Autorité et genre.

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UNIVERSITE DE POITIERS - ÉCOLE SUPERIEURE DU PROFESSORAT ET DE L’EDUCATION (ESPE) DE L’ACADEMIE DE POITIERS Autorité et genre. Séminaire « Autorité » sous la direction de M. Ramé Sébastien Justine Dagonat Année universitaire : 2017 - 2018 Master Métiers de l’Enseignement, de l’Éducation et de la Formation du second degré Parcours : Sciences Économiques et Sociales

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UNIVERSITE DE POITIERS - ÉCOLE SUPERIEURE DU PROFESSORAT ET DE L’EDUCATION (ESPE) DE L’ACADEMIE DE POITIERS

Autorité et genre. Séminaire « Autorité » sous la direction de M.

Ramé Sébastien

Justine Dagonat

Année universitaire : 2017 - 2018

Master Métiers de l’Enseignement, de l’Éducation et de la Formation du second degré Parcours : Sciences Économiques et Sociales

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1

Sommaire

Introduction ................................................................................................................................ 1

Présentation ............................................................................................................................ 1

Etat de la question .................................................................................................................. 3

Les hypothèses ....................................................................................................................... 6

La méthodologie ..................................................................................................................... 9

1 – Les garçons transgressent davantage les normes scolaires que les filles en raison de leur

socialisation. ............................................................................................................................. 11

1.1 Les garçons sont plus déviants que leurs homologues féminines. ................................. 11

1.2 Les garçons transgressent davantage que les filles néanmoins il ne faut pas sous-estimer

les capacités des filles à désobéir à l’institution. .................................................................. 13

1.2.1 - Les filles : transgresser discrètement pour échapper aux sanctions négatives et

« garder la face ». ............................................................................................................. 13

1.2.2 - Les garçons : transgresser visiblement pour être valorisé..................................... 15

2 - Les élèves en fonction de leur genre ne transgressent pas les mêmes normes car ils ne le

font pas pour les mêmes raisons. .............................................................................................. 18

2.1 - Les garçons transgressent les normes scolaires pour se conformer aux normes et

valeurs masculines. ............................................................................................................... 18

2.1.1- Transgresser les normes scolaires pour mettre en avant sa virilité. ....................... 18

2.1.2- Transgresser les normes scolaires pour perpétuer la domination masculine. ........ 20

2.2 - Les filles transgressent les normes scolaires pour se conformer aux normes et valeurs

féminines. ............................................................................................................................. 22

2.3 - Les rapports sociaux entre les deux sexes peuvent engendrer de la déviance au sein

des établissements scolaires. ................................................................................................ 25

2.3.1- Transgresser les normes scolaires relatives au respect afin de montrer au groupe de

sexe opposé qu’elles sont des filles de bonne morale… et par conséquent, non

consciemment renforcer la domination masculine. .......................................................... 25

2.3.2 - Les filles et garçons transgressent les normes scolaires dans un but de séduction

du groupe de sexe opposé. ................................................................................................ 27

3 - Les limites ........................................................................................................................... 28

Conclusion ................................................................................................................................ 29

Bibliographie .............................................................................................................................. 1

Annexes ...................................................................................................................................... 1

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2

Résumé :

Au sein des lycées français, les élèves ont tous un statut identique, et sont soumis aux

mêmes normes scolaires. Cependant, il existe tout de même des différences, notamment des

différences liées au genre. Cette étude s’intéresse au respect des normes scolaires afin

d’expliquer comment la socialisation différentielle en fonction du genre peut être créatrice de

déviance. En effet, il s’agira de saisir les raisons qui mènent les élèves en fonction de leur

genre à transgresser les règles formelles inscrites dans un règlement intérieur.

Mots-clés : école, déviance, normes, socialisation, genre.

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Introduction

Présentation

L’Ecole représente une institution étatique dont une des fonctions est d’apprendre aux

élèves à vivre ensemble comme le souligne Michel Delaunay. D’ailleurs, « apprendre à

vivre ensemble » est une compétence inclue dans le socle commun donné par le Ministère de

l’Education Nationale. Ainsi, les élèves doivent détenir à la fin de leurs études dans le

secondaire « le sens du dialogue, de la négociation, du consensus, le travail en équipe » ; les

élèves doivent être capables de respecter « des règles de vie collective, qu'il s'agisse du

fonctionnement de la classe ou du règlement intérieur de l'établissement » ; ils doivent avoir

« le sens de la responsabilité, individuelle et collective, en matière de sécurité, de santé, de

sexualité » ; et être en capacité de respecter les « autres, la civilité, le refus des stéréotypes et

des discriminations » (Eduscol, 2014). L’Ecole a également pour fonction de mener les

élèves à maîtriser un socle commun de compétences ainsi que des compétences et savoirs

propres à des disciplines enseignées en son sein.

Afin que les élèves puissent « apprendre à vivre ensemble » et maîtriser un ensemble

de compétences, il est nécessaire qu’ils puissent se référer à des règles formelles, et par

conséquent qu’ils se soumettent à l’autorité scolaire (Delaunay, 2004). En effet, c’est en

respectant des règles qu’ils finiront par intérioriser jusqu’à ne plus avoir conscience de les

respecter que les élèves seront capables de « vivre ensemble » et d’effectuer « leur métier

d’élève ». L’apprentissage des règles passent par l’obéissance à une institution, ici l’Ecole,

qui représente l’autorité. L’autorité recouvre deux dimensions, la potestas (avoir l’autorité : le

pouvoir fondé sur la fonction, le grade ou le statut) et l’auctoritas (avoir de l’autorité : relève

de l’influence, de l’ascendant, du crédit) (Gasparini, 2012).

L’existence d’un règlement intérieur, qui permet de mener les élèves aux compétences

requises, fixe des normes formelles au sein des établissements scolaires. Il représente une

forme d’autorité légale-rationnelle que les acteurs de l’institution scolaire font vivre. Ainsi, ce

dernier est créateur de déviance puisque c’est la transgression des normes qui constitue la

déviance (Becker, 1985). Les représentants des établissements scolaires créent de la déviance

en instituant des normes. Ajoutons que les élèves au sein des établissements scolaires sont

d’autant plus confrontés à des normes qu’ils y réalisent leur « métier d’élève ». Ainsi, si l’on

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2

dit que les élèves ont un métier, par conséquent nous affirmons que les élèves ont du travail

(Dessus, 2004). En effet, l’école est la première institution où les jeunes gens se confrontent

au monde du travail et aux contraintes de ce dernier. Les élèves sont assujettis à un métier

ayant des normes très précises et contraignantes : « horaire stable, souvent rythmé par une

sonnerie, absences et retards relevés et sanctionnés, travail à faire en classe et à la maison,

performances (connaissances aussi bien que comportement) notées individuellement, et

communiquées aux parents, écarts de conduite relevés et sanctionnés, conseil de classe décidant

de l'orientation de l'élève, organisation de classe et d'établissement codifiée par l'enseignant et le

règlement » (Perrenoud, 1994).

L’Ecole, qui détient et exerce son autorité sur les jeunes acteurs sociaux, est une

instance de socialisation. Par « socialisation », nous entendons « l’ensemble des processus

par lesquels l’individu est construit, on dira aussi formé, modelé, façonné, fabriqué,

conditionné, par la société globale et locale dans laquelle il vit, processus au cours

desquels l’individu acquiert, apprend, intériorise, incorpore, intègre, des façons de faire,

de penser et d’être qui sont situées socialement » (Darmon, 2007). L’institution scolaire

intervient tôt et longuement dans la vie des acteurs sociaux – au moins jusqu’à 16 ans en

raison de la loi Berthoin (1959) – ainsi elle détient pouvoir socialisateur important en

intervenant à une période où les apprenants sont fortement influençables (Durkheim, 1922) et

semble être l’institution idéale pour apprendre, par le biais du règlement intérieur, « le vivre

ensemble » aux élèves et permettre à ces derniers de maîtriser des compétences et des savoirs.

Cependant, l’Ecole n’est pas l’instance de socialisation qui intervient en premier dans le

processus de socialisation des élèves. Par conséquent, elle peut rencontrer des difficultés pour

effectuer ses missions et assurer son rôle de représentation de l’autorité. En effet, la famille

est une instance de socialisation primaire qui peut transmettre des normes et valeurs en accord

ou non avec celle de l’institution scolaire. La famille a d’autant plus de poids, qu’elle est liée

affectivement aux enfants et que ces derniers perçoivent la manière de concevoir le monde de

leurs parents comme la seule existante (Berger & Luckmann, 1966).

La famille peut transmettre des normes et des valeurs qui entrent en conflits avec

celles que l’Ecole veut transmettre aux enfants, aux adolescents. La socialisation scolaire est

proche de celle des classes sociales supérieures (Bourdieu & Passeron, 1970). Cependant, au

sein d’une même famille, les enfants en fonction de leur sexe ne sont pas socialisés de

manière identique. Les parents transmettent des normes et valeurs différentes aux garçons et

aux filles. En effet, ils apprennent aux filles à être douces, dociles, altruistes, patientes alors

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qu’ils apprennent aux garçons à devenir courageux, aventuriers, dominants, meneurs (Belotti,

Du côté des petites filles, 1992).

La socialisation différentielle en fonction du genre peut donc être un fait social

expliquant la manière dont les élèves respectent ou non le règlement intérieur. Le genre est

une notion qui permet de différencier le sexe biologique du sexe social. En effet, le « sexe est

un mot qui se réfère aux différences biologique entre mâle et femelle : la différence visible des

parties génitales, la différence relative dans la fonction procréative. » alors que le « genre

(…) est une matière de culture : il se réfère à la classification sociale entre « masculin » et

« féminin » » (Oakley, 1972). Ainsi, ici, nous allons nous intéresser aux comportements

déviants adoptés par les filles et les garçons au sein de l’institution scolaire. Plus précisément,

nous étudierons le rapport aux contraintes, les transgressions des normes en fonction du genre des

élèves en interrogeant leur rapport à l’autorité scolaire.

Finalement, nous nous demanderons : comment expliquer qu’en fonction du genre,

tous les élèves ne respectent pas de la même manière le règlement intérieur alors qu’ils ont le

même statut au sein de l’école ? Ainsi, cela pose la question de savoir pourquoi les élèves en

fonction de leur genre ne parviennent pas à apprendre « à vivre ensemble » et/ou à « effectuer

leur métier d’élève ».

