Articles sur les Cycles dans les Cahiers Théosophiques

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Articles sur les Cycles dans les Cahiers Théosophiques 1 Sur les Cycles, les articles avec les titres et les numéros de Cahiers Théosophiques sont : - « Impressions cycliques, leur retour et notre évolution » - W.Q. Judge - (Cahier Théosophique n°89) - « A propos des cycles » - W.Q. Judge (Cahier Théosophique n°144) - « Le cycle nouveau » - H.P. Blavatsky (Cahier Théosophique n°116) - « Le cycle qui s’achève » - W.Q. Judge (Cahier Théosophique n°91) _____________________ IMPRESSIONS CYCLIQUES, LEUR RETOUR ET NOTRE EVOLUTION 1 Monsieur le Président, Amis Théosophes, Mesdames et Messieurs, Le titre de ce dont je vais vous entretenir est : IMPRESSIONS CYCLIQUES, LEUR RETOUR ET NOTRE EVOLUTION. Tout d'abord qu'est-ce qu'un cycle ? Cela n'a rien à voir avec le mot psychique et je regrette d'avoir à le préciser mais j'ai entendu certaines personnes répéter ce matin le titre en disant « psychique » au lieu de « cyclique » : peut-être pensaient-elles qu'il s'agit de la même chose ou qu'il existe quelque rapport avec le mot « psychique ». Le mot « cyclique » provient du mot grec Kuklos, un anneau. Ce mot a pris en anglais la forme de cycle, en prononçant Kykle puis cycle. Le mot correspondant en sanscrit est Kalpa qui a, en fait, un sens plus étendu et plus profond ; en anglais ce mot englobe plusieurs cycles et devient source de confusion quand on l'emploie. Il est utilisé pour les cycles restreints et pour les cycles plus vastes, les cycles intermédiaires et les grands cycles ; alors que le mot Kalpa signifie et implique seulement un cycle de grande dimension, les cycles plus petits étant désignés par d'autres mots. 1 Qu'est-ce qu'un cycle ? C'est un cercle, un anneau ; cependant, à proprement parler, ce n'est pas un anneau semblable à une alliance qui tourne sur elle-même ; mais un cycle ressemble plutôt à un pas de vis qui prend la forme d'une spirale et qui, après avoir commencé par le bas, tourne sur lui-même et monte. C'est comme le grand tournant en fer à cheval du chemin de fer de Pennsylvanie. Là, vous faites le tour de la courbe au point le plus bas ; vous pénétrez au fond du fer à cheval, et tandis que vous tournez, la pente monte, de sorte que lorsque vous parvenez au côté opposé, vous n'avez pas été plus loin que le commencement, mais vous vous êtes élevés juste de la distance qui sépare les deux extrémités de la pente. Mais qu'entendons-nous par un cycle en Théosophie, dans nos recherches sur la nature, sur l'homme, ou sur la civilisation, ou bien sur notre développement, sur notre origine, ou sur notre destinée ? Par cycles, nous voulons dire précisément ce que les Egyptiens, les Hindous et les philosophes du Moyen Age entendaient par ce terme, à savoir qu'il y a un retour périodique, ou retour d'un cycle, une fois de plus, retour d'un cycle de quelque chose, d'un endroit quelconque. C'est pourquoi on l'appelle cycle, attendu qu'apparemment il revient sur lui-même ; mais dans la doctrine théosophique et dans les anciennes doctrines, il y a toujours une élévation dans le sens de la perfection ou du progrès. Comme le soutenaient les Egyptiens, les cycles règnent partout, les choses reviennent, il y a un retour des événements, l'histoire recommence, et c'est ainsi qu'en ce siècle, nous citons cet adage : « l'histoire se répète ». Mais où, selon les Théosophes, prévaut cette loi 1 Conférence de W. Q. Judge à la Convention de la Section Américaine de la S.T., le 25 Avril 1892. Traduction du texte publié dans le U.L.T. Pamphlet N° 24.

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Sur les Cycles, les articles avec les titres et les numéros de Cahiers Théosophiques sont : - « Impressions cycliques, leur retour et notre évolution » - W.Q. Judge - (Cahier Théosophique n°89) - « A propos des cycles » - W.Q. Judge (Cahier Théosophique n°144) - « Le cycle nouveau » - H.P. Blavatsky (Cahier Théosophique n°116) - « Le cycle qui s’achève » - W.Q. Judge (Cahier Théosophique n°91)

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IMPRESSIONS CYCLIQUES, LEUR RETOUR ET NOTRE EVOLUTION1

Monsieur le Président, Amis Théosophes, Mesdames et Messieurs,

Le titre de ce dont je vais vous entretenir est : IMPRESSIONS CYCLIQUES, LEUR RETOUR ET NOTRE EVOLUTION. Tout d'abord qu'est-ce qu'un cycle ? Cela n'a rien à voir avec le mot psychique et je regrette d'avoir à le préciser mais j'ai entendu certaines personnes répéter ce matin le titre en disant « psychique » au lieu de « cyclique » : peut-être pensaient-elles qu'il s'agit de la même chose ou qu'il existe quelque rapport avec le mot « psychique ». Le mot « cyclique » provient du mot grec Kuklos, un anneau. Ce mot a pris en anglais la forme de cycle, en prononçant Kykle puis cycle. Le mot correspondant en sanscrit est Kalpa qui a, en fait, un sens plus étendu et plus profond ; en anglais ce mot englobe plusieurs cycles et devient source de confusion quand on l'emploie. Il est utilisé pour les cycles restreints et pour les cycles plus vastes, les cycles intermédiaires et les grands cycles ; alors que le mot Kalpa signifie et implique seulement un cycle de grande dimension, les cycles plus petits étant désignés par d'autres mots.

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Qu'est-ce qu'un cycle ? C'est un cercle, un anneau ; cependant, à proprement parler, ce n'est pas un anneau semblable à une alliance qui tourne sur elle-même ; mais un cycle ressemble plutôt à un pas de vis qui prend la forme d'une spirale et qui, après avoir commencé par le bas, tourne sur lui-même et monte. C'est comme le grand tournant en fer à cheval du chemin de fer de Pennsylvanie. Là, vous faites le tour de la courbe au point le plus bas ; vous pénétrez au fond du fer à cheval, et tandis que vous tournez, la pente monte, de sorte que lorsque vous parvenez au côté opposé, vous n'avez pas été plus loin que le commencement, mais vous vous êtes élevés juste de la distance qui sépare les deux extrémités de la pente.

Mais qu'entendons-nous par un cycle en Théosophie, dans nos recherches sur la nature, sur l'homme, ou sur la civilisation, ou bien sur notre développement, sur notre origine, ou sur notre destinée ? Par cycles, nous voulons dire précisément ce que les Egyptiens, les Hindous et les philosophes du Moyen Age entendaient par ce terme, à savoir qu'il y a un retour périodique, ou retour d'un cycle, une fois de plus, retour d'un cycle de quelque chose, d'un endroit quelconque. C'est pourquoi on l'appelle cycle, attendu qu'apparemment il revient sur lui-même ; mais dans la doctrine théosophique et dans les anciennes doctrines, il y a toujours une élévation dans le sens de la perfection ou du progrès. Comme le soutenaient les Egyptiens, les cycles règnent partout, les choses reviennent, il y a un retour des événements, l'histoire recommence, et c'est ainsi qu'en ce siècle, nous citons cet adage : « l'histoire se répète ».

Mais où, selon les Théosophes, prévaut cette loi 1 Conférence de W. Q. Judge à la Convention de la Section Américaine de la S.T., le 25 Avril 1892. Traduction du texte publié dans le U.L.T. Pamphlet N° 24.

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cyclique ? Nous disons qu'elle prévaut partout. Elle prévaut dans chaque règne de la nature, dans le règne animal, dans le monde minéral, dans le monde des humains, dans l'histoire, dans le ciel, sur la terre ; nous disons que non seulement les cycles appartiennent à la terre et à ses habitants, qu'ils sont en rapport et règnent sur eux et en eux, mais qu'ils prévalent aussi dans ce que les Hindous appellent les trois royaumes de l'univers, les trois mondes : celui qui est en dessous de nous, nous-mêmes et celui qui est au-dessus de nous.

Maintenant, si vous voulez bien consulter Buckle, un grand écrivain de l'école anglaise, vous verrez ce qu'il dit dans un de ses livres classiques, un livre important souvent cité. Il dit que, sans aucun doute, la loi cyclique prévaut en ce qui concerne les nations, qu'elles sont revenues apparemment identiques avec seulement une légère amélioration, ou bien avilies, car il y a aussi un cycle descendant inclus dans les cycles ascendants. Mais Buckle n'a pas découvert de loi. Une fois de plus il a seulement dit ce que les anciens avaient dit et redit. Et il m'a toujours semblé que si Buckle et les autres personnes de son genre accordaient plus de crédit aux anciens, ils s'épargneraient beaucoup d'ennuis, car il a découvert sa loi en fouillant beaucoup, après un travail méticuleux, alors qu'il aurait pu la découvrir en consultant les anciens qui ont toujours enseigné l'existence des cycles et leur pérennité.

Les anciens connaissaient un nombre considérable d'importants et vastes cycles. Dans leur classification figuraient un Saros et un Naros dont nous ne comprenons pas le sens aujourd'hui. On les connaît jusqu'à un certain point, mais ce qu'ils sont

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exactement on ne le sait pas. Les Egyptiens ont enseigné qu'il y avait un grand cycle sidéral et c'est un fait enfin reconnu aujourd'hui. Il s'agit du cycle de 25.000 ans, du grand cycle déterminé par la course du soleil à travers les signes du Zodiaque pendant cet intervalle de temps. Bien sûr, je n'aurai pas la présomption de penser que vous ne connaissez rien en astronomie ; cependant pour l'expliciter, il vaut mieux que j'expose à nouveau ce point aussi simplement que possible. Comme les aiguilles de l'horloge marquent l'heure, de jour en jour et d'année en année, le soleil parcourt les signes du Zodiaque ; mais en même temps il régresse lentement. En traversant cette période, il revient de nouveau au même point, prend du retard ou rétrograde. C'est ce qu'on appelle la précession des équinoxes et cela fait un certain, nombre de secondes, pendant une période donnée. Ces secondes dans le ciel prises dans le cycle du temps vous montrent que le soleil prend 25.000 et quelques années pour revenir à l'endroit d'où il est parti à un moment donné. Autrement dit, si vous imaginez que le 1er Avril de cette année, le soleil était à un certain degré du Bélier, l'un des signes du Zodiaque, il ne reviendra pas à ce signe dû à la précession des équinoxes avant que 25.000 ans ne se soient écoulés.

Maintenant, le soleil est le centre de notre système solaire et la terre tourne autour de lui et si la terre tourne, elle tourne également autour de son axe. Cela est connu aujourd'hui des astronomes, le soleil tourne autour d'un centre, comme le savaient aussi les anciens (qui, en fait, étaient nous-mêmes). Cela veut dire que, tandis que nous tournons autour du soleil, celui-ci tourne autour de quelque autre centre, de sorte que ce n'est pas un cercle que nous

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décrivons dans le ciel autour du soleil, mais une spirale, tandis que nous nous déplaçons avec le soleil autour de son énorme orbite. Saisissez-vous exactement cette idée maintenant ? C'est une idée très importante car elle ouvre de larges perspectives sur le sujet. Quelque part dans le ciel il y a une étoile, nous ne savons pas où ; certains pensent qu'il s'agit d'Alcyone, ou de quelque autre étoile ; d'autres pensent qu'il pourrait s'agir d'une étoile des Pléiades, d'autres encore croient qu'il est question d'une étoile quelque part ailleurs ; mais en tout cas ils savent par déduction, allant du connu vers l'inconnu, et comme Frère Thomas vous l'a dit ce matin, que le soleil est lui-même attiré par quelque centre inconnu et qu'il tourne autour de celui-ci en formant un cercle énorme, et tandis qu'il tourne, il entraîne la terre avec lui. Au cours des 25.000 années dans sa course autour des signes du Zodiaque, il amène forcément la terre dans Ides espaces où elle n'a encore jamais été, car lorsqu'il atteint ce point dans le Bélier après 25.000 ans, c’est seulement apparemment le même point, exactement comme lorsque j'ai fait le tour du fer à cheval. Je commençai autour du premier point et tournai autour de la courbe et revins au même point, mais j'étais plus haut, j'étais dans une autre position. De même, quand le soleil rétrograde au point situé

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dans le Bélier, où il était le premier avril de cette année, il ne sera pas dans une position identique dans l'univers de l'espace, mais il sera quelque part ailleurs, et dans son voyage de 25.000 années à travers des billions de billions de milles, il entraîne la terre dans des espaces où elle n'avait jamais été auparavant et cette dernière ne sera jamais absolument identique à la terre qu'elle fut. Il doit l'entraîner dans des espaces cosmiques où les choses sont différentes, qui provoquent ainsi des

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changements dans la terre elle-même, car les changements dans la matière cosmique de l'atmosphère, dans l'espace où le soleil entraîne la terre, doivent affecter la terre et tous ses habitants. Les anciens ont. fait des recherches sur ce sujet et ont depuis longtemps confirmé ce cycle de 25.000 ans, mais ce n'est que très récemment que nous commençons à déclarer que nous l'avons, pour ainsi dire, découvert. Nous savons, d'après les astronomes du dix-neuvième siècle, que c'est un fait ou que cela doit en être un, par déduction, mais ils savaient que c'était un fait parce qu'ils l'avaient observé eux-mêmes et qu'ils avaient enregistré leurs observations.

Comme nous, les Egyptiens connaissaient aussi le cycle de la Lune, mais ils en connaissaient davantage, car la Lune n'a pas seulement son cycle de vingt-huit jours quand elle change depuis la pleine rune jusqu'à sa disparition pour réapparaître de nouveau, mais elle accomplit, à partir d'un point quelconque, une révolution périodique de quatorze ans ; qui, elle-même, doit avoir quelque influence sur la terre.

Ils ont également dit que l'âme humaine avait ses cycles qui étaient de 5.000 ans. Est-ce à dire que l'homme ou le roi, une fois mort, on a transformé son corps en momie dans l'espoir que lorsque son cycle de 5.000 ans serait écoulé et qu'il reviendrait une fois de plus sur la terre, il retrouverait son corps momifié ? Pas du tout, mais cela veut dire que personne d'autre ne devrait avoir utilisé ses atomes momifiés en en faisant un mauvais usage. Nous expliquons la momification d'une autre manière. Leur connaissance de la loi des cycles les pousse à faire la première momie. Ils pensaient que

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l'âme humaine revient ; ils tenaient aussi pour vrai que tous les atomes sont vivants, chose que nous disons aussi, que ce sont des points sensibles, qu'ils ont une intelligence appartenant au plan sur lequel ils opèrent, et que l'homme faisant un mauvais usage des atomes de matière, comme ceux que vous avez dans vos corps et dans vos cerveaux, doit en subir les conséquences. En raisonnant ainsi, ils concluaient : « Si je meurs et abandonne ces atomes dont j'ai fait un si bon usage, peut-être quel qu’autre homme les prendra et en fera un mauvais usage, c'est pourquoi je veux les préserver autant que possible jusqu'à mon retour, puis par un certain processus je détruirai leur combinaison, les absorberai en quelque place ou état où ils pourront être bien utilisés ». De nos jours, ceci peut paraître choquant, mais je ne fais que répéter la théorie. Je ne dis pas que j'y crois ou que je n'y crois pas.

Les anciens Egyptiens qui avançaient ces théories ont disparu et n'ont laissé que les Pyramides, les temples de. Thèbes, les Sphinx et tous les grands monuments que nous découvrons progressivement. Où ont-ils été ? Sont-ils revenus ? Est-ce que ce sont les Coptes maintenant en Egypte qui les représentent ? Je ne pense pas, bien que l'on veuille tout expliquer par l'hérédité. Les Coptes sont-ils leurs descendants ? Ils ne connaissent absolument rien, si ce n'est un simple langage et ils vivent une vie d'esclaves et pourtant ils seraient les descendants d'anciens Egyptiens ! Qu'est-il donc advenu d'eux ? Nous pensons que, dans l'ancien temps, les Egyptiens collaboraient avec les Hindous, et que leur cycle persiste ; autrement dit, il reste leurs descendants, gardiens en partie de la connaissance de leurs ancêtres et nous découvrons que les Hindous ont

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toujours observé les mêmes théories, quant aux cycles, que les Egyptiens. Ils divisaient les âges du monde en périodes : ils disaient que la manifestation commence et qu'elle dure alors le temps d'une période appelée un Kalpa, nombre considérable d'années ; que le Kalpa est divisé en âges. Le petit cycle est composé d'un grand 'nombre d'années ; l'un sera de quatre mille, un autre de quatre cent mille, un autre sera d'un million et ainsi de suite, faisant un total que nous ne pouvons pas saisir mentalement mais que nous pouvons noter sur le papier.

