Aspects cytologiques et histologiques des arthropathies inflammatoires

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1S97 © 2007. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Ann Pathol 2007 ; 27 : 1S95-1S108 Aspects cytologiques et histologiques des arthropathies inflammatoires BERGEMER-FOUQUET AM Service d’Anatomie et Cytologie pathologiques, Hôpital Bretonneau CHRU de Tours, 37044 Tours cedex 1. L’étude cytologique du liquide articulaire (ou liquide synovial) est depuis longtemps sortie du champ exclusif de l’Anatomie et Cytologie Pathologiques (ACP) : elle intéresse en effet les Rhumatologues qui n’hésitent pas à y avoir recours eux-mêmes, au cabinet de consulta- tion ou à l’hôpital, lui reconnaissant, dans leur pratique quotidienne, outre sa grande simplicité, son utilité immédiate tant au diagnostic qu’à la prise en charge thérapeutique des arthropathies. Le clinicien y a prati- quement toujours recours avant d’envisager un prélè- vement biopsique, geste plus « agressif » pour le patient et moins immédiat à mettre en œuvre qu’une simple ponction articulaire. Les caractéristiques et rôles du liquide articulaire (LA) seront rappelés, ainsi que ses conditions de prélè- vement et de conservation, les modalités de sa prise en charge technique, puis les informations que l’on peut attendre de son examen. Nous rappellerons ensuite brièvement quelques notions macroscopiques concer- nant les prélèvements synoviaux réalisés pour examen histopathologique, ainsi que les conditions de leur prise en charge. Enfin, nous présenterons les aspects cyto- et histopathologiques proprement dits, que l’on peut ob- server au cours des affections articulaires inflammatoi- res. Nous incluons sous cette dénomination les arthrites infectieuses, — enjeu diagnostique et thérapeutique majeur —, les arthropathies métaboliques (arthropa- thies microcristallines : goutte et chondrocalcinose arti- culaire) et les rhumatismes inflammatoires (dont le chef de file est la polyarthrite rhumatoïde). Caractéristiques et rôles du liquide articulaire Les principaux rôles du LA sont d’une part de lubri- fier l’articulation (rôle mécanique lié à sa richesse en acide hyaluronique), d’autre part d’assurer la nutrition du cartilage articulaire, tissu non vascularisé (rôle mé- tabolique). Le LA est un dialysat de plasma, en conti- nuité directe avec les liquides extracellulaires du tissu synovial : il peut très rapidement se modifier, en répon- se aux diverses agressions qui touchent les articulations [1]. Dans les conditions physiologiques, ce liquide est présent en si petite quantité dans l’articulation qu’en pratique il ne peut être ponctionné. Face à une agres- sion, quelle qu’elle soit, l’articulation réagit de façon univoque par une augmentation de la quantité de liqui- de synovial présent dans la cavité articulaire, réalisant un épanchement articulaire. La ponction articulaire est réalisée dans un but dia- gnostique et thérapeutique. L’examen du LA oriente de façon assez précise vers le type de pathologie en cause, en permettant d’emblée d’envisager une patho- logie de type « inflammatoire » ou « mécanique ». Par- mi les pathologies inflammatoires, qui nous intéressent particulièrement ici, son apport diagnostique est fonda- mental au cours des arthropathies métaboliques, au cours desquelles on peut facilement mettre en évidence la présence de microcristaux caractéristiques dans le li- quide synovial. Méthodes de recueil du liquide synovial, modalités de prise en charge Le plus souvent, le liquide est obtenu par ponction d’une grosse articulation facilement accessible, comme le genou. Toutes les articulations peuvent être ponc- tionnées ; les plus difficilement accessibles peuvent né- cessiter une ponction radioguidée. L’étude complète du LA nécessite plusieurs millili- tres (ml) de liquide, ce qui est le cas la plupart du temps ; cependant, une goutte de liquide suffit pour l’examen à l’état frais. Dans tous les cas, le liquide est ponctionné et re- cueilli, dans des conditions strictes d’asepsie, dans un ou plusieurs tubes comportant un anticoagulant non cristallin (par exemple héparinate de sodium). L’ache- minement vers la structure d’ACP doit être le plus ra- pide possible, pour un examen à l’état frais. Cependant, en cas de circonstances particulières, on peut conserver l’échantillon sans dommage plusieurs heures au réfrigé- rateur (+ 4 °C). Si l’acheminement doit être différé, le tube sec hermétiquement fermé (conservé à + 4 °C) peut être envoyé par la poste, le comptage cellulaire pouvant encore être réalisé et la présence de microcris- taux détectée, à condition que le prélèvement soit par- faitement stérile [2, 3]. Examen du liquide synovial EXAMEN MACROSCOPIQUE DU LIQUIDE SYNOVIAL C’est une étape rapide et très informative [4]. On ap- précie à l’état frais la couleur, l’aspect et la viscosité du liquide, qui est « normalement » clair, incolore ou jau- ne pâle, très visqueux et qui ne coagule pas. Les liqui- des inflammatoires sont troubles ou opaques, parfois purulents, leur viscosité diminue ou disparaît, ils peu- vent coaguler en raison de leur richesse en fibrinogène [1, 2, 4]. EXAMEN MICROSCOPIQUE DU LIQUIDE SYNOVIAL Il se fait en plusieurs étapes : l’examen à l’état frais, étape essentielle et la plus riche de renseignements, puis l’examen après coloration par le May-Grünwald- Giemsa (MGG) et éventuellement après coloration par le rouge d’alizarine.

