier ou primitif (protôs) » et

« animal (zôon) » en grec (O.F. Müller, 1786 ; reconnu officiellement en 1920). Les protistes procaryotes furent,

de leur côté, dénommés « bacterium » en 1872 par F. Cohn. « Bacterium » est un dérivé latinisé d’un terme

français « bactéridie » (C.J. Davaine, 1850), signifie lui-même « bâton ou bâtonnet (baktêrion) » en grec. Enfin,

le mot « microbe (mikros : petit ; bios : vie ; en grec) » fut proposé en 1878 par C.E. Sédillot, pour désigner tous

les micro-organismes invisibles à l’œil nu. « Microbe » et « protiste » sont en quelque sorte des équivalents,

même si aujourd’hui la science de la microbiologie inclut les bactéries et virus, à l’exclusion des protozoaires.

Aujourd’hui, les protistes comprennent non seulement des êtres unicellulaires simples et syncitiaux, mais aussi

des êtres pluricellulaires à cellules indifférenciées. Beaucoup plus récemment (dans les années 1970), un

troisième type de cellules fut décrit à côté des cellules eucaryotes et des procaryotes classiques (ou eubactéries)  :

les archaebactéries (archae : ancien) (C. Woese, 1970). Les cellules des archaebactéries, bien que dépourvues de

véritable noyau et formant donc des cellules procaryotes, ne sont ni des cellules eucaryotes, ni des eubactéries.

Par rapport aux cellules eucaryotes, les cellules procaryotes n’ont pas de membrane nucléaire, pas de noyau

différencié, pas d’appareil de Golgi, pas de protéines histones, pas de mitochondries, ni de chloroplastes. Ces

deux dernières organelles dérivent d’ailleurs de bactéries ancestrales qui ont développés une relation

symbiotiques avec les cellules eucaryotes. Les cellules procaryotes possèdent un chromosome sous forme d’une

molécule circulaire d’acide désoxyribonucléique et des ribosomes avec une valeur de sédimentation 70S (ceux

des cellules eucaryotes ont une valeur de sédimentation 80S). De plus, les (eu)bactéries possèdent une structure

externe à la membrane plasmique, qui s’appelle la paroi (mis à part les mycoplasmes et les chlamydies), qui

formée d’une molécule particulière appelée le peptidoglycan, que l’on ne retourve pas dans la paroi de

archaebactéries. D’autres différences entre cellule eucaryotes, (eu)bactéries et archaebactéries sont reprises dans

le tableau 1.

Les archaebactéries forment un groupe de bactéries primitives, telles qu’elles devaient exister au temps de

l’atmosphère primitive de la terre. Elles ne comprennent aucune espèce d’intérêt médical, mais sont d’un très

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grand intérêt biologique en général, car elles vivent dans des conditions extrêmes (bactéries extrémophiles) :

sources d’eau bouillante, abysses des océans, mer Morte, lacs acides, ...

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TABLEAU 1 : Caractères différentiels généraux des cellules eucaryotes, des bactéries et des archaebactéries.

Caractéristiques Eucaryotes Archae(bactéries) (Eu)bactéries

Paroi bactérienne Absente Absente ou présente

sans peptidoglycan

Présente avec

peptidoglycan

Lipides membranaires Chaînes droites unies

au glycérol par des

liaisons ester

Chaînes ramifiées unies

au glycérol par des

liaisons éther

Chaînes droites unies

au glycérol par des

liaisons ester

Génome 2n chromosomes

linéaires dans le noyau

Un chromosome

circulaire libre

Un chromosome

circulaire libre

Introns dans les gènes Oui ? Non

Protéines histones Oui Non Non

Gènes ARNr 18S, 5.8S, 28S 16S, 23S, 5S 16S, 23S, 5S

Taille ribosomes 80S 70S 70S

Sensibilité ribosomale (td,

cyclo, cmp)

toxine diphtérique (td),

cycloheximide (cyclo)

toxine diphtérique (td) Chloramphénicol (cmp)

Boucle d’ARNr se liant aux

protéines ribosomales

Non Non Oui

Séquence commune aux

ARNt

Oui (Gua-Thy-

Psduridine-Cyt-Gua)

Non Oui (Gua-Thy-

Psduridine-Cyt-Gua)

Codon d’initiation Méthionine Méthionine Formylméthionine

Reproduction Mitose Scissiparité Scissiparité

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1.2. Formes et aspects au microscope

Le monde des (eu)bactéries est riche en formes différentes, visibles au microscope optique. Non seulement

chaque cellule bactérienne présente une forme particulière (coque, bâtonnet, vibrion, filament,…), mais aussi les

cellules filles dérivées d’une cellule mère peuvent-elles s’assembler de manières particulières (amas, chaînettes,

…). Certaines espèces n’ont cependant pas de forme fixe au cours de leur cycle vital et sont dites pléiomorphes

(actinomycètes, mycoplasmes, ...). En fait, les formes et assemblages typiques de chaque genre ou famille de

bactéries sont surtout observés chez l’animal. Lors de culture en milieu liquide, ils pourront parfois être

observés, mais très rarement après culture sur milieu solide. Ces différents formes et assemblages varient selon

l’espèce et la souche bactériennes, bien sûr, mais aussi selon le milieu, l’âge et les conditions de culture pour la

même espèce bactérienne.

Par exemple, l’ensemble des genres et espèces formant la famille Enterobacteriaceae se présentent sous forme

de courts bâtonnets (coccobacilles) à tel point qu’il est extrêmement difficile de les différencier les uns des autres

au microscope après coloration de Gram. Cependant, des variations sont observées selon l’espèce et, à l’intérieur

d’une même espèce, selon la souche (longueur des bâtonnets). De plus, selon que l’on examine une culture en

bouillon, sur gélose au sang ou sur gélose sélective, la longueur des bâtonnets varie aussi. Enfin, une culture

jeune est surtout composée de courts bâtonnets tandis que leur taille est plus grande dans une culture âgée.

Certains bactériologistes ont tenté de définir des critères de taxonomie à partir des formes et dimensions des

bactéries. Ces critères sont valables dans des conditions bien standardisées et reproductibles, mais sans plus.

1.2.1. Coques

Les coques sont des bactéries de type sphérique (coccus = grain, baie). Il s’agit d’un nom générique qui n’a

aucune valeur de nomenclature, mais aide à l’enseignement et à la classification en général. Toutes les bactéries

cocciformes n’ont pas une forme sphérique parfaite : certaines sont allongées, d’autres présentent une face

aplatie, etc. Les coques se multiplient selon un, deux ou trois plans de division. Les formes qui en résultent sont

respectivement des chaînettes, des tétrades ou des amas. La taille moyenne des coques est de 0,8 à 1 µm avec des

extrêmes de 0,5 à 2 µm .

1.2.1.1. Diplocoques (Diplo = deux)

Les diplocoques sont formés de deux coques assemblés : Streptococcus pneumoniae, Neisseria spp.

1.2.1.2. Streptocoques (Streptus = pliable, flexible)

Les streptocoques sont formés de chaînettes de coques. Ces chaînettes sont plus ou moins longues :

Streptococcus spp., Enterococcus spp.

1.2.1.3. Tétrades

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Les tétrades sont des amas de quatre bactéries formés suite à l’existence de deux plans de division cellulaire.

1.2.1.4. Sarcines (Sarcina = un paquet)

Les sarcines sont des amas réguliers en trois dimensions de huit cellules bactériennes suite à l’existence de trois

plans de division cellulaire se succédant de manière ordonnée : Sarcina spp.

1.2.1.5. Staphylocoques (Staphylo = grappe de raisin)

Les staphylocoques sont des amas irréguliers de bactéries formés suite à l’existence de trois plans de division

cellulaire se succédant de manière anarchique : Staphylococcus spp., Micrococcus spp.

1.2.2. Bacilles ou bâtonnets

Les bacilles sont des bactéries allongées dont un axe est de toute évidence plus grand que l’autre. Il n’y a pas

toujours une limite bien nette et franche entre les bâtonnets et les coques : certains coques sont allongés ; certains

bâtonnets sont très courts et à extrémités arrondies (coccobacilles). La longueur du bâtonnet peut varier dans

certaines limites selon les conditions et l’âge de la culture pour une souche donnée, comme il a déjà été dit.

Les bâtonnets ne présentent qu’un seul plan de division cellulaire : médian. Dans une culture en multiplication,

les bâtonnets sont isolés, en paires (diplobacilles), en chaînettes plus ou moins longues (streptobacilles), en amas

plus ou moins irréguliers (en lettres chinoises) selon les espèces, les souches et les conditions de culture.

1.2.2.1. Coccobacilles

Il s’agit de la forme typique d’un grand nombre de bactéries pathogènes telles les pasteurelles et apparentées

(famille Pasteurellaceae) et les entérobactéries (famille Enterobacteriaceae). Ces bactéries ne sont pas beaucoup

plus longues que larges et les extrémités sont arrondies.

1.2.2.2. Bacilles corynéformes (coryne = une massue)

Il s’agit de courts bâtonnets de forme irrégulière présentant une extrémité épaissie sous forme de massue ou de

baguette de tambour. En général, cette extrémité apparaît colorée plus intensément. Il s’agit de la forme typique

du bacille de la diphtérie (Corynebacterium diphteriae). Par analogie, les bactéries avec cette morphologie ont

été appelées bâtonnets corynéformes ou diphtéroïdes, bien que toutes ne soient par rattachées à l’espèce C.

diphteriae taxonomiquement.

1.2.2.3. «   Vrais   » bacilles

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Les « vrais bacilles » ont des tailles variables. Leur forme est régulière, leur longueur est bien plus grande que

leur largeur. Un très grand nombre de bactéries peuvent être reprises dans ce groupe : Clostridium spp., Bacillus

spp., Listeria spp., Bacteroides spp., Pseudomonas spp. Leur taille varie de 0,5 µm sur 0,2 µm (Erysipelothrix

spp.) à 15 µm sur 1 µm (Clostridium septicum). Les extrémités sont, en général, moins arrondies que chez les

coccobacilles.

1.2.2.4. Bacilles filamenteux

Les bacilles filamenteux sont de très longs bâtonnets. Certaines espèces de bacilles peuvent être qualifiées de

bâtonnets filamenteux dans certaines conditions de croissance (Clostridium septicum). Ce caractère filamenteux

peut d’ailleurs être rapidement perdu en culture.

1.2.2.5. Bacilles fusiformes (fusus = un fuseau)

Les bacilles fusiformes sont des bâtonnets plus ou moins longs qui ont des extrémités effilées (Fusiformis spp.)

En subculture, ces formes typiques disparaissent et des formes bacillaires classiques apparaissent.

1.2.2.6. Bacilles ramifiés

Certaines bactéries peuvent former des ramifications à un moment au moins de leur cycle. Cette forme les fait

ressembler à des mycéliums, d’où leur nom d’actinomycètes (aktinos = rayon ; mykes = champignon) qui

comprennent les genres Mycobacterium spp., Actinomyces spp., Nocardia spp., Rhodococcus spp. et

Dermatophilus spp. D’autres genres comme Bifidobacterium spp. montrent aussi des formes ramifiées typiques,

mais plus courtes. Selon les espèces, les conditions et l’âge de la culture, les formes ramifiées sont plus ou moins

abondantes par rapport aux bâtonnets simples.

1.2.3. Courbées

Ces bactéries sont, en fait, des bâtonnets qui ne sont pas droits, mais courbés et qui forment des tours de spires.

Deux groupes sont distingués selon leur longueur.

1.2.3.1. Vibrions (vibrio = qui bouge rapidement)

Les vibrions sont des bâtonnets recourbés en virgule ou en vis. Ces bâtonnets sont courts (< 5 µm) et ne

présentent qu’un à deux tours de spire. Dans une culture, des formes droites peuvent aussi être observées. Les

genres de vibrions d’intérêt médical sont : Vibrio spp., Campylobacter spp., Helicobacter spp.

1.2.3.2. Spirilles (spirillum = petite spirale)

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Les spirilles sont des bâtonnets recourbés en longues spirales (jusqu’à 20 µm et plus, car certains spirochètes

atteignent 0,5 mm de longueur !) présentant de nombreux tours de spire. Ils sont fins tels les spirochètes (spira =

un tour ; chaeta = un cheveu) avec les genres Treponema spp., Brachyspira spp. et Serpulina spp. à spires

étroites et régulières, Borrelia spp. à spires larges et régulières et Leptospira spp. à spires étroites et irrégulières,

ou très épais tel le genre Anaerobiospirillum spp.

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2. Structure des bactéries

La morphologie détaillée des procaryotes ne fut révélée que grâce au microscope électronique car, vu leur petite

taille (ordre de grandeur du µm), le pouvoir de résolution du microscope optique se révéla bien trop faible. Les

cellules bactériennes sont en fait constituées, comme les cellules eucaryotes, d’un contenu, le cytoplasme et les

organelles, et d’un contenant, la membrane cytoplasmique et la paroi bactérienne. Cette dernière est, cependant,

un constituant unique des bactéries. Des structures extérieures aux membranes existent aussi tels la capsule, les

cils, les flagelles, les fimbriae.

Enfin, des formes particulières seront présentées, dont la spore bactérienne qui est une forme de résistance

particulière aux genres Clostridium et Bacillus, parmi les bactéries d’intérêt médical.

2.1. Le matériel génétique

Le matériel génétique d’une cellule bactérienne se répartit entre le chromosome bactérien ou nucléoïde, les

éléments extra-chromosomiques indépendants (plasmides) et les éléments portés par le chromosome ou un

plasmide, mais jouissant d’une certaine autonomie (phages, transposons, séquences d’insertion, transposons

conjugatifs, îlots de pathogénicité et de résistance).

2.1.1. Le nucléoïde

2.1.1.1. Présentation générale

Le matériel génétique de la bactérie est constitué d’une molécule d’acide désoxyribonucléique (ADN) de

composition classique, circulaire, bicaténaire et repliée sur elle-même de multiples fois, afin de tenir dans la

cellule bactérienne dont la grandeur est de l’ordre du micron, alors qu’elle-même fait un mm de longueur si on

l’étale (classiquement de 2000 à 3000 Mdaltons, soit 3000 à 5000 kilopaires de bases <kpb>). Cette “  pelote

d’ADN ”, appelée “ chromosome bactérien ”, est composée d’une zone centrale fortement condensée où les

gènes sont inactifs et de zones périphériques formées de boucles d’ADN où se déploient les gènes actifs

recouverts de polysomes. Cette molécule d’ADN ne fait pas partie d’une structure différenciée comme chez les

eucaryotes. Le terme de noyau est donc impropre et il vaut mieux utiliser celui de nucléoïde. L’ADN

chromosomique n’est pas associé à des protéines histones, même si certaines protéines pouvant jouer un rôle

similaire, ressemblant fortement en cela aux nucléoplasmes des mitochondries et des chloroplastes.

Cette molécule, ce « chromosome », est porteuse de toute l’information génétique nécessaire au métabolisme

bactérien (dégradations, synthèses) et à la reproduction de la cellule bactérienne (réplication de l’ADN, synthèse

de nouvelles membranes et parois, division proprement dite). Toute la séquence d’ADN du chromosome n’est

cependant pas codante. En effet, les gènes sont séparés par des régions intergéniques qui ne possèdent aucune

fonction particulière reconnue à ce jour. Avant la division cellulaire, deux copies du chromosome sont présentes

dans la bactérie (= réplication semi-conservative par le mécanisme des fourches). Ces deux copies vont ensuite

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ségréger vers les deux futures cellules filles (= partition). La réplication et la partition sont sous contrôle

génétique strict et sont intimement couplées à la division bactérienne, elle-même sous contrôle génétique (voir

chapitre 4). Certains antibiotiques agissent sur la réplication de l’ADN (novobiocine, quinolones) (voir chapitre

8).

L’information présente sur le chromosome bactérien permet de rechercher les profils métaboliques des bactéries

afin d’en définir l’appartenance à l’une ou l’autre espèce et afin de différencier les souches d’une même espèce

dans une optique épidémiologique (= biotype) (voir laboratoire).

Chez les bactéries pathogènes, le chromosome peut aussi être porteur de l’information génétique nécessaire à la

synthèse de facteurs de virulence (adhésines, toxines, …) (voir chapitre 7). Chez d’autres bactéries, il est aussi

porteur d’information génétique pour les résistances à des métaux lourds ou à des antibiotiques (résistances

d’origine chromosomique par rapport à celles d’origine plasmidique) (voir chapitres 8 et 9). Ces informations

sont classiquement présentes sur des fragments d’ADN nouvellement acquis. C’est ainsi que l’on considère

qu’une souche pathogène d’Escherichia coli possède 20 % d’information génétique supplémentaire par rapport à

une souche commensale non pathogène.

Alors que, pendant des décennies, le dogme du chromosome bactérien a régné, il apparaît que certaines bactéries

possèdent deux chromosomes (certaines souches de Brucella melitensis, Vibrio cholerae par exemple). Cette

situation peut cependant être une conséquence accidentelle de remaniements génétiques, telles que

recombinaisons légitimes (RecA-dépendantes) ou illégitimes (RecA-indépendantes). La recombinaison légitime

est basée sur les homologies de séquences et dépend du gène recA, tandis que la recombinaison illégitime est peu

comprise.

Un autre dogme qui a aussi disparu récemment est celui du chromosome bactérien circulaire. Certaines bactéries

(comme Borrelia burgdorferi) possèdent en effet un chromosome linéaire, dont les extrémités comprennent des

séquences inverses répétées, à l’instar de certains virus. Le mécanisme de réplication est inconnu, mais diffère de

celui des chromosomes des cellules eucaryotes.

2.1.1.2. Structure du gène bactérien

Un gène bactérien est composé d’une séquence d’ADN dite codante (= gène de structure) débutant par un codon

« start » ATG ou GTG (il en existe d’autres plus rares) qui code pour la formyl-méthionine et se terminant par un

codon « stop » TAA, TAG ou TGA. Jusqu’à il y a quelques années, les introns n’avaient pas été décrits dans les

gènes bactériens. C’est maintenant chose faite, même si de tels gènes restent peu fréquents. Suite à la

dégénérescence du code génétique et à l’évolution, les différentes espèces bactériennes possèdent des « taux

d’usage des codons » qui leur sont propres et, en conséquence, une composition en bases puriques et

pyrimidiques particulière (G+C %). Ces différences ont aussi leur importance dans l’expression de gènes clonés

dans une souche d’une autre espèce bactérienne. Dans le groupe des mycoplasmes par exemple, le codon TGA

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n’est pas un codon « stop », mais code pour le tryptophane. La connaissance des séquences des gènes bactériens

permet donc :

a) d’apporter un élément d’analyse supplémentaire à l’identification d’une souche bactérienne ;

b) de reconnaître l’origine étrangère de certains gènes (comme ceux qui codent pour des fonctions de virulence

ou de résistance) dans une espèce bactérienne particulière.

Le gène de structure proprement dit est précédé d’une région de liaison de l’ARN polymérase DNA-dépendante,

appelée « promoteur », dont la position en amont du gène de structure et la composition de base est commune à

la majorité des gènes bactériens. Ce promoteur est lui-même précédé, ou partiellement intégré, dans une zone qui

joue un rôle dans la régulation de l’expression du gène, « l’opérateur ». En aval du gène de structure, se trouve

un « site de terminaison » de la transcription, c’est à dire une séquence d’ADN qui représente le site de

détachement de l’ARN polymérase DNA-dépendante. Plusieurs gènes de structure peuvent être sous la

dépendance d’un seul promoteur et d’un seul site de terminaison : ils forment un opéron et sont transcrits en un

seul ARN messager.

2.1.1.3. Expression du gène bactérien

L’expression du gène bactérien est soumise aux influences positives et négatives de nombreux facteurs externes

(composition du milieu de croissance, température, atmosphère, présence de toxiques…) qui agissent,

directement ou indirectement (via une cascade de gènes intermédiaires) sur l’opérateur. Selon que cette action

sur l’opérateur soit celle d’un répresseur ou d’un activateur, la liaison de l’ARN polymérase DNA-dépendante au

promoteur est contrariée ou favorisée. L’activité du répresseur ou de l’activateur est elle-même sous la

dépendance de sa liaison, ou de l’absence de celle-ci, à une autre molécule comme un substrat (rappelez-vous de

la régulation de l’opéron lactose) ou le produit codé par un des gènes intermédiaire de la cascade de régulation.

Lorsque l’expression d’un gène intermédiaire dans une cascade influence elle-même l’expression de nombreux

autres gènes, tous les gènes de cette cascade sont regroupés sous le terme de « régulon ». De tels régulons sont

décrits dans les fonctions de virulence par exemple, dont l’expression n’est bénéfique pour la bactérie qu’à

l’intérieur de certains compartiments de l’hôte (voir chapitre 7). Il est, par exemple, inutile, et éventuellement

néfaste, d’exprimer des fonctions de colonisation de l’intestin lorsque la bactérie se trouve à hauteur du cerveau.

La traduction de l’ARN messager commence, à hauteur du codon « start » par la formyl-méthionine. Cependant,

lorsque ce même codon se retrouve à l’intérieur de la séquence codante, il code pour un acide aminé classique.

Le codon « start » doit donc être précédé d’une séquence particulière de reconnaissance. En effet, en amont de

cette séquence codante, dans la partie « leader » non codante de l’ARN messager, se trouve une séquence

appelée « Shine-Dalgarno », complémentaire d’une partie de la séquence de l’ARN ribosomial 16S. Cette

séquence « Shine-Dalgarno » permet donc la liaison ARN messager/ribosome. Différentes séquences « Shine-

Dalgarno » ont été décrites, mais certains ARN messagers en paraissent dépourvus (dans l’état actuel des

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connaissances). L’absence de membrane nucléaire permet à la traduction de débuter avant même que la

transcription ne soit terminée (couplage transcription/traduction).