Etat de la question

Des études montrent que les élèves de sexe masculin transgressent davantage les

normes scolaires que leurs homologues féminins (Le Parisien, 2009). En effet, les valeurs

masculines sont en inadéquations avec les normes et valeurs scolaire contrairement aux

valeurs féminines. Les filles ont intériorisé le fait qu’elles doivent être calmes, patientes,

obéissantes, ainsi leur comportement est en adéquation avec les attentes de l’institution

scolaire (Baudelot & Establet, 1992) (Belotti, 1974) (Bourdieu, 1998). Jean-Louis Auduc

souligne, lui aussi, que le genre masculin se révèle être disqualifiant au sein de l’Ecole

puisque les « qualités » attendues au sein de cette dernière sont transmises aux filles

notamment dans le cadre familiale (Jarraud, 2009). D’ailleurs, dans son ouvrage « Sauvons

les garçons ! », il écrit que « dès le primaire, un bon élève c'est un ensemble d'attitudes : des

devoirs soignés, être à l'heure…, ne pas s'agiter… Or la prégnance du modèle traditionnel

dans la famille contribue à développer chez les filles des qualités d'écoute et d'ordre » alors

que l’on tend à développer chez les garçons des qualités qui vont à l’encontre des qualités

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attendues à l’Ecole. Ajoutons que les instances de socialisation des enfants et adolescents sont

massivement composées de professionnelles femmes (crèches, école, garderie, assistante

maternelle etc.). Ainsi les filles qui s’identifient plus facilement aux femmes que les garçons,

vont pouvoir et vouloir imiter les attitudes de ces professionnelles et renforcer à nouveau le

développement des qualités attendues dans la sphère scolaire contrairement aux garçons

(Jarraud, Dossier : S.O.S. Garçons ! - Entretien avec Jean-Louis Auduc., 2009). Cependant,

malgré ce que nous venons d’énoncer, il ne faut pas minimiser la capacité des filles à

transgresser les règles scolaires. Ces dernières transgresseraient les normes de manière plus

discrète que les garçons (Jarraud, 2014). En effet, les filles, en classe, peuvent se livrer à des

bavardages inopportuns ou à des envois cachés de SMS alors qu’elles n’en ont pas le droit.

Les filles transgressent d’autant plus discrètement que dès qu’elles sentent qu’elles peuvent

être repérées, elles reprennent un comportement scolaire avant même d’avoir été sanctionnées

(Jarraud, 2014). La socialisation genrée est donc un élément qui explique pourquoi

quantitativement les garçons enfreignent plus que les filles les règles scolaires.

Les filles et les garçons ne respectent pas le règlement intérieur de la même manière

puisqu’ils ne transgressent pas les mêmes normes. Commençons par évoquer le sujet de la

violence intra-scolaire. On note que les violences – qui sont interdites par le règlement

intérieur – commises par les filles et les garçons ne sont pas identiques. Par violence, nous

n’entendons pas uniquement les actes réprimés juridiquement, ainsi nous, nous prenons en

compte la violence comme « action volontaire visant à faire mal à une personne », comme

« agression physique intentionnelle contre la victime » (Corradi, 2009), et la violence

psychologique qui correspond à « la destruction de l’estime de soi et / ou du sentiment de

sécurité dans les relations où souvent il y a un rapport de pouvoir entre personnes » (Gohin,

2016). Des études montrent que la violence au sein de l’Ecole est genrée (Debarbieux, 2011).

Dans les milieux scolaires et notamment dans le secondaire, les garçons sont davantage

coutumiers des bagarres, et le racket, alors que les filles préfèrent l’usage de la violence

indirecte par le biais des moqueries, de la dissémination de rumeurs et de rejet des certains

camarades (Jarlégan & Rubi, 2013). Toutefois, les garçons, comparés aux filles, agressent

davantage verbalement que ces dernières (Debarbieux, 2011). Concernant la transgression des

normes, hormis la violence, on peut aussi s’intéresser à ce qui relève davantage du métier

d’élèves. Ici, les études montrent que les filles sont davantage sanctionnées que les garçons

pour les « manquements mineurs à la discipline », c’est-à-dire par les bavardages, les oublis

de matériel, les retards, et l’usage du téléphone portable en classe (Ayral S, 2011). Cependant,

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si les filles sont davantage sanctionnées pour ces « manquement mineurs », les garçons sont

pourtant davantage coutumiers que les filles de « ces manquements mineurs à la discipline ».

Au sein des établissements scolaires, nous l’avons dit, les formes de déviance sont

genrées, il en est de même pour les raisons des transgressions :

Les élèves de sexe masculin cherchent à affirmer leur virilité. Ils sont plus coutumiers que

les filles des agressions physiques. Ils agressent physiquement presque exclusivement les

garçons et quand les filles se font agresser, c’est principalement par leurs homologues

féminines – nous n’évoquons pas les agressions sexuelles (Poutrain V. , 2014). Par les

bagarres, les garçons cherchent, en partie, à affirmer leur virilité et leur rôle d’homme

(Ayral S, 2011) tandis que les filles qui sont dominées par les garçons cherchent à exercer

une forme de domination (Jarlégan & Rubi, 2013). Pour affirmer leur virilité, les garçons

usent de la violence verbale, plus précisément des injures.

Les garçons veulent se dissocier de tout ce qui relève de la féminité. En effet, ces derniers

insultent davantage leurs pairs masculins mais aussi leurs professeurs hommes de manière

à ne pas être traités de « mauviettes, de « femmelettes », de « pédés » (Poutrain V. , 2014),

en somme, ils ne veulent pas que leurs identités sociales soient associée au sexe féminin.

Afin de porter les valeurs qui ont attrait à la masculinité et à la féminité, les élèves

peuvent donc se sentir obligés de transgresser les normes des institutions scolaires. Il

s’agit également de montrer à ses pairs et au groupe du sexe opposés qu’ils sont bien des

hommes (Poutrain V. , 2014).

Les garçons peuvent transgresser les normes scolaires en raison du modèle « de

domination masculine » présent dans notre société française. En effet, les garçons se

livrent aux insultes voire aux maltraitances physiques envers les filles afin de leur rappeler

comment elles doivent se comporter (Clair I, 2008).

Les filles veulent montrer à leurs pairs et au groupe du sexe opposé qu’elles sont bien des

femmes (Terral S. , 2013). Cela passe notamment par le choix des vêtements puisque

comme le souligne Terral, ils permettent la communication non-verbal, ils sont un élément

qui renvoie une image de notre personnalité aux autres. Ainsi, cela pourra les mener à

porter des tenues jugées provocatrices et/ou pas adaptées pour aller au lycée. D’ailleurs,

les filles sont plus réprimandées que les garçons en raison de leurs vêtements par le biais

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des commentaires des professionnels de l’éducation : « shorts, jupes jugées « trop

courtes », décolletés « profonds », et autres « ventres à l’air » » (Masclet, 2009).

Les filles peuvent également transgresser les normes, notamment à travers leurs tenues, le

maquillage, la coiffure afin de plaire aux garçons (Terral S. , 2013). Terral souligne que le

maquillage mais aussi les habits et les accessoires sont des moyens de « séduire mais

aussi d’afficher son statut social » pour les adolescentes.

Les filles peuvent également transgresser les normes scolaires en se moquant, insultant

les filles qui ne répondent pas aux normes féminines (normes corporelles,

vestimentaires), cela prend d’autant plus de place que les jeunes filles sont sensibles aux

normes diffusées par les médias, notamment la télévision et les magazines, et qu’à

l’adolescence une des normes est de « ne pas être différent des autres », en somme le

« conformisme » est de rigueur. (Pasquier, 2005). Ajoutons que « les filles sont en effet

menacées d'avoir "mauvaise réputation" » si elles sortent des normes associées à la

féminité (discrétion, élégance etc.) (Clair I, 2008), ainsi elles ont tout intérêt à montrer

qu’elles désapprouvent le comportement de celles qui transgressent les règles associées

au genre féminin.

Les hypothèses

Mes lectures, mes premières observations et entretiens informels (Annexe 1 ) (Annexe

2.)m’ont permis de poser trois grandes hypothèses fondamentales qui sont les suivantes : les

garçons enfreignent davantage les normes scolaires en raison de la socialisation genrée ; les

filles et les garçons ne transgressent pas les mêmes normes scolaires en raison de motivations

différentes ; les rapports sociaux entre les deux sexes peuvent engendrer de la déviance au

sein des établissements scolaires. Mes lectures m’ont permis de développer différentes

hypothèses réunies dans le tableau suivant :

Hypothèses fondamentales Hypothèses

opératoires

Indicateurs

Les garçons transgressent

davantage les normes scolaires

que les filles en raison de leur

socialisation.

Les filles respectent

davantage les règles que

les garçons.

Les garçons obtiennent

davantage de mots dans

leur carnet de

correspondance.

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Les filles transgressent

plus discrètement que les

garçons.

Les garçons transgressent

visiblement les règles

scolaires, ainsi ils ont plus

de chance que les filles de

se faire sanctionner

formellement

Les filles transgressent

autant que les garçons si

on s’intéresse aux actes

déviants pour lesquels les

élèves n’ont pas été

sanctionnés.

Les garçons sont davantage

collés que les filles.

Les garçons parlent plus

fort que les filles

(bavardage non lié au

cours).

Les filles pour échanger

sur des éléments hors cours

durant les séances utilisent

des mots écrits, ont recours

aux sms.

Les garçons font des actes

déviants

« spectaculaires » :

bagarre, dégradation de

matériel scolaire etc.

Données obtenues via un

questionnaire : relever les

actes déviants effectués par

tous les élèves même

quand ils n’ont pas été

sanctionnés.

Les élèves en fonction de leur

genre ne transgressent pas les

mêmes normes car ils ne le font

pas pour les mêmes raisons.

Les garçons transgressent

les normes scolaires pour

se conformer aux normes

et valeurs masculines.

Les garçons transgressent

des normes scolaires par

des actes qui permettent de

montrer leur force

physique.

Les garçons utilisent le

langage déviant/familier

pour se « viriliser ».

Les garçons pratiquent les

bagarres / agressions

physiques.

Les garçons utilisent les

insultes féminisantes pour

rabaisser les autres garçons

et poursuivre les idéaux

masculins.

Les garçons transgressent

les normes scolaires pour

perpétuer la domination

masculine.

Les garçons transgressent

davantage les règles quand

le professeur est une

femme pour montrer qu’ils

dominent malgré leur

Les garçons insultent et/ ou

ont davantage

d’altercations avec les

professeurs femmes.

Page 11: Autorité et genre.

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statut dominé en tant

qu’élève.

Les garçons s’opposent

aux professeurs hommes

pour montrer qu’ils sont

les plus virils et par

conséquent ceux qui

dominent malgré leur

statut dominé en tant

qu’élève (concurrence

entre hommes).

Les garçons peuvent par le

langage contrôler les corps

des filles et rabaisser les

filles.

Les garçons utilisent des

insultes pour déviriliser les

professeurs hommes.

Les garçons insultent les

professeurs quand ils

jaugent qu’ils ont été

rabaissés.

Usage des rumeurs qui

peuvent isoler les filles.

Remarques pour rabaisser

les filles, pour se moquer.