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Aspects cytologiques et histologiques des arthropathies inflammatoires

BERGEMER-FOUQUET AM

Service d’Anatomie et Cytologie pathologiques, Hôpital Bretonneau CHRU de Tours, 37044 Tours cedex 1.

L’étude cytologique du liquide articulaire (ou liquidesynovial) est depuis longtemps sortie du champ exclusifde l’Anatomie et Cytologie Pathologiques (ACP) : elleintéresse en effet les Rhumatologues qui n’hésitent pasà y avoir recours eux-mêmes, au cabinet de consulta-tion ou à l’hôpital, lui reconnaissant, dans leur pratiquequotidienne, outre sa grande simplicité, son utilitéimmédiate tant au diagnostic qu’à la prise en chargethérapeutique des arthropathies. Le clinicien y a prati-quement toujours recours avant d’envisager un prélè-vement biopsique, geste plus « agressif » pour le patientet moins immédiat à mettre en œuvre qu’une simpleponction articulaire.

Les caractéristiques et rôles du liquide articulaire(LA) seront rappelés, ainsi que ses conditions de prélè-vement et de conservation, les modalités de sa prise encharge technique, puis les informations que l’on peutattendre de son examen. Nous rappellerons ensuitebrièvement quelques notions macroscopiques concer-nant les prélèvements synoviaux réalisés pour examenhistopathologique, ainsi que les conditions de leur priseen charge. Enfin, nous présenterons les aspects cyto- ethistopathologiques proprement dits, que l’on peut ob-server au cours des affections articulaires inflammatoi-res. Nous incluons sous cette dénomination les arthritesinfectieuses, — enjeu diagnostique et thérapeutiquemajeur —, les arthropathies métaboliques (arthropa-thies microcristallines : goutte et chondrocalcinose arti-culaire) et les rhumatismes inflammatoires (dont lechef de file est la polyarthrite rhumatoïde).

Caractéristiques et rôles du liquide articulaire

Les principaux rôles du LA sont d’une part de lubri-fier l’articulation (rôle mécanique lié à sa richesse enacide hyaluronique), d’autre part d’assurer la nutritiondu cartilage articulaire, tissu non vascularisé (rôle mé-tabolique). Le LA est un dialysat de plasma, en conti-nuité directe avec les liquides extracellulaires du tissusynovial : il peut très rapidement se modifier, en répon-se aux diverses agressions qui touchent les articulations[1].

Dans les conditions physiologiques, ce liquide estprésent en si petite quantité dans l’articulation qu’enpratique il ne peut être ponctionné. Face à une agres-sion, quelle qu’elle soit, l’articulation réagit de façonunivoque par une augmentation de la quantité de liqui-de synovial présent dans la cavité articulaire, réalisantun épanchement articulaire.

La ponction articulaire est réalisée dans un but dia-gnostique et thérapeutique. L’examen du LA orientede façon assez précise vers le type de pathologie encause, en permettant d’emblée d’envisager une patho-logie de type « inflammatoire » ou « mécanique ». Par-mi les pathologies inflammatoires, qui nous intéressent

particulièrement ici, son apport diagnostique est fonda-mental au cours des arthropathies métaboliques, aucours desquelles on peut facilement mettre en évidencela présence de microcristaux caractéristiques dans le li-quide synovial.

Méthodes de recueil du liquide synovial, modalités de prise en charge

Le plus souvent, le liquide est obtenu par ponctiond’une grosse articulation facilement accessible, commele genou. Toutes les articulations peuvent être ponc-tionnées ; les plus difficilement accessibles peuvent né-cessiter une ponction radioguidée.

L’étude complète du LA nécessite plusieurs millili-tres (ml) de liquide, ce qui est le cas la plupart dutemps ; cependant, une goutte de liquide suffit pourl’examen à l’état frais.

Dans tous les cas, le liquide est ponctionné et re-cueilli, dans des conditions strictes d’asepsie, dans unou plusieurs tubes comportant un anticoagulant noncristallin (par exemple héparinate de sodium). L’ache-minement vers la structure d’ACP doit être le plus ra-pide possible, pour un examen à l’état frais. Cependant,en cas de circonstances particulières, on peut conserverl’échantillon sans dommage plusieurs heures au réfrigé-rateur (+ 4

°

C). Si l’acheminement doit être différé, letube sec hermétiquement fermé (conservé à + 4

°

C)peut être envoyé par la poste, le comptage cellulairepouvant encore être réalisé et la présence de microcris-taux détectée, à condition que le prélèvement soit par-faitement stérile [2, 3].

Examen du liquide synovial

E

XAMEN

MACROSCOPIQUE

DU

LIQUIDE

SYNOVIAL

C’est une étape rapide et très informative [4]. On ap-précie à l’état frais la couleur, l’aspect et la viscosité duliquide, qui est « normalement » clair, incolore ou jau-ne pâle, très visqueux et qui ne coagule pas. Les liqui-des inflammatoires sont troubles ou opaques, parfoispurulents, leur viscosité diminue ou disparaît, ils peu-vent coaguler en raison de leur richesse en fibrinogène[1, 2, 4].

