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Les contrats « frais de soins » individuels et collectifs : frontière des contrats,
périmètre de l’engagement de l’assureur
Par S. Abravanel-Jolly
Maître de conférences en droit privé – HDR, Université Lyon 3,
Directrice de l’Institut des Assurances de Lyon.
Assurances de personnes non vie – Opération de prévoyance collective – Opération de prévoyance individuelle
La loi Évin n° 89-1009 du 31 décembre 1989, dite loi « Prévoyance »1, a pour objectif de
soumettre au même régime juridique les différents acteurs2 intervenant sur le « marché » de la
prévoyance complémentaire. Cette dernière opération, encore appelée « contrats frais de
soins » ou « contrat prévoyance santé », garantit les risques de décès, ceux portant atteinte à
l’intégrité physique de la personne, ceux liés à la maternité, à l’incapacité de travail ou à
l’invalidité, et au chômage3.
La loi s’applique non seulement aux opérations individuelles mais aussi collectives, que
celles-ci soient à adhésion facultative ou obligatoire. Ces dernières sont principalement
souscrites par des employeurs4 au profit de leurs salariés, et sont majoritairement à adhésion
obligatoire, tandis que les premières sont généralement souscrites par des organisations
professionnelles, ou associations, pour les travailleurs non salariés et sont à adhésion
facultative.
Or, selon le type de contrat, la loi n’offre pas un niveau de protection d’égale intensité. En
effet, deux types de protection sont organisés : une protection renforcée des assurés dans les
assurances groupe à adhésion facultative / contrats individuels (par rapport au droit commun),
et une protection très renforcée des assurés dans les assurances groupe à adhésion
obligatoire5.
1 JO 2 janv. 1990.
2 Pour tenir compte du fait que celui qui couvre le risque n’est pas nécessairement un assureur, l’expression
« organisme qui délivre la garantie » a été retenue pour les assurances à adhésion obligatoire : Loi n° 89-1009,
art. 2. De même, a été retenue pour les assurances à adhésion facultative la formule « organisme qui a accepté
une souscription ou une adhésion » : Loi n° 89-1009, art. 3. 3 Loi n° 89-1009, art. 1
er. En sont donc exclues les assurances en cas de vie, c’est-à-dire les opérations d’épargne
et de retraite. En revanche, si les assurances « emprunteurs », qui ne relèvent pas de la prévoyance au sens strict
du terme, devraient y être incluses compte tenu des risques qu’elles couvrent, la jurisprudence s’est pourtant
prononcée en sens contraire : Cass. 1re
civ., 13 janv. 2004 ; RGDA 2004.480, 2e esp., note J. Kullmann ; Resp.
civ. et assur. 2004, comm. 111, note H. Groutel ; pour l’état antérieur de la jurisprudence, cf. Cass. 1re
civ., 23
sept. 2004, RGDA 2004.480, 1re
esp., note J. Kullmann ; Resp. civ. et assur. 2003, comm. 328, note H. Groutel. 4 Pour être réputé obligatoire à l’égard des salariés, le régime collectif doit être mis en place selon l’une des
modalités suivantes : convention ou accord collectif, référendum, décision unilatérale de l’employeur (sauf pour
ceux déjà présents dans l’entreprise au moment de cette décision unilatérale, art. 11 loi n° 89-1009 du 31 déc.
2009). Jusqu’à la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi (JO 16 juin), les branches
professionnelles n’avaient pas l’obligation de négocier sur la couverture santé ou prévoyance au niveau de la
branche. A compter du 1er
janvier 2016 au plus tard, tous les salariés pourront bénéficier d’une couverture
complémentaire santé au sein de leur entreprise dans les conditions définies par la loi et dont l’employeur devra
assurer, au minimum, la moitié du financement. 5 Ces assurances sont définies à l’article 2 de la loi n° 89-1009 du 31 déc. 1989.
2
Au demeurant, un certain nombre d’articles de cette loi, étant d’ordre public, se substituent
aux règles du Code des assurances. Mais, bien entendu, à défaut de disposition spéciale, tant
le droit commun de l’assurance que les dispositions relatives aux assurances de groupe ont
vocation à s’appliquer.
Si, pour les juristes, le droit applicable à ces contrats « frais de soins » dépend du point de
savoir s’il s’agit d’un contrat de groupe à adhésion obligatoire, d’un contrat de groupe à
adhésion facultative, ou encore un contrat individuel, de leur côté, les actuaires doivent
pouvoir déterminer la frontière des contrats ; c’est-à-dire le périmètre juridique de
l’engagement de l’assureur.
Ainsi, dans une perspective transversale, la présente étude a pour objet de cerner un tel
périmètre. En l’occurrence, obéissant à une logique chronologique, avant la conclusion du
contrat se pose le problème de la sélection médicale (I), puis, après sa conclusion, devra être
examinée la question des modifications du contrat ou du statut des assurés (II), ainsi que celle
des conséquences de sa disparition sur la situation des assurés (III).
I) Souscription et sélection médicale
La liberté de sélection des risques de l’assureur est particulièrement restreinte en présence de
contrats de prévoyance complémentaire à adhésion obligatoire (A). En revanche, tant les
contrats de groupe à adhésion facultative que les contrats individuels obéissent à un régime
juridique différent (B).
A) En assurance collective obligatoire
L’assurance collective obligatoire est régie par une obligation d’accepter certains assurés (1),
et, corrélativement, par l’interdiction de recourir à certaines exclusions (2).
1) Une obligation d’accepter certains assurés
Une telle obligation ne concerne que les contrats d’assurance de groupe conclus au profit des
salariés d’une entreprise à la suite d’une convention, prenant généralement la forme d’un
accord collectif, d’un référendum ou encore d’une décision unilatérale de l’employeur
(D.U.E), dans le but de garantir les risques précités, liés à l’intégrité physique de la personne
ou à la maternité, les risques d’incapacité de travail, d’invalidité voire de décès. Elle résulte
de l’article 2, al. 1er
, de la loi « prévoyance » du 31 décembre 1989, renforçant les garanties
offertes aux personnes assurées contre certains risques : « l’organisme qui délivre sa garantie
prend en charge les suites des états pathologiques survenus antérieurement à la souscription
du contrat ou de la convention ou à l’adhésion de ceux-ci, sous réserve des sanctions prévues
en cas de fausse déclaration ». Cette obligation a été étendue au profit des anciens salariés
susceptibles de bénéficier des dispositions de l’article L. 911-4 du Code de la sécurité sociale,
soit les demandeurs d’emploi en cours d’indemnisation qui, n’ayant pas été licenciés pour
faute lourde, ont droit au maintien de la garantie complémentaire prévoyance sous certaines
conditions6.
6 Sur ce point : V. Lamy Assurances 2014, n° 4483.
3
Au demeurant, si l’assureur peut refuser de prendre en charge des risques déjà réalisés, à
moins qu’il n’ait accepté de garantir des personnes déjà en incapacité de travail ou en
invalidité au moment de l’adhésion7, il ne peut en revanche refuser une adhésion au seul motif
que la personne assurable présente « un état pathologique ». En ce sens, la loi a introduit une
distinction, pour le moins délicate, entre les notions d’état pathologique et de maladie, ce qui
entraine de redoutables difficultés d’application8.