L'idée de cycles nous vient des Hindous, retransmise par les nations qui se sont propagées à partir de l'Hindoustan, berceau reconnu de la race. La race aryenne se laissa gagner par le Christianisme, de sorte que nous trouvons les Chrétiens, les Romains, les Grecs et tous les peuples vivant à peu près à cette époque soutenant les

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mêmes théories sur les cycles. La loi cyclique prévaut donc partout. Nous la trouvons chez les anciens mystiques, les mystiques chrétiens, les mystiques du moyen âge et les mystiques d'époques plus récentes.

Si vous lisez les travaux de Higgins qui écrivit l'Apocalypsis, vous y trouverez des compilations et des recherches laborieuses sur le sujet des cycles : ont-ils une influence ? Est-ce qu'un cycle peut vraiment affecter la destinée humaine ?

Venons-en à notre propre vie personnelle : nous pouvons voir que les cycles prévalent et doivent prévaloir, car, le soleil se lève le matin, se dirige vers le centre du ciel, et descend à l'ouest. Le jour suivant, il fait la même chose et si vous le suivez, vous vous levez, vous parvenez au point culminant de votre activité, puis vous allez dormir. Ainsi, le jour succède à la nuit et la nuit succède au jour. Ce sont des

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cycles, des petits cycles, mais ils en forment de plus grands. Vous venez au monde, vers sept ans vous commencez à avoir du jugement, encore quelque temps et vous atteignez l'âge adulte, puis vous commencez à décliner, et enfin vous terminez le grand jour de votre vie quand le corps meurt.

En considérant la nature, nous trouvons aussi qu'il y a l'été et l'hiver, le printemps et l'automne. Ce sont des cycles et chacun d'eux affecte la terre avec les êtres humains qui s'y trouvent.

La doctrine ésotérique dont Frère Mead nous a entretenus, la doctrine secrète des théosophes du passé et des théosophes d'aujourd'hui, que l'on peut trouver dans toute la littérature et les vieux livres du passé traitant de religion, est que la loi des cycles est la loi suprême gouvernant notre évolution ; que la réincarnation dont nous avons tant parlé est ure loi cyclique en activité et elle est suprême. Car qu'est-ce que la réincarnation si ce n'est la renaissance (le retour à la vie), justement ce que les anciens Egyptiens enseignaient et dont nous découvrons la véracité, car il n'est d'autre moyen que cette loi cyclique de réincarnation pour faire comprendre les problèmes de la vie qui nous assaillent. Ceci explique notre propre caractère, chacun différent de l'autre et une force particulière à chaque personne.

Telle est la loi suprême, nous devons en considérer une autre, en rapport avec celle-ci et contenue dans le titre que j'ai adopté. C'est la loi du retour des impressions. Que voulons-nous dire par là ? Je veux dire que ces actes et ces pensées accomplis par une nation (mis à part les choses qui affectent la nature, bien que cela soit gouverné par la même loi) constituent une impression. Par exemple, votre

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venue à cette assemblée engendre dans votre nature une impression. Votre sortie dans la rue et la vue que vous avez de l'animation de la rue engendrent une impression. Vous avez eu une querelle la semaine passée et vous avez dénoncé un homme ou vous vous êtes disputé avec une femme et vous vous êtes mis en colère, tout cela crée une impression en vous ; cette impression est sujette à la loi des cycles autant que la lune, les étoiles et le monde et elle est beaucoup plus importante en ce qui touche votre développement, votre développement personnel ou votre évolution, que toutes ces autres grandes choses qui vous affectent globalement alors que les petites choses vous affectent dans leurs détails.

Cette doctrine théosophique sur les cycles et l'évolution de la race humaine est, je pense, connue de vous tous car je suppose que vous êtes tous des théosophes.

On peut la décrire à peu près de cette façon : imaginez qu'avant que la terre ne sortît de l'état gazeux, existait déjà dans l'espace une terre, appelons-la lune, car c'est la théorie exacte. La lune était jadis un grand corps vital, peuplé d'êtres. Elle a vécu sa vie, subit ses cycles et pour finir, ayant vécu sa vie, après que de grands âges se furent écoulés, vint le moment où elle dut mourir, autrement dit, le moment vint sur cette terre où les êtres durent la quitter, car elle était arrivée au terme de sa période, et alors l'exode commença pour elle. Vous pouvez l'imaginer comme un envol d'oiseaux migrateurs. Avez-vous jamais vu des oiseaux migrateurs ? J'en ai vu émigrer d'une manière que peu d'entre vous ont pu voir. En Irlande et peut-être en Angleterre, les hirondelles émigrent d'une façon très particulière. Quand j'étais enfant, j'avais coutume d'aller

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dans la localité de mon oncle où il y avait un vieil amoncellement de ruines en pierre au fond du jardin et, par un singulier concours de circonstances, c'est là que les hirondelles de toutes les régions avoisinantes se rassemblaient. La façon dont elles se réunissaient était la suivante : quand venait le moment, vous pouviez les voir arriver de tous les coins du ciel pour s'installer volontiers sur ce tas de pierres, gazouillant toute la journée et voletant de-ci de-là. Quand venait le soir, au crépuscule, elles s'élevaient d'un bloc et formaient un énorme cercle d'environ quarante pieds de diamètre. Ce cercle d'hirondelles tournoyait dans le ciel, volait autour de la tour, plusieurs fois, pendant une heure ou deux, gazouillant bruyamment. Et cela attirait de partout les hirondelles qui avaient probablement oublié le rendez-vous. Elles répétaient ce vol plusieurs jours de suite, jusqu'au moment où elles devaient partir et elles s'en allaient, certaines restant en arrière, quelques-unes arrivant à l'avance, ou bien trop tard. D'autres oiseaux émigrent de façon différente. Les oiseaux humains que nous sommes émigrèrent de la lune vers cet endroit où la terre se forma (j'ignore où, disons qu'il s'agit d'un point dans l'espace) et ils s'y établirent comme des êtres vivants, des entités, sans corps, mais des êtres, dans cette masse dé matière, à ce point de l'espace, en lui insufflant la vie et finalement en transformant cette terre en un globe peuplé d'êtres. Puis les cycles commencèrent à prévaloir, les impressions faites sur nos pères, lorsqu'ils vécurent dans l'ancienne civilisation de la lune (l'esprit ne peut entrevoir combien elle est ancienne), revinrent à nouveau quand ils atteignirent cette terre. Ainsi, nous trouvons les races de la terre s'élevant et chutant, s'élevant et chutant à nouveau, s'élevant et retombant, et, enfin parvenant à ce qu'elles

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sont maintenant, qui n'est rien comparé à ce qu'elles seront, car elles s'élèvent sans cesse. Telle est la théorie, vue de façon large et elle inclut la théorie des races, des sept grands races qui ont occupé la terre successivement, des sept grands Adam qui ont peuplé la terre ; et enfin, quand cette terre aura achevé sa vie, son temps, tous les êtres qui s'y trouvent, s'envoleront vers quelque autre point dans l'espace afin d'élaborer de nouveaux mondes à l'exemple des frères aînés qui ont fait la même chose auparavant dans d'autres espaces de la nature. Nous ne le faisons pas aveuglément. D'autres l'on fait auparavant. Personne ne sait quand cela commença. Cela ne ressemble en rien à un commencement et n'aura pas de fin, mais il y a toujours des frères aînés de la race qui survivent. Comme certains l'ont écrit, nous ne pouvons faire revenir en arrière le cours des cycles. Le feu du patriotisme ne peut prévaloir contre la destinée supérieure qui plongera une nation dans les ténèbres. Tout ce que nous pouvons faire se bornera à la modifier quelque peu ici et là. Les frères aînés sont soumis à la loi, mais ils ont confiance et espoir, car la loi signifie seulement qu'ils semblent descendre de manière à s'élever à nouveau encore davantage. De sorte que par la loi des cycles, nous nous sommes élevés des royaumes les plus bas de la nature. Cela veut dire que nous sommes liés par une fraternité immense qui ne comprend pas seulement les blancs de cette terre, les noirs de cette terre et les jaunes, mais aussi le règne animal, le règne végétal, le règne minéral et le royaume des élémentaux invisibles. Vous ne devez pas être égoïstes au point de supposer qu'elle ne comprend que les hommes et les femmes. Elle comprend chaque chose, chaque atome dans ce système solaire. Et nous nous élevons à partir de formes

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inférieures et apprenons comment façonner et mouler la matière, usant et abusant d'elle ; comment imprégner cette matière qui tombe sous notre responsabilité, qui pénètre nos corps, nos cerveaux et notre nature psychique, afin qu'elle progresse et soit utilisable par nos cadets qui sont encore en dessous de nous, peut-être dans le caillou que nous foulons aux pieds. Je ne veux pas dire qu'un être humain est présent dans ce caillou mais qu'il n'y a pas de matière morte où que ce soit, que chaque atome dans cette pierre contient une vie, inintelligente, sans forme mais potentielle et qu'il viendra un moment dans le temps, bien au-delà de notre compréhension, ou tous ces atomes dans cette pierre seront libérés. La matière elle-même aura été affinée et enfin tout ce qui est contenu dans ce grand cycle de progrès aura été porté aux degrés les plus élevés de l'échelle, de façon à ce que d'autres encore en bas, dans un état que nous ne pouvons pas comprendre, aient la possibilité de venir jusqu'à eux.

Voici la théorie exacte. Est-ce de la superstition ? Si vous en croyez les journaux, c'est de la superstition car ils déformeront tout ce que vous dites. Vos ennemis diront que vous avez raconté qu'il y a un homme dans cette pierre et que vous avez été une pierre... Vous n'avez pas été une pierre mais la grande monade, le pèlerin qui vient d'autres mondes, a été dans chaque pierre, dans chaque royaume et a atteint maintenant la condition d'homme pour montrer soit qu'il est capable de continuer à être un homme, ou qu'il tombera une fois de plus, comme

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l'enfant à l'école qui refuse d'apprendre et que l'on fait descendre dans la classe inférieure.

Maintenant, nous pouvons illustrer de cette

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façon cette loi des impressions dont j'ai parlé : si vous regardez l'une de ces lumières électriques, ne vous occupez pas des autres, regardez-en une seule afin d'obtenir une impression plus forte, vous découvrirez que la lumière produit une image sur la rétine, et si vous fermez vos yeux vous y verrez ce brillant filament de lumière produit par un charbon dans une lampe incandescente. Vous pouvez essayer et voir par vous-mêmes. Si vous conservez vos yeux fermés et observez attentivement, vous verrez l'image revenir un certain nombre de fois à intervalles réguliers, cela se renouvellera, puis disparaîtra pendant le même laps de temps et reviendra encore, changeant chaque fois légèrement mais reproduisant toujours l'image du filament jusqu'à ce qu'enfin vienne le moment où cela semblera disparaître parce que d'autres impressions l'auront effacée ou recouverte. Cela signifie qu'il y a un retour, même sur la rétine, de l'impression de ce filament. Après la première fois, la couleur se modifie avec chaque image et elle revient aussi à des intervalles réguliers, montrant qu'il y a un retour cyclique de l'impression sur la rétine et comme Frère Thomas l'a dit ce matin, si cela se produit à un endroit, cela se produit partout. Si nous faisons des investigations dans l'aspect moral de notre caractère, nous y trouvons la même chose, car, telles les marées de l'océan soi-disant expliquées par la lune, ce qui à mon avis n'explique pas le phénomène, mais bien entendu comme je ne suis pas un scientifique mes vues n'ont pas beaucoup de poids, de même dans l'homme, nous avons des marées que l'on appelle retour de ces impressions : ce qui veut dire que si vous faites une chose une fois il y aura une tendance à ce qu'elle se répète ; si vous la faites deux fois, cela doublera son influence, il y aura une tendance plus forte à faire la

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même chose à nouveau, et ainsi de suite. Tout dans notre caractère montre ce retour constant de l'impression cyclique.

Nous recevons ces impressions de chaque point de l'espace, de chaque expérience vécue, de chaque chose qu'il nous est donné de vivre à n'importe quel moment, même certaines de ces choses que nos ancêtres ont connues. Et ce n'est pas injuste pour la bonne raison que nos ancêtres ont fourni la lignée de l'enveloppe corporelle et que nous ne pouvons y pénétrer que parce que nous sommes semblables. Pour cette raison, nous avons dû être dans le passé de la même lignée ou famille en un point de ce cycle, de sorte que j'ai dû, dans le passé, me mêler de l'élaboration de la lignée familiale particulière dans laquelle j'existe maintenant et je prends sur moi, une fois de plus, l'impression cyclique qui m'échoit en retour.

Or, en tant qu'individus particuliers ceci a la plus grande influence qui puisse peser sur notre évolution et c'est le seul moyen par lequel je souhaite aborder la question de l'évolution ici : je ne vise pas à traiter la vaste question de l'évolution de l'univers mais celle de notre propre évolution, notre vie physique, conformément à ce qu'a si souvent dit Madame Blavatsky, répétant en cela les anciens, et comme nous le trouvons dit par tant de membres de la même école. Une occasion de faire quelque chose se présente à vous, vous ne la saisissez pas ; l'occasion peut ne pas se représenter avant cent ans. C'est pour vous le retour de quelque ancienne chose qui était bonne, si bonne elle était, conformément à la directive des cycles. Vous la négligez, comme vous en avez le droit, et la même occasion reviendra, pensez-vous, mais elle peut ne pas se représenter

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pendant de nombreux siècles. Elle peut ne pas revenir jusqu'à une autre vie, mais elle reviendra selon la même loi.

Prenons maintenant un autre cas. J'ai un ami qui essaie de découvrir tout ce qui touche à la théosophie et ce qui est du domaine psychique, mais je me suis aperçu qu’il ne prête pas la moindre attention au sujet du retour inévitable sur lui-même de ces impressions qu'il crée. J'ai découvert qu'il avait des périodes de dépression (et ceci est valable pour tout le monde), lorsqu'il subissait un découragement qu'il ne s'expliquait pas. Je lui ai dit, vous avez subi le même découragement, il y a sept semaines environ, peut-être huit, peut-être cinq ? Il a examiné son agenda et fait appel à sa mémoire et il a découvert qu'il avait de réelles récidives de découragement à intervalles réguliers. Bon, lui ai-je dit, voilà qui m'explique comment cela revient. Mais que dois je faire ? Paire ce que les théosophes ont enseigné de tout temps. Nous ne récolterons de bons résultats qu'en engendrant des impressions

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contraires à celles qui sont mauvaises. Voyons un peu cette occasion de dépression. Qu'aurait dû faire mon ami ? Puisqu'il s'agissait du retour d'une impression ancienne, il aurait dû s'obliger à être joyeux, même contre sa volonté, et, si cela s'avérait impossible, alors essayer de participer à la joie des autres. En agissant ainsi, il aurait implanté en lui-même une autre impression, celle de la joie ; lorsqu'à nouveau cet état dépressif serait revenu, au lieu d'être de la même sorte et de la même portée, il aurait été changé par l'impulsion de joie ou d'exaltation et les deux choses agissant de pair, se seraient mutuellement neutralisées, exactement comme deux boules de billard qui se rencontrent tendent à neutraliser les mouvements de chacune d’entre elles. C'est ce qui arrive à toute

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personne qui a le cafard. Ce n'est pas mon cas et cela est dû, je crois, au fait que dans quelque autre vie j'ai déjà eu le cafard. J'ai d'autres ennuis, d'autres tourments, mais le cafard jamais.

J'ai des amis et des connaissances qui ressentent ces périodes de découragement. C'est le retour d'anciennes impressions cycliques ou le retour cyclique d'impressions. Que devez-vous faire ? Certains disent : je m'assieds simplement attendant que ça passe. Autrement dit, vous vous en tenez-là, le créant une fois de plus. Vous ne pouvez pas l'effacer lorsqu'elle s'est déjà présentée, mais au moment où elle se présente entreprenez quelque chose de différent, suscitez la joie en vous, soyez bon pour quelqu'un, puis essayez de secourir quelque autre personne abattue et vous aurez engendré une autre impression qui reviendra au même moment. Que vous atten-diez un jour ou deux pour le faire ne change pas grand-chose. Le lendemain ou quelque jours plus tard, peu importe, car lorsque l'ancienne impression cyclique sera de retour, elle entraînera dans son élan la nouvelle, grâce au rapport d'association qui existe entre elles.

Ceci a trait à la question de la civilisation. Qui sommes-nous ? Où allons-nous ? D'où venons-nous ? Je vous ai dit que les anciens Egyptiens ont disparu. Si vous faites des recherches dans l'histoire Egyptienne, la plus intéressante parce que la plus voilée, vous trouverez, comme le disent les auteurs, que la civilisation semble s'élever d'un seul coup au zénith. Nous ne saisissons pas quand elle a commencé. La civilisation était si grande qu'il lui a fallu exister pendant une énorme période de temps pour parvenir à une telle apogée, de sorte que nous ne pouvons pas remonter à sa source. Brusquement, nous

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la voyons disparaître du ciel. Il n'en reste rien que les énormes vestiges, témoignages de ces grandes réalisations. Les anciens Egyptiens, non seulement préparaient les momies, excellant dans l'art de les bander, inimitable pour nous, mais ils s'étaient tellement spécialisés dans chaque détail qu’il nous faut admettre que de nombreux siècles antérieurs à leur civilisation se sont écoulés. Il y avait parmi eux un spécialiste d'un œil, un spécialiste de l'autre, un spécialiste du sourcil, etc... Selon, mon très humble avis, nous sommes les Egyptiens.

