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13 123 janvier 2012 ÉVALUER LES ENSEIGNEMENTS … > ENTRETIEN Quels modèles pour l’inspection scolaire ? Norvège et l’Estonie. Il existe dans ces pays un très fort degré d’auto- nomie, la qualité de l’éducation relève de la commune. Les chefs d’établissement recrutent souvent eux-mêmes les enseignants. Pour une inspection plus efficace Les différentes recherches concer- nant l’inspection scolaire font état d’effets très limités, quand ce n’est pas d’effets négatifs. L’inspection ne peut être efficace que si elle est associée à d’autres facteurs comme la formation continue, le leadership, l’implication de l’au- torité locale, l’auto-évaluation, etc. La qualité du rapport d’ins- pection est primordial : il doit être clair et pointer les forces et fai- blesses de l’établissement, il doit être expliqué et doit proposer des pistes, ce qui implique un suivi ensuite, au travers d‘inspections plus ciblées. Un consensus se dessine pour élargir le spectre de l’inspection à d’autres acteurs, parties prenantes du système éducatif (partenaires, parents, associations, etc.) et envi- sager d’autres modes d’évaluation : par les pairs ou par des associa- tions partenaires notamment. Une des clés réside aussi dans l’alter- nance entre différents types d’ins- pection : inspection d’établis- sement et auto-évaluation bien entendu, mais aussi des risk-based inspections (afin de déterminer le risque que la qualité attendue dans un établissement ne soit pas atteinte), des inspections théma- tiques ou encore des inspections surprises. Certains inspectorats se refusent à émettre la moindre recommandation et en restent au constat. C’est souvent au chef d’établissement qu’il revient de tirer les conclusions. Pourtant, d’après Van Bruggen (2010), l’ins- pection gagnerait probablement en efficacité si elle était assortie de jugements et de conseils portant sur les enseignements et si un suivi était mis en place ensuite. Il s’agit d’initier une dynamique d’échanges et de développer la coopération entre enseignants plutôt qu’un système fondé sur la réussite personnelle et la com- pétition qui aurait des effets per- vers et favoriserait notamment la fraude. Cela permettrait peut-être de répondre aux besoins spéci- fiques des enseignants en dif- ficulté. Conclusion Pour que l’inspection en France joue un rôle actif dans la qualité de l’éducation, ses missions doi- vent être redéfinies. S’intéresser à ce qui se passe collectivement au niveau d’un établissement, assurer un suivi cohérent et qui réponde aux attentes des acteurs de l’école ainsi qu’aux usagers, établir une relation de confiance avec les équipes éducatives, dissocier l’as- pect de l’évaluation de la gestion de carrière sont autant de pistes auxquelles réfléchir. La qualité de l’éducation ne dépend pas tant de l’inspection que des relations qui sont tissées autour de l’acte d’évaluation entre les enseignants, les chefs d’établissement, le réseau local d’éducation, les partenaires exté- rieurs et les inspecteurs. Rémi Thibert, enseignant d'anglais-lettres en LP, détaché auprès de l'IFÉ (Institut Français de l'Éducation - ENS Lyon) Rémi Thibert, (2011). Inspection scolaire : du contrôle à l’accompagnement ? Dossier d’actualité Veille et Analyses, (n° 67). inspection en France L’inspection scolaire telle qu’elle se passe aujourd’hui n’est pas satisfaisante. Dans la réforme en cours, le gouvernement souhaite renforcer le rôle des chefs d’établis- sement dans la procédure d’éva- luation des enseignants, ce qui entraîne de fait un changement de mission des inspecteurs. En ce qui concerne l’évaluation de l’ensei- gnant, pourtant jugée inefficace, que ce soit pour la gestion des ressources humaines, le contrôle ou l’accompagnement, la logique reste la même : on en reste à une évaluation individuelle, comme si la qualité de l’enseignement dispensé ne dépendait que de l’en- seignant et de ce qui se passe dans la classe. Quid de l’effet établis- sement, dont on sait qu’il existe ? Évolutions en Europe Ses inspectorats en Europe ont fortement évolué depuis les an- nées 1980, suivant la voie tracée par les anglo-saxons qui misent sur les inspections d’établissement et abandonnent les inspections individuelles (les missions d’éva- luation peuvent aussi être extério- risées). Ces inspections complètes (full inspections) impliquent aussi les acteurs extérieurs à l’école (parents, associations complémen- taires,…) et se font en complé- ment d’une auto-évaluation au sein de l’établissement. Ceci né- cessite une véritable culture de l’auto-évaluation. Les systèmes éducatifs sont dans la plupart des pays très décentra- lisés et il existe une très forte au- tonomie laissée à l’échelon local, voire à l’établissement. Cependant les standards à respecter sont dé- finis de manière centralisée par l’État. Le rapport d’évaluation est souvent rendu public. Il est à noter que quelques pays ont décidé de ne plus procéder à des inspections : le Danemark, la L’

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ÉVALUER LES ENSEIGNEMENTS …

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NQuels modèles pour l’inspection scolaire ?