En principe, l’état pathologique, dégagé par la loi d’indemnisation des victimes contaminées
par le VIH à la suite d’une transfusion sanguine, correspond à un état préalable au
développement d’une affection9. De son côté, la Cour de cassation a précisé que seules
doivent être garanties les suites dont la réalisation n’est pas certaine et dont l’étendue n’est
pas déterminable10
. Ce dont on aurait pu logiquement déduire que si l’assureur, conformément
à l’article 2 précité, ne peut refuser la prise en charge de maladies survenues après l’adhésion
mais contractées avant, il ne doit pas sa garantie pour les maladies survenues avant ladite
adhésion.
Toutefois, ce n’est pas cette solution qui a été adoptée par la Haute juridiction, retenant que
l’assureur ne peut exclure de la garantie décès un salarié en arrêt de travail pour longue
maladie au moment de l’adhésion11
, et ce, même si l’employeur n’a pas déclaré cette dernière
situation à l’assureur12
, ou que l’adhésion du salarié était subordonnée à la remise d’un
questionnaire dûment rempli13
. Dans ces conditions, confronté à un adhérent qui présente un
état pathologique, l’assureur n’a d’autre issue que, soit d’adapter sa tarification à tout le
groupe selon la gravité des risques déclarés, soit de refuser d’assurer ce groupe.
En outre, pour compléter ce dispositif de protection sociale, des dispositions spécifiques
interdisent certaines exclusions conventionnelles pouvant être insérées dans ces contrats
« frais de soin ».
2) L’interdiction de recourir à certaines exclusions
Comme nous l’avons déjà vu, au sein des contrats collectifs de salariés à adhésion obligatoire,
l’assureur ne peut refuser un adhérent au motif d’une pathologie antérieure à l’adhésion. De
même, lorsque la convention a pour objet le remboursement des frais médicaux, selon l’article
2, al. 2, de la loi de 1989 précitée, l’assureur ne peut pas davantage exclure les pathologies ou
affections ouvrant droit au service de prestations en nature de la Sécurité sociale. Dès lors, la
liberté contractuelle de l’assureur, dans la définition du risque et l’étendue de la garantie, s’en
trouve considérablement restreinte. Pour autant, le législateur n’a pas imposé une obligation
d’assurance, l’assureur restant libre de prendre en charge le groupe candidat à l’assurance ou
non, et, s’il l’accepte, de fixer la tarification et l’étendue des garanties.
7 V. Lamy Assurances 2014, n° 3970 – a.
8 Ph. Laigre, La loi Prévoyance, Dr. Soc. 1990, p. 370 ; H. Groutel, Les assureurs et le titre 1
er de la loi n° 89-
1009 du 31 décembre 1989 sur la prévoyance complémentaire, Resp. civ. et assur. 1990, chron. n° 4. 9 La séropositivité est « l’état pathologique », et le SIDA c’est la « suite » c’est-à-dire la maladie. Sur cette
question : V. Dictionnaire des termes de médecine Garnier, Delamare, Maloine ; Nouveau Larousse médical. 10
Cass. 1re
civ. 8 juil. 1994, n° 92-1551, RGAT 1994, note J. Kullmann. 11
Cass. 1re
civ., 13 févr. 2001, n° 98-12478, RGDA 2001, p. 373, note L. Fonlladosa. 12
Cass. 1re
civ., 7 juil. 1998, n° 96-13843, RGDA 1998, p. 748, note J. Kullmann. 13
Cass. 2e civ., 7 oct. 2004, n° 03-14974.
4
Enfin, le groupe d’assurés comprenant tous les salariés titulaires d’un contrat de travail,
présents dans l’entreprise ou en arrêt de travail au moment de la souscription du contrat
d’assurance, est illicite la clause excluant ceux d’entre eux qui seraient en arrêt de travail,
total ou partiel indemnisé par la Sécurité sociale14
.
B) En assurance collective facultative et en assurance individuelle
Pour ces contrats, l’assureur conserve la possibilité de refuser un candidat à l’assurance, y
compris lorsque son refus est motivé par l’existence d’un état pathologique. Mais, si
l’assureur accorde sa garantie, il ne pourra, pas plus qu’en assurance collective à adhésion
obligatoire au profit des salariés, exclure les suites des états pathologiques antérieurs à
l’adhésion. C’est ce qui résulte de l’article 3, al. 1er
, de la loi de 1989 précitée, selon lequel
« l’organisme qui a accepté une souscription ou une adhésion doit, sous réserve des prévues
en cas de fausse déclaration, prendre en charge les suites d’états pathologiques survenus
antérieurement à l’adhésion de l’intéressé ou à la souscription du contrat ou de la
convention ». Toutefois, « l’assureur peut refuser de prendre en charge les suites d’une
maladie contractée antérieurement à l’adhésion de l’intéressé ou à la souscription du contrat
ou de la convention à condition :
1) que la maladie, ou les maladie antérieures dont les suites ne sont pas prises en
charge, soient clairement mentionnées dans le contrat individuel ou dans le certificat
d’adhésion au contrat collectif ;
2) que l’organisme apporte la preuve que la maladie était antérieure à la souscription du
contrat ou à l’adhésion de l’intéressé au contrat collectif ».
En l’occurrence, lorsque les maladies antérieures exclues ne sont pas clairement mentionnées
dans les documents contractuels, la garantie est due, d’autant plus depuis l’adoption de la loi
n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation, dont l’objet est d’améliorer la
transparence de l'information fournie par les mutuelles, assurances et institutions de
prévoyance dans le domaine des frais de santé, et qui impose à ces opérateurs de « faire
figurer dans les documents de communication à leurs assurés ou destinés à faire leur
publicité les conditions de prise en charge, de façon simple et normalisée, chiffrée en euros,
pour les frais de soins parmi les plus courants ou pour ceux pour lesquels le reste à charge
est le plus important »15
.
La Cour de cassation s’est prononcée en ce sens, estimant que si les deux conditions posées
par l’article 3 précité ne sont pas remplies, l’assureur doit sa garantie. Cependant, la solution,
rendue à propos d’une assurance de groupe emprunteurs garantissant le remboursement du
prêt en cas de décès et d’incapacité de travail16
, a ensuite été remise en cause par un arrêt du
13 janvier 2004, la haute juridiction indiquant que l’assurance de groupe emprunteurs ne
figure pas parmi les opérations de prévoyance complémentaire visées par la loi de 198917
.
14
Cass. 2e civ., 3 févr. 2011, n° 10-30588.
15 L. n° 2014-344 du 17 mars 2014, art. 64, JO 18 mars.
16 Cass. 1
re civ., 18 déc. 2002, n° 99-21446, RGDA 2003, p. 331, note J. Kullmann ; Cass. 1
re civ., 23 sept. 2003,
n° 00-20991, Resp. civ. et assur. 2003, comm. 328, note H. Groutel. 17
Cass. 1re
civ., 13 janv. 2004, n° 02-14202, RGDA 2004, p. 480, note J. Kullmann ; Resp. civ. et assur. 2004,
comm. 111, note H. Groutel.
