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52 LU, VU, ENTENDU Quelques publications de l’OMS concernant l’éthique des soins et des politiques de santé Pauvreté et santé Les lignes directrices et ouvrages de référence du CAD, Genève : Ed. OMS & OCDE, 2003, 110 p. Cet ouvrage examine les liens étroits entre développement économi- que et politiques de santé ; il met en avant la relation entre problèmes de santé et pauvreté dans les populations les plus défavorisées. Rap- pelons que les objectifs principaux de l’organisation Mondiale du Développement (OMD) pour ce début de millénaire concernent des objectifs de santé : enrayer la propagation du VIH, du paludisme et de la tuberculose, réduire la mortalité infantile et les décès maternels. Les impacts de la maladie en contexte de pauvreté se trouvent décu- plés, et mettent en péril des équilibres déjà précaires. Le coût des soins étant souvent largement au-dessus des moyens disponibles, il peut accentuer encore la précarité des personnes touchées. La faim, les mauvaises conditions sanitaires, un environnement défavorable et les fragilisations que cette accumulation de difficultés engendrent ne font qu’accentuer les problèmes de santé. L’investissement dans la santé permet de faire reculer la pauvreté et réciproquement. Ce texte propose un certain nombre de recomman- dations concrètes à l’intention des organismes d’aide pour améliorer ces conditions dans divers domaines (éducation, sécurité alimentaire, nutrition, tabagisme, environnement, violence). Les différents pro- grammes sectoriels sont examinés et évalués. La notion de confiance entre partenaires extérieurs (ONG, organismes d’aide) et les pays concernés s’avère primordiale dans l’efficacité de ces démarches. Elle passe notamment par l’instauration d’un dialogue avec les personnes ou communautés visées. Florence Quinche Ethical Choice in long-term care. What does Justice require? ed. WHO, 2002, 91 p. Quels sont les enjeux éthiques des soins de longue durée ? Comment repenser les questions de soin et d’allocation de ressources dans une perspective de justice sociale ? Le vieillissement de la population mondiale, les changements d’habitudes alimentaires (provoquant des diabètes, des maladies cardio-vasculaires etc.), ne font qu’accroî- tre les situations de soins prolongés. Les états ne peuvent plus à eux seuls financer l’ensemble de ces coûts supplémentaires. Comment créer et favoriser des alternatives à l’hospitalisation ? Cet ouvrage ar- ticule une analyse de la situation actuelle avec un ensemble de ré- flexions d’ordre philosophique portant sur la nature de la relation de soin, ainsi que sur les différents modèles politiques nous permettant de penser la relation d’aide. Il comprend notamment un article de la philosophe Martha Nussbaum qui s’interroge dans un premier temps sur le statut des soignants : comment rendre sa valeur juste au travail d’aide et de soin ? Dans un second temps elle examine l’appli- cation des théories contractualistes au domaine des soins. Ces théo- ries du contrat social (dont notamment celle de J. Rawls) ont tendan- ce à réduire l’homme à un sujet rationnel et autonome. En ce sens elles ne tiennent guère compte des réalités de l’existence humaine, à savoir notamment de notre inscription dans une temporalité qui re- lativise passablement notre autonomie. En effet nous avons besoin de l’aide d’autrui, que ce soit dans l’enfance, la vieillesse, ou la mala- die. La notion de dignité-purement rationnelle- telle que la pense Kant sera également discutée. Comment en effet repenser une digni- té qui ne fasse pas abstraction de notre réalité corporelle et de notre inscription dans le temps ? Une nouvelle notion de la personne tout comme du citoyen est à reconstruire, afin de prendre en compte tant notre matérialité que les limites qui en découlent. M. Nussbaum propose tout d’abord de transformer la liste des biens de première importance de Rawls en liste de « capacités » que chacun devrait pouvoir déployer, elle y rajoute notamment la possibilité de bénéfi- cier de soins dans les situations de dépendance. Elle montre égale- ment la nécessité d’élargir le cadre du contrat social au-delà des limi- tes nationales, car les questions d’aide et de vulnérabilité dépassent le niveau inter-individuel et s’étendent aux relations entre différents états. Norman Daniels et Eva Kittay répondent à ces propositions par deux articles qui remettent également en cause et peut-être enco- re de manière plus radicale la notion de contrat social. Florence Quinche Les soins de longue durée à domicile Rapport d’un groupe d’étude de l’OMS, Genève. Ed. OMS (Coll. Rap- ports techniques, n° 898), 47 p., 2003. Compte tenu des changements actuels tant au niveau démographi- que (allongement de la durée de vie et accroissement du nombre de personnes dépendantes), qu’en ce qui concerne les politiques de san- té publique (diminution des ressources financières en matière de san- té), ce rapport vise à donner des pistes pour développer les alternati- ves à l’hospitalisation et plus particulièrement les soins à domicile. Il s’adresse essentiellement aux décideurs et responsables politiques, afin de leur présenter les différentes approches possibles ainsi que de nombreux exemples tirés de cas réels. Florence Quinche Autres publications récentes Humain, post-humain D. Lecourt, Paris, PUF 2003, science, histoire, société, 146 p. Dans un récent ouvrage qui appelle à une plus grande exigence de la pensée, Dominique Lecourt [1] entend mettre en garde contre un recours commode à l’éthique, trop souvent brandie comme un jo- ker : il invite donc, face à ce qu’il appelle la « maldonne », à ne pas truquer les cartes d’entrée de jeu... On se souvient entre autres ouvrages sur la question de son essai sur les fondements imaginaires de l’éthique [2]. L’auteur des Piètres Pen- seurs [3] déplore la paresse de la pensée contemporaine. C’est pour- quoi dans cet essai, dont le titre a des accents nietzschéens, il dénonce les deux impasses que constituent le discours des « bio-catastrophis- tes » et celui des « techno-prophètes ». Les premiers, au nom d’une éthique tièdement humaniste – « on ne s’improvise pas éthicien, encore moins bioéthicien » - réveillent les craintes imaginaires quant à d’obscurs pouvoirs totalitaires à venir : la science et la technique, incarnées par de nouveaux Frankenstein eugénistes, viendraient à maîtriser totalement l’homme en le livrant à la « posthumanité ». Dominique Lecourt voit dans ces visions cauchemardesques, dignes des romans de science-fiction, le complexe de Cassandre : ces alar- mistes, pour protéger des zones sacralisées, détournent le concept de responsabilité en le « dilatant en notion métaphysique ». C’est ainsi qu’on redoute une altération de la « nature humaine » - notion que Dominique Lecourt suggère de revisiter - et qu’on assimile de façon hâtive certaines tentatives de clonage à un « crime contre l’humani-

