ARTICLE DE LA REVUE JURIDIQUE THÉMIS

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ARTICLE DE LA REVUE JURIDIQUE THÉMIS On peut se procurer ce numéro de la Revue juridique Thémis à l’adresse suivante : Les Éditions Thémis Faculté de droit, Université de Montréal C.P. 6128, Succ. Centre-Ville Montréal, Québec H3C 3J7 Téléphone : (514)343-6627 Télécopieur : (514)343-6779 Courriel : [email protected] © Éditions Thémis inc. Toute reproduction ou distribution interdite disponible à : www.themis.umontreal.ca

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On peut se procurer ce numéro de la Revue juridique Thémis à l’adresse suivante :Les Éditions ThémisFaculté de droit, Université de MontréalC.P. 6128, Succ. Centre-VilleMontréal, QuébecH3C 3J7

Téléphone : (514)343-6627Télécopieur : (514)343-6779Courriel : [email protected]

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Chroniques sectorielles

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Arbitrage commercial

Assujettissement d’un tribunal arbitralconventionnel au pouvoir de surveillance et decontrôle de la Cour supérieure et contrôlejudiciaire d’ordonnances de procédurerendues par les arbitres

Frédéric BACHANDAvocat et chargé de cours à la Faculté de droit de l’Université deMontréal

1 Québec (Procureur général) c. Du Mesnil,J.E. 97-2081, REJB 97-03059 (C.S.);cette décision est répertoriée diff é re m-ment dans la base de données Quicklaw :Québec (Pro c u reur général) c. C i n t e cE n v i ronment Inc., [1997] A.Q. no 3 7 0 6(ci-après cité : « Du Mesnil/Cintec »).

2 L ’ e x p ression « o rdonnance de pro c é-d u re » vise toute décision des arbitre sayant pour objet de faire pro g resser lap ro c é d u re arbitrale, par opposition àcelles tranchant de manière finale un ouplusieurs aspects du fond des récla-mations soumises à l’arbitrage. Vo i r, parexemple, les propos d’Alan REDFERN etMartin HUNTER, The Law and Practiceof International Commercial Arbitration,3e éd., London, Sweet & Maxwell, 1999,p. 365. Pour une énumération des typesd ’ o rdonnances de pro c é d u re qu’un tri-

seconde, qui est très importante auplan pratique, concerne la possibi-lité qu’une ordonnance de pro c é-d u re puisse faire l’objet d’unrecours en annulation durant l’ins-tance arbitrale, c’est-à-dire avantque le tribunal arbitral se soitp rononcé sur le fond des réclama-tions soumises à l’arbitrage2.

Dans une décision qui sembleê t re passée relativement inaperçue,la Cour supérieure du Québec s’estpenchée sur deux questions impor-tantes ayant trait au pouvoir d’in-tervention des tribunaux judiciaire sen matière d’arbitrage convention-n e l1. La pre m i è re sur laquelle lestribunaux québécois semblent avoirpassablement de difficulté à s’en-t e n d re, concerne l’assujettissementd’un tribunal arbitral conventionnelau pouvoir de surveillance et decontrôle de la Cour supérieure. La

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bunal arbitral est susceptible d’émettredurant l’instance arbitrale, voir : SigvardJ A RVIN, « Les décisions de pro c é d u redes arbitres peuvent-elles faire l’objetd’un recours juridictionnel? », (1998)Rev. Arb. 611, 617 et 618.

3 Ci-après « C.p.c. ».4 L’expression a trait à la règle fondamen-

tale en vertu de laquelle toute personnedont les droits sont susceptibles d’êtreaffectés par une décision rendue par unorganisme exerçant des pouvoirs judici-a i res ou quasi judiciaires a le droit d’êtreentendue et de faire valoir ses moyens :René DUSSAULT et Louis BORGEAT,Traité de droit administratif, 2e éd., t. 3,Québec, Presses de l’Université Laval,1989, p. 348 et suiv. Pour une analysede la règle du point de vue du dro i tanglais, voir : Sir Henry William RawsonWADE et Christopher FORSYTH, Admi-nistrative Law, Oxford, Clarendon Pre s s ,1994, p. 494 et suiv.

La Cour supérieure a concluqu’un tribunal arbitral convention-nel était soumis au pouvoir desurveillance et de contrôle que luireconnaît l’article 33 du Code dep ro c é d u re civile3. Elle est intervenuedurant l’instance arbitrale afind’annuler une ordonnance re n d u epar les arbitres fixant les datesd’audition de la réclamation leurayant été soumise, au motif qu’ilsavaient, ce faisant, violé la règleaudi alteram partem4 au détrimentde la partie requérante. Après unb ref rappel des faits et de la décisionde la Cour (I), nous expliquero n spourquoi elle a eu tort, selon nous,de conclure qu’un tribunal arbitralconventionnel est soumis au pou-voir de surveillance et de contrôleque lui reconnaît l’article 33 C.p.c.(II). Par ailleurs, admettre qu’uneo rdonnance de pro c é d u re re n d u epar un tel tribunal puisse faire

l’objet d’un recours en annulationdurant l’instance arbitrale contre-vient, à notre avis, au principe ducontrôle a posteriori de la légalité dela démarche arbitrale. Ce principeimplique que le contrôle judiciairede la légalité de la démarche arbi-trale doit avoir lieu seulement aprèsque le tribunal se soit prononcé surle fond des réclamations soumisesà l’arbitrage, dans le cadre d’un re-cours en annulation ou en homolo-gation exercé à l’endroit d’unesentence arbitrale (III).