Solution confirmée par Cass. 2e civ., 21 déc. 2006, n° 06-13525, RGDA 2007, p. 156, note S. Abravanel-Jolly.
5
Par ailleurs, l’assureur pourra opposer une fausse déclaration de risques, dont l’appréciation
se fait au moment de la conclusion du contrat d’assurance. La bonne ou mauvaise foi de
l’assuré est, quant à elle, appréciée par rapport aux déclarations faites par lui lors de la
souscription du contrat, quand bien même il y aurait eu un décalage entre la date de prise
d’effet du contrat et la date de remise du questionnaire18
.
Une fois le contrat conclu, l’assureur est en principe tenu à son obligation contractuelle de
garantie, sous réserves de son éventuel droit d’obtenir des modifications du contrat et
modifications tenant au statut des assurés.
II) Modifications
Les modifications peuvent tenir, soit au contrat lui-même (A), soit encore au statut personnel
des assurés (B).
A) Modification du contrat
Le régime juridique des modifications, en révision des primes ou des garanties, diffère selon
que le contrat frais de soins est une assurance de groupe à adhésion obligatoire (1) ou de
groupe à adhésion facultative / individuelle (2).
1) En assurance de groupe à adhésion obligatoire
L’article L. 141-4 du Code des assurances, applicable à toute assurance de groupe, prévoyait
originellement, pour toute modification, que le souscripteur était tenu « d’informer par écrit
les adhérents des modifications qu’il est prévu, le cas échéant, d’apporter à leurs droits et
obligations »19
. Depuis la loi DDAC du 15 décembre 2005, il doit « informer par écrit les
adhérents des modifications apportées à leurs droits et obligations, trois mois au minimum
avant la date prévue de leur entrée en vigueur »20
. Or, dans le domaine particulier de la
prévoyance complémentaire, l’article 12 de la loi Evin prévoit une mesure similaire, mais ne
régit que la seule réduction des garanties. Confrontée à ces deux catégories de dispositions, la
majorité des auteurs estime que l’article L. 141-4 s’applique également aux assurances
prévoyance complémentaire21
.
Ainsi, dès que le souscripteur a satisfait à son obligation contractuelle d’information, la
modification en assurance collective s’impose donc à l’adhérent, et ce contrairement à celle
du droit commun des contrats, régie par le principe de la volonté contractuelle. Cette
obligation d’information suppose la remise par l’employeur d’une notice d’information
détaillée22
, précisant les garanties offertes et leurs modalités d’entrée en vigueur, ainsi que les
formalités à accomplir en cas de sinistre. En outre, l’article L. 141-4 impose au souscripteur
18
Cass. 1re
civ., 26 avr. 2000, n° 97-22560, RGDA 2000, p. 815, note A. Favre-Rochex. 19 C. assur., art. L. 140-4, al. 3, réd. loi n° 89-1014, 31 déc. 1989. 20 C. assur., art. L. 141-4, al. 3, nouv. 21
L. Mayaux, Traité de droit des assurances, Les assurances de personnes, Tome 4, 2007, n° 906 et s.. 22
Cass. 2e civ., 8 mar 2012, n° 10-27378, RGDA 2012, p. 789, note J. Bigot.
6
d’informer par écrit les adhérents, non seulement des modifications contractuelles de nature à
entraîner des modifications de garanties mais également de toute novation de leurs droits et
obligations23
. Au surplus, lorsque le régime résulte d’une décision unilatérale de l’employeur
(D.U.E), celui-ci doit, aux termes de l’article L. 911-1 du Code de la sécurité sociale, remettre
à chacun des salariés intéressés un document écrit précisant le contenu de la couverture, le
taux de cotisation et la répartition des parts patronale et salariale.
Au final, lorsque l’adhésion est obligatoire, l’adhérent n’a d’autre issue que de rester dans le
groupe, sauf à mettre fin au contrat qui l’unit au souscripteur (contrat de travail le plus
souvent). Et, quand l’adhésion est facultative, une seule alternative s’offre à lui : soit rester
dans le groupe et subir la modification, soit en sortir en dénonçant son adhésion24
; il n’est en
revanche pas possible de rester dans le groupe selon les stipulations initiales.
Mais peut-on estimer que le défaut d’information rend la modification inopposable à
l’adhérent ? L’article L. 141-4 du Code des assurances ne prévoyant aucune sanction, de
même que l’article 12 de la loi Prévoyance, il convient de s’en remettre aux décisions
jurisprudentielles qui ont davantage retenu l’inopposabilité à l’adhérent qui n’a pas consenti25
,
qu’opté en faveur de la responsabilité civile du souscripteur pour le préjudice causé à
l’adhérent du fait du défaut d’information26
. Néanmoins, cette dernière solution nous semble
plus juste car il ne s’agit pas d’informer l’adhérent en vue de solliciter son consentement. En
effet, en assurance de groupe à adhésion facultative, celui-ci n’a d’autre choix que de sortir du
groupe, alors que ce choix ne lui est même pas offert lorsque l’adhésion est obligatoire. Le
défaut d’information ne pourrait donc être à l’origine que d’une responsabilité du
souscripteur, pour le préjudice causé à l’adhérent du fait de l’impossibilité d’exercer plus tôt
la faculté de dénonciation (à supposer que dûment informé, l’adhérent serait effectivement
sorti du groupe). Le montant du préjudice pourrait alors correspondre, par exemple, au
montant des cotisations que l’adhérent n’aurait pas versées s’il avait dénoncé son adhésion, ou
aux prestations qu’il aurait pu obtenir d’un autre assureur s’il avait adhéré à une autre
assurance collective27
. Dans le cas d’une assurance à adhésion obligatoire, où la sortie du
groupe n’est pas possible, le préjudice pourrait consister dans l’impossibilité pour l’adhérent
de souscrire par ailleurs une assurance complémentaire destinée à compenser la diminution
des garanties offertes par cette assurance à adhésion obligatoire.
2) En assurance groupe à adhésion facultative et individuelle
Pour ces assurances, l’article 6 prévoit que l’assureur, ou tout autre organisme, ne peut refuser
de maintenir aux assurés le remboursement ou l’indemnisation des frais occasionnés par une
maladie, une maternité, un accident. L’assuré bénéficie donc d’une garantie viagère
immédiate dès la souscription ou l’adhésion au contrat groupe, sans modification possible de
23
Cass. soc., 4 avr. 2006, n° 04-43454. 24
C. assur., art. L. 141-4, al. 5. 25
Cass. 1re
civ., 24 févr. 2004, RGDA 2004.492, 2e esp., note L. Fonlladosa.
26 S. Abravanel-Jolly, Les sanctions de l’obligation d’information en assurance, Actes du colloque
« L’information en assurances », RGDA 2007, p. 483. 27
A supposer naturellement qu’il existe des contrats offrant de telles prestations. Une réparation intégrale ou au
moins égale à la chance perdue de trouver un autre assureur serait alors envisageable.