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LU, VU, ENTENDU

Quelques publications de l’OMS concernant l’éthique des soins et des politiques de santé

Pauvreté et santéLes lignes directrices et ouvrages de référence du CAD, Genève : Ed.OMS & OCDE, 2003, 110 p.

Cet ouvrage examine les liens étroits entre développement économi-que et politiques de santé ; il met en avant la relation entre problèmesde santé et pauvreté dans les populations les plus défavorisées. Rap-pelons que les objectifs principaux de l’organisation Mondiale duDéveloppement (OMD) pour ce début de millénaire concernent desobjectifs de santé : enrayer la propagation du VIH, du paludisme etde la tuberculose, réduire la mortalité infantile et les décès maternels.Les impacts de la maladie en contexte de pauvreté se trouvent décu-plés, et mettent en péril des équilibres déjà précaires. Le coût dessoins étant souvent largement au-dessus des moyens disponibles, ilpeut accentuer encore la précarité des personnes touchées. La faim,les mauvaises conditions sanitaires, un environnement défavorable etles fragilisations que cette accumulation de difficultés engendrent nefont qu’accentuer les problèmes de santé.L’investissement dans la santé permet de faire reculer la pauvreté etréciproquement. Ce texte propose un certain nombre de recomman-dations concrètes à l’intention des organismes d’aide pour améliorerces conditions dans divers domaines (éducation, sécurité alimentaire,nutrition, tabagisme, environnement, violence). Les différents pro-grammes sectoriels sont examinés et évalués. La notion de confianceentre partenaires extérieurs (ONG, organismes d’aide) et les paysconcernés s’avère primordiale dans l’efficacité de ces démarches. Ellepasse notamment par l’instauration d’un dialogue avec les personnesou communautés visées.