I. L’affaire Du Mesnil/Cintec

A. Le contexteEn janvier 1993, le ministre de

l ’ E n v i ronnement et de la faune duQuébec et Cintec Environment Inc.concluent un contrat visant le trai-tement et l’élimination de biphé-nyles polychlorés. Le contrat con-tient une clause compro m i s s o i repar laquelle les parties conviennentde soumettre certains litiges à unarbitrage administré sous l’égide duC e n t re d’arbitrage commercial na-tional et international du Québec(CACNIQ). Un diff é rend concern a n tdes coûts additionnels engendrésnotamment par des travaux supplé-m e n t a i res surgit et Cintec signifieau pro c u reur général du Québec unavis d’arbitrage en décembre 1996,avis par lequel elle lui réclame prèsde 5 millions de dollars. Le pro c u-reur général répond à la demandede Cintec en mars 1997 et se portealors lui-même demandeur re c o n-ventionnel, réclamant à Cintec prèsd’un million de dollars en dommages-intérêts pour diverses inexécutionscontractuelles.

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5 Lors d’une phase préliminaire de lap ro c é d u re en Cour supérieure, le pro c u-reur général a obtenu, le 10 juin 1997 –donc la veille du début de l’audition dud i ff é rend soumis à l’arbitrage – uneo rdonnance de sursis de la pro c é d u rearbitrale. Cette décision est sujette àcritique; elle nous paraît notammentc o n t r a i re à l’article 940.3 C.p.c., puis-que l’intervention de la Cour dans detelles circonstances n’est admise paraucune disposition du Ti t re I du LivreVII C.p.c. relatives à l’arbitrage. Vo i r, àce sujet, l’article du professeur LouisMARQUIS, « La compétence arbitrale :une place au soleil ou à l’ombre dupouvoir judiciaire », (1990) 21 R . D . U . S .303 et notre discussion, infra, p. 476 etsuiv.

Les parties sont ensuite convo-quées par les arbitres à une confé-rence préparatoire lors de laquelledoivent notamment être fixées lesdates d’audition du fond du litige.Cintec exige que l’audition ait lieuen mai ou en juin 1997, ce à quois’oppose le pro c u reur général aumotif que ses deux témoins clefs nesont pas disponibles durant cettepériode. Malgré les représentationsdu pro c u reur général, le tribunalarbitral décide, le 15 mai 1997, quel’audition débutera quelques semai-nes plus tard, soit le 11 juin 1997.Le pro c u reur général est informé dela décision des arbitres le 21 m a i1997.

Le pro c u reur général intente alorsen Cour supérieure, par voie derequête, un recours re c h e rc h a n t ,d’une part, l’annulation de l’ordon-nance de pro c é d u re du 15 mai 1997et, d’autre part, la récusation dest rois arbitre s5. Au soutien de sa

demande d’annulation de la déci-sion fixant les dates d’audition aufond, le procureur général prétendque les arbitres ont agi de manièrec o n t r a i re aux principes de justicen a t u relle en lui refusant l’oppor-tunité de faire valoir ses moyens. Ausoutien de sa demande de récu-sation, le pro c u reur général pré-tend, d’une part, que l’illégalité del ’ o rdonnance de pro c é d u re du 15mai 1997 implique que le différenddoit être entendu par d’autres ar-bitres et, d’autre part, que le com-portement et certains commentai-res des arbitres ont fait naître unecrainte raisonnable de partialité.

Le fondement du recours du pro-c u reur général est double. Il s’ap-puie d’abord sur l’article 846 C.p.c.,qui confère à la Cour supérieure lepouvoir, « à la demande d’une par-tie, [d’]évoquer avant jugement unea ff a i re pendante devant un tribunalsoumis à son pouvoir de surveil-lance ou de contrôle, ou réviser lejugement déjà rendu par tel tribu-n a l » dans certaines circ o n s t a n c e sdont, notamment, lorsque le dro i td’une des parties d’être entendue aété violé par le tribunal visé. Leprocureur général invoque aussi lepouvoir général de surveillance etde contrôle que reconnaît à la Coursupérieure l’article 33 C.p.c.

B. La décision de la Coursupérieure

La Cour précise d’emblée que lep ro c u reur général ne peut invoquerl’article 846 C.p.c., puisque seulesles décisions de tribunaux à carac-

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6 Du Mesnil/Cintec, précité, note 1, par.19 et 20. La Cour cite, à l’appui de cettep roposition, l’arrêt de la Cour d’appel duQuébec dans Tuyaux Atlas, une divisionde Atlas Turner Inc. c. S a v a rd, [1985]R.D.J. 556 (C.A.).

