Au-delà de l'alternative maîtrise-non-maîtrise des risques collectifs : propositions pour des...

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Au-dela de I'alternative maitrise-non-maitrise des risques collectifs : propositions pour des analyses et politiques intermediaires CLAUDE GILBERT, ISABELLE BOURDEAUX Pour comprendre une situation complexe, voire chaotique, impliquant une multitude d'adeurs et de strategies, if faut des eclairages differents, Cest ainsi que la sociologie, la science politique, les sciences juridiques, les sciences de la gestion, entre autres, peuvent eire reunies pour proposer des solutions diverses. Les analyses fondees sur !'idee de • maitrise des risques • reposent sur un ensemble de postulats simples. En premier lieu, les risques sont plus ou moins consideres comme existant en soi, comme ayant donc une exteriorite leur conferant un statut d'objet. Dans cette perspective, on parlera ainsl du risque inondation, du risque nucleaire, etc., appre• hendes comme autant de menaces pesant sur les collectivltes. II y a certes d'importantes differences entre des analyses, franchement positivistes, selon lesquelles les risques sont des rea lites objectives qU'i1 convient de cerner et des analyses apprehendant plut6t les risques com me la • mesure • de dangers, Ie resultat d'un travail d'instrumentation - scientifique, statistique... - permettant une identification et qualifi• cation. Mais, dans un cas comme dans I'autre, on se situe dans I'optique de risques en tant qU'objets, deja la ou apparaissant, susceptibles d'etre conn us, traites, maitrises donc. En second lieu, et de fa«;on etroitement Usages et Iimites des analyses en termes.de « maitrise » effective ou deficiente -, d'un necessaire et effectif gouvernement des hommes et des choses, servent communement a penser les risques et les fa«;ons de les traiter. Parallelement, certaines reflexions critiques developpees au sein des sciences humaines et sociales 1 - notamment par la sociologie des sciences et des techniques, I'analyse de I'action collective orga• nisee, des politiques pUbliques, la sociologie des orga• nisations, certains courants de la soclologie et de la science politique, des sciences de gestion, des sciences juridiques, etc.- tendent a passer au second plan ou a etre difflcilement integrables jusqu'a leur terme. L:objet de ce texte est de remettre en perspective ces deux grands ordres de discours et d'analyses, en soulignant certaines des raisons de la preponderance des discours autour de !'idee de • maitrise " et de proposer des pistes permettant une meilleure integration de differentes reflexions critiques des sciences humaines et sociales dans I'approche de la gestion des risques collectifs au sein des democraties modernes. Cet article reproduil une communication (dans Ie cadre de I'alelier • Environnement, long lerme et democratie : la gouvernabilite a long terme dans les societes democratiques du prochain siecle .) presentee lars du colloque International' Quel environnement au XXl e siecle ? Environnement, maitrise du long lerme et demo• cratie • organise a I'abbaye de Fontevraud du 8 au 11 septembre 1996 par Ie ministere de I'Envlronnement, I'association Germes, I'Aigref, Ie CNRS, I'Ademe, l'Ifen, I'Agence de I'eau Selne-Normandie, Ie Pnue, Ie WFSF, Futuribles International, I'assoclation Natures, SCiences, Societes-Dlalogues, Ie Centre de prospective et de vellle sclentifique de la Drast. 1 Par la sUite, rutilisation du terme • sciences humalnes et soclales • renvole essentlellement aux courants et analyses cites lei. ISABELlE 80URDEAUX Allocataire de recherche, Cerat ClAUDE GILBERT Dlreeteur de recherche au CNRS, responsable du programme Risques colleetifs et situations de crise (CNRS) La question des risques et, plus particulierement, des • risques collectifs • constltue une bonne entree pour s'lnterroger sur les problemes actuels de • gouvernabi• lite • dans les democraties Au regard de certains dangers semblant peser sur Ie ou les collectifs • depuis un groupe social restreint jusqu'a la commu• naute planetaire -, la question de la gouvernabilite, avec ce qU'elle suppose comme capacite de maitrise • au sens tres large du terme (identification et affichage des risques, elaboration de reglementations, exercice Programme Risques (olleetlfs et situations de de contr61es et de vigilance, definition des responsabi- crise, MRASH, UPMF, BP 47 lites, etc.) -, apparait en effet essentielle. Pour ne x, 38040 Grenoble prendre que quelques exemples, les risques • environ• (edex 9 nementaux • (effets de serre.. ,), des risques ayant Tel: 04 76 82 73 02; affecte Ie collectif (Ia contamination par Ie virus du fax: 04 76 B2 73 04; sida via la transfusion sanguine), I'affectant (Ies const?• (ourrlel: C1aude.GlIbert@upmf- quences de ('utilisation de I'amiante) ou susceptibles grenoble.fr de I'affecter (Ia transmission eventuelle de I'encepha- -----; ...... -- lopalhie spongiforme bovine (ESB) via la consomma• tion de vlande) semblent appeler - compte tenu de la fa«;on dont sont evoques leurs consequences sur Ie long lerme, leurs possibles effets irreversibles - une maitrise, qU'elfe soit d'ordre politlque, administrative, scientifique, etc., a la hauteur' des problemes. Ces idees autour de la notion de maitrise - que celle-ci solt affirmee ou eXigee, consideree comme NSS, 1997, vol 5, 3. 50 / © ElseVIer

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Au-dela de I'alternative maitrise-non-maitrisedes risques collectifs : propositions pour desanalyses et politiques intermediaires

CLAUDE GILBERT, ISABELLE BOURDEAUX

Pour comprendre une situation complexe, voire chaotique, impliquant unemultitude d'adeurs et de strategies, iffaut des eclairages differents, Cest ainsi que lasociologie, la science politique, les sciences juridiques, les sciences de la gestion,entre autres, peuvent eire reunies pourproposer des solutions diverses.

Les analyses fondees sur !'idee de • maitrise desrisques • reposent sur un ensemble de postulatssimples. En premier lieu, les risques sont plus oumoins consideres comme existant en soi, commeayant donc une exteriorite leur conferant un statutd'objet. Dans cette perspective, on parlera ainsl durisque inondation, du risque nucleaire, etc., appre•hendes comme autant de menaces pesant sur lescollectivltes. II y a certes d'importantes differencesentre des analyses, franchement positivistes, selonlesquelles les risques sont des realites objectives qU'i1convient de cerner et des analyses apprehendantplut6t les risques comme la • mesure • de dangers, Ieresultat d'un travail d'instrumentation - scientifique,statistique... - permettant une identification et qualifi•cation. Mais, dans un cas comme dans I'autre, on sesitue dans I'optique de risques en tant qU'objets, dejala ou apparaissant, susceptibles d'etre connus, traites,maitrises donc. En second lieu, et de fa«;on etroitement

Usages et Iimites des analysesen termes.de « maitrise »

effective ou deficiente -, d'un necessaire et effectifgouvernement des hommes et des choses, serventcommunement a penser les risques et les fa«;ons deles traiter. Parallelement, certaines reflexions critiquesdeveloppees au sein des sciences humaines etsociales1 - notamment par la sociologie des scienceset des techniques, I'analyse de I'action collective orga•nisee, des politiques pUbliques, la sociologie des orga•nisations, certains courants de la soclologie et de lascience politique, des sciences de gestion, des sciencesjuridiques, etc.- tendent apasser au second plan ou aetre difflcilement integrables jusqu'a leur terme. L:objetde ce texte est de remettre en perspective ces deuxgrands ordres de discours et d'analyses, en soulignantcertaines des raisons de la preponderance desdiscours autour de !'idee de • maitrise " et de proposerdes pistes permettant une meilleure integration dedifferentes reflexions critiques des sciences humaineset sociales dans I'approche de la gestion des risquescollectifs au sein des democraties modernes.