Florence Quinche

Ethical Choice in long-term care. What does Justice require?ed. WHO, 2002, 91 p.

Quels sont les enjeux éthiques des soins de longue durée ? Commentrepenser les questions de soin et d’allocation de ressources dans uneperspective de justice sociale ? Le vieillissement de la populationmondiale, les changements d’habitudes alimentaires (provoquantdes diabètes, des maladies cardio-vasculaires etc.), ne font qu’accroî-tre les situations de soins prolongés. Les états ne peuvent plus à euxseuls financer l’ensemble de ces coûts supplémentaires. Commentcréer et favoriser des alternatives à l’hospitalisation ? Cet ouvrage ar-ticule une analyse de la situation actuelle avec un ensemble de ré-flexions d’ordre philosophique portant sur la nature de la relation desoin, ainsi que sur les différents modèles politiques nous permettantde penser la relation d’aide. Il comprend notamment un article de laphilosophe Martha Nussbaum qui s’interroge dans un premiertemps sur le statut des soignants : comment rendre sa valeur juste autravail d’aide et de soin ? Dans un second temps elle examine l’appli-cation des théories contractualistes au domaine des soins. Ces théo-ries du contrat social (dont notamment celle de J. Rawls) ont tendan-ce à réduire l’homme à un sujet rationnel et autonome. En ce senselles ne tiennent guère compte des réalités de l’existence humaine, àsavoir notamment de notre inscription dans une temporalité qui re-lativise passablement notre autonomie. En effet nous avons besoinde l’aide d’autrui, que ce soit dans l’enfance, la vieillesse, ou la mala-die. La notion de dignité-purement rationnelle- telle que la penseKant sera également discutée. Comment en effet repenser une digni-

té qui ne fasse pas abstraction de notre réalité corporelle et de notreinscription dans le temps ? Une nouvelle notion de la personne toutcomme du citoyen est à reconstruire, afin de prendre en compte tantnotre matérialité que les limites qui en découlent. M. Nussbaumpropose tout d’abord de transformer la liste des biens de premièreimportance de Rawls en liste de « capacités » que chacun devraitpouvoir déployer, elle y rajoute notamment la possibilité de bénéfi-cier de soins dans les situations de dépendance. Elle montre égale-ment la nécessité d’élargir le cadre du contrat social au-delà des limi-tes nationales, car les questions d’aide et de vulnérabilité dépassent leniveau inter-individuel et s’étendent aux relations entre différentsétats. Norman Daniels et Eva Kittay répondent à ces propositionspar deux articles qui remettent également en cause et peut-être enco-re de manière plus radicale la notion de contrat social.

Florence Quinche

Les soins de longue durée à domicileRapport d’un groupe d’étude de l’OMS, Genève. Ed. OMS (Coll. Rap-ports techniques, n° 898), 47 p., 2003.

Compte tenu des changements actuels tant au niveau démographi-que (allongement de la durée de vie et accroissement du nombre depersonnes dépendantes), qu’en ce qui concerne les politiques de san-té publique (diminution des ressources financières en matière de san-té), ce rapport vise à donner des pistes pour développer les alternati-ves à l’hospitalisation et plus particulièrement les soins à domicile. Ils’adresse essentiellement aux décideurs et responsables politiques,afin de leur présenter les différentes approches possibles ainsi que denombreux exemples tirés de cas réels.

Florence Quinche

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Humain, post-humainD. Lecourt, Paris, PUF 2003, science, histoire, société, 146 p.