7
la part de l’assureur. Par conséquent, aucune dénonciation ou modification du contrat par
l’assureur, même en cas d’aggravation de risques après adhésion ou souscription, ne peut
avoir lieu28. En revanche, concernant les évolutions tarifaires, l’article 6, alinéa 3, de la loi ne
les interdit pas mais les encadre. Ainsi, s’il ne peut y avoir de révision tarifaire individuelle,
des majorations générales, concernant indistinctement tous les adhérents, peuvent être
appliquées selon l’alinéa 3, à la condition que l’assureur prouve cette hausse générale. Or, il a
été jugé que cette preuve ne peut être rapportée par la seule production de l’unique
correspondance, émanant de l’assureur, et informant l’assuré de la hausse générale29.
Le même article prévoit également qu’après l'expiration d'un délai de deux ans suivant
l'adhésion de l'intéressé, ou la souscription du contrat ou de la convention, les mêmes
dispositions sont applicables aux garanties contre les risques d'incapacité de travail ou
d'invalidité, le risque chômage et, à titre accessoire à une autre garantie, contre le risque
décès, tant que l'assuré n'a pas atteint l'âge minimum requis pour faire valoir ses droits à une
pension de vieillesse, et sous réserve des sanctions pour fausse déclaration.
En revanche, ces dispositions ne sont pas applicables aux contrats ou conventions qui
couvrent exclusivement le risque décès. Dans cette hypothèse, c’est alors l’article L. 141-4 du
Code des assurances qui trouve à s’appliquer en cas d’assurance de groupe30
, et le droit
commun du contrat d’assurance, en cas d’assurance individuelle.
Dans cette dernière situation, l’obligation légale d’information qui pèse sur l’assureur, issue
de l’article L. 112-2, alinéa 2, du Code des assurances s’applique en cas de modification du
contrat, et elle est généralisée à toutes les branches d’assurances régies par aucune disposition
particulière. Dès lors, l’assureur, débiteur d’une obligation contractuelle d’information, doit
prouver que la modification des conditions de garantie a été portée à la connaissance du
souscripteur31
, et qu’il en a été « précisément » informé32
. Le mot « précisément » indique que
l’information préalable sur la modification ne peut résulter que du respect de formalités
précises. Or, selon l'article R. 112-3 du Code des assurances, la remise de ces documents doit
être constatée par « une mention signée et datée par le souscripteur apposée au bas de la
police, par laquelle celui-ci reconnaît avoir reçu au préalable ces documents et précisant leur
nature et la date de leur remise ». Ainsi, la signature des conditions particulières par l’assuré,
28
J. Barthélémy et L. Lautrette, La garantie prestations en nature des anciens salariés au regard du système en
vigueur pour le personnel en activité, Droit Social 2008, p. 1021. 29
Cass. 2e civ., 10 juin 2004, n° 03-13503, RGDA 2004, p. 989, note L. Mayaux : seul un document émanant
pour partie d'un tiers, comme un avenant au contrat-groupe instaurant la modification tarifaire, peut remplir cet
office 30
Pour la procédure, v. II, A, 1°. 31
Cass. 1re
civ., 27 mars 2001, no 98-19.481, Bull. civ. I, n
o 82 ; RGDA 2001, p. 681.
Il en va notamment ainsi des exclusions de garantie : « Attendu qu'une clause d'exclusion de garantie doit avoir
été portée à la connaissance de l'assuré au moment de son adhésion à la police ou, tout au moins,
antérieurement à la réalisation du sinistre pour lui être opposable » : Cass. 2e civ., 11 janv. 2007, n
o 06-11.478.
De même des conditions de la garantie : Cass. 2e civ., 22 janv. 2009, n
o 07-21.530, RGDA 2009, p. 127, note
A. Astegiano-La Rizza.
Ou encore d'une clause de limitation de garantie : Cass. 2e civ., 24 mai 2006, n
o 04-18.680, Resp. civ. et assur.
2006, comm. 320 ; Cass. 2e civ., 25 févr. 2010, n
o 09-10.386, RGDA 2010, p. 301, note S. Abravanel-Jolly.
32 Cass. 2
ème civ. 8 sept. 2005, n° 04-17989, RGDA 2006, p. 155, note S. Abravanel-Jolly ; Cass. 2
ème civ., 21 avr.
2005, n° 03-19697, in H. Groutel, L’information de l’assuré : de nouvelles avancées ?, Resp. civ. et assur. 2005,
chron. 11 ; Cass. 1re
civ., 27 mars 2001, Resp. civ. et assur. 2001, comm. 206, note H. Groutel.
8
ayant reconnu avoir reçu un exemplaire des conditions générales, suffit à en démontrer la
remise avant la signature du contrat33
. Et, il a été jugé qu’une restriction de garantie imposée
par l’assureur, mais qui n’a pas été portée précisément à la connaissance du souscripteur, est
inopposable à ce dernier34
.
Parallèlement, les modifications peuvent concerner, non pas le contrat lui-même, mais les
assurés. Tel est le cas, lorsque des événements personnels (retraite, chômage, mise en
invalidité) affectent leur statut. Se trouvant privés de leur qualité d’ « actifs », ils ne devraient
plus pouvoir bénéficier du contrat prévoyance. Mais la loi en dispose autrement (B).
B) Modification du statut des assurés
En prévoyance santé, les contrats d’assurance groupe concernent des travailleurs liés à une
entreprise par un contrat de travail ou des travailleurs non salariés (TNS) bénéficiant d’un
contrat groupe mis en place par un organisme professionnel. De ce fait, les sinistres couverts
sont ceux intervenant pendant la période « active » de l’assuré. Une fois cette période
terminée, il ne devrait plus pouvoir bénéficier des garanties. C’est du moins la solution de
principe pour les assurances de groupe soumises aux articles L. 141-1 et s. du Code des
assurances. De manière particulière, la loi Evin prévoit expressément que l’ancien salarié a
droit au maintien des garanties « frais de santé » lorsque son adhésion était obligatoire par un
nouveau contrat. Dans les autres hypothèses y compris en assurance individuelle, c’est une
garantie viagère de cette même garantie qui est organisée (1). Mais dans les deux cas, les
conditions tarifaires et l’étendue des garanties maintenues ne vont pas sans poser difficultés
(2).
1) Maintien des garanties
Sur ce point particulier, la loi Evin a prévu des dispositions dérogatoires différentes selon
qu’il s’agit d’un contrat groupe à adhésion obligatoire ou d’un contrat individuel / groupe à
adhésion facultative.
Ainsi, en assurance groupe prévoyance complémentaire santé à adhésion obligatoire, l’article
4 de la loi prévoit, pour les contrats visant le remboursement des frais médicaux (les garanties
soins), la possibilité de demander, à titre individuel, le maintien de cette couverture pour les
anciens salariés, bénéficiaires d’une pension de retraite, d’une rente d’incapacité ou
d’invalidité, ou d’une allocation de chômage. La même faculté est offerte aux ayants droit de
l’assuré en cas de décès du salarié. Ce maintien n’est cependant pas automatique : l’ancien
salarié doit en faire la demande dans les six mois suivant la rupture de son contrat de travail
(ou à compter du décès pour l’ayant droit).