Cet article reproduil une communication (dansIe cadre de I'alelier • Environnement, long lermeet democratie : la gouvernabilite a long termedans les societes democratiques du prochainsiecle .) presentee lars du colloqueInternational' Quel environnement au XXle siecle ?Environnement, maitrise du long lerme et demo•cratie • organise a I'abbaye de Fontevrauddu 8 au 11 septembre 1996 par Ie ministere deI'Envlronnement, I'association Germes, I'Aigref,Ie CNRS, I'Ademe, l'Ifen, I'Agence de I'eauSelne-Normandie, Ie Pnue, Ie WFSF, FuturiblesInternational, I'assoclation Natures, SCiences,Societes-Dlalogues, Ie Centre de prospectiveet de vellle sclentifique de la Drast.

1 Par la sUite, rutilisationdu terme • sciences

humalnes et soclales •renvole essentlellement

aux courants et analysescites lei.

ISABELlE 80URDEAUX

Allocataire de recherche,Cerat

ClAUDE GILBERT

Dlreeteur de recherche auCNRS, responsable du

programme Risquescolleetifs et situations de

crise (CNRS)

La question des risques et, plus particulierement, des• risques collectifs • constltue une bonne entree pours'lnterroger sur les problemes actuels de • gouvernabi•lite • dans les democraties Au regard de certainsdangers semblant peser sur Ie ou les collectifs •depuis un groupe social restreint jusqu'a la commu•naute planetaire -, la question de la gouvernabilite,avec ce qU'elle suppose comme capacite de maitrise •au sens tres large du terme (identification et affichagedes risques, elaboration de reglementations, exercice

Programme Risques(olleetlfs et situations de de contr61es et de vigilance, definition des responsabi-

crise, MRASH, UPMF, BP 47 lites, etc.) -, apparait en effet essentielle. Pour nex, 38040 Grenoble prendre que quelques exemples, les risques • environ•

(edex 9 nementaux • (effets de serre..,), des risques ayantTel: 04 76 82 73 02; affecte Ie collectif (Ia contamination par Ie virus dufax: 04 76 B2 73 04; sida via la transfusion sanguine), I'affectant (Ies const?•

(ourrlel:C1aude.GlIbert@upmf- quences de ('utilisation de I'amiante) ou susceptibles

grenoble.fr de I'affecter (Ia transmission eventuelle de I'encepha------;......-- lopalhie spongiforme bovine (ESB) via la consomma•

tion de vlande) semblent appeler - compte tenu de lafa«;on dont sont evoques leurs consequences sur Ielong lerme, leurs possibles effets irreversibles - unemaitrise, qU'elfe soit d'ordre politlque, administrative,scientifique, etc., • a la hauteur' des problemes.

Ces idees autour de la notion de maitrise - quecelle-ci solt affirmee ou eXigee, consideree comme

NSS, 1997, vol 5, n° 3. 50 ~57 / © ElseVIer

Iiee, Ie statut d'objet confen~ aux risques aboutit a lareconnaissance d'acteurs - individuels ou collectifs •capables non seulement d'identifier les risques, detransformer les dangers en risques par un travail deconnaissance specifique (par Ie recours aux sciences etaux techniques), mais aussi de les traiter, de lesprevenir par Ie biais d'actions appropriees (techniques,administratives, etc.). L:objectivation des risques s'ac•Compagne ainsi de la designation d'acteurs pouvantsavoir etlou agir du fait meme qU'i1s sont ou finissentpar etre dans une position d'exteriorite par rapport aces derniers, De lit d'ailleurs, Ie recours usuel a desexpressions telles que· gerer Ie risque ., Ie • prevenir "• falre face au risque " I'univers de la confrontationainsi introduit conduisant habituellement a mettre enceuvre Ie discours de la guerre, Et cela, meme si trans•former des dangers ou des menaces f10ues en proba•billtes d'occurrence, cerner les risques, puis lesprevenir, les combattre, peut etre malgre tout consi•dere comme difficile, incertain, Apres tout, meme chezCarl von Clausewitz, I'ennemi n'est pas toujours la, enface2•

Ce type de discours est susceptible d'etre developpepar de multiples acteurs et organisations, auxlogiques, interets et statuts souvent tres differents eton peut facilement en trouver traces a travers fespropos d'articles, d'interviews, de colloques, etc. Lesacteurs mettant en CEuvre une activite considereecomme • dangereuse " • a risque· ou cherchant amalntenir une telle activite - industriels, scientifiquesou autres - font habituellement etat de leur maitrise •Via fes sciences et les techniques, via aussi les sciencesde I'organisation, la connalssance des facteurshumains - des processus engages lors d'experimenta•tions ou d'activites de production, Les acteurs formel•lement en charge de la • securite collective' (ou de fa• securite pUblique " de la • surete .) - les pouvoirspUblics, donc, pour faire court - font valoir, eux, unecapaclte a identifier les risques mena,ant les collecti•Vites, ales afficher publiquement, a prendre lesmesures adequates pour les prevenir (etablissementdes normes, reglementations, etc.), a mettre en CEuvredes procedures de contr6le, a sanctionner meme.Cette affirmation se fonde, en France tout au moins,Sur la capaclte de I'Etat, de son appareil administratif aconJuguer savoir et pouvoir, a Iier donc des compe•~ences en matiere d'expertise (via, notamment, resIngenieurs d'Etat relevant des grands corps, les grandsorganismes de recherche, etc.) et des competences enmatiere d'adminlstration, d'engagement de politiquesPUbliques. D'autres acteurs peuvent partager l'ideeque la securite, la surete sont a la mesure des capa•Cites de maitrise et que, par la meme, toute realisationde risque - accident, catastrophe brutale (commedans Ie cas du nucleaire) ou a developpement lent(comme dans Ie cas de I'amiante, de I'ESB) - signalentaVant tout un • defaut de maitrise " un mauvais usagedes sciences et des techniques, une mauvaise organi•Sation : ainsi, les personnes et collectivites exposeesaux risques ou qUi les representent (associations,sYndicats, elus, etc.), les acteurs en position de• commentateurs critiques • ou qUi entretiennent lesdebats au sein de • I'espace public· (politiques, intel•lectuels, autorites morales, medias, etc.) s'inquietent-i1s

volontiers, Ii I'occasion d'une alerte ou d'une affaire3,

des • risques pris • pour des raisons de competitioneconomique ou scientifique, des insuffisances etdefaillances dans I'exercice du contr61e par lespouvoirs publics (en raison de collusions, d'arbitragesfavorables aux interets economiques, d'insuffisancesdes moyens et effectifs), etc. En cas de realisation d'unrisque, c'est largement sur la non-maitrise que se foca•lise la critique : les eXigences en termes d'etablisse•ment de responsabilites ou/et de reparation passenthabituellement par la denonciation des erreurs, desdetaillances, des laisser-aller, que cela soit attribue ades individus ou Ii des organisations. La denonciationprend d'autant piUS ce chemin que les institutions encharge de la reparation - celles de la justice, dans sesdifferents etats - tendent Ii fonctionner, elles aussi,principalement sur ce registre.