Remarque pour empêcher

les filles de s’exprimer.

Les filles transgressent les

normes scolaires pour

mettre en avant leur

féminité.

Les filles sont

sanctionnées, aussi bien

par les élèves que le

personnel du lycée, pour

des raisons vestimentaires,

pour des tenues jugées

provoquantes ou du

maquillage jugé

inapproprié.

Il existe un contrôle

vestimentaire que les filles

exercent sur leurs pairs :

les filles doivent être

féminines mais pas

excessivement.

Le contrôle pour juger de

la féminité porte

également sur la

perception de la maturité

des filles.

De ce contrôle peut

découler des actes

qui ne respectaient

pas la clause de

respect des autres.

Vêtements inappropriés.

Sanctions formelles liées

aux vêtements.

Insultes et remarques des

élèves sur le look des filles.

Remarques négatives sur le

caractère des filles faites

par les élèves.

Les rapports sociaux entre les

Page 12: Autorité et genre.

9

deux sexes peuvent engendrer de

la déviance au sein des

établissements scolaires.

Les filles transgressent les

normes scolaires en

dominant d’autres filles

afin de montrer au groupe

de sexe opposé qu’elles

sont des filles de bonne

morale.

Les filles transgressent les

normes afin de préserver

leur image de « femme

respectable » (normes

morales assimilées au

genre féminin) aux yeux

des garçons.

Dissémination de rumeurs.

Insultes contre les filles

dont le comportement est

jugé immoral dans notre

société (but : ne pas être

associé aux filles qui ont de

mauvaises réputations).

Les filles et les garçons

transgressent les normes

scolaires dans un but de

séduction du groupe de

sexe opposé.

Les filles transgressent les

normes vestimentaires

(normes au sein de la

sphère scolaire) afin d’être

reconnues comme des «

femmes » par leurs

homologues masculins.

Les filles transgressent

pour les normes pour

paraître moins sages afin

de plaire davantage aux

garçons.

Les garçons transgressent

les normes pour attirer

l’attention des filles et

pour leur plaire.

Vêtements et look non

convenables à l’école.

Soutenir les garçons en les

soutenant quand ils

perturbent le cours.

Les filles peuvent vouloir

moins participer en cours.

Les garçons perturbent le

cours en faisant rire les

autres, en bavardant

excessivement avec les

filles.

La méthodologie

Afin de répondre à la problématique posée, et par conséquent de valider ou non les

hypothèses précédentes, je me suis appuyée sur de l’ethnographie participante essentiellement

au sein d’un lycée (lycée Jean Macé) à Niort – quelques éléments ont été observé hors lycée

dans ma vie quotidienne – où 1090 élèves étudient. Parmi ces derniers, 1040 sont dans les

filières L, ES, S et STMG, le reste est en BTS ou en formation de niveau bac + 2. Les élèves

sont issus majoritairement des milieux populaires, de la petite bourgeoisie en déclin et de la

petite bourgeoisie d’exécution (Bourdieu , 1979). Ainsi, le travail empirique a été fait auprès

d’élèves en sciences économiques et sociales en raison de la facilité d’accès avec ces derniers.

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10

Par le biais de l’ethnographie participante et de l’observation participante, j’ai pu

réaliser une monographie en consignant dans un journal de terrain des événements, des

interactions (entre élèves, entre enseignants, entre élèves et enseignants, entre parents et

enseignants, etc.) et des observations diverses portantes sur le comportement des élèves en

classes, dans les couloirs. Mes observations ont été réalisées pendant ma période de stage,

ainsi elles ont commencé dès le 08 décembre 2017 et se sont terminées au mois d’avril 2018.

Plus précisément, j’observais, le vendredi, trois classes de seconde qui avaient pour

enseignement d’exploration les sciences économiques et sociales, une classe de première et de

terminale économique et social. De plus, autant que je pouvais, j’observais, écoutais les élèves

dans les couloirs.

Aussi, j’ai réalisé des entretiens avec des lycéens - dont l’identité est ici anonymisée -,

notamment pour obtenir des éléments qualitatifs portant sur les raisons des transgressions des

normes scolaires. Ces entretiens ont été réalisés avec deux lycéennes et un lycéen. En effet,

ma première enquêtée Laura âgée de 17ans est une lycéenne en terminale littéraire. Issue d’un

milieu social populaire – sa mère exerce une profession d’auxiliaire de vie et son père est

agent de maîtrise. J’ai réalisé avec elle, un entretien de deux heures le 30 janvier 2018. Ma

seconde enquêtée, Emma, âgée de 16ans est une lycéenne en première économique et social,

l’entretien qui a duré deux heures a été réalisé le même jour que Laura. Emma est issue du

même milieu social que cette dernière puisque son père est conducteur de bus (ouvrier

qualifié) et sa mère, secrétaire administrative. Enfin, mon dernier enquêté Alexis – avec qui

j’ai échangé pendant une heure trente – a 18 ans et est en terminale scientifique, il est fils d’un

employé dans un commerce et d’une ouvrière arboricole, ainsi son milieu d’appartenance est

identique à celui des deux autres enquêtées. Les trois entretiens ont été réalisé chez les

enquêtés qui habitaient à Poitiers ou dans les environs de cette dernière.

Enfin, je me suis également appuyé sur un questionnaire (Annexe 4 ), diffusé par le

biais d’Internet, afin d’obtenir un plus grand nombre d’éléments sur les normes transgressés

par les filles et les garçons mais aussi sur les raisons de ces transgressions. Pour se faire, j’ai

fait passer un questionnaire que j’avais construit à partir d’un site proposant un service

permettant de diffuser un questionnaire par le biais d’Internet. Le questionnaire a été passé à

cent élèves de tous les niveaux en filière économique et social du lycée où je réalisais mon

stage. Sur les cent enquêtés, cinquante-huit sont des filles et quarante-deux des garçons. Le

questionnaire était construit en deux parties, une partie portant sur les motifs pour lesquels les

élèves avaient ou non eu des mots dans leurs carnets de correspondance ou des heures de

Page 14: Autorité et genre.

11

colle, et une seconde partie portait sur les normes scolaires que les élèves transgressaient sans

pour autant avoir été sanctionnés par les représentants de l’institution scolaire. J’ajoute que le

questionnaire était essentiellement composé par des questions fermées. Les questions ouvertes

étaient corrélées à d’autres questions et n’étaient là que pour obtenir des précisions

notamment sur les raisons poussant à la transgression des normes, notamment les règles

formelles concernant le respect des autres (professionnels de l’éducation et élèves). Précisons

que pour la suite du mémoire, lorsque j’utiliserai les réponses aux questions ouvertes, je

laisserai les réponses telles qu’elles ont été rédigées par les élèves, donc sans apporter de

correction orthographique.

Le questionnaire m’a permis de vérifier si les garçons transgressent davantage que les filles

les règles du règlement intérieur.

1 – Les garçons transgressent davantage les normes scolaires que les filles

en raison de leur socialisation.

1.1 Les garçons sont plus déviants que leurs homologues féminines.

Les études montrent que les garçons transgressent les normes scolaires davantage que

les filles. Mon enquête quantitative a réaffirmé ce constat. En effet, les garçons obtiennent une

quantité de mots dans leur carnet et d’heures de colle plus importante que les filles. Par

exemple, sur les quarante-deux garçons interrogés, ils ne sont que vingt-sept– soit 64%

d’entre eux – a déclaré n’avoir eu aucun mot dans leurs carnets visant à les sanctionner. En

revanche, parmi les cinquante-huit filles répondantes, elles sont quarante-sept à faire cette

même déclaration – soit 81% d’entre elles. Ajoutons que si nous nous focalisons sur les élèves

qui ont obtenus cinq à dix mots ou plus de dix dans leurs carnets, on observe que cela ne

concerne aucune fille alors que cela vise six garçons sur quarante-deux donc 15%.

Page 15: Autorité et genre.

12

De plus, par le truchement de mon questionnaire, j’ai relevé que les garçons

transgressaient davantage que les filles même lorsque nous nous intéressons aux règles

transgressées sans que les élèves aient été sanctionnés par l’institution scolaire. Le

questionnaire proposait aux élèves de déclarer si sans avoir été sanctionnés : ils étaient déjà

venus en cours sans avoir fait le travail scolaire et/ou sans avoir leurs affaires scolaires ; s’ils

avaient déjà été réprimandés par un professeur parce qu’ils parlaient trop fort ; s’ils avaient

déjà écrit un mot en cours pour le passer à un camarade ; s’ils avaient utilisé en cours leur

téléphone pour écrire un SMS/ appeler/ prendre des photographies ; s’ils avaient déjà joué

(morpions, pendus etc.) en cours ; s’ils s’étaient déjà battus ; s’ils avaient déjà insulté un

camarade, s’ils avaient déjà insulté un professeur sans qu’il l’entende pour autant ; s’ils

avaient déjà disséminé une rumeur sur un camarade ; s’ils étaient déjà endormi en cours, s’ils

avaient déjà signé un mot à la place de leurs parents ; s’ils avaient déjà dégradé du matériel

scolaire ; s’ils avaient déjà racketté un camarade ; et s’ils avaient déjà menacé un camarade.

Parmi toutes ces modalités, les garçons apparaissent plus déviants que les filles dans les

situations suivantes : prendre des photos en cours (50% contre 48%) ; passer des appels en

cours 31% contre 7%) ; se battre avec des élèves (33% contre 5%) ; insulter un professeur

(36% contre 31%) ; insulter un camarade (62% contre 50%) ; disséminer des rumeurs (12%

contre 2%); dégradé du matériel (17% contre 12%) ; racketter des camarades (7% contre 0%)

Page 16: Autorité et genre.

13

et menacer des camarades (10% contre 5%). Quant aux filles, elles apparaissent plus

déviantes que les garçons concernant le fait de venir sans avoir fait son travail scolaire et sans

leurs affaires scolaires (91% contre 88% pour le travail scolaire et 84% contre 50% pour les

affaires scolaires). Les filles sont également plus déviantes dans les faits suivants : écrire des

mots pour les passer à des camarades (48% contre 40%), envoyer des SMS (91% contre

81%), le fait de jouer en cours (72% contre 52%) ; signer un mot à la place de leurs parents

(52% contre 29%) ; le fait de s’endormir en cours (60% contre 38%).

1.2 Les garçons transgressent davantage que les filles néanmoins il ne faut

pas sous-estimer les capacités des filles à désobéir à l’institution.

1.2.1 - Les filles : transgresser discrètement pour échapper aux sanctions négatives et « garder

la face ».