7 Université de Montréal c. C h a r l e s, [1993]R.D.J. 83 (C.A.).

8 Du Mesnil/Cintec, précité, note 1,par. 21.

tère statutaire peuvent faire l’objetd’un recours en évocation6. La Courjuge néanmoins qu’elle peut inter-venir en cours d’instance arbitraleafin de contrôler la légalité del ’ o rdonnance de pro c é d u re en litige,sur le fondement du pouvoir desurveillance et de contrôle que luireconnaît l’article 33 C.p.c. :

La Cour supérieure a néanmoinsun droit de surveillance et de con-trôle que l’article 33 C.p.c. re c o n-naît expre s s é m e n t[7 ]. Aux term e sde la convention d’arbitrage, leTribunal doit procéder à l’arbitra-ge en tenant compte des disposi-tions du contrat, du règlementd ’ a r b i t r a g e [du CACNIQ] et desrègles de droit. S’agissant d’unarbitrage conventionnel les motsde l’art. 33 C.p.c. « en la manièreet dans la forme prescrites par laloi » renvoient aux dispositions dumême code qui apparaissent auL i v re VII des arbitrages, soit lesarticles 940 et suivants.8

La Cour aborde ensuite les deuxquestions de fond soulevées par lerecours du pro c u reur général etconclut, en premier lieu, que ladécision du tribunal arbitral doitê t re annulée car, en fixant l’auditionà des dates auxquelles les deuxtémoins clefs du procureur généraln’étaient pas disponibles, les arbi-tres ont contrevenu à la règle audi

9 Il convient de souligner qu’aucune dis-position du Titre I du Livre VII C.p.c. nepermettait à la Cour d’intervenir afin destatuer sur la demande de récusationprésentée par le pro c u reur général. Eneffet, le recours aux tribunaux judiciai-res en cours d’instance arbitrale enm a t i è re de récusation d’un arbitre( a r t . 942.4 C.p.c.) n’est pas impératif(art. 940 C.p.c.) et le Règlement d’arbi-trage du CACNIQ, applicable en l’espèceprévoit qu’une demande de récusationdes arbitres en cours d’instance arbi-trale doit être présentée au Centre touten précisant, à l’article 7, que les déci-sions rendues par le CACNIQ durant laprocédure arbitrale sont finales et sansappel. La décision de la Cour rejetant lademande de récusation fut portée enappel, sans succès, par le pro c u re u rg é n é r a l : C.A. Montréal, no 5 0 0 - 0 9 -005818-976, 5 décembre 1997.

alteram partem. En second lieu, laCour rejette la demande de récusa-tion du procureur général, d’abordau motif que l’illégalité de l’ord o n-nance de pro c é d u re du 15 mai 1999ne justifie pas – à elle seule – le re m-placement des arbitres et ensuite,p a rce qu’elle n’est pas convaincuequ’il résulte du comportement et decertains commentaires des arbitre sune crainte raisonnable de partia-lité9.

Il importe de revenir sur lepassage précité des motifs de laCour supérieure afin de bien com-p re n d re son raisonnement. Aprèsavoir conclu qu’un tribunal arbitralconventionnel est soumis au pou-voir de surveillance et de contrôleque lui reconnaît l’article 33 C.p.c.,la Cour conclut que ce pouvoir doits’exercer de la manière prévue auxdispositions du Titre I du Livre VIIC.p.c. relatives à l’arbitrage. Autre-

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10 Les dispositions du Ti t re I du Livre V I IC.p.c. permettant l’intervention judi-ciaire sont énumérées infra, note 46.

ment dit, la Cour estime que l’inter-vention de la Cour supérieure àl’endroit d’un tribunal arbitral con-ventionnel est régie par les disposi-tions du Titre I du Livre VII C.p.c.,mais que le fondement de cette in-tervention réside dans son pouvoirinhérent de surveillance et de con-trôle que ces dispositions ne vise-raient qu’à mettre en œuvre.

La Cour n’a pas identifié les dis-positions du Ti t re I du Livre VIIC.p.c. qui – selon elle – lui permet-taient d’intervenir en cours d’ins-tance arbitrale afin de contrôler lalégalité de l’ordonnance de pro c é-dure en litige. On ne peut donc quespéculer sur son raisonnement àcet égard. Elle s’est pro b a b l e m e n testimée autorisée à intervenir sur lefondement des articles 947 C.p.c. etsuivants, puisque ce sont les seulesdispositions du Titre I du Livre VIIC.p.c. qui permettent l’annulationd’une décision rendue par lesarbitres10.

II. Assujettissement d’untribunal arbitralconventionnel au pouvoir desurveillance et de contrôlede la Cour supérieure

L ’ a ff a i re Du Mesnil/Cintec i l l u s t reà quel point la question de l’assujet-tissement d’un tribunal arbitralconventionnel au pouvoir de sur-veillance et de contrôle que re c o n-naît à la Cour supérieure l’article 33C.p.c. demeure incertaine (A). Ànotre avis, la conclusion de la Courest mal fondée car elle méconnaît

11 Vo i r : The Gazette, division de Southamc. Syndicat canadien des communica-tions, de l’énergie et du papier, sectionlocale 145, [1999] A.Q. (Quicklaw) no

5543, par. 55 et suiv., où la Cour d’appelcite avec approbation la décision du jugeGonthier dans Navigation Sonamar Inc.c. Algoma Steamships Ltd., [1987] R.J.Q.1346 (C.S.). Dans cette dernière affairede droit maritime, la Cour était saisied’une requête en annulation fondée surla Loi sur l’arbitrage commerc i a l ( L . R . C .(1985), c. 17 (2e supp.)). La requête atta-quait la sentence, d’une part, car les mo-tifs des arbitres étaient, selon la partierequérante, incohérents et incompré-hensibles et, d’autre part, au motifqu’elle comportait des erreurs de dro i tmanifestement déraisonnables empor-tant manquement à l’ord re public. LaCour rejeta la requête mais, ce faisant,

certaines caractéristiques fonda-mentales de son pouvoir de surveil-lance et de contrôle (B). Il importecependant de préciser, à titre limi-n a i re, la pertinence de l’analyse.Quel est l’intérêt d’étudier cettequestion si, comme l’a précisé laCour supérieure dans Du Mesnil/Cintec, l’expression « en la manièreet dans la forme prescrites par lal o i » de l’article 33 C.p.c. renvoie auxdispositions du Titre I du Livre VIIC.p.c.? La question ne devient-ellepas purement académique?