E

XAMEN

MICROSCOPIQUE

DU

LIQUIDE

SYNOVIAL

Il se fait en plusieurs étapes : l’examen à l’état frais,étape essentielle et la plus riche de renseignements,puis l’examen après coloration par le May-Grünwald-Giemsa (MGG) et éventuellement après coloration parle rouge d’alizarine.

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Examen à l’état frais

Il permet de donner très rapidement une orientation,voire un diagnostic. Il faut déposer une goutte de liqui-de frais remis en suspension (agitation douce) sur unelame et la recouvrir d’une lamelle. L’examen microsco-pique de cette préparation doit se faire sans délai.On évalue la cellularité (polynucléaires facilementreconnaissables à leur cytoplasme granuleux), la pré-sence d’hématies, et surtout la présence de microcris-taux. Ceux-ci doivent être recherchés à l’aide d’un dis-positif à polarisation ou, à défaut, en fermant lediaphragme de luminosité (l’indice de réfraction desmicrocristaux, très différent de celui des constituantsdes cellules, les rend bien visibles).

Analyse et comptage des cellules

La numération des cellules présentes dans le liquidesynovial est effectuée sur cellule de Malassez. Puis,après cytocentrifugation, le liquide est coloré par leMGG, ce qui permet une analyse plus fine des cellulesqu’il renferme et, si le nombre de cellules est suffisant,d’en établir la formule.

Normalement, le liquide synovial renferme très peude cellules (environ 100 à 150 éléments/mm

3

en moyen-ne), essentiellement des polynucléaires neutrophiles(PNN), des lymphocytes, des macrophages et des syno-viocytes [1, 2]. Morphologiquement, il est pratiquementimpossible en pratique de distinguer de façon certaineles synoviocytes des cellules de la lignée monocyte-macrophage [2].

Coloration au rouge d’alizarine S

C’est une coloration peut être indiquée dans certainscas [5]. Ce colorant, mis en présence de calcium, formeau contact de celui-ci une laque rouge, biréfringente enlumière polarisée. La technique consiste à utiliser lerouge d’alizarine S en solution à 2 % dans de l’eaudistillée à pH 4,1-4,3 (ajusté avec de l’ammoniaque di-

luée). Cette solution est filtrée sous vide sur filtre milli-pore (0,22

μ

m) et conservée à l’abri de la lumière (solu-tion brun-acajou). On en dépose une goutte, aprèsl’avoir de nouveau filtrée (seringue sur laquelle estmonté un filtre millipore de 0,22

μ

m), sur une lame(propre), à côté d’une goutte de liquide articulaire.Puis on recouvre le tout d’une lamelle, sans mélangerles deux gouttes. On recherche ensuite, dans la zone decontact entre les deux gouttes, la présence d’une colo-ration rouge, correspondant à des amas arrondis, rou-ges, biréfringents en lumière polarisée. Il faut examinerdans le même temps la lame comportant liquide arti-culaire et rouge d’alizarine et une lame témoin necomportant qu’une goutte de solution de rouge d’aliza-rine recouverte d’une lamelle (elle ne doit montreraucun dépôt). Il est nécessaire d’observer au moins unamas par champ au fort grossissement (X 400) et dedisposer d’une lame témoin négative, pour considérercette recherche comme positive. Cette méthode pré-sente quelques difficultés : si la préparation de la solu-tion est relativement simple, il s’agit d’un examen quin’est pas totalement reproductible et qui nécessite unecertaine habitude [5, 6].

Corrélations cyto-pathologiques

L’examen du liquide articulaire permet d’établir descorrélations entre les types de LA et les catégoriesd’arthropathies [7].

Le

tableau I

résume les types de liquides en fonctionde leur cellularité, le

tableau II

les correspondances en-tre les types de liquides et les catégories d’arthropa-thies [1, 2, 7]. On peut en distinguer quatre grandsgroupes :

— les arthropathies non inflammatoires : 1 à 3.10

3

élé-ments/mm

3

(prédominance d’éléments mononucléés),— les arthropathies inflammatoires non infectieu-

ses : 3 à 50.10

3

éléments/mm

3

(> 50 % de PNN),

TABLEAU I. – Les grands types de liquides articulaires en fonction de leur cellularité.

Liquide Nombre de cellules/mm3 % polynucléaires neutrophiles

Hémorragique Sang (< 5.103 leucocytes)

Non inflammatoire (« mécanique ») 1-3.103 ≤ 30

Inflammatoire 3-50.103 ≥ 50-70

Septique (purulent) 50-300.103 ≥ 90

TABLEAU II. – Correspondances entre les principales arthropathies et les grands types de liquides articulaires.

Hémorragique Non inflammatoire Inflammatoire non infectieux Inflammatoire purulent

Syndrome hémorragique, hémophilie Arthrose Polyarthrite rhumatoïde* Arthrite septique/infectieuse

Traumatisme, fracture Traumatisme Arthropathies microcristallines Tuberculose

Synovite villonodulaire Ostéonécrose Arthropathies microcristallines

Hémangiome Ostéochondrite disséquante

Ostéochondromatose

* et autres rhumatismes inflammatoires

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— les arthrites inflammatoires infectieuses (septi-ques), à LA purulent : 50 à 300.10

3

éléments/mm

3

(> 90 % de PNN),— et les arthropathies hémorragiques (LA sanglant).En pratique, même si la cellularité du LA peut varier,

très peu de liquides « mécaniques » renferment plus de10

3

éléments/mm

3

, très peu de liquides « inflammatoi-res » renferment moins de 10

3

éléments/mm

3

, ce quia fait proposer d’établir le seuil de 10

3

éléments/mm

3

comme frontière entre liquides « inflammatoires » et« mécaniques » [2, 7].