Comme le soulignait déjà Jarraud (Jarraud, Filles et garçons au L.P. : Derrière le

genre, la classe. , 2014), les filles transgressent bien les normes scolaires, parfois plus que les

garçons si on différencie les normes transgressées mais elles font des actes déviants discrets,

ce qui n’est pas forcément le cas des garçons. Tout comme l’observait le scientifique, et

comme les données chiffrées que j’ai obtenues le montrent, les filles effectuent des actes

déviants « mineurs », donc peu visibles. J’ai pu observer cela à plusieurs reprises. En effet,

durant les cours que je donnais, j’avais une élève, Sarah, élève de seconde, qui constamment

omettait d’emmener ses affaires et faisait semblant d’écrire en pensant que je ne la voyais pas

toujours. Même observation, durant les cours de ma tutrice, avec Margaux, élève en 1ère

ES.

Aussi, dans le cours d’un autre professeur de SES que j’ai pu observer en avril, trois élèves

filles de seconde ont passé l’heure et demie de cours à ne pas suivre le cours et n’avaient pas

leurs affaires, et n’avaient manifestement pas fait l’exercice que le professeur avait donné la

fois précédente. Pour poser une première explication de cela, nous pouvons supposer que les

filles, en raison d’une socialisation où on leur apprend qu’elles doivent être discrètes,

obéissantes (Belotti, Du côté des petites filles, 1974) (Bourdieu, La domination masculine,

1998) sous peine d’être sévèrement réprimandées en cas d’infraction, sont davantage

sensibles aux réprimandes que pourraient leurs faire leurs parents mais aussi le personnel

scolaire. Par exemple, lors de mon stage, lors d’un cours, ma tutrice a rendu aux terminales

les copies d’une évaluation – une dissertation – et Marine, une élève, vient à la fin du cours à

la rencontre de sa professeure et lui dit qu’elle ne comprend pas pourquoi elle n’arrive pas à

Page 17: Autorité et genre.

14

atteindre la moyenne. Cette dernière répète trois fois que pourtant elle a « beaucoup

travaillé », elle a « appris son cours », elle jure qu’elle a appris son cours. Cette dernière finit

par pleurer. A ce moment précis, Marine souhaitait montrer qu’elle avait bien fait son métier

d’élève malgré le résultat et trouver du réconfort mais surtout une image positive auprès de sa

professeure. Autre exemple, si nous revenons aux trois élèves filles évoquées précédemment,

élèves d’un professeur que j’ai observé en avril, ces dernières, même si elles ne faisaient pas

leur travail et n’avaient pas leurs affaires, veillaient à ne pas se faire remarquer de peur de se

faire réprimander par le professeur puisqu’elles utilisaient des « codes » pour prévenir du

danger quand celui-ci passait dans les rangs. En effet, elles se donnaient des coups de coude

ou cachaient leurs dessins en remettant des feuilles simples devant elles ou s’alertaient par des

« fait attention ». Autre élément, Alexandre (Annexe 3 - Propos recueillis de manière

informelle) qui est une de mes connaissances personnelles me parlait de ses sœurs, Leïla et

Anaïs, des lycéennes. Il me disait : « Elle [Leïla] se met trop la pression à l’école. Elle veut

faire plaisir aux parents. Quand elle se loupe, elle stresse à mort à l’idée de le dire aux

parents (…) Ana, elle aussi mais c’est pas pareil, elle, elle veut faire plaisir aux profs, surtout

que son rêve c’est d’être instit’ ». Dernier fait, par le truchement de mon questionnaire, j’ai

relevé que les filles étaient plus nombreuses à déclarer avoir signé des mots à la place de leurs

parents, ainsi même si tous les mots ne sont sans doute pas liés à des questions de

manquement aux règles, on peut tout de même penser que certains sont liés à ce dernier motif

et que les filles désirent cacher le fait qu’elles ont transgressé les normes scolaires pour ne pas

se faire réprimander par leurs parents.

Les filles semblent donc plus sensibles aux jugements des adultes, par conséquent, dévier oui,

mais dévier sans se faire remarquer. En partant de la supposition que les filles intègrent plus la

valeur d’obéissance que les garçons et qu’elles sont plus sensibles aux jugements des adultes,

elles ont donc intérêt à adopter des stratégies de déviance discrètes.

Page 18: Autorité et genre.

15

1.2.2 - Les garçons : transgresser visiblement pour être valorisé.

Si les filles dévient les normes discrètement, les garçons réalisent des actions déviantes

visibles, ainsi, on peut supposer que cela n’est pas sans lien avec le fait qu’ils se font

davantage sanctionner formellement que les filles. En effet, comme le notait déjà Auduc

(Jarraud, Dossier : S.O.S. Garçons ! - Entretien avec Jean-Louis Auduc., 2009), les garçons

ont une socialisation peu adéquate pour se plier aux normes de l’institution scolaire, ainsi ils

se font davantage sanctionner à l’école. Les normes poussant les garçons à se mettre en avant,

à transgresser pour montrer une forme de courage ou une posture de leader ne sont pas –

toujours – avantageuses à l’école. J’ai pu observer cela, en effet, j’ai relevé que les garçons

pouvaient dévier les mêmes normes que les filles mais le faire de manière plus ouverte. Par

exemple, j’ai remarqué que les garçons qui bavardaient au lieu d’écouter le cours, le faisaient

de manière visible en parlant fort – alors que les filles chuchotaient - ou en s’adressant à un

camarade se trouvant à l’opposé d’eux – alors que les filles privilégiaient l’envoi de sms ou de

mots écrits sur papier. D’ailleurs, à travers mes entretiens ce constat ressort également

puisque Laura indique que les garçons se font plus remarquer que les filles en classes, tout

comme Emma qui dit : « c’est généralement les garçons les plus dissipés. C’est souvent eux

qui sont les plus impolis en parlant fort. Ils parlent de choses qui n’ont rien à voir avec le

cours. » Aussi, à travers mes données chiffrées, et à travers quelques réponses aux questions

ouvertes, j’ai pu remarquer que les garçons se faisaient plus sanctionner que les filles pour

bavardage alors que les filles étaient plus nombreuses à avoir déclaré s’être fait réprimandées

pour avoir parlé trop fort sans s’être faites sanctionnées.

Sexe Age Classe

Questionnaire : Si tu as eu des mots, pour des raisons non citées précédemment, dans ton carnet au cours de cette année scolaire, quels en étaient les motifs ? (Précise si c'était dans le cours d'un professeur homme ou femme.)

homme 19 ans et plus Terminale

Et la même [professeur] , elle m'a exclus parce que je la dérangeais, je faisais trop de bruits, je me marrais trop.

homme 18 ans Terminale Oui, pour turbulence, bavardage, faire rire les autres.

homme 15 ans Seconde Bavardage

Page 19: Autorité et genre.

16

Autre exemple, les données chiffrées que j’ai obtenues soulignent que les garçons, sans avoir

été sanctionnés ou même avec sanction, se battent plus souvent que les filles, et ils se servent

davantage de leurs téléphones portables pour appeler en cours que leurs homologues

féminines qui privilégient là aussi les sms qui constituent une action qui peut s’effectuer sans

se faire prendre (Annexe 5 ). Ajoutons que sans pour autant se faire prendre, ils insultent plus

que les filles les professeurs et leurs camarades. Ils sont également plus nombreux à dégrader

le matériel scolaire et racketter leurs semblables (Annexe 5 ). Ces derniers éléments ne sont

pas des faits discrets et montrent une volonté d’être puissants, d’être dominants et virils.

D’ailleurs, je retrouve également cette dimension à travers mes entretiens, comme le montre

les extraits qui suivent.

Et qu’est-ce qui t’agace chez eux ?

Emma : « Il y’en a un qui se lève de sa chaise sans raison pour juste

agacer le prof, il fait l’imbécile. (…) Leur caractère, leur attitude… (…)

Ils ne sont pas calmes du tout et ne savent pas tenir sur une chaise 1-2h et

ils sont irrespectueux à certains moments ».

Page 20: Autorité et genre.

17

Ainsi nous pouvons supposer que si les garçons transgressent plus que les filles et

visiblement, c’est pour se mettre en avant, être valorisés et affirmer son identité masculine –

nous reviendront plus longuement là-dessus ultérieurement – puisque comme le notait Ayral

(Ayral S. , Sanctions et genre au collège, 2010), chez les élèves de sexe masculin : « la

sanction est valorisante et explicitement recherchée car, au-delà de la punition, l’enjeu réel

est la production et la consolidation de leur identité masculine. La sanction qui « tombe »

confirme que la virilité est arrivée à ses fins : chez les pairs on salue le courage et l’exploit,

au-delà de la condamnation de la déviance (…) A partir du moment où un garçon est

sanctionné il est « étiqueté », désigné publiquement. ». Finalement, les garçons remplissent

donc leur rôle social.

Nous avons donc vu que les garçons, en raison de leur socialisation, sont plus déviants

que les filles. Les garçons et les filles ne transgressent pas de la même manière puisque leur

socialisation est différente, et comme nous avons commencé à l’évoquer, ils ne transgressent

pas pour les mêmes raisons et par conséquent, pas les mêmes normes.

Page 21: Autorité et genre.

18

2 - Les élèves en fonction de leur genre ne transgressent pas les mêmes

normes car ils ne le font pas pour les mêmes raisons.

Précédemment, nous avons commencé à expliquer que les garçons transgressaient

davantage, et surtout de manière plus visible. Nous avons amorcé une explication se basant

sur leur socialisation où la virilité et la domination comptaient comme normes. C’est ce que

nous allons développer davantage ici.

2.1 - Les garçons transgressent les normes scolaires pour se conformer aux

normes et valeurs masculines.

2.1.1- Transgresser les normes scolaires pour mettre en avant sa virilité.

Dès leur plus jeune âge, les garçons intériorisent le fait qu’ils doivent être viril (Bourdieu,

La domination masculine, 1998), c’est-à-dire qu’ils soient forts physiquement, aient une

personnalité imposante et soient courageux. Ainsi, les actions telles que les bagarres, ou les

insultes féminisantes sont un moyen pour les jeunes hommes d’atteindre l’idéal de virilité.

Mon questionnaire et mon travail d’observation ont permis de confirmer cette hypothèse. Pour

commencer, les bagarres sont quasiment exclusivement le fait des garçons comme le notait

(Ayral S. , 2011). Ces derniers, quand ils évoquent les raisons de se bagarrer, mettent en avant

le fait de se faire respecter mais aussi le fait de jouer – même si cela n’est qu’un prétexte pour

s’imposer. En effet, au lycée, un garçon avait tapé un de ces camarades, ce dernier a justifié

son acte avec l’argument suivant « c’était pour rire, c’était drôle ». Ce cas n’est pas isolé, les

bagarres entre garçons, comme j’ai pu l’observer, ne se font pas forcément dans un contexte

de malveillance – dans les couloirs du lycée, à plusieurs reprises j’ai vu des lycéens se battre

en riant jusqu’à ce qu’un des combattants cède. J’ajoute également que lors d’un entretien

avec la conseillère principale d’éducation (CPE) – qui au départ se faisait uniquement pour

avoir des renseignements sur la fonction de CPE – cette dernière a également évoqué le fait

qu’elle voyait plus fréquemment de garçons dans son bureau car ils s’étaient battus pour

s’amuser et que cela avait mal terminé. Finalement, nous pouvons supposer que le but est de

montrer sa force physique, et donc réaffirmer sa virilité.