À notre avis, ce n’est pas le caspuisque la qualification du pouvoird’intervention des tribunaux judi-c i a i res est susceptible d’avoir desincidences sur l’interprétation decertaines dispositions du Titre I duL i v re VII C.p.c. Par exemple, la qua-l i fication retenue dans l’aff a i re D uM e s n i l / C i n t e c pourrait être invo-quée afin de justifier un courantj u r i s p r u d e n t i e l1 1 – critiqué par

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laissa entendre que la sentence auraitpu être annulée si les erreurs invoquéespar la partie requérante avaient pu êtrequalifiées de «manifestement déraison-n a b l e s » au sens donné à cette expre s-sion par la Cour suprême du Canada enm a t i è re de droit administratif. Dans unerécente allocution, le juge Gonthier acommenté sa décision dans cette affairedans ces term e s : « [T]he decision [ c e l l edes arbitres] was itself not manifestlyu n reasonable. It was there f o re not con-trary to public policy. This decision [ l as i e n n e ], I would hope, is re p re s e n t a t i v eof the balance which judges must striveto achieve in considering the enforc e m e n tof arbitration agreements and arbitrala w a rd s » (Charles D. GONTHIER,« Opening Remarks – Judicial Panel onE n f o rcement Issues and Judicial Co-o p e r a t i o n », Conference on Altern a t i v eDispute Resolution for Judges and Busi-nesses presented by the NAFTA AdvisoryCommittee on Private Commercial Dis-putes and the US-Mexico Conflict Reso-lution Center, June 4, 1999, MexicoCity). Voir aussi : L e i s u re Products Ltd. c .Funwear Fashions Inc., J.E. 88-1394(C.S.); Tracto c. C l i c h e, J.E. 92-1208(C.S.); Di Stefano c. Lenscrafters Inc.,[1994] R.J.Q. 1618 (C.S.); Régie inter-municipale de l’eau Tracy, Saint-Joseph,S a i n t - R o c h c. Constructions MéridienI n c ., [1996] R.J.Q. 1236 (C.S.); LouisMARQUIS, « Arbitrage de droit nouveauet transactions commerc i a l e s : un re-g a rd sur les impressions dégagées parles pre m i è res esquisses jurispruden-t i e l l e s », dans Service de la form a t i o npermanente, Barreau du Québec, Déve-loppements récents en droit commerc i a l1991, Cowansville, Éditions Yvon Blais,1991, p. 65, à la page 100; SabineTHUILLEAUX, L’arbitrage commercial auQuébec – D roit interne, droit intern a t i o n a lprivé, Cowansville, Éditions Yvon Blais,1991, p. 119-122.

12 A d m e t t re qu’une sentence arbitralepuisse être annulée ou non susceptibled’homologation au motif qu’elle estmanifestement déraisonnable contre-vient selon certains à l’article 946.2

certains12 – admettant qu’une sen-tence arbitrale rendue par un

C.p.c., qui interdit l’examen par la Cour,lors de recours en homologation ouannulation, du fond du diff é re n d : E x p l o-ration minière A-Pri-Or inc. c. RessourcesÉtang d’or Ltée, [1988] R.D.J. 102 (C.S.);Tr u d e l c. Placements Immobiliers R. & A .Scott Inc., [1995] A.Q. (Quicklaw) n°1628 (C.S.); S. THUILLEAUX, op. cit.,note 11, p. 119-122; Donald BÉCHARD,« Homologation et annulation de la sen-tence arbitrale », dans Service de laf o rmation permanente, Barreau duQuébec, Développements récents enarbitrage civil et commercial 1997,Cowansville, Éditions Yvon Blais, 1997,p. 115, à la page 160.

13 Art. 940.2 C.p.c.14 MacMillan Bloedel Ltd. c. S i m p s o n,

[1995] 4 R.C.S. 725; sur cette question,v o i r : Peter W. HOGG, C o n s t i t u t i o n a lLaw of Canada, Loose-leaf edition, vol.1, Toronto, Carswell, p. 7-44 et 7-45.

tribunal conventionnel puisse êtreannulée ou non susceptible d’ho-mologation au motif qu’elle contientdes erreurs « manifestement dérai-s o n n a b l e s ». De plus, la questionpourrait avoir des incidences im-portantes sur la compétencerationae materiae des tribunaux ju-d i c i a i res québécois à l’égard d’inter-ventions fondées sur certaines dis-positions du Ti t re I du Livre VIIC.p.c. visant à contrôler la légalitéde la démarche arbitrale1 3. Men-tionnons enfin que la questionprésente un intérêt supplémentairedepuis que la Cour suprême a re-connu des assises constitutionnel-les au pouvoir de surveillance et decontrôle des tribunaux supé-rieurs14.

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15 R. DUSSAULT et L. BORGEAT, op. cit.,note 4, p. 540.