Nous voici de retour à nouveau, après notre cycle de cinq mille ans ou de je ne sais combien d'années, ayant ramené avec nous une certaine race dite sémite. Nous sommes en rapport avec elle à cause de quelque impression ancienne dont nous ne pouvons nous débarrasser et ainsi nous sommes imprégnés de cette même image sémitique. Nous avons entraîné avec nous, par l'inévitable loi d'association dans le retour cyclique, une race, des personnages, liés à nous par quelques-uns de nos actes dans cette grande et ancienne civilisation maintenant disparue et nous ne pouvons nous en débarrasser. Nous devons les élever jusqu'à quelque autre plan à mesure que nous nous élevons nous-mêmes.

L'Amérique, je crois, est la preuve évidente du retour de cette ancienne civilisation, car selon la théorie théosophique, rien ne se perd. Si nous n'avions à notre disposition que des archives, des monuments, etc... ils disparaîtraient bientôt et rien ne pourrait jamais être retrouvé. Il n'y aurait jamais de progrès. Mais chaque individu dans sa civilisation, où qu'elle soit, enregistre les archives en lui-même et lorsqu'il réalisera les circonstances favorables, décrite par le sage hindou Patanjali et

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qu'il obtiendra l'instrument, il fera réapparaître les anciennes impressions. Selon les anciens, tout acte a une pensée sous-jacente et chaque pensée engendre une impression mentale ; lorsque se présentera l'instrument voulu, surgira cette nouvelle condition quant au rang, à la place et aux caractéristiques.

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Ainsi nous retenons en nous-mêmes l'impression de tout ce que nous avons fait. Quand vient le moment du retour du cycle, maintes et maintes fois, peut-être au cours des époques moyenâgeuses, en Angleterre, en Allemagne, en France, nous arrivons finalement à un environnement tel que nous le trouvons ici, exactement celui qui physiquement et d'une autre façon nous permet de bien agir et permettra à ceux qui viendront après nous de faire de même. Je les vois presque ; les voici qui arrivent en rangs serrés des pays du vieux monde pour tâcher de faire progresser celui-ci, car ici aussi, il y a bien des âges, existait une civilisation ; peut-être en faisions-nous partie alors ? Peut-être était-elle antérieure à celle des anciens Egyptiens ? Elle a disparu d'ici. Quand ? Nous n'en savons rien et il en est resté cette terre aride pendant de nombreux millénaires jusqu'à ce qu'elle soit à nouveau découverte par les Européens. L'ancien monde, je veux dire l'Europe, a été empoisonné, la terre a été imprégnée par les émanations, polluée par les émanations des gens qui y ont vécu ; l'air au-dessus est par conséquent empoisonné par les émanations se dégageant de la terre ; mais ici, en Amérique, endroit approprié à la race nouvelle, se trouve une terre arable qui a eu le temps, maintes et maintes fois, de détruire les poisons qui y avaient été répandus il y a bien des âges. Elle fournit une nouvelle terre, avec des vibrations dans l'air qui réveillent chaque particule dans l'homme qui le respire, et ainsi, l'on constate que ceux qui

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viennent de l’ancien monde, semblent recevoir en la foulant de leurs pieds, les impressions d'une terre américaine. Tout ceci est en rapport avec notre civilisation et notre race.

Nous sommes ici une nouvelle race dans un nouveau cycle et ceux qui savent disent qu'un cycle s'achèvera dans quelques années et qu'un nouveau commencera et que cette fin et ce commencement s'accompagneront de bouleversements de la société et de la nature. Nous les voyons presque venir. Les événements sont inscrits de manière précise dans le ciel. Vous vous souvenez de Daniel disant : « Un temps, la moitié d'un temps et un temps » et ainsi de suite, et les gens dans le système chrétien ont essayé de découvrir le temps, quand commençait ce temps et c’est ce qui fait précisément la difficulté. Et la seule personne qui au cours de ces nombreuses années a fait une déclaration directe est Madame Blavatsky et elle a dit : « Un cycle va se terminer dans quelques années, il faut vous y préparer ». De sorte que c'était comme les anciens Prophètes qui s'adressaient au peuple en ces termes : « Préparez-vous pour une ère nouvelle d'événements, tenez-vous prêts pour ce que vous aurez à accomplir ». C'est précisément ce que cette civilisation est en train de faire. C'est la plus haute, quoique la plus grossière, des civilisations maintenant sur la terre. Elle est le commencement de la grande civilisation qui doit venir quand la vieille Europe aura été détruite ; lorsque les civilisations de l'Europe seront dans l'impossibilité de faire quoi que ce soit de plus, ce sera alors le lieu où la nouvelle grande civilisation commencera à donner de nouveau un coup de pouce pour saisir la civilisation de l'Est antique, qui s'est tenue là, silencieuse, ne faisant rien pendant toutes ces années, conservant dans ses anciennes

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cryptes, bibliothèques et archives, la philosophie dont le monde a besoin. C'est cette philosophie et cette morale que la Société Théosophique essaie de vous donner. C'est une philosophie que vous pouvez comprendre et pratiquer.

On peut dire à un homme : « agissez bien » mais au bout d'un moment, dans cette ère de superstition, il dira : « Pourquoi agir bien à moins que je n'en aie envie ». Quand vous lui montrez l'existence des lois : qu'il doit revenir dans son cycle, qu'il est sujet à l'évolution, qu'il est une âme de pèlerin réincarnée, alors il en comprend la raison et afin d'obtenir une base sûre, il accepte la philosophie, et c'est ce que la Société Théosophique et le Mouvement théosophique essaient de montrer. Frère Georges Mead a dit, l'autre jour, en parlant d'un sujet analogue, que le grand but ultime est le grand renoncement, c'est-à-dire qu'après avoir atteint les sommets les plus/hauts, ce que vous pouvez seulement faire par désintéressement, finalement vous vous dites à vous-même : « je peux accepter le repos que j'ai mérite ». N'oublions pas que ce qui prévaut ici doit aussi prévaloir là. En progressant, nous devons arriver finalement à un moment où nous pourrons prendre notre repos. Mais si vous vous dites en vous-même : « je n'en ferai rien car je sais que ce monde et tous les individus qui le peuplent doivent vivre et durer encore pendant de nombreux millénaires et que s'ils ne sont pas aidés ils risquent d'échouer ; je n'en ferai rien, mais au contraire je décide de rester ici et de souffrir car j'ai une plus grande connaissance et une acuité sensitive plus grande ». Ceci est le grand renoncement, comme nous le dit la Théosophie. Je sais bien que nous ne parlons pas souvent de cette façon car beaucoup d'entre nous pensent que les

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gens nous diront aussitôt

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lorsque nous en parlerons : « Je n'en veux pas ; c'est beaucoup trop difficile ». Aussi, nous parlons généralement de progrès subtil, nous expliquons comment vous pouvez finalement échapper à la nécessité de la réincarnation et pour enfin échapper à la nécessité de faire ceci ou cela etc... mais si vous faites votre devoir, il doit être clair pour vous que vous aurez atteint le sommet, lorsque vous saurez tout, lorsque vous participerez au gouvernement du monde, non d'une ville, mais du gouvernement réel du monde et des gens qui le peuplent, au lieu de gaspiller votre temps a dormir, vous resterez pour aider ceux qui sont en arrière, et c'est là le grand renoncement. C'est ce que l'on dit à propos de Bouddha et de Jésus. Sans doute, l'histoire entière de Jésus, qui ne peut être prouvée historiquement à mon avis, est basée sur ce que nous appelons renoncement. Il a été crucifié après un travail de deux ou trois ans. Mais cela signifie, disons-nous, que cette résolution étant divine, il veut se crucifier aux yeux du monde, aux yeux des autres, afin de pouvoir sauver les hommes. Bouddha fit de même longtemps avant la prétendue époque de la naissance de Jésus. L'histoire d'après laquelle il pratiqua le grand renoncement fait précisément allusion à ce que je viens de dire à l'instant. Au lieu de s'évader de cette terre horrible selon nous, en effet elle est vraiment horrible quand nous la regardons, peuplée d'obstacles, exposés que nous sommes à tout instant à l'échec, voués à nous réveiller le matin une grande réforme en tête et la voir réduite à néant. Au lieu d'échapper à tout cela, il resta dans le monde et commença à répandre sa doctrine qu'il savait devoir faire au moins quelques adhérents. Mais cette grande doctrine du renoncement apprend qu'au lieu de travailler pour vous-mêmes, vous travaillerez volontairement pour

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connaître tout ce qui est en votre pouvoir pour ceux qui peuvent être restés en arrière, exactement comme le dit Madame Blavatsky dans La Voix du Silence « recule-toi du soleil et rentre dans l'ombre afin de faire plus de place aux autres ».

Ceci n'est-il pas mieux qu'un paradis atteint au prix de la damnation de ceux de vos proches qui ne veulent pas croire en un dogme ? Ceci n'est-il pas une grande philosophie et une grande religion qui comprennent le salut et la régénération, le redressement et le perfectionnement scientifique de toute la famille humaine et de chaque particule dans tout l'univers, au lieu d'imaginer quelques pauvres êtres après soixante-dix ans de vie entrant au paradis, et regardant en arrière pour voir les tourments que souffrent en enfer ceux qui n'accepteraient pas un dogme ?

Que sont ces autres religions comparées avec cela ? Comment un homme peut-il continuer à croire en une idée telle que l'idée commune de damnation, pour simplement avoir refusé de croire ce que je ne comprends pas ? Je préfèrerais, si j'avais à choisir, être un idolâtre des plus convaincus croyant en Indra et en être réduit à me fier à mon bon sens plutôt que de croire en une doctrine me permettant d'imaginer mon frère qui ne croit pas en un dogme le faisant griller en enfer alors que moi-même, simplement parce que je crois, je peux goûter la béatitude céleste.

Les théosophes, s'ils veulent bien apprendre la doctrine et essayer de l'expliquer changeront ce monde. Elle pénètrera partout, elle s'infiltrera dans chaque couche sociale et rendra inutile toute législation. Elle changera les gens, tandis que vous continuez à légiférer sans les changer et vous obtiendrez

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exactement ce qui s’est passé en France. Les capitalistes de cette époque, entendons par là les royalistes, au temps de la révolution, opprimaient le peuple. Finalement celui-ci se souleva et les philosophes du moment instituèrent le règne de la raison. Que surgit-il de ce règne de la raison ? Notez bien qu'ayant introduit là une belle idée humanitaire, néanmoins, cette idée qui avait pris racine dans un sol non préparé, il en résulta un assassinat systématique et massif jusqu'à ce que des fleuves de sang fussent déversés sur la France entière. Vous voyez ainsi quel sera le résultat si quelque chose n'est pas fait pour éveiller le peuple. Nous avons vu à Chicago le résultat de tels actes, les grondements d'une telle tempête si la philosophie théosophique, appelez-la par le nom que vous voudrez, n'est pas prêchée et comprise. Si ces doctrines anciennes ne sont pas enseignées à la race humaine, vous aurez une révolution, et, au lieu de progresser d'une façon régulière, normale, vous atteindrez un monde meilleur

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en passant par la tempête, la douleur, la tristesse. Vous progresserez, bien sûr, car même avec des révolutions et du sang, on progresse, mais n'est-il pas mieux de progresser sans cela ? Et c'est là le but que poursuit la philosophie théosophique. C'est pourquoi les Mahâtmas dont nous parlions, dirigeant H. P. Blavatsky, leur serviteur, comme ils l'avaient fait pour de nombreux autres antérieurement, apparurent à une époque où le matérialisme combattait la religion et était sur le point de l'emporter et une fois de plus tout continua d'aller en harmonie avec son cycle respectif et ces doctrines anciennes reprirent vie sous la conduite du mouvement théosophique. Elles résolvent en effet, tous les problèmes et dans le plan universel, donnent à l'homme son rang de dieu en puissance.

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Cahier Théosophique 89

© Textes Théosophiques, Paris

©Tous droits réservés pour la traduction

Dépôt légal - 1801001973-21177

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LE QUESTIONNEUR Question — Est-ce une bonne chose de parler d'occultisme à la personne ordinaire qui se renseigne sur la Théosophie ?

W. Q. J. — Il vaut mieux ne pas le faire. Les gens qui ordinairement posent des questions peuvent être attirés vers la Théosophie à cause de son aspect mystérieux, mais ce n'est pas une raison pour leur donner exactement ce qu'ils demandent. Car ils finiront certainement par découvrir que la poursuite des mystères et de l'occulte est entourée de nombreuses difficultés et qu'elle nécessite une connaissance de toutes les autres philosophies qu'on aurait dû leur présenter quand ils ont posé leurs premières questions. De plus, ce n'est pas la multitude qui est prête pour l'occultisme, mais plutôt le petit nombre, et les rares personnes concernées trouveront rapidement le chemin pour accéder au sentier, quelle que soit la voie suivie pour l'approcher. Ceux qui cherchent à s'informer seront donc dirigés vers la philosophie et l'éthique du système théosophique, puisque l'occultisme véritable découle de la philosophie et ne peut être mis en pratique sans danger que par ceux qui ont un système éthique approprié.

Question — Comment se fait-il que H.P.B. critique si sévèrement les systèmes occidentaux d'occultisme et cependant qu'elle admette, dans certains de ses écrits, qu'ils conduisent au même but que le système oriental ?

W. Q .J. — Il est tout à fait vrai que tous les systèmes

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d'occultisme conduisent au même but, puisqu'ils doivent tous être basés sur des principes semblables, aussi déformés certains d'entre eux soient-ils dans la pratique, mais la voie par l'un sera plus difficile que par Un autre jusqu'à ce que la véritable grande route de l'occultisme universel soit atteinte. H.P .B. considérait que le véritable occultisme oriental constituait le système primordial et était, par conséquent, meilleur que l'occidental. Car ce dernier est tout envahi de mauvaises herbes, semées au début par le judaïsme, et finalement par le christianisme médiéval. Ainsi, on trouvera que, même si l'occultisme occidental possède à la base les mêmes doctrines que le système oriental, il faut en enlever un énorme fatras de choses sans valeur pour atteindre à la vérité. Quiconque plonge dans le Rosicrucianisme ne manque pas de rencontrer ces difficultés. Également, il faut toujours garder à .l'esprit qu'en parlant de l'occultisme oriental H.P.B. avait en vue le véritable système et non la multitude de ceux de l'Inde qui sont susceptibles de tromper l'étudiant tout autant que ceux des écoles occidentales.

Pour dire ma propre conviction, je ne pense pas que l'occultisme occidental soit digne de ce nom ; il n'est qu'un mélange confus qui finit par faire illusion quand il est maîtrisé dans son simple aspect extérieur de conduite vertueuse. Il mène à la sainteté mais non à cette connaissance supérieure qui doit être ajoutée aux êtres de bien pour les rendre sages.

Revue The Vahan, 15 juin 1891.

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W. P. — Je suis très intéressé par la Théosophie et j'aimerais aider la Société. Quel travail puis-je faire ?

W. Q. J. — C'est une question de travail théosophique. On peut rendre service de nombreuses façons différentes : en travaillant dans une branche ou l'autre, en répandant la littérature, en expliquant les doctrines et en éliminant les erreurs de compréhension, en donnant de l'argent

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pour le travail, en se constituant membre loyal si l'on manque de capacité et de temps, et surtout, dans tous les cas, en acquérant une connaissance des doctrines théosophiques de façon à pouvoir répondre clairement aux questions qui sont posées. On peut aussi se mettre en rapport avec un correspondant afin de répondre par lettre à ses questions sur la littérature et les doctrines théosophiques. Ce ne sont là que des suggestions très générales, alors que la question nécessite presque un examen personnel. Toute tâche accomplie sincèrement au sein de la Société, avec un bon motif et en faisant de son mieux, peut être considérée comme du bon travail théosophique.

W. P. — Si quelqu'un, par un service altruiste, fait du bien à un autre, n'agit-il pas à la place de cet autre, et cette

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action n'est-elle pas incompatible avec karma ?

W. Q. J. — L'idée selon laquelle nous interférons avec karma lorsque nous rendons service à un autre est une erreur courante qui provient d'une perception incomplète de la doctrine de karma. La question est tout aussi applicable à la souffrance que nous infligeons à autrui. Elle est à double tranchant ; nous pourrions tout aussi bien demander s'il n'est pas incompatible avec la loi d'accomplir une action qui produit des effets néfastes sur autrui, et si cela ne revient pas à agir à la place de cette autre personne. Dans aucun des deux cas il n'y a d'action accomplie à la place d'un autre, ni d'interférence. Si nous pouvons faire du bien à nos semblables, c'est leur bon karma et le nôtre aussi ; si nous avons ainsi l'opportunité d'apporter des bienfaits et que nous refusons de le faire, c'est alors notre mauvais karma d'avoir ainsi négligé une chance d'aider autrui. Les Maîtres ont écrit un jour que nous ne devrions pas penser à notre bon ou mauvais karma, mais bien accomplir tout le devoir qui nous incombe, en toute occasion, sans nous préoccuper des conséquences qui pourraient en résulter pour nous. C'est une curieuse sorte d'orgueil, qui semble être un produit de la civilisation du dix-neuvième siècle, qui nous fait imaginer à tort que nous, pauvres êtres humains, faibles

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et ignorants, pouvons interférer avec le karma des autres ou payer les erreurs à leur place. Nous sommes tous unis par les liens de karma, et nous devrions toujours nous efforcer, par de bonnes actions, de bonnes pensées et des aspirations élevées, de soulever une petite partie du lourd karma du monde, dont le nôtre fait partie. En fait, aucun homme n'a de karma qui ne soit partagé par les autres ; nous partageons tous le karma commun, et plus tôt nous percevrons cela, et agirons en conséquence, mieux cela vaudra pour nous et pour le monde.