Page 22: Autorité et genre.

19

Les garçons utilisent également le langage pour poursuivre l’idéal évoqué ci-dessus. En

effet, ils insultent pour marquer leur statut d’homme et s’éloigner de l’univers féminin comme

le soulignait déjà Poutrain (Poutrain V. , 2014) – par exemple, traiter un autre garçon de « fils

de pute » - expression que j’ai l’occasion d’entendre à plusieurs reprises pendant mon stage et

qui est revenue dans les réponses ouvertes – est un moyen de montrer une virilité plus forte et

un rejet de ce qui a trait au féminin, à la soumission. Ainsi, ils transgressent le règlement en

ayant recours aux insultes, et par conséquent en manquant de respect aux représentants de

l’éducation nationale ou à leurs semblables.

Nous pouvons aussi noter que la virilité est un motif de compétition : il faut être le plus

viril de tous. Cela s’observe notamment lorsque les garçons évoquent le désir d’être respecté

par le professeur homme, et de ne pas être ramené à leur position de dominé en tant qu’élève

par ce dernier.

Sexe Age Classe

Tu as insulté un professeur sans qu'il t'entende (au sein de l'établissement scolaire).

Si tu as répondu "oui" à la question précédente, quelle était l'insulte et pour quelle raison ?

homme 19 ans et plus Terminale Oui Connasse. La prof qui est toujours sur mon dos. Elle abuse.

homme 15 ans Seconde Oui fils de pute

homme 16 ans Première Oui il se sens supèrieur et sa m'énerve

homme 15 ans Seconde Oui (salopard)il m'a manqué de respect

Page 23: Autorité et genre.

20

2.1.2- Transgresser les normes scolaires pour perpétuer la domination masculine.

Au sein de l’institution scolaire, les garçons sont dominés du fait de leur statut

d’élèves, ainsi, à défaut de dominer dans le champ scolaire, ils affirment leur domination dans

les rapports de sexe. En effet, comme le soulignait Bourdieu (Bourdieu, La domination

masculine, 1998), au sein de notre société, les garçons intériorisent une posture dominante

dans la société. Les hommes n’obéissent pas mais donnent des ordres ; les garçons ne sont pas

des suiveurs mais des leaders. Enfin, les hommes sont « supérieurs » aux femmes tant dans la

sphère professionnelle que personnelle mais aussi, pour les adolescents, dans la sphère

scolaire. Au cours de mon enquête, à plusieurs reprises, j’ai eu l’occasion d’observer que les

élèves de sexe masculin transgressaient les normes scolaires afin d’affirmer leur position de

pouvoir par rapport aux personnes de sexe féminin. Au lycée Jean Macé, le vendredi, j’avais

l’occasion d’observer la classe de seconde d’une autre stagiaire. Au sein de sa classe

composée de vingt-six élèves, les amitiés n’étaient mixtes. Dans ce groupe, il existait un

groupe de cinq filles apprêtées (rouge à lèvres, mascara, fond de teint, bijoux, vêtement « à la

mode »). Ces élèves avaient un niveau scolaire correct. En classe, elles participaient de

manière active puisqu’en moyenne elles intervenaient quatre fois dans l’heure et demie alors

que les autres filles se faisaient plus discrètes. Leurs interventions n’étaient pas toujours

pertinentes ou justes, nous pouvons en dire autant de celles des autres élèves. Néanmoins, les

garçons s’autorisaient à se moquer d’elles à voix haute pour entrainer les autres dans leur rire

ou à leur demander de se taire.

- Louise : « Madame, je ne suis pas d’accord avec vous. La

maternité c’est naturel.

- Clara : « T’as raison, j’suis d’accord avec toi ».

- Louise : « Tape-la » [elle tape son poing dans la main de sa

copine].

- Marcel : « Non mais Louise, tais-toi si c’est pour dire des

conneries ».

- Louise : Madame, ça veut dire quoi « ressources culturelles ».

- Professeur : c’est ce que l’on vient d’expliquer [elle réexplique].

- Nicolas : Non mais t’es vraiment blonde Louise. Pff…

[Rire général chez les garçons]

J’ai également retrouvé cette dimension dominatrice à travers les entretiens menés avec

Emma et Laura. Emma, qui se décrit comme réservée, révèlent qu’elle souffre en classe,

Page 24: Autorité et genre.

21

qu’elle n’ose pas prendre la parole car elle a peur de la réaction des garçons qui, selon elle,

ont une tendance à se moquer facilement des filles qui ont pour image d’être sage, et scolaire.

Laura a tenu un propos assez similaire à notre autre enquêtée. Cette dernière, durant ses

études dans le secondaire a été victime d’harcèlement effectué par les élèves garçons. Ces

derniers profitaient, selon Laura, du fait qu’elle était jeune – au sein de notre conversation,

cela renvoyait à l’immaturité –, isolée et sensible, pour se l’embêter et on peut supposer,

montrer qu’ils étaient plus forts qu’elle, donc qu’ils pouvaient contrôler la manière dont allait

se dérouler sa journée.

Tu parles de comportements pénibles durant ton année de

première et des histoires de filles pour cette année. Tu peux décrire,

m’en dire plus ?

Laura : «(…) Après je n’ai pas spécialement de problème avec qui que ce

soit, je suis quelqu’un qu’on qualifie de trop honnête (…). Mais oui, j’ai

été victime de harcèlement scolaire quand j’étais plus jeune qui fait que

maintenant, je sais me faire respecter des autres. (…) Ce qui motivait le

harcèlement, c’est que j’étais jeune, sensible et isolée donc la cible

parfaite. Ce harcèlement venait de garçons de base. »

Et quand tu participes de toi-même en classe, tes camarades ont des

réactions qui te dérangent ?

Emma : « Le peu de fois que ça est arrivé, les camarades sont parfois un

peu moqueur ou font des petits bruits parce qu’ils savent que je suis

timide, du coup voilà.

Des bruits moqueurs ? Tous tes camarades font ça ?

Des garçons plus souvent.

Finalement, l’enjeu à travers ces exemples, est de montrer une forme de supériorité

masculine dans le domaine intellectuel notamment en se confrontant à des personnes qui ont

le même statut qu’eux à l’école. Cela d’autant plus que j’ai pu relever que si un garçon se

trompait ou demandait des explications sur le vocabulaire, aucun camarade ne se moquait de

lui.

Les élèves de sexe masculin ne désirent pas uniquement montrer qu’ils dominent dans

le champ intellectuel, ils veulent dominer spatialement, dominer le corps des femmes et

l’image de ces dernières. Pour cela, ils usent de moyens déviants – puisqu’ils vont à

Page 25: Autorité et genre.

22

l’encontre du règlement intérieur – tels que la dissémination de rumeurs et l’usage de la force

physique ou la menace d’employer cette dernière.

Par exemple, lors de mon stage, en salle des professeurs, ces derniers parlaient d’une élève

qui faisait l’objet d’une rumeur infondée : elle serait affectée par le virus du sida. La rumeur a

été diffusée par son ancien « petit copain ». La jeune fille ne voulait surtout pas que la

conseillère principale d’éducation intervienne. Ici, le garçon s’est donc octroyé le droit de

déterminer la réputation de l’adolescente auprès des autres et de retirer à cette dernière le

contrôle de son image.

Autre illustration, durant mon enquête, j’ai remarqué que le personnel féminin est la

principale victime en matière d’altercation professeurs-élèves. Effectivement, pendant une

discussion proche de la machine à café se trouvant à côté de la salle des professeurs, les

professeurs discutaient de ceux qui seraient désignés pour surveiller une classe de STMG –

classe réputée a-scolaire et composée de plusieurs élèves violents. Les professionnels de

l’éducation échangeaient sur les différentes altercations que les professeurs ont eues avec les

élèves. Un élément revenait : les altercations se faisaient à l’encontre de professeurs de sexe

féminin. De plus, dans une autre classe, un garçon a insulté et bousculé une professeure. Ce

dernier est passé au conseil de discipline mais il n’a pas été exclu. Durant le conseil, les

professeurs racontent que l’élève se moquait, via des sourires narquois, de la professeure. De

plus, le père de l’élève regardait la professeure d’une manière menaçante. Ici, l’enjeu est en

partie, sans doute, de montrer qu’ils ne vont pas s’abaisser ou se montrer « vaincus », afin

d’affirmer sa position de domination.

Au final, à travers ces dernières illustrations, on observe que les garçons à travers

l’usage de la dissémination de rumeur, de la menace physique et/ou de l’usage de la force

physique qui constituent des manquements au règlement intérieur, trouvent un moyen

d’exercer la domination masculine et ce, malgré leurs statuts de dominés au sein de

l’institution scolaire.

2.2 - Les filles transgressent les normes scolaires pour se conformer aux normes et

valeurs féminines.

Terral (Terral S. , 2013) note que les filles transgressent pour montrer qu’elles sont des

femmes aussi bien physiquement que mentalement. L’université souligne que les lycéennes se

font davantage reprendre formellement sur leur tenue que les garçons, cependant je n’ai pas

Page 26: Autorité et genre.

23

eu l’occasion d’observer cela. En revanche, j’ai constaté que l’apparence et le comportement

des filles étaient sanctionnés par leur semblable si elles ne correspondent pas aux normes

féminines : forme, maquillage, maturité etc. ; ou au contraire si elles incarnent

« parfaitement » l’idéal féminin.

Les codes vestimentaires peuvent être un prétexte à manquer de respect à leurs pairs,

alors qu’il est attendu d’eux qu’ils le fassent. J’ai relevé deux situations qui mènent les élèves,

notamment les jeunes filles à la situation évoquée précédemment.

Le premier cas concerne les filles qui « incarnent l’idéal » féminin en terme vestimentaire.

Ces filles ne se font pas respectées par leurs camarades. Pour expliquer cela, nous pouvons

dire qu’en incarnant la valeur féminine à un degré plus élevé que les autres, elles se retrouvent

dans une posture dominante non acceptée par leurs pairs. Ainsi, elles sont sanctionnées

négativement par des critiques pouvant rabaisser ou offenser. Ici, tout se passe comme si la

gagnante de la compétition du « look incarnant le féminin » se retrouvait isolée par les autres

rivales. Nous pouvons donc noter qu’il existe une forme de concurrence liée au physique et à

la sphère vestimentaire qui engendre des actes déviants tels que les insultes, les moqueries

et/ou le rejet.