Une attention particulière doit être portée aux demandeurs d’emploi qui bénéficient également
d’une mutuelle complémentaire, connue sous le nom de « portabilité de la couverture santé et
33
Cass. 2e civ., 22 janv. 2009, n
o 07-19.234, RGDA 2009, p. 112, note crit. S. Abravanel-Jolly.
34 A propos d’une assurance individuelle : Cass. 2
e civ., 21 avr. 2005, n° 03-19697, préc. Dans cette affaire, la
Cour de cassation, par son arrêt du 21 avril 2005, rendu au visa des articles L. 112-2, alinéa 2 et L 112-2, alinéa
5, affirme désormais que l’absence de signature de l’avenant empêche l’assureur d’établir qu’il avait
préalablement informé l’assuré sur la nouvelle condition de garantie.
9
prévoyance 35
». Ainsi, les ex-salariés, qui perçoivent des allocations de chômage (hors contrat
de travail rompu à la suite d’une faute lourde), ont droit au maintien de toutes les garanties
santé et prévoyance (frais médicaux, incapacité de travail, invalidité, décès, dépendance)
applicables dans leurs anciennes entreprises pour une durée initialement maximale de 9 mois.
L’ANI du 11 janvier 201336
, applicable pour partie au 1er
juin 201437
, a amélioré l’ensemble
de ces dispositions en portant à 12 mois la durée de la portabilité et en la rendant gratuite pour
les demandeurs d’emploi38
. Codifiée à l’article L. 911-8 du Code de la sécurité sociale, cette
portabilité de droit n’empêche pas l’ancien salarié de demander à bénéficier ensuite de
l’article 4 à l’issue des neuf (prochainement des douze) mois. Il dispose alors des six mois
prévu légalement, à compter de la fin de cette couverture légale pour en demander
l’application39
.
Hormis pour les ayants droits de l’assuré décédé, aucune condition de durée n’est prévue pour
les anciens salariés qui bénéficient du maintien de la couverture maladie complémentaire
santé sans questionnaire médical et sans période probatoire.
Dans les systèmes à adhésion facultative comme dans les opérations individuelles, l’assuré,
s’il ne bénéficie pas de l’article 4, n’est pas pour autant privé de tout droit. Ainsi, l’article 6,
déjà évoqué, prévoit que l’assureur, ou tout autre organisme, ne peut refuser de maintenir aux
assurés le remboursement ou l’indemnisation des frais occasionnés par une maladie, une
maternité, un accident « tant que les assurés le souhaitent » et ce, sans réduction de garanties
possibles40.
Mais le maintien des garanties de l’article 4 et la garantie viagère de l’article 6 posent la
question de leur coût et étendue.
2°) Primes /Equivalence des prestations
En premier lieu, le droit au maintien des garanties des anciens salariés (article 4) ne peut se
faire au tarif initialement prévu. Les primes exigées peuvent donc être différentes de celles
initiales. Néanmoins, l’article encadre la majoration possible en prévoyant que celle-ci ne
35
Article 14 de l’Accord national interprofessionel (ANI) sur la modernisation du travail du 11 janvier 2008
(applicable au 1er
janvier 2009).
36 L’ensemble des dispositions de ce nouvel accord a été repris par la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013.
37 Ce nouveau système, codifié au nouvel article L. 911-8 du Code de la sécurité sociale, entrera en vigueur au
1er
juin 2014 pour « les garanties liées aux risques portant atteinte à l’intégrité physique de la personne ou liés à
la maternité » et au 1er
juin 2015 pour « les garanties liées au risque décès, ou aux risques d’incapacité de travail
ou d’invalidité ».
38 Le coût demandeur d’emploi est pris en charge par le régime d’assurance chômage. Originellement, le
financement du maintien de ces garanties pour tout demandeur d’emploi était assuré conjointement par l’ancien
employeur et l’ancien salarié dans les proportions et les conditions applicables aux salariés de l’entreprise ou par
un système de mutualisation défini par accord collectif. A défaut d’accord collectif, ce système de mutualisation
peut être mis en place dans les autres conditions définies à l’article L. 911-1 du Code de la sécurité sociale. 39
Article 4 de la loi Evin modifié par l’article 1er
-III de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, JO 16 juin relative à
la sécurisation de l’emploi. 40
J. Barthélémy et L. Lautrette, La garantie prestations en nature des anciens salariés au regard du système en
vigueur pour le personnel en activité, Droit Social 2008, p. 1021. V. aussi, II, A, 2°.
10
peut excéder « 50 % des tarifs globaux applicables aux salariés actifs 41 ». Malgré ce
plafonnement, les conditions tarifaires sont généralement bien plus élevées que celles du
contrat collectif. Cela s’explique par le fait que le plafond de 50 % d’augmentation fixé par la
loi ne s’applique pas au montant de cotisations payées antérieurement par l’assuré, mais au «
tarif global applicable aux salariés actifs de l’entreprise», disposition souvent interprétée par
les assureurs comme la moyenne de l’ensemble des tarifs appliqués aux salariés actifs de
l’entreprise, toutes situations confondues (en ce compris les tarifs individuels et familiaux).
Cette hausse de tarifs est mal acceptée par les assurés qui subissent souvent parallèlement une
baisse de leurs revenus (étant en état d’invalidité, de chômage, de retraite) et qui ne disposent
d’aucun moyen pour contrôler que l’organisme respecte bien le plafond de 50 % qui lui est
imposé par la loi42.
Dans le cadre de l’article 6, applicables aux contrats individuels et aux opérations collectives
facultatives, le maintien des garanties viagères s’effectue également sous un certain contrôle
légal de l’évolution tarifaire, néanmoins plus souple que celui prévu par l’article 4 puisqu’une
évolution globale est possible43
.
Or, afin de pouvoir mieux faire évoluer leurs tarifs dans le cadre d’une demande de maintien
des garanties d’un ancien salarié de l’article 4, les assureurs estimaient que, au-delà de la
première année, le contrat individuel ou de groupe (facultatif), proposé en remplacement du
contrat groupe, pouvait être soumis aux dispositions tarifaires de l’article 6. L’ACAM, elle-
même, avait repris cette solution dans son rapport de 200644. Cette solution n’a néanmoins
pas été suivie par certains tribunaux45 qui ont jugé qu’aucune limitation de durée ne peut être
invoquée pour l’application du plafonnement prévu par l’article 4, plafonnement qui reste
donc applicable au-delà de la première année de rupture du contrat de travail.
En second lieu, la question s’est posée de savoir s’il s’agissait de maintenir totalement les
garanties initiales, ou bien seulement certaines d’entre elles, intégralement ou partiellement ?
La question est expressément réglée pour la garantie viagère, l’article 6 prévoyant que le
maintien de la couverture frais de soins s’effectue « sans réduction des garanties souscrites ».