16 Howe Sound Co. c. I n t e rnational Union ofMine, Mill and Smelter Workers (Canada),local 663, [1962] R.C.S. 318; Port ArthurShipbuilding Co. c. A r t h u r s, [1969]R.C.S. 85; Roberval Express Ltée c.Union des chauffeurs de camions ethommes d’entrepôt et autres ouvriers,local 106, [1983] 2 R.C.S. 888. En droitanglais, voir : R . c. National Joint Councilfor the Craft of Dental Te c h n i c i a n s,[1953] 1 Q.B. 704; R. c. NorthumberlandCompensation Appeal Tribunal, Ex. p.S h a w, [1952] 1 K.B. 338; B remer Vu l k a nSchiffbau Und Maschinenfabrik c. SouthIndia Shipping Corporation Ltd., [1981]A.C. 909, 977 et suiv. (H.L.).

A. Rappel d’unejurisprudence incertaine

La question de l’assujettissementd’un tribunal arbitral conventionnelau pouvoir de surveillance et decontrôle de la Cour supérieure s’estsurtout posée dans le contexte derecours en c e r t i o r a r i et de pro h i b i-tion, remplacés au Québec par lerecours en évocation depuis 1966.Des plaideurs ont souvent tenté dec o n v a i n c re les cours supérieure sd ’ e x e rc e r, à l’encontre d’une senten-ce rendue par un tribunal arbitralconventionnel, le pouvoir inhére n tqu’elles possèdent de « contraindreles tribunaux inférieurs à agir dansle cadre de leur compétence »15.

On ne peut plus aujourd’hui sé-rieusement prétendre qu’un tribu-nal arbitral conventionnel puissef a i re l’objet d’un recours en c e r t i o-r a r i ou de prohibition ou, au Qué-bec, d’un recours en évocation. LaCour suprême du Canada a affirm éà maintes reprises que ces recoursne pouvaient viser que des tribu-naux d’origine statutaire1 6. À l’ex-ception de quelques décisions, àtrès juste titre critiquées par la

17 Guifer Ltée c. Sofio, J.E. 85-1051 (C.S.);Lincora Metal Inc. c. H. D’Amours etassociés Inc., [1990] R.J.Q. 402 (C.S.);L. MARQUIS, loc. cit., note 5; S. THUIL-LEAUX, op. cit., note 11, p. 119-121; voira u s s i : D. BÉCHARD, loc. cit., note 12,159 et 160.

18 The Gazette, division de Southam c .Syndicat canadien des communications,de l’énergie et du papier, section locale1 4 5, précité, note 11, par. 52; L e sTuyaux Atlas, une division de AtlasT u rner Inc. c. S a v a rd, précité, note 6;Société Radio Canada c. Union desa r t i s t e s, dans Hubert R E I D et DenisF E R L A N D, Code de pro c é d u re civileannoté du Québec, vol. 3, Montréal,Wilson & Lafle u r, 1981, p. 616 (1978,C.A.); dans le même volume : C o m m i s-sion des écoles catholiques de Montréalc. Cité Construction Cie, p. 216 ( 1 9 7 8 ,C.A.); Exploration minière A-Pri-Or inc. c.R e s s o u rces Étang d’or Ltée, précité,n o t e 12; Cloutier c . M a rq u i s, J.E. 88-601(C.S.); Lemelin c. Lanteigne, J.E. 89-177(C.S.); Di Stefano c. Lenscrafters Inc.,précitée, note 11; I n t e rnational CivilAviation Organization c. Tripal SystemsPty. Ltd., [1994] R.J.Q. 2560 (C.S.);E n t reprises Électrica Inc. c . Nova Cons-truction (Marcel Parent Inc.), J.E. 95-1273 (C.S.); N é ron c. L e m i e u x, J.E. 96-1332 (C.S.); Régie intermunicipale del’eau Tracy, Saint-Joseph, Saint-Roch c.Construction Méridien Inc., précité,n o t e 11; La Compagnie nationale AirF r a n c e c. Libyan Arab Airlines, [2000]A.Q. (Quicklaw) no 410, J.E. 2000-513(C.S.) (jugement porté en appel : C.A.Montréal, no 500-09-009391-004).

d o c t r i n e1 7, la jurisprudence des tri-bunaux québécois est au mêmeeffet : la décision d’un tribunal ar-bitral conventionnel ne peut fairel’objet d’un recours fondé sur l’ar-ticle 846 C.p.c.1 8. Sur ce point, ladécision Du Mesnil/Cintec n’étonnedonc guère et doit être approuvée.

La Cour établit cependant unedistinction entre le pouvoir d’évoca-

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19 Précité, note 7.20 Vo i r : Andrée LAJOIE et Michelle GA-

MACHE, D roit de l’enseignement supé-rieur, Montréal, Éditions Thémis, 1990,p. 450 et suiv. et p. 509 et suiv.

tion que lui reconnaît l’article 846C.p.c. et le pouvoir général desurveillance et de contrôle que luireconnaît l’article 33 C.p.c. Ainsi,rejetant toute possibilité que l’or-donnance de pro c é d u re contestéepuisse faire l’objet d’un recours enévocation, la Cour conclut néan-moins pouvoir intervenir sur le fon-dement de l’article 33 C.p.c. et desdispositions du Titre I du Livre VIIauxquelles renverrait cette disposi-tion. La Cour appuie cette conclu-sion d’une référence à l’arrêt de laCour d’appel du Québec dansl ’ a ff a i re Université de Montréal c .C h a r l e s1 9. Or, cette aff a i re portaitnon pas sur le pouvoir de surveil-lance et de contrôle de la Cours u p é r i e u re à l’égard d’un tribunalarbitral conventionnel, mais biensur l’assujettissement à ce pouvoird’un organe décisionnel d’un corpspublic, en l’occurrence l’Universitéde Montréal, qui est d’une toutea u t re nature2 0. La nuance estimportante puisque la question del’applicabilité de l’article 33 C.p.c.aux tribunaux arbitraux conven-tionnels n’a jamais été tranchée dem a n i è re aussi claire que l’aff a i re D uMesnil/Cintec le laisse entendre.