W. P. — Quelle place tiennent la miséricorde et le pardon en Théosophie ? Sont-ils compatibles avec le karma ?

W. Q. J. — La miséricorde et le pardon devraient occuper la plus haute place dans la partie de la Théosophie qui traite de l'éthique dans ses applications à notre conduite. S'il n'y avait pas la parfaite miséricorde de karma — qui est miséricordieux parce que juste — nous aurions dû être balayés de l'existence depuis longtemps. Le fait même que l'oppresseur, l'injuste, le méchant continuent de vivre est une preuve de miséricorde dans le grand cœur de la Nature. Ils se voient ainsi offrir chance sur chance de réparer leurs erreurs, et de s'élever, même si c'est par l'échelle de la douleur, jusqu'au sommet de la perfection. Il est vrai que le karma est juste, parce qu'il exige paiement jusqu'au dernier centime, mais, d'autre part, il est éternellement miséricordieux, parce qu'il paie infailliblement ses compensations. Mettre un être à l'abri d'une souffrance nécessaire ne constitue pas la véritable miséricorde, mais en fait le contraire, car parfois c'est seulement par la souffrance que l'âme acquiert la connaissance et la force précises dont elle a besoin. A mon avis, miséricorde et justice vont de pair lorsque karma rend ses arrêts ; car cette loi est exacte, fidèle et puissante et n'est pas sujette à la faiblesse, à l'erreur de jugement et à l'ignorance qui accompagnent toujours les opérations du jugement et de l'action des hommes.

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G. E. L. — Je suis marié, sans enfant, et ma femme, qui ne s'intéresse pas à la Théosophie, se plaint que je la néglige pour assister le soir à des réunions ou des conférences théosophiques. Devrais-je abandonner les conférences ?

W. Q. J — La justice envers nous-mêmes et ceux qui dépendent de nous semblerait répondre qu'aucune épouse n'a le droit d'exiger la totalité du temps de son mari. Si elle ne peut pas assister à une conférence ou une réunion une fois par semaine, elle devrait accepter que .son mari puisse le faire. Mais si elle se considère comme « propriétaire légal » de l'homme qu’elle a épousé, au point qu'elle désire monopoliser toute son attention, elle versera alors bien sûr dans un mécontentement injustement fondé et entièrement inexcusable. Si, pour se sentir négligée, son grief est l'absence de son mari une seule soirée par semaine, consacrée à une réunion théosophique qui ne plaît pas à sa femme, l'homme qui se soumet n'a qu'à s'en prendre à lui-même pour ses difficultés, et il ne devrait pas demander à d'autres théosophes de lui prescrire son devoir dans la vie quotidienne. Les questions entre mari et femme devraient se régler en famille, sans envahir le domaine de la discussion théosophique, où elles sont complètement déplacées.

Revue The Vahan, 1er août 1891.

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Articles sur les Cycles dans les Cahiers Théosophiques

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B. M. — Aussi bien en Europe qu'en Amérique, j'ai rencontré bon nombre de théosophes qui s'intéressent (et semblent même s'adonner en amateurs) aux applications pratiques que l'on peut faire des directives offertes dans une partie de notre littérature, dans les « Upanishad » et dans le petit livre d'un certain Sabapathi Swâmi, concernant le développement psychique au moyen de postures, du contrôle du souffle, et d'autres techniques du même genre. Que peut-on dire à ce sujet ?

W. Q. J. — Ces tentatives de « Yoga pratique » — comme on l'appelle — sont des plus dangereuses et,

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qui plus est, présomptueuses et insensées. Il est clairement entendu dans les cercles autorisés de l'Inde que les directives rencontrées dans nombre d'Upanishad ne devraient jamais être mises en pratique à moins que soient remplies les conditions suivantes : (a) .avoir une connaissance complète de toutes ces directives et de leurs conséquences, ainsi que des mesures correctives à prendre lorsque des altérations se déclarent, et (b) disposer d'un guide tout à fait compétent pour indiquer les erreurs, limiter les tentatives, signaler les dangers, ainsi que remédier aux désagréments qui peuvent survenir. Cependant, malgré tout cela, et malgré les avertissements répétés, il y a de ces gens qui se lancent dans 'Ces pratiques avec témérité et en pleine ignorance de ce qu'ils font. Ils ne suivent même pas les règles éthiques qui accompagnent toutes les autres — comme, par exemple, l'élimination de tous les vices, toutes les mauvaises habitudes, toutes les pensées non charitables, etc. — mais ils s'adonnent à ces pratiques simplement dans l'espoir d'acquérir des pouvoirs psychiques. Il est grand temps que cela cesse ; grand temps que ceux qui répandent cette littérature examinent le contenu de ce qu'ils donnent, à une génération cupide et obstinée. On ne peut nier, face à l'expérience réelle qui a été faite partout en Europe comme en Amérique, que des dommages en aient résulté tant pour la Société que pour certains de ses membres. Il est notoire que ces postures, même lorsqu'elles sont utilisées en pleine ignorance, entraînent des changements physiologiques du corps, accompagnés d'importants dérangements nerveux. En outre, le public qui cherche à se renseigner est effrayé et détourné de notre mouvement par l'image déséquilibrée de la Théosophie et de la Société qu'offrent à la réflexion ceux qui se lancent dans ce genre de pratiques. Arrêtons donc avant qu'il ne soit trop tard. Faisons connaître les doctrines éthiques et philosophiques pour la propagation desquelles a été fondée la Société Théosophique. Ce n'est qu'ainsi que nous pourrons accomplir notre mission, qui s'adresse au monde en général et ne vise pas à l'agrément de quelques explorateurs excentriques lancés dans un domaine où l'on ne peut s'aventurer en toute sécurité qu'en étant entièrement préparé, pleinement

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armé, et fort d'une profonde expérience, avec un mental sain et des aspirations pures et élevées, en association avec un corps sain.

Revue The Vahan, 1er janvier 1892.

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E. W. B. — Est-il correct de la part des théosophes de postuler qu'une « certaine forme d'idolâtrie est nécessaire pour les pauvres d'esprit » ? J'ai été et suis encore fortement opposé à l'idée qu'une quelconque forme d'idolâtrie soit nécessaire.

W. Q. J. — Le bon sens, la vérité, le discernement et de justes règles de vie semblent tous indiquer que l'idolâtrie n'est pas nécessaire au monde occidental ; mais nous ne pouvons pas juger le mental de l'Orient, pas plus que nous ne pouvons comprendre pourquoi un Occidental qui pratique le culte des héros devrait le faire.

G. W. R. — L'Ego passant par une série d'incarnations, dans certaines anime un corps d'homme, et dans d'autres un corps de femme. Le sexe du véhicule est-il choisi consciemment par l'Ego spirituel en parfaite connaissance, ou dépend-il du karma engendré dans une vie antérieure ? Peut-on dire qu'un principe prédomine plus dans un sexe que dans l'autre ?

W. Q. J. — Si la qualité masculine est la caractéristique prédominante, il est probable que l'Ego s'incarnera la prochaine fois dans un corps d'homme ; sinon ce sera dans l'autre sexe. Mais toute la question trouve sa réponse dans l'enseignement du Vishishtâdvaita selon lequel « le bon karma est celui qui plaît à Ishvara (l'Ego), et le mauvais celui qui lui déplaît ».

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Articles sur les Cycles dans les Cahiers Théosophiques

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P. C. W. — Si les animaux ne se réincarnent pas, comment reçoivent-ils une juste compensation pour la vie de souffrance que certains d'entre eux ont à supporter ?

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W. Q. J. — La réponse est facile. Ils se réincarnent, effectivement ; mais ce qui des animaux revient à l'incarnation n'est pas semblable au principe de l'être humain qui se réincarne. Si nous supposions que les monades qui actuellement expérimentent la vie animale devaient se réincarner d'une façon aléatoire, alors sûrement la loi disparaîtrait, notre philosophie s'écroulerait et un règne de terreur s'instaurerait dans le schéma de l'évolution.

F. J. D. — Quelle différence y a-t-il entre des formes vues dans des rêves, ou une vision sur le plan astral, et celles qui sont perçues sur un plan kâma-manasique ? Lesquelles de ces deux sortes de formes sont considérées comme ayant la plus grande réalité objective ? Si les formes kâma-manasiques accompagnent la conscience dévachanique, comment cela est-il relié à l'Ego Supérieur ?

W. Q. J. — Les formes vues dans des rêves ou des visions sont presque toujours des images ; celles du plan kâma-manasique sont plus souvent de véritables formes faites du type de matière correspondant. La différence — lorsqu'elle existe — est celle qu'il y a entre la photographie d'une forme et la forme elle-même. Les « formes » de la conscience dévachanique ne sont pas objectives pour nous, mais le sont pour l'être qui est dans cet état de conscience. Étant donné que l'entité n'est pas libre — donc enfermée en devachan — le mental se crée tout son environnement, dans tous les détails, et par la même occasion cultive ainsi des aspects de la nature qui ne pourraient être autant développés ailleurs. Le lien avec l'Ego Supérieur (au sujet duquel F.J.D. a des idées vagues), est le même que pendant la vie terrestre, simplement il opère par un canal différent.

F. G. B. — Comment réconcilier ces deux phrases : (a) les sept plans de la Conscience Cosmique correspondent aux sept états de conscience dans l'homme (S. D. vol. I, p. 199)2 et (b) les

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sept états de conscience dans l'homme se rapportent à une tout autre question (que celle des plans de Conscience Cosmique) (S. D. vol. I, p. 200) ?

W. Q. J. — La citation (b) ne contredit pas (a), contrairement à ce que la question tendrait à démontrer. A la page 199, il est dit que les sept plans correspondent aux sept états de conscience dans l'homme ; la troisième note de la page 200 dit que la référence faite dans le diagramme au quatrième plan, et à ceux qui lui sont supérieurs, inclut — ou désigne — les quatre plans inférieurs de la conscience cosmique — qui est une chose complètement différente de la conscience humaine — ; que les trois plans supérieurs de la conscience cosmique sont inaccessibles à l'intellect humain actuel, et enfin que les sept états de conscience humaine se rapportent à une autre question. C'est tout à fait exact, et sans ambiguïté. Le correspondant a omis le mot « humain » dans la citation (b), faisant ainsi du sujet discuté « une question totalement différente », car il y a une grande différence entre des expressions comme « conscience humaine » et « conscience dans l'homme ». L'ensemble des sept plans de conscience cosmique doit avoir une correspondance avec les sept états de notre conscience humaine actuelle, tout en ne leur étant pas identiques, car il y a une différence radicale entre un plan et un état, du fait que vous pouvez être dans un certain état de conscience et cependant fonctionner sur un plan tout à fait différent ; ainsi, par exemple, l'ivrogne a toute sa conscience dans un état kâmique et fonctionne avec elle sur le plan terrestre. De plus, les sept états de conscience humaine peuvent parfaitement bien être en notre possession, sans être développés pour la race au-delà des quatre premiers états de conscience cosmique, le caractère septuple de la conscience humaine étant potentiel, ses quatre divisions supérieures qui lui sont propres étant basées sur celles de la conscience cosmique. La confusion se trouve dans les mots plan et état.

Revue The Vahan, 1er mai 1892.

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2 Il s'agit de l'édition originale de l'ouvrage publié en 1888 par H.P.B. sous le titre The Secret Doctrine (N.d.T.).

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Articles sur les Cycles dans les Cahiers Théosophiques

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S. M. — Je peux croire à l'idée d'un continuel progrès de l'âme dans des sphères supérieures, mais je ne puis comprendre celle d'un retour répété de cette âme sur cette même terre : les théosophes peuvent-ils donner une raison à cette dernière idée ?

W. Q. J. — Il faudrait répondre en priant poliment le correspondant de lire ce qui a été écrit au fil des années sur ce sujet, et, après avoir digéré tout cela, de voir alors si la question n'a pas trouvé sa réponse.

M. R. — La foi des brahmanes n'est-elle pas aux antipodes de la Fraternité universelle, étant donné que personne ne peut être reçu dans leur religion s'il n'est pas né brahmane ?

W. Q. J. — Cette foi n'est pas à ces antipodes, car la foi brahmanique n'est pas la même chose que la loi brahmanique des castes, cette dernière n'étant aujourd'hui qu'une perversion des divisions véritables et éternelles au sein de l'humanité. Si elle est correctement comprise et mise en pratique, la foi brahmanique, dans sa réalité et sa pureté, fait grandir la fraternité universelle et fournit aux Egos le courant d'hérédité approprié pour un véritable progrès futur. Mais, de nos jours, elle est corrompue et par conséquent ne remplit pas son rôle.

Revue The Vahan, 1er juin 1892.

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S. C. — Quelqu'un pourrait-il expliquer la phrase suivante de H.P.B., citée dans la revue The Path de juin : « Ceux qui déchoient de nos vivants Mahâtmas humains pour tomber dans les Saptarishi — les Rishi des Étoiles — ne sont pas des théosophes. »

W. Q .J. — Ceci s'explique par le fait qu'il existe deux classes d'êtres capables d'influencer l'humanité dans son ensemble : les uns étant les « vivants Mahâtmas humains » et les autres les êtres non humains qui, bien que ne faisant pas strictement partie de notre courant d'évolution, peuvent influer sur certains êtres humains, et parfois le

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font. Disons, pour les besoins de cette réponse — sans prétendre nullement à une description complète — que les Saptarishi, dans le sens pris par H.P.B., font partie d'une classe très avancée d'élémentaux, capables en certaines occasions de communiquer avec les hommes, et, grâce à leur connaissance apparente, de leur faire croire qu'ils sont des êtres spirituels élevés, issus du stade humain par la voie normale de l'évolution. En réalité, cependant, ce ne sont pas des esprits humains mais des esprits du même type que certains Deva des Hindous ; et ce n'est que par accident, pour ainsi dire, qu'ils agissent au véritable bénéfice du genre humain. Il arrive en fait qu'en communiquant avec eux on s'écarte de la ligne normale du développement humain. Dans certains cas, ils ont pu influencer des médiums qui, trompés ou plutôt éblouis par les expériences extraordinaires traversées, ne se sont pas penchés sur le côté humain de l'évolution spirituelle. Par contre, les « vivants Mahatmas humains » forment le lien direct avec les esprits humains de tous degrés qui ont la charge de l'évolution spirituelle de l'humanité.

Revue The Vahan, 1er août 1892.

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LE COURANT DE PENSÉE ET LES QUESTIONS3

1ère partie J'ai parcouru du regard tout le fleuve de pensée, les bataillons de questions affluant de partout par le réseau de canaux qui rayonnent du PATH, et, comme on me le demande, j'en retiens quelques-unes dans ces pages pour y

3 Traduction de l'article The Stream of Thought and Queries, publié par W.Q. Judge dans la revue The Path (août, septembre 1889).

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Articles sur les Cycles dans les Cahiers Théosophiques

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répondre.

QU'EST-CE QUE LE RENONCEMENT4 ? Q. — Comment devons-nous comprendre ce mot, tel qu'il apparaît par exemple p. 35 du numéro de mai du PATH ? S'il est utilisé dans un sens spécial, cela devrait être expliqué clairement.

R. — Ce mot n'a pas été utilisé avec une signification particulière. Les théosophes devraient s'efforcer de ne pas détourner le sens des mots, ni leur attribuer de nouvelles significations. Notre langue possède un vocabulaire bien assez riche pour satisfaire la plupart de nos besoins actuels. L'intention était de donner au terme son

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sens le plus profond. Le mot renoncement a été employé dans le sens d'un renoncement mental total, et non d'une simple apparence, d'un simulacre de renoncement. Nous devons agir comme Krishna nous commande de le faire : abandonner tout intérêt dans le cours des choses et être capables de dire que tout événement — quel qu'il soit — qui nous arrive est notre juste dû. C'est là le parfait renoncement ; il est difficile et cependant facile à atteindre. Nous pouvons l'atteindre en réfléchissant au fait que l'objectif de l'âme est l'union avec l'Âme Suprême, et que tous nos désirs naissent de notre seule nature corporelle. C'est là vraiment le premier pas ; comme l'a dit l'auteur de l'article cité du PA TH, c'est celui auquel les étudiants pensent rarement.