C’est dans l’étude des liquides « inflammatoires » quel’examen cytologique du liquide articulaire va apporterle plus d’éléments d’orientation ou permettre de poserun diagnostic, en particulier au cours des arthropathiesmétaboliques. La cellularité du liquide et surtout lepourcentage de polynucléaires neutrophiles refléte-raient le degré d’activité inflammatoire de la maladie :au-delà de 80 % de polynucléaires neutrophiles, ils’agit d’une inflammation « active », en-deçà, d’une ac-tivité inflammatoire plus faible ou d’une phase de réso-lution ; au-dessus de 90 % de polynucléaires neutrophi-les, le diagnostic d’arthrite septique doit être le premierenvisagé [2].

Macroscopie et modalités de prise en charge d’un prélèvement de synoviale

L’étude macroscopique de la synoviale apporte desrenseignements intéressants, parfois assez spécifiques,comme la présence de plages blanches crayeuses, tra-duisant une incrustation tissulaire microcristalline.La couleur de la synoviale peut également orienter :brun-rouille (hémarthrose, synovite villonodulaire),gris-jaunâtre (réaction périprothétique), gris-noir (mé-tallose), plages noires (synoviorthèse à l’acide osmi-que)… Une hyperplasie des franges est observée quelque soit le mécanisme pathologique ; d’intensité et derépartition très variables, elle n’est pas spécifique ettraduit le mode de réaction assez univoque de la syno-viale à toute agression ; elle plus importante en casd’arthropathie inflammatoire. On observe rarement dupus franc (arthrite septique). La présence de dépôts defibrine, blanchâtres, oriente plutôt vers une pathologieinflammatoire, mais peut accompagner une pousséearthrosique. Les modifications macroscopiques de lasynoviale sont très hétérogènes et alternent avec deszones d’aspect habituel : si la pièce adressée est volumi-neuse, il ne faut pas hésiter à multiplier les prélèvementset bien sûr les diriger sur les lésions macroscopiques.

Qu’il s’agisse d’une biopsie ou d’une pièce de synovec-tomie, la fixation préalable du prélèvement ne gêne passon examen macroscopique ni sa prise en charge usuelle.L’orthopédiste ou le rhumatologue aura déjà réalisé unprélèvement destiné à l’étude bactériologique (systéma-tique). Le fixateur à recommander est le formol neutreou tamponné, en bannissant les fixateurs acides. En ef-fet, ceux-ci peuvent dissoudre les éventuels dépôts calci-ques présents au sein de la synoviale, donc gêner, voireempêcher, l’interprétation histologique.

Après inclusion en paraffine, les techniques histopa-thologiques sont les mêmes que pour d’autres tissus.On peut parfois être obligé de pratiquer de nombreuxniveaux de coupe pour parvenir à mettre en évidenceune lésion focale (granulome, corps étranger, …).

Quel que soit le processus pathologique en cause, ladestruction des surfaces articulaires qui en résulte setraduit par la résorption de microséquestres ostéo-cartilagineux (situés à la surface ou dans les axes desfranges synoviales) : cette lésion histologique n’estdonc pas spécifique (pour ne pas alourdir l’exposé, ellene sera plus mentionnée, mais peut être présente danstous les cas envisagés).

L’indication majeure de la biopsie synoviale est la

monoarthrite

, afin de ne pas passer à côté d’une infec-tion articulaire bactérienne, qui conduirait à des altéra-tions irréversibles des structures articulaires si elle étaitméconnue [8].

L

ES

INFECTIONS

ARTICULAIRES

Les liquides d’arthrites infectieuses ou septiques à laphase d’état sont troubles ou puriformes, très cellulai-res, avec dans presque 90 % des cas 50.10

3

à 10

5

élé-ments/mm

3

[2, 4]. Les polynucléaires neutrophiles, in-constamment altérés, constituent l’essentiel des cellules.Le nombre de cellules n’est d’aucune aide pour distin-guer entre pyogènes, tuberculose ou brucellose [2]. Autout début de certaines arthrites infectieuses, au coursdes infections d’évolution torpide ou « décapitées » parune antibiothérapie à l’aveugle, les cellules sont moinsnombreuses, ce qui peut faire errer le diagnostic avecune arthrite rhumatismale [2]. Cependant, un pourcen-tage important (> 80-90 %) de polynucléaires doit tou-jours faire évoquer ce diagnostic, même si le nombretotal de cellules est peu élevé [2, 9]. Au-delà de 10

5

élé-ments/mm

3

, surtout s’il y a plus de 90 % de PNN, lediagnostic d’arthrite à pyogènes est quasi-certain [2, 7,9]. Des chiffres intermédiaires peuvent être constatésau cours de diverses affections, en particulier les rhu-matismes inflammatoires. Il n’est pas rare d’observerdes liquides puriformes au cours d’arthropathies micro-cristallines en poussée. Ces variations ne diminuentaucunement la valeur de l’examen du liquide articulai-re, mais doivent toujours rappeler que cet examen doitêtre corrélé à l’ensemble du tableau. C’est finalementl’étude bactériologique du liquide (toujours couplée àl’examen cytologique) qui tranche et permet de porterun diagnostic de certitude.