En effet, sans jamais s’être vrai-ment livrée à une analyse appro-fondie de la question, la Courd’appel a tantôt pris pour acquisqu’un tribunal arbitral conven-tionnel était assujetti au pouvoir desurveillance et de contrôle de la

21 Régie des installations olympiques c .Québec (Tribunal arbitral), [1990] A.Q.(Quicklaw) no 1870 (C.A.) : la Courd’appel prit pour acquis qu’un tribunalarbitral conventionnel était visé parl’article 33 C.p.c., bien qu’elle mention-na – comme la Cour supérieure dans D uM e s n i l / C i n t e c – que le pouvoir d’inter-vention de la Cour ne pouvait être exerc éque de la manière prévue au Ti t re I duLivre VII C.p.c. Voir aussi : Kruger Pulp& Paper Ltd. c. Maheu, [1977] C.S. 218 :le juge Bisson conclut, en s’appuyantsur l’arrêt Ville de Montréal c. Paiement,(1919) 28 B.R. 381, qu’un tribunal arbi-tral conventionnel était soumis au pou-voir de surveillance et de contrôle de laCour supérieure (art. 33 C.p.c.). Cer-tains auteurs, tout en admettant qu’unrecours en évocation ne puisse être in-tenté à l’endroit d’un tribunal arbitralconventionnel, semblent toutefois d’avisqu’un tel tribunal demeure néanmoinssoumis au pourvoir de surveillance et decontrôle que reconnaît à la Cour supé-r i e u re l’article 33 C.p.c. : Denis FERLAND,« Le recours en évocation est-il re c e v a b l epour contrôler la légalité d’une sentenced’un arbitre consensuel? », (1986) 46 R.du B. 278, 281; Marc LALONDE, JohnN. BUCHANAN et James Cantillon ROSS,« Domestic and International Commer-cial Arbitration in Quebec: Current Sta-tus and Perspectives for the Future » ,(1985) 45 R. du B. 705, 733; R. DUS-SAULT et L. BORGEAT, op. cit., note 4,p. 616; Gilles PÉPIN et Yves OUELLETTE,Principes de contentieux administratif, 2e

éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais,1982, p. 346 et 347.

22 Régie de l’assurance-maladie du Québecc. Fédération des médecins spécialistesdu Québec, [1987] R.D.J. 555 (C.A.), oùla Cour réitère la conclusion à laquelleelle arriva sur cette question dans l’arrêtSociété Radio-Canada c. Union desa r t i s t e s, précité, note 18; voir aussi :

Cour supérieure2 1, tantôt laissée n t e n d re qu’il ne l’était pas2 2. Par

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Saine c. Crépeau, [1977] R.P. 111 (C.A.);Cloutier c. M a rq u i s, précité, note 18, 9;Régie intermunicipale de l’eau Tr a c y ,Saint-Joseph, Saint-Roch c. C o n s t r u c-tions Méridiens Inc., précité, note 11;Compagnie nationale Air France c. L i-byan Arab Airlines, précité, note 18, 21.

23 Roberval Express Ltée c. Union desc h a u ffeurs de camions, hommes d’en-t repôts et autres ouvriers, local 106,précité, note 16.

24 À l’époque L.R.C. (1970), c. L-1.25 Roberval Express Ltée c. Union des

chauffeurs de camions, hommes d’entre-pôts et autres ouvriers, local 106, précité,note 16, 895-899. La Cour appuie ses

ailleurs, la question fut abordée dem a n i è re incidente par la Coursuprême dans l’aff a i re R o b e r v a lE x p re s s2 3. La Cour était saisied’une requête en évocation d’unesentence rendue par un arbitrenommé en vertu du Code canadiendu travail2 4. L’intimée s’opposa à larecevabilité de la requête, au motifque la sentence ne pouvait fairel’objet d’une requête en évocation.La requérante contesta le moyend ’ i r recevabilité mis de l’avant parl’intimée, en soutenant que saprocédure devait, de manière alter-native, être considérée comme uneaction directe en nullité fondée surl’article 33 C.p.c. La Cour conclutque la sentence attaquée avait étérendue par un tribunal arbitral àcaractère statutaire et qu’elle pou-vait par conséquent faire l’objetd’un recours en évocation, maislaissa entendre, en o b i t e r, qu’untribunal arbitral conventionnel, àl ’ é g a rd duquel un recours en évo-cation ne pouvait être intenté, étaitnéanmoins soumis au pouvoir desurveillance et de contrôle quereconnaît à la Cour supérieurel’article 33 C.p.c.25.

p ropos d’une référence aux arrêts P o r tArthur Shipbuilding Co. c. A r t h u r s, pré-cité, note 16 et Association of Radio andTelevision Employees of Canada (CUPE-C L C ) c. Canadian Broadcasting Corp.,[1975] 1 R.C.S. 118, dans lesquels,écrit-elle, la Cour aurait confirmé l’as-sujettissement d’un tribunal arbitralconventionnel au pouvoir de surveil-lance et de contrôle des tribunaux supé-rieurs. Cependant, dans ces deux ar-rêts, la Cour suprême n’a que préciséqu’une sentence rendue par un tribunalarbitral conventionnel, non susceptiblede faire l’objet d’un recours en c e r t i o r a r i,pouvait néanmoins faire l’objet d’unrecours fondé sur les pouvoirs, issus dela common law ou d’une loi d’arbitrageapplicable, que possèdent les tribunauxde contrôler la légalité d’une telle sen-tence. Or, la question de savoir si un telpouvoir constituait, d’un point de vuepurement théorique, une manifestationdu pouvoir de surveillance et de contrôledes tribunaux supérieurs ne fut, selonnous, abordée dans aucun de ces arrêts.