Par Ie jeu des discours croises, des questions/reponses, de la dynamique introduite par Ie coupledenonciations-justifications, on peut meme dire qU'i1tend a y avoir une reproduction permanente d'unetelle perspective. Cela tient tout d'abord a ce que lesapproches et discours en terme de • maitrise • - et de• non-maitrise • - ont une immediate efficacite, quelsque soient les locuteurs. Outre Ie fait qU'un tel discourscorrespond a une rhetorique assez simple, assez aise•ment • mobilisable • - • tout est fait, tout sera desor•mais fait pour que... " • toutes les ressources tech•niques et scientifiques, tous les moyens deI'administration sont mis en CEuvre pour que.... -, iIs'entend spontanement de fa~on extremement large,iI fonctionne facilement en se basant sur des notionset concepts deja verbalises dans des procedures etreglementations formelles, il peut s'adapter a denombreuses situations et donner lieu a une gamme depropos etendue. ('est d'ailleurs en grande partie pour•quoi les acteurs qUi eXigent des garanties, qUi denon•cent l'insuffisance de celles qUi sont donnees,recourent, en l'inversant, a la meme rhetorique.

Une autre raison de la predominance de ce registretient a ce que d'autres approches et discours suscep•tibles d'etre developpes au sujet des dangers, desrisques, ne sont pas aisement recevables ou, toutmoins, ne Ie sont que dans des cercles restreints, horsdonc de debats elargis, publics. De fait, iI ne faudraitpas concevOir Ie recours au discours de la maitrisecomme exclusif d'un certain nombre de pratiques oude reflexions qUi ne lui correspondent pas. En effet,selon les conjonctures, les Iieux et les moments, cediscours peut etre de simple convention et accompa•gner des pratiques, des gestions, qUi s'accommodentd'une certaine • complexite " d'une certaine • incerti•tude' et ou Ie croisement des procedures formelles etinformelles, Ie jeu autour des normes et de la negocia•tion semblent suffire pour assurer, de fait, une certainesecurlte, une certaine surete4. De meme, Ie recours audiscours de la maitrise peut servir de point d'appui a lajustification, a la legitimation lorsque des craintes s'ex•priment, des debats commencent a s'engager au sujetde dangers collectifs, sans pour autant que cela corres•ponde aux modalites de fonctionnement reel.Cependant, les tentatives de production de discoursdifferents semblent rencontrer rapidement des Ilmites.Ainsi, depuis quelques annees deja, divers acteurs

o::0c:

2 ct, Carl von Clausewltz,1955. De 10 guerre,Mlnuit. Paris.

3 Cf. notamment ' Alertes,affaires et catastrophes.Loglque de raccusatlon etpragmatlque de lavigilance. Points de vue deLuc Boltanski,Francis Chateauraynaud,Jean-louis Derouet,Cyril lemieux,Didier Torny '. Ades de 10cinquieme seance duseminaire du programmeRisques colledijs et situationsde crise du CNRS. organ/see (J

/,Ecole des mines de Paris Ie15!evrier 1996. Grenoble,avril 1996

4 Cf. Martin landau, 1969.Redundancy, Rationalityand the Problem ofDuplication and Overlap,Public Administration Review,29, 346-358.

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s Voir a ce sujet, m~me slce n'est qU'un des aspectsde ce travail qui Inslste sur

d'autres elements pourcaracterlser et analyser les

reactions des vlctlmescontamlnees, Nicole Bastin,

Genevieve Cresson, JeanTyberghlen, 1993,

Approche soclologlque dela demande en reparation

du pr~Judlce

therapeutlque : Ie cas duslda, Rapport pour I'ANRS,Clerse, unlverslte de UIle-1.

6 Pour une illustration, d.Fran<;ols Ewald, 1993, La

veritable nature du risquede developpement et sa

garantle. Risques 14, 9-47.

7 Cf. Herve Laroche. 1991.La formulation des

problemes strat~glques •agenda strateglque et

Identite de I'entreprlse.These de doctoral, HEC,Jouy-en-Josas. Cf. aussl

Rlsques, crises etproblematlque de la

deCision dans lesorganisations. Point de vuede Herve Laroche, Ades de

Ia quatTieme seance dusemlnalre du programme

Risques collectIfs et situationsde crise du CNRS, organisee a

rEcole des mines de Paris Ie15novembre 1995.

Grenoble, janvier 1996.

8 Cf. les discussions a cesujet In Soclologle dessciences, analyse des

rlsques collectlfs et dessituations de crise Point devue de Bruno Latour, Ades

de Ia premiere seance duseminaire du programme

Risques cOllectJfs et situationsde crise du CNRS, organisee a

rEcole des mines de Paris Ie15 novembre 1994.

Grenoble, Janvier 1995

conjuguent leurs efforts ou, tout au moins, se retrou•vent, pour expliquer que Ie • risque nul" n'existe pas,Des industriels, des scientifiques ainsi d'ailleurs quedifferents analystes, consultants insistent notammentsur Ie fait que, queUes que soient les precautions prises,iI reste toujours une part d'alea, de hasard, de mauvaisconcours de circonstances, rendant impossible toutemaitrise totale et - autre pan de ce dlscours - que Iemaintlen de capacites innovantes est a ce prix. Uncertain nombre de representants des pouvolrs publicstlennent des propos assez semblables, en soulignant aleur tour I'Impossibllite de tout contr6ler, de toutmaitriser, en reprenant meme une partie des analysesdeveloppees, notamment en sciences humaines etsoclales, sur la complexite et !'incertitude. Bref, tantceux qui sont a roriglne des dangers que ceux qui ontla charge de les prevenir tentent d'attenuer les effets,plus ou moins consideres comme pervers, du discoursde la maitrise, lis cherchent notamment une voiemoyenne conjuguant a la fois les effets posltifs, entermes de legitimite, de la tenue d'un tel discours etune prise en compte piUS realiste des conditions d'en•gagement des processus dangereux dans Ie cadre dela production, de I'experimentation, de I'exercice decontrOles, etc. Mats ces • approches raisonnees ", quidebouchent sur !'idee de • risques acceptables " sur lacapacite supposee des personnes ou des collectivitesexposees a arbitrer entre une serle d'avantages etd'inconvenients (entre Ie progres et la • prise derisques " entre I'emploi, Ie developpement econo•mique et la proximite d'un etabllssement, d'un equipe•ment collectif dangereux, etc.), resistent mal a un acci•dent, un dysfonctionnement slgniflcatif comme on apu Ie constater au cours de ces dernieres annees (Iorsd'inondatlons, de certains accidents industriels parexemple), Les • victimes • - acteurs nouveaux dans cedomaine, notamment en tant que groupe constitue etorganise - ont tendance a fl~cuser l'idee qU'elies aientpu accepter, meme tacitement, un risque donne etrenvoient tant les responsables des dommages queles autorltes en charge de les preventr, a I'obligationqui etalt la leur de maitriser completement Ie risqueconcernes, La seule eventualite d'un dommage affec•tant des personnes ou une collectivite peut suffired'ailleurs a remettre en cause des' approches raison•nees '. De ce point de vue, Ie debat qui se tient autourdu • risque de developpement • - risque se realisantsans qU'i1 ait pu etre envisage initialement. aumoment d'une production, de la mise en ~uvre d'uneaction, compte tenu de I'etat des connaissances tech•niques et scientifiques - est tres significatif6.

