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Avant 1903 : Les premiers allumés de la bécane Alcool, arsenic, caféine, cocaïne, éther, nitroglycérine, strychnine,… Le recours aux produits facilitant la performance remonte aux premières compétitions. C’est la lutte entre les hommes qui pousse ces derniers à chercher le truc qui leur permettra de gravir la plus haute marche du podium seule source de reconnaissance médiatique. Autrement dit, plus une épreuve est suivie par le public, plus les drogues de l’effort pullulent dans les enceintes sportives. Dans cette pandémie de « course aux armements », un élément bien précis – l’organisation d’épreuves surhumaines – a facilité la propagation des topettes miraculeuses et ce depuis plus d’un siècle et demi. 1860 - LE PREMIER CAS CONNU - Un cycliste danois carburait à l’éther Récit de John Boyer, médecin américain, spécialiste des drogues de la performance : « Le premier cas de dopage officiellement enregistré remonte vers 1860 environ, quand on s'aperçut qu'un cycliste danois versait de l'éther sur un morceau de sucre. » [John Boyer. - L’utilisation des drogues et ses abus dans les milieux sportifs. - Bull. AEFA , 1972, n° 36, pp 7-9 (p 7)] 1

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Avant 1903 :Les premiers allumés de la bécane

Alcool, arsenic, caféine, cocaïne, éther,nitroglycérine, strychnine,…Le recours aux produits facilitant la performance remonte aux premières compétitions. C’est la lutte entre les hommes qui pousse ces derniers à chercher le truc qui leur permettra de gravir la plus haute marche du podium seule source de reconnaissance médiatique. Autrement dit, plus une épreuve est suivie par le public, plus les drogues de l’effort pullulent dans les enceintes sportives. Dans cette pandémie de « course aux armements », un élément bien précis – l’organisation d’épreuves surhumaines – a facilité la propagation des topettes miraculeuses et ce depuis plus d’un siècle et demi.

1860 - LE PREMIER CAS CONNU - Un cycliste danois carburait à l’éther

Récit de John Boyer, médecin américain, spécialiste des drogues de la performance : « Le premier cas de dopage officiellement enregistré remonte vers 1860 environ, quand on s'aperçut qu'un cycliste danois versait de l'éther sur un morceau de sucre. »[John Boyer. - L’utilisation des drogues et ses abus dans les milieux sportifs. - Bull. AEFA, 1972, n° 36, pp 7-9 (p 7)]

1875 - SIX JOURS - Un encouragement au dopage 1. Londres - Une panoplie de remèdes : caféine, éther, alcool, nitroglycérine« Par exemple, en 1875, lorsque les courses de six jours eurent lieu pour la première fois (Londres), les participants avaient à leur disposition une panoplie de remèdes qui leur permettaient de mieux supporter une épreuve d'endurance de cette nature. Les coureurs français préféraient des mélanges à base de caféine alors que les Belges utilisaient du sucre imbibé d'éther. Certains coureurs recouraient aux boissons alcoolisées alors que les sprinters s'étaient spécialisés dans l'emploi de mélanges à base de nitroglycérine. (NDLA) A partir de ce moment, un certain nombre d'entraîneurs s'improvisèrent apothicaires et pharmacologues en fabriquant des potions-miracle à base d'alcaloïdes récemment découverts, en particulier l'héroïne et la cocaïne. »[Médicaments d'Aujourd'hui, 1977, 1, n°5, pp 6-11]

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COMMENTAIRES JPDM : La nitroglycérine est un composé chimique tiré de la glycérine. C’est un liquide huileux, jaunâtre, doué de propriétés explosives au plus léger choc. Ce nitrate organique est utilisé en thérapeutique dans le traitement de l’angine de poitrine (obturation temporaire des artères coronaires). On l’emploie sous sa forme trinitrée – c’est la trinitrine – qui a un effet vasodilatateur. C’est un rôle analogue que l’on attribue avec un peu trop de complaisance au whisky. Pour les coureurs, la nitroglycérine était censée diminuer les difficultés respiratoires et l’essoufflement à l’effort, ce que l’on nomme dyspnée.

2. New York – Major Taylor (USA) : « Une véritable crise de folie »Récit de Jean-Pierre de Mondenard et Bernard Chevalier : « Dès le début des compétitions sportives, ce sont les cyclistes qui ont brandi bien haut le triste flambeau du dopage. Il est vrai que la création des épreuves de six jours les y encouragea grandement. Les malheureux cherchaient d’ailleurs autant à lutter contre la fatigue qu’à améliorer leurs possibilités : au siècle dernier, ces premiers six jours ne se disputaient pas encore par équipes de deux coureurs chargés de se relayer, de même que le temps passé en piste sans repos n’avait pas fait l’objet d’une limitation. Les Américains étaient friands de ces courses et des milliers de New- Yorkais se bousculaient pour les suivre, aux portes du tout nouveau Madison Square Garden. L’Amérique achevait bien les chevaux mais ne dédaignait pas voir les cyclistes aller au bout de leurs forces, augmentant au besoin la durée de leur calvaire. C’est ainsi qu’en 1896 la foule qui assistait aux premiers six jours du Garden exhorta le vainqueur, l’Irlandais Teddy Hale, à parcourir dix miles de plus après son arrivée. Epuisé, Hale s’exécuta – le mot n’est pas trop fort – jusqu’à être victime d’hallucinations. Peu de temps avant, un autre concurrent, Major Taylor, avait été, sous l’effet de la fatigue et des « remontants », pris d’une véritable crise de folie et, jetant bas sa machine, avait attaqué des spectateurs…

Six jours de New York 1896 : une course hallucinante

Un grand journal new-yorkais décrit l’état physique et psychique des principaux acteurs de ce premier tournoiement infernal couru individuellement (ce texte figure dans l’ouvrage de Herbert Osbaldeston Duncan, champion du monde 1885-1886)  :« A l’exception de quelques coureurs, qui n’étaient pas restés d’une manière continue en piste, tous les concurrents étaient dans un état complet d’épuisement, ainsi que vous pouvez en juger par le récit des incidents qui se produisirent le dernier jour. Teddy Hale (IRL) fut pris tout à coup

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d’hallucinations qui lui faisaient voir des gens cherchant à le faire tomber, et douze heures avant la fin, il menaçait d’abandonner la course si ses entraîneurs ne lui donnaient pas le « lit de plumes » qui lui avait été promis.Quelque temps après, le second, Rice (USA), descendit de machine, tremblant de tous ses membres et, avec une sueur froide, il suppliait ses entraîneurs d’empêcher le public de « jeter des briques devant sa route ». Puis ce fut le nègre Major Taylor (USA) qui fut pris d’un accès de folie furieuse et retrouva assez de force pour sauter de sa machine et se précipiter sur des personnes placées au centre de la piste et qu’il voulait tuer, disait-il. Le vieil Albert Schock (USA) tomba comme une masse le long de la balustrade ; on le releva inanimé et il fallut dix minutes pour le rappeler à la vie. Moore (USA), le dixième, se plaignait de n’avoir plus « ni jambes ni bras » et on ne put le ranimer qu’en lui donnant une bonne dose de nourriture dont il avait décidément grand besoin. Plusieurs médecins présents ont constaté que si la course avait continué seulement 24 heures de plus, il se serait déclaré des cas de folie incurable chez les concurrents. »[Herbert Osbaldeston Duncan. .- Vingt ans de cyclisme pratique.- Paris, éd. Juven, 1897 .- 263 p (pp 124-127)]

Dans l’ombre de ces pauvres héros s’activaient déjà les « soigneurs », personnages louches qui n’ont jamais quitté l’arrière-plan de la scène cycliste et qui, sous des dehors quelquefois pseudo-scientifiques, sont de redoutables charlatans. Même de nos jours, des journalistes, des champions apparemment évolués n’hésitent pas à servir du « docteur » à certains de ces soigneurs, et plus encore pour les seconds à se fier aveuglément à leurs « ordonnances ». »[Jean-Pierre de Mondenard et Bernard Chevalier .- Le dossier noir du dopage. – Paris, éd. Hachette, 1981. – 270 p (pp 16-17)]

COMMENTAIRES JPDM : Dès le début des joutes cyclistes, afin d’impressionner les imaginations et attirer aux guichets les amateurs de sensations fortes, les organisateurs vont s’ingénier à mettre sur pied des épreuves où seuls des « surhommes » peuvent tirer leur épingle du jeu. C’est dans ce but qu’en 1875 vont se dérouler à Londres des six jours individuels. Dans la foulée, et devant l’engouement du public pour de tels matchs, aux confins de l’endurance humaine, d’autres grandes métropoles telles que Chicago, Melbourne ou New York, vont imiter la capitale anglaise. Le succès de ces marathons cyclistes aidant plusieurs épreuves basées sur « l’exagération des heures de selle » virent le jour. En 1891, Bordeaux-Paris et ses 600 km  d’une traite ; la même année, on double la distance avec les 1 200 kilomètres de Paris-Brest-Paris. Trois ans plus tard, le premier Bol d’Or – course de 24 heures – déplace les foules au vélodrome Buffalo à Neuilly. Sur cette piste en ciment de 333,33 m, le vainqueur Constant Huret, en deux tours d’horloge, atteint les 737 kilomètres. Les « fâcheuses conséquences » de ces orgies de coups de pédales sans temps de repos intercalés, débouchent inévitablement vers le surmenage physique dont les effets les plus marquants - les hallucinations – témoignent des contraintes subies par le système nerveux. Le docteur Gustave-Adolphe Walther, observateur privilégié puisque médecin traitant de deux engagés à « La course des 72 heures » disputée au Parc des Princes du 13 au 15 août 1898, décrit les phénomènes délirants avec hallucinations dont ont été victimes au bout de cinquante heures de pédalage non-stop, plusieurs participants : « L’un s’échappe brusquement pour grimper sur un arbre ; l’autre descend de machine et proteste contre la présence de tramways dans le virage ; un troisième croit qu’on lui a placé dans son pneu des cartouches de dynamite pour le faire sauter ; un quatrième est persuadé qu’on veut le tuer, des figures grimaçantes le poursuivent et le menacent… »Dans un tel état d’épuisement, ces pauvres bougres devenaient une proie facile pour tous les marchands d’orviétan qui tout en fréquentant les hippodromes où ils distribuaient sans retenue « l’avoine enchantée » aux pur-sang, avaient aussi investi les vélodromes, nouveaux terrains d’expérimentation aux débouchés illimités.