Dans un opéron, les traductions des différentes séquences codantes présentes sur un seul ARN messager peuvent

être indépendantes ou couplées. Dans le cas de traduction couplée, la fin de la traduction d’un gène situé en

amont peut initier le début de celle du gène situé en aval et, ainsi de suite, en chaîne. Ce couplage entraîne, bien

entendu, l’absence de traduction du (ou des) gène(s) situé(s) en aval, lors de la présence d’une mutation

entraînant la suppression de la traduction du gène en amont (effet polaire d’une mutation). Que les traductions

des gènes d’un opéron soit ou non couplées, elles peuvent s’opérer à des séquences différentes  : un gène A peut

être traduit x fois plus ou x fois moins, fréquemment que le gène B du même opéron, selon l’affinité des

séquences « Shine-Dalgarno » de chacun des gènes (voir les toxines à deux sous-unités ; chapitre 7).

La traduction de l’ARN messager se termine dès que le ribosome rencontre un codon « stop », même s’il ne

s’agit pas du dernier codon de l’ARN messager. La terminaison de la traduction demande l’intervention de

nombreux facteurs bactériens, regroupés sous le nom de « facteurs de relâchement ».

2.1.1.4. Chromosome et typage des bactéries

Les chromosomes bactériens diffèrent en taille, selon les genres, les espèces et, même, les souches  : celui de

Escherichia coli avoisine 4700 kpb et celui de Clostridium perfringens, 3500 kpb. Un des plus petits

chromosomes d’une cellule douée de vie indépendante est celui de Mycoplasma pneumoniae : 600 kpb.

Les chromosomes bactériens diffèrent aussi en séquences permettant le développement de tests d’identification

et de typage moléculaire (voir aussi chapitre 5). Les déterminations de taux préférentiel d’usage des codons et du

G+C % (voir ci-dessus), par exemple, sont utilisées comme techniques complémentaires d’identification. Mais,

les principales techniques actuelles de typage moléculaire reposent sur des profils, ou empreintes, de restriction,

d’amplification, ou combinant les deux.

Les profils de restriction sont obtenus par l’emploi d’enzymes dite de restriction, qui coupent l’ADN à hauteur

de séquences, plus ou moins longues, très spécifiques. Comme ces séquences sont réparties de manière aléatoire

non uniforme sur le chromosome bactérien, les fragments d’ADN générés auront des tailles différentes. Il ne

reste qu’à les séparer par électrophorèse en gel d’agarose pour pouvoir comparer les profils de restriction.

Lorsque les fragments de restriction sont de taille « normale », la technique d’électrophorèse est classique et le

profil obtenu est appelé RFLP ou « Restriction Fragment Length Polymorphism » ; lorsque les fragments de

restriction sont de très grande taille suite à l’utilisation d’enzymes qui coupent rarement l’ADN chromosomique,

la technique d’électrophorèse est celle du « champ pulsé » et le profil obtenu est appelé PFGE ou « Pulse Field

Gel Electrophoresis ».

Les profils d’amplification sont obtenus par l’application de la technique de PCR ou « Polymerase Chain

Reaction ». Diverses variantes existent : PCR ciblée basée sur l’utilisation de primers correspondant à des

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séquences connues de gènes connus, RAPD ou « Random Amplified Polymorphic DNA » basée sur l’utilisation

de primers choisis au hasard, ERIC-PCR ou rep-PCR basée sur l’amplification de fragments à partir de

séquences répétées à hauteur du génome bactérien,… Ici aussi, les fragments d’ADN obtenus sont de tailles

différentes, seront séparés par électrophorèse en gel et les profils comparés par la suite.

Cette approche peut être couplée à la première, si l’on soumet en plus les fragments amplifiés d’ADN à l’action

d’enzymes de restriction : PCR-RFLP. De plus, n’importe quel profil en gel peut être hybridé avec une sonde

génétique particulière correspondant à un gène (codant pour les ARN ribosomiaux = ribotypage ; codant pour un

gène de virulence ou résistance aux antibiotiques ; etc) ou une séquence répétée que l’on veut étudier.

Ces techniques permettent de comparer le(s) profil(s) d’une souche bactérienne non identifiée avec ceux des

souches de référence de diverses espèces connues pour apporter un élément d’identification, ou de deux souches

de la même espèce bactérienne isolées de deux sources différentes afin d’établir un éventuel lien de transmission

(= lien épidémiologique). Elles sont ainsi appliquées dans de nombreuses infections zoonotiques (comme celles

par Escherichia coli O157:H7 ou Salmonella enterica) et dans des problèmes purement vétérinaires (comme les

infections par Brucella abortus ou Mycobacterium bovis chez les bovins).

2.1.2. Les plasmides

Les plasmides constituent des molécules circulaires d’ADN bicaténaire, quoique des plasmides non circulaires

aient été décrits, indépendantes du chromosome pour la régulation de leur réplication, même si elles utilisent la

machinerie enzymatique codée par le chromosome. Les plasmides sont présents en un nombre déterminé de

copies par copie du chromosome (n). Trois groupes sont décrits :

a) les plasmides à bas nombre de copies : il s’agit de grands plasmides (> 20 Mdaltons), présents en un ou deux

exemplaires par copie de chromosome ;

b) les plasmides à haut nombre de copies : il s’agit de petits plasmides (< 10 Mdaltons), présents à plus de 10

exemplaires par copie de chromosome ;

c) les plasmides à nombre intermédiaire de copies et à taille intermédiaire.

Avant la division cellulaire, le nombre de plasmides aura doublé de telle sorte que chaque cellule fille recevra un

nombre, sinon identique, du moins très proche de copies. Le mécanisme de réplication semi-conservative est soit

celui des fourches, soit celui du « rolling circle ». Cette réplication et cette répartition ou ségrégation dans les

cellules filles sont sous la dépendance de différents mécanismes moléculaires extrêmement complexes et stricts,

surtout pour les plasmides à bas nombre de copies.

Une autre propriété de certains plasmides est la conjugaison, c’est-à-dire la possibilité de se propager

horizontalement d’une cellule à l’autre dans une culture. La cellule donneuse conserve un exemplaire du

plasmide, la cellule receveuse en acquière un. Le mécanisme de réplication est celui du « rolling circle ». De

cette manière, les gènes présents sur ce plasmide se propagent très rapidement dans les populations bactériennes.

Le meilleur rendement de la conjugaison apparaît lorsque le transfert se fait entre deux souches de la même

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espèce bactérienne, mais des transferts plasmidiques sont observés entre espèces bactériennes parfois très

éloignées (entre Gram positives et Gram négatives par exemple). Même si le plasmide transféré est instable et

perdu par la suite, ces gènes peuvent s’établir de manière stable dans les bactéries réceptrices par recombinaison

légitime due à la présence de séquences d’insertion (voir chapitre 2.1.4) identiques sur le plasmide et le

chromosome ou par recombinaison site-spécifique grâce à la présence d’un transposon sur le plasmide (voir

chapitre 2.1.4).

Une autre propriété est celle de pouvoir s’intégrer dans le chromosome bactérien (à nouveau par recombinaison

légitime ou site-spécifique) et de pouvoir s’en exciser. Lors de cette excision, le plasmide emporte parfois un

bout de chromosome, qu’il peut ensuite propager dans d’autres bactéries par conjugaison.

Les plasmides codent, en général, pour des fonctions qui ne sont pas vitales pour la bactérie en dehors de toute

pression sélective. Les plasmides qui ne codent pour aucune fonction connue sont appelés « cryptiques ». Ces

fonctions sont :

a) résistance à des antibiotiques et à des métaux lourds,

b) synthèse de facteurs de virulence,

c) dégradation de molécules organiques,

d) fermentations,

e) bactériocines, …

En dehors de ces fonctions “ naturelles ”, les plasmides sont bien utiles au généticien moléculaire, car ils lui

permettent de cloner, de séquencer et d’exprimer des gènes, même d’origine non bactérienne. De plus, des

souches d’une même espèce peuvent posséder des contenus plasmidiques différents en nombre et en taille, qu’il

est possible de comparer après extraction et séparation par électrophorèse en gel, éventuellement après une

restriction (= profil plasmidique). Ces plasmides ont donc fourni un outil de typage complémentaire.

2.1.3. Les prophages

A côté des plasmides, une cellule bactérienne peut aussi renfermer de l’ADN phagique. Les phages sont les virus

des bactéries. Soit ils tuent la bactérie après l’avoir infectée et s’être reproduits, soit ils cohabitent sans problème,

jusqu’à ce qu’un élément extérieur vienne rompre cet état d’équilibre. Les phages de la seconde classe sont dits

« phages tempérés »,  et les bactéries qui les hébergent sont dites « lysogènes ». L’ADN du phage se trouve le

plus souvent intégré dans un site particulier du chromosome bactérien (= prophage) par recombinaison site-

spécifique le plus fréquemment (voir chapitre 2.1.4). Il s’en excise lors d’un stress, une irradiation aux UV par

exemple. Lors de cette excision, tout comme le plasmide, le phage peut emporter avec lui un morceau de

chromosome et le transmettre à d’autres cellules bactériennes (transduction). D’autres prophages seront présents

sous forme plasmidique et leur comportement est en tout point celui d’un plasmide.

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Les phages peuvent être porteurs de gènes codant pour des toxines et, dans ce cas, jouer un rôle dans la virulence

bactérienne. Ils sont aussi très utiles dans le typage de souches bactériennes appartenant à la même espèce à des

fins épidémiologiques (= lysotypie) (voir laboratoire).

2.1.4. Les transposons et séquences d’insertion ou “ gènes sauteurs ”

Un troisième type de molécules génétiques dans les cellules bactériennes sont les transposons (Tn) et les

séquences d’insertion (IS) qui sont insérés sur d’autres molécules d’ADN. Certains phages ont des

comportements qui les feront ressembler à des transposons (phage MU). Les transposons sont porteurs de gènes

codant pour des résistances aux antibiotiques, pour des facteurs de virulence, pour des fermentations … Par

contre, les séquences d’insertion ne portent pas de gènes donnant un phénotype à la bactérie.

Les transposons et séquences d’insertion sont des fragments linéaires (et non des molécules circulaires) d’ADN

bicaténaire qui ne peuvent se transmettre verticalement aux cellules filles que si la molécule porteuse

(chromosome, plasmide ou phage) s’est répliquée. Par contre, les transposons peuvent se transmettre

horizontalement dans la bactérie du chromosome à un plasmide, vice-versa, d’un plasmide à l’autre ou même

d’un endroit du chromosome à un autre (= gènes sauteurs) par des mécanismes de recombinaison site-spécifique.

Ce mécanisme de recombinaison est indépendant d’homologie de séquences d’ADN, mais dépend d’une

machinerie enzymatique codée par le transposon lui-même. Lors de ces « sauts », ils peuvent provoquer des

remaniements du matériel génétique : excision, délétion, inversion. Les transposons sont donc des outils

génétiques naturels très importants dans l’évolution et les remaniements génétiques dans le monde des bactéries.

Autrement dit, les bactéries font des “ manipulations génétiques ” depuis bien plus longtemps que l’homme !

2.1.5. Les transposons conjugatifs

Des transposons doués de propriétés de conjugaison ont aussi été décrits dans les bactéries Gram+. Il s’agit de

molécules qui se comportent comme des transposons, mais sont aussi capables de réaliser la conjugaison, comme

les plasmides, et donc de se transmettre horizontalement, à d’autres cellules bactériennes. Elles portent des gènes

codant pour des résistances à des antibiotiques.

2.1.6. Les îlots génomiques

Les îlots génomiques représentent des zones bien définies du chromosome bactérien qui possèdent des propriétés

différentes de celles qui caractérisent et définissent l’espèce bactérienne en question : G+C %, taux préférentiel

d’usage des codons par exemple sont différents. Ils représentent donc une information génétique d’origine

étrangère, acquise au cours d’échanges génétiques par transformation, transduction et/ou conjugaison, et intégrée

de manière plus ou moins stable dans le chromosome bactérien, ou sur un plasmide. Certains îlots génomiques

sont cryptiques, c’est à dire ne codent pour aucun phénotype reconnu à ce jour, mais la plupart codent pour des

informations de nature biochimique, de virulence (îlots de pathogénicité) ou de résistance (intégrons).

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2.1.6.1. Les îlots de pathogénicité

Les îlots de pathogénicité (« Pathogenicity Islands » ou Pai) sont des fragments linéaires d’ADN intégrés sur le

chromosome bactérien, parfois sur un plasmide, par un mécanisme de recombinaison site-spécifique. Il arrive

que deux îlots de pathogénicité différents possèdent le même site d’insertion à la base près sur le chromosome.

Ils se comportent comme des blocs indissociables et répondent aux définitions suivantes :

a) ils comprennent divers gènes codant pour des facteurs prouvés ou potentiels de virulence ;

b) ils sont présents dans certaines souches pathogènes, mais pas dans les souches non pathogènes de la même

espèce bactérienne ;

c) leur taille varie entre 10 et 200 kpb ;

d) leur contenu en G+C % est différent de celui de la bactérie hôte, attestant d’une origine étrangère ;

e) ils sont souvent encadrés par de courtes séquences répétées directes ;

f) ils sont associés à des gènes codant pour des ARN de transfert (site d’intégration) ;

g) ils contiennent aussi des gènes cryptiques ou exprimés codant pour des fonctions d’intégrases, ou de

transposases, et des séquences d’insertion entières ou partielles ;

h) ils sont souvent instables et s’excisent en bloc à des fréquences variables selon le Pai. Lorsqu’ils s’excisent,

toutes les fonctions pour lesquelles ils codent sont perdues.

2.1.6.2. Les îlots de résistance ou intégrons

Les îlots de résistance, ou intégrons, représentent des sites privilégiés du chrosomome bactérien qui sont

capables d’intégrer, par des mécanismes de recombinaison site-spécifique grâce à l’intervention d’intégrases

codée par le chromosome bactérien et de manière cumulative, des fragments d’ADN codant pour diverses

fonctions, dont, dans ce cas précis, des résistances à des antibiotiques et antiseptiques (voir chapitres 8 et 9). Ces

régions, ou sites d’intégration, peuvent ou non posséder des gènes intégrés et le nombre de gènes intégrés varie

d’un site à l’autre (le maximum décrit à ce jour est sept). Contrairement aux Pais, les intégrons ne sont donc pas

des blocs indissociables d’ADN. Quatre classes différentes d’intégrons ont été décrites à ce jour, dont les deux

premières sont, de loin, les plus fréquentes.

Parfois, un site d’intégration peut se retrouver sur un plasmide, ou même sur un transposon (voir chapitre 2.1.3).

Dans l’exemple du transposon Tn7, les gènes de résistance non seulement s’accumulent à hauteur du site

d’intégration, mais bénéficient, en plus, de la mobilité conférée par le pouvoir de transposition du Tn7. Si le Tn7

se retrouve sur un plasmide transférable, tous ces gènes de résistance peuvent aussi se disséminer dans d’autres

cellules de la même espèce bactérienne, voire d’espèces bactériennes différentes (voir le chapitre 2.1.2).

2.2. Les autres constituants cytoplasmiques

Les autres constituants cytoplasmiques sont peu nombreux comparés à une cellule eucaryote : les ribosomes et

les inclusions granulaires.

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2.2.1. Les ribosomes

Les ribosomes bactériens sont soit libres dans le cytoplasme, soit attachés à la membrane plasmique. Tout

comme les ribosomes des cellules eucaryotes, ils sont engagés dans la synthèse protéique et sont souvent

présents sous forme de polysomes ou polyribosomes. De plus, vu l’absence de compartiment nucléaire

différencié, ces polysomes sont accrochés au chromosome bactérien lui-même (couplage transcription-

traduction). Certains antibiotiques agissent sur la transcription directement (rifamycines) ou non (quilonones).

Cependant, ces ribosomes bactériens sont plus petits que leurs homologues des cellules eucaryotes (valeur de

sédimentation : 70S au lieu de 80S). Cette différence permet l’action sélective de certains antibiotiques

(aminoglycosides, macrolides, chloramphénicol) sur les ribosomes bactériens et non eucaryotes.

Leur morphologie et leur constitution moléculaire sont cependant semblables à celles des ribosomes eucaryotes.

Ils sont composés de deux sous-unités : 30S et 50S. Ces deux sous-unités sont constituées de protéines

nombreuses et de trois acides ribonucléiques, appelés 5S, 16S et 23S ARNr. La sous-unité 30S comprend

l’ARNr 16S et 21 protéines tandis que la sous-unité 50S comprend les ARNr 5S et 23S et 34 protéines. Les

gènes qui codent pour ces ARN ribosomiaux sont regroupés en un opéron, présent en un à plus de 10

exemplaires sur le chromosome bactérien. Le nombre de copies de cet opéron est en relation avec le temps de

génération (voir chapitre 4). Ces opérons sont aussi à la base de la technique de typage appelée ribotypage (voir

chapitre 2.1.1.4).

2.2.2. Les inclusions granulaires

Les inclusions sont des formations cytoplasmiques transitoires révélées par des colorations particulières. De 0,1

à 0,1 µm de dimension, elles sont constituées de substances énergétiques ou métaboliques mises en réserve par la

cellule bactérienne (glycogène chez Escherichia coli ; <phospho>lipidiques chez les mycobactéries ; etc). Elles

ne sont pas observées dans les bactéries en multiplication rapide, mais apparaissent dès que la croissance ralentit.

La privation de nutriments (fin de croissance pour une culture) en entraîne la disparition.

Dans certaines espèces bactériennes, ces granules ne sont pas une marque de richesse, mais de spécialisation. Il

en existe divers types :

a) de soufre chez les sulfo-(thio-)bactéries ;

b) de fer chez les sidérobactéries ;

c) de carbonate de calcium chez des bactéries autotrophes ;

d) de bêta-hydroxybutyrate chez certaines bactéries sporulantes ;

e) de polyphosphates.

Ces dernières sont des inclusions douées de propriétés métachromatiques (basophiles à la coloration de Giemsa).

Elles pourraient être responsables de « la coloration bipolaire des pasteurelles » (espèce Pasteurella multocida)

chez lesquelles elles s’accumulent aux pôles (voir laboratoire).

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2.3. Les membranes bactériennes

De même que la cellule eucaryote, la cellule bactérienne est entourée d’une membrane cytoplasmique. Des

couches plus externes, représentant la paroi bactérienne, existent aussi : celles des bactéries Gram positives sont

constituées d’une paroi épaisse de peptidoglycan et celles des bactéries Gram négatives, d’une paroi plus mince

de peptidoglycan et d’une membrane externe. Les rôles de la paroi bactérienne sont d’assurer une structure rigide

à la bactérie, de lui donner sa forme typique, de lui permettre de résister à la pression osmotique interne élevée et

de jouer un rôle de filtre vis à vis du milieu extérieur.

2.3.1. La membrane cytoplasmique

2.3.1.1. Composition et structure

La membrane plasmique des bactéries est semblable à celle des cellules eucaryotes et joue le même rôle  : limiter

le cytoplasme. Elle est identique pour l’ensemble des eubactéries. Sa structure est familière : une double couche

(8 nm) de lipides (30 à 40 %) avec insertion de protéines (60 à 70 %) tournées soit vers la face interne, soit vers

la face externe, ou présentes dans l’entièreté de son épaisseur. Cette structure est bien sûr dynamique, au

contraire de ce qu’elle semble être dans des représentations schématiques.

Les phospholipides qui la composent représentent 75 % de la teneur cellulaire totale en lipides. Elle contient

aussi plusieurs centaines de types différents de protéines qui représentent 6 à 9 % de la teneur cellulaire totale en

protéines. Les protéines membranaires interviennent dans de nombreux processus de la vie de la cellule

bactérienne : réactions enzymatiques, transports actifs, relais d’hormones et de toxines qui ne peuvent la

franchir. Certains antibiotiques (les polymyxines), divers antiseptiques et des toxines bactériennes (colocines,

bactériocines) ont pour lieu d’action la membrane plasmique.

2.3.1.2. Fonction(s)

Son rôle essentiel est d’être une barrière hydrophobe et osmotique. L’eau et certaines petites molécules

hydrophiles diffusent librement, tandis que les plus grosses molécules hydrophiles la franchissent par

l’intermédiaire de transporteurs protéiques (perméases). Si cette imperméabilité fonctionnelle est perturbée

(polymyxines, colicines) par création de pores, les grosses molécules diffuseront librement et la mort cellulaire

s’ensuivra. Inversément, les protéines sécrétées doivent la traverser pour atteindre le périplasme et le milieu

extérieur.

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Divers composants de la chaîne respiratoire qui assurent le transport d’électrons et les phosphorylations

oxydatives (voir chapitre 3) sont aussi localisés dans la membrane cytoplasmique. Les enzymes de synthèse du

peptidoglycan y sont aussi localisés.

2.3.1.3. Biogenèse

La biogenèse de la membrane plasmique se fait de manière indépendante pour les lipides et les protéines.

L’assemblage se fait selon des mécanismes encore mal connus et mal compris.

Les phospholipides sont synthétisés par des enzymes localisés dans la membrane cytoplasmique elle-même. Ils

sont ensuite insérés dans son feuillet interne et, suivant un mécanisme actif et régulé, éventuellement incorporé

dans son feuillet externe.

Les protéines membranaires sont synthétisées classiquement dans le cytoplasme. Leur séquence contient

l’information de leur future destination (voir 2.6). Entre autres, les protéines à localisation membranaire

contiennent une séquence signal –NH2 terminale hydrophobe (15 à 30 acides aminés) et un ou plusieurs autres

domaines hydrophobes leur permettant de s’insérer dans la bicouche lipidique de la membrane cytoplasmique.

Après un ou deux acides aminés chargés, une séquence d’acides aminés hydrophobes suit (de 15 à 30 AA) qui

permet l’insertion de la protéine dans la membrane interne. Selon leur structure primaire, ces protéines seront

donc tournées vers l’intérieur ou l’extérieur de la membrane cytoplasmique, ou dans son épaisseur (protéines

transmembranaires).