Dans un récent ouvrage qui appelle à une plus grande exigence de lapensée, Dominique Lecourt [1] entend mettre en garde contre unrecours commode à l’éthique, trop souvent brandie comme un jo-ker : il invite donc, face à ce qu’il appelle la « maldonne », à ne pastruquer les cartes d’entrée de jeu... On se souvient entre autres ouvrages sur la question de son essai surles fondements imaginaires de l’éthique [2]. L’auteur des Piètres Pen-seurs [3] déplore la paresse de la pensée contemporaine. C’est pour-quoi dans cet essai, dont le titre a des accents nietzschéens, il dénonceles deux impasses que constituent le discours des « bio-catastrophis-tes » et celui des « techno-prophètes ».Les premiers, au nom d’une éthique tièdement humaniste – « on nes’improvise pas éthicien, encore moins bioéthicien » - réveillent lescraintes imaginaires quant à d’obscurs pouvoirs totalitaires à venir :la science et la technique, incarnées par de nouveaux Frankensteineugénistes, viendraient à maîtriser totalement l’homme en le livrantà la « posthumanité ».Dominique Lecourt voit dans ces visions cauchemardesques, dignesdes romans de science-fiction, le complexe de Cassandre : ces alar-mistes, pour protéger des zones sacralisées, détournent le concept deresponsabilité en le « dilatant en notion métaphysique ». C’est ainsiqu’on redoute une altération de la « nature humaine » - notion queDominique Lecourt suggère de revisiter - et qu’on assimile de façonhâtive certaines tentatives de clonage à un « crime contre l’humani-

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Ethique & Santé 2004; 1: 51-55 • © Masson, Paris, 2004 53

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té ». Ces présupposés philosophiques s’appuient sur les travaux deHans Jonas [4], que le philosophe n’épargne d’ailleurs pas au passage,lui reprochant de « nourrir, face à la technique réputée démoniaqueet déchaînée, une grande peur - une peur millénariste - seul espoirpour que se ressaisisse l’humanité ! ».Le second courant de cette querelle de fond, représenté par les« techno-prophètes », prône l’intelligence artificielle triomphantbientôt du cerveau humain, [5] considéré par Marvin Minsky commeune « machine-viande » [6]. Les progrès de la robotique comme dugénie génétique permettent de croire à l’émergence d’une « vie arti-ficielle », qui réaliserait le vieux fantasme de s’affranchir du corps etde ses pulsions. R. Kurzweil - avec son « âge des machines spirituelles »- représente le chef de file de ces nouveaux disciples de F. Bacon, phi-losophe anglo-saxon du XVIIe siècle.Dans cet angélisme comme dans la diabolisation de la science, Do-minique Lecourt voit l’expression de deux versants théologiques op-posés, mais en fin de compte au service d’un même idéal de transcen-dance, d’un même retour à l’irrationnel.Cet essai stimulant et dérangeant invite donc à ne pas nous tromperde danger, face à cette époque qui survalorise la construction de mo-dèles. L’enjeu majeur est de préserver la réflexion éthique du « prê-chi-prêcha et de la censure », deux écueils qui selon le philosopheguettent cette discipline : « il se pourrait que nous ayons grand be-soin d’une autre conception de l’éthique qui, elle aussi, s’émancipe-rait de la nécessité de « fonder », fût-ce en raison kantienne, le par-tage du bien et du mal ». Ce n’est qu’au prix d’un difficile effort pour« repenser le concept de l’humain » - y compris dans sa part d’inhu-manité - qu’il sera possible d’échapper à ce double réductionnisme.C’est un livre qui, au nom de la pensée mais aussi de l’action, en ap-pelle à la résistance philosophique contre la peur, les fantasmes, lesnouvelles versions du malaise d’une société face aux biotechnologies.

Anne Bourgain

Références

1. Professeur de philosophie des sciences à l’université de Paris 7,Président du Comité d’Éthique de l’Institut de Recherche pourle Développement.

2. Lecourt D. Prométhée, Faust, Frankenstein : fondements imagi-naires de l’éthique, 1966, réédit Livre de Poche, 1998. Voir aussiDominique Lecourt, Contre la peur : de la science à l’éthique,une aventure infinie (1990), réédit Puf 1999.

3. Lecourt D. Les piètres penseurs, Flammarion, 1999.

4. Jonas H. Le principe de responsabilité, une éthique pour la civi-lisation technologique, Cerf, 1990.

5. Celui-ci serait « rattrapé » en 2040 par l’ordinateur...

6. Minsky M. The society of mind, New York, Simon and Schuster,1988.

Carnet de Santé de la France 2003Sous la direction de J. de Kervasdoué. Paris, Dunod, La Mutualité fran-çaise, 2003, 248 p.