D'autre part, dans la mesure ou Ie discours de lamaitrise tend donc a s'imposer, en raison de son effl•cacite, de ses multiples usages, iI est difflcile pour lesacteurs dlrectement impllques dans la production desrisques ou leur contr61e, de se fonder sur leurspratiques effectives pour faire etat, notamment pUbli•quement, de la fal;on dont sont concretement geresles rlsques et, plus encore, de la fal;on dont sonttraltes, analyses les difficultes, voire Jes incidents, lesdysfonctionnements, benlns ou graves, qU'i1s peuventrencontrer. Les problemes poses par la realisation des• retours d'experience • dont, a priori, tout Ie mondereconnait la necessite, s'expllquent en partie ainsl.

Quand iI Y a une volonte d'analyser les fonctionne•ments et dysfonctionnements intemes - ce qui n'estpas toujours Ie cas, y compris dans de grandes organi•sations7 -, les resultats de telles investigations neretentissent generalement pas sur les discours destinesa I'exterieur qui, Ie plus souvent, s'alignent sur Iediscours de la maitrise avec, comme nous ravons vu,une piUS ou moins grande attenuation. A ce sUjet, onpeut parler d'une veritable schizophrenie qui apparaitau grand jour a la suite d'un evenement donnant lieu adebats, a enclenchement d'une affaire. ('est en effetdans ces cas, ces situations dites de crise, que lesconditions effectives de traitement des risques sont• revelees • : iI est notamment pris acte du caracteresouvent non homogene des organisations, des forcesparfois contraires qulles animent, de I'enchevetrementdes regles formelles et Informelles, des jeux multi•acteurs et inter-organisatlonnels lies a tout traitementdes risques, des incertitudes techniques et scientifiques.des competitions voire des conflits au sein des dlffe•rentes spheres concernees, etc. Bret, on decouvre alorsun monde qui apparait d'autant plus' scandaleux "• inacceptable " qU'j( contraste furieusement avec lesrepresentations vehiculees par les discours sur lamaitrise, et qui peut meme conduire a douter du faitque les risques soient geres, Ie pays gouveme, Or, cequi est ainsi mis en evidence rejoint certaines analysesdes sciences humaines et sociales concernant les fonc•tionnements ettectifs des acteurs et organisations, lesjeux multi-acteurs et inter-organisatlonnels qui echap•pent, toujours, a I'ordre rassurant des organigrammes,des procedures reglees. De fait, des lors que la contri•bution des sciences humaines et soclales ne se limitepas aux aspects· psycho-sociologiques " aux ques•tions ayant trait a la perception et a la representationdes risques - ce a quoi les cantonnent souvent lesrepresentants des sciences' exactes • -, elles peuventfournir des analyses et propositions permettant desavancees importantes dans I'approche des dangers,des risques collectifs.

Approches des dangers et desrisques int~grant les apports decertaines analyses des scienceshumaines et sociales

Une des ruptures principales induites par ce change•ment de perspectives consiste en I'analyse des risquescomme une • construction • et non comme une realiteen soi qu'U conviendrait de cerner au mieux en mobili•sant sciences et techniques. Parler de • constructionsociale • ne signifie pas iei se limiter a une oppositionentre les notions d'objectivite et de subjectlvite, nireduire les constructions aux seules representationssociales8, Dans une definition simplifiee, on peutretenir de !'idee de construction que la reconnaissanced'un risque est moins de I'ordre de la necessite que dela contingence, qU'elie est avant tout Ie produit de nn•teraction entre differents acteurs, groupes d'acteurs etorganisations, insuits dans des champs ou spheresdifferents (economique, politique, administratif, tech-

nique, sclentiflque, medlatlque, associatlf, etc.)9 qui,pour des raisons, des interets mUltiples et souventContradietoires, apprehendent un danger, Ie traitent. Iemettent en forme, Ie font emerger comme • risque •selon dlverses cartes cognitives, selon divers para•dlgmes strategiques, a travers aussi differents outils,Instruments et procedures qui sont pour eux autant de• ressources " De pius, ces ressources sont mises enCl!uvre moins en fonetion de la nature d'un • problemea traiter ' - de la nature en roccurrence ici d'unrisque - que de leur disponlbllite, de la possibiliteOfferte aux aeteurs et organisations concernes de lesutlliser, les adapter, les • recycler ,10, Dans cetteoptlque, c'est donc essentiellement en fonetion de cequi est deja la, tant en termes de • ressources " deformes de connaissances et de modalites d'actiondlsponlbles, qU'en termes de Jeux d'acteurs et d'inte•r~s preexistants que se comprend la reconnaissanced'un danger, d'un risque, On voit bien egalement alnsiqU'i1 ne s'agit pas seulement. en integrant les apportsdes sciences humaines et sociales, de ramener !'identi•fication d'un risque et son traitement a la reponsedonnee a une demande sociale, a une exlgence de• I'opinlon pUblique " etc. Conslderer que la prise encompte d'un danger, son emergence en tant querisque tlent aussi, sinon essentiellement, 11 uneCertaine intensite d'interaetions, a un certain degre destructuration d'un reseau ou systeme d'acteurs11, 11Certaines formes de cette structuratlon, a un certainniveau de mobilisation de moyens, a rexistence ausside debats et controverses, etc., conduit. de fait. 11Porter un autre regard sur Ie traitement des dangers,des risques, En particulier, les actions sur lesquellesI'attention se focallse In fine dans Ie cadre desdiscours autour de !'idee de maitrlse (identifier, regie•menter, normer, responsabillser, controler, sanc•tlonner, etc.) et qui, donc, mettent I'accent sur tout ceqUi releve des procedures et des modes d'organisationformels, semblent ainsi priver la reflexion sur lesrisques collectlfs d'un certain nombre de prolonge•ments, Chercher 11 operer ces prolongements et atrouver des • passages ' entre res deux grands typesd'approche evoques, sans renvoyer rune au formel, 11Une simple rhetorique obligee, et rautre, par effet demiroir, a une simple deconstruction des approchesclasslques, conduit a reprendre, en termes assezSimples, les etapes de base de la reflexion a mener,

Le premier point renvoie a !'identification meme desacteurs et organisations concernes par tel ou telrisque. La distribution des roles, des fonctions, descompetences, des responsabilites qui s'opere via lesprocedures formelles est loin de rendre compte del'identlte et du nombre des acteurs et organisationsintervenant effectivement. En particulier, une identifi•Cation en termes d'auteurs des risques, d'acteursCharges du controle, charges de rexpertise, charges dela vigildnce, charges de sanctionner, ne recouvre quePartiellement rensemble des acteurs et organisationsde fait concernes ou impliques par un risque donne.Certes, cette identification par • fonction ,12 varieConsiderablement d'un risque 11 rautre, rnais ron voitbien, si ron observe la production reglementaire et lesrnodalites de fonctionnement de certains ministeres etadministrations, que c'est souvent en ces termes que