KARMA N'EST-IL QUE PUNITION ? Karma est action. La loi de Karma opère pour produire des récompenses aussi bien que des punitions. L'homme qui jouit aujourd'hui d'une vie de confort et de richesse l'a obtenue par l'effet de karma ; le sage qui a atteint une grande connaissance et un grand pouvoir les a gagnés grâce à karma ; le disciple qui boit —l'amer breuvage de la coupe de l'échec y a mêlé lui-même le fiel par l'effet de karma ; le grand disciple du Bouddha, Magallana — plus grand que tous les autres — fut, d'une façon inattendue, assassiné par des voleurs, apparemment au moment où il était le plus utile : c'était karma ; la mère heureuse, qui voit tous ses enfants respectés et vertueux, meurt comme une favorite ; de karma, alors que sa sœur misérable, qui mène une existence honteuse dans la même ville, maudit Dieu par sa vie, parce qu'elle ne sait pas que c'est karma. Le monde lui-même poursuit ses révolutions, entraîné de plus en plus loin par le soleil dans sa grande orbite ; il vieillit au fil des cycles, change d'aspect, et connaît de nouvelles conditions où les lois et les états de la matière sont tout à fait inimaginables pour nous : c'est le karma du monde ; tôt ou tard, alors même qu'il gravite sur son orbite, il déplace lentement ses pôles et finira par amener la froide zone des glaces là où

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règnent aujourd'hui des conditions estivales — ce sera le karma du monde et de ses habitants.

Comment limiter l'application de karma à la récompense ou à la punition, alors que son étendue est si vaste, son pouvoir si formidable ?

IMAGES ET SYMBOLES DANS LA LUMIÈRE ASTRALE Q. — J'ai vu dans la lumière astrale des images et des symboles d'une merveilleuse beauté. Un beau visage entouré de lumière... une tête ailé qui parut bientôt se fondre dans mon cerveau. Tout cela a-t-il été vu grâce à l'action de manas et de buddhi ?

R. — Je ne pense pas. Ces belles choses appartiennent à un plan inférieur et sont perçues par plusieurs sens et subdivisions des sens. Elles ont bien pu être produites par un grand nombre de causes différentes. Vous pourriez voir aujourd'hui le visage d'une femme, ou d'un enfant, que vous ne rencontrerez pas dans les dix années à venir 4 Le mot anglais employé est Resignation, qui peut avoir aussi le sens français de résignation (N.d.T.).

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et que vous n'avez encore jamais vu ; ou alors un objet depuis longtemps oublié, et auquel on n'a pas prêté beau-coup d'attention dans le passé de la vie actuelle, peut brusquement s'offrir à la vision clairvoyante ; ou encore, il peut y avoir des dépôts mentaux provenant de lointaines vies antérieures profondément enfouis dans votre nature, qui sont susceptibles, un jour de colorer vos visions. Je ne puis répondre à des cas personnels ; c'est le rôle d'une vulgaire diseuse de bonne aventure. Chacun doit avec patience étudier 'sa propre expérience pendant de nombreuses années, en s'astreignant avec attention à noter, vérifier et éliminer, au fil du temps. Toute personne douée de clairvoyance manifeste ce pouvoir à sa façon qui lui est propre — et il existe des millions de façons distinctes ; ainsi, cinq clairvoyants pris séparément peuvent percevoir cinq images ou symboles différents, tous produits cependant par une seule et même cause ; ou bien quatre d'entre eux peuvent voir quatre images différentes alors que le cinquième percevra le

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résultat produit par une combinaison de sa façon de voir avec celles des quatre autres.

COMMENT LES SYMBOLES SONT-ILS APPARUS DANS LA LUMIÈRE ASTRALE ? Le monde est si vieux que les actions et pensées de l'homme ont imprimé depuis des millions d'années une multitude d’images dans la Lumière Astrale. Mais la Lumière Astrale elle-même connaît des- cycles, des marées et des changements : il faut donc en tenir compte ; il est inutile d'essayer d'expliquer la chose, mais lors de changements de cycles, les symboles arrive parfois à se confondre et à se mélanger. Lorsqu'une classe d'élémentaux se trouve complètement développée et est prête à remplir son rôle marqué depuis le commencement d'un Âge, il existe pour elle un symbole particulier qui peut être utilisé, jusqu'à la complète décadence ou extinction de cette classe ; mais, lors du changement de certains cycles, le symbole cesse de posséder un pouvoir, parce que ce à quoi il s'appliquait s'est transformé et nous ne connaissons pas le nouveau symbole. Vous demandez d'en savoir plus sur ces symboles ? Cela n'est pas utile, ni nécessaire.

A PROPOS DES CYCLES Q. — J'ai entendu et lu beaucoup de choses au sujet des cycles et de leurs changements. Je crois à la loi des cycles, et aux grands et petits cycles, bien que je ne les connaisse pas. Mais sont-ils définis dans leurs limites, ou vagues et imprécis ?

R. — Beaucoup de ce qui a été dit sur le sujet est vague à l'exception de ce qui concerne le nombre d'années compris dans certains cycles. Le cycle lunaire et certains autres sont connus, mais il est bon d'éclairer certaines des obscurités. Bien des gens imaginent qu'un cycle donné commence, disons aujourd'hui, alors qu'un autre vient juste de se terminer. Mais cette vue n'est pas

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correcte, car les cycles s'interpénètrent, et, avant que l'un ne se soit vraiment achevé, l'autre a déjà commencé. La meilleure façon de le comprendre est de dessiner deux cercles en intersection, de la façon suivante :

1 2

Le cycle n° 1 se termine à l'intérieur du n° 2. Si on appelle B le point où commence le n° 2 on voit qu'il a son début pendant que le n° 1 se termine. Le véritable point correspondant à la fin de l'un et au commencement de l'autre se trouve probablement sur une droite verticale reliant les deux points d'intersection des cercles ; on peut alors appeler aube et crépuscule les espaces délimités de part et d'autre de cette droite.

B A

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Il y a aussi certains cycles importants qui commencent et finissent entièrement à l'intérieur des limites de cycles plus grands et, en fait, ce sont ces cycles plus petits que nous remarquons le plus, car ils sont ressentis plus rapidement. Tout ceci a trait aux cycles physiques ; il en existe d'autres, d'une nature plus élevée et plus spirituelle, très difficile à repérer et à comprendre. On peut toutefois s'en faire une idée, jusqu'à un certain point, en observant un homme accomplir pendant plusieurs années une tâche qui, en soi, n'est pas particulièrement élevant : il arrive qu'à la fin de cette période son attitude mentale se soit métamorphosée au point de modifier toute la vie et le développement de l'individu. Dans ce cas, la tâche accomplie représentait un cycle d'avilissement ou d'expiation, mais, en même temps, un autre cycle, d'un caractère plus élevé, se déroulait dans la nature mentale et morale de l'homme, tout à fait à l'insu des autres, et peut-être aussi de lui-même. Il existe également des grands cycles cosmiques qui se déroulent lentement, de notre point de vue, parce qu'ils couvrent des

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périodes prodigieusement longues, mais néanmoins ils affectent puissamment l'humanité et les étudiants ne peuvent se les imaginer que faiblement.

L'ancienne civilisation égyptienne illustre le pouvoir de l'un de ces grands cycles qui s'est achevé depuis longtemps. Cette brillante civilisation a fleuri pendant une vaste période sans que sa gloire semble décroître, mais progressivement le changement se fit sentir. Nous pouvons imaginer les efforts effrénés et désespérés qu'ont dû faire ses sages pour enrayer cette décadence. Mais ils se révélèrent impuissants et l'Égypte sombra petit à petit pour atteindre le niveau où nous la voyons encore briller, grâce aux témoignages de son passé découverts jusqu'à présent, alors qu'elle était déjà sur son déclin ; et, finalement, tout ce qu'il en' reste se limite à des amoncellements de sable, et des Coptes ignorants et dégénérés.

Mais l'influence de ce puissant cycle s'est simplement déplacée vers d'autres sphères et, lorsque la Terre rencontrera à nouveau la même impulsion, l'ancienne civilisation ressurgira, la force de jadis revivra dans un corps meilleur.

Pour moi, les lois cycliques sont pleines d'espérance et suprêmement justes.

AU SUJET DES MAGICIENS NOIRS ET DES MAGICIENS BLANCS Q. — Comment reconnaître un magicien noir, et comment agir à son égard ?

R. — H.P. Blavatsky a dit clairement que « chacun porte en soi un magicien noir potentiel ». Le magicien noir représente le fruit ultime et la perfection de l'égoïsme, et l'égoïsme est le triomphe de la nature inférieure. Le magicien noir constitue, dans le développement humain, le pole opposé de l'Adepte blanc, et ce dernier représente le fruit ultime et la perfection des plus hautes qualités de l'homme, associées à une communion totale avec l'Esprit ; c'est le triomphe de tout ce qu'il y a de meilleur dans l'être humain, c'est l'union consciente avec le divin. Le

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magicien noir est l'image même du soi isolé, et par conséquent, de ce qui est discorde, séparation et destruction ; le blanc est l'incarnation de l'union, de l'harmonie et de l'amour. Dans les termes de la Bhagavad-Gîtâ, l'adepte blanc « est la perfection de la culture spirituelle » ; il s'ensuit donc que le noir est la perfection de la culture matérielle. Dans ces considérations, « noir » représente le soi, et « blanc » le tout spirituel.

La question suivante se pose alors : « Pourquoi n'existe-t-il actuellement que des magiciens blancs et seulement des embryons de noirs ? » Nous pensons qu'il n'y a de nos jours que peu d'adeptes noirs mais que ceux de l'école blanche sont nombreux. L'âge et le cycle n'ont pas encore atteint le point où le magicien noir devient florissant, et il est facile de comprendre pourquoi il y a de parfaits magiciens blancs. La Bhagavad-Gîtâ répond à .cette question quand elle dit : « Lorsque vient la nuit de Brahmâ, les jîvanmukta ne sont ni absorbés ni détruits, mais tous les autres êtres le sont ; et à l'avènement de la nouvelle création, ces jîvanmukta (les adeptes blancs) réapparaissent intacts et conscients5. » Ceci signifie que lors du précédent pralaya — ou dissolution — tous les 5 Traduction libre. [Voir Gîtâ. char. XIV, verset 2. N.d.T.].

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adeptes noirs ont été détruits ; à ce jour, les cinq mille premières années seulement du kali yuga se sont écoulées, et il n'y a pas eu encore assez de temps pour produire suffisamment de vrais magiciens noirs pour faire une impression sensible sur nous. La question — « Comment reconnaître un magicien noir ? » — est donc prématurée.

Chacun d'entre nous peut devenir un magicien noir si nous laissons libre cours à l'égoïsme ; par conséquent nous devrions nous demander : « Comment pouvons-nous empêcher que nous devenions des magiciens noirs dans un cycle futur ? »

Quant à la dernière partie de la question concernant le comportement à l'égard de ces êtres encore mythiques,

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elle est également très prématurée. Si un tel adepte devait vous apparaître aujourd'hui, il se moquerait cordialement de vos menaces. Mais la seule protection souveraine contre de telles choses et de telles personnes réside dans un cœur pur et un motif juste.

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2ème partie

LA PRATIQUE VISANT AU DÉVELOPPEMENT OCCULTE Nous avons reçu plusieurs questions concernant la meilleure méthode à suivre par les membres de la Société Théosophique pour développer les pouvoirs occultes.

Ce désir de développement ne peut être recommandé. Un tel désir, séparé du reste, alors qu'il semble de la plus grande importance à ceux qui posent ces questions, n'est en réalité qu'extrêmement mineur pour les débutants, ou dans l'état actuel du mouvement théosophique. La Société n'a pas été organisée dans le but d'enseigner la pratique des .arts occultes, et il a été clairement indiqué dans une lettre écrite par l'un des Maîtres (qui eux-mêmes connaissent parfaitement toutes les lois de l'occultisme), qu'il n'a jamais été envisagé de faire de notre organisation un club d'occultisme, ou d'entraînement pour ceux qui aspirent à l'état de Chéla. Malgré cette déclaration, et en dépit de tout ce qui a été dit et écrit sur ce sujet dans les revues de la Société, il y a une foule de membres qui pensent encore qu'on les aidera dans une telle étude et une telle pratique et qui, depuis un certain temps, passent tout leur temps libre à essayer de cultiver leurs pouvoirs psychiques, sans se soucier de travailler selon les directives établies par les fondateurs de la Société.

Qui plus est, voici que certains de ces étudiants zélés lisent sur le yoga pratique — ou Hatha Yoga — tous les livres qu'ils peuvent se procurer et s'efforcent de suivre les règles indiquées, malgré le clair avertissement qu'on

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trouve dans chacun de ces livres, décourageant l'étudiant de s'engager dans de telles pratiques à moins d'avoir un guide et instructeur compétent pour l'aider et le protéger sur son chemin. Etant donné qu'il n'y a pas de tels guides aux États-Unis — tous ceux qu'on trouve ici n'étant que des novices, des gens qui cherchent ou n'ont pas encore fait leurs preuves — il est évident que les toutes premières règles se trouvent enfreintes.

Toutes ces pratiques et ces études, tant qu'elles seront poursuivies simplement dans le but de développer les pouvoirs, n'amèneront que des désagréments et une ignorance plus grande. Ce n'est pas qu'il n'y ait aucune vérité dans le yoga pratique, mais cela tient uniquement à la méthode adoptée et au caractère purement égoïste de l’objectif visé.

QUE DOIT FAIRE ALORS UN THÉOSOPHE SINCÈRE ? DOIT-IL OU NON PRATIQUER LE YOGA ? Nous répondons en disant que tout théosophe peut entreprendre l'étude sérieuse de la philosophie et des règles du

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Articles sur les Cycles dans les Cahiers Théosophiques

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système de Yoga de Patanjali — à une seule condition : c'est qu'il essaie, en tant que théosophe, de mettre en pratique le but fondamental de la Société — la Fraternité universelle. Il n'y a pas d'autre façon de pouvoir recevoir de l'aide de quelque provenance que ce soit. Il faut faire de l'altruisme le but de sa vie, sinon toutes les pratiques se révèlent absolument dénuées d'effets durables. Nous ne parlons pas sur la base d'une simple théorie, mais par expérience ; nous ne prétendons pas non plus avoir atteint l'altruisme parfait en nous-mêmes, mais seulement essayer, autant que nous le pouvons, de faire de l'altruisme la règle de notre vie.

LE MENTAL OCCIDENTAL N'EST PAS FAIT POUR LE YOGA Voilà qui sera peut-être nié vigoureusement, mais qu'importe ? Le fait demeure patent à tous que parmi les

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Occidentaux peu de gens ont la maîtrise d’une partie quelconque de la pratique occulte. La capacité de concentration du mental, même partielle — le premier pas vers toute utilisation pratique des lois mystérieuses .de la nature — est manifestement absente de notre peuple. L'altruisme a été lettre morte pendant tant de siècles, et l'individualisme a été cultivé à un tel point que le sol est devenu presque stérile. Les peuples occidentaux ne sont même pas faits pour atteindre la perfection dans la Magie Noire, que l'on suppose facile à atteindre, bien qu'en fait il n’en soit rien ; mais nous avons la capacité de semer dans cette incarnation les graines qui développeront encore l'aspect mauvais de notre nature dans des vies futures. Pratiquer l'altruisme autant que nous le pouvons est la seule façon d'éviter la souffrance dans le futur.

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SI LES ÉTUDIANTS CROIENT QUE DES ADEPTES SOUTIENNENT LA SOCIÉTÉ, ILS DEVRAIENT SUIVRE LEURS CONSEILS Les aspirants pour lesquels ces lignes sont écrites ont commis une erreur. Ils sont entrés dans une société formée par des Êtres, en l'existence de qui ils déclarent avoir foi, et n'ont pas mis en pratique les instructions qui ont été données, mais ont sélectionné dans celles-ci la partie qui leur convenait. Les Adeptes ont clairement affirmé la possibilité d’obtenir des pouvoirs occultes, mais Ils ont également déclaré que la Société, qui bénéficie de leur protection et leur assistance, n'a pas pour but le développement occulte, qu'Ils ne sauraient favoriser à moins que les membres acceptent de prêcher, enseigner et mettre en pratique l'Altruisme. Il n'y a donc aucune espèce d’obligation qui imposerait aux Adeptes, ou aux disciples qui savent, d'aider des membres dont l'objectif principal est le développement occulte. Il nous faut mériter avant de pouvoir désirer.

Pendant que nous nous efforçons de comprendre .et de mettre en pratique l'altruisme, et que nous répandons les doctrines offertes par les Adeptes, en ce qui concerne l’homme, son état actuel, son destin futur et la façon

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correcte pour lui de vivre, chaque théosophe peut consacrer une partie de son temps à un exercice quotidien de méditation et de concentration, et la totalité de son temps à l'élimination radicale de ses défauts et de ses vices ; lorsqu'il aura progressé quelque peu dans cette voie, le bon karma qu'il aura pu acquérir en travaillant pour la cause de l'humanité (qui est la même que celle de la Fraternité universelle) l'aidera à se préparer pour commencer les pratiques occultes.