1886 - ALCOOL - Fréderic de Civry (FRA) : «   On se sent «   claqué   » à bref délai   »

Déjà, au début du XXe siècle, c'est-à-dire aux balbutiements de la nutrition de l'effort, les sportifs fatigués absorbaient toutes sortes de liquides aux vertus imprécises. Dans son manuel de conseil, « Vingt ans de cyclisme pratique », l’Anglais Herbert-Osbaldeston Duncan, ancien champion du monde en 1885-1886 et

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témoin privilégié de la grande époque nous rapporte le cas de Frédéric de Civry, alors champion de France, qui remporta une épreuve de six heures grâce à cette pétillante boisson : « Cependant, c'est un fait bien connu, que plus d'une course a été gagnée par un homme absolument gris, qu'on a dû descendre de sa machine. Nous avons assisté à Grenoble, à une course de six heures, que de Civry, alors champion de France, gagna d'un tour environ sur son plus proche adversaire ; le vainqueur était complètement intoxiqué, à cause de la trop grande quantité de champagne qu'on lui avait fait boire pendant la dernière demi-heure et, lorsque la cloche sonna pour le dernier tour, il décrivait de tels zigzags sur sa machine que chacun eut peur pour lui. Après avoir passé le poteau, il continuait à tourner autour de la piste à toute vitesse, lorsqu'un officiel eut l'idée de diriger contre lui le jet d'une lance qui servait à l'arrosage de la pelouse, et il l'atteignit en pleine figure. Cela le fit revenir à lui. »

L'auteur ajoute à l'intention des pratiquants : « Les jeunes coureurs doivent éviter de trop « boire » pendant les courses et les records de longue distance. L'alcool ou le champagne arrivant dans l'estomac vide ne tardent pas à s'évaporer et à monter au cerveau, de sorte qu'on se sent « claqué » à bref délai et qu'on perd toute chance de gagner. »[Herbert Osbaldeston Duncan .- Vingt ans de cyclisme pratique .- Paris, éd. Juven, 1897 .- 263 p (p 179)]

1889 - STRYCHNINE   - Manger du pigeon pour se donner des ailes

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« À l’époque des pionniers, les coureurs exigeaient de manger le plus souvent possible du pigeon car ils croyaient aux effets dopants de la strychnine contenue dans la volaille. »[Robert Janssens .- Le Tour fleurs et pleurs .- Anvers, Amsterdam, éd. Hélis, 1988 .- 231 p (p 143)]

COMMENTAIRES (NDLA) : A plusieurs reprises, poulets et pigeons ont été confrontés au dopage des hommes. Par exemple, entre les deux guerres, sur l’hippodrome de Stockel, en Belgique, les poulets du gardien tombaient raides lorsqu’ils avaient le mauvais goût de picorer dans les crottins des pur-sang au lendemain des épreuves. De même, dans les années 1930, un célèbre entraîneur cycliste, Francis Pélissier, avait trouvé un truc pour stimuler ses ouailles pédalantes : « Je donne de la strychnine à mes poulets quinze jours avant une course et comme cela je dope mes gars aux œufs à la strychnine, aliment complet. » Beaucoup plus près de nous, la chronique de la dope nous apprend qu’en raison de rumeur de dopage aux anabolisants sur les pigeons voyageurs de compétition, The Royal Pigeon Racing Association (RPRA), qui rassemble quelques 80 000 colombophiles en Grande-Bretagne, a annoncé au début de l’année 1997 que les volatiles, à partir de prélèvements dans les crottins, seront soumis dès les premières compétitions de la nouvelle saison, à des contrôles antidopage. Les nouvelles dispositions réglementaires prévoient pour les éleveurs fautifs, des interdictions de concours pouvant aller jusqu’à trois ans et la confiscation des gains. Les substances administrées par les soigneurs-éleveurs appartiennent principalement, comme pour le genre humain, aux groupes de médications que sont les stéroïdes anabolisants et les corticostéroïdes, censés augmenter la masse musculaire et permettre aux compétiteurs ailés de voler plus vite et plus longtemps.

1890 - ALCOOL - Herbert-Osbaldeston Duncan (GBR) - «   À prendre v ers la fin de la course »

1. Le meilleur remède « Dans les courses de longues distances il arrive quelque fois que l'on souffre de coliques : dans ce cas, le meilleur remède, qui agit instantanément, est de boire un petit verre de rhum. »[Herbert Osbaldeston Duncan et Louis Suberbie .- L'entraînement à l'usage des vélocipédistes, coureurs et touristes .- Paris, éd. Dalvy, 1890 .- 200 p (p 105)]

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2. On se sent d’autant plus épuisé que le réconfort a été plus fort « Après la course si comme cela arrive souvent, on doit recourir dans une autre épreuve, on se fera soigneusement essuyer par son entraîneur ou par un ami et on changera de maillot afin d'être bien sec. On pourra se frictionner aussi avec de l'alcool (non camphré) ou avec un liniment comme l'Hippacea. Si l'on ressent le besoin de prendre quelque chose, le meilleur aliment sera un œuf frais battu dans une cuillerée à bouche de cognac ou de champagne et un peu d'eau : mais encore faut-il prendre ce fortifiant soit immédiatement avant la dernière épreuve de la journée, soit vers la fin de la course, si c'est une course de fond. Le motif de cette recommandation vient de ce que cet aliment agit immédiatement sur le système et produit tout d'un coup son effet sur l'individu. L'action instantanée du cognac et du champagne ravive et stimule les forces épuisées, mais cet effet revivifiant se continue pendant un très court instant, assurément moins d'une demi-heure, après quoi survient une réaction pendant laquelle on se sent d'autant plus épuisé que le réconfortant a été plus fort.Il arrive trop souvent que l'on essaie de remédier à cet épuisement en s'adressant de nouveau au stimulant, mais on s'aperçoit alors qu'à chaque répétition le bon effet diminue rapidement, tandis que l'épuisement qui en résulte augmente promptement. Il devient donc évident qu'il ne faut prendre qu'une seule dose de stimulant et cela pas plus d'un quart d'heure avant la fin de la journée. Si l'on prend du champagne tout à fait vers la fin d'une course de fond, on devra n'en prendre que très peu et y ajouter un peu d'eau. Nous avons vu très souvent des buveurs abuser de ce breuvage, devenir gris et ne pouvoir même terminer le parcours. Si l'on se sent pris d'une soif ardente entre deux courses ou après la journée, la meilleure chose à faire est de ne pas boire, mais de se rincer longuement la bouche et surtout le fond de la gorge avec de l'eau fraîche, et non frappée, dans laquelle on aura mis un peu d'extrait ou de sirop de menthe : nous recommandons très chaudement ce système d'étancher une soif ardente causée par un travail actif à la chaleur et à la poussière. »[Herbert Osbaldeston Duncan et Louis Suberbie .- L'entraînement à l'usage des vélocipédistes, coureurs et touristes .- Paris, éd. R. Dalvy et Cie, 1890 .- 200 p (pp 63-64)]

1890 - KOLA - U n adjuvant antidéperditeur pour affronter la fatigue

1. Dr H.-L. Reboul (FRA) : « Une cuillère à café pour deux heures de route »Témoignage du Dr H.-L. Reboul : « Il est une substance bien connue aujourd’hui, adjuvant et antidéperditeur de premier ordre qui permet de puiser largement dans les réserves de l’organisme et d’affronter la fatigue. J’ai nommé la kola. Les habitants des régions de l’Afrique où prospère la kola utilisent depuis longtemps cette noix dans les longues marches pour se soustraire à la faim et diminuer la fatigue. En Europe, dès l’introduction de la kola, l’expérimentation scientifique corrobora pleinement ces données empiriques recueillies par les explorateurs. Les expériences du docteur Marie faites avec l’ergographe de Angelo Mosso (1846-1910), un physiologiste italien, ont montré que la kola augmente l’énergie, l’amplitude et la durée de la contraction musculaire. Cette propriété de la kola est une des plus importantes au point de vue de

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l’entraînement. Qu’il s’agisse des exercices de vitesse, où les mouvements musculaires se succèdent sans relâche, que le travail à exécuter demande le concours d’une grande quantité de muscles à la fois comme dans les exercices de force ou qu’enfin il y ait fractionnement de l’énergie déployée comme dans un exercice de fond, la kola est un auxiliaire précieux. Elle soutient le cœur, facilite l’expulsion des résidus de la contraction musculaire, elle annihile l’essoufflement. Elle empêche l’épuisement du système nerveux qui se produit souvent par contrecoup de la fatigue et maintient l’équilibre de son fonctionnement. Le succès de la kola date de 1890, époque à laquelle Astier, par un procédé particulier, parvint à extraire de la noix tous les principes actifs qu’elle renferme et à présenter un produit nouveau, très bien dosé, sous une forme éminemment assimilable, d’une conservation parfaite, d’une saveur agréable et soluble dans tous les liquides aqueux.