Ah, tu parles de combats de coqs entre filles ? Qu’est-ce que tu peux

entendre sur les fringues ?

Ça reste l’esprit de combat de coqs tu vois. Moi, je n’ai pas ce genre de

problèmes, je suis beaucoup en compétition avec moi-même mais pas

avec les autres, je sais faire la part des choses, il n’y a pas à ce comparer

pour pouvoir avancer soi. Sur les fringues, « j’aurais pas mis ça moi, ça

va pas ensemble, elle s’est pas vue, elle s’habille comme une …. « Des

remarques clairement à la con mais qui sont fréquentes !

(…) y a de l’hypocrisie. Par exemple, Chloé critique sans cesse Marine

pour son style mais la copie.

Et qu’est-ce qui ne va pas avec les vêtements de Marine ?

Laura : Le problème avec les vêtements de Marine, c’est qu’elle est très

stylée, une grande fan de mode donc ça fait logiquement beaucoup de

jalouse. Je la trouve magnifique, mais les filles ne réagissent pas toutes

de la même manière (…)

Clairement, le look d’une fille, quand on en parle, c’est plus négatif que

positif malheureusement ! (…)

Oui, une jupe peut-être critiquée. Moi qui adore porter robes ou jupes ou

talons, si c’est un peu court, tu te fais regarder beaucoup plus par les

Page 27: Autorité et genre.

24

filles surtout, elles font de jolis regards. J’imagine que c’est plus de la

jalousie qu’autre chose.

Ajoutons, comme le montre mon entretien avec Laura, que le port de vêtements dit féminin

est aussi corrélé à la réputation que les filles ont puisque pour pouvoir porter des vêtements

dits « féminins » et ne pas subir de remarques négatives, il faut avoir une image « correcte »

comme Laura le souligne lors de notre entretien. Nous reviendrons ultérieurement sur la

question de la réputation.

Etre habillée « comme une **** », ça signifie quoi ? La tenue qui va

être jugée indécente par les autres, tu la décrirais comment ?

Laura : Etre habillé comme une …. Je pense qu’à l’heure actuelle ça

signifie juste porter des vêtements que les autres n’oseraient pas mettre !

Et puis ça dépend de la réputation de la fille ! Moi qui adore les robes, les

jupes, les talons, et qui suis rarement en jean au lycée, je n’ai jamais eu le

droit à des remarques du genre, parce que je n’ai pas de réputation de

fille un peu ouverte pour rester correcte ! Mais oui, les pires critiques

viennent des filles, les garçons au pire sont contents que les filles soient

bien habillées ou de manière sexy, ou du moins leurs commentaires ne

sortent pas de leur cercle.

La seconde situation que nous allons évoquer représente l’opposé du cas évoqué

précédemment. Si incarner « par excellence » l’idéal féminin sur le plan vestimentaire peut

mener les pairs à transgresser les règles (insultes, moqueries etc.), le contraire peut mener au

même résultat. En effet, les filles qui ne correspondent pas aux normes féminines, tant au

niveau des vêtements que du corps sont moquées et rejetées par les autres filles, en somme

sanctionné négativement.

Ajoutons que pour atteindre l’idéal féminin, les vêtements et le physique ne suffisent

pas, il apparaît nécessaire d’avoir également un état d’esprit et une forme de maturité, cela

d’autant plus que dans notre société, il est attendu des filles qu’elles quittent la sphère de

l’enfance plus tôt que les garçons – par exemple, on attend qu’elles arrêtent de jouer plus tôt

que les garçons (Belotti E, 1974) – aussi bien au niveau comportemental que physique. Ainsi,

les jeunes filles vont se moquer, profiter des filles caractérisées « d’immatures », donc

transgresser. Mon entretien avec Laura permet d’illustrer cela à travers le cas de Juliette, mais

également le cas d’Emma car cette dernière évoque le fait que les filles l’excluent, peuvent se

moquer d’elle car elle n’a pas un look de femme, elle ne se maquille pas, elle ne porte pas

jupe, elle s’habille simplement avec des jeans et sweat/ et où pulls basiques.

Page 28: Autorité et genre.

25

Laura : Juliette est une fille encore très enfant dans sa tête et tout le

monde dit qu’elle est idiote alors qu’elle est plutôt intelligente mais

puisqu’elle est un peu plus faible et sensible, alors les filles en profitent !

As-tu des exemples où on a profité de Juliette ? Juliette, tu dirais qu’elle

est candide ? Du coup, c’est le fait qu’elles ne correspondent pas aux

normes des femmes plus âgées qui gêne ?

Je n’irai pas jusqu’à dire que Juliette est candide car ça porte une légère

connotation négative, je dirai plutôt qu’elle a trop de gentillesse et peut-

être une naïveté d’enfant , qui fait qu’elle ne voit que le joli côté des

gens ! Je pense que ça dérange qu’elle ne soit pas conforme aux filles de

mon âge ! (…) Juliette a une allure plus juvénile que les autres dans le

sens où elle n’a pas de formes, bon, ça, on ne le choisi pas, mais ça

renforce le fait qu’on la prenne pour une enfant. D’autant plus que si elle

s’habille court, ça ne choque personne car elle est considérée comme une

petite fille.

2.3 - Les rapports sociaux entre les deux sexes peuvent engendrer de la déviance au

sein des établissements scolaires.

2.3.1- Transgresser les normes scolaires relatives au respect afin de montrer au groupe de sexe

opposé qu’elles sont des filles de bonne morale… et par conséquent, non consciemment

renforcer la domination masculine.

A travers mes entretiens, j’ai relevé que les filles sont amenées à transgresser les

normes relatives aux respects des autres, plus particulièrement des élèves de sexe féminin afin

de maintenir leur image de « fille de bonne morale » et donc, par opposition, ne pas avoir une

« mauvaise réputation ». Les jeunes filles sont sommées – notamment pour ce qui est relatif à

leur comportement sexuel, de séduction ou rapport à l’autre sexe – d’être dans la retenue,

d’être élégante et de ne pas être excessivement extravertie (Clair, Les jeunes et l'amour dans

les cités, 2008) . Celles qui ne rentrent pas dans le rang sont sanctionnées par des critiques et

moqueries de la part de leurs semblables, notamment par leurs camarades de sexe féminin.

Si nous nous centrons sur la question de la réputation, en échangeant avec les lycéens ou en

les écoutant dans les couloirs, je me suis aperçue que les filles contrôlaient socialement les

autres filles en surveillant le nombre de petits copains de chacune, le comportement sexuel

(ou du moins, le prétendu comportement sexuel) et les vêtements. Le but de cette surveillance

est de ne pas être associé aux filles de « mauvaises réputation » et apparaître aux yeux du sexe

opposé comme des filles ayant une bonne morale, et ne pas être discréditée en tant que

femme. Finalement le contrôle effectué par les lycéennes dans cette situation renforce le

Page 29: Autorité et genre.

26

pouvoir des garçons, renforce leur domination puisque le but est d’avoir une image positive

auprès d’eux.

Ah, dans ton lycée, tu as des exemples de filles à mauvaise réputation ?

Ces mauvaises réputations sont fondées sur des critères, sur des

rumeurs invérifiables ?

Laura : (…) Chloé beaucoup de relation sans lendemain et elle

l’assume donc c’est très critiqué au lycée. Donc, les filles qui ont de

mauvaises réputations, ce sont celles qui changent souvent de relations

amoureuses, on va dire ça comme ça ! Après, il y a beaucoup de rumeurs

sur tout ce qui est sexuel autour des filles ! (…) Je pense que ça dérange

les mœurs une fille un peu libre sexuellement, c’est quelque chose de

tabou dans notre société. Celles qui ont mauvaise réputation sont celles

oui, qui ont une vie un peu plus libérée, mais à leurs dépens, elles ne sont

sûrement pas très heureuses !

La bonne réputation est un enjeu essentiel pour les lycéennes, cela d’autant plus que

lorsqu’un élève est stigmatisé par un groupe d’élèves, il n’est pas rare qu’ils finissent par

l’être par l’ensemble du lycée. D’ailleurs Alexis dit : « Lorsqu’un élève est mal vu par une

personne, l’ensemble des élèves pensent la même chose ». Cela nous renvoie à la « tyrannie

de la majorité » (Pasquier, Cultures lycéennes : la tyrannie de la majorité., 2005), en effet, au

lycée, l’influence des pairs est forte, ce qui entraine les lycéens à adopter les normes

majoritaires et à rejeter ceux qui s’en écartent. En outre, le cas, évoqué précédemment, de la

jeune fille qui est victime d’une rumeur selon laquelle, elle est porteuse du VIH illustre ce

propos. Selon les propos de l’infirmière du lycée qui s’est entretenue avec la lycéenne et des

professeurs, au départ, la rumeur se cantonnaient uniquement à un groupe – dont le lanceur de

rumeur faisait partie – dans la classe de la jeune fille. Au final, la rumeur s’est répandue dans

tout le lycée. L’élève est isolée, les filles ne lui parlent plus pour ne pas être associée à elle qui

porte une mauvaise réputation et les garçons peuvent tenir des propos qui lui rappelle qu’elle

a transgressé les normes puisqu’ils l’insultent de « putes », de « trainés » ou de

« chaudasses ». Les garçons ont donc la volonté de rappeler aux filles comment elles doivent

se comporter pour plaire. Les filles tentent de se conformer à l’image désirée, à l’image de

personne de bonne morale. Ces dernières peuvent transgresser les normes de respect et de ne

pas diffamer pour avoir une bonne image. Quant aux garçons, au final, ils exercent leur

domination qui est renforcée par l’attitude des filles.

Page 30: Autorité et genre.

27

2.3.2 - Les filles et garçons transgressent les normes scolaires dans un but de séduction du

groupe de sexe opposé.

Les garçons et les filles peuvent adopter des comportements déviants dans le but de se

plaire mutuellement. D’ailleurs, nous avons vu que les filles désirent conserver une bonne

réputation notamment pour plaire aux garçons, et que pour cela elles sont prêtes à s’extraire

des normes. Nous pouvons également supposer que certains garçons transgressent les normes

dans une optique de plaire aux membres du sexe opposé. D’ailleurs, même si j’ai dispose de

peu d’éléments empiriques, nous pouvons supposer que les garçons font également attention à

leur réputation pour plaire au sexe opposé, et que cela peut les amener à transgresser. En effet,

les garçons pour garder une bonne réputation peuvent recourir à des moyens déviants comme

les insultes. C’est par exemple le cas d’un élève de terminale qui a répondu à mon

questionnaire :

Sexe Age Classe Si tu as répondu "oui" à la question précédente (tu as insulté un camarade), quelle était l'insulte et pour quelle raison ?

homme 19 ans et plus Terminale

Connasse, pute. Bah, y en a une, elle voulait foutre la merde entre ma copine et moi, elle racontait que je regardais ailleurs.