L’article 4 de la loi Evin n’est pas aussi précis et les débats parlementaires avaient estimé que
son objet était de garantir aux anciens salariés « non pas le maintien intégral et automatique
de la couverture offerte par le contrat collectif mais une couverture similaire ». Ce faisant, les
assureurs avaient considéré que les conditions de garantie offertes aux anciens salariés
pouvaient ne pas être strictement identiques à celles dont bénéficiaient les salariés. Cette
position s’appuyait sur le fait que les besoins des retraités n’étaient pas nécessairement
identiques à ceux des salariés plus jeunes. De ce fait, les assureurs proposaient un contrat
(individuel ou groupe « facultatif d’accueil »), bien souvent déconnecté du contrat de
l’entreprise. Mais, amenée à se prononcer, la Cour de cassation a estimé que les garanties
proposées aux anciens salariés doivent être les mêmes que celles dont ils bénéficiaient au sein
de leur entreprise46. Les conséquences de cette solution jurisprudentielle n’étant pas neutres
41
Décret n° 90-769, 30 août 1990, art. 1 42
Rapport ACAM 2006, p. 45. 43
Pour le détail, v. II, A, 2°). 44
Rapport ACAM, précit. 45
V. notamment TGI 13 sept. 2012. 46
Cass. 2e civ., 7 févr. 2008, n° 06-15006, Resp. civ. et assur. 2008, comm. 151.
11
vis-à-vis de l’équilibre financier des contrats collectifs, cela explique le peu d’empressement
des assureurs à proposer aux anciens salariés un contrat complémentaire santé répondant très
exactement aux dispositions de la loi. Et à cet égard, on peut également noter un déficit
d’information des employeurs qui préfèrent éviter une augmentation du coût du montant des
cotisations de la complémentaire santé des actifs et donc de la part employeur….
En revanche, lorsque le salarié sort du groupe des assurés par la rupture de son contrat de
travail ou que le travailleur non salarié dénonce son adhésion, mettant fin ainsi à la garantie
viagère qui lui est due, ils n’auront plus droit à la couverture de leurs sinistres. Mais, tous les
sinistres survenus antérieurement à cette sortie, dont les effets pourraient se prolongés, voire
naître, au-delà de cette sortie du groupe sont pris en charge par l’assureur 47 . La même
situation se produit d’ailleurs en cas extinction du contrat groupe et est source d’un abondant
contentieux.
III) Extinction du contrat prévoyance
Au-delà d’une sortie du groupe par l’assuré, c’est le contrat groupe lui-même qui peut être
amené à disparaître qu’il soit résilié ou non renouvelé. Au moment de cette extinction, les
assurés ont des droits (A). Cette extinction va également entraîner certains effets sur les
prestations restant dues par l’assureur : c’est ce que l’on appelle l’étendue de la garantie dans
le temps (B).
A) Les droits de l’assuré en cas de disparition du contrat
Lorsque le contrat groupe est résilié ou prend fin par la survenance de son terme, la
couverture de l’assureur cesse. En adhésion obligatoire, la loi Evin a cependant prévu un droit
au maintien de la couverture à titre individuel pour l’assuré (1). Un second contrat
d’assurance peut aussi succéder au premier. La question du consentement des assurés à cette
opération de succession est alors amenée à se poser (2).
1) Le droit au maintien de la couverture à titre individuel en cas de disparition du contrat
groupe à adhésion obligatoire
En cas de résiliation ou de non renouvellement du contrat groupe à adhésion obligatoire, les
salariés ont aussi droit au maintien de la couverture à titre individuel. Ainsi, à l’instar du
maintien des garanties déjà envisagé en cas de survenance d’événements personnels à
l’adhérent48, l’article 5 organise les conséquences d’une disparition d’un contrat-groupe à
adhésion obligatoire en prévoyant pour l’assuré « un droit à l’assurance individuelle auprès
de l’assureur collectif initial49
». Là-aussi, il s’agit d’une faculté, et non d’une obligation,
pour « l’ancien assuré » de demander la continuation des garanties « contre le risque décès,
les risques portant atteinte à l'intégrité physique de la personne ou liés à la maternité ou les
risques d'incapacité de travail ou d'invalidité » sans que celle-ci puisse lui être non plus
47
Pour plus de détails, v. III) B). 48
V. II, A, 1°. 49
P. Sargos, le droit au maintien des prestations et de garanties dans l’assurance de prévoyance collective, JCP
2001, I, 363, n° 23.
12
imposée. Il ne peut, là-encore, être prévu ni période probatoire, ni examen ou questionnaire
médical. Ainsi, l’assureur ne peut exclure du bénéfice du maintien des garanties les salariés
dont l’état de santé s’est aggravé depuis l’adhésion. Ces dispositions ont été étendues aux
anciens salariés bénéficiaires de la portabilité des couvertures santé et prévoyance en
application de l’article L. 911-8 du Code de la sécurité sociale50. Ce droit est garanti par un
préavis dont chaque adhérent doit être informé par l’assureur, sous peine d’engager la
responsabilité de ce dernier51
. En revanche, les parties (assureur et entreprisse souscriptrice)
sont libres de convenir du tarif applicable 52 . La mesure est opportune car les contrats
individuels sont généralement d’un coût plus élevé qu’un contrat collectif. Mais la loi précise
bien que celui-ci doit indiquer les modalités de son remplacement par un contrat individuel
(par exemple sa durée) ainsi que les nouvelles conditions tarifaires. L’assuré sera ainsi en
mesure de déterminer s’il a intérêt à demander la continuation des garanties ou, au contraire, à
changer d’assureur.
En matière d’assurance groupe à adhésion facultative et pour les contrats individuels,
l’assureur ne peut pas non plus mettre fin à sa relation contractuelle avec l’assuré comme il le
souhaite. En effet, comme déjà évoqué, en application de l’article 6, l’assuré a droit à une
garantie viagère pour les frais de soins mais aussi après une période probatoire de deux ans,
au maintien jusqu’à l’âge de la retraite de la couverture des risques d’incapacité de travail
d’invalidité de chômage et à titre accessoire d’une autre garantie, du risque décès53. Dès lors,
l’assureur ne peut plus résilier le contrat, quel que soit l’état de santé de l’assuré sauf
hypothèse de non paiement des cotisations ou de fausse déclaration intentionnelle lui
permettant de demander la nullité du contrat. En revanche, l’assuré conserve le droit de mettre
fin à son contrat ou adhésion, mais ce faisant, il renonce à ces garanties.
A ce premier contrat d’assurance peut succéder un second contrat : c’est l’hypothèse courante
du changement d’assureurs.
2) Changement d’assureurs : quel place pour le consentement des assurés ?
La décision de résiliation/souscription d’un nouveau contrat appartient au souscripteur, qui
peut vouloir à cette occasion modifier ou non son contrat. La situation ne pose pas de
difficultés particulières en assurance individuelle, souscripteur et assuré étant la même
personne. En revanche, la question est plus complexe en matière d’assurance de groupe où la
qualité de souscripteur est dévolue à une personne morale ou au chef d’entreprise, les salariés
(adhésion bien souvent obligatoire) ou travailleurs non salariés (adhésion facultative), n’étant
que les adhérents assurés à ce contrat. La question se pose alors de savoir dans quelle mesure
la désignation du nouvel assureur s’impose aux adhérents du contrat d’origine.