La Kola granulée Astier obtient immédiatement auprès des médecins et du public l’accueil le plus flatteur, et, à l’heure actuelle, on peut dire que dans tous les exercices d’entraînement la Kola Astier est d’un usage général. Par suite de son absorption, l’énergie musculaire est doublée et des personnes qui arrivaient fourbues après un parcours de 100 kilomètres à bicyclette, sont parvenues à le couvrir, presque sans fatigue, après avoir usé de la Kola Astier. Des expériences ont montré que, dans les marches militaires, les soldats ayant pris de la kola arrivaient au but plus dispos et en moins de temps que ceux qui n’en avaient pas pris. Le surmenage que provoquent les exercices de sport, l’essoufflement qui résulte de longues courses disparaissent aisément par l’emploi de la Kola Astier. Elle maintient l’énergie musculaire, tonifie le cœur, le système nerveux et augmente les urines. C’est un défatigant de premier ordre qui permet de puiser largement dans les réserves de l’organisme et supprime pour ainsi dire, la courbature. La Kola granulée Astier est très supérieure aux teintures, vins et élixirs ; l’alcool que prennent beaucoup de débutants n’exerce qu’une action factice, passagère, suivie d’une dépression rapide du système nerveux. Il provoque souvent de la gastralgie, des pituites, des aigreurs stomacales, il diminue l’appétit ; à l’inverse de la kola, il augmenterait plutôt la sensation de fatigue en laissant un état de lassitude avec douleur et engourdissement des membres. La Kola Astier est surtout précieuse parce qu’elle est active, bien dosée, qu’elle se conserve et peut être emportée avec la plus grande facilité. Elle se dissout aisément dans tous les liquides aqueux, eau, lait, bière, vin, thé, café. La dose moyenne, pour le cycliste, est de deux cuillerées à café par jour, pendant l’entraînement ; au moment de l’effort, elle est d’une cuillerée à café par deux heures de route. Pour l’absorber, on la dissout dans un des véhicules liquides indiqués ci-dessus ou on la prend tout simplement, telle quelle, dans le creux de la main. Les considérations générales qui précèdent s’appliquent à tous les sports. »[Reboul H .-L. .- Hygiène du cycliste. – Paris, Librairie du « Monde Médical », 1900 (?) . - 191 p (pp 22-26)]

2. Kola – Jean-Marie Corre (FRA) : « Heureux de la découverte »Témoignage du Dr Corneille Saint-Marc exerçant à la Mothe-Saint-Héray (79) : « J’ai constaté avec surprise que votre excellent produit (La Kola Astier) est inconnu dans le monde des coureurs ; je le regrette car nulle préparation ne leur convient mieux. Etant à Ruffec le 27 mai 1893, j’en ai fait prendre à plusieurs coureurs

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de Bordeaux-Paris, notamment à Jean-Marie Corre (NDLA : Le Breton finira 3e de cette troisième édition de Bordeaux-Paris) ; tous ont été heureux de découvrir ce médicament qu’ils ignoraient. Dans le but de leur être utile, j’ai conseillé la Kola Astier dans la Revue du Sport Vélocipédique dont je vous envoie un numéro ; je compte aussi en dire un mot le mois prochain dans le Cycliste dont je suis rédacteur. »[Reboul H .-L. .- Hygiène du cycliste. – Paris, Librairie du « Monde Médical », 1900 (?) .- 191 p (pp 148-149)]

3. Kola – Dr Philippe Tissié (FRA) : peut rendre de bons services« Les excitants. - Usez modérément des excitants : cocaïne, kola, caféine, etc., que tous les estomacs ne supportent pas aussi facilement : les aliments nervins, et en particulier la kola, peuvent rendre de bons services aux vélocipédistes à condition de ne pas en abuser, dit à ce sujet le docteur Philippe Tissié (médecin du Vélo-Club Bordelais). D'ailleurs, tous les aliments excito-moteurs ne doivent entrer dans l'alimentation qu'avec réserve. Le corps humain possède une force vitale, individuelle, qui reste à peu près la même pour chaque personne selon son âge. Exciter cette force vitale et la dépenser en une seule fois au moyen d'un aliment nervin, c'est faire un emprunt à l'économie, emprunt qu'il faudra rembourser à un moment donné sous peine de faire faillite. Le tout consiste à ne pas grever son budget au-delà des prévisions de remboursement possible. »Et le docteur Tissié indique la formule suivante, qu'un pharmacien vélocipédiste lui a fait parvenir :Extrait de kola.......... 1 gPoudre de réglisse....... P.S.Essence de menthe.......11 gouttes.Chaque pilule renfermant 10 centigrammes de kola, on peut ainsi doser la prise selon le besoin. Avec ces pilules, le pharmacien en question a fait, sans entraînement, 140 kilomètres en huit heures dix minutes, avec un arrêt de deux heures et demie. »[Philippe Dubois et Henri Varennes . - Tous cyclistes ! traité théorique et pratique de vélocipédie . - Paris, éd. Garnier frères, 1894 .- 356 p (pp 187-188)]

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4. Kola - Gaston Rivierre (FRA) : « Une nourriture d'épargne de premier ordre »« Gaston Rivierre, recordman du monde et gagnant de la course Bordeaux-Paris (NDLA : 1896-1897-1898) s'est trouvé si bien de la Kola-Food, qu'il a écrit à M. Maussey, dépositaire, la lettre suivante :« Monsieur Maussey, 16 rue du Parc-Royal, Paris.Vous me demandez mon opinion sur votre Kola-Food ? La voici, sincère :Comme vous le savez, je l'avais essayée pendant mon entraînement et j'en avais été si satisfait, que je résolus d'en user, à l'exclusion de tout autre aliment, pendant la course de Bordeaux-Paris.J'avais donc remis à mes entraîneurs des petites boîtes de Kola-Food, qu'ils délayaient dans du lait, et j'avais ainsi une nourriture d'épargne de premier ordre, très légère et, ce qui ne gâte rien, d'un goût très agréable. Pas un instant je n'ai souffert de l'estomac, pendant ou après la course. J'estime donc, en résumé, que votre Kola-Food est un produit tout à fait remarquable, et je lui souhaite, auprès des cyclistes, tout le succès qu'il mérite.Agréez, Monsieur, mes salutations distinguées.Signé : G. Rivierre. »Réclamer la Kola-Food dans les bonnes pharmacies et épiceries - 2 fr. 50 la boîte de 50 déjeuners. »[Publicité parue en 1897 dans l'ouvrage de Herbert Osbaldeston Duncan . - Vingt ans de cyclisme pratique .- Paris, éd. F. Juven, 1897 .- 263 p]

5. Kola - Dr Eugène Guillemet (FRA) : « La conscience de la fatigue n'existe pas »Récit du Dr Philippe Tissié relatant les études du Dr Eugène Guillemet : « Sous la désignation d'aliments d'épargne, on comprend, à tort, les excito-moteurs du système nerveux, tels que le café, le thé, le maté, le cacao, la coca, la kola, etc. qui permettent de fournir l'effort sans que la sensation avertisseuse de la fatigue soit perçue. Il ne s'agit pas d'une épargne, mais d'une dépense plus grande de forces, et d'une fatigue plus

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profonde qui en résulte, provoquée par une illusion sensorielle de force. Ces excito-moteurs « camouflent » la fatigue; ils l'endorment, la rendent ainsi imperceptible aux centres d'analyses. La sensation de fatigue est salutaire, elle avertit qu'on ne doit pas dépasser la limite extrême de l'effort qu'il faut s'arrêter sous peine de désordres graves. Supprimer ce signal d'alarme à l'aide d'un excito-moteur, c'est laisser le corps sans défense.Le corps humain, comme toutes les machines, s'use dans les dépenses imposées par le mouvement, il brûle ses graisses et ses matières protéiques azotées. Il ne faut donc utiliser les endormeurs de la fatigue qu'avec circonspection. Des expériences ont été faites tout spécialement avec la kola dans des courses à bicyclette. La kola relève l'énergie, elle agit sur le cœur dont elle diminue les battements, lui permettant ainsi de fournir un travail plus grand, mais provocateur d'une plus grande fatigue généralisée. Le Dr Guillemet [Des effets psycho-physiologiques de la bicyclette.- Thèse Méd., Bordeaux, 1897, n° 31, pp 20-22 (Pdt Pr G. Morache)] a établi le fait suivant, dans sa thèse inaugurale que j'avais inspirée en vue du dépistage de la fatigue. S'étant fixé un même itinéraire sur route, sur le même terrain, avec le même nombre de kilomètres à parcourir à bicyclette (60 km en deux heures et demie), il procéda d'abord sans absorption de kola, puis, avec absorption. Cette même expérience fut faite par d'autres coureurs, tels Jiel-Laval, elle donna le même résultat que voici :Après la course fournie sans kola, l'état de fatigue fut très conscient, mais le dynamomètre accusa une augmentation de force aux mains et aux muscles des lombes ; la force de la main droite avait augmenté de 12 kg 500, celle de la main gauche de 11 kg 700, et celle des lombes de 34 kilos. Il n'en fut pas de même avec la kola. A l'arrivée, la conscience de la fatigue fut nulle, le coureur aurait pu continuer, mais la force avait diminué à la main droite de 4 kilos, à la gauche de 2 kg 800, aux lombes de 8 kilos pour l'auteur et de 28 kg 500 pour les lombes, pour un des autres expérimentateurs. En résumé, « la conscience de la fatigue dans une course faite sans kola est très vive, mais la force dynamométrique augmente ; alors qu'avec la kola, c'est tout le contraire, la conscience de la fatigue n'existe pas ou est très amoindrie, mais la force dynamométrique musculaire diminue. » [Philippe Tissié . - L'éducation physique et la race . - Paris, éd. Flammarion, 1919 . - 336 p (pp 193-194)]

6. Kola – Dr Oscar Jennings (FRA) : « Un effet magique »Récit du Dr H.-L. Reboul relatant les expériences de son confrère Oscar Jennings : « Le Dr Oscar Jennings, dont on connaît les travaux sur la vélocipédie, a fait une étude très exacte sur les effets de la kola sur la circulation à l'aide du sphygmographe. Appelé auprès du coureur Gaston Pachot, lorsqu'il essayait de faire un record de 1 000 kilomètres, il lui conseilla tout d'abord, vu l'état d'affaissement où il se trouvait vers le six centième kilomètres, de renoncer à sa tentative. Comme, cependant, Gaston Pachot exprima sa résolution de continuer, Oscar Jennings lui prescrivit de prendre quelques cuillerées à café de kola qu'il envoya chercher. En attendant l'arrivée de la Kola, l'état de Gaston Pachot qui persistait toujours à marcher, empirait à vue d'œil, et quelques instant après le retour du messager, il s'arrêta exténué, à bout de forces, vanné, tué, fini), comme disaient ses camarades. L'effet de la kola fut tout bonnement magique. Au bout de quelques minutes, Pachot reprit la piste et resta encore deux heures en selle, jusqu'à ce qu'il fût évident qu'il ne restait aucune chance de couvrir le record. »[Reboul H.L. - Hygiène du cycliste . - Paris, Lib. Monde Médical, 1900 (?) . - 191 p (p 148)]