QU'EST-CE QUE « L'INITIATION QUOTIDIENNE » ? Certains supposent que l'initiation est toujours, et dans tous les cas, une occasion définie et solennelle pour laquelle le candidat est préparé, et dont on l'avertit à l'avance. Bien que certaines des initiations soient entourées de telles solennités, l’initiation quotidienne — celle que l'aspirant doit traverser avec succès sans quoi il n'aura jamais la chance d'affronter celles qui sont plus élevées — se présente au disciple presque à chaque instant. Elle se rencontre dans nos relations avec nos semblables, et dans les effets qu'ont sur nous toutes les circonstances de

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Articles sur les Cycles dans les Cahiers Théosophiques

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la vie. Et si nous échouons là, jamais nous ne pouvons atteindre le point où de plus grandes initiations sont offertes. Si nous ne pouvons supporter une défaite momentanée, ou si un mot lancé au hasard et qui blesse notre amour propre nous trouve non préparés, ou si nous cédons au désir de juger durement les autres, ou encore si nous restons dans l'ignorance de certains de nos défauts les plus apparents, nous n'affermissons pas la connaissance et la force gui sont impérativement exigées de quiconque doit devenir maître de la nature.

Il appartient à la vie de chacun d'avoir un moment de choix, mais ce moment n'est pas fixé à un jour particulier. Il englobe la somme totale de chacun des jours de la vie ; et il peut aussi être repoussé jusqu'au jour de la mort, mais alors il est au-delà de notre pouvoir, car dans ce cas le choix a été déterminé par toutes les actions et pensées de la vie écoulée. Nous nous trouvons condamnés,

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à cette heure-là, au type de vie, de corps, d'environnement et de tendances convenant le mieux à la réalisation de notre karma. C'est là une chose assez solennelle : elle fait que « l'initiation quotidienne » est de la plus haute importance pour tout étudiant sérieux. Mais tout -cela a déjà été dit, et il est dommage que les étudiants persistent à ignorer les bons conseils qu'ils reçoivent.

Pensez-vous que si un Maître vous acceptait, il vous ferait subir quelque test étrange ? Non, Il ne le ferait pas, mais pour lui le simple fait de laisser les petits événements de votre vie suivre leur cours aurait pour résultat de déterminer clairement votre aptitude. C’est peut-être une école d’enfants mais il faut être un homme pour y réussir.

HADJI ERINN.

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Cahier Théosophique 144

© Textes Théosophiques, Paris

©Tous droits réservés pour la traduction

Dépôt légal - 3012-1985-37284

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Articles sur les Cycles dans les Cahiers Théosophiques

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LE CYCLE NOUVEAU6 Nous ne devons pas inaugurer ce premier numéro d'une Revue théosophique orthodoxe et officielle sans donner à nos lecteurs quelques renseignements qui nous paraissent absolument nécessaires.

En effet, les idées qu'on s'est faites jusqu'à ce jour sur la Société Théosophique des Indes, ainsi qu'on l'appelle, sont si vagues et si variées, que beaucoup de nos membres eux-mêmes ont conservé à se sujet des opinions fort erronées. Rien ne prouve mieux la nécessité de faire bien connaître le but que nous poursuivons dans une Revue dévouée exclusivement à la Théosophie. Aussi, avant de prier nos lecteurs de s'y intéresser ou même de s'y aventurer, quelques explications préliminaires leur sont strictement dues.

Qu'est-ce que la Théosophie ? Pourquoi ce nom prétentieux, nous demande-t-on tout d'abord ? Lorsque nous répondons que la Théosophie est la sagesse divine ou la sagesse des dieux (Theo-Sophia) plutôt que celle d'un dieu, on nous fait cette autre objection encore plus extraordinaire : — « N'êtes-vous donc point Bouddhistes ? Or, nous savons que les Bouddhistes ne croient ni à un dieu, ni à des dieux... »

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Rien de plus exact. Mais, premièrement, nous ne sommes pas plus Bouddhistes que nous ne sommes Chrétiens, Musulmans, Juifs, Zoroastriens ou Brahmes. Ensuite, en matière de dieux, nous nous en tenons à la méthode ésotérique de l'Hypanaia enseignée par Ammonius Saccas, c'est-à-dire au sens occulte du mot. Aristote ne l'a-t-il pas dit ? — « L'essence Divine pénétrant la nature et répandue dans tout l'univers (qui est infini), ce que les hoi polloi appellent des dieux, c'est tout simplement... les premiers principes » ; en d'autres termes, les forces créatrices et intelligentes de la Nature. De ce que les Bouddhistes philosophes admettent et connaissent la nature de ces forces aussi bien que qui que ce soit, il ne s'ensuit pas que la Société, — en tant que Société, — soit Bouddhiste. En sa qualité de corporation abstraite, la Société ne croit à rien, n'accepte rien, n'enseigne rien. La Société per se ne peut et ne doit avoir aucune religion, car elle contient toutes les religions. Les cultes ne sont, après tout, que des véhicules extérieurs, des formes plus ou moins matérielles, et contenant plus ou moins de l'essence de la Vérité une et universelle. La Théosophie est en principe la science spirituelle aussi bien que physique de cette Vérité, la véritable essence des recherches déistes et philosophiques. Représentant visible de la Vérité universelle, — puisque toutes les religions et les philosophies y sont contenues et que chacune d'elles contient à son tour une portion de cette Vérité, — la Société ne saurait être plus sectaire, avoir plus de préférences ou de partialité qu'une Société anthropologique ou géographique. Ces dernières se soucient-elles que leurs explorateurs appartiennent à telle religion ou à telle autre, pourvu que chacun de leurs membres fasse bravement son devoir ?

Si, maintenant, on nous demande, comme on l'a déjà fait tant de fois, si nous sommes déistes ou athées, spiritualistes ou matérialistes, idéalistes ou positivistes, royalistes, républicains ou socialistes, nous répondrons

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que chacune de ces opinions est représentée dans la Société. Et je n'ai qu'à répéter ce que je disais, il y a juste dix ans, dans un article de fond du Theosophist, pour faire voir combien ce que le public pense de nous diffère de ce que nous sommes en réalité. Notre Société a été accusée, à diverses époques, des méfaits les plus baroques et les plus contradictoires, et on lui a prêté des motifs et des idées qu'elle n'a jamais eus. Que n'a-t-on pas dit de nous ! Un jour, nous étions une société d'ignares, croyant aux miracles ; le lendemain, on proclamait que nous étions nous-mêmes des thaumaturges ; notre but était secret et tout politique, disait-on le matin, nous étions des Carbonari et de dangereux Nihilistes ; puis, le soir, on découvrait que nous étions des espions salariés de la Russie monarchique et autocratique. D'autres fois, sans transition aucune, nous devenions des Jésuites cherchant à ruiner le Spiritisme en France. Les Positivistes américains voyaient en nous des fanatiques religieux, tandis que le clergé 6 Article écrit en français par H.P. Blavatsky et publié dans La Revue Théosophique du 21 mars 1889.

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Articles sur les Cycles dans les Cahiers Théosophiques

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de tous les pays nous dénonçait comme des émissaires de Satan, etc., etc. En dernier lieu, nos braves critiques, avec une urbanité très impartiale, divisèrent les Théosophes en deux catégories : les charlatans et les gobe-mouches...

Or, on ne calomnie que ce que l'on hait ou « que l'on redoute ». Pourquoi nous haïrait-on ? Quant à nous redouter, qui sait ? La vérité n'est pas toujours bonne à dire, et nous en disons trop, peut-être, de vérités vraies. Malgré tout, depuis le jour de la fondation de notre Société, aux Etats-Unis, il y a quatorze ans, nos enseignements ont reçu un accueil tout à fait inespéré. Le programme original a dû être élargi, et le terrain de nos recherches et de nos explorations réunies se perd, à l'heure qu'il est, dans des horizons infinis. Cette extension fut nécessitée par le nombre toujours croissant de nos adhérents, nombre qui augmente encore chaque jour ; la diversité de leurs races et de leurs religions exigeant de notre part des études

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de plus en plus approfondies. Cependant si notre programme fut élargi, il n'y fut rien changé quant à ce qui touchait aux trois buts principaux, sauf, hélas ! pour celui qui nous tenait le plus à cœur, le premier, à savoir : la Fraternité universelle sans distinction de race, de couleur ou de religion. Malgré tous nos efforts, cet objet a été presque toujours ignoré ou est resté lettre morte, aux Indes surtout, grâce à la morgue innée et à l'orgueil national des Anglais. A part cela, les deux autres objets, c'est-à-dire l'étude des religions orientales, des vieux cultes védique et bouddhiste surtout, et nos recherches sur les pouvoirs latents dans l'homme, ont été poursuivis avec un zèle qui a reçu sa récompense.

Depuis 1876, nous nous sommes vus forcés de dévier de plus en plus de la grande route des généralités, primitivement tracée, pour prendre des voies collatérales qui vont toujours en s'élargissant. Il est arrivé ainsi que, pour satisfaire tous les Théosophes et suivre l'évolution de toutes les religions, il nous a fallu faire le tour du globe entier, en commençant notre pèlerinage à l'aube du cycle de l'humanité naissante. Ces recherches ont abouti à une synthèse qui vient d'être esquissée dans La Doctrine Secrète, dont certaines portions seront traduites dans cette Revue. La doctrine est à peine ébauchée dans nos volumes ; et cependant les mystères qui y sont dévoilés, concernant les croyances des peuples préhistoriques, la cosmogonie et l'anthropologie, n'avaient jamais été divulgués jusqu'à ce jour. Certains dogmes, certaines théories se heurtent aux théories scientifiques, surtout à celles de Darwin ; en revanche, ils expliquent et éclairent ce qui restait incompréhensible jusqu'à ce jour et comblent plus d'une lacune laissée, nolens volens, béante par la science officielle. Mais nous devions présenter ces doctrines telles qu'elles sont ou bien ne jamais aborder le sujet. Celui qu'effraient ces perspectives infinies et qui chercherait à les abréger par les

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chemins de traverse et les ponts volants artificiellement bâtis par la science moderne au-dessus de ses mille et une lacunes, fera mieux de ne pas s'engager dans les Thermopyles de la science archaïque.

Tel a été un des résultats de notre Société, résultat bien pauvre peut-être, mais qui sera certainement suivi d'autres révélations, exotériques ou purement ésotériques. Si nous en parlons, c'est pour prouver que nous ne prêchons aucune religion en particulier, laissant à chaque membre pleine et entière liberté de suivre sa croyance particulière. Le but principal de notre organisation, dont nous nous efforçons de faire une vraie fraternité, est exprimé tout entier dans la devise de la Société Théosophique et de tous ses organes. « Il n'y a pas de religion plus élevée que la vérité ». Comme Société impersonnelle nous devons donc prendre cette vérité partout où nous la trouvons, sans nous permettre plus de partialité pour une croyance que pour une autre. Ceci mène directement à une déduction toute logique. Si nous acclamons et recevons à bras ouverts tout chercheur sérieux à la poursuite de la vérité, il ne saurait y avoir de place dans nos rangs pour un sectaire ardent, un bigot ou un cafard, entouré de la muraille chinoise de dogmes dont chaque pierre porte les mots : « On ne passe pas ». Quel poste y occuperait, en effet, un fanatique dont la religion défend toute recherche et n'admet pas de raisonnement possible, alors que l'idée mère, la racine même d'où pousse la belle plante que nous appelons Théosophie, se nomme: Recherche libre et entière à travers tous les mystères naturels, divins ou humains !

Sauf cette restriction, la Société invite tout le monde à participer 'à ses recherches et à ses découvertes. Quiconque sent son cœur battre à l'unisson avec le grand cœur de l’humanité ; quiconque sent ses intérêts solidaires avec les intérêts de tout être plus pauvre et plus mal partagé que lui ; quiconque, homme

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Articles sur les Cycles dans les Cahiers Théosophiques

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ou femme, est toujours prêt à tendre la main à ceux qui .souffrent ; quiconque apprécie le mot « Egoïsme » à sa juste valeur, est Théosophe de naissance et de droit. Il peut toujours être sûr de trouver des âmes sympathiques parmi nous. Notre Société, en effet, est une petite humanité spéciale, où, comme dans le genre humain, on trouve toujours son Sosie.

Si on nous objecte que l'athée y coudoie le déiste, et le matérialiste l'idéaliste, nous répondrons: qu'importe ! Qu'un individu soit matérialiste, c'est-à-dire discerne dans la matière une potentialité infinie pour la création ou plutôt pour l'évolution de toute vie terrestre, ou bien spiritualiste, et soit doué d'une perception spirituelle que l'autre n'a pas, en quoi cela empêche-t-il l'un ou l'autre d'être un bon Théosophe ? D'ailleurs, les adorateurs d'un dieu personnel ou Substance divine sont bien plus matérialistes que les Panthéistes qui rejettent l'idée d'un dieu canalisé, mais qui aperçoivent l'essence divine dans chaque atome. Tout le monde sait que le Bouddhisme ne reconnaît ni un dieu ni des dieux. Et cependant l'Arhat, pour qui chaque atome de poussière est aussi plein de Swabhavat (substance plastique, éternelle et intelligente, quoique impersonnelle) qu'il l'est lui-même, et qui tâche d'assimiler ce Swabhavat en s'identifiant avec le Tout pour arriver au Nirvana, doit parcourir pour y arriver la même voie douloureuse de renonciation, de bonnes œuvres et d'altruisme, et mener une vie aussi sainte, quoique moins égoïste dans son motif, que le Chrétien béatifié. Qu'importe la forme qui passe, si le but que l'on poursuit est toujours la même essence éternelle, que cette essence se traduise à la perception humaine sous la forme d'une substance, d'un souffle immatériel ou d'un rien ! Admettons la PRÉSENCE, qu'elle s'appelle dieu personnel ou substance universelle, et confessons une cause puisque nous voyons tous des effets. Mais, ces effets étant les mêmes pour le Bouddhiste athée et pour le

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Chrétien déiste, et la cause étant aussi invisible et aussi inscrutable pour l'un que pour l'autre, pourquoi perdre notre temps à courir après une ombre insaisissable ? Au bout du compte le plus grand des Matérialistes, aussi bien que le plus transcendant des philosophes, confesse l'omniprésence d'un Protée impalpable, omnipotent dans son ubiquité à travers tous les royaumes de la nature, y compris l'homme ; Protée indivisible dans son essence, sans forme et pourtant se manifestant dans toute forme, qui est ici, là, partout et nulle part, qui est le Tout et le Rien, qui est toutes choses et toujours Un, Essence universelle qui lie, limite et contient tout, et que tout contient. Quel théologien peut aller au-delà ? Il suffit de reconnaître ces vérités pour être Théosophe ; car une confession semblable revient à admettre que non seulement l'humanité, — encore qu'elle soit composée de milliers de races, — mais tout ce qui vit et végète, tout ce qui est, en un mot, est fait de la même essence et substance, et animé du même esprit, et que, par conséquent, dans la nature, tout est solidaire au physique comme au moral.

Nous l'avons déjà dit ailleurs, dans le Theosophist :

« Née aux Etats-Unis d'Amérique, la Société Théosophique a été constituée sur le modèle de la mère-patrie. Celle-ci, on le sait, a omis le nom de Dieu dans sa Constitution, de peur, disaient les Pères de la République, que ce mot ne devînt un jour le prétexte d'une religion d'Etat ; car, ils désiraient accorder dans les lois une absolue égalité à toutes les religions, de sorte que toutes soutinssent l'Etat, et que toutes fussent à leur tour protégées ».

La Société Théosophique a été établie sur ce beau modèle.

A l'heure qu'il est, ses cent soixante-treize branches [173] sont groupées en plusieurs Sections. Aux Indes, ces sections se gouvernent elles-mêmes et

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subviennent à leurs propres frais ; en dehors des Indes, il y a deux grandes sections, une en Amérique et une autre en Angleterre [American Section et British Section]. Ainsi, chaque branche comme chaque membre ayant le droit de professer la religion et d'étudier les sciences ou les philosophies qu'il préfère, pourvu que le tout reste uni par les liens de la Solidarité et de la Fraternité, — notre Société peut s'appeler véritablement la « République de la conscience ».

Tout en étant libre de poursuivre les occupations intellectuelles qui lui plaisent le mieux, chaque membre de notre Société doit cependant fournir une raison quelconque pour y appartenir ; ce qui revient à dire que chaque membre

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Articles sur les Cycles dans les Cahiers Théosophiques

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doit apporter sa part, si petite qu'elle soit, en labeur mental ou autrement, pour le bien de tous. S'il ne travaille pas pour autrui, il n'a pas de raison d'être Théosophiste. Tous, nous devons travailler à la libération de la pensée humaine, à l'élimination des superstitions égoïstes et sectaires et à la découverte de toutes les vérités qui sont à la portée de l'esprit humain. Ce but ne peut être atteint plus sûrement que par la culture de la solidarité dans le travail mental. Aucun travailleur honnête, aucun chercheur sérieux, ne s'en retourne les mains vides ; et il n'y a guère d'hommes ou de femmes, si occupés qu'on les suppose, qui soient incapables de déposer leur denier moral ou pécuniaire sur l'autel de la vérité. Le devoir des Présidents de branches et de Sections sera désormais de veiller à ce qu'il n'y ait point de ces frelons, qui ne font que bourdonner, dans la ruche des abeilles théosophiques.