sont designes les acteurs pris en compte, Or, a partird'exemples simples (Ies inondations, par exemple), iIest clair que certains acteurs n'apparaissent qU'en• pointilles ' (tels ceux qui, a travers des associations,des syndicats, voire des structures de representations,notamment locales, se posent comme representantsde parties de la • societe civile ,) ; d'autres sont molnsconsideres comme acteurs au sens plein du terme quecomme perturbateurs, comme problemes a gerer entant que tels (Ies medias par exemple) ; d'autrespeuvent etre quasiment oublies, en depit de leurspotentiels, en termes d'expertise par exemple, de lapart qU'i1s peuvent prendre dans la definition desproblemes ou leur traltement (exemple, pendant long•temps tout au moins, dans Ie cas des Inondatlons,d'EDF et des grandes compagnies gestlonnalres deI'eau), D'autre part, ce type de reperage formel desacteurs conduit a presupposer que tel ou tel acteurdesigne, telle ou telle organisation identiflee endosseun role effectIf et en rapport avec ses attributionsformelles, Or, la crise Iiee a la transfusion sanguine et.piUS recemment, celie Iiee a I'utilisation de I'amiante,ont montre ce que pouvait avoir de formel et dedecale par rapport a la pratique une polltique et desraisonnements s'en tenant aux seules competencesattribuees, notamment dans Ie champ administratif.D'autre part, cette distribution n'enregistre pas, ouinsuffisamment ou de fal;on trop conventionnelle, lesredistributions de roles et de fonctions qui peuventavoir lieu a I'occaslon de I'emergence d'un problemedonne, de la reconnaissance d'un risque, Aussl, rap•proche en termes de • construction ' des rlsquespermet-elle de ne pas figer a prIori la designation desacteurs, de leurs competences et de leurs pouvoirs,Elle conduit a insister, au moins par methode, sur Iefait que fa distribution des r61es et des competencesn'est pas immuable, qU'elle s'ouvre plus ou molns a telou tel acteur, organisation selon les cas, que Ie centrede gravite ne se trouve pas necessalrement a nnter•section des acteurs dits offlciels, etc. Dans une telleoptique, sont a priori conslderes comme • acteurs 'ceux qui, a un titre ou un autre, sous une forme ouune autre, • s'interessent ' ou sont • enroles " la ques•tion etant ensuite d'apprecler, en fonction des Inten•sites et des durees de relations, d'jnter-relations etd'investissements ainsi etablis, les consequences quecela peut avoir, II est clair qU'une analyse au cas parcas s'impose alors et qU'i1 n'est pas possible de carto•graphier au prealable, sans s'~tre immerge dans lesmodes de fonctionnement concrets, les acteurs etorganisations impliques.

Une autre etape du raisonnement conduit 11 integrerpleinement a la reflexion les raisons qui expliquentque tel ou tel type d'acteurs est de fait impllque dansla definition, Ie traltement. I'evaluation des actions enmatiere de risques, ainsi que la nature des relationsque ces types d'aeteurs entretiennent alors, A priori,un telle interrogation ne surgit pas ou peu lorsqu'onse situe dans Ie cadre de la distribution des r6les, desfonetions, des attributions, des responsabilltes, via lesprocedures formelles, En effet, dans ce cadre, chaqueacteur fait· ce qu'i1 doit faire • en fonction de son role,de la place qU'j( occupe dans Ie dlsposltlf, la nature desrelations entre acteurs semblant alors decouler, logi-

23::0c:s:en

9 On reprend lei la notionde champ de fa~n

relallvement souple telleque la con<;olt notammentMichel Dobry (MichelDobry, 1992, Soclologledescrises politlques, Presses defa FNSP. Paris, 2e~),

10 Cf. Pierre Lascoumes,1994, L'Eco-poullOlr,Envlronnements et politiques,La Decouverte, Paris,

II Cf. res d~veloppements

de Nicolas Dodier autourdes notions de reseau dansson ouvrage Les hommes etles machines, La consciencecollectJve dans les societestechnic/sees, 1995, Metallle,Paris,

12 Un travail, en cours,realise par I'Instanced'evaluatlon de fa polltlquepUbllque de prevention desrlsques naturels, montrebien fa dlfflculte dedem~ler I'echeveau desattributions etcompeiences en matierede rlsques naturels. Cf.aussl Frederic Callie,Institutions au perll de reau :approche du systemed'acteurs de fa pol/tique deprevention du risqueInondatlon, Commissariatgeneral du plan-Instanced'evaluatlon de la polltlquepUbllque de prevention desrlsques naturels, Futurlbles,septembre 1994.

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B Cf.. par exemple,Genevieve Decrop,

Prevention des risquesmajeurs, I.D loi du 22Jul/let

1987 aux prises avec Ieterritoire, GDR " Crise"(CNRS), IHESI, actobre

1991 ; ou ChristineDourlens, Figures du

pragmatlSme, complexite,incertitude et prevention des

risques, Cerpe, Marseille,novembre 1994, rapport

pour la DRAST,

14 Ct. Pierre Lascoumes,1995, Les arbitragespublics des Int~rets

I~gitlmes en matiered'envlronnemenl. Revue

Fram;ajse de Science Politique45, 3, 396-419,

15 S'll n'est pas possible ded~velopper pius Icl celte

question de l'int~ret, II tautsoulIgner qu'" ne s'agil pasd'une soclologle utllltaristede nnteret La nollon dolt

se comprendre au senslarge, les Inlerets

consld~res peuvent etre denature Ires dlfferente : II est

posSible de raisonner entermes d'opportunltes,

d'actions offensivescomme d'actlons

d~fenslves, de strategies,d'lnteret a se maintenlr

dans une situation commed'interet adevelopper uneactivlte, des competences,

du pouvolr, etc Cfnotammentles travaux deMichel Dobry (op cll.), de

Michel Calion, 1988," Reseau technlco•

economlque etIrreverslblllie ", In Les

figures de /'irreversib/lite eneconomie (B, Chavance,

o Godard, R, Boyer, dIL),EHESS, Paris, 1991

16 Cf. Claude Gilbert, Laprecaution dans I'emplre

du milieu, In Le prinCIpe deprecaution dans 10 condulte

des affaires humainesIOllvler Godard, dlr.),

Inra-~dltlons, Paris, 1997.

quement, de cette distribution des roles, Dans cetteperspective, et comme nous I'avons vu precedemment,des" ecarts • peuvent etre admis entre ce que cesacteurs semblent devoir faire et ce qU'i1s font effective•ment, les remedes etant alors a trouver dans la reaffir•mation des attributions et, donc, dans une reactivationdes relations qui doivent a priori etre entretenues,voire dans la realisation de certains amenagements(concertation entre acteurs, introduction de nouveauxacteurs, creation de structures nouvelles, etc.), Diverstravaux relevant des sciences humaines et sociales etaxes sur les pratiques des acteurs et des organisationsinsistent sur !'interet d'elargir cette vision, Ainsi, lesrecherches menees autour de certaines actions enga•gees en matiere d'information des popUlations dansdes zones soumises a tel ou tel type de dangers, enmatiere d'etabllssement de certains plans de secours,de plans d'occupation des sols, tendent a montrer quela negociation, loin d'etre I'exception, est plutot laregie, permettant de faire avancer voire de• debloquer • des situations, et redonnant ainsi un toutautre statut aux aspects formels13, De meme, certainesprocedures classiques - comme I'etablissement denormes, de textes reglementaires - tendent-ellesaujourd'hui a etre interpretees par certains juristescomme une activite de cadrage d'un systeme d'action,a charge pour les acteurs concemes de leur donner uncontenu en termes d'applications concretes14, D'autrestravaux en sciences humalnes et soclales poussent aune radicalite piUS grande encore en posant que Ietraitement d'un risque est avant tout largement fonc•tion des raisons pour lesquelles les acteurs et organi•sations • s'interessent • ou non a un danger, a unrisque. Cette question des interets demeure assezcomplexe, • !'interet " • !'investissement " • renrole•ment • - peu importe les termes15 - etant en effetextremement variables tant en forme, en duree qU'enintensite selon les acteurs et les organisations, selonres champs ou secteurs au i1s s'inscrivent, selon les• jeux inter-sectorlels " etc. Une telle approche condUita considerer, champ par champ, secteur par secteur,ce qui, dans les differentes • phases • de traltementdes dangers, des risques - mise sur agenda, traite•ment, evaluation, sans que ces phases soient force•ment successives - peut susciter des interets et, donc,differentes formes de mobilisation, Dans un tel raison•nement, iI convient, par exemple, d'etre particuliere•ment attentif a la dynamique resultant de la competi•tion politique, des conflits de competence entreadministrations, organismes pUblics, grands corps,etc. ; a la dynamique resultant des rivalites entregrandes agences d'expertise, entre disciplines scienti•flques, entre acteurs mediatiques, etc. ; a la dyna•mique resultant des conflits inter'sectoriels quimarquent ou traduisent de nouveaux positionne•ments d'ensembles d'acteurs, de groupes d'acteurs,etc. ('est en effet en fonction de ces dynamiques quetend a se comprendre la formation des interets et. parla, Ie processus de • construction' des risques, sachantque sont concernes tous les types d'adeurs et organi•sations qUi, a un titre ou a un autre, • entrent dans Iejeu " Une telle approche, par exemple, s'applique touta fait aux divers acteurs et organisations qui se posi•tionnent voire se concurrencent pour representer et