2.3.1.4. Les mésosomes

Il s’agit d’invaginations multidigitées de la membrane cytoplasmique observées chez les bactéries Gram

positives. Aucune fonction particulière n’a pu leur être attribuée et leur rôle n’est, en fait, pas encore connu.

Certains travaux mettent leur existence fortement en doute et pour certains auteurs, celle-ci est totalement

artéfactuelle. Les mésosomes se formeraient lors de la fixation de la bactérie. Mais personne ne peut expliquer

pourquoi ces invaginations se forment à certains endroits particuliers de la cellule bactérienne.

Leurs rôles potentiels sont les suivants : les mésosomes latéraux pourraient intervenir dans les processus

enzymatiques et de sécrétion (accroissement de la surface de la membrane) tandis que les mésosomes septaux,

localisés près du septum de division cellulaire comme leur nom l’indique, interviendraient dans la synthèse des

parois, dans la réplication du chromosome bactérien et la ségrégation des deux copies de ce chromosome lors de

la division cellulaire.

2.3.2. La paroi bactérienne

L’enveloppe bactérienne externe à la membrane plasmique s’appelle la paroi bactérienne. Ses rôles principaux

consistent à donner une forme à la bactérie, à la protéger des agents extérieurs et à maintenir une pression

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osmotique intracellulaire très élevée. Ces rôles sont surtout dévolus à une substance complexe qui est décrite ci-

dessous, le peptidoglycan (PDG).

Sur base de la composition et de la structure de la paroi, deux groupes de bactéries sont en fait décrits, les Gram+

et les Gram-, donnant ainsi une base et une explication moléculaires à une observation empirique vieille de près

d’un siècle (coloration de Gram ; voir laboratoire). Les bactéries à structure de paroi Gram+ ont reçu le nom de

FIRMICUTES (firmus = fort ; cutis = peau) et font partie de la division II du royaume des procaryotes ; celles à

structure de paroi Gram- le nom de GRACILICUTES (gracilis = mince ; cutis = peau) et font partie de la

division I du royaume des procaryotes. La paroi des bactéries Gram+ est épaisse (20 à 80 nm) et offre un aspect

homogène. Elle est composée essentiellement du peptidoglycan associé à des carbohydrates, dont le plus connu

est l’acide teichoïque. L’espace situé entre la membrane plasmique et la paroi s’appelle le périplasme. Dans

certaines espèces de bactéries Gram+, une couche de protéines ou de polysaccharides recouvre la paroi (=

couche S ; glycocalyx ; capsule ; zooglée).

La paroi des bactéries Gram- est plus fine et plus complexe. La couche de peptidoglycan ne dépasse pas 5 nm.

Elle est entourée d’une membrane externe similaire à la membrane plasmique dans laquelle se trouvent ancrés

divers antigènes, dont l’antigène somatique de nature lipopolysaccharidique. L’espace entre la membrane

plasmique et la membrane externe s’appelle le périplasme. Extérieure à la membrane externe des bactéries

Gram- se retrouve une couche protéique ou polysacharridique (= la couche S ; le glycocalyx ; la capsule ; la

zooglée). Les constituants et rôles de ces différentes couches vont maintenant être détaillés.

2.3.2.1. La molécule de peptidoglycan

2.3.2.1.1. Composition et structure

La molécule de peptidoglycan (PDG) est un complexe polymère tridimensionnel qui entoure toute la cellule

bactérienne. Ce polymère comprend deux sucres aminés et au moins quatre acides aminés différents. Ces six

molécules forment l’unité du polymère : le muropeptide. La composition du muropeptide et la structure exacte

du PDG diffèrent selon les bactéries.

Chez Escherichia coli, une bactérie Gram négative, le muropeptide est formé de :

a) N-acétylglucosamine ;

b) acide N-acétylmuramique (= N-acétylglucosamine liant l’acide lactique par une fonction éther en C3) ;

c) un oligopeptide comprenant dans l’ordre la L-alanine, l’acide D-glutamique, l’acide diaminopimélique

(DAP) et la D-alanine.

Les deux hydrates de carbone sont liés par un lien 1-4, tandis que la fonction carboxyle de l’acide lactique fixé

sur le C3 de la N-acétylglucosamine se lie à la L-alanine. Une unité de muropeptide est ainsi formée. Des

modifications peuvent être apportées à ce muropeptide, modifications qui varient d’une espèce bactérienne à

l’autre.

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Parmi les autres bactéries Gram- et parmi les bactéries Gram+, des différences dans la composition de l’unité de

muropeptide sont observées. Par exemple pour Staphylococcus aureus, le DAP est remplacé par de la L-lysine,

et chez d’autres bactéries par de l’ornithine ou de l’acide glutamique.

Une trentaine d’unités de muropeptides s’unissent pour former une chaîne de glycan. Dans cette chaîne, les

molécules d’acétylglucosamine et d’acide acétylmuramique alternent. La chaîne ainsi formée est une sorte

d’hélice de laquelle les tétrapeptides irradient dans toutes les directions permettant la formation de ponts dans les

trois dimensions.

Les chaînes de glycan d’E. coli s’assemblent, pour former un plan, par des ponts entre la fonction carboxyle du

DAP et la fonction aminée de la D-alanine à 80 % ou bien entre les fonctions carboxyle et aminée de deux

molécules de DAP à 20 %. De 30 à 50 % des muropeptides forment ainsi des liens doubles et environ 10 % des

liens triples. Chez les bactéries Gram+, les chaînes de glycan sont unies par un pentapeptide de glycine

(Staphylococcus aureus), un dipeptide de L-alanine (Streptococcus pyogenes), ou encore un pentapeptide

composé de trois molécules de glycine et de deux de L-sérine (Staphylococcus epidermidis). D’autre part chez

Staphylococcus aureus, les liens s’établissent entre tous les muropeptides adjacents, à hauteur de l’acide

glutamique en position 2 ou de la L-lysine en position 3 d’une part et la D-alanine en position 4 d’autre part.

Le PDG des bactéries Gram- est formée de deux à trois plans et celui des bactéries Gram+ d’une dizaine de plans

superposées. Les variations en composition chimique et en nature des liens covalents sont plus grandes parmi les

bactéries Gram+ que parmi les bactéries Gram-. Les analyses de paroi ont ainsi une grande valeur taxonomique

pour ces dernières.

2.3.2.1.2. Eléments associés au peptidoglycan

La paroi des bactéries Gram+ se caractérise, en outre, par la présence d’autres molécules, lipides, hydrates de

carbone et protéines. Une remarque préalable, cependant, est nécessaire. En effet, il n’est pas toujours facile

d’affirmer une localisation dans la paroi pour une molécule, car la paroi est aussi un endroit de passage pour

toute molécule exportée dans le milieu extérieur ou importée du milieu extérieur.

Les acides teichoïques sont des polymères de ribitol phosphate, de glycérol phosphate ou de mannitol phosphate,

voire de N-acétylglycosamine phosphate ou de N-acétylgalactosamine phosphate. Les groupes phosphates sont

ionisés. Ces acides teichoïques n’ont été décrits que dans la paroi des bactéries Gram+. Des hydrates de carbone,

des sucres aminés ou des acides aminés voisins sont fixés sur les groupes hydroxyles des ribitols et des glycérols.

Ce type d’association peut aussi avoir valeur taxonomique. Ces acides teichoïques se fixent sur le PDG par

l’intermédiaire des groupes phosphates et des acides muramiques. Leur fonction n’est pas connue.

Les acides teichuroniques sont des acides uroniques contenant des polysaccharides. Il s’agit aussi de polymères

anioniques suite à la présence du groupe carboxyl- sur l’acide uronique. Il n’y a pas de structure type, ni

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d’attachement type au peptidoglycan (direct ou avec intermédiaire). Leur fonction reste hypothétique (régulation

d’activités enzymatiques)

Des polysaccharides neutres sont présents dans certaines parois, telles celles des streptocoques (antigènes de

Lancefield ; voir aussi 2.3.3), ou les arabinogalactanes des genres Nocardia et Mycobacterium. Ils sont en

général liés de manière covalente au PDG.

Les acides lipoteichoïques sont des molécules amphiphiles présentes dans et à la surface du peptidoglycan. Ils

consistent en un polyglycérophosphate attaché à un diglycéride ou à un glycolipide. Les longueurs de chaînes

varient fortement. Ces acides lipoteichoïques peuvent former des micelles grâce à leur nature amphiphile.

D’autres conformations et des associations avec d’autres composants de surface, telle la protéine M de certains

streptocoques sont aussi observées.

D’autres molécules amphiphiles sont décrites dans certaines espèces bactériennes, mais on en connaît peu de

propriétés. Par exemple, le genre Micrococcus contient des lipomannanes, et le genre Mycobacterium des

lipoarabinomannanes.

Ces groupes particuliers de bactéries Gram+ que sont les genres Mycobacterium et Nocardia possèdent jusqu’à

60 % de lipides dans leur paroi. Ces lipides consistent, en partie, en longues chaînes d’hydroxyacides (acides

mycoliques) en liaison ester avec un polysaccharide d’arabinogalactane lié de manière covalente au

peptidoglycan sous-jacent. Une autre partie est constituée de glycolipides non liés. Cette composition particulière

est à la base, pense-t-on, des propriétés de coloration particulières de ces genres (coloration acido-résistante de

Ziehl-Neelsen).

La paroi des bactéries Gram+ contient aussi des protéines au peptidoglycan. Bien que leur quantité paraisse

négligeable (de < 1 % jusque 16 %), leur importance biologique ne peut être mise en doute. Cependant, la

fonction et le mode d’attachement (liaisons covalentes, interactions) n’est pleinement connu que pour un petit

nombre. Nombre de ces protéines servant de récepteurs (immunoglobulines, fibronectine, fibrinogène, collagène)

sont exposées vers le milieu extérieur. Dans certains cas, ces protéines sont organisées en projections, formant

des fibrillae ou des fimbriae : protéine M de certains streptocoques liée à des acides lipoteichoïques, par

exemple.

2.3.2.1.3. Fonction(s)

La molécule de PDG assure la rigidité et la forme cellulaire. Elle est ainsi capable d’endurer des stress

extrêmement élevés dus à la différence entre la pression osmotique du cytoplasme et celle du milieu extérieur à

la bactérie. Si cette notion est d’interprétation facile pour les bactéries Gram+, elle l’est moins pour les bactéries

Gram- chez lesquelles le PDG est réduit à deux ou trois couches. Cependant, chez ces bactéries Gram-, une

structure supplémentaire existe : la membrane externe, qui pourrait pallier la relative minceur du PDG, en

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intervenant comme un premier filtre. De plus, entre la membrane plasmique et la membrane externe existe un

espace appelé espace périplasmique, pouvant servir en quelque sorte de sas.

Lorsque la paroi cellulaire, et en particulier le PDG, est amoindrie, ou lorsque sa synthèse est bloquée, et lorsque

cette bactérie est placée dans un milieu hypotonique, la membrane cytoplasmique éclate et la cellule meurt.

Cependant, la cellule peut aussi se transformer sous certaines conditions favorables. Elle donne alors naissance à

des sphéroplastes, des protoplastes ou des formes L.

Dans le cas où le milieu extérieur a une pression osmotique plus élevée (milieu hypertonique), la plasmolyse se

produit et le protoplaste se ramasse sur lui-même à l’intérieur de la paroi.

Dans le cas de bactéries Gram+, les couches internes de peptidoglycan se retrouvent externes à la fin du cycle

vital. Les tensions seraient extrêmes, étant donné qu’elles doivent couvrir en fin de cycle une plus grande

surface, si des enzymes autolytiques ne cassaient certains liens covalents. Ces autolysines sont responsables de la

séparation des cellules filles après la complétion du septum de division cellulaire (voir division cellulaire  ;

chapitre 4).

2.3.2.1.4. Biogenèse

La synthèse des précurseurs du muropeptide se passe en grande partie dans le cytoplasme et s’achève dans la

membrane plasmique. L’assemblage en muropeptides ainsi que la formation des chaînes et des plans de glycan

se passent dans l’espace périplasmique. Les chaînes nouvellement synthétisées s’insèrent dans des plans

existants de glycan après lyse (par certaines autolysines) de certains liens covalents. La néosynthèse de PDG lors

de la division cellulaire et la formation du septum de division (voir chapitre 4) se produisent selon les mêmes

principes généraux, mais sont sous la dépendance d’autres enzymes de synthèse.

Cette synthèse est sensible à quatre classes d’antibiotiques : les cyclosérines dans le cytoplasme, la bacitracine

lors du transport au travers de la membrane plasmique, la vancomycine lors des premières étapes de

l’assemblage en chaînes et les pénicillines et céphalosporines lors des dernières étapes de l’assemblage (voir

chapitre 8).

2.3.2.2. La membrane externe

2.3.2.2.1. Composition et structure

La membrane externe est une structure particulière aux bactéries Gram négatives. Comme son nom l’indique,

elle est localisée à l’extérieur de la molécule de PDG. Au microscope électronique, elle apparaît constituée de

deux couches comme la membrane cytoplasmique, à laquelle elle est aussi apparentée par une composition

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chimique semblable. Il s’agit d’une membrane en bicouche lipidique contenant de nombreuses protéines à

fonctions diverses, ainsi que des lipopolysaccharides. Elle est reliée à la membrane plasmique par des jonctions

appelées “ ponts de Bayer ”, jonctions à hauteur desquelles les couches lipidiques des deux membranes

fusionnent. La structure des enveloppes d’une bactérie Gram- est donc : membrane plasmique (7,5 nm) –

périplasme interne (4 nm) – PDG (2 nm) – périplasme externe (1,5 nm) – membrane externe (7,5 nm).

Les lipides sont très semblables à ceux de la membrane interne et ne seront pas plus détaillés.

Les protéines (« Outer Membrane Proteins » ou OMP) sont très différentes par contre de celles de la membrane

interne, tant sur la nature que sur la fonction. Elles se divisent en trois groupes : la lipoprotéine, les porines et un

troisième groupe constitué de protéines à fonctions structurales, enzymatiques ou de conjugaison.

La structure du lipopolysaccharide (LPS) est assez complexe. La partie proximale, insérée dans la membrane

externe, est hydrophobe et est connue sous le nom de lipide A ou endotoxine (voir chapitre 7)  ; la partie distale

est hydrophile, de nature polysaccharidique, mais de composition variable selon les espèces et les souches. Cette

partie distale qui s’étend dans le milieu extérieur représente le véritable antigène somatique ou antigène O (=

premier antigène impliqué dans la sérotypie des bactéries Gram- ; voir laboratoire). La partie centrale,

dénommée le “ core ” ou noyau, est un oligosaccharide hydrophile dans sa partie distale, hydrophobe dans sa

partie proximale et fort semblable pour des espèces bactériennes proches. Selon la nature des hydrates de

carbone le composant, le core est dit homosaccharidique ou hétérosaccharidique. Certaines espèces bactériennes

(Brucella) possèdent deux LPS différents à leur surface. La répartition de ces deux LPS confèrent les propriétés

antigéniques particulières (antigène A et M) des espèces et souches de ce genre.

2.3.2.2.2. Fonction(s)

La fonction générale de la membrane externe est d’assurer un contact avec l’environnement et de protéger la

bactérie contre des influences néfastes : protection contre la phagocytose par la présence dans le LPS et ailleurs

de chaînes polysaccharidiques chargées négativement, exclusion de composés hydrophobes et de composés de

haut poids moléculaire, protection contre des changement brutaux de pression osmotique dans le milieu

extérieur, variation dans le système antigénique qui est perçu par le système immunitaire de l’hôte, ancrage des

adhésine, fimbriae et capsules … Une partie de ces fonctions, avec celles de l’espace périplasmique, permet de

pallier à la minceur relative de la couche de PDG chez les bactéries Gram négatives.

La lipoprotéine, dont un tiers des molécules, assure chez E. coli des liens covalents avec le PDG, donne une

stabilité à la membrane externe. Les protéines TolA et OMPA sont également très importantes dans la

stabilisation de la membrane externe et dans la formation des paires lors de la conjugaison plasmidique.

Les porines (OmpA, OmpF, OmpC, OmpD, LamB, PhoE…) forment des pores ou canaux relativement peu

spécifiques permettant le passage de petites molécules hydrophiles, y compris les antibiotiques ! Nombre de ces

protéines servent aussi de récepteurs à des phages ou à des toxines bactériennes (bactériocines). Certaines

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protéines de la membrane externe (Intimine, Afa, AIDA…) servent aussi d’adhésines aux cellules eucaryotes

(voir chapitre 7).

Le LPS a un rôle antigénique. Sa partie distale représente l’antigène somatique ou antigène O (“ Ohne

Kapsule ”). Les souches des bactéries Gram- qui produisent cet antigène complet donnent des colonies lisses sur

milieu gélosé (souche S pour “ smooth ”) ; les souches mutées qui ne synthétisent plus au minimum la partie

distale donnent des colonies rugueuses (souches R pour “ rough ”). Certains mutants R profonds ne synthétisent

plus la partie distale hydrophile du core. Ces mutants sont sensibles à des toxines hydrophobes. Des mutants qui

ne synthétisent plus les lipides A sont létaux sous certaines conditions. En plus de porter l’antigène O, la

membrane externe sert aussi d’ancrage à d’autres antigènes tels l’antigène commun des entérobactéries,

l’antigène capsulaire K… Le lipide A du LPS est aussi important en pathologie dans le choc endotoxinique (voir

chapitre 7).

2.3.2.2.3. Biogenèse

En ce qui concerne les phospholipides, des échanges bidirectionnels ont lieu entre les membranes interne et

externe à hauteur des ponts de Bayer.

Le LPS est synthétisé dans le cytoplasme en éléments séparés (lipide A, core et antigène O) qui franchissent la

membrane plasmique de manière concertée. L’assemblage final se fait dans l’espace périplasmique

probablement.

Les protéines de la membrane externe sont bien sûr synthétisées dans le cytoplasme. Leur position finale est

déterminée dans leur structure primaire, c’est-à-dire génétiquement dans leur séquence d’acides aminés. Tout

comme les protéines de la membrane cytoplasmique, celles de la membrane externe présentent dans la partie –

NH2 terminale une séquence signal. Après un ou deux acides aminés chargés, une séquence d’acides aminés

hydrophobes suit (de 15 à 30 AA) qui permet le franchissement de la membrane interne par la protéine qui se

déroule à la manière d’un fouet. Une séquence signal mutée ne permet plus le passage de la membrane

cytoplasmique par les protéines de la membrane externe. La séquence signal est ensuite coupée à hauteur d’un

site bien déterminé (« processing site »). Le reste de la séquence contient l’information génétique permettant

l’insertion de la protéine dans la membrane externe (séquences hydrophobes), soit dans son épaisseur, soit

tournées vers l’intérieur ou l’extérieur.

2.3.2.3. L’espace périplasmique

Le périplasme est l’espace compris entre les membranes interne et externe des bactéries Gram négatives et est

donc en partie compris dans les mailles du PDG. Il s’y trouve des protéines qui assurent le transport de

nutriments et d’autres molécules, la biogenèse de l’enveloppe cellulaire, la détoxification de molécules… Ces

protéines sont attachées à l’une des deux membranes ou sont libres. Le cheminement des protéines

périplasmiques est semblable à celui des protéines de la membrane externe jusqu’à la coupure à hauteur du

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« processing site ». La protéine mature se retrouve dans l’espace périplasmique ou dans les mailles de PDG.

Pour certaines protéines, cette coupure n’existe pas : ces protéines “ flottent ” dans l’espace périplasmique

accrochée par leur extrémité –NH2 terminale à la membrane cytoplasmique. S’y trouvent aussi des petites

molécules (polysaccharides par exemple) qui aident à tamponner les changements de pression ionique et

osmotique de milieu environnant. Normalement, le périplasme est isotonique avec le cytoplasme. Il n’en est plus

de même lors de changements dans le milieu extérieur.

2.4. Eléments extérieurs à la paroi

2.4.1. La couche S

La couche S consiste en une couche de quelques nm d’épaisseur formée d’un ou de deux types de polypeptides,

parfois liés à des hydrates de carbone, arrangés en réseau d’aspect crystallin carré, hexagonal ou oblique (aspect

comparable à celui de la cotte de mailles des chevaliers). Cette couche est résistante aux détergents et aux

protéases. Chez les bactéries Gram+, la couche S se retrouve à l’extérieur du peptidoglycan auquel elle n’est pas

liée de manière covalente, tandis que chez les bactéries Gram-, elle se retrouve à l’extérieur de la membrane

externe. Le lipopolysaccharide (LPS) joue un rôle dans l’ancrage de la couche S. La couche S sert, pense-t-on,

de filtre excluant aussi bien l’entrée que la sortie des molécules trop grosses, mais pourrait aussi posséder des

fonctions antiphagocytaires (Aeromonas salmonicida ; voir chapitre 7) et antibactériophage. Une des raisons de

ces rôles de défense serait que la couche S masque les charges électriques négatives de la cellule bactérienne, lui

conférant des propriétés hydrophobes. Sa formation se ferait par auto-assemblage des protéines qui la

composent.

2.4.2. Le glycocalyx

Le glycocalyx est une couche de matériel gélatineux constitué de polysaccharides fibrillaires et qui entoure la

paroi cellulaire. Il s’agit d’un constituant universel du monde bactérien, non visible au microscope électronique,

perdu rapidement après passage en culture in vitro. Le glycocalyx constitue pour les bactéries un élément qui

leur permet d’adhérer entre elles et de former des microcolonies à la surface des muqueuses ou de matériel inerte

(cathéters, chirurgie orthopédique…).

2.4.3. La capsule

La capsule bactérienne représente une couche hypertrophiée de glycocalyx, réalisant autour du corps bactérien

une véritable auréole, en contact direct avec la paroi et visible au microscope optique. La capsule est mise en

évidence par coloration négative (encre de Chine par exemple) ou positive (Giemsa par exemple) (voir

laboratoire). Certaines bactéries vont produire un glycocalyx tellement important et hydraté en primoculture

qu’il en devient visible à l’oeil nu : colonies mucoïdes ou “ pleureuses ”. Il en résulte des modifications

antigéniques ainsi que de sensibilité à certains antibiotiques (discordance entre l’antibiogramme du laboratoire et

le résultat du traitement clinique), aux bactériocines et aux phages.