Norvège et l’Estonie. Il existe dansces pays un très fort degré d’auto-nomie, la qualité de l’éducationrelève de la commune. Les chefsd’établissement recrutent souventeux-mêmes les enseignants.

Pour une inspection plus efficaceLes différentes recherches concer-nant l’inspection scolaire font étatd’effets très limités, quand ce n’estpas d’effets négatifs. L’inspectionne peut être efficace que si elle est associée à d’autres facteurscomme la formation continue, leleadership, l’implication de l’au-torité locale, l’auto-évaluation,etc. La qualité du rapport d’ins-pection est primordial : il doit êtreclair et pointer les forces et fai-blesses de l’établissement, il doitêtre expliqué et doit proposer despistes, ce qui implique un suiviensuite, au travers d‘inspectionsplus ciblées.Un consensus se dessine pourélargir le spectre de l’inspection àd’autres acteurs, parties prenantesdu système éducatif (partenaires,parents, associations, etc.) et envi-sager d’autres modes d’évaluation :par les pairs ou par des associa-tions partenaires notamment. Unedes clés réside aussi dans l’alter-nance entre différents types d’ins-pection : inspection d’établis-sement et auto-évaluation bienentendu, mais aussi des risk-basedinspections (afin de déterminer le risque que la qualité attenduedans un établissement ne soit pasatteinte), des inspections théma-tiques ou encore des inspectionssurprises. Certains inspectorats se refusent à émettre la moindrerecommandation et en restent auconstat. C’est souvent au chefd’établissement qu’il revient detirer les conclusions. Pourtant,d’après Van Bruggen (2010), l’ins-pection gagnerait probablementen efficacité si elle était assortie de

jugements et de conseils portantsur les enseignements et si unsuivi était mis en place ensuite. Il s’agit d’initier une dynamiqued’échanges et de développer lacoopération entre enseignantsplutôt qu’un système fondé sur la réussite personnelle et la com-pétition qui aurait des effets per-vers et favoriserait notamment lafraude. Cela permettrait peut-êtrede répondre aux besoins spéci-fiques des enseignants en dif-ficulté.

ConclusionPour que l’inspection en Francejoue un rôle actif dans la qualitéde l’éducation, ses missions doi-vent être redéfinies. S’intéresser àce qui se passe collectivement auniveau d’un établissement, assurerun suivi cohérent et qui répondeaux attentes des acteurs de l’écoleainsi qu’aux usagers, établir unerelation de confiance avec leséquipes éducatives, dissocier l’as-pect de l’évaluation de la gestionde carrière sont autant de pistesauxquelles réfléchir.La qualité de l ’éducat ion ne dépend pas tant de l’inspectionque des relations qui sont tissées autour de l ’acte d’évaluationentre les enseignants, les chefsd’établissement, le réseau locald’éducation, les partenaires exté-rieurs et les inspecteurs.

Rémi Thibert, enseignant d'anglais-lettres en LP, détaché auprès de l'IFÉ (Institut Français de l'Éducation - ENS Lyon)

Rémi Thibert, (2011). Inspection scolaire : du contrôle à l’accompagnement ? Dossier d’actualité Veille et Analyses, (n° 67).

inspection en FranceL’inspection scolaire telle qu’ellese passe aujourd’hui n’est pas satisfaisante. Dans la réforme encours, le gouvernement souhaiterenforcer le rôle des chefs d’établis-sement dans la procédure d’éva-luation des enseignants, ce quientraîne de fait un changement demission des inspecteurs. En ce quiconcerne l’évaluation de l’ensei-gnant, pourtant jugée inefficace,que ce soit pour la gestion des ressources humaines, le contrôleou l’accompagnement, la logiquereste la même : on en reste à uneévaluation individuelle, comme si la qualité de l’enseignement dispensé ne dépendait que de l’en-seignant et de ce qui se passe dansla classe. Quid de l’effet établis-sement, dont on sait qu’il existe ?

Évolutions en EuropeSes inspectorats en Europe ontfortement évolué depuis les an-nées 1980, suivant la voie tracéepar les anglo-saxons qui misentsur les inspections d’établissementet abandonnent les inspections individuelles (les missions d’éva-luation peuvent aussi être extério-risées). Ces inspections complètes(full inspections) impliquent aussiles acteurs extérieurs à l’école (parents, associations complémen-taires,…) et se font en complé-ment d’une auto-évaluation ausein de l’établissement. Ceci né-cessite une véritable culture del’auto-évaluation.Les systèmes éducatifs sont dansla plupart des pays très décentra-lisés et il existe une très forte au-tonomie laissée à l’échelon local,voire à l’établissement. Cependantles standards à respecter sont dé-finis de manière centralisée parl’État. Le rapport d’évaluation estsouvent rendu public.Il est à noter que quelques paysont décidé de ne plus procéder àdes inspections : le Danemark, la

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