defendre la • societe ciVile • et ses interets (y comprisres • victimes .j, pour faire valoir des principes• ethiques " • fondamentaux • (comme Ie principe deprecaution16), Parallelement, et de fac;on etroitementIiee, iI convient d'analyser la fac;on dont ces differentsacteurs entrent en relation, interagissent ou non, sanspresupposer quelles formes peuvent prendre cesechanges, Ainsi apparait-i1 important de determiner atravers quels types de relations - formalisees ou non,reseaux inter-organisationnels, inter-sectoriels - s'ope•rent des rencontres d'interet, des alliances, L:enjeu estde preciser jusqu'a quel point la constitution de cesrelations multi-acteurs et relevant de multiples champsaboutit ou non a la formation d'un ensemble, d'unenebuleuse, d'un • monde • - peu importe la termino•logie - qui est au c~ur meme de la saisie desdangers, des risques, La encore, c'est un veritabletravail de recherche qui s'impose, avec toutes lesIimltes qui peuvent exister pour realiser des investi•gations et tenter d'approcher au piUS pres la nature etla • verite' de ces investissements, interets, relations,

Enfin, un autre point important peut faire I'objetd'un nouvel eclairage : celui des • moyens " des• formes • qui donnent rea lite, consistance auXdangers, aux risques, L:approche classique de cesquestions condUit Ie plus souvent a ne repertorierqU'un nombre limite de moyens, de modalites atravers lesquels sont definis, traites, evalues lesrisques, Ainsi, en simplifiant beaucoup, peut-on direque c'est essentiellement a travers des formes juri•diques et les traductions techniques ou organisation•nelles auxquelles elles donnent lieu. lars de retablisse•ment de normes notamment, que les risques sontsaisis, perc;us, compris, Certes, iI n'est pas franchementnouveau qU'une attention solt portee a tout ce quientoure Ie travail de production de la legislation, quece soit Ie travail de conception intellectuelle, a traversres commissions, les rapports, res polemiques, etc.,ainsi qU'au travail d'adaptation, notamment via lesdecrets, les circulaires, retablissement de normes,Mais Ie type de raisonnement evoque ici condUit aaccorder une plus grande attention aux moyens etformes multiples a travers lesquels se declinent les• problemes • et cela sans se limiter aux piUS habituel•lement connus : ainsi, un rapport de recherche, uneexpertise, un article. une communication, un numerospecial de revue, un ouvrage, un seminaire, uncolloque, la creation d'une equipe de recherche, d'unprogramme, d'une societe savante, d'une collection,etc., qui sont autant de formes propres au • champintellectuel " deviennent des' formes· participant a laconstitution, I'affichage d'un danger, d'un risque, pourdes acteurs situes dans d'autres champs, on pourraitciter d'autres types de • formes' concourant a laconstruction d'un risque sachant que ces formes, bienque variables d'un champ a rautre, ne sont pas ennombre illimite et que I'on peut meme faire I'hypo•these de I'existence d'une certaine • grammaire • a cesujet l7.

Cette perspective conduit donc bien a considererque les • problemes " tels que les risques, se construi•sent en fonction des investissements dont i1s sont rob•jets, c'est-a-dire tout a la fois en fonction de la natureet du nombre des acteurs qui s'y • interessent • et des

moyens et formes qU'i1s mettent en ceuvre pour cela,('est bien dans ce sens d'ailleurs que ron peut parlerde • construction ' des risques, ceux-ci etant enquelque sorte • equipes ' par les investissements quiles constituent. Pour chaque type de danger, de risque,cet equipement est determinant puisque c'est large•ment en fonctlon de lui, de sa nature, que les investls•sements peuvent perdurer au-dela de la simple' miseSur agenda " que les debats qU'i1 suscite sont entre•tenus, relances, contribuant ainsi a une permanencede la vigilance, a des traductions en termes de preven•tion, de gestion, Une des difficultes, en termes derecherche, est alors celie d'identifier ces formes, des'attacher tant a leur contenu qU'a leur existencem~me sous tel ou tel aspect, a tel ou tel moment, et,egalement, d'etre capable d'estlmer Ie degre de pUbli•cite de ces formes, de connaissances reciproques et derelations entre elles18,

Pistes pour la rechercheou pour I'actionles analyses critiques evoquees ici provoquent doncd'importants' deplacements ' ou, si ron prefere, d'im•portants • decadrages ' des raisonnements. D'unepart, elles incitent donc a resituer les acteurs et organi•sations habituellement repertories par rapport a deslogiques, des enjeux qui semblent assez peu compa•tibles avec ceux qU'on leur attrlbue, piUS ou moinssPOntanement, en reference, disons, a I'analyse clas•slque en termes de maitrise, D'autre part, elles incitenta elargir assez considerablement Ie cercle des acteurspotentiellement concemes - cercle a priori ouvert - et,donc, a integrer dans I'analyse des dangers, desrlsques, des types de logiques, des modes et formesd'investlssement qui, a premiere vue, sont etrangers ace domaine. II resulte donc de ces deplacements uneCertaine • complexite ' dans Ie travail d'analyse dontIe premier effet, plutot pervers, est d'accentuer Iecaractere pratique, operatolre, utile volre rassurant deI'analyse classlque en termes de • formel ' et demaitrlse. Or, cette complexite, pour peu qU'on chercheaI'analyser et a en tirer partie, peut etre a I'orlgine dereels enrlchlssements et peut meme ouvrir denouvelles pistes pour I'action,