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Sa composition varie selon les bactéries : composée de polysaccharides complexes (une ou plusieurs sortes)

auxquels sont adjointes des protéines (Streptococcus pneumoniae) ou d’acide D-glutamique sous forme de

polypeptides (Bacillus anthracis). La capsule n’existe en fait que chez des bactéries pathogènes (Clostridium

perfringens, Streptococcus pneumoniae, Bacillus anthracis, Klebsiella pneumoniae). La capsule est développée

dans l’organisme vivant, mais sa production se perd après cultures répétées sur milieux inertes. Sa production est

donc fonction de l’environnement dans lequel la bactérie croît. Sa fonction essentielle in vivo est en effet une

protection contre la phagocytose et sa production est donc liée au pouvoir virulent (antigène K1 de souches

neuropathogènes d’E. coli ; capsule de Streptococcus pneumoniae).

Rappelons que c’est sur des souches acapsulées de Streptococcus pneumoniae que fut réalisée la première

expérience de transformation au moyen d’ADN provenant de souches capsulées. Cette expérience fut la première

à montrer que l’ADN est le support de l’information génétique. Auparavant, les scientifiques considéraient

l’ADN comme ayant une structure trop simple que pour être porteur d’une information aussi complexe !

La capsule est antigénique (antigènes K ou antigènes de Kauffman de différentes bactéries Gram- = deuxième

antigène de la sérotypie de ces bactéries) et son développement peut cacher certains autres antigènes de paroi ou

de membrane externe (antigènes O = « Ohne Kapsel »).

2.4.4. La zooglée

La zooglée est une formation plus ou moins volumineuse, parfois macroscopique, d’aspect glaireux, constituée

d’amas de bactéries englobées dans une sorte de gelée due au développement énorme et à la fusion de leurs

couches gélatineuses (ou glycocalyx) respectives. D’autres microorganismes peuvent y être associés. Ces

structures macroscopiques peuvent jouer un rôle dans certaines pathologies (= botryomycose du cheval). Elle

représente aussi une défense vis-à-vis des antibiotiques qui ne diffusent pas ou très peu à l’intérieur de la

formation.

Des exemples sont le grain de botryomycose = zooglée de Staphylococcus aureus ; le grain de Kéfir (lait

fermenté du Caucase) = zooglée de Lactobacillus caucasicus ; la gomme de sucreries = zooglée de Leuconostoc

mesenteroides. Il ne faut pas confondre la zooglée avec les réactions tissulaires à la base de la formation de

granulomes inflammatoires lors d’infections par des actinophytes (= actinophytomes) et par les mycobactéries (=

tubercules) (voir chapitre 7).

2.5. Appendices de surface

Au-delà de ces couches externes se trouve le milieu extérieur. Cependant, certaines structures bactériennes

supplémentaires ancrées dans les membranes sont en contact direct avec ce milieu extérieur et permettent à la

bactérie d’entrer en relation avec les constituants de milieu extérieur : les cils ou flagelles, les fimbriae et

fibrillae et les pili sexuels.

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2.5.1. Les cils ou flagelles

Les cils (ou flagelles) sont des filaments très ténus (0,01 µm à 0,05 µm d’épaisseur), onduleux et de longueur

variable (jusque 80 µm) qui prennent naissance dans le cytoplasme à hauteur d’un corps basal. La protéine qui

les compose, la flagelline, est proche de la myosine. Les cils sont les organes locomoteurs des bactéries et sont

animés de mouvements hélicoïdaux très rapides.

Pour les observer, il faut recourir à divers artifices :

a) examen microscopique à frais en liquide visqueux : les cils ralentis dans leurs mouvements s’enchevêtrent et

forment des torsades plus ou moins épaisses ;

b) des colorations (voir laboratoire) ;

c) la microscopie électronique.

Toutes les bactéries ciliées, c’est-à-dire mobiles, ne possèdent pas le même nombre de cils et ceux-ci présentent

des arrangements divers autour de la bactérie. Les bactéries monotriches possèdent un cil à une extrémité du

bâtonnet (Pseudomonas aeruginosa) ; les bactéries amphitriches ou céphalotriches possèdent un cil à chaque

extrémité (certains spirochètes) ; les bactéries lophotriches possèdent une touffe de cils à une extrémité ou aux

deux (certains spirochètes) ; les bactéries péritriches possèdent beaucoup de cils sur toute leur surface (Proteus

spp., Clostridium tetani, Cl. chauvoei, Cl. septicum) ; les bactéries péritriches dégénérées possèdent peu de cils

répartis sur toute leur surface (Bordetella bronchiseptica).

Les cils prennent naissance à hauteur du corps basal, traversent les membranes et sont libres dans le milieu

extérieur. Ce n’est pas le cas pour les spirochètes (amphitriches ou lophotriches). Les cils prennent naissance à

chaque extrémité du bâtonnet, mais restent dans la membrane externe et se rejoignent au centre de la bactérie.

Les cils forment ainsi le filament axial (voir chapitre 2.6.6.).

La mobilité est visible au microscope à contraste de phase. Les bactéries mobiles traversent le champ très

rapidement (Pseudomonas spp., Proteus spp.) ou plus lentement (Campylobacter spp., Bordetella bronchiseptica

surtout), en ligne droite (Proteus spp., Pseudomonas spp.), en mouvements spiralés (Campylobacter spp.,

spirochètes) ou en mouvements enroulés (cumulets de Bord. bronchiseptica). Les cils s’expriment mieux lors de

cultures en milieux liquides que sur milieux solides.

La mobilité est aussi détectée dans des tubes à gélose molle (0,3 %) comprenant une cloche renversée. Les

bactéries sont ensemencées à l’extérieur de la cloche. Seules les bactéries mobiles rejoindront l’intérieur de la

cloche. La mobilité est visible en gélose molle aussi après ensemencement en piqûre droite. La bactérie

immobile poussera uniquement le long du trait de piqûre, la bactérie mobile s’en écartera. Sur gélose au sang, la

mobilité peut aussi être observée lors de l’étalement, plus ou moins prononcé, des colonies (Pseudomonas

aeruginosa et Salmonella enterica par exemple). Le cas extrême est constitué par l’espèce Proteus mirabilis qui

peut envahir en moins de 48 heures toute la surface de la boîte de Pétri sous forme de vagues.

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Les cils et flagelles sont porteurs d’antigènes (antigènes H) qui sont importants dans l’identification sérologique

de certaines bactéries : Salmonella enterica, Escherichia coli.

2.5.2. Les pili, fimbriae et fibrillae

Les pili (ou poils) sont des appendices périphériques visibles seulement au microscope électronique. Seules

certaines bactéries en sont dotées. Ils se répartissent en divers groupes. La terminologie est assez mouvante mais

actuellement le terme pili est réservé aux pili sexuels. Les autres types de pili sont appelés fimbriae s’ils sont

rigides, courts et épais (6-7 nm de diamètre) ou fibrillae s’ils sont longs, flexibles et fins (2-3 nm de diamètre).

Certains fimbriae s’assemblent en torsades et formant une structure semblable à celle d’une corde tressée

(fimbriae de type IV).

Les pili sexuels (pili F, I…) sont synthétisés par des gènes de l’opéron de conjugaison des plasmides conjugables

(plasmide F par exemple). Les bactéries qui possèdent ces pili sont dites bactéries mâles. Grâce à ces pili, elles

établissent à hauteur de la protéine OmpA un contact avec les bactéries qui en sont dépourvues et le plasmide

peut ainsi passer de la bactérie donneuse à la bactérie réceptrice, par un mécanisme de réplication de type

« rolling circle ». Celle-ci devient bien sûr une bactérie mâle. Les bactéries mâles produisent en plus, à partir du

plasmide conjugatif lui-même, des protéines qui masquent OmpA de telle sorte qu’il n’y a pas d’échange de

plasmides entre des bactéries mâles.

Les pili somatiques, ou fimbriae de type 1, sont au nombre de plusieurs centaines sur E. coli, ils couvrent la

surface des cellules. Ils permettent aux bactéries d’adhérer à des récepteurs cellulaires, mais cette adhésion est

dite « sensible au mannose », car ces récepteurs contiennent des résidus mannose (voir aussi chapitre 7). Ils sont

antigéniques (F1) et divisés en plusieurs sous-groupes. Ils pourraient intervenir dans certaines pathologies. Ils

ont un diamètre de 7 nm, mais leur longueur varie entre 0,2 et 2 microns.

Les pili spécifiques d’adhérence sont des fimbriae épais et creux (5-7 nm de diamètre) ou des fibrillae fins et

pleins (2-3 nm de diamètre) qui permettent aux bactéries de s’accrocher à des récepteurs cellulaires de natures

chimiques diverses, mais ne contenant pas de résidus mannose (adhérence dite « résistante au mannose ») et,

chez l’hôte, d’éviter d’être emportées par le transit intestinal, la miction ou le transit respiratoire. Nombre d’entre

eux sont des facteurs de virulence (voir chapitre 7). Tout comme les pili sexuels et les pili somatiques, les pili

d’adhérence sont antigéniques. Cependant, leur nomenclature n’est pas fixée. Il y a tendance à les appeler

antigènes F, mais les premières descriptions les ont assimilés à des antigènes capsulaires sur base de propriétés

physiques (d’où les dénominations K88 pour F4 et K99 pour F5). Leur nature chimique est cependant protéique

et non polysaccharidique (contrairement aux vrais antigènes K de la capsule). Ils sont importants dans la

reconnaissance des souches pathogènes. Malheureusement leur expression in vitro peut être difficile et de

nombreux faux négatifs existent.

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Les fimbriae et fibrillae typiques sont constitués d’une protéine majeure de structure (sous-unité majeure ou

piline), de diverses protéines mineures de structure (sous-unités mineures) et d’une protéine fonctionnelle

(adhésine). L’adhésine est parfois un domaine de la sous-unité majeure (voir chapitre 7).

2.5.3. Biogenèse

Les protéines des flagelles, pili et fimbriae doivent être excrétées au-delà de la membrane externe chez les

bactéries Gram-. Divers mécanismes existent, mais , en général, ces protéines comprennent dans leur séquence,

en plus des informations nécessaires au passage de la membrane cytoplasmique et du transport dans le

périplasme, l’information nécessaire à ce franchissement de la membrane externe.

2.6. L’excrétion des protéines

Après leur synthèse, les protéines d’E. coli sont transportées vers leur destination : le cytoplasme, la membrane

cytoplasmique, le périplasme, la membrane externe, le milieu extérieur. Les protéines qui franchissent la

membrane cytoplasmique sont dites exportées ; celles qui franchissent la membrane externe sont dites sécrétées.

A ce jour, quatre systèmes de sécrétion ont été décrits.

Dans le système de type I, la protéine est sécrétée au travers d’un canal qui lui permet de franchir en une seule

étape les membranes cytoplasmique et externe. Le canal est formé de trois protéines dont deux sont synthétisées

par des gènes qui font partie de l’opéron qui comprend le gène de structure de la protéine. La troisième protéine,

TolC, est codée par un gène chromosomique indépendant. La sécrétion de la protéine est sous la dépendance

d’une activation par une quatrième protéine, dont le gène fait partie du même opéron, et de sa propre séquence

amino- ou carboxy-terminale, qui ne subit pas de clivage protéolytique après le passage.

Les systèmes de sécrétion de types II et IV comprennent deux étapes, dont la première est commune.

Le système de sécrétion de type II est aussi appelé le système de sécrétion général ou le système de sécrétion

dépendant de la machinerie sec, qui code pour diverses protéines « chaperonnes » assurant le transport correct

des protéines non matures dans le cytoplasme, afin d’éviter un reploiement précoce inadéquat. Le passage de la

membrane cytoplasmique est sous la dépendance du peptide signal, une vingtaine d’acides aminés hydrophobes

présents à l’extrémité amino-terminale, qui subit un clivage protéolytique après le passage. Dans le système de

sécrétion de type II proprement dit, le passage de la membrane externe se fait au travers d’un pore membranaire

formé par des protéines codées par des gènes faisant partie ou non du même opéron que le gène de structure de la

protéine.

Dans le système de sécrétion de type IV, les protéines traversent la membrane externe au travers d’un pore formé

par leur propre extrémité carboxy-terminale, qui subit à son tour un clivage protéolytique.

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Le système de sécrétion de type III est certainement le plus complexe. Il est formé d’un appareil composé d’une

vingtaine de protéines localisées essentiellement dans la membrane cytoplasmique, mais aussi dans la membrane

externe et dans le cytoplasme, permettant la sécrétion des protéines en une étape. L’information pour la sécrétion

via ce système réside dans l’extrémité amino-terminale qui ne subit aucun clivage protéolytique. Les gènes qui

codent pour ce système de sécrétion de type III forment un ou plusieurs opérons qui n’incluent pas le gène de

structure de la protéine, mais en sont physiquement proches (sur le même îlot de pathogénicité, par exempl.

2.7. Les formes particulières

En plus des structures des bactéries classiques déjà présentées, d’autres formes existent. Certaines sont

accidentelles, d’autres induites in vivo ou in vivo.

2.7.1. Protoplastes et sphéroplastes

Lorsque la paroi des bactéries se rompt ou lorsque sa synthèse est interrompue, les bactéries peuvent survivre in

vitro si elles se trouvent dans un milieu iso- voire hypertonique. Dans un milieu hypotonique, elles éclatent. Les

bactéries Gram positives donnent naissance à des cellules entourées de la membrane plasmique : les protoplastes.

Les bactéries Gram négatives donnent naissance à des cellules entourées de la membrane plasmique et de la

membrane externe : les sphéroplastes. Un traitement à la pénicilline ou au lysozyme peut résulter en ce genre de

transformation. Les protoplastes et sphéroplastes peuvent être métaboliquement actifs, mais ne peuvent se

multiplier.

2.7.2. Les formes L (Institut Lister)

Les formes L se forment à partir de bactéries Gram+ ou Gram-, spontanément ou suite à l’existence de divers

stimuli (choc osmotique, choc de température, présence de pénicillines qui inhibent la synthèse du peptidoglycan

…), qui ont pour conséquence l’inhibition partielle ou totale de la synthèse de peptidoglycan. Dans le cas de la

présence de pénicillines, la transformation en forme L permet aux bactéries d’échapper à l’activité

antibactérienne de ces antibiotiques. Les formes L sont des protoplastes ou sphéroplastes qui, non seulement

survivent, mais aussi se multiplient. Leur culture in vitro est possible et leur colonie a un aspect en œuf sur le

plat. Cependant, leur croissance est très lente. Normalement, ces formes L sont capables de démarrer une

nouvelle synthèse de PDG lorsque l’agent (pénicillines) ou les conditions inhibitrices disparaissent. Dans

certains cas, les formes L sont stables et définitives (origine génétique). Les formes L n’ont cependant rien en

commun avec les mycoplasmes.

Les formes L ont cependant subi certains changements par rapport aux protoplastes et sphéroplastes afin

d’augmenter leur chance de survie. Par exemple, la membrane plasmique est moins fluide suite à l’accumulation

d’acides gras saturés au dépens des acides gras insaturés.

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Elles proviennent de diverses espèces de bactéries telles que celles des genres Streptococcus, Proteus, Vibrio,

Bacteroides, Streptobacillus moniliformis et les entérobactéries. Les formes L sont certainement produites par les

bactéries lors de la culture in vitro. La question de leur production in vivo chez l’organisme hôte est encore

débattue, de même que celle de leur rôle dans la maladie. Jusqu’à présent, il n’existe aucune évidence qu’elles

soient pathogènes par elles-mêmes. Elles pourraient cependant représenter une forme de dormance pour

certaines espèces bactériennes qui formeraient, à l’intérieur de l’hôte, un “ réservoir ” de cellules capables de

resynthétiser une paroi dès que l’antibiothérapie cesse et de provoquer une récidive de la maladie. Mais ceci

reste une hypothèse à l’heure actuelle.

2.7.3. Les mycoplasmes (mykes = champignon et plasma = forme ou moule)

Les mycoplasmes diffèrent des bactéries en général par l’absence de paroi et de peptidoglycan. La cellule est

entourée d’une simple membrane plasmique qui contient des stérols, fait unique dans le monde des procaryotes.

De nombreuses espèces de mycoplasmes exigent d’ailleurs du cholestérol comme facteur de croissance dans

leurs milieux de culture. Certaines espèces produisent une capsule d’hydrate de carbone. Leur taille est réduite

(0,100 à 0,150 µm) et ils franchissent les filtres bactériologiques les plus grossiers (d’où la confusion initiale

avec les virus).

Le matériel génétique des mycoplasmes est petit. Il représente de un cinquième à la moitié du génome d’une

bactérie classique (de 500 à 1300 kilopaires de bases versus plus de 4500 kpb pour Escherichia coli).

D’autres différences génétiques concernent les ADN et ARN polymérases, les opérons pour les ARN

ribosomiaux et la longueur de l’ARNr5S. D’autre part, le codon UGA, codon stop dans les eubactéries

classiques, code pour le tryptophane chez de nombreux mycoplasmes. Retenons aussi la résistance de l’ARN

polymérase à la rifamycine, bien qu’il s’agisse de bactéries Gram+ fondamentalement (voir chapitre 8).

Les mycoplasmes présentent un cycle évolutif au cours de leur “ vie ”. La forme la plus simple est le corps

élémentaire de 100 à 150 µm. Pendant sa croissance, ce corps élémentaire s’allonge, se ramifie et forme un

mycélium plus ou moins étendu. Dans ce mycélium apparaissent des granulations qui sont à l’origine de

nouveaux corps élémentaires. La proportion entre ces formes varie selon l’espèce dans une culture pure. Certains

mycoplasmes présentent même une forme hélicoïdale à une certaine étape de leur cycle. Les colonies sur milieux

gélosés sont minuscules (0,1 mm) et montrent un aspect en œuf sur le plat.

Le terme français « mycoplasme » désigne l’ensemble de ces organismes bien que la nomenclature officielle

réserve ce terme pour un seul des différents genres (Mycoplasma) du groupe (voir chapitre 5). Les mycoplasmes

font partie de la division III du royaume des procaryotes, celle des Ténéricutes (voir chapitre 1.1), qui comprend

une seule classe, celle des MOLLICUTES (mollis = mou et cutis = peau) ; ce terme étant, aujoud’hui, aussi

utilisé de manière générique pour désigner l’ensemble du groupe. Un autre terme utilisé dans le passé, « T-

mycoplasmas » pour « Tiny (minuscule)-mycoplasmas », désignait les membres du genre Ureaplasma, dont les

colonies étaient encore plus petites que celles des mycoplasmes. Un terme, toujours utilisé, désigne des

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structures observées ressemblant à des mycoplasmes, mais non cultivées : “ mycoplasma-like organisms ” ou

MLOs.

Les premiers mycoplasmes à avoir été décrits par Nocard et Roux en 1898 sont les agents responsables de

pleuropneumonies chez les bovidés. Le nom des autres mycoplasmes décrits par la suite fut longtemps celui de

PPLO pour « Pleuro-pneumoniae-like organisms ».

Pendant très longtemps, la taxonomie et la nomenclature de ce groupe d’organismes fut floue et anarchique. La

plus grande confusion régna aussi longtemps quant à leur caractère viral ou non, car il s’agit d’agents filtrables.

Mais dans les années ’30, la véritable nature des virus fut élucidée et il devint évident que les mycoplasmes

étaient différents.

Par la suite, une longue polémique naquit sur la relation entre formes L et mycoplasmes. De nombreux

chercheurs tenaient les mycoplasmes pour des formes L stabilisées in vitro. La biologie moléculaire montra que

les mycoplasmes forment en fait un groupe de bactéries à part entière.

La dernière polémique concerne le statut évolutif des mycoplasmes : forme bactérienne primitive ou forme de

dégénérescence. Des études de génétique moléculaire sur les ARN ribosomiaux ont montré que les mycoplasmes

sont proches de la branche des bactéries Gram+ des eubactéries et notamment des genres Lactobacillus et

Clostridium. Fondamentalement, il s’agirait donc de bactéries Gram+ bien que leur coloration soit Gram- au

microscope vu l’absence de paroi et de peptidoglycan. Elles se colorent en fait mieux au Giemsa (voir

laboratoire), surtout dans les tissus et organes.

Retenons déjà que nombre de mycoplasmes sont suspects d’être des agents primaires de diverses affections des

muqueuses et de la mamelle, au même titre que des virus : toux des chenils (Mycoplasma cynos), “ shipping

fever ” du bétail (Mycoplasma spp.). Dans certains cas, il s’agit d’agents pathogènes directs : pleuropneumonie

contagieuse des bovidés et des caprins (Mycoplasma mycoides), agalactie contagieuse de la chèvre (Mycoplasma

agalactiae), pneumonie enzootique du porcelet (Mycoplasma hyopneumoniae).

2.7.4. Les bactéries acido-résistantes

Parmi les bactéries Gram+, les genres Mycobacterium et Nocardia, essentiellement, se caractérisent par la

présence dans leur PDG d’arabinogalactanes en liaison ester avec des lipides (acides mycoliques ; voir chapitre

2.3.2.1). Cette constitution particulière leur confère des degrés variés d’acido-résistance (coloration de Ziehl-

Neelsen).

Il faut ajouter le genre Brucella, composé de bactéries Gram-, qui possèdent un très faible degré d’acido-

résistance lié aux lipides présents dans la membrane externe. Ce léger degré d’acido-résistance est suffisant pour

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avoir permis le développement de la coloration de Köster, très importante dans le diagnostic présomptif des

affections brucelliques.