Au cours des

arthrites aiguës à pyogènes

(arthritessuppurées), la biopsie synoviale montre des ulcérationsétendues de la couche bordante (destruction du revête-ment synociocytaire) ; en regard, le tissu conjonctif desfranges prend l’aspect d’un tissu de granulation trèsinflammatoire et riche en PNN ; il existe des exsudatsfibrineux riches en PNN plus ou moins altérés [10]. Lacoloration de Gram peut permettre d’identifier desgermes [11]. Ce tableau bruyant et typique n’est pastoujours observé, en particulier au cours des

arthritesd’évolution prolongée

, ou lorsqu’elles ont été décapitéespar un traitement inapproprié : le diagnostic d’arthritebactérienne est alors difficile. On retrouve les ulcéra-tions de la couche bordante, le bourgeon charnu, ici

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plus fibreux, mais peu d’infiltrats inflammatoires, es-sentiellement lymphoplasmocytaires [10].

Autres infections articulaires

La

tuberculose

entraîne une ostéo-arthrite rapide-ment destructrice. Le LA n’a pas de spécificité (prédo-minance de PNN, rarement de lymphocytes) [12, 13].On observe des lésions d’ostéite et de synovite granulo-mateuses giganto-épithélioïde, avec ou sans nécrosecaséeuse, souvent riches en fibrine (qu’il est parfois dif-ficile de distinguer de la nécrose caséeuse). Rarement,on peut mettre en évidence les BAAR après colorationde Ziehl (formes exsudatives). Les

mycobactéries atypi-ques

peuvent entraîner des lésions très polymorphes :tous les intermédiaires peuvent être observés entrelésions non spécifiques (aspect d’arthrite septique) etlésions tuberculoïdes [14]. Au cours d’une

arthrite bru-cellienne

, la mise en culture du LA ne permet pas tou-jours de faire le diagnostic [15]. De même, au sein de lasynoviale, on peut observer des lésions inflammatoiresnon spécifiques, ou parfois une inflammation polymor-phe et granulomateuse (granulomes épithélioïdes), as-sociée à une intense hyperplasie des franges et du revê-tement synoviocytaire.

Les cultures de tissu synovial peuvent permettred’identifier le germe, même si celles du LA sont restéesnégatives [11]. L’identification des germes peut égale-ment être facilitée par la présence d’ADN bactérien ausein de la synoviale [16].

Cas particuliers

Les

arthrites et ténosynovites à piquants

(épine végé-tale, épine d’oursin) peuvent associer à des degrés va-riables des lésions non spécifiques, d’origine septique,liées à l’inoculation intra-articulaire directe de germeslors de la piqûre, et une réaction granulomateuse aucontact du piquant (granulome à corps étranger ou gra-nulome épithélioïde). La mise en évidence du piquantpeut être difficile et nécessiter de nombreuses coupes.La présentation peut être celle d’une monoarthritechronique, les troubles persistant tant que le corpsétranger n’a pas été enlevé en totalité [17, 18].

Une

arthropathie préexistante

peut se surinfecter,spontanément ou après inoculation directe (ponction,infiltration) : on observe une association des lésions in-fectieuses et de celles de l’arthropathie [19]. Il peutexister des aspects « pseudoseptiques » après certainstraitements locaux (infiltrations, viscosupplémentation)[20].

Une

prothèse articulaire

peut se compliquer d’infec-tion, celle-ci devant être évoquée devant la présence dePNN au sein de la réaction périprothétique (exposé FLarousserie).

La

maladie de Lyme

, liée à une infection à spirochète(

Borrelia burgdorferi

) transmise par piqûre de tique,peut être responsable de tableaux très trompeurs, dontdes monoarthrites. L’étude sérologique et les culturespermettent d’en faire le diagnostic. On peut obtenir legerme par culture de tissu synovial, voire le mettre enévidence par colorations appropriées (imprégnationsargentiques) [21]. La synoviale est inflammatoire, avecdes dépôts fibrineux, des aspects proches de ceux

observés au cours des rhumatismes inflammatoireschroniques, et une microangiopathie oblitérante res-semblant à celle de la syphilis [21, 22].

Les

mycoses

de localisation articulaire sont rares etdéterminent les mêmes lésions inflammatoiresqu’ailleurs : il faut y penser, en particulier chez les im-munodéprimés [23].

L

ES

ARTHROPATHIES

MÉTABOLIQUES

(

OU

MICROCRISTALLINES

)

Elles sont essentiellement représentées par la goutteet la chondrocalcinose articulaire.

C’est pour leur diagnostic que l’examen du LA mon-tre toutes ses qualités de précision et rapidité. La cel-lularité du LA peut être très variable, les chiffres lesplus élevés étant observés au cours des accès aigusde goutte, pouvant atteindre 300.10

3

éléments/mm

3

(moyenne 15.10

3

éléments/mm

3

) [2]. Entre les accès,des chiffres proches de 10

3

éléments/mm

3

peuvent êtreconstatés [2, 24]. En général, la cellularité des liquidessynoviaux de chondrocalcinose articulaire (moyenne5.10

3

éléments/mm

3

) est nettement inférieure à celledes liquides de goutte [2, 7], mais il existe de très im-portantes variations vraisemblablement en rapportavec le moment où est effectuée la ponction par rap-port à l’accès aigu : des ponctions à distance des accèsaigus sont moins cellulaires [7]. Les microcristaux sontassez faciles à repérer et à identifier, mais leur présen-ce, étant donné la fréquence des arthropathies micro-cristallines, ne doit pas faire éliminer l’éventualitéd’une autre arthropathie associée (infection surtout,mais aussi rhumatisme inflammatoire).