Au cours de mon enquête, j’ai relevé des éléments allant dans ce sens de la séduction,

néanmoins je ne dispose pas d’éléments assez probants pour valider cette hypothèse. En effet,

si j’ai bien noté – comme je l’avais supposé à travers mes indicateurs de départ qui

concernaient cette hypothèse – que les filles, notamment en classe, avaient tendance à soutenir

les garçons même quand le comportement de ces derniers est déviant. Je ne peux affirmer que

cela est dans une optique de séduction puisque cela peut être dû à la simple volonté de

s’intégrer au groupe classe ou de plaire de manière générale – nous entendons par là, ne pas

plaire uniquement aux garçons. Au cours de mon enquête, j’ai toutefois relevé qu’en

terminale, plusieurs garçons avaient recours au langage humoristique avec les filles, et

cherchaient à attirer leur attention. Les garçons, au lieu d’écouter le cours et de faire le travail

s’occupaient à créer des interactions avec certaines filles, ainsi ils étaient dans une posture

déviante par rapport aux normes scolaires. Ces derniers, dans le but de séduire, glissaient dans

leurs propos quelques remarques sur le caractère ou le physique des filles auxquelles ils

s’adressaient et n’hésitaient pas à entrer en contact physique avec elles. Par exemple, Yanis

Page 31: Autorité et genre.

28

qui était assis tout au fond de la salle durant plusieurs séances taquinait sa voisine sur sa tenue

tout en passant ses doigts dans ses cheveux. Autre exemple, Vincent assis dans l’avant

dernière rangée de la classe en générale, s’assurait systématiquement que Laurie est une place

à côté de lui, ainsi durant l’heure de cours il tentait de la faire rire et de lui donner plusieurs

accolades complices. Avec ces dernières illustrations, même si je peux supposer qu’un rapport

de séduction entre en jeu, je ne peux le confirmer puisque cela relève de mon interprétation et

non pas de faits objectifs.

Dans mon hypothèse de départ, je pensais observer les rapports de séduction à travers

la transgression, par les filles, des normes vestimentaires mais ce ne fut pas le cas. En effet, si

les filles font attention à leur apparence en accordant une attention particulière à leur coiffure

(cheveux longs lissés, coupes entretenues etc.), en usant du maquillage, et de tenues féminines

(jean serrés, robes, jupes, accessoires, bijoux etc.), elles ne dévient pas.

Au final, je ne suis donc pas en mesure de valider cette dernière hypothèse.

3 - Les limites

Les résultats obtenus, par les divers moyens empiriques auxquels j’ai eu recours,

doivent être appréhendés avec distance et précaution.

Concernant le questionnaire, les résultats ne peuvent être significatifs en raison d’un

échantillon réduit et donc non représentatif ni à l’échelle du lycée et par conséquent ni sur la

population globale. De cela découle, une autre remarque, l’usage des pourcentages n’est pas

pertinent puisqu’ils sont utilisés pour comparer deux sous-populations : les filles et les

garçons qui ont été respectivement cinquante-huit et quarante-deux à répondre à mon

questionnaire.

De plus, le nombre d’entretiens réalisés est insatisfaisant. Ainsi, cela renforce le

manque de données empiriques pour fournir des résultats scientifiques et significatifs. Cela

d’autant plus vrai que je ne suis pas parvenue à tirer d’éléments pertinents de mon entretien

avec Alexis qui m’a toujours répondu de manière très détachée, comme s’il était peu acteur de

la vie lycéenne. Aussi, il aurait donc été intéressant que je réalise un autre entretien avec un

autre garçon puisqu’au final, j’ai essentiellement des données textuelles tirées des échanges

que j’ai eu avec mes enquêtées.

Page 32: Autorité et genre.

29

Ensuite, pour les observations, elles ont toutes été réalisées le vendredi de huit heures

à 18 heures. Par conséquent, leur portée est limitée. En effet, les élèves, en fonction des jours,

de leur emploi du temps, n’ont pas toujours la même attitude, ni la même attention. Par

exemple, le lundi à l’inverse du mardi est une journée davantage propice aux comportements

déviants en cours puisque les élèves ont été extraits de la sphère scolaire durant le weekend et

peuvent rencontrer des difficultés à réintégrer leur rôle d’élève. Le vendredi est une journée

également propice aux comportements déviants en cours puisque les élèves ont tendance à

davantage être fatigués et à être en attente du weekend.

Enfin, si j’ai dit que les garçons étaient plus coutumiers des bagarres que les filles, il

n’en reste pas moins que ces dernières, comme j’ai pu l’entendre au lycée, n’y sont pas

totalement étrangères. D’ailleurs cela apparaît au sein de mes données quantitatives. Ce

dernier élément reste tout de même minime puisqu'elles ne sont que trois sur cinquante-huit à

avoir déclaré s’être battues sans avoir été sanctionnées. Néanmoins, il aurait été intéressant

de saisir les raisons qui menaient les filles à se battre en réalisant des entretiens avec ces

dernières. Je n’ai pu réaliser ces entretiens par manque de temps.

Finalement, les données sur lesquelles je me suis appuyée étaient donc insuffisantes.

Conclusion

En conclusion, cette enquête a permis d’observer que les garçons sont davantage

sanctionnés formellement que les filles. Ils transgressent donc plus souvent les règles que les

filles à l’école. Cependant, comme cela a été écrit, ce constat est à nuancer. En effet, si les

garçons sont davantage sanctionnés officiellement, c’est en partie parce que les actes déviants

qu’ils effectuent sont plus visibles que ceux des filles. Ces dernières transgressent plus

discrètement. De plus, le travail réalisé souligne que, si nous nous intéressions aux actions

déviantes non-sanctionnées, les filles se révèlent être plus déviantes sur certains faits – par

exemple, l’absence d’affaire scolaire en cours. Ainsi, il a été noté que les filles et les garçons

ne transgressaient pas les mêmes normes – ou tout du moins, pas dans les mêmes proportions

– et pour des raisons différentes en fonction de leur socialisation. Cette dernière s’avère être

différenciée. Nous avons donc souligné que les garçons transgressaient les normes scolaires

afin de poursuivre l’idéal de virilité et d’affirmer leur domination en tant qu’homme. Ces

derniers éléments se retrouvent notamment à travers l’usage de la violence physique (les

Page 33: Autorité et genre.

30

bagarres et altercations) et du recours aux moqueries, aux insultes féminisantes et à la

dissémination de rumeurs. Ensuite, l’étude réalisée a montré que les filles transgressent les

normes scolaires en raison de l’importance de la valeur de la féminité – au sein de la société

française. Pour atteindre cet idéal, il a été relevé que les filles, plus que les garçons, contrôlent

leurs semblables de même sexe en surveillant leur look et leur maturité intellectuelle. Enfin, il

a été mis en avant que les interactions, les rapports sociaux entre filles et garçons, sont

créatrices de comportements déviants. En effet, les filles désirent avoir et conserver une bonne

réputation, et ainsi, ne pas être assimilées à celles qui ont mauvaise image. Cette mauvaise

image découle principalement des comportements amoureux et sexuels des filles. Ainsi, ces

dernières peuvent critiquer et insulter – donc transgresser les règles de respect de l’autre –

celles dont la réputation est entachée, peu importe que cette image négative s’appuie ou non

sur des faits réels. De plus, le travail réalisé a souligné que les rapports de séduction entre

filles et garçons pouvaient être source de déviance. Par exemple, ils poussent les garçons à ne

pas suivre les cours, afin de se mettre en avant et de plaire aux filles, ou en incitent ces

dernières à dévier en soutenant les membres du sexe opposé dans leurs actions sanctionnables

pour leur plaire. Néanmoins, comme cela a été précisé, l’hypothèse selon laquelle les élèves

transgressent dans l’optique d’engager un processus de séduction n’a pas été validée en raison

du manque de preuves empiriques.

Finalement, il a été démontré que la socialisation différenciée en fonction du genre conduisait

les filles et les garçons à transgresser les normes scolaires car il existe dans notre société des

idéaux à atteindre qui entrent alors au sein de l’institution scolaire.

Page 34: Autorité et genre.

Bibliographie

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Page 36: Autorité et genre.

Annexes

Annexe 1- Reportage de Marion Wegrowe pour Maria Roche productions

Reportage de Marion Wegrowe pour Maria Roche productions https://www.youtube.com/watch?v=0CxBCpQEEe0

Tenue - Le règlement exige une tenue correcte et d’avoir des affaires correctes

scolaires : des filles de 3ème arrivent avec un simple sac à main où il n’y

a pas la place de loger des affaires scolaires. Elles souhaitent montrer

qu’elles sont des « femmes », pas de jeunes adolescentes.

Insultes - Un élève garçon de 5ème

est exclu d’un cours de mathématiques car le

professeur homme a demandé de se présenter par le biais d’un papier

écrit. Le garçon a écrit « hijo de puta »et « ta mère ». Dans le bureau de la

proviseure adjointe, il rit, rigole de son acte. Il sera exclu. Le père est

convoqué. Le père défend son fils face à l’adjointe, pour lui l’enfant n’a

rien fait de grave et en plus les professeurs ne sont pas parfaits. Cet élève

passera en 4ème

avec un avertissement de conduite.

Manque

de respect

par

rapport au

professeur

- Un élève H est exclu pour ne pas avoir écouté son professeur et mal parlé

aux passants dans la rue lors d’une activité de sortie scolaire.

- En classe de français, un professeur homme. Une élève O de 15ans

n’écoute pas le cours, dessine, et parle à une camarade. Quand le

professeur homme lui demande si elle écoute, elle lui répond que oui mais

continue de parler de son futur weekend et des garçons avec qui elle sort.

La jeune fille est maquillée (rouge à lèvres, fard à paupières, mascara).

L’élève a un comportement a-scolaire, elle ne travaille pas, d’ailleurs son

père le confirme lorsqu’il est convoqué dans le bureau du proviseur qui

s’inquiète de l’orientation de l’élève. L’élève avoue ne pas travailler car

« elle sort tout le temps ».

- Lors d’une sortie scolaire à Paris, un élève Y gars fait exprès de ne pas

descendre du métro pour provoquer la proviseure adjointe et faire rire ses

camarades.

- 3 filles qui n’ont pas cours se baladent dans les couloirs et ouvrent les

portes dans les classes où les professeurs font cours et lance des

expressions censées être drôles. Elles seront convoquées (dont élève O)

par le professeur. Il y a la volonté de montré aux pairs qu’elles sont

« grandes », « cool », pas trop « sages ». (Se faire respecter en allant

contre les stéréotypes féminins ?). Elles seront collées une heure.

- Elève O (fille) se fait renvoyer d’un cours d’espagnol pour avoir fait « un

sketch » visant à interrompre le cours ou le perturber.