Un mot encore. Que de fois n'a-t-on pas accusé les deux Fondateurs de la Société Théosophique d'ambition et d'autocratie ! Que de fois ne leur a-t-on pas reproché un prétendu désir d'imposer leurs volontés aux autres membres ! Rien de plus injuste. Les Fondateurs de la Société ont toujours été les

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premiers et les plus humbles serviteurs de leurs collaborateurs et collègues; se montrant toujours prêts à les aider des faibles lumières dont ils disposent, et à les soutenir dans la lutte contre les égoïstes, les indifférents et les sectaires; car telle est la première lutte à laquelle doit se préparer quiconque entre dans notre Société si peu comprise du public. D'ailleurs, les rapports publiés après chaque Convention annuelle sont là pour le prouver. A notre dernier anniversaire, tenu à Madras, en décembre 1888, d'importantes réformes ont été proposées et adoptées. Tout ce qui ressemblait à une obligation pécuniaire a cessé d'exister, le paiement même des 25 fr. que coûtait le diplôme ayant été aboli. Désormais les membres sont libres de donner ce qu'ils veulent, s'ils ont à cœur d'aider et de soutenir la Société, ou de ne rien donner.

Dans ces conditions et à ce moment de l'histoire théosophique, il est facile de comprendre le but d'une Revue dévouée exclusivement à la propagation de nos idées. Nous voudrions pouvoir y ouvrir de nouveaux horizons intellectuels, y tracer des voies inexplorées menant à l'amélioration du genre humain ; y offrir une parole de consolation à tous les déshérités de la terre, qu'ils souffrent d'un vide dans l'âme ou de l'absence des biens matériels. Nous invitons tous les grands cœurs qui voudraient répondre à cet appel à se joindre à nous dans cette œuvre humanitaire. Tout collaborateur, qu'il soit membre de notre Société ou seulement en sympathie avec elle, peut nous aider à faire de cette Revue le seul organe de la vraie Théosophie, en France. Nous voici en face de toutes les glorieuses possibilités de l'avenir. Voici encore une fois l'heure du grand retour périodique de la marée montante de la pensée mystique en Europe. De tous côtés nous environne l'océan de la science universelle, — la science de la vie éternelle, — apportant dans ses flots les trésors ensevelis et oubliés des générations disparues, trésors qui sont encore inconnus des 'races civilisées modernes. Le courant vigoureux qui monte

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des abîmes sous-marins, des profondeurs où gisent les connaissances et les arts préhistoriques engloutis avec les Géants antédiluviens, — demi-dieux, quoique mortels à peine ébauchés, — ce courant nous souffle au visage, en murmurant : — « Ce qui fut, est encore ; ce qui est oublié, enterré depuis des éons dans les profondeurs des couches jurassiques, peut reparaître à la surface encore une fois. Préparez-vous ».

Heureux ceux qui entendent le langage des éléments. Mais où vont-ils, ceux pour qui le mot élément n'a d'autre signification que celle que lui donnent la physique et la chimie matérialistes ? Est-ce vers des rivages connus que le flot des grandes eaux les emportera, lorsqu'ils auront perdu pied dans l'inondation qui Se prépare ? Est-ce vers le sommet d'un nouvel Ararat qu'ils se sentiront emportés, vers les hauteurs où il y a lumière et soleil et une corniche sûre pour y poser le pied, ou bien est-ce vers un abîme sans fond, qui les engloutira dès qu'ils voudront lutter contre les vagues irrésistibles d'un élément nouveau ?

Préparons-nous, et étudions la vérité sous toutes ses faces, tâchons de n'en ignorer aucune, si nous ne tenons pas, lorsque l'heure sera venue, à tomber dans le gouffre de l'inconnu. Il est inutile de s'en remettre au hasard et d'attendre le moment de la crise intellectuelle et psychique qui se prépare, avec indifférence, sinon avec une pleine incrédulité, en se disant qu'au pis aller la marée nous poussera tout naturellement vers le rivage ; car il y a de grandes chances pour que cette marée ne rejette qu'un cadavre. La lutte sera terrible, en tout cas, entre le matérialisme brutal et le fanatisme aveugle d'un côté, et de l'autre la philosophie et le mysticisme, ce voile plus ou moins épais de la vérité éternelle.

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Ce n'est pas le matérialisme qui aura le dessus. Tout fanatique d'une idée qui l'isolerait de l'axiome universel — « il n'y a pas de religion plus élevée que

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la Vérité » — se verra détaché par cela même, comme une planche pourrie, de la nouvelle arche appelée l'Humanité. Ballotté sur les flots, chassé par le vent, roulé dans cet élément si terrible parce que cet élément est inconnu, il se verra bientôt engouffré...

Oui, il doit en être ainsi et il ne peut en être autrement, lorsque la flamme artificielle et sans chaleur du matérialisme moderne s'éteindra faute d'aliments. Ceux qui ne peuvent se faire à l'idée d'un .Moi spirituel, d'une âme vivante et d'un Esprit éternel dans leur coque matérielle (qui ne doit qu'à ces principes sa vie illusoire) ; ceux pour qui la grande vague d'espérance en l'existence d'outre-tombe est un flot amer, le symbole d'une quantité inconnue, ou bien le sujet d'une croyance sui generis, résultant d'hallucinations médiumniques ou théologiques, — ceux-là feront bien de se préparer aux plus grands déboires que l'avenir puisse leur réserver. Car de la profondeur des eaux bourbeuses et noires de la matière qui leur cache de tous côtés les horizons du grand au delà, monte vers les dernières années de ce siècle une force mystique. C'est un frôlement, tout au plus, jusqu'ici, mais un frôlement surhumain, — « surnaturel », seulement pour les superstitieux et les ignorants. L'esprit de vérité passe en ce moment sur la face de ces eaux noires, et, en les divisant, les contraint à dégorger leurs trésors spirituels. Cet esprit est une force qui ne peut être ni entravée ni arrêtée. Ceux qui la reconnaissent et sentent que voici le moment suprême de leur salut, seront enlevés par elle et emportés au-delà des illusions du grand serpent astral. Le bonheur qu'ils en éprouveront sera si âpre et si vif, que, s'ils n'étaient isolés en esprit de leur corps de chair, la béatitude les blesserait comme une lame acérée. Ce n'est pas du plaisir qu'ils éprouveront, mais un bonheur qui est 'un avant-goût de la connaissance des dieux, de la connaissance du bien et du mal et des fruits de l'arbre de la vie.

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Mais que l'homme de l'ère présente soit un fanatique, un incrédule ou un mystique, il doit se bien persuader qu'il lui est inutile de lutter contre les deux forces morales actuellement déchaînées et en lutte suprême. Il est à la merci de ces deux adversaires, et il n'existe pas de force intermédiaire capable de le protéger. Ce n'est qu'une question de choix : se laisser emporter naturellement et sans lutte sur les flots de l'évolution mystique, ou bien se débattre contre la réaction de l'évolution morale et psychique et se sentir engouffré dans le Maelstroom de la nouvelle marée. Le monde entier, à l'heure actuelle, avec ses centres de haute intelligence et de culture humaine, avec ses foyers politiques, littéraires, artistiques et commerciaux, est en ébullition ; tout s'ébranle, s'écroule et tend à se réformer. Il est inutile de s'aveugler, inutile d'espérer qu'on pourra rester neutre entre les deux forces qui luttent ; il faut se laisser broyer ou choisir entre elles. L'homme qui s'imagine avoir choisi la liberté, et qui, néanmoins, reste submergé dans cette chaudière en ébullition et écumante de matière malpropre que l'on appelle la vie sociale, — prononce le mensonge le plus terrible à son Moi divin, un mensonge qui aveuglera ce Moi à travers la longue série de ses incarnations futures. Vous tous qui hésitez dans la voie de la Théosophie et des sciences occultes, et qui tremblez au seuil d'or de la vérité, — la seule vérité qui soit encore possible, puisque toutes les autres vous ont fait défaut, l'une après l'autre, — regardez bien en face la grande réalité sui s'offre à vous. C'est aux mystiques seuls que ces paroles s'adressent, c'est pour eux seuls qu'elles ont quelque importance ; pour ceux qui ont déjà fait leur choix elles sont vaines et inutiles. Mais vous, Occultistes, Kabbalistes et Théosophes, vous savez bien qu'un mot vieux comme le monde, quoique nouveau pour vous, a été prononcé au commencement de ce cycle, et gît en puissance, bien que non articulé pour les autres, dans la somme

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des chiffres de l'année 1889 ; vous savez qu'une note, qui n'avait jamais encore été entendue par les hommes de l'ère présente, vient de résonner, et qu'une nouvelle pensée est éclose, mûrie par les forces de l'évolution. Cette pensée diffère de tout ce qui a jamais été produit dans le XIX siècle ; elle est identique, cependant, avec celle qui fut la tonique et la clef de voûte de chaque siècle, surtout du dernier : — Liberté absolue de la pensée humaine.

Pourquoi essayer d'étrangler, de supprimer ce qui ne peut être détruit ? A quoi bon lutter, lorsqu'on n'a d'autre choix que de se laisser soulever sur la crête de la vague spirituelle jusqu'aux cieux, jusqu'au-delà des étoiles et des univers, ou de se laisser entraîner dans le gouffre béant d'un océan de matière. Vains sont vos efforts pour sonder

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l'insondable, pour arriver aux racines de cette matière si glorifiée dans notre siècle ; car ses racines poussent' dans l'Esprit et dans l'Absolu, et n'existent pas, bien qu'elles soient éternelles. Ce contact continu avec la chair, le sang et les os, avec l'illusion de la matière différenciée, ne fait que vous aveugler ; et plus vous pénétrerez avant dans la région des atomes chimiques et insaisissables, plus vous vous convaincrez qu'ils n'existent que dans votre imagination. Pensez-vous y trouver vraiment toutes les vérités et toutes les réalités de l'être ? Mais la mort est à la porte de chacun de nous, prête à fermer sur l'âme aimée qui s'échappe de sa prison, sur l'âme qui seule a rendu le corps réel; et l'amour éternel s'assimile-t-il avec les molécules de la matière qui différencie et disparaît ?

Mais vous êtes peut-être indifférents à tout cela, et alors, que vous importent l'amour et les âmes de ceux que vous avez aimés, puisque vous ne croyez pas à ces âmes ? Ainsi soit-il. Votre choix est tout fait; vous êtes entrés dans le sentier qui ne traverse que les déserts arides de la matière. Vous vous êtes

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condamnés à y végéter à travers une longue série d'existences, vous contentant désormais de délires et de fièvres au lieu de perceptions spirituelles, de passion au lieu d'amour, de la coquille au lieu du fruit.

Mais vous, amis et lecteurs, qui aspirez à quelque chose de plus qu'une vie d'écureuil tournant dans sa roue incessante ; vous qui ne sauriez vous contenter de la chaudière qui bout toujours sans rien produire, vous qui ne prenez pas des échos sourds et vieux comme le monde pour la voix divine de la vérité, préparez-vous à un avenir que peu d'entre vous ont rêvé, à moins qu'ils ne soient entrés dans la voie. Car vous avez choisi un sentier qui, plein de ronces d'abord, s'élargira bientôt et vous mènera droit à la vérité divine. Libre à vous de douter d'abord; libre à vous de ne pas accepter sur parole ce qui est enseigné sur la source et la cause de cette vérité, mais vous pouvez toujours écouter ce que dit la voix, vous pouvez toujours observer les effets produits par la force créatrice qui sort des abîmes de l'inconnu. Le sol aride sur lequel se meuvent les générations présentes, à la fin de cet âge de disette spirituelle et de satiété toute matérielle, a besoin d'un signe divin, d'un arc-en-ciel, — symbole d'espérance — au-dessus de son horizon. Car de tous les siècles passés, le XIXe est le plus criminel. Il est criminel dans son égoïsme effrayant; dans son scepticisme qui grimace à la seule idée de quelque chose au-delà de la matière; dans son indifférence idiote pour tout ce qui n'est pas le Moi personnel, — plus que ne l'a été aucun des siècles d'ignorance barbare et de ténèbres intellectuelles. Notre siècle doit être sauvé de lui-même avant que sa dernière heure ne sonne. Voici le moment d'agir pour tous ceux qui voient la stérilité et la folie d'une existence aveuglée par le matérialisme, et si férocement indifférente au sort d'autrui ; c'est à eux de dévouer leurs plus grandes énergies, tout leur courage et tous leurs efforts à une réforme intellectuelle. Cette réforme

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ne peut être accomplie que par la Théosophie et, disons-le, par l'Occultisme ou la sagesse de l'Orient. Les sentiers qui y mènent sont nombreux, mais la sagesse est une. Les artistes la pressentent, ceux qui souffrent en rêvent, les purs d'esprit la connaissent. Ceux qui travaillent pour autrui ne peuvent rester aveugles devant sa réalité, bien qu'ils ne la connaissent pas toujours par son nom. Il n'y a que les esprits vides et légers, les frelons égoïstes et vains, étourdis du son de leur propre bourdonnement, qui ignorent cet idéal supérieur. Ceux-là vivront jusqu'à ce que la vie devienne un fardeau bien lourd pour eux.

Qu'on le sache bien cependant: ces pages ne sont pas écrites pour les masses. Elles ne sont ni un appel à la réforme, ni un effort pour gagner à nos vues les heureux de la vie ; elles ne s'adressent qu'à ceux qui sont faits pour les comprendre, à ceux qui souffrent, à ceux qui ont soif et faim d'une réalité quelconque dans ce monde d'ombres chinoises. Et ceux-là, pourquoi ne se montreraient-ils pas assez courageux pour laisser là leurs occupations frivoles, leurs plaisirs surtout et mêmes leurs intérêts, à moins que le soin de ces intérêts ne leur constitue un devoir envers leur famille ou autrui ? Personne n'est si occupé ou si pauvre qu'il ne puisse se créer un bel idéal à suivre. Pourquoi hésiter à se frayer un passage vers cet idéal, s les obstacles, toutes les entraves, toutes les considérations journalières de la vie sociale, et à marcher résolument jusqu'à ce qu'on l'atteigne ? Ah ! ceux qui feraient cet effort trouveraient bientôt que la « porte étroite » et « le chemin plein de ronces » mènent à des vallées spacieuses aux horizons sans limites, à un état où on ne meurt plus, car on s'y sent redevenir dieu! Il est vrai que les premières conditions requises pour en arriver là sont un désintéressement absolu, un dévouement sans bornes pour autrui, et une parfaite indifférence pour le monde et son opinion. Pour faire le premier pas dans cette voie

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idéale, il faut un motif parfaitement pur; aucune pensée frivole ne doit nous faire détourner les yeux du but, aucune hésitation, aucun doute ne doit entraver nos pas. Cependant il existe des hommes et des femmes parfaitement capables de tout cela et dont le seul désir est de vivre sous l'égide de leur Nature Divine. Que ceux-là, au moins, aient le courage de vivre cette vie et de ne pas la cacher aux yeux des autres ! Aucune opinion d'autrui ne saurait être au dessus de l'opinion de notre propre conscience. Que ce soit donc cette conscience, parvenue à son développement suprême, qui nous guide dans tous les actes de l'existence ordinaire. Quant à la conduite de notre vie intérieure, concentrons toute notre attention sur l’idéal proposé, et regardons au-delà, sans jamais jeter un regard sur la boue à nos pieds...

Ceux qui sont capables de cet effort sont de vrais Théosophes ; tous les autres ne sont que des membres plus ou moins indifférents, et fort souvent inutiles.

H.P. BLAVATSKY.

16 Cahier Théosophique 116

© Textes Théosophiques, Paris

©Tous droits réservés pour la traduction

Dépôt légal - 27061978-17859

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SOMMES-NOUS ABANDONNES ?7 Après le départ de H.P.B. de la scène active du monde quelques voix timides se sont élevées pour demander dans la Société : « Les Adeptes nous ont-ils abandonnés ? ». Cette question fut aussi posée par certains membres qui, sans être d'un caractère faible, n'ont pas compris très clairement ce que sont les Adeptes, ni comment Ils travaillent ; or, dans l'usage du terme « Adepte » sont compris aussi les « Mahatmas », les « Frères », les « Maîtres ».

Que ces êtres existent ne fait aucun doute pour nous, puisque pour ceux qui ont étudié selon la méthode requise, maintes preuves en ont été données ; quant aux autres, les preuves existent en eux-mêmes. Les premiers ont reçu des preuves tangibles des Adeptes sous forme de lettres et d'apparitions ; les seconds sont arrivés à la conclusion que les Maîtres sont une nécessité dans l'évolution. Ceux qui reçurent des preuves palpables les avaient méritées par leur Karma et leur travail passé ; les autres, étant passés par l'épreuve et le raisonnement dans des vies antérieures sont arrivés rapidement à cette conclusion que puisqu'il existe des grades d'intelligence, de sagesse et de pouvoir au-dessous de nous, il doit y en avoir au-dessus, conduisant tous, ex necessitate rei, à l'Adepte ou au Maître de tous les degrés.