Les mycobactéries sont responsables, entre autres, de la tuberculose chez diverses espèces animales et chez

l’homme, de la paratuberculose des ruminants et de la lèpre chez l’homme ; les Nocardia, d’affections cutanées

et de la plèvre chez les chiens ; les Brucella, d’affections génitales (infertilité, avortement) chez différentes

espèces animales (voir chapitre 5).

2.7.5. Les bactéries intracellulaires

Les bactéries intracellulaires obligées sont représentées par deux ordres : les Rickettsiales et les Chlamydiales.

Ces deux groupes étaient réunis dans le passé sous le nom unique de Rickettsiales. Mais de nombreuses

différences de cycle de vie et moléculaires permettent de dégager l’existence de deux groupes.

Historiquement, ces bactéries furent considérées comme des intermédiaires entre les bactéries et les virus, puis

des études sur leur composition et leur structure ont montré qu’il s’agit bien de bactéries, à rapprocher des

bactéries Gram-.

Diverses colorations peuvent les mettre en évidence dont le Giemsa et le Koester (voir laboratoire).

2.7.5.1. Les rickettsies

Les rickettsies ont des caractéristiques communes : pathogènes intracellulaires obligés des cellules sanguines et

des vaisseaux sanguins, présence chez des mammifères et des arthropodes (poux, puces, tiques …) qui sont les

vecteurs de la maladie … La transmission se fait de l’arthropode au mammifère ou vice-versa par piqûre, et d’un

arthropode à un autre par voie transovarienne.

Chez l’arthropode vecteur, ces bactéries se retrouvent dans l’intestin où elles se multiplient à l’intérieur des

entérocytes. En général, il n’y a pas de dommage pour l’arthropode. Deux espèces sont connues pour ne pas

nécessiter d’arthropode vecteur. La première, Coxiella burnetii, est caractérisée par une phase intracellulaire

sous forme sporogène résistante dans le milieu extérieur (voir chapitre 2.8.2). La seconde, Neorickettsia

helminthoeca, parasite un trématode, la douve du foie de saumon.

Les rickettsies sont de minuscules coccobacilles (0,3 à 0,5 µm de diamètre sur 0,3 à 0,4 µm de long) isolés en

paires ou plus rarement en chaînes. Ces cellules comportent des enveloppes extérieures composées, entre autres,

d’une paroi typique de celle des bactéries Gram négatives, avec une membrane externe porteuse d’un LPS et un

PDG contenant du DAP. De plus, une couche gélatineuse est présente dans certaines espèces.

Les rickettsies se multiplient par division binaire transversale dans une vésicule qui les protège des lysosomes.

Elles sont libérées soit par lyse de la cellule hôte, soit par une vésicule via la membrane cellulaire.

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Des exemples de maladies causées par des rickettsies sont la fièvre Q des ruminants (Coxiella burnetii), la

“ Rocky Mountain spotted fever ” des humains et des chiens (Rickettsia rickettsii), les anaplasmoses bovines

(Anaplasma centrale et Anaplasma marginale) et la “ Potomac horse fever ” des équidés (Ehrlichia risticii).

Deux genres, Haemobartonella et Eperythrozoon, ont récemment été reclassés dans le groupe des mollicutes et,

plus particulièrement, dans le genre Mycoplasma (voir chapitre 5).

2.7.5.2. Les chlamydies

Les chlamydies sont des pathogènes intracellulaires obligés de très nombreux types de cellules eucaryotes. Elles

se différencient des rickettsies par diverses propriétés caractéristiques, dont celle de posséder un cycle de vie

comprenant une période intracellulaire, à l’intérieur de vésicules cytoplasmiques (« inclusions »), et une période

extracellulaire. Les chlamydies sont dépendantes de la cellule hôte pour le métabolisme énergétique. Elles

possèdent des mécanismes leur permettant d’exploiter diverses fonctions cellulaires, dont, bien sûr, la production

d’énergie, et de pénétrer dans les différents compartiments cellulaires.

Ces bactéries sont entourées d’enveloppes caractéristiques de celles des bactéries Gram négatives mais se

remarquent par l’absence de PDG (voir chapitre 2.8.2). La membrane externe n’est donc séparée de la membrane

plasmique que par l’espace périplasmique. La membrane externe porte un LPS, des porines et peut-être des

fimbriae.

Le cycle de vie alterne entre le corps élémentaire (0,3 µm), qui peut survivre hors de la cellule hôte et qui est

infectieux, et le corps réticulé ( 1 µm) qui est impliqué dans la vie et la multiplication intracellulaire. Le cycle

prend à peu près 24 heures et après 3 jours en moyenne, la cellule eucaryote meurt en libérant les corps

élémentaires nouvellement formés.

Le corps élémentaire (0,200 à 0,300 µm) comprend une membrane rigide de 9 à 10 nm, lui permettant de résister

dans le milieu extérieur. Cette rigidité est due à des protéines liées par des ponts disulfures (cf le manteau des

spores classiques). Une membrane plasmique est présente également. Par contre, il n’y a toujours pas de PDG

détectable.

Peu d’espèces ont été décrites : Chlamydia trachomatis est pathogène pour l’homme (trachome), Chlamydophila

psittaci, pour de très nombreuses espèces animales et pour l’homme (psittacose-ornithose). D’autres espèces

d’importance vétérinaire sont Chlamydophila pecorum, pathogène chez les ruminants et, Chlamydophila

abortus, responsable d’avortements et Chlamydophila felis, pathogène pour les chats. Jusqu’à il y a une dizaine

d’années, seul le genre Chlamydia était décrit et le genre Chlamydophila n’existait pas, pas plus que les espèces

Chlamydophila pecorum, Chlamydophila abortus et Chlamydophila felis, toutes regroupées sous le nom de

Chlamydia psittaci.

2.7.6. Les spirochètes

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Les spirochètes sont des bactéries de forme hélicoïdale, de 0,1 à 0,3 µm d’épaisseur sur 5 à 250 µm de longueur

(voir chapitre 1.2). Il s’agit de bactéries Gram-, mobiles. La mobilité est, bien sûr, due à la présence de flagelles,

mais ceux-ci, au lieu d’être libres dans le milieu extérieur, sont prisonniers de la membrane externe et se trouvent

localisés entre celle-ci et la couche de PDG, soit dans le périplasme, donnant à ces bactéries un aspect de dragon

des mers.

Le nombre de flagelles qui portent différents noms dans la littérature (filaments axiaux, endoflagelles, fibrilles

périplasmiques), varie entre 2 et 100. Il s’agit de bactéries amphitriches ou lophotriches car les points d’ancrage

des flagelles se situent à hauteur des extrémités de la bactérie. Ces flagelles remontent ensuite le long du corps

bactérien vers le milieu de la cellule. Dans certaines espèces, les extrémités des flagelles vont se chevaucher. La

longueur des flagelles, leur éventuel chevauchement avaient valeur taxonomique. La mobilité des spirochètes est

multiple : flagellaire, rotation autour de leur axe et contractions, ce qui leur permet aussi d’être mobiles dans les

milieux visqueux.

Parmi les spirochètes d’intérêt médical se retrouvent la famille Leptospiraceae avec le genre Leptospira,

responsable d’infections rénales, ainsi que la famille Spirochetaceae avec les genres Treponema, Serpulina et

Brachyspira, et le genre Borrelia dont les espèces sont transmises par des arthropodes piqueurs hématophages,

qui leur servent donc d’hôtes intermédiaires.

Parmi les infections causées par des spirochètes, citons la syphilis chez l’homme (Treponema pallidum), la

dysenterie vibrionienne du porcelet (Brachyspira hyodysenteriae) et la maladie de Lyme (Borrelia borgdorferi)

2.8. Les formes de résistance

A côté des formes bactériennes vivantes et actives métaboliquement, classiques ou non, certains genres et

espèces bactériennes ont développé des formes de résistance. Les plus connues sont les spores bactériennes, qui

sont des formes passives de survie, et diverses formes de résistance de pathogènes intracellulaires obligés, lors

de la phase extracellulaire de leur cycle vital.

2.8.1. Les spores (spore = semence en grec)

Certaines bactéries sont capables de développer une forme de résistance particulière : la spore bactérienne,

encore dénommée endospore (à ne pas confondre avec la spore des champignons). Parmi les bactéries qui

intéressent la médecine vétérinaire, citons les genres Bacillus avec l’espèce Bacillus anthracis responsable de

l’anthrax ou le charbon bactéridien et Clostridium avec de nombreuses espèces responsables des gangrènes

gazeuses, des charbons symptomatique et parasymptomatique, du tétanos, du botulisme et de diverses

entérotoxémies. Les spores sont des formes dormantes, sans métabolisme actif, qui se transforment à nouveau en

forme végétative (germination) lorsque les conditions redeviendront favorables. Ces spores sont extrêmement

résistantes à la chaleur, à la dessication et aux antiseptiques, et totalement résistantes aux antibiotiques. Elles

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peuvent survivre pendant plusieurs décennies dans le milieu extérieur (« champs maudits »). Cependant, le degré

de résistance est variable selon l’espèce et la souche bactérienne.

2.8.1.1. Formation de la spore

Une endospore est formée par cellule bactérienne et inclut un exemplaire de matériel génétique. Cependant, le

degré de sporulation dans une culture varie selon l’espèce et la souche bactériennes.

Le processus de sporulation se déclenche, en général, vers la fin de la croissance exponentielle d’une culture

(voir chapitre 4), alors que certaines déficiences sont apparues et dure de 7 à 10 heures. Six stades

morphologiques principaux sont décrits.

Le stade 1 se caractérise par la présence d’un filament ou bâtonnet axial résultant de la réplication du noyau et

contenant donc au moins deux copies du chromosome. L’une va devenir le noyau génomique de la spore,

pendant le déroulement du stade 2 qui se caractérise par un cloisonnement membranaire, le septum de

sporulation. Ce dernier se forme par invagination de la membrane cytoplasmique, sous la paroi. Ce septum va

s’étendre et se détacher de la membrane cytoplasmique elle-même pour constituer une préspore ovoïde typique

du stade 3 limitant le cytoplasme présporal. Les autres stades vont voir la formation des différentes enveloppes

de la spore : le cortex (stade 4), formé de peptidoglycan ; le manteau ou “ coat ” (stade 5) de nature protéique

riche en ponts disulfures ; éventuellement, l’exospore chez certaines bactéries, de nature lipoprotéique contenant

20 % d’hydrates de carbone. Le stade 6 se caractérise par la maturation de la spore et sa libération par lyse de la

forme végétative de la bactérie.

Les spores sont classées selon leur position (centrale, subterminale, terminale) et leur épaisseur par rapport à la

forme végétative (déformante ou non). Dans le passé, ces caractéristiques avaient valeur taxonomique et d’aide à

l’identification à une espèce bactérienne. Lors de la formation d’une spore, des antibiotiques (bacitracine,

tyrocidine, polymyxines) peuvent être produits ainsi que des toxines (entérotoxine de Cl. perfringens par

exemple).

2.8.1.2. Génétique de la sporulation

Lorsque les conditions défavorables apparaissent, la bactérie adapte l’expression de ses gènes de manière

progressive : certains sont donc réprimés tandis que d’autres sont nouvellement exprimés. Le mécanisme et les

stimuli précis activant la sporulation restent inconnus, mais quelques molécules, dont les kinases A et B (KinA et

KinB), sont activées par autophosphorylation lorsqu’elles reçoivent le signal approprié. Ces kinases activées

s’opposent à l’action de phosphatases (RapA et RapB) qui inhibent le déclenchement de la sporulation. Via ces

différents systèmes et de nombreux relais, l’expression de nombreux autres gènes est régulée au niveau

transcriptionnel. Des mutants peuvent ainsi être obtenus pour chacun des six stades de la sporulation. Ces

mutants sont dénommés spo suivi d’un chiffre romain désignant le stade auquel la sporulation est bloquée. De

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plus, différents loci étant impliqués dans l’évolution de chaque stade, chacun a reçu une lettre : spoIIID par

exemple.

2.8.1.3. Constituants de la spore

Une spore est composée d’un cytoplasme et d’une paroi. Le protoplaste renferme les éléments nécessaires à la

germination de la spore : une copie du chromosome, la machinerie de synthèse des protéines, des

ribonucléosides triphosphates pour la synthèse des ARN, mais pas d’ARN messager, ni de pool d’acides aminés.

Le cytoplasme est très riche en matière sèche.

Les enveloppes sont donc constituées des différentes couches énoncées plus haut lors de la formation de la spore.

A l’intérieur se trouve la membrane cytoplasmique d’origine, recouverte par le cortex, le manteau et l’exospore.

Le cortex est constitué de PDG. La couche interne de ce PDG est rigide et semblable au PDG de la cellule

végétative, tandis que la couche externe ne forme pas un réseau aussi rigide. Cette couche externe est rapidement

autolysée lors de la germination. Le manteau est formé d’une protéine ressemblant à la kératine, riche en ponts

disulfure et représentant 80 % du contenu protéique total de la spore. Ce manteau est responsable de la résistance

aux agents chimiques de la spore. L’exospore, dont la présence n’est pas indispensable à la survie de la spore et

le rôle encore inconnu, est une membrane lipidoprotéique, contenant 20 % de carbohydrates.

En ce qui concerne la composition chimique, une spore bactérienne se caractérise par une forte concentration en

Ca++ et en acide dipicolinique. Cet acide dipicolinique qui se forme à partir de DAP, un précurseur de la lysine,

est presque unique aux spores bactériennes et représente 15 % de leur poids. Il semble être responsable en grande

partie de la thermorésistance des spores et est localisé dans le cortex.

2.8.1.4. Conditions de la sporulation

La sporulation ne se produit pas dans n’importe quelles conditions. Divers facteurs l’influencent. L’aptitude à la

sporulation et le degré de sporulation aussi bien in vitro qu’in vivo sont extrêmement variables selon les espèces

et les souches. In vitro, en général, la sporulation se produit lorsque les conditions deviennent défavorables :

appauvrissement des milieux de culture en fin de phase exponentielle de croissance pour le genre Bacillus,

développement de conditions hostiles dans le milieu pour le genre Clostridium, et que des substances inhibitrices

disparaissent. Certains paramètres physico-chimiques sont aussi indispensables : présence d’oxygène et

température entre 16 et 42 °C pour Bacillus anthracis ; conditions anaérobies pour Clostridium spp. ; présence

d’ions ou d’acides aminés particuliers et favorisants : P043- pour Clostridium botulinum, K+ pour Bacillus

aureus, alanine, proline... L’intervalle de température pour la sporulation est, en règle générale, légèrement plus

étroit que pour la croissance (voir chapitre 4).

Les bactéries peuvent perdre leur pouvoir sporogène de manière définitive sous diverses influences : addition de

petites quantités d’antiseptiques au milieu de croissance, culture à température supramaximale pour la

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sporulation, privation d’oxygène pour Bacillus anthracis, par exemple. Les autres propriétés restent plus ou

moins intactes. L’obtention de telles souches asporulées présentes un intérêt certain en vaccinologie.

2.8.1.5. Germination de la spore

Replacée dans un milieu et des conditions favorables (disparition des conditions défavorables, présence de

certains paramètres indispensables), la spore mûre “ germe ”, c’est-à-dire régénère la cellule bactérienne qui lui

avait donné naissance. L’existence d’un stimulus extérieur tel un choc thermique ou une exposition de la spore

aux UV est fréquemment nécessaire, elle aussi. Les paramètres indispensables à la germination de la spore sont

voisines de celles que réclament les bactéries dans leur forme végétative. Elles se meuvent néanmoins dans des

limites plus étroites et en diffèrent sur certains points. Parmi ces conditions figurent :

a) un milieu nutritif approprié au triple point de vue composition, réaction et concentration ;

b) une température convenable ;

c) présence d’oxygène libre (pour les aérobies) ; absence d’oxygène pour les anaérobies ;

d) lumière absente ou faible tout au moins.

La réalisation optimale de ces conditions réduit au minimum la durée de la germination. Certaines spores

germent sitôt formées. D’autres nécessitent une période préalable de repos. Il arrive aussi que la germination

tarde longtemps (des années), bien que les conditions soient favorables : le phénomène est connu sous le nom de

« dormance ».

Quoi qu’il en soit, la spore qui va germer perd son aspect brillant et son contour sombre, se ternit et gonfle. Son

plasma, en voie de croissance, distend progressivement la paroi et finit par la rompre en un endroit de moindre

résistance situé, suivant l’espèce, tantôt à l’une des extrémités de la spore (germination polaire), tantôt vers son

milieu (germination équatoriale). De cette déchirure émerge un petit boyau hyalin qui s’allonge peu à peu pour

constituer une bactérie analogue à celle dont provenait la spore. La paroi de la spore, déchirée et vidée de son

contenu coiffe, pendant quelques temps, l’extrémité de la bactérie néoformée, puis disparaît. Dans d’autres cas,

la germination se fait sans que la paroi ne se déchire. La spore se ternit, s’accroît et se transforme insensiblement

dans la forme végétative. Il est probable que la paroi s’est gélifiée et dissoute entre-temps.

La germination de la spore bactérienne débute par la lyse du peptidoglycan du cortex avec libération du

dopicolinate de calcium. En quelques minutes, jusqu’à 30 % du poids sec de la spore est perdu. La cellule se

réhydrate rapidement et perd du même coup sa résistance physico-chimique particulière. De l’ATP se forme en

quelques minutes par hydrolyse des acides phosphoglycériques et des sources d’azote sont fournies par des

acides aminés provenant de l’hydrolyse des protéines des enveloppes de la spore. Une nouvelle cellule

végétative se forme et la vie reprend son cours normal pour ces bactéries.

2.8.1.6. Résistances physico-chimiques des spores

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La résistance des spores aux agents physiques et chimiques désinfectants et stérilisants est bien connue, mais il

ne faut pas croire que cette résistance est uniforme pour toutes les spores de toutes les espèces bactériennes. Par

contre, la résistance des spores aux antibiotiques est universelle, car les spores sont dépourvues de métabolisme

actif.

Si toutes les spores résistent à un chauffage à 80 °C pendant 10 minutes qui tue toutes les formes végétatives de

bactéries (voir Travaux pratiques), 5 minutes à 100 °C détruisent les spores de Cl. perfringens, 10 minutes celles

de Bacillus anthracis, mais 4 heures seulement celles de Cl. botulinum. Par contre, aucune ne résiste à un

chauffage à 121 °C pendant une heure.

Seuls certains antiseptiques sont actifs (iodophores par exemple). Encore faut-il prolonger le temps de contact et

en augmenter la concentration (voir chapitre 9).

2.8.1.7. Importance des spores en médecine

Les spores sont des formes de résistance passive des bactéries. Les conditions étant défavorables, la bactérie

sporule et persiste dans les sols pendant des années, voire plusieurs décennies. Une maladie telle le charbon

bactéridien à Bacillus anthracis peut soudainement réapparaître dans une région indemne (de mémoire

d’homme) suite au contact avec une source tellurique, dans laquelle la spore s’est maintenue pendant au moins

une génération humaine (« champs maudits »).

Des spores de diverses espèces de Clostridium sont hébergées dans le tube digestif sans problème. Lors de

désordres intestinaux, ces spores peuvent germer, proliférer et produire des toxines entraînant des pathologies

intestinales connues sous le nom générique d’« entérotoxémies ». Le tétanos fait suite à la contamination d’une

plaie (barbelés et clou de rue chez le cheval) par des spores de Clostridim tetani d’origine tellurique le plus

fréquemment, suivie de leur germination et de la production de la toxine tétanique.

Au laboratoire, des spores peuvent contaminer certains milieux sucrés ne pouvant supporter de très hautes

températures pour leur stérilisation. La méthode de tyndallisation est alors appliquée (voir chapitre 9). Les

milieux sont chauffés à température basse pendant 3 jours de suite. Après le premier et le deuxième chauffage,

les spores réactivées par la température (= choc thermique) vont germer et les formes végétatives seront détruites

par le traitement suivant.

La spore présente aussi une résistance très forte à la décoloration par des acides concentrés (acido-résistance).

Elles seront mises en évidence par une variante de la coloration de Ziehl-Neelsen (cfr genre Mycobacterium).

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2.8.2. Autres formes de résistance

Certaines bactéries non sporulées au sens strict présentent une résistance particulière vis à vis des conditions

extérieures. Les genres Mycobacterium et Nocardia par exemple, de par leur composition de PDG, sont

naturellement plus résistantes dans le milieu extérieur par rapport aux méthodes physiques et chimiques

d’antisepsie et de désinfection (voir chapitre 9). Cette constitution de paroi leur confère par exemple une plus

grande résistance par rapport aux acides, mise à profit au laboratoire par la coloration « acido-résistante » de

Ziehl-Neelsen (voir laboratoire).

D’autres groupes de bactéries résistent bien à la dessication (entérobactéries) ou à une température relativement

élevée (Listeria monocytogenes), des propriétés qui leur permettent de survivre très longtemps dans le milieu

extérieur ou à la pasteurisation basse (voir chapitre 9).

Certaines bactéries intracellulaires obligées ne possèdent pas d’hôtes intermédiaires (les chlamydies, le genre

Coxiella) montrent une phase extracellulaire durant leur cycle vital. Cette forme extracellulaire possède une

résistance importante aux conditions extérieures, comparé à la forme intracellulaire. Il s’agit ici d’une adaptation

de la composition des membranes bactériennes.

Ces différentes propriétés spécifiques seront énoncées dans le chapitre de systématique bactérienne. Elles sont

importantes à connaître dans le cadre de la transmissibilité et de la contagiosité et, donc, de la prophylaxie

hygiénique de ces infections bactériennes.

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3. Métabolisme bactérien

Le métabolisme bactérien est l’ensemble des réactions cataboliques, consistant à dégrader les éléments nutritifs

du milieu, à transférer et à stocker l’énergie résultant de ces dégradations, afin de réaliser les réactions

anaboliques permettant aux bactéries de réaliser la synthèse de ses propres constituants.