Ainsi, I'attentlon portee a la constitution des acteurssur ce que, par commodite, on peut appeler la ' scenedes rlsques ,19, c'est-a-dlre I'attention portee tant a lapresence de certains qU'a I'absence d'autres, permetdeja un autre type de qualification des dangers, desrlsques collectlfs. II sufflt de songer aux cas de la trans•fusion sanguine, de I'amiante et de I'ESB pour perce•Voir !'interet d'une telle demarche qui, delestee des apriori de I'approche classlque, permet effectivementde • voir' a quelle configuration d'acteurs correspondtel ou tel risque, sachant qU'i1 y a, comme dit prece•demment, des presents, des absents, mais aussi des• plus ou moins presents " des • piUS ou moinsabsents '. Sans developper trop sur ce point, disonssimplement qU'un risque change deja de definition(d'allure), selon Ie nombre, la nature et la configura•tion des acteurs qui Ie • travaillent " selon que cette

configuration introduit des separations, des diversifica•tions ou, au contraire, des confusions dans I'exercicede certaines grandes fonctions (comme I'expertise etfa • decision' par exemple). De meme, I'attentionportee a la nature des relations effectlvement deve•loppees entre acteurs et organisations - en s'affran•chissant, par methode, de I'evidence Induite par I'ana•lyse classique - permet de veritablement qualifier telou tel risque. La plus ou moins grande multiplication,Intensite, diversite de formes de ces relations, tellesqU'elies resultent des investlssements operes par lesacteurs et organisations, constituent des indlcateursinteressants de ' I'etat ' d'un risque; if en est de memeconcernant Ie degre de permanence, de stabillte deces relations, de ces interactions du fait de la constitu•tion ou non de reseaux, de systemes d'acteurs. Laencore, il suffit pour s'en convaincre d'evoquer les• affaires ' precedemment cltees et a proposdesquelles les travaux de recherche exlstantsmontrent bien les varietes de configuration d'acteurset organisations possibles et leurs implications,convergentes ou divergentes d'ailleurs selon les cas20.

Enfin, I'attention apportee aux formes mobllisees parles acteurs et organisations lorsqu'i1s • investissent ' et,par la meme, • construisent ' un risque, permet d'iden•tlfier divers types et degres • d'equipement ' laissantentrevoir - compte tenu des moyens et formes accu•mulees - des histolres plus ou moins longues, piUS oumoins suivies de ces risques, sachant que les concre•tions, les institutionnallsations ou, pour parler un peucomme Bourdleu, les processus de • naturalisation 'sont determinants dans la reproduction de l'interetpour un probleme, aussi aigu semble-t-if etre. De fait,et c'est la un effet de conjoncture generaIe encore malcompris mais constate, force est de remarquer qU'enmatiere de risques - • marche ' fluctuant s'll en est •remergence d'un grand risque, d'un risque collectltdone, tend toujours a en chasser un autre : Ie sidaconcurrence Ie cancer, I'effet de serre, les • rlsquesmajeurs " etc. Bret. comme on Ie voit, d'lmportantesperspectives apparaissent d'ores et deja sur Ie plan deranalyse meme si, II faut en avoir bien conscience, iIs'agit la d'un • programme de travail '. Sur ce point,raccumulation des etudes sur des cas de rlsques et decrises precis, avec differents eclairages, devraltd'ailleurs permettre de mieux affiner ces analyses etreflexions.

En termes d'action, les retours possibles de cesmodes d'approche semblent moins faclles a decrire etconceptualiser, Cela tient tout d'abord au fait que cesanalyses s'apparentent a une • deconstruction " avecd'ailleurs certains risques de derives, d'excessemblables a ceux polntes par Jean-GustavePadioleau au sujet de ranalyse des politiquespUbliques21 . Cela tient aussi a la primaute qU'acquie•rent toujours les analyses et dlscours fondes sur lamaitrise des qU'i1 est question d'action : if suffit pourcela de constater la frequence et fa rapidite aveclaquelle des acteurs en position d'analystes critiquesse convertissent a cette rhetorique des lors qU'i1s sontsommes de donner un avis, de • dire ce qU'i1 faudraltfaire '. Cela tient aussi aux differences de situationsselon que ron se situe dans une phase de menace,identifiee ou non identifiee, dans une phase de risques

17 ct. Claude Gilbert, Objetsflous et action pUblique :apropos des rlsquesmajeurs, rapport pour Ieplan urbain, Grenoble,Cerat, Janvier 1995.

18 Pour un exemple detravail de ce type, d.Aorlan Charvolln,L:lnventlon deI'Envlronnement en France(1960-71). les pratlquesdocumentalresd'agregatlon a I'orlglne dumlnlstere de la Protectionde la Nature et deI'Envlronnement. 1l1ese dedoctorat de sciencepolltique, unlverslte Pierre•Mendes-France, Ecolenatlonale superleure desmines de Paris, juln 1993.

19 ct. Genevieve Decrop, lertsque nuclealre : objet denegoclatlon ?, rapport pourI'IP5N, Grenoble, GDR Crise(CNRS}, septembre 1994.

20 ct. en partlculler,Michel Setbon, 1993,Pouvolrs contre slda,le Seull, Paris,

21 ct., par exemple,nnterventlon de Jean•Gustave Padloleau lors dela reunion du groupePolltlques pUbllques deI'Assoclatlon fran<;alse descience polltique (Parts, 13decembre 1994) et sonIntervention· Pour un• moratolre' de I'analysedes polltlques pUbliques ?Vers une science sociaIe deI'actlon publlque • lors dela seance du semlnalreContradictions etdynamlque desorganisations, Parts, 23 juln1994 (In Actes du semlnaireCondor, Paris, Centre derecherche en gestlon, Ecolepolytechnlque, 1993-1994}.

Presentation succincte du programmeRisques collectifs et situations de crise (CNRS)Le programme· Risques collectifs etsituations de crise • vise it favoriseret developper les recherches etproductions de connalssances sur lathematique consideree, en mettanten place les conditions deI'echange, du debat et de la coope•ration pluridlsciplinaire, Initialementengage au sein du departement dessciences de I'homme et de lasociete du CNRS, en 1994, iI faitdesormais partie des programmescorrespondant it des actions incita•tives du CNRS dans son ensemble,Les risques collectifs et les situationsde crise consideres renvoient auxrisques naturels et industrlels (ycompris les risques nucleaires), auxrisques environnementaux, epide•miques, alimentaires, aux risqueslies it des accidents concernant desequipements collectifs (etablisse•ments recevant du public notam•ment), aux risques lies it desruptures de grands systemes (eau,electrlcite, telecommunications,transports, reseaux informatlques.. ,),aux risques lies aux manipulationsdu vivant, etc. Ces objets partagent,en depit de leurs differences denature, une serle de caracteristiquesjustlfiant un questionnementcommun, lis semblent en effet tous,it des degres divers, susceptibles demettre en cause des interets collec•tifs vltaux (integrite physique despersonnes, patrimoine ecologlque,biologique ou autre.. ,) ; de porteratteinte aux fondements sociopoli•tiques (pertes de legltimlte et d'auto•rite des institutions, remise en causedes princlpes, regles et disposltifsjuridiques ou politiques organisantla citoyennete et la solidarite..,) ;d'affecter gravement les capacitesde connaitre et d'interpreter larealite (inadequatlon des outils tech•niques et scientifiques, des traite•ments politiques et symboliques..,),Ces risques et ces crises ont egale•ment comme caracteristique de nepouvoir etre directement rapportes