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7. Kola – Dr Gérard Encausse (FRA) : « Un médicament indispensable »Dans son livre de conseils, le docteur Gérard Encausse (FRA) énumère les « remèdes de la route » : «  Médicaments - Il est indispensable d'emporter quelques médicaments essentiels, ainsi que des pastilles de kola. Pour ces dernières la marque Sauter doit être spécialement recommandée. En fait de médicaments, les « comprimés Fédit » rendront de grands services. Le permanganate de potasse pour rendre inoffensive les eaux dangereuses. Le Sublimé comme désinfectant pour les lavages en cas de blessures, l'arnica et le laudanum (opium) comme adjuvants spéciaux.Un flacon d'alcool de menthe de Ricqlès complète très agréablement cette petite pharmacie ainsi qu'un peu de taffetas anglais. »[Gérard Encausse . - La bicyclette grosse routière et l'hygiène du cyclotouriste . - Paris, éd. Thérapeutique Intégrale . - 1902 .- 80 p (p 39)]

1891 - ALCOOL - C harles Terront (FRA) : «   Je bois une petite bouteille de champagne   »

Témoignage de Charles Terront vainqueur de Paris-Brest-Paris - « J'arrive à Dreux où je bois du champagne, puis à l'avant-dernier contrôle, la Queue-les-Yvelines, à 3 h 30 du matin, où je bois un peu d'eau. Partout on me répète que Jiel-Laval est à mes trousses et va me dévorer ! Impossible de contrôler les nouvelles. Le plus sage parti est de fuir, toujours, toujours !Désormais, les entraîneurs ne manquent pas. Plus j'approche de Paris, plus les amateurs vélocipédistes tiennent à m’accompagner. Voici Versailles. Il est 5 h 1/2 du matin ! le jour vient de se lever. Une centaine de cyclistes sont venus au-devant de moi et m'acclament. Je les salue, et au bas de la côte de Picardie, je bois une petite bouteille de champagne. Je repars, monte la côte que d'autres à côté de moi montent à pied et je redescends à toute allure vers Ville-d'Avray. »[Louis Baudry de Saunier et Charles Terront . - Les mémoires de Terront . - Paris, éd. Prosport, 1980 . - 183 p (pp 154-155)]

1891 - ALCOOL - L a boîte à lait au pétillant Témoignage de Frédéric Regamey (course dé vélodrome) : « De temps à autre, l'un des entraîneurs se retourne sur la triplette et passe rapidement une petite boîte à lait au coureur, qui la vide d'un trait, sans ralentir, et la jette au loin. Quel est ce mystérieux breuvage ? Chacun le choisit selon ses prédilections : champagne, bouillon, lait. Tous semblent y puiser de nouvelles forces, et cette absorption à toute vitesse est généralement suivie d'un avantage sur le concurrent. »[Frédéric Regamey . - Vélocipédie et automobilisme . - Tours, éd. Mame, 1898 . - 214 p (p 150)]

1894 - ALCOOL - Bol d’Or   : «   Le grand assassin venait comme un poison faire son œuvre et hâter la fin   »

Herbert Osbaldeston Duncan, cycliste professionnel de la première heure et entraîneur de nombreux champions, dans un livre de conseils, met en garde, notamment les spécialistes des épreuves de longue

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haleine sur les effets aléatoires des cocktails préparés par leurs soigneurs : « Pendant le Bol d’Or, notamment, de lourdes bêtises étaient inconsciemment faites par des gens qui s’intitulaient entraîneurs et qui faisaient ainsi reculer de plusieurs places les hommes dont ils s’occupaient. Le plus souvent, la faute consistait à tendre n’importe quel breuvage à l’homme fatigué qui demandait quelque chose à boire, demande qui démontre toujours qu’on est arrivé à l’épuisement et qu’on ne marchera plus bien longtemps. Et la boisson donnée presque à chaque tour, venait comme un poison faire son œuvre et hâter la fin. C’est d’abord du thé froid, avec souvent du cognac dedans, puis du bouillon avec de la kola, puis de l’eau-de-vie étendue d’eau, et enfin du champagne, « le grand assassin », qui fait que le coureur se sent bientôt complètement fini et abandonne, en disant qu’il poussait aussi dur que s’il s’agissait de traîner une brouette dans une prairie humide. »[Herbert Osbaldeston Duncan . - Vingt ans de cyclisme pratique. – Paris, éd. Juven, 1897. – 263 p (p 176)]

COMMENTAIRES JPDM : Le Bol d’Or était une compétition sur piste où chaque concurrent dans la roue d’un tandem ou d’une triplette, devait effectuer le plus grand nombre de kilomètres sur une durée de 24 heures. La première édition eut lieu sur le vélodrome de Buffalo à Neuilly en 1894. Le vainqueur, Constant Huret, un Français surnommé « Le Boulanger », sur deux tours d’horloge, avait réussi l’effarante distance de 736,946 km ! Cette épreuve sollicitant les « fous » de la pédale aux limites de la résistance humaine, n’a plus été organisée après 1950.

1895 - MATÉ - Dr Léon Petit (FRA)   : «   Pour donner du souffle   » « En 1895, le docteur Léon Petit (membre du Conseil d’administration du Touring Club de France) tenait une consultation médicale dans l’hebdomadaire sportif La Bicyclette. À la question d’un lecteur l’interrogeant sur les produits facilitant l’effort de longue durée, il avait répondu : « Adressez-vous à M. Grenet, pharmacien, 20 rue des Sablons à Paris, et demandez-lui de vous préparer la potion stimulante qu’il a fournie à Louis Cottereau lors de sa victoire dans la dernière course Bordeaux-Paris (1893). Vous en prendrez un verre à liqueur toutes les quatre heures pendant la course. »La potion stimulante préconisée par le Dr Léon Petit portant le nom évocateur d’élixir Saintonger. Ce breuvage préparé avec du maté –une boisson stimulante obtenue par torréfaction et infusion de « thé du Paraguay », variété de houx sud-américaine – agissait avec précision sur l’appareil respiratoire. Selon son fabricant, elle était parfaite pour « donner du souffle ». »[Jean-Pierre de Mondenard et Bernard Chevalier. .- Le dossier noir du dopage . - Paris, éd. Hachette, 1981 . - 270 p (p 21)]

1896 - ARTHUR LINTON (GAL)   - P remière victime du dopage   ?

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Le vainqueur de Bordeaux-Paris 1896, le Gallois Arthur Linton, décédait deux mois après avoir remporté le 24 mai le derby de la route. Il aurait été victime pour certains d’une « banale » fièvre typhoïde alors que, pour d’autres, la cause de sa disparition brutale serait due à l’absorption d’un cocktail de stupéfiants fourni par son manager Choppy Warburton. Un siècle plus tard, le doute demeure. Laissons s’exprimer par ordre chronologique les contemporains et les historiens.

1. Gaston Rivierre (FRA) : « Un héroïque garçon »Témoignage de Gaston Rivierre, adversaire n° 1 du Gallois et, à ce titre, observateur privilégié de la course surhumaine d’Arthur Linton : « …Me voilà lancé à la poursuite d’Arthur Linton. Suivant mon habitude d’éclairer ma route, j’avais des quadruplettes en avant. Un peu avant Sainte-Maure on vint m’apprendre que Linton était seul sur la route, sans entraîneurs, et qu’il s’en allait cependant bon train vers le nord, avec cette admirable ténacité qu’on lui connaît. Soudain, vers 10 heures du soir, au haut d’une côte, on m’avertit. Linton est là, à 200 mètres et, effectivement, sur la route éclairée par la pleine lune, je le vois comme une tache bleuâtre avec des allures fantastiques. Attention ! Il faut arrêter le plan de bataille. Il faut dépasser l’homme sans qu’il puisse nous suivre, car je le connais : s’il tient ma roue, il ne la lâchera plus jusqu’à Tours où l’attendent des triplettes fraîches. Ma quadruplette file devant moi, sans bruit. Je la suis. Derrière mois, Monachon, mon suiveur. Derrière lui, mon tandem éclaireur. Si Linton colle à lui, il se laissera décoller lui-même et Linton sera lâché. Pff ! Nous avons croisé Linton. Le coureur gallois, le nez sur son guidon, triste, isolé sur cette route avait à peine levé la tête que nous étions loin. Alors, en nous tournant, nous le voyons se dresser sur la route toute blanche. Il lève les mains au ciel, un cri s’élève dans la nuit, rauque et qui nous fait mal au cœur. Il nous a maudits !Il faut vaincre ! A toute allure, nous filons sur Tours. Stupéfaction au contrôle… Acclamations car depuis mon record des 24 heures, les braves Tourangeaux me sont sympathiques. Puis c‘est la route qui suit la Loire, plate et belle, les folles vitesses. Tout n’est pas rose pourtant. Mes entraîneurs et moi nous crevons tous et je dois à mon tour faire 20 kilomètres tout seul. Dans une côte après Blois, je vois dans un fossé Charron et Van Marcke qui pilotent une marque rivale de la mienne, couchés dans un fossé. Ils regardent si je ne me fais pas tirer. Touchante confiance ! Puis je perds mon chronomètre avant Orléans. A Orléans, je me sens course gagnée, Linton a trop de retard et je finis le parcours en amateur, grave faute qui ne m’est plus arrivée depuis. J’avais bien pris la précaution de laisser des entraîneurs en arrière, mais le hasard devait annihiler tout cela. Fruchart et Dejoie à tandem remplissaient ces fonctions et devaient partir devant me prévenir s’ils voyaient Linton. Soudain, en haut d’une côte, comme ils se baladaient, joyeux et guillerets, une trombe de trente personnes passe devant eux, et, au milieu, une loque humaine dont la machine embardait terriblement sur toute la largeur de la route. C’était Linton ! Ils veulent partir. Crac ! Ils cassent une pédale ! Ils voient Linton tomber dans la côte opposée qu’il monte à pied. Néanmoins, ils ne peuvent jamais le rejoindre. Ignorant tout cela, je descendais tranquillement la côte de Suresnes. A Versailles, j’avais su mon avance sur Linton à Etampes. Tout allait bien. Soudain, j’entends de grands cris, je me retourne, un groupe paraît derrière moi au tournant, cinquante entraîneurs au moins et au milieu, un homme, comme ivre, mais filant ainsi qu’un météore. Tonnerre de sort ! C’était Linton ! Mon sang ne fit qu’un tour : « Ah ! mince d’où sort-il celui-là » J’avoue qu’à ce moment, dans l’impression de ma stupéfaction, dans l’énervement, j’ai cru que Linton avait été tiré par ses entraîneurs ! Aujourd’hui, de sang-froid, je reconnais l’erreur de mon