26 Pour une étude approfondie et détailléede l’origine et des fondements du pou-voir de surveillance et de contrôle de laCour supérieure, voir : Gerald E. LEDAIN, « The Supervisory Jurisdiction inQ u e b e c », (1957) 35 R. du B. can. 7 8 8 ;voir aussi : Louis L. JAFFE et Edith G.HENDERSON, « Judicial Review and theRule of Law: Historical Origins», (1956)72 L.Q.R. 345; R. DUSSAULT et L.B O R G E AT, op. cit., note 4, p. 16 et suiv.;Immeubles Port Louis Ltée c. Lafontaine(Village), [1991] 1 R.C.S. 326.

B. Critique de la conclusion dela Cour dans Du Mesnil/Cintec concernant l’étenduede son pouvoir desurveillance et de contrôle26

Soulignons d’entrée de jeu que lathèse retenue par la Cour supé-r i e u re dans Du Mesnil/Cintec e s tinconciliable avec l’interprétationdonnée par la doctrine à l’article940.2 C.p.c. Cette disposition pré-

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27 Art. 946 et suiv. et 947 et suiv. C.p.c.28 Alain PRUJINER, « Les nouvelles règles

de l’arbitrage au Québec », (1987) R e v .A r b . 425, 446; D. BÉCHARD, loc. cit.,note 12, 160; Raymond TREMBLAY,« C o m m e n t a i re des articles du Code civilet du Code de pro c é d u re civile en ma-t i è re d’arbitrage », (1988) 90 R. du N.394, 405.

voit que le juge ou le tribunalauquel il est fait référence au TitreI du Livre VII C.p.c. est celui qui estcompétent à statuer sur l’objet dud i ff é rend confié aux arbitres, « s o u sréserve des matières relevant de lacompétence exclusive de la Coursupérieure ». Or, la doctrine admetque les recours en annulation et enhomologation d’une sentence arbi -t r a l e2 7, ne constituant pas des« m a t i è res relevant de la compé-tence exclusive de la Cour supé-rieure », puissent être valablementintentés en Cour du Québec2 8.C o n t r a i rement à ce qu’a conclu laCour dans Du Mesnil/Cintec, lecontrôle de la légalité de la dé-m a rche arbitrale effectué par lestribunaux judiciaires dans le cadrede tels recours ne relève doncmanifestement pas, selon ces au-teurs, du pouvoir de surveillance etde contrôle de la Cour supérieure.

Par ailleurs, la distinction faitepar la Cour supérieure entre l’ar-ticle 33 et l’article 846 C.p.c. estfondée sur une prémisse (soit qu’untribunal qui n’est pas visé parl’article 846 C.p.c. puisse néan-moins être visé par l’article 33C.p.c.) qui est, selon nous, erro n é e .L’article 33 C.p.c. confirme dem a n i è re générale l’existence dupouvoir de surveillance et de con-trôle de la Cour supérieure à l’égardde certains organismes, dont les

29 Immeubles Port Louis Ltée c. Lafontaine( Vi l l a g e ), précité, note 26, 358 et suiv.;voir aussi l’étude de G.E. LE DAIN, loc.c i t ., note 26, et l’arrêt de la Cour su-prême du Canada dans T h ree RiversBoatman Ltd. c. Conseil canadien desrelations ouvrières, [1969] R.C.S. 607.

30 Immeubles Port Louis Ltée c. Lafontaine(Village), précité, note 26, 358.

31 On doit « donner au mot tribunal lemême sens que celui qu’on re t rouve àl’article 846 C.P., car il s’agit des mêmestribunaux sur lesquels la Cour supé-r i e u re a un droit de surveillance, ré-forme ou contrôle » : Motorways QuebecLtd. c. Brunet, [1978] C.S. 716, passagecité avec approbation dans R. DUS-SAULT et L. BORGEAT, op. cit., note 4,p. 615.

32 Voir, supra, p. 471.

« t r i b u n a u x relevant de la compé-tence de la Législature du Qué-b e c »2 9. L’article 846 C.p.c. estlimité dans son champ d’applica-tion aux seuls tribunaux « s o u m i sau pouvoir de surveillance ou dec o n t r ô l e » de la Cour supérieure ,puisqu’il consacre un des moyensd ’ e x e rcice de ce pouvoir3 0. Lestribunaux visés par l’article 33C.p.c. sont donc nécessairement lesmêmes que ceux visés par l’article846 C.p.c.3 1. Par conséquent, larègle – maintenant ferm e m e n té t a b l i e3 2 – de l’indisponibilité durecours en évocation à l’endroit desdécisions d’un tribunal arbitralconventionnel exclut nécessaire-ment à notre avis toute possibilitéqu’un tel tribunal puisse être visépar l’article 33 C.p.c.