Lorsque l’assurance est à adhésion obligatoire, aucun choix n’étant laissé à l’adhérent, le
nouvel assureur s’impose à lui.
50
V. II, A, 1°. 51
P. Sargos, art. précit., qui estime qu’en cas de sinistre, les dommages et intérêts pourraient être très proches
des sommes dues au titre de la garantie contractuelle. Tel est au moins le cas s’il est établi que, supposé
convenablement informé, l’adhérent aurait demandé le maintien des garanties. 52
Contrairement au maintien des garanties dans les situations visées par l’article 4 de la loi Evin. 53
Art. 6, al. 4, loi n° 89-1009, du 31 déc. 1989.
13
Pour les contrats groupe à adhésion facultative, la Cour de cassation estime que la résiliation
du premier contrat est opposable de plein droit aux adhérents, « nonobstant un éventuel défaut
d’information de ceux-ci54
». Concernant le second contrat, une acceptation de l’adhérent est
nécessaire pour son adhésion. Néanmoins, une « acceptation tacite… de la notification du
changement d’assureur est concevable », qui est « éventuellement constituée par le silence
conservé par l’assuré, adhérent au contrat antérieur55 ». Dès lors l’envoi d’un chèque ou
d’une demande de prélèvement automatique n’est pas même nécessaire. Le silence, est
suffisant. Dans le même arrêt, la Cour sous-entend également que la succession de contrats
peut être contractuellement prévue. En d’autres termes, en présence d’une telle clause, une
succession automatique est concevable. L’arrêt facilite grandement le passage d’un assureur à
un autre, au moins quand il se fait à garanties constantes, le souscripteur et le nouvel assureur
n’ayant plus à faire face à la difficulté pratique d’obtenir le consentement de tous les
adhérents. En revanche, lorsque le changement d’assureurs ne se fait pas à garanties
constantes, une acceptation, au moins tacite comme par exemple par le règlement de la
cotisation majorée, est nécessaire. En cas de refus de l’adhérent d’adhérer au second contrat,
la résiliation du premier contrat leur néanmoins opposable de plein droit : ils ne seront alors
garantis ni au titre de l’ancien contrat ni au titre du nouveau.
Disparition du contrat groupe ne signifie pas pour autant que le contrat cesse de produire
certains effets : la durée du contrat et ses effets, autrement dit son étendue de la garantie dans
le temps, doivent être dissociés (B).
B) Etendue de la garantie dans le temps
La résiliation, ou le non renouvellement, du contrat de santé sont sans effet sur le versement
des prestations liées à la survenance d’un sinistre né antérieurement. Cette solution est
totalement justifiée : l’obligation de règlement à la charge de l’assureur survit à la résiliation
du contrat groupe car elle trouve son origine dans un événement survenant avant celle-ci. Ce
principe a une assise légale lorsque le contrat de prévoyance est un contrat groupe à adhésion
obligatoire. Au-delà, il est étendu par la jurisprudence à tous les contrats prévoyance
complémentaire (1).
En revanche, les sinistres, survenus postérieurement à la résiliation, ne peuvent pas être
couverts par l’assureur dont le contrat est résilié. Dès lors, en cas de changement d’assureurs,
ils devront donc être pris en charge par le nouvel assureur. Conscient des dangers d’une
rupture du contrat-groupe pour les adhérents, la « loi Evin » prévoit là-encore une hypothèse
particulière de maintien de la garantie pour les seules assurances à adhésion obligatoire visées
par l’article 2 de la loi (2).
1) Maintien du versement des prestations en cours
Dans le domaine de la prévoyance complémentaire, ce principe est repris par l’article 7
prévoyant que « lorsque des assurés ou des adhérents sont garantis collectivement contre les
risques portant atteinte à l'intégrité physique de la personne ou liés à la maternité, le risque
54
Cass. 2e civ., 23 sept. 2004, n° 03-10501 et 03-1579, RGDA 2005, p. 98, note J. Kullmann.
55 Cass. 1
re civ., 18 juin 2002, n° 01-00050, RGDA 202, p. 731, note J. Bigot, Resp. civ. et assur. comm. 343,
note G. Courtieu.
14
décès ou les risques d'incapacité ou d'invalidité, la résiliation ou le non-renouvellement du
contrat ou de la convention est sans effet sur le versement des prestations immédiates ou
différées, acquises ou nées durant son exécution ».
La jurisprudence applique le même principe en cas de rupture du contrat de travail. Ainsi, la
sortie du groupe de l’assuré, en raison d’un événement personnel56, est sans incidence et la
clause du contrat, stipulant que les prestations cessent à la date de la rupture du contrat de
travail, doit être réputée non écrite57.
L’article 7 envisage tout d’abord le maintien des « prestations immédiates ». Il s’agit d’une
prestation en cours de service au moment de la disparition du contrat. Ici, l’évènement
générateur (accident ou maladie) ainsi que ses conséquences (incapacité de travail ou
invalidité) sont survenus avant la disparition du contrat groupe. L’assureur a alors l’obligation
de maintenir ces prestations en cours parce qu’ « immédiates » à un montant au moins égal à
celui atteint lors de la résiliation du contrat58. Les revalorisations de rente59 et les majorations
d’indemnité journalières60 doivent également être appliquées.
Mais au-delà de ces prestations immédiates, l’article 7 envisage également le versement de
« prestations différées ». A priori, le terme différé semblerait remettre en cause le principe
selon lequel les risques survenus au-delà de la durée du contrat ne sont pas couverts. En
réalité, à l’intérieur des risques, il faut distinguer entre le risque simple et le risque composite.
La particularité de ce dernier est de s’étaler dans le temps. En assurances de personnes, il se
compose successivement d’un événement générateur (accident ou maladie) et de ses
conséquences incertaines (incapacité de travail, invalidité, décès).
Or, si son appréhension ne pose pas de difficultés lorsque l’ensemble des événements
surviennent avant la disparition du contrat groupe, il en est autrement lorsque les deux
événements se situent de part et d’autre de la date d’extinction du contrat. Doit-on considérer
les deux évènements comme des risques « autonomes », l’invalidité ou l’incapacité étant alors
à la charge du nouvel assureur (en cas de changement d’assureur et s’il a accepté de reprendre
« l’en cours »), ou ne s’agit-il que d’un seul et même risque, devant rester à la charge de
l’assureur initial ?
Cette question a fait l’objet d’une interprétation différente par la deuxième chambre civile et
la chambre sociale de la Cour de cassation.
Pour la deuxième chambre civile, le simple rapport de causalité entre l’événement générateur
(la maladie survenue pendant la période de validité) et l’incapacité (survenue après résiliation)
est suffisant pour justifier une prise en charge par l’assureur initial61.
La solution retenue par la chambre sociale est plus stricte : elle exige également que la
prestation devant être versée après la résiliation du contrat puisse être rattachée à une garantie
56
V. II, B). 57
Cass. soc., 18 mars 2003, n° 01-41669, RGDA 2003, p. 528, note L. Mayaux. 58
Cass. 2e civ., 30 juin 2004, n° 03-16231, Resp. civ. et assur. 2004, comm. n° 355, obs. H. Groutel.