La recherche de microcristaux est réalisée à l’étatfrais sur une goutte de LA entre lame et lamelle, enfermant plus ou moins le diaphragme de luminosité eten examinant la préparation en lumière polarisée(LP) : les cristaux d’urate de sodium (goutte) et depyrophosphate de calcium dihydraté (PPCD) sont biré-fringents. On les retrouve plus facilement après cyto-centrifugation, qui les concentre.

La goutte

On retrouve toujours dans le liquide articulaire detrès nombreux microcristaux d’urate de sodium. Leurscaractéristiques permettent de les identifier facilementdès l’examen à l’état frais : ils sont très fins, mesurent 2à 20

μ

m de long, ont une forme d’aiguille, avec des ex-trémités effilées. En lumière polarisée, ils sont très bi-réfringents. Au cours de la crise aiguë, le liquide esttrès inflammatoire, comportant une majorité de poly-nucléaires neutrophiles ; les cristaux d’urate, alors trèsnombreux, sont essentiellement intra-cellulaires. Si unexamen à l’état frais ne peut être réalisé, on peut les re-chercher sur une préparation sèche (goutte de liquidesynovial déposée sur une lame). La coloration par leMGG peut, dans certains cas, les altérer, car ils sont so-lubles dans l’eau, c’est pourquoi l’examen à l’état fraisreste indispensable.

L’examen histologique de la synoviale peut retrouverdes tophus, dépôts pâles, à bords hérissés, où les micro-cristaux dissous ont laissé leur empreinte, leur donnant

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un aspect finement peigné caractéristique. Ils s’entou-rent souvent d’une réaction macrophagique. Leur as-pect est similaire à celui qu’ils ont dans d’autres locali-sations. Certains auteurs ont décrit des techniquessimples (éosine alcoolique au lieu d’éosine aqueuse)permettant de conserver les microcristaux sur les cou-pes histologiques de prélèvements fixés en formol puisinclus en paraffine [25], tandis que d’autres préfèrentune fixation dans l’alcool et la pratique de coupes blan-ches montées examinées en lumière polarisée [26].

La chondrocalcinose articulaire

Les cristaux de PPCD sont présents dans la synovialeet/ou le cartilage. Leur libération dans l’articulation en-traîne des accès aigus pseudo-goutteux avec épanche-ment articulaire. Le liquide synovial, un peu moins cel-lulaire qu’en cas d’accès goutteux, est alors riche enmicrocristaux de forme rectangulaire ou losangique(parallélépipède), plus larges que les cristaux d’urate,mesurant de 2 à 10

μ

m de long. Ils sont intra- et extra-cellulaires, biréfringents en LP (un peu moins que lescristaux d’urate), résistant bien aux techniques de colo-ration (MGG). Même lorsqu’ils sont peu nombreux, ilest facile de les voir en lumière polarisée [2, 6, 7].

Les dépôts microcristallins de PPCD sont de taille etd’abondance très variables au sein d’un prélèvement desynoviale, qu’il convient donc d’échantillonner large-ment, surtout dans les zones d’aspect crayeux. Ils sontpâles ou grisâtres et sont constitués d’une multitude demicrocristaux, dont on repère facilement la silhouetteen faisant varier l’ouverture du diaphragme. Ils peu-vent s’accompagner d’une résorption macrophagique etgiganto-cellulaire. L’examen en LP, à condition que leprélèvement n’ait pas été fixé en milieu acide, permetde les mettre facilement en évidence, car ils sont égale-ment biréfringents. La fréquence de cette affection estélevée dans la population de plus de 60-70 ans, aussidoit-on rechercher des lésions associées, en particulierune infection à germes banals.

Il existe des formes d’arthropathies microcristallinesmixtes, associant les deux types de dépôts microcristallins.

Les arthropathies à phosphate de calcium (arthropathies à hydroxyapatite)

Moins fréquentes que les précédentes, les arthropa-thies à phosphate de calcium réalisent un tableaud’arthropathies destructrices s’accompagnant souventde calcifications tendineuses multiples, pouvant s’asso-cier à des arthrites inflammatoires. Celles-ci sont liées àla présence de microcristaux de phosphate de calciumprésents sous différentes formes dans la cavité articu-laire (le plus souvent hydroxyapatite) [6]. Il s’agit de

microcristaux non visibles en microscopie optique, enraison de leur petite taille (0,1 à 0,2

μ

m). La microsco-pie électronique est la méthode de référence pour lesmettre en évidence, mais cette méthode est coûteuse,longue, ne pouvant évidemment pas être utilisée enroutine [27]. Le moyen simple, immédiat et peu coû-teux de les mettre indirectement en évidence est la co-loration au rouge d’alizarine S, que l’on effectue, enl’absence de microcristaux de PPCD, sur le liquide frais(cf. supra).

Le

tableau III

résume les principales caractéristiquesdes microcristaux intra-articulaires les plus fréquents.

L

ES

RHUMATISMES

INFLAMMATOIRES

CHRONIQUES

Le type en est la polyarthrite rhumatoïde (PR).D’autres pathologies entrent dans ce cadre, comme lesspondylarthropathies (spondylarthrite ankylosante,rhumatisme psoriasique, arthrites réactionnelles…),pour ne citer que les principales.