Bagarres - Deux garçons de 5ème

se sont battus. La CPE les convoque. L’élève A dit

qu’il a tapé son camarade car ce dernier se moquait de lui depuis

longtemps en le baptisant « poil de carotte », « sac à dos ». L’élève A dit

en avoir « ras le bol ». Le gars B dit à son camarade qu’il ne lui dit jamais

d’arrêter et que fait cela pour se marrer. Le gars B parle d’un autre élève,

T à son camarade A, T, selon B taperait A et ce dernier ne dirait rien. B

ne comprend pas que A ne se défende pas. B a l’impression qu’il ne fait

Page 37: Autorité et genre.

rien de mal puisque A n’a jamais réagi. La CPE ne les exclut pas mais

leur demande de se présenter des excuses mutuelles et les réprimande

quant aux insultes et coups. Ce n’est pas la première fois que B vient dans

le bureau de la CPE pour avoir insulté et tapé ses camarades.

- Lors d’un cours d’EPS, deux élèves garçons ont tapé violemment un

élève lorsque le professeur avait le dos tourné pour récupérer des affaires.

La bagarre était filmée dans le but de la diffuser sur les réseaux sociaux.

L’un (1) des agresseurs dit qu’au départ, il jouait, et que cela a dégénéré

ainsi car l’agressé l’aurait poussé et regardé « bizarre ». L’élève (1) est

exclu définitivement même si l’élève regrette son attitude et n’a pas pensé

aux conséquences, aux risques qu’encourait l’agressé. Les parents

comprennent la décision, la trouve justifié. L’agresseur 2 lui a un père qui

trouve normale l’attitude de son fils et rejette la faute sur le professeur qui

n’avait pas à aller prendre des affaires dans son casier selon lui. Le papa

est costaud, crâne rasé, tatoué, en débardeur. L’élève (2) rigole de son

attitude même s’il dit que son attitude « n’a pas été bien ». Pour 2, au

début, il jouait. Le père défend son fils en disant « ça arrive tout le temps

de la bagarre au collège, y a de la violence mais il ne faut pas dramatiser

non plus ». L’élève est exclu définitivement ». Le père dit que la sanction

est excessive et inutile car lui-même a été renvoyé 5 fois d’un collège et il

a fini en prison.

Annexe 2 - Photographies prises par une professeur en lycée professionnel déposées sur

Twitter avec texte explicatif.

Lycée professionnel, propos d’une professeure qui témoigne sur son compte

twitter

Autre lycée

Prof de Lettres-Histoire ds un LP de campagne :

Les #BacPro Electro ont défoncé la porte d’une salle, ont filmé leur « exploit » et

l’ont diffusé en traitant un collègue de « fils de pute ». Il a porté plainte. Ils ont

seulement pris 5 jours ! Ce matin les #3Prepapro

s’amusaient à passer ds le trou pdt mon cours.

#FondDuTrou

Le comble c’est que les parents ne veulent pas payer pour

« une porte de merde en carton qui résiste pas » ! Et mes

1GA m’ont dit qu’ils allaient peut-être défoncer une autre

porte pr avoir 5 jours la semaine prochaine et donc 3

semaines de vacances ! #LesPortesDuPénitencier

Ce sont les mêmes qui se font déjà virer de stage pour

comportement inapproprié.

Ces dernières années les collègues des matières

professionnelles, qui les ont bcp d’heures par semaine, en

bavent plus que nous. Les élèves, subissant pour la plupart

leur orientation, saccagent l’atelier ou se vengent sur les ordinateurs dans le secteur

tertiaire.

Page 38: Autorité et genre.

- 27/11 Une élève de #3Prepapro qui arborait un sweat « Girls Bite Back » s’est

exclamée : « Eh oui ! J’aime les grosses bites des blacks et j’assume ! »

#LostInTranslation #IBiteEnglish

- 27/11 Ce matin, après avoir volé et descendu une bouteille de vodka, un élève

de seconde #BacPro a fait un coma éthylique au lycée. Un autre, défoncé, a

insulté un assistant d’éducation et lui a mis un violent coup de boule.

#UneJournéeAuLP #LesPompiersAuLP

16/11 Aujourd’hui des élèves de BacPro Electro m’ont raconté qu’une de mes

3Prepapro leur envoyait des sexfies très hard. Une élève de 2GA m’a confié que son

ex copain l’avait violée cet été et qu’elle avait fait une tentative de suicide après

l’avortement. #VieDeProf #LPConfidentiel // Mal-être et violence engendrés par une

misère intellectuelle et sociale. La plupart de nos élèves ont une mesure d’AEMO.

Annexe 3 - Propos recueillis de manière informelle

Entretiens informels

Lycée A

Je parle avec Lena, élève de première ES. Elle est exclue au sein de sa classe. Subie des

moqueries. Je lui demande ce que les autres lui reprochent. Elle m’explique que les autres,

notamment les filles, la qualifient de « trop sage » qui veut trop bien se faire voir.

Lycée Jean Macé (Niort)

Au sein du lycée où je réalise mon stage : une élève est exclue par ses camarades. Des élèves

font courir la rumeur qu’elle est atteinte du sida car elle a eu plusieurs petits copains et

qu’elle a eu des relations sexuelles (dernier élément qu’elle ne contredit pas, elle a confirmé

à l’infirmière du lycée). La jeune fille ne désire pas en parler à ses parents car elle pense que

son comportement est mauvais même si cela ne justifie en rien la fausse rumeur à son égard.

Lycée LA :

Alexandre, 20 ans, animateur socio-cultrel : « Elle [Leïla] se met trop la pression à l’école.

Elle veut faire plaisir aux parents. Quand elle se loupe, elle stresse à mort à l’idée de le dire

aux parents (…) Ana, elle aussi mais c’est pas pareil, elle, elle veut faire plaisir aux profs,

surtout que son rêve c’est d’être instit’ ».

Page 39: Autorité et genre.

Annexe 4 – Questionnaire crée et diffusé en utilisant « Google form »

Questions Réponses

Se présenter

Sexe Homme Femme

Âge 14 ans 15 ans 16 ans 17 ans 18 ans 19 ans et plus

Classe 2nd 1ère Terminale

Profession du père

Profession de la mère

Mots dans le carnet et heures de colle Les réponses doivent concerner cette année scolaire.

Au cours de l'année actuelle, combien

de mots as-tu eu dans ton carnet de

correspondance visant à te sanctionner ?

0 1 2 à 4 5 à 10 Plus de 10

Combien de fois as-tu été collé au cours

de l'année actuelle ?

0 1 2 à 4 5 à 10 Plus de 10

As-tu eu un mot pour des absences

injustifiées ?

Non Oui sans que ça engendre

des heures de colle.

Oui et ça a engendré des

heures de colle.

As-tu eu un mot en raison de tes retards

en cours ?

Non Oui sans que ça engendre

des heures de colle.

Oui et ça a engendré des

heures de colle.

As-tu eu un mot pour travail non fait ? Non Oui sans que ça engendre

des heures de colle.

Oui et ça a engendré des

heures de colle.

Page 40: Autorité et genre.

As-tu eu un mot pour avoir bavarder en

cours ?

Non Oui sans que ça engendre

des heures de colle.

Oui et ça a engendré des

heures de colle.

As-tu eu un mot pour t'être battu au

lycée ?

Non Oui sans que ça engendre

des heures de colle.

Oui et ça a engendré des

heures de colle.

As-tu eu un mot pour tenue

vestimentaire incorrecte ?

Non Oui sans que ça engendre

des heures de colle.

Oui et ça a engendré des

heures de colle.

Si tu as répondu oui à la question

précédente, que reprochait-on à ta tenue

?

As-tu eu un mot pour avoir dégradé du

matériel scolaire ?

Non Oui sans que ça engendre

des heures de colle.

Oui et ça a engendré des

heures de colle.

As-tu eu un mot pour avoir insulté un

camarade ?

Non Oui sans que ça engendre

des heures de colle.

Oui et ça a engendré des

heures de colle.

Si tu as répondu oui à la question

précédente, quelle était l'insulte et

pourquoi avoir insulté ?

As-tu eu un mot pour avoir insulté un

professeur ?

Non Oui sans que ça engendre

des heures de colle.

Oui et ça a engendré des

heures de colle.

Si tu as répondu oui à la question

précédente, quelle était l'insulte et

pourquoi avoir insulté ?

Si tu as eu des mots, pour des raisons

non citées précédemment, dans ton

carnet au cours de cette année scolaire,

quels en étaient les motifs ? (Précise si

c'était dans le cours d'un professeur

homme ou femme.)

Si tu as eu des heures de colle cette

année, pour des raisons non citées

précédemment, quels étaient les motifs ?

(Précise si c'était dans le cours d'un

professeur homme ou femme.)

Page 41: Autorité et genre.

Sans colle et sans mot dans le carnet Les réponses doivent concerner cette année scolaire.

Tu es venu en cours sans avoir fait tes

devoirs.

Oui Non

Tu es venu sans tes affaires scolaires. Oui Non

Tu as parlé en classe, au point qu'un

professeur te demande de parler moins

fort ou de te taire.

Oui Non

Tu as fait passer un mot écrit à un

camarade dans la classe (qui ne

concernait pas le cours).

Oui Non

Tu as envoyé des sms en cours. Oui Non

Tu as appelé en cours. Oui Non

Tu as pris des photos en cours. Oui Non

Tu as déjà joué en cours (morpions,

pendu etc.)

Oui Non

Tu t'es battu avec un camarade. Oui Non

Si tu as répondu "oui" à la question

d'avant, pour quelle raison ?

Tu as insulté un camarade. Oui Non

Si tu as répondu "oui" à la question

précédente, quelle était l'insulte et pour

quelle raison ?

Tu as insulté un professeur sans qu'il

t'entende (au sein de l'établissement

scolaire).

Oui Non

Si tu as répondu "oui" à la question

précédente, quelle était l'insulte et pour

quelle raison ?

Page 42: Autorité et genre.

Tu as signé un mot dans ton carnet à la

place de tes parents.

Oui Non

Tu as disséminé une rumeur sur un

camarade.

Oui Non

Si tu as répondu "oui" à la question

précédente, quelle était la rumeur et

pour quelle raison ?

Tu t'es déjà endormi en cours. Oui Non

Tu as volé ou dégradé du matériel

scolaire.

Oui Non

Tu as menacé un camarade. Oui Non

Si tu as répondu "oui" à la question

précédente, quelle était la menace et

pour quelle raison ?

Tu as déjà été exclu de ton

établissement ?

Oui Non

Si tu as répondu "oui" à la question

précédente, pour quelle raison ?

Page 43: Autorité et genre.

Annexe 5 – Les graphiques construits à partir des données obtenues via le questionnaire : réponses concernant la rubrique sans colle et sans

mot dans le carnet

Page 44: Autorité et genre.