59 Cass. 1
re civ., 29 avril 2003, n° 01-01978 ; Cass. 2
e civ., 8 mars 2006, n° 06-16854.
60 Cass. 2
e civ., 5 juin 2008, n° 07-15090.
61 Cass. 2
e civ., 17 avr. 2008, 06-45137, RGDA 2008, p. 694, note J. Kullmann, JCP éd. G 2008, II, 10112, note
L. Mayaux. Certains auteurs n’ont pas manqué de souligner qu’il ne s’agissait finalement que de la transposition
de la jurisprudence du fait générateur tel qu’appliqué en assurances de responsabilité civile. V. en ce sens, P.
Sargos, art. précit.
15
antérieure ayant donné lieu à une prise en charge de l’assureur durant la période de validité du
contrat62. A noter que c’est généralement la garantie invalidité qui est mise en jeu après la
résiliation du contrat car si l’adhérent est en arrêt de travail à la suite d’un accident ou d’une
maladie avant la disparition du contrat groupe, l’invalidité n’est souvent constatée qu’après.
Dans cette conception, la garantie invalidité pourrait être considérée comme une sorte de
continuation de la garantie incapacité de travail déclarée en cours de contrat. Elle ne serait
donc pas une garantie autonome avec un fait générateur propre. Du coup, les prestations
servies au titre de cette « seconde » garantie non autonome pourraient être considérées comme
des « prestations différées » de la première. Il s’agirait ici de prendre en considération une
logique financière et non pas seulement causaliste63.
Ces deux lignes jurisprudentielles ont plus ou moins perduré pendant un temps64. Puis, la
deuxième chambre civile a semblé se rallier à la solution de la chambre sociale65, bien que
certains arrêts postérieurs aient pu faire renaître l’hésitation66. Ce manque de lisibilité de la
jurisprudence est à déplorer et la majorité de la doctrine appelle de ses vœux un alignement
explicite de la deuxième chambre civile sur la solution de la chambre sociale. En effet, la
solution de la deuxième chambre civile met l’assureur dans une position intenable, l’obligeant
à couvrir des sinistres dont il ignore tout à l’issue du contrat. A terme, il est à craindre des
hausses de tarifs, les assureurs étant obligés d’augmenter leur provisionnement en raison d’un
dommage pouvant se manifester plusieurs dizaines d’années après l’événement67.
En revanche, la garantie de l’assureur, doit, en principe, cesser pour tous les sinistres futurs,
c’est-à-dire postérieurs à la disparition du contrat.
2) Cessation des garanties pour les sinistres futurs : un principe nuancé par la loi Evin
En droit commun du contrat d’assurance, applicable tant aux contrats individuels qu’aux
contrats groupe, la garantie n’est pas due pour les sinistres dont la survenance est postérieure
à la disparition du contrat-groupe.
Néanmoins, des aménagements ont prévus été par la loi Evin lorsque le contrat groupe est à
adhésion obligatoire. Ainsi, de manière très particulière, est envisagée l’hypothèse où un
assuré, en état d’incapacité de travail ou d’invalidité avant la résiliation du contrat-groupe,
décéderait après celle-ci. En vertu de l’article 7-1 de la loi Evin, la résiliation est alors « sans
effet sur les prestations à naître au titre du maintien de la garantie décès en cas de
survenance du décès avant le terme de la période d'incapacité de travail ou d'invalidité telle
que définie dans le contrat, la convention ou le bulletin d'adhésion couvrant le risque décès
68 ». Cette disposition, issue d’une loi n° 2001-624 du 17 juillet 2001, va à l’encontre des
solutions jurisprudentielles en vigueur. En effet, le décès ne peut être situé à une date autre
62
Cass. soc., 16 janvier 2007, n°05-43434, D. 2007, p. 1060, note G. François. 63
En ce sens, obs. L. Mayaux, précit. 64
Cass. 2ième
civ., 17 juin 2010, n° 09-15089 et 09-14865, RGDA 2010, p. 1093, note A. Astegiano-La Rizza. 65
Cass. 2ième
civ., 14 janv. 2010, n° 09-10237, RGDA 2010, p. 388 et 3 mars 2011 n° 09-14989, LEDA 2011, n°
4, comm. 59, obs. P. Casson. 66
Cass. 2e civ., 12 avril 2012, n° 11-17355, LEDA 2012, n° 6, note A. Astegiano-La Rizza.
67 En ce sens, obs. L. Mayaux, précit.
68 Cette charge pour l’assureur doit être couverte à tout moment par des provisions représentées par des actifs
équivalents ; cf. l’alinéa 2 du texte.
16
que celle où il est survenu. Dès lors, si la mort est postérieure à la résiliation du contrat-
groupe, la garantie n’est pas due, quand bien même il fait suite à une incapacité de travail
antérieure à la résiliation69
. Comme le dit la Cour de cassation, le « fait générateur de la
garantie décès ne peut être que la mort de l’assuré »70
et elle ne le considère pas comme une
« prestation différée71 ». Un décès, même consécutif à une incapacité de travail ou à une
invalidité constitue un risque autonome. Pour qu’il en en soit autrement, une disposition
légale était donc nécessaire organisant un maintien de la garantie « décès » subordonné à une
incapacité ou une invalidité antérieure à la résiliation72. Elle est néanmoins d’application
stricte. Ainsi, si l’adhérent décède après celle-ci sans avoir été auparavant en état d’incapacité
ou d’invalidité, la garantie n’est pas légalement due. Ensuite, la solution légale ne s’applique
qu’en assurance à adhésion obligatoire. Pour les autres contrats, la solution dégagée par la
jurisprudence continue de s’appliquer.
69
Cass. 1re
civ., 22 mai 2001, Bull. civ. I, n°141, Resp. civ. et assur. 2001, comm. 236, obs. H. Groutel ; Cass. 1re
civ., 29 avr. 2003, Bull. civ. I, n° 99. 70
Rapp. C. cass. 2001, RGDA 2002, p.605. 71
V. III, B, 1°. 72
Cette disposition est applicable depuis le 1er
janvier 2002 aux contrats souscrits à compter de cette date. A titre
d’exemple : c’est à l’assureur mis en place depuis le 1er
janvier 2002 de payer le captal décès dû au titre du décès
survenu en 2003 à la suite d’un placement en invalidité en 1998 et indemnisé à ce titre par l’assureur précédent
dont le contrat é été résilié avant le 1er
janvier 2002 : Cass. 2ième
civ., 10 févr. 2011, n° 10-14116. Il s’applique
également aux contrats en cours à cette date. Ceux-ci doivent alors être modifiés pour y introduire « une clause
de maintien de la garantie décès en cas d’incapacité de travail ou d’invalidité. En contrepartie de cette couverture
supplémentaire, l’organisme assureur perçoit du souscripteur une « indemnité de résiliation » (égale à la
différence entre les provisions techniques à constituer par application du dernier alinéa de l’article 7-1 nouveau
et les provisions techniques effectivement constitués) par le souscripteur à l'absence de reprise intégrale des
engagements par le nouvel assureur.