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jugement et je porte mon admiration et mon respect à l’homme qui a fait dans Bordeaux-Paris l’effort le plus surhumain que je connaisse.Mais au bas de la côte de Suresnes, j’avais d’autres chats à fouetter ! Quelle ne fut donc pas surprise en voyant, au bas du pont, Linton se tromper de parcours et prendre la rive droite en traversant le pont. Quelqu’un en lui voyant faire cette faute lui cria en anglais : « Vous allez être disqualifié ». Linton s’arrêta, voulut virer sur le pont et tomba. Il fut remis en machine et repartit sans savoir comment.On connaît le reste, les discussions, notre classement dead-heat, bien que Linton eût fini premier. Arrêtons-nous là. Je voudrais, si Linton était encore vivant, lui dire combien je suis heureux qu’il ait eu sa part au triomphe : l’héroïque garçon n’a pas, aujourd’hui qu’il est mort, de plus fervent admirateur que moi. »[Gaston Rivierre . - Mes trois courses Bordeaux-Paris. – La Vie au grand Air, 1898, n° 5, 1er juin, pp 52-55]

2. La nature se vengea d’avoir été si méconnueTémoignage du journaliste Gaston de Lafreté : « Dans Bordeaux-Paris on a encore présente à la mémoire l’odyssée du coureur anglais. Après une lutte fort vive avec l’Allemand Josef Fischer, Arthur Linton avait réussi à devancer tous ses concurrents, lorsque, au milieu du parcours, il eut une défaillance presque complète qui permit au méthodique Gaston Rivierre de le rejoindre et de le dépasser. Le « vannage » de Linton était tel que Choppy lui-même jugea la lutte impossible et rentra à Paris sans espoir.Mais la rage au cœur, le vaillant coureur continuait son chemin. L’œil atone, sans force, l’estomac débilité, il allait toujours, trouvant le moyen de soutenir encore une allure respectable qui lui permit de revenir sur Rivierre, alors certain lui-même de la victoire, et de le précéder au Vélodrome de la Seine où se faisait l’arrivée. Hélas, ce tour de force inouï, ce coup de surmenage devait lui coûter cher. Et cependant, ayant à cœur de venger les calomnies que l’on fit courir sur son compte, Arthur Linton eut la sauvage énergie de se mettre en ligne dans le Bol d’Or où après 6 heures de lutte, il dut s’arrêter alors qu’il était en tête, en proie à des vomissements.De retour en Angleterre, malade, esquinté, il voulut encore courir le Vase d’Or, à Catford  ; mais cette fois la nature se vengea d’avoir été si méconnue, Linton fut atteint de la fièvre typhoïde qui semble être le résultat de ses grands et longs excès de fatigue physique ou morale. Son tempérament affaibli ne lui permit pas de résister et il a succombé à l’hôpital d’Aberdare où il avait été transporté, dans la nuit du mercredi au jeudi 23 juillet.S’il y a un paradis pour les athlètes, Arthur Linton est sûr d’y être bien accueilli, car ce fut un coureur sans peur ni reproche. »[La Bicyclette, 30.07.1896]

3. Les mixtures de Choppy Témoignage du Dr Georges Deschamps (FRA), lui-même cycliste de haut niveau qui, dans sa thèse de médecine, explique la fin prématurée d’Arthur Linton par l’usage immodéré de différentes mixtures à la sauce Warburton : « Il faut de la sagesse en sport, et souvent, hélas ! lorsqu’un homme aux muscles puissants, à la poitrine bombée et « globuleuse » résonnant parfaitement, abuse de sa force et surtout lorsqu’il cherche à suppléer à son manque de préparation en usant d’une façon immodérée de ces mixtures à base d’alcool, caféine, kola, coca, dont Choppy avait la spécialité - pauvre Arthur Linton ! - il a de fortes chances d’être voué presque fatalement à de graves désordres pulmonaires et cardiaques. »[Georges Deschamps . - Du sport vélocipédique. Effets physiologiques et thérapeutiques. - Thèse Méd : 1899 : Paris; N° 16 (Pdt Paul Berger)]

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4. Le secret du sorcier gallois Témoignage de Marcel Viollette - « Le plus célèbre de tous les managers fut Choppy Warburton (surnommé le sorcier gallois). C’était un grand diable, maigre et dégingandé, qui nous arriva un beau jour d’Angleterre avec un team composé des deux frères Tom et Arthur Linton et de Michaël. Il fut tout de suite la joie du public et les populaires l’accueillaient par des exclamations quand il apparaissait sur la pelouse. Ancien coureur à pied, il connaissait comme pas un la façon d’entraîner et de soigner un homme. On lui prêtait toutes sortes de qualités que peut-être il n’avait pas; on le soupçonnait de droguer ses poulains avec des remèdes cachés. « Le secret de Choppy ! », quel beau titre pour un roman. En réalité, c’est surtout par une hygiène et un régime sévère qu’il agissait avant l’épreuve, c’est surtout sur le moral qu’il exerçait pendant la course son influence. La petite fiole qu’il sortait de sa poche au bon moment et qui donnait des ailes à son coureur pour le suprême effort eût pu ne contenir que de l’eau claire, le résultat était le même. Tout son team logeait avec lui, dans une petite villa de Neuilly et c’était la vie de famille; il ne lâchait pas ses coureurs d’une semelle, il mangeait avec eux; devant lui, le soir, ils sautaient à la corde avec sa fillette; il les accompagnait à l’entraînement; il était à lui seul l’âme, le centre nerveux dont l’afflux mettait en mouvement ces trois corps. Mais il fallait le voir sur la pelouse, le jour d’une course de demi-fond. Son grand pardessus volant au vent, son éternel melon gris en arrière, il courait d’une ligne droite à l’autre, excitant son homme, réglant sa marche et, à la fin de l’épreuve, il avait bien fait à pied le tiers du parcours.L’influence qu’il exerçait était tellement certaine que, quand le petit Michaël qu’il avait deviné et qu’il avait amené du pays de Galles en France où il fut pendant deux saisons imbattable, le quitta, l’ingrat !, de ce jour, il ne fut plus lui-même et il n’exista plus, contre les hommes qu’il avait battus, en se jouant auparavant.De ce team fameux, trois sont morts, le maître Choppy et ses deux meilleurs élèves, Arthur Linton et Michaël. »[Marcel Viollette « et al ». - Le cyclisme. - Paris, éd. Pierre Lafitte, 1912. - 385 p (pp 185-186)]

5. L’organisme déjà miné ne put réagir Témoignage du masseur Carlo Messori présent sur la course : « Entre Tours et Blois, Linton fit une tentative désespérée pour se rapprocher de Rivierre. Il reprit quelques minutes pour s’effondrer de nouveau et, à Orléans, son retard était de 20 minutes. Linton mit pied à terre au contrôle. Il était pâle, sous le masque de boue, à bout de souffle, titubant comme un homme ivre.Son manager, Choppy, eut un geste de découragement. Était-il utile de perdre son temps à le soigner ? Choppy n’y était pas décidé. Le métier, cependant, reprit le dessus, et Choppy fit manger Linton, le massa et l’encouragea à repartir. Pourtant, M. Simpson, le constructeur de la chaîne employée par Linton, effrayé par l’aspect de moribond de Linton, lui conseilla de ne pas reprendre la route.- Restez-là, ce n’est pas la peine d’aller plus loin. Vous êtes trop fatigué…Linton leva les yeux sur M. Simpson. Il avait aux lèvres un rictus méchant. Avec une énergie farouche  ; il lança à son interlocuteur :

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- Non, monsieur, je n’abandonnerai pas cette course, je veux pouvoir me montrer encore dans mon pays…Et Linton repartit ! Alors, le miracle se produisit. Linton retrouva ses forces. Ses jambes tournèrent plus allégrement, de kilomètre en kilomètre. Ses entraîneurs, médusés, se mirent à l’ouvrage avec cœur. A Versailles, Linton n’était plus qu’à 4 minutes de Rivierre et, en haut de la côte de Suresnes, Rivierre et ses entraîneurs entendirent crier : « A droite, à droite ».Dans un nuage, ils virent passer Linton encadré par ses entraîneurs, Linton qui, déjà, dégringolait la pente vers le vélodrome de la Seine où était jugée l’arrivée. Quoiqu’effectuant un léger détour, Linton pénétra bon premier au vélodrome, à la stupéfaction de la foule qui attendait Rivierre.Choppy n’en revenait pas. Il confia à ceux qui l’entouraient :- On voit de drôles de choses, tout de même… A Orléans, Linton était un homme mort et c’est un être vivant qui arrive à Paris…Les deux tours de piste imposés n’étaient pas encore terminés par Linton que Rivierre parut, les deux concurrents signant ensemble la feuille de contrôle. Et Rivierre déposa une réclamation pour erreur de parcours de Linton. Le jury, ébranlé, ne laissa pas la première place à Linton, mais ne voulant pas lui faire perdre tout à fait le bénéfice de ses efforts, le classa dead-head avec Rivierre. Linton n’avait pas coupé au court, puisque au contraire, il avait accompli 1 500 mètres de plus que Rivierre, mais il n’avait pas respecté le tracé de la course, et c’était suffisant aux yeux des membres du jury. Ses efforts surhumains, Linton allait les payer peu après. Son organisme, peut-être déjà miné ne put réagir. Après l’arrivée au vélodrome, Linton s’évanouissant et crachant le sang, avait reçu un avertissement sévère qui l’avait d’ailleurs effrayé. Il partit pour Aberdare, dans le Pays de Galles. L’air natal ne put le remettre comme il l’avait espéré. Deux mois plus tard, Arthur Linton ferma les yeux pour toujours. Bordeaux-Paris fut sa dernière victoire. »[Carlo Messori . - La tragique bataille de 1896 racontée par un contemporain (adapté par Félix Lévitan) . - Match, 1937, n° 606, 28 décembre, p 4]