Au cours des rhumatismes inflammatoires, comme laPR, le nombre total de cellules dépasse souvent3.10

3

éléments/mm

3

; pratiquement aucun liquide nerenferme moins de 103 éléments/mm3 [7]. Cependant, lacellularité est très variable puisque, en poussée aiguë,un liquide synovial de polyarthrite rhumatoïde peutrenfermer jusqu’à 50.103 éléments/mm3 (moyenne 104),tandis qu’à distance d’une poussée, les chiffres peuventrester assez bas (5.103 éléments/mm3) [2]. Les polynu-cléaires neutrophiles sont presque toujours la popula-tion cellulaire prédominante. Il n’y a aucune spécificitédu LA pour l’un ou l’autre des rhumatismes inflamma-toires. Les épanchements au cours de la PR et des arth-rites réactionnelles en poussée semblent les plus riche-ment cellulaires.

La biopsie de synoviale au cours des rhumatismes in-flammatoires chroniques est réalisée lorsque la présen-tation ou l’évolution de la maladie ne sont pas typi-ques : c’est le cas des monoarthrites [8]. Le diagnosticanatomo-pathologique entraînera en effet une prise encharge radicalement différente en cas de PR ou d’infec-tion articulaire. L’anatomopathologiste est l’un des in-tervenants du diagnostic ; on attend de lui qu’il puisseorienter le rhumatologue, surtout en pratique qu’il éli-mine une infection.

Les lésions histologiques typiques de la synoviale aucours de ces pathologies sont représentées par :

— une hyperplasie importante des franges et du re-vêtement synoviocytaire (plus de trois couches de syno-viocytes) ;

— associée à une hyperplasie des vaisseaux syno-viaux ;

TABLEAU III. – Caractéristiques des microcristaux du liquide synovial au cours des arthropathies métaboliques.

Type de microcristaux Aspect à l’état frais Aspect en lumière polarisée Rouge d’alizarine MGG

Urate de sodium Effilés, en aiguille Biréfringents – +/–

PPCD* Parallélépipédiques Biréfringents + +

Phosphates de Ca++ (hydroxyapatite) Invisibles – + –

* : pyrophosphate de calcium dihydraté

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— et à un infiltrat inflammatoire lymphoplasmocy-taire superficiel, dense, à renforcement nodulaire périvas-culaire, s’accompagnant parfois de véritables centres ger-minatifs au sein des amas lymphoplasmocytaires [11].

Ces lésions peuvent décrire un spectre étendu ens’associant de façon très variable avec :

— des dépôts fibrineux ou fibrinoïdes et/ou desPNN, ceux-ci étant surtout présents au cours des pous-sées inflammatoires évolutives, et souvent assez nom-breux dans les arthrites réactionnelles, pouvant alorsposer de difficiles problèmes diagnostiques avec unearthrite septique ;

— de petites érosions de la couche bordante syno-viocytaire.

Au fil du temps ou entre les poussées, la synoviale estpeu ou pas inflammatoire. C’est seulement au coursde la PR que l’on peut observer de véritables nodulesrhumatoïdes au sein de la synoviale (mains, pieds).Ces lésions peuvent atteindre toutes les structurescomportant du tissu synovial (articulaire ou des gainestendineuses (ténosynovites), bourses séreuses). Ellesne sont pas spécifiques d’un type de rhumatisme in-flammatoire donné. Ainsi depuis 1987, les critères utili-sés pour le diagnostic de PR sont surtout cliniques etne retiennent plus la biopsie synoviale [28].

Dans certains cas, le diagnostic d’arthrite inflamma-toire peut être délicat, surtout si l’inflammation estmodérée, avec une arthrite infectieuse torpide ou déca-pitée (cf. supra) ou une arthrose en poussée. Certainsauteurs ont ainsi tenté de quantifier les lésions de lasynoviale pour déterminer un « score » de synovite enattribuant des points à différentes lésions histologiques.L’un des derniers travaux publiés proposait un gradede 0 à 3 pour chaque item (hyperplasie synoviocytaire,cellularité des franges, infiltrats inflammatoires), lasomme des trois nombres déterminant trois classes(0-1 : pas de synovite, 2-4 : synovite de bas grade, 5-9 :synovite de haut grade). Un score ≥ 5 — synovite dehaut grade — permettait de porter le diagnostic de sy-novite rhumatismale (sensibilité 61,7 %, spécificité96,1 %) [29]. Le problème du diagnostic des « synovitesde bas grade » et des arthrites infectieuses n’est cepen-dant pas résolu. Il faut toujours, ici comme ailleurs, quel’anatomopathologiste puisse confronter ses observa-tions au contexte clinique (et biologique).

Citons les aspects particuliers des rares biopsies syno-viales au cours des rhumatismes des entérocolopathies(Crohn avec lésions « non spécifiques » ou granuloma-teuses) ou de la sclérodermie (sclérose concentriquepérivasculaire, pas d’hyperplasie, peu d’inflammation).

Certains auteurs ont proposé d’utiliser sur les biop-sies synoviales des techniques d’immunohistochimie,soit dans le but de prédire le caractère agressif et l’évo-lution de la PR, soit pour classer l’arthrite (entre PR etautres arthrites rhumatismales), ces techniques sont ac-tuellement encore du domaine de la recherche [11].