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Déjà dans les rangs de la Société on a toujours rencontré trois attitudes mentales concernant la question de savoir si oui ou non les Adeptes, une fois leur existence admise, ont quelque chose en particulier à faire avec la S. T. Premièrement il y a ceux qui le croient ; deuxièmement, ceux qui ne le croient pas ; troisièmement, ceux, qui parfois ont des doutes et à d'autres moments en sont sûrs et restent indécis.

Ceux qui croient que le Mouvement de la S. T. n'est qu'un développement naturel de la pensée ne peuvent être touchés par cette discussion ; le premier et le troisième groupes seuls peuvent être intéressés par la question. Une fois pour toutes, il faudrait que ces derniers réalisent que l'idée de l'existence des Adeptes et de leur lien avec notre mouvement fut en premier lieu lancée en Occident, dans ce siècle et dans notre Société, par H. P. Blavatsky ; tout au long de sa carrière, elle n'a jamais cessé de déclarer que les Adeptes ; qu'elle se plaisait à appeler ses Maîtres, l'avaient engagée à entreprendre ce travail et l'ont toujours aidée et dirigée. Qu'Ils aient pu la guider, elle personnellement, pour ensuite abandonner la Société qu'elle avait fondée pour la simple raison que son corps physique était arrivé à sa dissolution semble aussi illogique qu'inconcevable. Bien des personnes ont affirmé avoir reçu des messages écrits de ces mêmes Maîtres, messages dans lesquels Ils disaient consacrer une partie de Leurs efforts au bénéfice de la S.T. Parmi ces personnes nous pouvons mentionner A.P. Sinnett, qui n'a jamais dit le contraire et qui possède aujourd'hui un grand nombre de ces lettres. Pourquoi les fondateurs invisibles retireraient-Ils Leur aide quand le travail de la Société ne fait que commencer à produire ses justes effets sur le siècle ? Il ne semble pas y avoir de réponse raisonnable à cette question.

Une fois que nous admettons qu'Ils existent et qu'Ils ont, adopté pour ce siècle la S.T. comme l'un de Leurs agents pour propager la vérité

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sur l'homme et la nature, nous sommes obligés de supposer que les règles du simple bon sens suffisent à trancher la question de la continuation de l'aide ou de son retrait. Une des conclusions les plus évidentes c'est que la Société ne peut être abandonnée avant d'avoir accompli sa mission, ou d'avoir tout à fait échoué. Seize années de travail assidu ont produit un effet énorme sur la pensée en Amérique, en Europe et en Asie, mais cet aspect du travail visait à lutter contre les préjugés et à briser l'opposition et, en ce début de seizième année, à éveiller un certain intérêt pour les doctrines présentées à l'attention de l'Occident grâce aux efforts de nos membres. De là, nous devons déduire, en êtres prévoyants et raisonnables, la nécessité d'une continuation de l'aide. Il est clair que le travail de grande diffusion et de sage édification reste encore devant nous. Pourquoi alors ces Adeptes nous abandonneraient-Ils ? Ici encore, on ne peut raisonnablement répondre à cette question.

7 Article publié pour la première fois par W.Q. Judge dans le Path d'août 1891, en anglais.

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Mais si nous tenons compte de ce que nous savons des motifs des Adeptes et des méthodes qu'Ils emploient, nous ne pouvons supposer un instant que nos fondateurs réels et nos aides constants puissent nous laisser combattre seuls. Dans des lettres et des messages provenant d'Eux, nous lisons que Leur motif est d'aider le progrès moral de l'humanité et, de là, au progrès objectif et que Leur méthode consiste à travailler derrière le rideau par l'intermédiaire d'agents adaptés au travail. Ces lettres et ces messages stipulent aussi que ce rôle d'agent ne se borne pas à une seule personne mais que les amants sincères de la Vérité sont utilisés à cette fin, qu'ils le sachent ou non. Le départ de H.P.B. ne fait pas disparaître de la scène les autres amants sincères de la Vérité, pas plus qu'il n'empêche les Adeptes d'envoyer des messages, si cela est nécessaire. De tels messages furent reçus avant le départ de H.P.B. par des personnes qui n'étaient nullement en relation avec elle et, depuis ce triste évènement, sont venus encourager ceux qui avaient droit à un tel

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encouragement. Le contenu de ces messages n'est pas pour le public, ni en vérité pour personne d'autre que ceux à qui ils sont parvenus.

Et, même si de tels messages n'avaient pas été reçus, l'aide des Maîtres serait amplement démontrée pour ceux qui ne sont pas aveugles. Car, ainsi qu'Ils l'avaient dit il Y a longtemps, le travail serait aidé, et il le fut ; aucune autre raison ne peut être donnée au développement du travail en Amérique, car l'effort personnel déployé par les membres ne suffit pas à expliquer l'extension du mouvement. Et maintenant, considérons comme une prophétie faite dans les messages dont nous venons de parler que dans le royaume de la Grande Bretagne et en Europe, d'ici cinq ans, on verra une propagation similaire de la Théosophie. Qu'aucun de nous ne se laisse donc aller au découragement. De même que les Maîtres existent, de même Ils nous aident et de même que nous le mériterons, Ils nous paieront en retour.

W.Q.J.

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L'AIDE DES MAITRES SERA-T-ELLE SUSPENDUE DE 1898 à 1975 ?8 Il est un enseignement très connu des membres de la Société, c'est qu'à la fin de chaque siècle un mouvement spirituel est déclenché dans le monde par les Mahatmas, mouvement qui débute vingt-cinq ans avant la fin du siècle et qui, quand ces vingt-cinq années sont terminées, ne se renouvelle plus sous cette forme avant qu'ait sonné le dernier quart du siècle suivant. Mais ceci a été exagéré et très mal compris. Certains, en réalité beaucoup, vont jusqu'à conclure que, pendant les années qui viennent, les Mahatmas se retireront complètement de tout travail dans le monde, et nous abandonneront tous à notre sort. Une personne alla jusqu'à dire que cela signifiait la venue de la sixième race en 1898, et elle se demandait par conséquent comment cela pouvait être, et à quoi tout cela servirait, puisque la sixième race devait posséder par elle-même une connaissance suffisante. Mais la majeure partie semble penser qu'il ne sera plus accordé d'aide après cette date. Je crois que ceci est inexact, et je vais essayer de l'expliquer comme me l'expliqua H.P.B. qui promulgua cette théorie.

Les Maîtres sont gouvernés par la loi d'action et de réaction, et sont toujours assez sages pour ne pas agir de façon à anéantir toute leur œuvre antérieure. La loi de réaction s'applique autant au mental de l'homme

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qu'aux forces et choses physiques. Si, à un moment donné, une trop grande force était déversée sur le plan mental, il en résulterait une réaction de superstition et de maux de toute espèce qui détruirait tout le travail. La superstition régit encore le monde, et le monde ne se limite pas, pour les Maîtres, aux peuples occidentaux. En Occident, suivant en cela les cycles historiques, un grand effort bien défini est tenté dans le monde, par exemple la Société Théosophique, afin d'aider au développement psychique et spirituel de l'homme. Parmi d'autres raisons

8 Cet article fut publié pour la première fois par W. Q. Judge dans The Path de novembre 1894, en anglais.

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Articles sur les Cycles dans les Cahiers Théosophiques

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qui s'opposent à l'emploi prolongé d'une trop grande force, il y a le fait que, si cela allait trop loin, beaucoup de gens non préparés, dont le sens moral n'est pas bien dirigé, adopteraient toutes nos théories et les suivraient d'une façon purement égoïste, pour des fins commerciales ou autres.

C'est, entre autres, pour cette raison que H.P.B. commença à espacer la production de ses phénomènes occultes quelque temps avant son départ de ce monde, bien qu'elle soit restée, jusqu'à la fin (et je le sais de façon tout à fait certaine), capable d'en produire et elle en produisit effectivement, même des plus extraordinaires jusqu'à son dernier jour. Mais il en fut autrement en public. Certains ont cru pouvoir affirmer de leur propre chef que la raison de ce changement était due à ce qu'elle était arrivée à la conclusion qu'elle avait commis une erreur en produisant des phénomènes, mais je n'en crois rien. Cela faisait partie d'un plan et d'un ordre parfaitement compris.

A la fin des vingt-cinq ans, les Maîtres n'enverront plus avec autant de puissance et en aussi grande quantité la force qu'ils transmettent pendant ce quart de siècle. Mais cela ne veut pas dire qu'ils se retireront, Ils laisseront germer les idées dans le mental des hommes, mais ils n'enlèveront jamais à ceux qui la méritent l'aide qui est due et donnée à tous. Toutefois, beaucoup auront progressé plus que les autres à ce

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moment et une aide continue, et qui Les guidera, sera donnée à ceux qui auront marché de l'avant par altruisme et par dévouement désintéressé au bien de la race. Beaucoup, cependant, dans la S.T. et au dehors, resteront si égoïstes et si personnels qu'ils devront se contenter de ce qu'ils recevront d'autrui et, par suite, du développement général. H.P.B. fut très catégorique sur ce point. Ceci concorde avec l'histoire. Au cours de tous les siècles, il y eut de nombreuses personnes qui reçurent une aide directe et précieuse des Maîtres, et supposer qu'à la fin de nos vingt-cinq premières années d'existence tout cela sera fini est, en soi-même, une absurdité.

W.Q.J.

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LE CYCLE QUI S'ACHEVE9 Dans le numéro de Novembre, Sinnett parle du « Cycle qui s'achève » et recommande aux membres, à juste titre, de ne pas pousser l'absurdité (ce mot est de moi) jusqu'à penser qu'après 1897 « quelque mystérieux éteignoir s'abattra sur nous ».

Quelle est la personne qui déclara ouvertement que 1897 serait la fin d'un cycle où quelque chose se produirait ? Ce fut H.P. Blavatsky. Cela ne fait pas le moindre doute qu'elle fit une telle déclaration et qu'elle l'a pleinement expliquée à plusieurs personnes, pas plus qu'on ne peut douter de ce qu'elle disait dès 1875 à savoir que l'année 1897 verrait une porte se fermer. Quelle porte ? Une porte menant où ? Qu'est-ce qui devait se terminer ou doit se terminer ? La S.T. arrive-t-elle à sa fin et doit-elle fermer tous ses livres ?

Il est tout à fait certain que H.P. Blavastky affirma, sur l'autorité directe des Maîtres, que durant les vingt-cinq dernières années de chaque siècle la Loge et ses agents font un effort en Occident et qu'il cesse dans sa forme et son influence publiques et directes avec la vingt-cinquième année. Ceux qui ont confiance en elle croiront, ceux qui pensent en savoir davantage qu'elle inventeront d'autres idées au gré de leur fantaisie.

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Elle expliqua, comme l'expliqueront tous ceux (et ils sont nombreux) qui reçoivent leur enseignement des mêmes Maîtres, que si l'effort public devait se poursuivre plus longtemps, il se produirait une réaction semblable à une indigestion. Il faut que l'assimilation ait le temps de se faire, sans quoi « l'ombre profonde qui fait suite à toute innovation » étoufferait l'âme de l'homme. Le grand public, la masse, doit avoir le temps d'assimiler et aussi matière à assimiler. Le temps est toujours. La matière a été fournie par les Maîtres, dans le travail accompli par

9 Cet article fut publié pour la première fois par W.Q. Judge dans l'Irish Theosophist de Janvier 1895, en anglais.

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Articles sur les Cycles dans les Cahiers Théosophiques

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H.P. Blavatsky, dans ses livres et dans l'œuvre qui en est résultée. Elle a dit, les Maîtres ont dit et je déclare encore pour le bien de ceux qui ont la moindre confiance en moi que les Maîtres m'ont dit qu'Ils l'ont aidée à écrire la Doctrine Secrète afin qu'au cours des soixante-quinze et quelques années qui suivent, le monde ait une base de travail, ajoutant que dans les années à venir on étudierait largement ce livre et ses théories. Nous devons donc travailler sur la matière reçue et l'assimiler pour le bien de tous. Aucun éteignoir ne s'abattra donc sur nous. La S.T., dans son ensemble, ne jouira pas de la vigilance incessante des Maîtres, pour tous les détails, mais doit arriver à maturité avec ce qu'elle a et avec l'aide à venir des quelques rares « élus ». H.P. Blavatsky a clairement souligné dans la conclusion de la Clef que le plan est de garder la S.T. vivante en tant que corps actif, libre, non sectaire pendant toute la période d'attente du nouveau grand messager, qui sera elle-même indiscutablement. Ainsi lui sera fourni l'instrument le plus adéquat lui permettant de reprendre le travail sur une plus grande échelle et sans la redoutable opposition à laquelle elle se heurta au dehors, comme au dedans, lorsqu'elle l'entreprit cette fois-ci. Et tout ce temps que durera l'attente, le Maître, « ce Grand Initié dont la seule volonté soutient le mouve-ment tout entier » aura sa main puissante largement étendue derrière la Société.

Jusqu'en 1897 la porte est ouverte à quiconque a le courage, la, force et la vertu d'ESSAYER, de façon à

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pouvoir entrer et établir une communication avec la Loge, communication qui ne cessera nullement lorsque le cycle s'achèvera. Mais quand l'heure sonnera la porte se fermera et ni vos supplications ni vos pleurs ne vous l'ouvriront. Ceux qui auront établi le lien auront leur porte ouverte, mais la porte du public en général sera close. Tel est la véritable interprétation de 1'« éteignoir » donnée par H. P. Blavatsky et le Maître. Elle est très facile à comprendre.

« Beaucoup sont appelés mais peu sont élus » parce qu'ils ne l'ont pas permis. Les non-élus sont ceux qui ont travaillé pour eux seuls ; ceux qui ont cherché la connaissance pour eux-mêmes sans se soucier du reste ; ceux qui n'ont pas utilisé comme ils le pouvaient le temps, l'argent, et la capacité d'aider efficacement la cause des Maîtres depuis longtemps définie par eux comme étant le travail pour l'humanité et non pour soi. Hélas, parmi les non-élus et les non-remarqués, quelques-uns sont arrivés très près du seuil mais se sont trop longtemps attardés à dépister les échecs et les fautes qu'ils flairaient chez un frère pèlerin et ; de ce fait ont régressé de plus en plus, en dressant, au fur et à mesure, des barrières derrière eux. Ils avaient été appelés et presque élus ; le premier pâle tracé de leurs noms commençait à s'inscrire dans le livre de ce siècle, mais tandis qu'ils reculaient, se croyant vraiment en deçà de la porte, les contours de leurs noms s'effaçaient et d'autres noms jaillissaient étincelants. Ces autres noms sont ceux d'humbles personnes, ici et là, que ces fiers aristocrates de l’occu1te estimaient indignes d'une minute d'attention.

Il me semble qu'il y a une faute d'impression ou une erreur involontaire de la part de Sinnett dans son article p. 26 où il dit : « sera la connaissance généralement diffusée parmi les classes cultivées ». Les mots ont été mis en italique par moi. On ne pouvait commettre plus grande erreur à mon avis. Pour les Maîtres-constructeurs de la Loge, les classes cultivées

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sont sans aucune valeur dans leur ensemble. Elles sont bonnes là où elles sont, mais elles représentent « l'ordre établi » et le summum de l'égoïsme. Remplacez classes cultivées par masses et vous approcherez de la vérité. Les masses ignorantes et non les masses cultivées ont gardé vivace la croyance dans l'occulte et le psychique qui, une fois de plus, est ravivée comme la flamme. Si nous nous étions fiés aux gens cultivés la faible braise se serait depuis longtemps éteinte. Nous pouvons, avec insistance, arriver à toucher les gens cultivés, mais ils ne témoigneront qu'un faible intérêt sans enthousiasme.

Nous voici déjà dans les obscurs débuts d'une ère nouvelle. C'est l'ère de l'Occultisme Occidental où sont exposées et présentées de façon particulière et définie les théories jusqu'ici examinées d'une façon générale. Nous devons agir comme disait Bouddha à ses disciples : prêchez, promulguez, exposez, illustrez clairement dans le détail les grandes choses que nous avons apprises. C'est là notre travail et non de révéler des choses surprenantes sur la clairvoyance et autres sujets astraux, pas plus que d'étourdir les hommes de science par des découvertes irréalisables par eux, mais aisées pour l'occultiste. Le plan du Maître n'a pas changé. Il l'a exposé il y a longtemps. C'est de rendre le monde en général meilleur, de préparer un terrain convenable pour le développement des

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pouvoirs de l'âme qui sont dangereux s'ils éclosent dans notre sol égoïste actuel. Ce n'est pas la Loge Noire qui freine le développement psychique ; c'est la Loge Blanche. La Loge Noire voudrait bien voir pleinement fleurir tous les pouvoirs psychiques maintenant, parce que dans notre monde méchant, borné, hypocrite, avide d'argent, elle aurait bientôt anéanti la race. Cette idée peut sembler étrange, mais pour ceux qui veulent me croire sur parole je dis : c'est ce que disent les Maîtres.

W. Q. JUDGE

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Cahier Théosophique 91

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