6. Surgi tel un spectre et emporté deux mois plus tard par la fièvre typhoïde Témoignage de Louis Bonneville, historien contemporain de Linton : « La course Bordeaux-Paris donne lieu à une lutte émotionnante entre les deux rivaux : Arthur Linton, le champion gallois et Gaston Rivierre. Le premier avait acquis une certaine avance, mais, vers Tours, il est pris d’une subite défaillance et passe au contrôle d’Orléans totalement battu et à bout de forces. Cependant, les spectateurs du Vélodrome de la Seine sont stupéfaits, alors qu’ils attendaient Rivierre, de voir surgir, tel un spectre, Linton ne se tenant en selle que par un miracle de volonté. Temps : 21 h 17’ 18’’, record battu et toujours debout pour entraînement humain. Il avait rejoint Rivierre, l’avait dépassé dans la descente de Suresnes et, au bas de la côte, s’était engagé sur le pont de Suresnes, dans le passage qu’ouvraient pour lui les nombreux spectateurs, public habituel de la grande épreuve. Mais par suite de travaux effectués sur les quais de la Seine, les organisateurs avaient, en dernière heure, modifié l’itinéraire de ce point vers le Vélodrome, les modifications indiquant le quai de Puteaux. De sorte que Rivierre, arrivé en 21 h 18’ 20’’, déposait une réclamation qui fut âprement et longuement disputée. Les Commissaires, bien plus tard, tranchèrent le litige en classant les deux vaillants coureurs ex-æquo. Peu de temps après Bordeaux-Paris, le 23 juillet, Arthur Linton (1868-1896), épuisé par les différentes courses auxquelles il avait participé, ne peut résister à la fièvre typhoïde qui l’emporta. »[Louis Bonneville . - Le vélo fils de France. – Nice, éd. Etac, 1938. – 278 p (p 231)]

7. Les fioles mystérieuses de Choppy Récit de Bernard Chevalier, journaliste au quotidien La Croix et de Jean-Pierre de Mondenard : « Le plus fameux d'entre eux (des soigneurs), à la fin du siècle, fut le Britannique Choppy Warburton (1841-1897), un ancien coureur à pied qui avait trouvé moins fatigant et plus rentable de faire courir les autres à vélo. Le Gallois Jimmy Michaël, prince de la vitesse, ses compatriotes les frères Arthur et Tom Linton, furent les principales vedettes de l'écurie Warburton.Le journaliste anglais C.-H. Stancer rapporte que les exploits de ces cracks étaient généralement attribués aux mystérieuses potions de Choppy Warburton : « Les champions bénéficiant des soins de Choppy étaient sujets à des éclairs de forme absolument transcendants, suivis de défaillances insurmontables et dramatiques, ce qui correspond exactement aux symptômes d'un dopage administré par une personne n'ayant que des notions rudimentaires de médecine. Un des breuvages de Choppy était la « Cuca Cup », sorte de mixture chocolatée que l'on disait à base de cocaïne... »Le journal Paris Vélo décrit Choppy Warburton dans son numéro de magicien : « De sa poche soudain, on le voit tirer une fiole minuscule, il la montre à son coureur, la débouche avec un luxe inouï de précautions, verse la mixture inconnue qu'elle contient dans une boîte à lait et, toujours courant, bousculant qui le gêne, s'en va à l'autre bout de la piste pour la passer à Linton, avec un sourire entendu. C'est de la drogue, disent les uns, c'est du bluff, disent les autres : drogue ou bluff, c'est tout un ... »Cependant, un jour, au cours d'une épreuve de vitesse, Warburton utilisa son redoutable talent à rebours : comme il avait parié sur... l'adversaire de Jimmy Michaël, il fit prendre à ce dernier une potion qui devait ressembler à un « bouillon de onze heures ». Michaël dut abandonner l'épreuve et Warburton y laissa sa réputation. Il fut même disqualifié pour le restant de ses jours. Ceux de Jimmy Michaël, malheureusement,

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étaient comptés. Le Gallois devait mourir à vingt-huit ans d'une crise de delirium tremens, à bord du paquebot qui l'emportait vers une tournée américaine.Que pouvait-il y avoir dans les fioles de Choppy Warburton ? Nul ne l'a su exactement, car il est mort avec son secret. Le journaliste Paul Hamelle, reprenant l'idée de placebo avancée dans Paris Vélo, avança lui aussi, dans le Miroir des Sports, que Warburton n'avait peut-être aucun secret et se contentait de recourir à la seule magie de l'effet psychologique : « Je me suis laissé dire (écrivait-il) que le mystérieux breuvage n'était que de l'eau claire agissant sur le buveur non par voie de digestion mais de suggestion. Le certain est que l'effet moral sur les spectateurs -je n'ose dire les compétiteurs- était considérable : ils regardaient hypnotisés. »Faute de preuve, on ne peut établir de relation entre l'éventuelle eau claire de Choppy Warburton et le delirium de Jimmy Michaël. Et C.H. Stancer conclut prudemment :« Arthur Linton et Jimmy Michaël sont morts jeunes, mais je ne me permettrai pas de dire que l'action de Choppy Warburton y fut pour quelque chose. »[Jean-Pierre de Mondenard et Bernard Chevalier.- Le dossier noir du dopage . - Paris, éd. Hachette, 1981. - 270 p (pp 18-19)]

8. Première disqualification pour dopage 1) Récit de Roger Bastide : « C'est en 1896 que l'on évoque de façon officielle le dopage dans le monde du cyclisme. On note cette année là, la première disqualification pour « usage de drogues ». Un manager anglais, Choppy Warburton, a été surpris en flagrant délit. On lui reproche d'avoir essayé d'améliorer les performances de l'un de ses coureurs, un certain Jimmy Michaël, en ayant recours à des « moyens illicites ». Warburton est aussitôt radié de ses fonctions. Les coureurs anglais qui se sont rangés de son côté sont à leur tour suspendus par l'internationale cyclist's Association, la fédération internationale de l'époque. »[Roger Bastide « et al » . - Histoire du cyclisme : T 1. les légendaires.- Paris, éd. La Maison du Sport, 1988 .- 338 p (p 56)]

2) Jimmy Michaël (GBR) et Choppy Warburton (GBR) devant la NCU. Récit de Paul Hardy : « Lundi dernier, Michaël, Warburton, M. Simpson et J. Dring étaient convoqués par le Comité de la NCU (National Cyclists Union) au sujet de la suspension de Michaël . Après une longue séance, le Comité a relevé Michaël de sa peine et rendu contre Warburton le verdict suivant : « À l’avenir, tout club ou vélodrome autorisant Warburton à entrer sur la pelouse ou au quartier des coureurs ne pourra recevoir de permission de la NCU ou faire courir sous ses règlements. » Telle est textuellement la décision communiquée à la suite d’une série de faits qui ont paru au Comité suffisamment sérieux pour la prendre. D’ailleurs, la NCU, pas plus que les autres grandes associations, tel le Jockey-Club en particulier, se réserve le droit de suspendre temporairement ou à vie sans être obligée de donner les motifs de sa décision et c’est le cas pour Warburton. Toutes les explications qu’on essaierait d’en donner ne peuvent être que basées sur des suppositions. »[La Bicyclette, 09.07.1896]

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1897 - DR LUDOVIC O’FOLLOWELL (FRA) – T émoignages d’un médecin spécialiste du cyclisme  

1. De l’alcool pour les derniers tours de piste« De là nous pouvons conclure qu’il faut réserver l’usage de l’alcool pour les derniers tours de piste d’une longue course, pour les derniers kilomètres d’une grande promenade. De même, on pourra user des boissons alcooliques immédiatement avant de se livrer à des efforts violents mais momentanés, dans une épreuve de vitesse, par exemple, qui se résume à un emballage de courte durée. C’est dans ces moments-là seulement et seulement dans ces cas que la bouteille de vin de Champagne, chère à bien des cyclistes, pourra leur rendre quelques services. »[Ludovic O’Followell . - Les aliments d’épargne. - La Bicyclette, 08.07.1897]

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2. Une bouteille contenant de l’absinthe fixée au guidon« Des boissons alcooliques, les plus usitées par les cyclistes sont : le vin de champagne, le punch, les grogs et... l’absinthe. Ce dernier produit ne vient pas donner à notre courte énumération un cachet fantaisiste ou bizarre. En effet, nous avons connu un jeune coureur à l’entraînement qui n’omettait jamais de prendre chaque après-midi un ou plusieurs apéritifs verdâtres; jusqu’ici il n’y a, hélas ! encore rien d’extraordinaire, mais, ce qui est plus rare heureusement, c’est de voir des cyclistes paraître en piste comme s’y présenta un jour le coureur en question. Il avait fixé au guidon de sa machine une bouteille contenant un mélange à base d’absinthe et à base solide, certes. L’observation courante des choses du sport suffirait à faire justice de ce procédé de réconfort. Nous y ajouterons une observation scientifique : « Dans deux coupes contenant chacune un litre d’eau, mettez des poissons, versez dans l’une six gouttes d’essence d’absinthe, dans l’autre six gouttes d’acide cyanhydrique pur; les poissons sont foudroyés plus vite par l’essence d’absinthe pure que par l’acide cyanhydrique. »[Ludovic O’Followell . - Les aliments d’épargne. - La Bicyclette, 08.07.1897]

3. Les aliments d’épargne : café, thé, maté, guarana « On entend par aliment d’épargne, dit le professeur Gustave Bouchardat, des substances telles que le café, le thé, le maté, le guarana, qui modifient à des degrés divers et souvent d’une manière différente, les fonctions du système nerveux; elles possèdent une action commune qui a été déduite d’un grand nombre d’observations concordantes; elles diminuent les mouvements des décompositions organiques. Sous leur influence, l’homme, toutes choses égales d’ailleurs, produit moins d’acide carbonique et d’urée. On comprend par ces quelques lignes combien sont précieux ces aliments pour les soldats, les alpinistes, les vélocipédistes ou autres, chaque fois que le corps est soumis à de longues et pénibles épreuves. »[Ludovic O’Followell . - Les aliments d’épargne. - La Bicyclette, 08.07.1897]