Trois ans après la première édition du Carnet de Santé de la France,ce nouvel ouvrage collectif rassemblant les perspectives des sciencespolitiques, de l’économie, de la géographie de la santé, du droit sani-taire et social et de la pratique médicale, constitue un outil précieuxpour apprécier la situation sanitaire globale de la France, ainsi que lesdisparités dans le recours au soin et dans la répartition des praticiens.Il invite également à se confronter aux enjeux des crises traverséespar le système de santé, dont les auteurs nous montrent qu’elles ne

sont pas seulement financières. Proposant des analyses concernantles orientations françaises en matière de politique de santé, interro-geant les stratégies commerciales déployées par l’industrie pharma-ceutique, présentant une lecture synthétique des textes juridiques de2002, exposant une comparaison des systèmes de santé des grandspays occidentaux, cet ouvrage offre à la fois une utile synthèse desdonnées actuelles et des transformations institutionnelles concer-nant la santé en France, et une invitation à la réflexion critique.

Catherine Draperi

Bioéthique, médecine et souffrance. Jalons pour une théologie de l’échecD. Jacquemin, Collection « Interpellations », Médiaspaul, Montréal,2002, 159 p.

Au cœur de la médecine, dans le déploiement de toutes ses capacités,personnes soignées comme personnes soignantes peuvent parfoisfaire l’expérience de ce qui représente pour elles un échec radical.C’est à cette contradiction – entre les espoirs mis en la capacité fan-tastique de « réparer » de la médecine contemporaine et l’expérienceradicale de l’échec – que veut s’affronter cet ouvrage, en se centrantsur le questionnement de la personne croyante.L’ouvrage est construit selon plusieurs étapes qui, avec un grand senspédagogique, guident le lecteur sur les chemins de sa propre ré-flexion. Un liminaire situe d’emblée la place spécifique et les limitesd’une intervention résolument théologique dans le champ de la ré-flexion à propos de la médecine. Une définition de la notion d’échecet de son champ d’application et de pertinence est ensuite proposée.La portée de cette notion d’échec est ensuite mise en évidence, d’unepart par une évocation de la réalité du poids de malheur dans l’exis-tence humaine et, d’autre part, par la description de certaines situa-tions où la médecine contemporaine elle-même est confrontée à uncertain échec. C’est sur la base de cette analyse que l’auteur pose laquestion de la possibilité, en théologie, de parler de Dieu dans cetteconfrontation à l’échec. Deux propositions théologiques majeuressont alors formulées et étudiées : le Dieu des chrétiens n’est-il pas ceDieu qui, au cœur même de l’échec, pourrait au mieux dire qui Il estpour l’homme ? Quelle médecine pourrait devenir « théo-thérapeu-tique », c’est-à-dire comment, dans la relation de soin, est-il possiblede tenir compte des soubassements de la foi ?Le premier intérêt que l’on retiendra de cet ouvrage est, sans doute,celui de la clé de lecture que représente la notion d’échec pour iden-tifier les limites du rapport de l’homme contemporain à la médecineet en mesurer la portée (chapitre 2). Dès lors, en effet, que l’humainest confronté à une représentation idéale de la santé, du bonheur, del’état « normal » d’existence, il attend de la médecine qu’elle pro-meuve pour lui cet idéal, sous peine de se voir tenu en échec. Échecde ses représentations, faudrait-il dire, mais précisément l’amenui-sement de la distance entre la réalité et les représentations construi-tes est peut-être l’un des traits caractéristiques du monde contem-porain, et par là même une limite à l’exercice constructif del’autonomie des sujets. D. Jacquemin souligne d’ailleurs que lecroyant peut éprouver ce même sentiment de mise en échec dans laconfrontation aux enseignements de sa propre Église. Ici encore,c’est le rapport à l’idéal qu’il faut interroger et soumettre à la criti-que, non d’un relativisme moral mais bien plutôt d’une conceptionexigeante de l’autonomie. Le risque serait que le sujet considèrecomme échec cette expérience d’affrontement à la réalité qui, préci-sément, sollicite et peut, dans certaines conditions d’accompagne-ment et de respect des forces et des limites de chacun, soutenir le dé-ploiement de la capacité d’autonomie du sujet. Concernant lesattentes à l’égard de la médecine, cette dernière a d’elle-même une