Au total, les renseignements fournis par l’étude du li-quide articulaire et des prélèvements de synoviale sontfacilement obtenus grâce à des techniques simples deroutine, le premier apportant rapidement et à peu defrais des éléments fondamentaux pour la prise en chargeimmédiate du patient, les seconds permettant de mettre

en évidence d’éventuelles lésions histologiques caracté-ristiques. Dans tous les cas, la cytopathologie, l’anato-mie pathologique et la bactériologie viennent se complé-ter afin de ne pas méconnaître une infection articulaire.

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Synoviale et prothèses

LAROUSSERIE F, ADAM J

Service d’Anatomie et Cytologie Pathologiques, Groupe Hospitalier Cochin-Saint-Vincent de Paul, 27 rue du Faubourg Saint-Jacques, 75674 Pariscedex 14 et Faculté de Médecine Paris Descartes.

Les prothèses totales de genou et de hanche ont unedurée de vie limitée, variable selon les individus. Après10 ans, moins de 10 % des prothèses nécessitent unremplacement [1]. La cause la plus fréquente de descel-lement de la prothèse est aseptique par réaction in-flammatoire aux débris d’usure prothétique ou parmauvaise fixation initiale. L’infection est devenue rareen raison de la meilleure gestion du risque septique.

Les matériaux les plus couramment utilisés pour lesprothèses sont des alliages métalliques (acier inoxyda-ble, chrome-cobalt, titane, pour la pièce fémorale), lepolyéthylène (pour les cotyles artificiels) et les céra-miques (tête fémorale et/ou cotyle), moins utilisées àprésent. Les prothèses peuvent être scellées à l’aide deciment (polyméthylmétacrylate).

Lors de la mise en place d’une prothèse, le tissu os-seux dans lequel est placé le corps étranger subit desmodifications nécrotiques post-traumatiques. Ce tissuosseux nécrosé est résorbé et remplacé par un tissu fi-breux dit « tissu d’interposition », situé entre la pro-thèse et l’os pré-existant ou entre le ciment et l’os pré-existant. Dans un second temps, sous l’effet des contrain-tes mécaniques, le remodelage osseux va aboutir àl’ostéo-intégration de la prothèse ou du ciment péri-prothétique. Le facteur essentiel d’une ostéo-intégrationréussie est la bonne fixation initiale de la prothèse.

Le remodelage osseux autour de la prothèse est habi-tuellement hétérogène. Les examens radiologiquesmontrent l’alternance de territoires ostéo-intégrés etd’ostéolyse. Pour améliorer l’ostéo-intégration, certai-nes prothèses métalliques sont recouvertes de micro-cristaux d’hydroxyapatite ou présentent une surfaceirrégulière. En ce qui concerne les prothèses totalesd’humérus proximal avec membre supérieur ballant(par exemple après résection de l’extrémité supérieurepour pathologie tumorale sans conservation du muscledeltoïde), le processus d’ostéo-intégration ne peut avoirlieu en raison de l’absence de contraintes mécaniquessur le segment osseux. Les phénomènes d’ostéolyseprédominent alors sur l’ostéoformation et peuventaboutir à une lyse totale de l’os.

Des ostéolyses massives sont parfois observées aucontact d’une prothèse totale de hanche. Elles peuvent

se manifester par un syndrome pseudo-tumoral déve-loppé autour de la prothèse et s’étendant dans les par-ties molles [2].

Le tissu d’interposition est rarement communiquépour étude anatomo-pathologique. Cependant, l’étudede la néosynoviale, qui n’est pas responsable en elle-même du descellement, apporte des éléments diagnos-tiques importants. Le principal objectif de son examenest de déterminer la cause du descellement de prothè-se : granulome aux débris d’usure prothétique ou infec-tion locale. L’étude anatomo-pathologique systémati-que des synoviales et capsules au cours de la mise enplace d’une prothèse totale de genou ou de hanche pré-sente un intérêt limité. En effet, il existe une très bonneconcordance entre le diagnostic pré-opératoire, basésur les données cliniques, biologiques et d’imagerie, etle diagnostic anatomo-pathologique et bactériologique,comme l’ont montré de nombreuses études [3].

L’examen macroscopique d’une néosynoviale oud’une néocapsule est informatif. Le tissu synovial nor-mal est adipeux ou fibro-adipeux ; le tissu capsulaireest dense, blanchâtre, parfois translucide. Les néosyno-viales ou néocapsules correspondent le plus souvent àun tissu blanchâtre d’aspect fibreux. Leur surface estle plus souvent plane et lisse, sans franges synovialesvisibles. Dans le cas d’une infection, la surface peutprésenter un aspect irrégulier et hémorragique. Ungranulome aux débris d’usure prothétique peut êtreobservé sous la forme de foyers jaunâtres au sein dutissu fibreux. Dans le cas d’une métallose, le tissu estgrisâtre ou noirâtre selon l’abondance des particulesmétalliques.

L’échantillonnage des prélèvements doit être soigneuxcar les lésions de la synoviale sont souvent hétérogènesd’un territoire à l’autre. La synoviale peut être incluse àplat, ce qui permet son analyse en quasi-totalité.

Débris osseux

La présence de débris osseux n’a pas de valeur dia-gnostique dans le cadre du remplacement d’une pro-thèse. Elle est liée au geste chirurgical de résection