1898 - HENRI DESGRANGE (FRA)   - Les conseils «   alambiqués   » du futur patron du Tour de France

1. « Donner une vigueur artificielle dans un cas d'absolue nécessité »Le futur patron du Tour de France dans son célèbre ouvrage « La tête et les jambes », délivre ses préceptes à un jeune coureur : « Quant au poison que l'on dénomme kola, coca, je te défends d'y jamais toucher. Quand tout le corps médical réuni viendrait te dire qu'ils produisent des résultats extraordinaires, tu n'en feras jamais usage. Je prétends te faire arriver par toi-même, par tes moyens naturels, sain, le corps dépensé tout entier mais point martyrisé, point assommé par les excitants. C'est une détermination bien arrêtée chez moi. Rassure-toi d'ailleurs, toutes ces cochonneries ne te feront aucunement besoin puisque tu ne les connaîtras pas. Tu gagneras des courses avec ta belle santé et pas autrement. Nous verrons seulement plus tard, dans des courses de fond, s'il n'y a pas lieu dans un cas d'absolue nécessité de te donner pendant quelque temps une vigueur artificielle. »[Henri Desgrange . - La tête et les jambes. - Paris, Imp. Richard, 1898. - 222 p (pp 187-188)]

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2. Hypnose : « Il me suivit sans résistance... »« Je crois que l’on peut diviser les coureurs de fond en deux classes : les hommes de volonté et ceux qui sont faibles. Tous deux subissent une suggestion mais bien différente l’une de l’autre. Chez les premiers, on pourrait, je crois, l’appeler auto-suggestion. Le coureur se dédouble. Il n’y a plus qu’une partie de son être qui vit, l’autre partie obéit. Mais ces deux êtres sont bien nettement distincts. L’auto-suggestion anime leur corps, les jambes marchent, tournent, les muscles fonctionnent sans résistance, mus par une volonté dont ils ne se rendent pas compte et qu’ils ne sauraient analyser mais qui existe cependant. Chez les autres, que l’on pourrait appeler les passifs, les phénomènes de suggestion deviennent objectifs, se passent en dehors d’eux ou plutôt leur motif d’agir n’est plus en eux, mais uniquement en celui auquel ils se sont abandonnés quand leur intelligence a fait la culbute. Ceux-là sont vraiment ceux dont on peut obtenir d’extraordinaires résultats, parce qu’ils ne prennent même pas la peine de penser. La douleur ou la souffrance n’ont plus de prise sur eux. Leur état hypnotique les empêche de rien sentir. A ceux-là, aux passifs, vous persuaderez les choses les plus folles. Vous les plongerez par un seul regard dans une gaieté débordante ou dans un abattement profond ; vous leur ferez croire qu’ils vont très lentement lorsque le train sera des plus vifs. Vous leur ferez manger avec la plus grande facilité tous les aliments possibles. Vous en tirerez à votre gré plus qu’ils ne peuvent donner. Ils n’exigeront de vous qu’une chose : une présence constante.Les uns obéiront à la crainte, les autres à l’affection, à la tendresse; certains aussi se redressent parfois sous la raillerie, sous le sarcasme. T’es-tu jamais amusé à les regarder pendant les courses de fond; à chaque tour ils fixent leur entraîneur. Celui-ci leur est nécessaire, indispensable. Ils puisent chaque fois qu’ils passent devant lui l’énergie hypnotique nécessaire pour le tour qu’ils vont faire.J’en ai comme cela entre les mains qui, depuis la course que je lui ai fait faire, ne voit et ne jure que par moi, et à qui il n’est, j’en suis sûr, jamais venu à l’idée de discuter une seule fois ce que je lui ai fait faire, même longtemps après la course. Il était resté en lui toute une part de l’influence certainement hypnotique que j’avais exercée sur lui. Vingt-quatre heures durant, il ne me désobéit pas une seule fois. Il ne descendait de machine que lorsque je lui en donnais la permission. Je fus pendant la nuit prendre quelques instants de repos. A mon retour, il somnolait sur sa machine, suivant le peloton qui dormait lui aussi. Je montai en machine et lui dis simplement : « Viens avec moi ». Il me suivit sans résistance et nous doublâmes le peloton pendant près d’une demi-heure. Je laisse à de plus savants que moi le soin de traiter scientifiquement la question de l’hypnotisme en matière de sport, qu’il te suffise de savoir que ces phénomènes sont indéniables et qu’ils se produisent chaque fois que le corps doit fournir un effort au-dessus des forces humaines. »[Henri Desgrange . - La tête et les jambes, 4e éd. - Paris, Imp. H. Richard, 1898. - 222 p (pp 214-216)]

1898 - CANNABIS - D r Gustave-Adolphe Walther (FRA)   : du bromidia pour tenir 72 heures d'affiléeLa course de 72 heures, qui s'est disputée au vélodrome du Parc des Princes a fait couler beaucoup d'encre. On a, à ce propos, prononcé de bien gros mots et publié bien des opinions contradictoires. Il nous a

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paru intéressant de mettre sous les yeux de nos lecteurs l'opinion d'un homme qui, par sa situation et le rôle qu'il a joué en l'occurrence, est à même, mieux que personne, de pouvoir dire des choses justes et sensées : c'est le Dr Walther, qui a soigné Michel Frédérick et Faure pendant toute la course. (NDLD de la VGA)Témoignage du Docteur Gustave-Adolphe Walther : « … On m'excusera d'avoir donné tout au long la liste des aliments de Michel Frédérick et de Faure. Mais la chose est capitale en l'espèce pour une course de cette longueur, qui réclame moins de qualités sportives proprement dites que de soins d'hygiène et d'alimentation. Le coureur devient alors, qu'on me passe l'expression, un malade auquel il faut ordonner et prescrire énergiquement l'observation d'un régime déterminé. Je dirai plus : il faut aussi une surveillance des plus actives, veiller à ce que le cycliste ne prenne que les choses prescrites. On doit s'opposer à l'ingérence de toute personne étrangère, défendre les conseils, même s'ils sont désintéressés ou partent d'un bon naturel. Et, à ce propos, il faut bien que je rapporte un fait qui m'a douloureusement frappé. Frédérick, le lundi 16, à 10 heures du matin, marchait à une allure admirablement facile et disait lui-même qu'il «  se sentait frais ». Soudain, je l'aperçois, titubant pour ainsi dire sur sa machine ; il fait un effort pour coller à la roue de Charles Miller, puis brusquement s'arrête, vire et tombe.- Je ne pouvais m'expliquer un phénomène si subit, impossible à mettre sur le compte de la chaleur ou de la fatigue. Nous le remettons en selle ; il repart lentement, mal assuré et tombe à nouveau. J'insistai -car il restait à peine un parcours de quelques heures à accomplir, et je désirais ardemment le voir gagner le premier prix, dont le montant lui eût été bien utile. J'étais convaincu qu'il pourrait terminer la course sans grand péril et, l'engageais à remonter (ce qu'il fit). (...)Je restai dehors jusqu'à ce que Frédérick fût remonté sur sa machine. Puis je rentrai brusquement dans la cabine où on préparait ses aliments. Je fus fort surpris de m'y rencontrer avec M. Ferrailles, tenant à la main un petit flacon, dont il allait verser une partie du contenu dans une boisson destinée à Frédérick. Le colloque suivant s'engage entre nous : « Pour qui, lui demandai-je, versez-vous cela ? - Pour Frédérick.- Mais, c'est du bromidia et c'est écrit en grandes lettres sur la bouteille. (Je rappelle que le bromidia se donne à la dose de 2 à 3 grammes et que sa composition est la suivante : bromure de potassium 6 g, chloral 6 g, extrait de cannabis-indica 0,05 g, extrait de jusquiame 0,05 et eau distillée Q.S. pour 32 g). - Ah! je me trompais, répond M. F..., je croyais que c'était de la Kola. J'admets bien que M. Ferrailles se soit trompé sans le vouloir, néanmoins il n'est pas tout à fait excusable, car il n'avait pas qualité pour donner le moindre breuvage à Frédérick, d'autant que j'avais au début de la course interdit l'administration de n'importe quelle drogue et spécialement de la Kola. »[Gustave-Adolphe Walther . - La course de 72 heures et ses conséquences.- VGA, 1898, n° 11, 01.09, pp 129-133]

1898 - COCAÏNE - Du vin Mariani à l’American Coffee tout est bon pour supprimer la fatigue

1. Frédéric Regamey (FRA) : Grâce à la cocaïne et à la caféine, on se sent : « Les poumons libres et le jarret solide »

« La médecine moderne a découvert et appliqué d'autres produits, inconnus de nos pères, et qui pourront rendre de réels services aux cyclistes par leurs vertus antidéperditrices, nutritives et toniques : ce sont la

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kola (caféine), le maté et surtout la coca. Une infusion de maté, quelques gouttes de liqueur de kola ou un verre de vin Mariani, sont donc encore des boissons très recommandables aux touristes ; ils y puiseront de nouvelles forces et se sentiront aussitôt les poumons libres et le jarret solide. »[Frédéric Regamey . - Vélocipédie et automobilisme.- Tours, éd. Mame, 1898 . - 214 p (pp 122-123)]

2. Vin Mariani - Le bienfaiteur de l'hommePubli-reportage du journaliste Gustave de Lafreté signant sous le pseudonyme de Leader : « Mais après un travail musculaire sévère, il est absolument nécessaire de prendre un « réparateur » des forces que l'on vient de dépenser. L'estomac en sent à ce point le besoin que les athlètes américains et anglais, d'une sobriété si reconnue, n'hésitent pas à prendre un verre de Porto après chaque séance d'entraînement. Or, le Porto est loin d'avoir les mêmes qualités que le vin Mariani dont nous allons expliquer ci-après les propriétés spéciales. Le double secret de l'excellence de ce merveilleux liquide est qu'il est fait avec des feuilles de Coca toujours fraîches, préparées dans un bordeaux généreux, toujours originaire du même vignoble. Mais, pour ceux qui l'ignoreraient encore, il est peut-être nécessaire de dire quelques mots de la Coca, ce produit qui fait la richesse du Pérou à un titre tout aussi certain que l'or des mines de ce pays de cocagne. La preuve en est que la feuille de Coca figure sur l'écu national. Des modernes savants ont donné, sur la plante péruvienne, des renseignements intéressants. Lisez - ô recordmen !- le résumé des expériences auxquelles se livra le célèbre docteur Tschudy qui alla étudier la Coca sur place. Il prit un Indien et lui fit accomplir, en le soutenant exclusivement avec des feuilles de Coca, les prouesses suivantes : pendant cinq jours et cinq nuits, il employa son sujet à un travail à la pioche, ne lui laissant prendre que deux heures de sommeil par nuit. Puis, sans autre repos, lui fit faire une marche de 23 heures, pendant lesquels l'Indien couvrit 92 kilomètres. Il suivait le pas de la mule du docteur, ne s'arrêtant que pour chiquer -toutes les trois heures- 14 grammes de feuilles de Coca. Or, après sept jours de ces fatigues et de ce régime, l'Indien ne donnait aucun signe de fatigue apparente et se déclarait prêt à recommencer.