3.1. Nutrition

La nutrition consiste dans l’assimilation par la bactérie des divers éléments chimiques offerts par le milieu.

Comme tous les organismes vivants, la bactérie a besoin de carbone, d’hydrogène, d’azote, de soufre et de

phosphore ainsi qu’en moindres quantités de nombreux autres éléments : HPO4--, Cl-, SO4

--, K+, Na+, Ca++, Mg++,

Fe++, Mn++, Co++.

La capacité d’une bactérie à utiliser un nutriment déterminé comme source d’un élément dépend de :

a) l’existence d’un système enzymatique adéquat de dégradation ;

b) l’existence de processus d’entrée du nutriment (perméases).

Si le nutriment est inorganique, la bactérie est qualifiée d’AUTOTROPHE ou de LITHOPHORE ; si le nutriment

est organique, la bactérie est dite HETEROTROPHE ou ORGANOTROPHE. Les bactéries pathogènes sont

souvent hétérotrophes avec, pour certaines d’entre elles, des exigences nutritionnelles complexes limitant leur

croissance aux milieux riches uniquement. Il existe de nombreuses variations dans les exigences nutritionnelles

des bactéries.

3.1.1. Sources d’énergie

Si quelques bactéries tirent leur énergie de la PHOTOSYNTHESE, aérobie ou anaérobie, la grande majorité

d’entre elles trouvent leur énergie dans l’oxydation de substrats chimiques : inorganiques

(CHIMIOLITHOTROPHIE ou CHIMIOAUTOTROPHIE) ou organiques (CHIMIOORGANOTROPHIE ou

CHIMIOHETEROTROPHIE). La source d’énergie des bactéries pathogènes est un substrat organique : les

bactéries pathogènes sont donc HETEROTROPHES pour les sources d’énergie. Parmi les bactéries pathogènes,

les chlamydies ne sont plus capables de produire, elles-mêmes, leur énergie et doivent profiter de celle fournie

par la cellule-hôte (= bactéries intracellulaires obligées).

La connaissance des substrats utilisables, dans des conditions d’atmosphère et de température appropriées, par

les bactéries, conduit à des applications importantes en taxonomie et, bien sûr, en diagnostic bactériologiques (=

tests de fermentation et d’assimilation) (voir laboratoire).

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3.1.2. Sources de carbone

Les bactéries AUTOTROPHES tirent leur carbone du CO2 et d’ions carbonates. Certaines bactéries sont des

AUTOTROPHES obligés.

Les bactéries pathogènes sont, quant à elles, HETEROTROPHES pour le carbone. Elles utilisent des composés

organiques comme sources de carbone et d’énergie. Les sources de carbone des hétérotrophes sont, dans l’ordre,

des sucres simples, des disaccharides, des alcools polyvalents, des acides organiques aliphatiques. L’utilisation

de polysaccharides exige des exo-enzymes spécifiques. Les triglycérides, acides organiques aromatiques, alcools

monovalents et hydrocarbures (CH4) sont rarement utilisés comme source de carbone (bactéries spécialisées).

3.1.3. Sources d’azote

L’azote est assimilé, par les bactéries, sous forme ammoniacale. Cet ammoniac sera inséré sur le squelette

carboné des acides organiques correspondants pour synthétiser l’ensemble des acides aminés.

Les bactéries autotrophes, ainsi que nombre de bactéries hétérotrophes pour l’énergie et le carbone, se contentent

d’une source inorganique d’azote : N2 pour Rhizobium, Azotobacter, Clostridium des sols … ; nitrates et nitrites ;

sels inorganiques d’azote (phosphates, carbonates, sulfates). D’autres bactéries peuvent ou doivent utiliser une

source organique d’azote, ou plus précisément de NH3 (les bactéries Gram+ sont plus exigeantes que les Gram-),

provenant de la désamination des protéines par des protéases externes (putréfaction) ou des acides aminés libres.

Ces bactéries ont besoin de milieux riches pour pousser (au sang par exemple) qui fournissent les composés

aminés nécessaires à leur croissance. L’urée, comme source d’azote, n’est utilisée que par des bactéries

spécialisées.

3.1.4. Anabolisme et vitamines

Certaines bactéries peuvent synthétiser la totalité de leurs constituants cellulaires à partir de composés

organiques simples (sucres, acides organiques) : ce sont des bactéries PROTOTROPHES. Par contre, d’autres

doivent trouver, dans le milieu, certains de leurs constituants cellulaires qu’elles ne peuvent synthétiser elles-

mêmes : ce sont les bactéries AUXOTROPHES. Différentes bactéries pathogènes sont dans ce cas, mais les plus

connues sont celles du genre Haemophilus. Ces exigences en vitamines ou facteurs de croissance concernent des

coenzymes (Nicotinamide Adénine Dinucléotide, ou facteur V), des acides aminés dont le squelette carboné ne

peut être synthétisé …

3.2. Catabolisme

42

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Le catabolisme, pour les bactéries hétérotrophes, passe par une série de réactions enzymatiques, groupées en

trois phases : la digestion des substances organiques exogènes, la pénétration des produits de dégradation dans la

cellule bactérienne et leur préparation à l’oxydation.

3.2.1. Digestion

Diverses molécules sont trop volumineuses pour pénétrer directement dans la cellule bactérienne. Elles doivent

être, au préalable, rompues en éléments plus simples grâce à la production d’exoenzymes, excrétés dans le milieu

extérieur. Ces exoenzymes sont des hydrolases ; certaines d’entre elles représentent autant de toxines

bactériennes impliquées dans la digestion des tissus, lors de gangrènes par exemple (voir chapitre 7) :

a) les protéases actives sur les protéines (protéinases) et les peptides (peptidases) ;

b) les glucidases actives sur les holosides et hétérosides (glucosidases), sur l’amidon (amylase), la cellulose

(cellulase), les pectines (pectinases), le glycogène (glycogénase), les polysaccharides complexes

(hyaluronidase sur l’acide hyaluronique) ;

c) les nucléases actives sur les acides nucléiques ;

d) les amidases actives sur l’urée (uréase), l’acide hippurique (hippuricase) ;

e) les estérases actives sur les triglycérides (lipases) ou les lécithines (lécithinases ou phospholipases dont la

toxine de Clostridium perfringens).

3.2.2. Pénétration

Les nutriments doivent traverser le peptidoglycan (par diffusion ou sur des récepteurs) et franchir la membrane

plasmique chez les bactéries Gram+ ; la membrane externe (par les porines), le PDG (par diffusion ou sur des

récepteurs) et la membrane plasmique chez les bactéries Gram-.

Pour ce faire, les bactéries ont développé des systèmes de transport actif, car la diffusion passive ne pourrait

s’opérer que trop lentement pour satisfaire aux besoins du métabolisme bactérien.

Ces moyens de transport actif sont :

a) des protéines membranaires servant de récepteurs spécifiques pour les divers substrats ;

b) des enzymes assurant l’apport énergétique nécessaire au transfert transmembranaire. Ce dernier système

porte le nom de perméase.

Reprenons l’opéron lactose connu de tous. Une mutation dans le gène de la perméase empêche le lactose de

pénétrer rapidement dans la cellule. Une souche d’ Escherichia coli mutée dans ce gène ne montrera une réaction

positive sur milieu lactosé qu’après 3 à 4 jours de culture au lieu de quelques heures. Certains tests à

l’orthonitrophénylgalactoside (ONPG) ou au paranitrophénylgalactoside (PNPG) mettent en évidence l’activité

enzymatique intra-cytoplasmique d’une lactase en l’absence de perméases.

3.2.3. Préparation à l’oxydation

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Dans de nombreux cas, la molécule ne peut être oxydée car la bactérie ne possède pas les enzymes adéquats

d’oxydo-réduction. Elle doit subir certaines transformations préparatoires. Cette préparation consiste en :

a) décarboxylation (-COOH),

b) désamination (-NH2),

c) déshydratation (-H-OH),

d) désulfuration (-SH-H).

La phosphorylation est cependant la préparation la plus fréquente. L’exemple classique est celui du glucose qui,

avec un apport d’ATP, est transformé en glucose-6-phosphate. La décarboxylation et la désamination intéressent

les acides aminés (lysine - COOH = cadavérine, ornithine - COOH = putrescine, histidine - COOH = histamine).

Certaines bactéries demandent en plus du CO2 en primoculture sur milieux inertes afin de l’incorporer, par

carboxylation, dans des composés organiques du métabolisme intermédiaire. Les bactéries des genres Brucella,

Neisseria, Campylobacter, Haemophilus …, demandent ainsi une tension accrue en CO2 dans leur atmosphère de

croissance, parfois seulement en primoculture (le temps d’adapter l’expression de certains gènes), parfois

toujours.

3.3. Métabolisme énergétique

L’étude du métabolisme énergétique recouvre l’étude du transfert d’énergie dans la cellule bactérienne. Cette

énergie provient de la dégradation, au cours du catabolisme, des nutriments et sert à la synthèse, à l’anabolisme,

de nouvelles molécules indispensables à l’architecture de la cellule ou simplement à l’entretien de son

métabolisme (enzymes).

3.3.1. Types de métabolisme énergétique

La dégradation des substrats carbonés se fait selon des voies métaboliques bien connues dans les cellules

eucaryotes. Chez une bactérie CHIMIOHETEROTROPHE telle qu’Escherichia coli, les voies métaboliques de

dégradation de substrats carbonés comprennent :

a) le cycle d’Embden-Meyerhof-Parnas (EMP) qui transforme le glucose-6-phosphate en pyruvate ;

b) le cycle des acides tricarboxyliques (TCA) qui oxyde l’acétyl-coenzyme A en CO2 ;

c) le cycle des pentoses qui oxyde le glucose-6-phosphate en CO2.

Chez d’autres bactéries CHIMIOHETEROTROPHES, des voies métaboliques alternatives ou complémentaires

ont été décrites tel le cycle d’Entner-Doudoroff qui remplace le cycle EMP chez les Pseudomonas.

Au cours des différentes étapes d’oxydation du substrat avec libération d’électrons, existant le long de ces

diverses chaînes métaboliques, des molécules de pyridine nucléotides (NAD/NADP) sont réduites par

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acceptation des électrons (NDDH/NADPH). Certaines d’entre elles sont utilisées directement, par exemple pour

les synthèses (anabolisme), et réoxydées, mais les autres doivent être réoxydées par transfert des électrons

qu’elles viennent d’accepter, avant de pouvoir être à nouveau utilisées. Pour que ce transfert puisse s’effectuer,

des molécules « accepteurs d’électrons » doivent être présents, qui seront réduites à leur tour. Selon le type de

métabolisme énergétique utilisé par la bactérie, ces accepteurs d’électrons forment une chaîne plus ou moins

longue. Les électrons sont ainsi transportés le long d’une chaîne d’accepteurs qui sont, tour à tour, oxydés et

réduits, jusqu’à l’accepteur terminal d’électrons. L’énergie libérée à chaque transfert d’électrons est stockée en

attente d’être utilisée pour l’anabolisme (synthèse de précurseurs et de substrats simples, synthèse de polymères),

pour l’entrée de substrats présents dans le milieu extérieur par transport actif, pour la mobilité par les cils et

flagelles, pour le maintien de l’homéostasie cellulaire… Les molécules qui stockent l’énergie sont des

nucléotides triphosphates, comme l’ATP.

Selon le nombre d’intermédiaires et la nature de l’accepteur terminal d’électrons, le métabolisme énergétique est

qualifié de :

a) FERMENTATION : une seule étape existe, la déshydrogénation et l’oxydation du composé organique avec

des déshydrogénases à NAD/NADP comme intermédiaires. Certaines bactéries anaérobies possèdent, en

plus, des ferroprotéines comme intermédiaires. La réoxydation des couples NADH/NADPH se fait

directement par réduction de l’accepteur terminal qui est un composé organique, lui aussi. La fermentation

produit peu d’énergie et se passe en absence d’O2 ;

b) RESPIRATION ANAEROBIE : une ou plusieurs étapes supplémentaires existent dans le transport des

électrons qui impliquent l’intervention de réductases comme les flavoprotéines à FMN ou FAD et/ou les

quinones qui sont des enzymes associées à la membrane cytoplasmique. L’accepteur terminal d’électrons est

un composé inorganique (nitrates, sulfates…) ou un intermédiaire organique du métabolisme (fumarate…),

qui sont réduits en nitrites, sulfites et succinates, respectivement ;

c) RESPIRATION AEROBIE : une ou plusieurs étapes supplémentaires existent le long de la chaîne des

cytochromes et cytochromes oxydase qui sont aussi des enzymes localisés dans la membrane cytoplasmique.

L’accepteur terminal d’électrons est l’O2. Des peroxydes (par exemple d’hydrogène H2O2) et des radicaux

libres (O2+ou O2

- ou ion superoxyde) d’oxygène se forment. Ces peroxydes et ions superoxydes sont

toxiques pour le cellule car ils peuvent réagir avec des molécules organiques provoquant des mutations à

hauteur de l’ADN et un empoisonnement des enzymes (protéines). Diverses enzymes, dont les cytochromes

oxydases (peroxydase) elles-mêmes, peuvent détoxifier les peroxydes. La catalase (2 H2O2 donnent O2 + 2

H2O) en est un autre exemple. Les radicaux libres d’oxygène sont détoxifiés par la superoxyde dismutase (2

O2- + 2 H+ donnent O2 + H2O2, qui sera dégradée par la catalase).

Les bactéries CHIMIOAUTOTROPHES tirent leur énergie de l’oxydation de substrats inorganiques telles que

du fer, de l’hydrogène, du souffre, de l’ammoniac, des nitrites… Les chaînes de transport et les molécules

accepteurs intermédiaires d’électrons peuvent différer bien entendu par rapport aux bactéries

CHIMIOHETEROTROPHES. Par contre, l’accepteur terminal d’électrons est l’O2, pour quasi toutes.

3.3.2. Rapports avec l’oxygène

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Si le type de métabolisme énergétique utilisé par la bactérie dépend des chaînes métaboliques existantes, donc de

la génétique de la bactérie, ses rapport avec l’O2n et in fine, sa capacité à vivre en présence d’oxygène,

dépendent de la sensibilité de ses enzymes aux dérivés (peroxydes, ions superoxydes) toxiques d’oxygène et de

ses capacités de détoxification de ces dérivés.

Parmi les bactéries à métabolisme respiratoire, de nombreuses sont aérobies strictes (Pseudomonas, Bacillus…),

car elles ne peuvent utiliser que l’oxygène comme accepteur terminal d’énergie (respiration aérobie

exclusivement). Certaines espèces parmi ces genres pourront, cependant, utiliser d’autres récepteurs terminaux

d’énergie (respiration anaérobie) quand l’oxygène vient à manquer et pousser, bien que de façon sub-optimale,

en conditions anaérobies (aérobies facultatives ; métabolisme respiratoire aérobie préférentiel). Un troisième

groupe de bactéries à métabolisme respiratoire aérobie exclusif est celui des bactéries microaérobies

(Campylobacter, Helicobacter) qui ne peuvent pousser qu’en présence d’une tension réduite en O2. Leurs

mécanismes de détoxification des peroxydes ne sont en effet pas assez puissants en présence d’une tension

normale en O2. Ces bactéries à métabolisme respiratoire aérobie, exclusif ou préférentiel, sont quasi toutes

positives à la réaction de catalase et, en majorité, à la réaction d’oxydase (voir laboratoire).

Parmi les bactéries à métabolisme fermentatif, de nombreux genres sont anaérobies stricts : Clostridium,

Bacteroides… (métabolisme fermentatif exclusif). En présence d’oxygène, ces bactéries meurent. En effet,

même s’il n’existe pas de chaînes appropriées de transfert d’électrons, l’oxygène accepte assez spontanément des

électrons. Les enzymes de ces bactéries sont donc intoxiquées par les peroxydes et ions superoxydes qui se

forment spontanément, puisque ces bactéries ne possèdent pas, non plus, de système de détoxification des

radicaux toxiques d’oxygène. La sensibilité à l’oxygène varie cependant selon les espèces dans chaque genre ;

certaines espèces peuvent même survivre quelques temps à l’air (aérotolérance), leurs enzymes étant moins

sensibles à ces radicaux (Clostridium perfringens) ou des systèmes de détoxification existant (Bacteroides

fragilis qui est positif à la réaction de catalase et d’oxydase). D’autres genres, tout en possédant un métabolisme

fermentatif, poussent en atmosphère aérobie, bien que de manière sub-optimale (anaérobies facultatives :

Streptococcus ; métabolisme fermentatif préférentiel). Ces dernières bactéries sont négatives à la réaction de

catalase ainsi qu’à celle de l’oxydase, mais possèdent, comme les bactéries aérobies une superoxyde dismutase,

qui détoxifie les radicaux libres formés en présence d’O2.

Quant aux bactéries à métabolismes respiratoire et fermentatif, elles poussent dans n’importe quel type

d’atmosphère : Enterobacteriaceae, Pasteurellaceae. Dans un premier temps, leur métabolisme est respiratoire

dans un bouillon de culture, pour progressivement passer au mode fermentatif au fur et à mesure de l’épuisement

en O2 et en autres accepteurs terminaux d’électrons. Elles sont positives à la réaction de catalase. La réaction

d’oxydase est positive (Pasteurellaceae) ou négative (Enterobacteriaceae).

Un test permet d’étudier grossièrement le métabolisme énergétique : le test Oxydation/Fermentation ou test O/F

(voir laboratoire). En bref, ce test consiste à étudier l’acidification de deux tubes contenant du bouillon glucosé à

forte concentration (1 %) et un indicateur de pH. Un tube permet la croissance en présence d’atmosphère ; le

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second tube est rendu anaérobie. Si les deux tubes sont acidifiés, le résultat est F (pour FERMENTATIF).

Donneront ce résultat les bactéries à métabolismes respiratoires aérobie et anaérobie (= bactéries aérobies

facultatives), les bactéries à métabolismes respiratoires et fermentatif (= bactéries aéro-anaérobies) et les

bactéries à métabolisme fermentatif exclusif pouvant pousser en présence d’oxygène (= bactéries anaérobies

facultatives). Si seul le tube ouvert est acidifié (parfois seulement en surface), le résultat est O (pour

OXYDATIF). Donneront ce résultat les bactéries à métabolisme respiratoire aérobie exclusif (= bactéries

aérobies strictes). Si seul le tube fermé est acidifié, il s’agit de bactéries à métabolisme fermentatif exclusif,

anaérobies strictes. Si aucun des tubes n’est acidifié, cela signifie que les bactéries sont inactives sur le glucose

(genres Brucella et Bordetella qui sont des bactéries aérobies strictes, à métabolisme respiratoire aérobie

exclusif). Mais il peut aussi s’agir de bactéries qui utilisent le glucose, mais ne peuvent acidifier les milieux

utilisés dans le test : production de trop peu d’acides, production de pigments modifiant la teinte…

3.3.3. Fermentations bactériennes

La fermentation bactérienne est donc définie comme un processus métabolique libérateur d’énergie, dans lequel

des composés organiques servent de donneurs et d’accepteurs d’électrons. Elles se passent dans des conditions

anaérobies. Les transporteurs d’électrons sont des déshydrogénases à NAD/NADP et dans certaines bactéries des

ferrosulfoprotéines non hémiques ou ferrédoxines. La production d’ATP est limitée à la réaction d’oxydation du

substrat.

Les fermentations se classent par référence :

a) à la nature du substrat fermenté (hydrates de carbone, composé azotés, composés minéraux) ;

b) à la nature du/des produit(s) terminal(aux), en général des acides ;

c) à la nature de la/des chaîne(s) métabolique(s) suivie(s).

C’est ainsi que l’on parlera de la fermentation du glucose, du mannitol, du lactose, du tryptophane, de l’urée, des

nitrates. Certaines fermentations ne produisent qu’un métabolite terminal (= homofermentation). Un exemple

typique est l’acide lactique chez les bactéries lactiques. D’autres fermentations produisent un mélange de

produits finaux (= hétérofermentations). Certaines bactéries fermentent les hydrates de carbone en produisant des

gaz (surtout du CO2, parfois H2 ou CH4). Ce gaz est détecté dans les bouillons glucosés au moyen d’une cloche

renversée. Quant aux voies métaboliques des fermentations, elles sont souvent mal connues. Différentes

fermentations sont recherchées au laboratoire dans des tests à valeur d’identification des bactéries (=

BIOTYPIE ; voir laboratoire).

3.3.4. Respiration bactérienne

De nombreux intermédiaires supplémentaires, dont divers sont localisés dans la membrane cytoplasmique,

interviennent dans les chaînes respiratoires aérobie et anaérobie : ils existent sous forme de couple “ enzyme

oxydé-enzyme réduit ”. La forme réduite est oxydée en cédant les électrons à l’accepteur suivant jusqu’à

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l’accepteur terminal. Les premiers intermédiaires sont des déshydrogénases à NAD/NADP (comme pour les

fermentations) ou des réductases. Les transporteurs suivants sont des flavoprotéines à FMN ou FAD.

Les intermédiaires suivants sont localisés dans la membrane cytoplasmique. Les premiers possèdent un

coenzyme dérivé de benzoquinone. Il en existe de différents types : ubiquinone (UK), ménaquinone (MK),

diméthylménaquinone (DMK). En l’absence d’oxygène, la chaîne s’arrête à ce stade et les électrons sont

transférés sur l’accepteur terminal (nitrates, sulfates, fumarate…) (= respiration anaérobie).