et circonscrits ni it de seules inten•tions, fautes et erreurs humaines,nettement identifiables et individua•lisables, ni it de seuls facteurs etmenaces exogenes, ni it de seulsdefaillances et determinants sclenti•fiques et techniques, mais apparals•sent comme etant largement lies itdes aspects ou dysfonctionnementsde type organisationnel et interor•ganisationnel. Ces aspects, quisituent les risques et les situationsde crise au cceur meme des modesde fonctionnement des collectivites,renouvellent Ie questlonnement surla nature des vulnerabilites de nossocietes, sur Ie degre d'autoproduc•tion et Ie caractere endogene desrisques et des crises, lis conduisentaussi it s'interroger differemmentsur la question de I'lmputatlon etdes causes, de I'etablissement desresponsabllltes, voire egalement surcelie du contr61e et de la gouverna•bilite des societes contemporaines,Quatre principaux axes de travail,pouvant etre Interdependants, sontau cceur du programme : lesprocessus d'identification desrisques collectlfs et de leur· misesur agenda • ; Ie traltement desrlsques collectifs ; Ie developpementdes dynamlques de crise et lagestlon des situations de crise ; lescrises et les questions de responsa•bilites, De manlere transversale itces axes, deux thematiques sontprivileglees : I'expertlse sclentlfiqueet technique, ses conditions, seseffets et ses implications ; les proce•dures de retour d'experlence, d'ap•prentlssage et de vigilance organi•sationnels,Lobjectif poursuivl est donc de faci•liter les mobillsatlons, de faireprogresser I'lnteret pour ces ques•tions et d'accroitre leur inscriptionparmi les problematiques derecherche, de susclter de nouveauxengagements et de creer, dyna•miser des liens entre les forces exls•tantes, souvent situees dans des

lieux eclates. Les avancees effec•tuees depuls 1994 appellent tout itla fols une plus grande confronta•tion sclentlfique alnsi qu'une conso•lidation et une extension du• reseau • mls en place et qui mobi•lise notamment des chercheurstravalllant dans Ie champ de I'ana•lyse de I'actlon collective organlsee.des polltlques pUbliques, de lasoclologle des organisations, dessciences de gestlon. de la soclologlepolitlque. de la soclologle de lamobilisation. de la soclologie jurl•dlque, de la sociologie des sciences,de la psychologle cognitive, de I'er•gonomle, etc. Les chercheurs dessciences de I'unlvers. des sciencesde la vie, des sciences pour I'Inge•nleur, etc., sont Invites it partlciperaux reflexions et aux actionsmenees. des formes de reflexlon encommun sont meme indispen•sables. Lextension des relationsavec les chercheurs etrangers estegalement encouragee. Cet objectlfd'actlon en direction du milieu de larecherche se double d'un objectlf• symetrique • visant it nouer desrelations de partenariat avec desorganlsmes exterleurs concernes ouInteresses par la thematlque duprogramme, notamment autour derecherches soutenues par Ieprogramme,Le programme s'articule principale•ment autour de trois grands typesd'actlons : Ie soutlen aux operationsde recherche (passant notammentpar Ie lancement d'appel d'offres) ;un seminalre reguller it I'~cole natio•nale superleure des mines de Paris,dont les actes sont largementdiffuses ; la mise en place d'un• centre de ressources " sous laforme d'une structure souple et rela•tlvement lnformelle. sur les ques•tions au cceur du programme,

Claude GILBERT,responsable du programme

ijulllet 1997),

emergents, de risques evalues, dans une phase derealisation des rlsques ; les Implications en termes devigilance, de precaution, de traltement des risques oude gestion des crises sont bien sur dlstlnctes et merl•tent, dans chaque cas, des approches individualisees,Cependant, de nouvelles perspectives d'action appa-

II ct. Claude Gilbert, Alain raissent des lors que ron consldere que la gestion d'unLe Saux, Domestlquer Ie risque est non seulement fonction d'un

risque Industrlel, rapport, • encadrement • - ce que preconise plus ou molnsParis, Gerie, janvier 1989. I'approche classlque - mais aussi et. peut etre surtout,

de I'exlstence ou non d'un reseau, d'un systeme d'ac•teurs diversifies - d'un • filet· d'acteurs pourralt-ondire - assurant par Ie jeu des interactions -interactionstant contradlctolres que complementalres - une• couverture • de ce danger qui. alnsi, prend la formesoclallsee du risque - que celul-cl solt • accepte • ounon22, Des lors, I'action it mener peut se comprendrecomme visant it mettre en place les conditions memesde I'lnteractlon, it propos d'un danger donne, commevisant donc it permettre I'emergence d'acteurs • inte-

resses • dans differents champs ou secteurs et suscep•tlbles. du fait de leur interessement meme.• d'equiper • ce danger. d'en faire un risque gerable.d'entretenir a son sujel des debats el descontroverses23.

Cela dlt, a partir de cette conclusion, plusieurs ques•tions se posent quant aux possibilites d'aller plusavant de maniere operatoire. questions qui, sur diffe•rents plans, touchent directement au probleme de lademocratfe. Parmi res obstacles Ii surmonter. on peutnotamment rappeler I'exces de schlzophrenie existantentre discours et pratiques. notamment de la part desacteurs publics et. d'autre part. de fal;on liee. Ie non•enregistrement des conditions effectlves de gestiondes risques. En effet, pour peu que les analysescritiques en matiere de risques alent quelque vaJidlte.e/les condulsent aadmettre qU'iI y a une grande inde•termination quant Ii la • designation • des acteursdevant jnitier les actions a mener pour operer cemalllage. pour entretenir • I'animalion • de reseaux.assurer Ie maintlen de debats et controverses, Ie plura•Iisme des points de vue et. enfin, quant au degre devolontarisme dont ils doivent faire preuve. 1\ sembleen partlculier que les representants des pouvolrspUblics n'aient piUS forcement un role central ainsiqU'on a pu Ie constater. par exemple, dans Ie cas de latranSfusion sanguine comme dans celui de I'amianteou ils n'ont alors veritablemenl ete que des acteursparmi d'autres et pas les plus importants - du fail.dans Ie premier cas, d'une veritable • delegation dePOuvolr • au monde medical et. dans Ie second. d'une• delegation de pouvoir • au monde industriel. Lapregnance meme du discours de la maitrise, auquelon revient toujours, conduit a eluder cet etat deschoses et a renvoyer. de fait, la definition des risques,leur suM et leur evaluation. Ii un jeu plus ou moinslibre d'acteurs - au • marche • des acteurs pourrait-ondire - sans que se developpe une reflexion distanciee.notamment Ii caractere publiC. a ce sujel. O'autre part,les questions des formes les piUS adequates desactions a mettre en reuvre, du degre de formalismemalgre tout a leur donner, des moyens financiers, desproblemes de legitimite, de positionnement en termesd'evaluation, de prospective, de veille, sont encorelOin d'etre resolues - meme si, par exemple, depremieres reflexions peuvent etre tires d'actions d'or•ganlsmes comme res centres de veille et de prospec•tive. d'instance d'evaluation sur les risques, dereflexlons autour de la mise en reuvre de • conduitesde precaution •• etc. Au fond. run des piUS grandsrlsques en termes de democratie est peut-etre moinscelui de la • suspension • de la democratie via desprocedures exceptionnelies en cas de crise - ce aquaiS'attachent certaines analyses sur leS risques et lescrises - que celul, pour des collectivites humaines, dene pas s'avouer Ii elles-memes, ouvertement et pUbli•quement, comment elles fonctionnent reellemenl, surqueUes bases concretes sont mlses en reuvre lesprocedures et actions qui leur donnent leur existenceet constituent leur quotldien. Dire simplement qU'jffaudralt piUS de democratle. de debat public n'est passuffisant : la veritable ref/exion ne doit-elle pas portersur la capadte effective a dire, d'une part. et aentendre, d'autre part. quels sont les ressorts et les

modes de fonctionnement concrets des acteurs etorganisations, et sur les formes pratiques alms neces•saires a la mise en place de leIs • espaces • de pUbli•cite. discussion et reflexion ?

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23 Cf. les reflexions deBruno Latour, dans sonouvrage Aram,s ou I'omourdes techniques, LaDecouverte, Paris, 1992.