Le grand Linné est le premier savant français qui ait dévoilé ces étonnantes propriétés de la Coca ; mais on ne l'écouta pas, et c'est vraiment M. Angelo Mariani et le docteur Charles Fauvel qui ont répandu les mérites de cette plante magique. Mais ce qui n'a pas peu contribué non plus à la réussite de la Coca Mariani, c'est cette collection unique où tous les hommes célèbres : poètes, artistes, politiciens, académiciens et prélats, etc., ont vanté, comme nous le disions plus haut, les vertus de ce vin générateur.Nos confrères de la presse quotidienne : Le Figaro, le Temps, le Matin, etc., ont tour à tour publié des suppléments artistiques sur ces « testimoniaux » en faveur du Vin Mariani, et ces suppléments font prime actuellement. Il est vrai que l'album publié par Mariani les contient tous et l'ouvrage s'impose à tous les bibliophiles. Nous avons voulu ajouter notre collaboration à cette œuvre (propagation de la Coca Mariani) et à cet ouvrage (Figures Contemporaines) en publiant les portraits et les autographes des sportsmen célèbres qui reconnaissent l'excellence de ce produit. Et c'est le commencement d'une collection nouvelle que nous apportons à Mariani.Le chevalier Pini (escrime), Mme Thérèse Renz (écuyère), Mme Léa Lemoine (bicyclette), le Comte de Clary (tir), M.A. Tummer (course à pied), H. Baker (saut), Gaston Rivierre (cyclisme), Charron (automobile), Teste (motocyclisme), Charlemont (boxe française) et Pons (lutte). Voilà les sportsmen qui ont le plus besoin

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d'énergie et d'endurance. Aussi n'est-il pas étonnant qu'ils vantent le vin de Mariani dont le Père Didon - ce protagoniste de la régénérescence physique- a dit qu'il était « un bienfaiteur de l'homme ». »[Leader . - Les champions du sport et le vin Mariani . - VGA, 1899, n° 36, 21 mai, s.p.]

3. Six jours de New York : leur visage exprimait la folieRécit de Ove Bøje : « Il est très difficile de savoir dans quelle mesure les sportifs emploient la cocaïne, mais quiconque est assez au courant de la situation ne mettra guère en doute que cette substance ne leur soit bien connue. Worringen écrit que, dans les premières courses américaines des six jours, les coureurs étaient tellement intoxiqués par la cocaïne que leur visage exprimait la folie (...)On peut dire que la cocaïne agit de manière efficace sur la sensation de fatigue et qu’elle peut donc, de ce chef, incontestablement améliorer la capacité fonctionnelle au cours d’efforts de longue durée. Toutefois, ce moyen de supprimer la sensation de fatigue - laquelle constitue normalement une soupape de sûreté - n’est certainement pas inoffensif. »[Ove Bøje .- Le « doping ». Etude sur les moyens utilisés pour accroître le rendement physique en matière de sport. - Bull. Org. Hygiène, 1939, 8, pp 472-505 (pp 492-493)

4. Six jours - De la coco pour les écureuils Le docteur Max Novich rapporte dans la revue Abbotempo que : « Les entraîneurs donnaient souvent à leurs poulains de la cocaïne et de l'héroïne. A cette époque, c'est la cocaïne qui était la plus largement utilisée comme stimulant par les cyclistes professionnels, mais son efficacité dépendait du dosage et de la façon dont elle était administrée. On la prenait généralement par voie buccale, mélangée avec de la caféine. Les entraîneurs de la vieille école qui ont utilisé ces préparations à base de cocaïne pour leurs «  poulains » déclarent avec assurance qu'un coureur fatigué par une course de six jours retrouvait son deuxième souffle après absorption de ces mixtures. »[Max M. Novich . - Sport et doping. - Abbotempo, 1964, n° 2, pp 26-29 (p 27)]

5. Vin Mariani - L'Auto-journal en fait la publicitéRécit de Roger Bastide : « En vérité, le cyclisme était voué, à plus ou moins longue échéance, à la publicité dite des associés sportifs. Elle pointait déjà au début du siècle. Ainsi, dans L'Auto-Journal, en 1901, ce communiqué du vin de Mariani dont vous apprécierez le goût exquis :« Le sport vélocipédique, auquel les femmes s'adonnent avec passion, détermine quelquefois chez elles d'assez curieuses perturbations organiques. C'est à ces fragiles jouteuses que les hygiénistes recommandent l'usage du vin de Mariani, dont les vertus toniques et réparatrices excellent à rétablir l'équilibre fonctionnel momentanément interrompu. ».[Roger Bastide . - A la pointe des pelotons, Ocana et les siens . - Paris, éd. Solar, 1972.- 288 p (p 25)]

6. American Coffee, la mixture des « écureuils »« Déjà en 1899, les Européens s'alignant aux Etats-Unis dans les courses de six jours, ingurgitaient une mixture connue sous le nom d'American Coffee. Cette boisson, à base de caféine, d'éther, de nitroglycérine et de cocaïne, les aidait à surmonter artificiellement leur fatigue. »[Benjo Maso, sociologue. - Sport 90, 1990, n° 52, 27 décembre, p 55]

1899 - ALCOOL - C onstant Huret : «   Stimulé par le champagne je repartis   »

Témoignage de Constant Huret, le vainqueur de Bordeaux-Paris : « Pensant que Girardot allait freiner, je me dégageai vivement sur la droite. Hélas ! J'avais compté sans les rails du tramway ! Grâce à elle, nouvelle chute. Au contrôle où j'arrivai à pied, je trouvai M. Binon. Les larmes aux yeux, je lui dis : « Croyez bien que ce n'est pas ma faute si je suis battu. Il y a des limites à la lutte contre l'adversité. » J'étais couvert de sang,

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je n'avais plus figure humaine. Binon eut un geste de pitié, et c'est à ce moment que Pognon, mon entraîneur, fit une chose que je n'oublierai jamais.Il me fit boire un bock ! plein de fine champagne. Je l'avalai d'un trait croyant que c'était de la bière ! Comme je lui reprochai d'avoir voulu me griser, je l'entendis dire à Binon : « Je préfère le faire abandonner 10 kilomètres plus loin qu'ici » Et comme je m'apprêtai à repartir, Pognon me fixant dans les yeux me déclara :

« Tu es à 12 minutes de Josef Fischer (ALL), jamais tu n'as été si frais, tu as la course comme tu veux.  » Stimulé par l'alcool je repartis. C'était l'heure déprimante entre toutes, la pointe du petit jour. L'influence de l'alcool commençait à se faire sentir. Je marchais sans tenir mon guidon criant à René de Knyff (BEL) (entraîneur automobile) : « Ton tacot n'avance pas ! » Et dans une bordée d'invectives, je lançais à Pognon : « Viens donc me le dire ici que je descendrai dans 10 kilomètres ! » Surexcité par la chaleur alcoolique, je rattrapai Fischer, le dépassai à Châtellerault et arrivai à Tours avec 44 minutes d'avance sur lui. Entre Tours et Blois, défaillance ; oh ! terrible défaillance ; le choc nerveux était passé, l'alcool précisait son influence néfaste. Alors je demandai à manger; je dévorai sans me rassasier et cette prise d'aliments convenant à mon extraordinaire tempérament me permit d'éviter le redoutable coup de massue de l'alcool. »[La Vie au Grand Air, 1914, 17, n° 812, 11 avril, p 332]

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1899 - ALCOOL - Jean Fischer (FRA)   : une bonbonne d’Aramon pour les six jours de New York

« Il a été fort parlé de dopings ces temps-ci, au sujet d’une certaine affaire sur laquelle nous ne reviendrons pas aujourd’hui. Cela nous donne l’occasion d’évoquer le souvenir de Jean Fischer, le grimpeur récemment disparu qui, lui, ne connaissait qu’un doping : le bon vin de France. Lorsqu’il s’embarquait pour les États-Unis pour aller courir des six jours, il n’avait garde d’oublier dans ses bagages une bonbonne d’Aramon. Et John West, l’entraîneur chef des coureurs européens n’avait pas le droit de lui donner autre chose, car Jean Fischer n’avait aucune confiance dans les mixtures américaines et encore moins dans le vin de Californie, sur la composition duquel il était sceptique. »[Le Miroir des Sports, 26.03.1935, n° 817]

1900 - ARSENIC – L a liqueur de Fowler pour réveiller les morts Récit de Bernard Chevalier et Jean-Pierre de Mondenard : « Avec la caféine, le strychnine et la cocaïne les poètes du vélo trouvaient des rimes riches à souhait! Certains sorciers ajoutaient à cet arsenal de l'arsenic : en médecine, en effet, on utilisait comme tonique contre le lymphatisme la liqueur de Fowler - de l'arsénite de potasse - à très petite dose. Inconscients du danger, les cyclistes en buvaient à pleines gorgées. De quoi réveiller un mort, après l'avoir tué! Dans le même style, la liqueur de Pearson - arséniate de soude - avait également ses amateurs. »[Jean-Pierre de Mondenard et Bernard Chevalier. - Le dossier noir du dopage . - Paris, éd. Hachette, 1981 . - 270 p (p 19)]

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