Les derniers intermédiaires dans cette chaîne de transport d’électrons sont les cytochromes (cyt), hémoprotéines

à coenzymes de nature porphyrique liés à du fer. Il en existe de différents types : cyt a, cyt b, cyt c, chaque type

ayant différents variants. Chez certaines bactéries, un autre type de ferroprotéine existe parallèlement aux

cytochromes. Les derniers cytochromes transfèrent les électrons sur l’oxygène (= respiration aérobie). Mais des

peroxydes et des ions superoxydes se forment. Heureusement, tout en fin de chaîne de transport, peuvent se

trouver des cytochromes qui agissent aussi en tant qu’oxydases : les cytochromes oxydases. Elles appartiennent

aux classes a et c dans les bactéries. Elles catalysent une réaction par laquelle les électrons sont transférés sur O 2,

en même temps que des ions H+ du milieu, donnant naissance à H2O. Les peroxydes peuvent aussi être

décomposés par la catalase (2 H2O2 donnent 2 H2O + O2) ou la peroxydase (H2O2 donne H2O + O- + accepteur

d’oxygène) et les ions superoxydes par la superoxyde dismutase, qui transfère les radicaux d’oxygène sur des

accepteurs.

La catalase est recherchée au laboratoire en mélangeant les bactéries à une solution à 3 % d’ H 2O2. La

peroxydase peut être recherchée en mettant les bactéries en présence d’une substance qui change de couleur par

oxydation. Les cytochromes oxydases de la classe c (les plus typiques) sont décelables au laboratoire en utilisant

un réactif dénommé tétra-méthyl-paraphénylène-diamine ou TMPD, qui est réduit en un composé coloré par ces

enzymes (voir laboratoire). Cependant, certaines bactéries donnent une réaction TMPD-oxydase positive sans

produire de cytochrome oxydase c.

Il existe bien sûr divers variants d’enzymes dans ces chaînes de transport. L’absence ou la présence de certains

enzymes (UK, MK et/ou DMK, par exemple) ou cytochromes ont d’ailleurs valeurs taxonomique et de

confirmation d’identité.

3.4. Synthèses bactériennes

Les macromolécules constitutives des diverses structures bactériennes sont assemblées à partir de leurs sous-

unités :

a) acides aminés pour les protéines,

b) nucléotides pour les acides nucléiques,

c) sucres pour les polysaccharides,

d) glycérol et acides gras pour les lipides.

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Ces sous-unités peuvent provenir du milieu extérieur mais de nombreuses bactéries peuvent aussi les synthétiser.

Ces synthèses ainsi que la constitution des macromolécules mettent en œuvre des enzymes spécifiques. Seules

les espèces bactériennes qui synthétisent les enzymes adéquats peuvent synthétiser les sous-unités. Celles qui en

sont dépourvues doivent les trouver dans le milieu extérieur, d’où la nécessité pour certaines bactéries de croître

sur des milieux riches : milieux au sang, au sérum, au soja ou à la cervelle (Streptococcus par exemple). Dans

d’autres cas, ces besoins sont très nombreux et connus précisément. Diverses bactéries demandent une forte

concentration en cystine, d’autres demandent la présence de NAD/NADP (facteur V) et de protoporphyrines

(bactéries AUXOTROPHES comme le genre Haemophilus).

Les chaînes anaboliques utilisées par les bactéries sont assez nombreuses, mais toutes ne sont pas nécessaires en

même temps, en fonction de la composition du milieu. Des systèmes de régulation positive et négative des gènes

qui codent pour toutes ces enzymes existent donc (= régulons), ils sont influencés par le présence ou l’absence

de certains substrats (polymères, éléments simples, ions) dans le milieu extérieur.

En dehors des synthèses des macromolécules constitutives, certaines bactéries produisent des pigments, des

poisons, des antibiotiques. Parmi les pigments, certains ont valeur diagnostique : la pyocyanine et la pyoverdine

de Pseudomonas aeruginosa. Ces pigments colorent la colonie, ainsi que les milieux solides et liquides, s’ils sont

solubles dans l’eau (cfr test O/F non lisible). Parmi les poisons bactériens figurent les bactériocines, dont le

groupe des colicines produites par Escherichia coli. Quant aux antibiotiques, ils seront décrits dans le chapitre 8.

Les produits excrétés doivent franchir la membrane cytoplasmique chez les bactéries Gram+, la membrane

cytoplasmique et la membrane externe chez les bactéries Gram-. L’excrétion des protéines a déjà été discutée.

Celle des autres molécules ne sera pas décrite. En effet, les voies qu’elles empruntent sont complexes et encore

peu connues.

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4. Multiplication et croissance bactériennes

4.1. Cycle cellulaire et division

Les synthèses permettent aux bactéries de croître en taille et en volume. A un moment donné au cours de leur

croissance, un signal apparaît qui enclenche les mécanismes complexes de la reproduction bactérienne qui se

passe, pour la grande majorité d’entre elles, par scissiparité. Cette division cellulaire représente un stress

important pour la cellule bactérienne. Le problème est, en effet, complexe : une synthèse de nouvelles

membranes et parois et la séparation des deux cellules filles, dans un milieu hostile où la pression osmotique est

différente et les toxiques abondants. Les bactéries ont développé des mécanismes régulateurs qui leur permettent

de faire face à ce stress, mécanismes qui commencent à être compris. Il est important d’en prendre connaissance

dans les grandes lignes, afin de mieux appréhender la vie des bactéries non seulement au laboratoire, mais aussi

dans leurs hôtes chez lesquels elles provoquent des maladies.

Les connaissances les plus importantes concernent les bactéries Gram-, dont particulièrement Escherichia coli.

Cette présentation de la reproduction d’E. coli sera complétée par des données sur les bactéries Gram+ et sur des

bactéries qui ne se reproduisent pas par scissiparité.

4.1.1. Des bâtonnets Gram- (Escherichia coli)

Les éléments concernant les paramètres et le timing de la division d’une cellule d’Escherichia coli sont

probablement valables, dans leurs grandes lignes, pour nombre de bactéries.

4.1.1.1. Les paramètres

Dans une culture d’Escherichia coli, les cellules bactériennes sont, chacune, à une étape différente du cycle de

vie. Les longueurs observées de plus de 80 % des cellules se retrouvent entre la valeur X et la valeur 2X ; les

longueurs des 20 % de cellules restantes ne s’en éloignent pas beaucoup.

Le changement de volume de la cellule bactérienne sous l’effet des synthèses dépend du changement de

longueur de la cellule, tandis que son diamètre (ou son épaisseur si on préfère) reste constant. En fait, la

longueur, et par conséquent le volume, d’une cellule d’Escherichia coli, augmente continuellement au cours du

cycle jusqu’à atteindre une valeur critique qui déclenche le processus de division cellulaire. Quelle est cette

valeur critique ? Elle est égale à deux fois la longueur théorique la plus petite possible de la cellule d’Escherichia

coli (L) c’est-à-dire celle d’une cellule nouvellement née dans une population où le nombre de générations par

heure atteint zéro. Cette dernière valeur est encore appelée longueur cellulaire unitaire (Lu). Cette valeur varie

d’une souche d’Escherichia coli à l’autre : E. coli B/rA : 1,4 m ; E. coli K12 Cr34 : 1,8 m, par exemple.

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4.1.1.2. Timing du cycle cellulaire

La division proprement dite d’une cellule bactérienne est liée à l’accomplissement préalable des étapes

suivantes :

a) terminaison de la synthèse des protéines nécessaires à la division de la bactérie ;

b) terminaison de la réplication de l’ADN chromosomique et séparation des deux molécules filles ;

c) atteinte de la longueur seuil égale à deux fois L ;

mais n’est par contre pas liée à une masse, à un volume, à une surface, à une densité ou à un rapport

longueur/épaisseur particuliers. A ce moment, la division proprement dite peut commencer. Ces trois étapes et la

division elle-même représente ce que l’on appelle le cycle de vie ou cellulaire d’une bactérie.

Donc, un cycle cellulaire bactérien peut se diviser en trois parties :

Cycle = I + C + D

I = temps requis pour la préparation (l’Initiation) la division ;

C = temps requis pour la réplication de l’ADN Chromosomique ;

D = temps requis pour la Division cellulaire proprement dite.

Pendant les périodes I et C, la bactérie croît en fait pour atteindre la longueur critique 2 x L à temps. Si ces trois

périodes se succèdent sans discontinuer dans le temps au cours d’un cycle cellulaire, la longueur de I varie selon

les conditions du milieu, tandis que celles de C et D sont fixes. Pour Escherichia coli, C = 40 minutes et D = 20

minutes. La période C (ou réplication du chromosome) est initiée dès la fin d’une période I, mais pas avant. La

période D est initiée dès la fin de la période C, mais pas avant. Si le milieu de croissance est pauvre, la période I

est longue ; s’il est très riche, la période I est courte. De toutes façons, une nouvelle période I, soit un nouveau

cycle cellulaire démarre dès la fin de la période I précédente, c’est à dire en même temps que la période C du

cycle précédent.

EXEMPLES

Si I est 60 minutes (milieu pauvre), cela signifie qu’il est plus grand que (C + D). Une nouvelle période C ne

commencera qu’après la complétion de la division cellulaire du cycle précédent.

Par contre, dans des conditions de culture meilleures (milieu plus riche), I devient inférieur à 60 minutes et est

donc < (C + D). Cela signifie, donc, qu’une nouvelle période C (réplication du chromosome) commencera avant

la fin de la période D précédente, c’est à dire avant la fin du cycle précédent. Le septum est toujours en

formation ; les deux cellules filles ne sont pas encore séparées.

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Si I devient < 40 minutes dans un milieu très riche, une nouvelle période C débutera avant même la fin de la

période C précédente. La réplication du chromosome bactérien d’un cycle n’est pas terminée que celle du cycle

suivant débute. Plusieurs (6 par exemple) fourches de réplication de l’ADN chromosomique sont donc visibles

dans la cellule bactérienne.

Cependant, si I est < 20 minutes, il n’y aura pas de début d’une période D du nouveau cycle avant la fin de la

période D du cycle précédent. En effet, si diverses périodes C peuvent se superposer, diverses périodes D ne

peuvent le faire. Une division cellulaire proprement dite ne peut commencer qu’après la fin de la précédente.

Pour une bactérie comme E. coli, le temps minimal d’un cycle cellulaire est 20 minutes.

Les schémas du cours oral reprennent trois exemples de cycles de division : pour l’un, I = 70 minutes, pour

l’autre, I = 50 minutes et pour le troisième, I = 30 minutes.

En fait, il est pratiquement impossible de mesurer C et D. Les mesures faites seront celles de U et T.

C + D = U + T

U = temps qui s’écoule entre l’initiation de la réplication et l’apparition d’une contraction visible à hauteur du

septum de division.

T = temps qui s’écoule entre l’apparition de cette contraction et la séparation des deux cellules filles.

Pour d’autres espèces bactériennes, le temps du cycle cellulaire varie bien entendu. En général, moins la bactérie

est riche en ribosomes et moins le chromosome porte de copies des opérons qui codent pour les ARN

ribosomiaux, plus long est le cycle cellulaire.

4.1.1.3. Anatomie fonctionnelle

Nous allons passer en revue les éléments principaux qui se produisent durant les périodes I, C et D du cycle

cellulaire.

4.1.1.3.1. Dans le cytoplasme

Durant la période I, des ARN messagers et des protéines sont synthétisées de novo. Ces protéines sont

nécessaires à l’initiation de la réplication du chromosome. Un ARN primer, élément indispensable à l’initiation

de la réplication de l’ADN chromosomique, est aussi synthétisé.

Pendant la période C, l’ADN chromosomique se réplique. Il y a présence dans la cellule de deux (le minimum),

six, voire plus de fourches de réplication, selon les longueurs respectives des périodes I, C et D. A la fin de la

période C, les deux copies filles du chromosome bactérien migrent chacune, selon un mécanisme actif, vers une

des deux futures cellules bactériennes filles (= équipartition). Pendant cette période C, les plasmides présents

dans la bactérie se répliquent eux aussi pour doubler le nombre de copies (n) au moment de la division

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bactérienne proprement dite, et se répartissent aussi équitablement, selon des mécanismes actifs ou passifs en

fonction de leur nombre de copies n, dans les deux futures cellules filles. Si l’ADN ne peut se répliquer

normalement, s’il subit des dommages et des mutations, dus à des radiations par exemple, la période D est

retardée. Si pour une raison quelconque elle ne l’est pas, une cellule fille sans chromosome naîtra et disparaîtra.

4.1.1.3.2. A hauteur des membranes

Divers événements se produisent également à hauteur des membranes et de la paroi bactériennes.

Pendant la division cellulaire proprement dite ou septation, la synthèse du PDG est génétiquement indépendante

de la synthèse de PDG pendant la croissance de la cellule. Une bactérie peut être mutée dans une seule de ces

deux parties du cycle. C’est ainsi que l’on considère que trois systèmes enzymatiques principaux peuvent être

décrits dans la synthèse de PDG d’une bactérie comme E. coli, un coccobacille :

a) les enzymes assurant une synthèse minimale (couvrant juste le volume cellulaire) de PDG autour de la

cellule en croissance. Grâce à ces enzymes, la cellule peut croître, mais sous forme sphérique ;

b) des enzymes modifiant la forme native du PDG afin de lui donner une forme cylindrique. Ils sont actifs sur

l’ensemble de la surface cellulaire, sauf les pôles. La synthèse du PDG intervenant dans l’élongation de la

cellule est sensible à la mécilliname, un acide amidinopénicillanique. En présence de mécilliname, les

bâtonnets cessent de s’allonger et deviennent des coques. Toute division et toute croissance déjà entamées

s’achèvent cependant ;

c) des enzymes intervenant dans la division (formation de nouveaux pôles cellulaires, septation, séparation).

Ce système est activé périodiquement, que le système b) soit fonctionnel ou non. La synthèse du PDG lors

de la septation est sensible, quant à elle, aux pénicillines et céphalosporines. L’action de ces antibiotiques

résulte en la formation de filaments multinucléés sans septum aucun.

La synthèse du PDG lors de la septation est divisée en de nombreuses étapes qui dépendent de nombreux gènes :

a) lorsque la cellule atteint une longueur critique de 2 x L et lorsque le chromosome bactérien s’est

entièrement répliqué, l’initiation de la septation est déclenchée d’une manière non connue et un site potentiel

de division est activé sous la dépendance d’un gène particulier ;

b) l’étape suivante est le début de la formation du septum et est sous la dépendance des produits de deux autres

gènes. En leur absence, les cellules continuent à s’allonger sans contraction visible ;

c) l’étape ultérieure est la continuation de la formation du septum et est sous la dépendance du produit d’un

nouveau gène. Les mutants montrent maintenant clairement une contraction à hauteur du site de division.

C’est aussi un moment de grand danger car certains antibiotiques agissent spécifiquement sur les enzymes

chargés de la construction du PDG pendant cette étape ;

d) après la complétion du septum, le produit d’un 5ème gène agit afin de cliver la double couche de PDG

(hydrolyse du PDG). La membrane externe s’invagine à son tour, mais les cellules ne se séparent pas

encore. Des streptobacilles sont le résultat d’une mutation dans ce gène ;

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e) le site de division est inactivé par le produit d’un 6ème gène et les cellules filles se séparent. Si la période C

du cycle suivant est déjà terminée, il n’y a pas de repos pour les bactéries  : une nouvelle période D débute

immédiatement.

4.1.2. Des bactéries Gram+

Chez les bactéries Gram+, les couches internes de la molécule de PDG, qui en comprend une dizaine, sont en

voie de synthèse et les couches externes en voie d’autolyse. Au cours du cycle cellulaire complet, la couche la

plus interne au début du cycle, se retrouve en position la plus externe en fin de cycle, c’est-à-dire juste avant

l’entame d’une nouvelle division cellulaire. A ce moment, le volume a augmenté considérablement et cette

couche externe supporte donc un très grand stress. Des autolysines doivent donc intervenir. Elles se chargent de

couper certaines liaisons covalentes du PDG, afin de soulager ce stress. Ces autolysines sont synthétisées dans le

cytoplasme, excrétées au travers de la membrane plasmique et suivent le même chemin que les couches de

peptidoglycan vers l’extérieur. Elles sont ensuite relâchées dans le milieu extérieur, mais peuvent se réassocier

avec le PDG, par exemple, dans des cultures concentrées.

4.1.2.1. Des coques Gram+ ( Enterococcus faecium )

Le temps de génération minimal de cette bactérie est de 30 minutes dans un milieu riche (durée de la période D).

La durée de la période C (réplication de l’ADN) est de 50 minutes. Le septum est formé équatorialement, par

accumulation à cet endroit d’une plus grande quantité de PDG nouvellement synthétisé, et peut se voir aisément

au microscope électronique tel une zone d’invagination de la paroi qui pénètre dans la cellule. Ce septum va

pénétrer dans la cellule sur une certaine distance, mais s’arrêtera si la réplication de l’ADN n’a pu être complétée

en temps, tout comme chez E. coli. La formation du septum se complète et les deux cellules filles vont se

séparer.

En fait, cette séparation dépend de la concentration en autolysines. Lorsque la culture est pauvre en cellules

bactériennes et in vivo chez l’hôte, les autolysines sont surtout présentes dans le milieu, les bactéries filles ne se

séparent pas complètement et les chaînes streptococciques se forment (genres Streptococcus, Enterococcus et

Lactococcus). Par contre, lorsque la culture est riche en cellules ou dans une colonie, les autolysines se

réassocient au PDG des bactéries, les cellules filles se séparent complètement et les chaînes sont rares.

Les genres Streptococcus, Enterococcus et Lactococcus donnent naissance à des chaînes streptococciques plus

ou moins longues car ils se divisent selon un plan équatorial. Les formes de tétrades et de staphylocoques

apparaissent parce que les bactéries se divisent selon plusieurs plans équatoriaux de manière ordonnée ou non :

deux plans ordonnés pour les tétrades, trois plans ordonnés pour les sarcines, trois plans désordonnés pour les

staphylocoques. Par plans ordonnés ou désordonnés, il faut comprendre qu’à une génération particulière toutes

les cellules se divisent selon le même plan équatorial et en même temps, ou de manière anarchique. Les bactéries

des genres Staphylococcus et Micrococcus se divisent selon les trois plans de l’espace de manière anarchique

donnant naissance à des amas irréguliers en forme de grappe de raisins.

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4.1.2.2. Des bâtonnets Gram+ ( Bacillus subtilis )

Différents éléments cités pour E. coli (concernant les bâtonnets) et pour Enterococcus faecalis (concernant les

Gram+) sont valables pour Bacillus subtilis. Les bâtonnets Gram+ peuvent aussi ne pas se séparer complètement

et former des chaînes (streptobacilles) : genres Bacillus et Clostridium ; ou des paires avec les deux bâtonnets

parallèles, en chaîne ou en V : genres Listeria, Arcanobacterium, Rhodococcus, Erysipelothrix ; ou en amas

irréguliers dits « en lettres chinoises » : genre Corynebacterim ;…

4.1.3. Des actinomycètes

Le groupe informel des actinomycètes comprend différents genres bactériens Gram+ qui se multiplient

exclusivement, préférentiellement, ou occasionnellement, selon un mode se rapprochant assez de celui des

champignons. Plusieurs de ces genres comprennent des bactéries pathogènes pour les animaux domestiques, et

parfois pour l’homme aussi : Mycobacterium, Actinomyces, Dermatophilus, Nocardia et Rhodococcus.

Mais le genre le plus représentatif de ce groupe est le genre Streptomyces, dont nous ne parlerons pas en

pathologie, mais dont de nombreuses espèces produisent des antibiotiques. Le cycle cellulaire des bactéries du

genre Streptomyces peut être résumé comme suit.

La cellule bactérienne initiale, appelée erronément « spore libre » (erronément, car il ne s’agit nullement d’une

spore bactérienne), croît à la surface du milieu de support non seulement en s’allongeant, comme toute bactérie,

mais aussi en se ramifiant et, même, en pénétrant en profondeur dans le milieu, sans se diviser, sans qu’aucune

septation n’apparaisse (= mycélium). Après quelques jours, le mycélium produit des structures aériennes qui

s’étendent en hauteur (= hyphes aériens). Ces structures vont développer des torsades, tel un tire-bouchon. Leur

partie terminale, après une série de réplications et de migrations du chromosome bactérien, montre l’apparition

d’un nombre important d’événements de septation, qui sont à la base de la formation d’autant de jeunes cellules

bactériennes qui vont, après maturation et libération, donner naissance à de nouvelles formes libres, pour que le

cycle vital recommence.

Tous les actinomycètes ne présentent pas nécessairement toutes ces étapes dans leur cycle vital. Certains

mycéliums ne se ramifient pas (genre Mycobaterium) ou ne pénètrent pas en profondeur ; d’autres ne produisent

pas d’hyphes aériens (genres Mycobacterium, Actinomyces, Dermatophilus) ; … Les spores du genre

Dermatophilus possèdent aussi la propriété d’être mobiles.

4.2. Croissance bactérienne en culture

La croissance est définie telle une augmentation ordonnée des constituants chimiques d’un organisme. Elle

s’accompagne d’une multiplication cellulaire. Pour un être pluricellulaire, cela se traduit par l’augmentation de

la taille ; pour des êtres unicellulaires, cela signifie l’augmentation du nombre d’individus. Les paramètres qui

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permettent de définir une population d’unicellulaires sont : la masse cellulaire totale souvent traduite par le poids

sec et le nombre de cellules. Le poids sec d’une culture augmente régulièrement. Le nombre d’individus

augmente théoriquement par à-coups. En effet, tous les individus d’une souche bactérienne donnée dans des

conditions données de milieu ont le même temps de génération. Cette affirmation est valable dans les cas de

populations peu nombreuses (débuts de culture) ou bien dans des cas de croissance synchronisée. Dans des

populations normales de bactéries, le nombre de cellules augmente en fait régulièrement, tout comme la masse.

En effet, dès que le nombre d’individus atteint un certain chiffre, les différences minuscules de rapidité de

croissance qui existent entre tous les individus de cette population font que leurs divisions ne sont plus

synchronisées.

4.2.1. Cultures en milieu liquide

Le nombre de cellules présentes dans une culture bactérienne double à chaque génération.

Nn = 2n N0

Nn = nombre d’individus à la enième génération.

N0 = nombre d’individus à la génération 0.

N = nombre de générations.

Mais le nombre d’individus dépend donc aussi du temps de culture.

Nt = 2kt N0

Nt = nombre d’individus au temps t.

N0 = nombre d’individus au temps 0.

k = constante du rythme de croissance.

t = temps.

Le nombre de cellules augmente donc exponentiellement par rapport au temps ; autrement dit le logarithme de ce

nombre de cellules augmente linéairement en fonction du temps. La constante du rythme de croissance (k) est

une valeur qui définit le nombre de doublement de la population par unité de temps. La valeur habituellement

exprimée est celle du temps moyen requis de doublement de la population ou temps de génération. Cette valeur

est égale à 1/k. Des bactéries ayant des k constants verront le logarithme du nombre d’individus dans la

population augmenter linéairement par rapport au temps. Des bactéries ayant des k non constants (ce qui est

fréquent lorsque la croissance se fait dans des conditions limitées) verront le logarithme du nombre d’individus

dans la population augmenter exponentiellement (k augmente avec le temps) ou décroître selon une racine (k

diminue avec le temps) par rapport au temps. Une population au repos a un k égal à zéro. Le k est donc la pente

de la « courbe » de croissance en échelle semi-logarithmique.

Nous examinerons successivement deux conditions de culture en milieu liquide : celle où la croissance est

limitée par l’épuisement en nutriments ou l’accumulation de métabolites toxiques et celle où un apport constant

en nutriments est assuré ainsi qu’une élimination des métabolites.

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4.2.1.1. En croissance limitée

Quatre périodes sont visibles dans la courbe de croissance d’une culture bactérienne en conditions limitées, dans

un bouillon nutritif qui représente le logarithme du nombre de cellules vivantes en fonction du temps. Les quatre

périodes successives sont : la phase lag (I), la phase de croissance exponentielle (II), la phase stationnaire (III) et

la phase de mortalité (IV). Durant les phases I et III, la constante du rythme de croissance (k) est nulle  ; durant la

phase II, elle est positive et, durant la phase IV, elle est négative. Au cours des transitions entre phases, la valeur

de k varie.

La phase lag (I) correspond à une période d’adaptation, au niveau moléculaire, de la bactérie. Elle n’est pas

toujours présente. Sa présence et sa longueur dépendent de l’état des cellules ensemencées et des substrats

présents. La phase lag correspond à une synthèse de ribosomes et de protéines et, éventuellement, à l’induction

de fonctions cataboliques.

La phase de croissance exponentielle (II) répond aux différents paramètres déjà cités. Elle s’arrête

progressivement pour deux raisons possibles : une chute de la teneur en nutriments et/ou une accumulation de

métabolites toxiques. Sa rapidité d’apparition et la forme de la courbe dépendent des molécules impliquées. Un

cas particulier est celui de la diauxie. Après une phase de croissance exponentielle, celle-ci s’arrête car le

substrat le plus aisément catabolisé (glucose par exemple) est consommé. Il ne s’agit pas encore de l’apparition

de la phase stationnaire, mais bien de celle d’une seconde phase lag qui correspond à l’induction de la synthèse

des enzymes permettant la dégradation d’un second substrat, moins aisément catabolisé (lactose par exemple).

Une seconde phase de croissance exponentielle suit cette seconde phase lag.

Après l’arrêt de la croissance et pendant la phase stationnaire (III), des changements notables interviennent dans

les cellules : chute de la concentration en ribosomes par exemple, qui entrent progressivement en repos. Le fait

que la valeur de la population soit nulle pendant cette phase, ne signifie cependant pas que toutes les cellules

soient au repos. Si certaines le sont bien, d’autres continuent à croître et à se diviser, tandis que des troisièmes

meurent tout simplement.

La phase IV est une phase de décroissance exponentielle du nombre de bactéries due à la mort des cellules. La

masse cellulaire décroît, elle aussi, soit immédiatement si la lyse est immédiate, soit plus tardivement dans le cas

contraire. A nouveau, toute la population bactérienne de la culture ne se trouve pas dans le même état. Si

beaucoup de cellules sont au repos et meurent, certaines, plus résistantes et de plus en plus rares au cours du

temps, continuent cependant à vivre et à se diviser.

4.2.1.2. En croissance continue

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Les cultures continues permettent une croissance exponentielle pendant plusieurs jours, voire plusieurs semaines.

L’entrée de milieu nutritif frais et la sorite des métabolites sont adaptés à la vitesse de croisance de la bactérie et,

donc, à la richesse et aux variations du milieu. Au début, lorsque la multiplication cellulaire est plus élevée que

l’élimination, la culture se comporte comme décrit au point précédent. Après un moment, cependant, un état

stationnaire est atteint : c’est le chémostat, dans lequel la croissance est autorégulatrice. Si l’élimination est trop

élevée au départ, il y a une perte progressive des cellules et une disparition de la population.

4.2.2. Sur milieu solide

La colonie bactérienne est une entité morphologique observée après croissance bactérienne sur tout milieu

solide, qui permet, dans certaines limites, de reconnaître et de différencier des espèces bactériennes, voire des

souches d’une même espèce, entre elles. Elle est composée d’un assemblage de cellules et de plus en plus de

bactériologistes en parlent comme d’une organisation multicellulaire des bactéries. Les colonies diffèrent entre

elles par divers critères : dimension, couleur, forme, profil, texture, odeur, … Ces différences sont d’origine

génotypique (dues à l’organisme lui-même et à l’information génétique y contenue : mobilité, capsule, pigment)

et d’origine phénotypique (dues à la composition du milieu qui influence l’expression du génotype des

bactéries). Deux souches ou espèces bactériennes proches donnent en général, mais pas toujours, des colonies

très semblables.

4.2.2.1. Développement de la colonie bactérienne

Une colonie bactérienne se développe au départ d’une cellule bactérienne, ou d’un petit nombre de cellules.

C’est la raison pour laquelle, dans des comptages de bactéries, il sera toujours fait mention « d’unités formant

colonies » (UFC ou de « Colony Forming Unit ou CFU » en anglais), et non de bactéries. La croissance démarre

de manière exponentielle en une couche monocellulaire, suite aux divisions cellulaires successives, jusqu’à

obtention de quelques dizaines de cellules. La colonie a, jusqu’à ce moment, une structure bidimensionnelle. La

structure tridimensionnelle apparaît suite à la poussée vers le haut des cellules résultant de la division des

bactéries présentes au centre de la microcolonie.

Dès ce moment, la vitesse de croissance des bactéries devient linéaire (sauf pour Proteus vulgaris où elle reste

exponentielle probablement suite à la grande mobilité de ce germe) et la colonie s’étale radialement. La vitesse

de croissance radiale dépend de l’espèce, de la souche et de la richesse du milieu. Par exemple sur milieu peu

riche (glucose-sels), les colonies d’Escherichia coli et Klebsella pneumoniae croissent de 20 à 25 µm/h lorsque

la température est comprise entre 20 et 37°C, alors que, sur milieu riche, celles d’Enterococcus faecalis croissent

de 18 à 23 µm/h et celle de Bacillus cereus de 575 µm/h. La vitesse radiale de croissance varie aussi avec les

conditions de culture, la température (dans certaines limites), le type d’atmosphère et la présence d’eau. Selon le

milieu de culture, la colonie d’Escherichia coli a une vitesse de croissance variant entre 13 (milieu minimal) et

330 (Trypticase Soy Agar) µm/h. Un autre facteur qui intervient dans certaines espèces est l’âge de la colonie.

Chez Pseudomonas sp., bactéries aérobies strictes, un changement de vitesse apparaît avec l’âge suite à la

mortalité des bactéries présentes au centre de la colonie, où la concentration à la fois en substrat et en O 2 diminue

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fortement. Quant à la hauteur de la colonie, elle croît linéairement pendant 40 heures chez Escherichia coli puis

s’arrête.

L’étude du profil des colonies montre donc au bord une couche unicellulaire de bactéries qui s’étendent

radialement. Le profil est ainsi très souvent concave à la périphérie de la colonie, pour devenir convexe au fur et

à mesure qu’on se rapproche du centre de la colonie. L’hypothèse générale de la croissance d’une colonie

bactérienne est donc la suivante. L’extension radiale de la colonie est due à la prolifération des bactéries de la

périphérie. Si l’on ne considère que cette croissance, la colonie serait une structure plate s’étendant linéairement

vers l’extérieur. Cependant, comme déjà dit, les cellules du centre se multiplient aussi, au moins pendant un

certain temps. Le manque de place les oblige à s’étendre vers le haut. Cette extension est, elle aussi, linéaire.

Suite à la croissance radiale des colonies, due à la multiplication des cellules de la périphérie, toute mutation

apparaissant va se marquer par l’existence d’un triangle particulier dans la colonie, formé des bactéries mutées.

Dans certains cas, ce phénomène se marquera macroscopiquement (mutants acapsulés), dans beaucoup d’autres

cas, ces mutants ne seront découverts que par des repiquages sur des milieux appropriés.

4.2.2.2. Etat des cellules bactériennes dans la colonie

Le point suivant consiste en la localisation des bactéries en réelle croissance et multiplication dans une colonie.

Avec son développement, l’O2 pénétrera moins profondément dans la colonie et sa concentration au milieu de

celle-ci pourra atteindre le seuil zéro. De leur côté, les substrats diffusent dans la colonie vers le haut à partir de

l’agar, pour créer un contre-gradient de concentration par rapport à l’O2. Dans une colonie bien développée, leur

concentration au centre de celle-ci ne sera plus optimale. Quant aux métabolites et aux protéines excrétées, ils

diffusent dans l’agar à partir de la colonie, mais le feront moins vite dans une colonie bien développée.

Chez Pseudomonas putida, bactérie aérobie stricte, toutes les cellules sont en croissance et en multiplication

dans des colonies jeunes, alors que seules les cellules proches de la surface le sont dans des colonies âgées, là où

la concentration en oxygène est la plus élevée. Pour Escherichia coli, bactérie aéro-anaérobie, les cellules les

plus actives se trouvent en surface de l’agar, que ce soit dans des colonies jeunes ou vieilles, là où la

concentration en substrat est la plus élevée. Enfin, avec Staphylococcus aureus, bactérie aéro-anaérobie préférant

plutôt les conditions aérobies, les cellules les plus actives dans une jeune colonie se trouvent à la surface de

l’agar, tandis qu’elles se trouvent vers la surface de la colonie dans une vieille colonie, au point critique de

rencontre des substrats, qui diffusent vers le haut, et de l’O2 qui diffuse vers le bas.

Pour des bactéries aérobies strictes, une autre conséquence est une morphologie différente au centre et en

périphérie ainsi que l’apparition de prélyse et de lyse des bactéries du centre (Bacillus cereus : courts bâtonnets

éventuellement en phase lytique au centre et longs filaments incurvés en périphérie), la disparition de la propriété

de prise de colorants vitaux par les bactéries du centre (Vibrio cholerae), la sporulation plus abondante chez les

bactéries proches de la surface de la colonie que chez les autres (Bacillus sp.). Pour des bactéries aéro-anaérobies

(par exemple Enterobacter cloacae), cette situation se traduira par une activité plus grande des enzymes

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oxydatifs vers la surface de la colonie qu’en profondeur, où l’oxygène diffuse moins et où les cellules suivront

plutôt un métabolisme fermentatif.

4.3. Influence de paramètres de croissance

Différents facteurs physicochimiques influencent la croissance des bactéries en milieu liquide ou sur milieu

solide au laboratoire. Il s’agit des conditions physiques de la culture d’une part et de la composition chimique du

milieu d’autre part. Ces influences sont soit spécifiques, soit générales.

4.3.1. L’eau

L’eau est l’essence même de la vie, indispensable pour l’existence et la vitalité de toute cellule. Cette formule est

valable pour les eucaryotes et les procaryotes. Cependant, contrairement aux organismes supérieurs, les bactéries

sont totalement dépendantes de la teneur en eau de leur milieu. L’eau est un solvant de molécules très variées

intervenant dans de nombreuses réactions métaboliques et entre en ligne de compte dans de nombreuses

réactions métaboliques.

Une dessication lente en présence d’air est extrêmement néfaste pour de nombreuses espèces, bien que certaines

y soient fortement résistantes (famille Enterobacteriaceae). Par contre, une dessication rapide à basse

température (-35 °C : lyophilisation ou « freeze-drying ») est une excellente méthode de conservation de toutes

les bactéries. Il faut cependant nuancer cette affirmation par quelques remarques. La première est que les

bactéries lyophilisées doivent être conservées en ampoules sous vide, afin d’éviter tout processus de

réhydratation. La deuxième est que le taux et la durée de survie dépend de l’organisme considéré. La troisième

est que la lyophilisation doit se faire dans un milieu adéquat avec des agents protecteurs (protéines

essentiellement). Toujours est-il que de nombreuses bactéries, malgré des pertes en cellules lors de ce genre de

manipulations, peuvent survivre pendant des dizaines d’années.

4.3.2. La pression osmotique

La pression osmotique est la pression exercée par un soluté dissout dans l’eau. Les bactéries vivent dans des

milieux à faible pression osmotique par rapport à la pression osmotique de leur cytoplasme. Comme il a été dit,

une des fonctions du PDG et des membranes externes est de protéger la cellule contre les effets néfastes de cette

différence de pressions osmotiques, que l’on dénomme « turgor pressure » ou pression de turgescence. L’espace

périplasmique et les mailles du PDG sont isotoniques avec le cytoplasme et servent, en quelque sorte, d’écluse,

de sas, lors de changements importants dans la pression osmotique du milieu extérieur. Dans un milieu par trop

hypotonique, la cellule aura tendance à gonfler (plasmoptyse) ; dans un milieu hypertonique, elle perd de l’eau et

a tendance à rétrécir (plasmolyse).

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Certaines molécules sont des agents osmoprotecteurs (proline, glycine-bétaïne). Cela signifie que lorsque la

concentration intracellulaire en ces molécules est élevée grâce à des apports extérieurs, les cellules d’Escherichia

coli sont plus tolérantes aux changements de pression osmotique extérieure que les cellules dans lesquelles cette

concentration est normale.

Enfin, chez Escherichia coli, la proportion en protéines de membrane externe OmpF et OmpC varie selon les

conditions d’osmolarité du milieu extérieur. Ces deux protéines créent des pores dans la membrane externe au

travers desquels de petits solutés peuvent diffuser. Les pores d’OmpF sont plus grands que ceux de OmpC. Dans

des conditions où le milieu extérieur possède une forte pression osmotique (par exemple dans l’intestin), la

proportion OmpF/OmpC est de 1/25. Les pores de OmpC étant plus petits, certains composés, qui pourraient

s’avérer toxiques, sont exclus. Dans des conditions de faible pression osmotique extérieure (milieu extérieur

normal), cette proportion est de 15/1. En effet, dans des conditions de faible pression osmotique, le taux de

diffusion est faible et de plus larges pores sont présents pour permettre une entrée maximale de substrats solutés

présents en faibles concentrations.

4.3.3. Le pH

Des bactéries sont trouvées dans des conditions extrêmes de pH (surtout les Archaebactéries), de pH 1,0 (sources

sulfuriques acides) à pH 11,0 (lacs alcalins). Les bactéries, qui nous concernent, poussent à des pH qui tendent

vers la neutralité, quoique légèrement alcalins. Escherichia coli, par exemple, pousse sans problème entre pH 6,0

et pH 8,0 et peut encore pousser, quoique difficilement, à des valeurs plus extrêmes telles pH 5,0 et pH 9,0. Ces

valeurs de pH reflètent, bien sûr, les pH extérieurs (pHe). Les variations de pH interne ou cytoplasmique (pHi)

sont beaucoup plus étroites que celles du pH extérieur.

Il est d’ailleurs heureux qu’il en soit ainsi, car les enzymes cellulaires ne peuvent fonctionner que dans des

valeurs étroites de pH. Trois groupes de bactéries sont ainsi définis sur base des valeurs de pHi. Les bactéries

acidophiles, dont le pHi optimal est situé entre les valeurs 6,5 et 7,0 ; les neutrophiles, dont le pHi optimal est

situé entre les valeurs 7,5 et 8,0 (Escherichia coli, Bacillus subtilis, etc) ; et les alcalophiles, dont le pHi optimal

est situé entre les valeurs 8,4 et 9,0. Si Escherichia coli pousse encore à des valeurs de pHe de 5,0 et de 9,0, dès

que le pHi atteint la valeur de 6,6, elle arrête de pousser, et sa croissance est déjà réduite de 2x à pH 7,2. De

faibles variations de pHi vers des valeurs élevées ont des conséquences néfastes encore plus dramatiques sur la

croissance de cette bactérie.

Il faut cependant signaler qu’à même pHe, la composition du milieu de croissance influence le pHi, car des

acides ou des bases faibles peuvent traverser les membranes, et d’autre part les produits internes du métabolisme

sont différents. La capacité de la bactérie à maintenir stable son pHi s’appelle capacité tampon (« buffering

capacity »). Cette capacité se subdivise en capacité tampon de la surface bactérienne (Bo) et capacité tampon du

cytoplasme (Bi). Le maintien de pHi fait intervenir des transports de protons et d’ions mais les mécanismes

moléculaires sont encore inconnus.

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4.3.4. La température

Il ne s’agit pas ici de parler de l’effet de la température dans les problèmes de désinfection, stérilisation et

pasteurisation (voir chapitre 9), mais plutôt de son effet sur la croissance et la composition cellulaire des

bactéries.

La plupart des bactéries peuvent vivre et se multiplier dans un intervalle de température de 30 °C. La place de cet

intervalle de température sur le thermomètre permet de classer les bactéries en trois groupes : les psychrophiles

ou cryophiles qui préfèrent des basses températures (de 0 °C à 25 °C), les mésophiles, au milieu (de 10 °C à 45

°C) et les thermophiles (de 40 °C à 90 °C). Mais l’intervalle de température pour une croissance optimale est

plus étroit : l’intervalle d’Arrhénius. En simplifiant, la constante de croissance k et le temps de génération 1/k

restent relativement constants dans cet intervalle. En milieu liquide, lors du passage d’une culture d’Escherichia

coli d’une température à l’autre dans l’intervalle d’Arrhénius, aucune phase lag (I) n’est observée.

Lors d’un passage d’une température normale à une haute température hors de l’intervalle d’Arrhénius, une

longue période de faible croissance est observée avant que l’état de croissance équilibrée ne soit atteint. Ces

phases lag sont la conséquence du temps que prend la modification de la topologie de la molécule

chromosomique d’ADN, afin d’assurer une expression optimale des gènes requis pour ajuster la composition

cellulaire en acides gras et en protéines. Lors de la diminution de la température, une augmentation de la teneur

des membranes en acides gras insaturés est observée ; au contraire, une méthylation des chaînes insaturées

apparaît si la température augmente. Ces changements, destinés à maintenir une fluidité optimale des

membranes, sont sous contrôle génétique. Dans l’intervalle d’Arrhénius, la composition cellulaire en protéines,

bien ajustée selon la température, ne subit pas de profondes modifications. Il n’en est plus de même à haute

température. Une série de protéines, appelées HTP (ou « High Temperature Proteins »), voient leur taux de

synthèse augmenter de 10 à 50 fois. Elles interviennent dans la résistance thermique des cellules d’E. coli.

Lors de passage d’une culture d’une température normale à une basse température hors de l’intervalle

d’Arrhénius, tel un refroidissement brutal de 37 à 4°C pour Escherichia coli ou Salmonella enterica, il restera

2x10-4 survivants, s’il s’agit d’une culture en phase exponentielle et en milieu riche. Dans un milieu pauvre

(glucose/sels), ces bactéries sont plus résistantes. Par contre, le même changement brutal de température à partir

d’une culture en phase stationnaire entraîne très peu de mortalité, que le milieu soit riche ou non. De même, un

refroidissement progressif entraînera une faible mortalité. De plus, si du saccharose (0,3 Molaire) ou du

propylène glycol sont ajoutés au milieu, la mortalité est fortement réduite, voire nulle (= cryoprotection).

Par contre, les cycles répétés de congélation/décongélation tuent les bactéries, probablement suite à l’exposition

à la forte pression osmotique qui existe de manière transitoire. Le taux de survivants par cycle est de 0,4. Alors

que la phase de croissance, l’état d’aération, et la concentration initiale n’ont pas d’effet sur cette valeur, la

composition du milieu, et notamment les différences entre milieu jeune/vieux et milieu pauvre/riche, sont

fortement marquées.

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Quant aux cellules congelées elles-mêmes, elles meurent très lentement, et ce taux de mortalité diminue avec la

température. En pratique, pour conserver des bactéries, il vaut mieux les réfrigérer lentement à 4°C. Ensuite,

après ajout de protecteur, une congélation rapide à température très basse (au moins –20°C mais –70°C est

mieux) est réalisée. Si l’on n’ajoute pas de protecteur, un milieu pauvre et/ou une culture en phase stationnaire

sont préférables.

4.3.5. La pression

Les bactéries sont subdivisées en trois groupes : le premier groupe, dont la croissance est optimale à une

atmosphère, mais diminue de rendement lorsque la pression augmente (bactéries « classiques ») ; le deuxième

groupe, composé de bactéries dont la croissance est optimale à des pressions plus élevées qu’une atmosphère,

mais qui peuvent quand même pousser à une atmosphère (bactéries barophiles) ; et le troisième groupe, dont la

croissance n’est possible qu’à des pressions élevées correspondant à des profondeurs de 7000 à 10400 mètres

dans les océans et impossible à une atmosphère (bactéries barophiles obligées).

4.3.6. Le son

Si les bactéries survivent sans problème à des sons dont la fréquence est de moins de 1000 cycles par seconde, il

n’en est plus de même lorsque la fréquence atteint des valeurs de 100000 cycles par seconde. Des variations de

pression (« cavitation ») en résultent, provoquant l’apparition de bulles qui vont se rejoindre, éclater et faire se

rompre la cellule bactérienne. Les ultrasons sont utilisés au laboratoire pour rompre et lyser les bactéries d’une

manière non chimique.

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