Cette conclusion nous paraîtc o n f o rme aux fondements et àl’objet du pouvoir de surveillance et

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33 G.E. LEDAIN, loc. cit., note 26, 791 et796; T h ree Rivers Boatman Ltd. c .Conseil canadien des relations ouvrière s,précité, note 29, 615 et suiv.; I m m e u b l e sPort Louis Ltée c. Lafontaine (Vi l l a g e ),précité, note 26, 358 et suiv.

34 Immeubles Port Louis Ltée c. Lafontaine( Vi l l a g e ), précité, note 26, 358, 360;H . W.R. WADE et C. FORSYTH, op. cit.,note 4, p. 8 : « the rule of law, thesovereignty of Parliament and the powerof the independent judiciary combine toproduce the doctrine of ultra vires, whichis the main principle on which most of thecourts’ interventions are founded […] t h i sdoctrine merely states that publicauthorities must act within the powersgiven to them by Act of Parliament ».

35 Voir les propos du juge Monet dansl’arrêt Condominiums Mont St-SauveurInc. c. Construction Serge Sauvé Ltée,

de contrôle des cours supérieures.Ce pouvoir, qui tire son origine dud roit public anglais3 3, a pourprincipal fondement le principe dela primauté du droit (rule of law) ,qui implique que « l ’ e x e rcice dupouvoir public doit être contrôlé eten coro l l a i re, que l’administré doitposséder les recours appro p r i é spour se protéger contre l’arbi-t r a i re »3 4. Puisqu’il vise donc essen-tiellement à assurer la légalité del’action administrative, le pouvoirde surveillance et de contrôle de laCour supérieure n’a pas pour objetle contrôle de la légalité d’un acte den a t u re purement privée. Or, le ca-r a c t è re purement privé de l’arbi-trage ne peut plus être mis en doutedepuis que le législateur québécoisa, lors de la réforme de 1986,explicitement reconnu son fonde-ment essentiellement contractuelen consacrant à la conventiond’arbitrage un titre distinct dans leCode civil3 5. Comme l’a affirmé laCour supérieure en 1996 :

[1990] R.J.Q. 2783, 2785 (C.A.), quali-fiant l’arbitrage conventionnel de « juri-diction privée ».

36 Régie intermunicipale de l’eau Tr a c y ,Saint-Joseph, Saint-Roch c. C o n s t r u c-tions Méridiens Inc., précité, note 11,1238.

37 Précitée, note 16 : voir les propos deL o rd Diplock, aux pages 977 et suiv.;voir aussi les propos du juge Steyn dansBiakh c. Hyundai Corporation, [1988] 1Lloyds’ Rep. 187, 190 (Q.B. (Com. Ct.)).

L’article 33 C.P., qui traite dupouvoir de surveillance et der é f o rme de la Cour supérieure ,n’est pas applicable à la sentenced’un arbitre purement consensuelqui tranche un litige privé. L’article33 n’a d’application qu’en dro i tpublic, à l’égard des tribunaux,des corps politiques, des per-sonnes morales de droit public oudes personnes morales de dro i tprivé. L’arbitre [conventionnel] nefait pas partie des personnes ouorganismes visés à l’article 33.36

Cet extrait mérite d’être appro u v é ,d’autant plus qu’il rejoint l’opinionexprimée sur cette question par laC h a m b re des Lords dans l’aff a i reB remer Vulkan Shiffbau Und Mas-c h i n e n f a b r i k c. South India ShippingCorporation Ltd.37.

III. Contrôle judiciaired’ordonnances de procédurerendues par un tribunalarbitral conventionnel

La décision Du Mesnil/Cintec estégalement problématique en cequ’elle admet qu’une ord o n n a n c ede pro c é d u re puisse faire l’objetd’un recours en annulation durantl’instance arbitrale. Le contrôle ju-d i c i a i re de la légalité de la démarc h e

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38 C o m m e n t a i re analytique du projet detexte d’une loi type sur l’arbitragec o m m e rcial international – Rapport duSecrétaire général de la CNUDCI, (1986)120 Gaz. Can. I, Supp. 97, 113 (ci-aprèscité le « Commentaire analytique »).

arbitrale s’effectue en principe ap o s t e r i o r i, c’est-à-dire après que letribunal arbitral se soit pro n o n c ésur le fond des réclamations sou-mises à l’arbitrage, dans le cadred’un recours en annulation ou enhomologation exercé à l’endro i td’une sentence arbitrale (A). Uneordonnance de procédure ne cons-titue pas une sentence arbitrale etne peut donc, selon nous, fairel’objet ni d’un recours en annu-lation, ni d’un recours en homolo-gation (B).

A. Le principe du contrôle aposteriori de la légalité dela démarche arbitrale

La question – « essentielle et com-p l e x e »3 8 – du pouvoir d’interventiondes tribunaux judiciaires est abor-dée à l’article 940.3 C.p.c., quiénonce une règle fondamentale dud roit québécois de l’arbitrage con-ventionnel :

940.3 Pour toutes les questionsrégies par le présent titre, un jugeou le tribunal ne peut intervenirque dans les cas où ce titre leprévoit.Le « titre » visé par cette disposi-

tion est le Ti t re I du Livre VII C.p.c.,qui contient la plupart des dispo-sitions du Code de procédure civileayant trait à l’arbitrage convention-nel. Il est complété par le Ti t re II(art. 948 et suiv.), qui traite de lareconnaissance et de l’exécutiondes sentences arbitrales étran-gères39.

39 Le Ti t re II du Livre VII C.p.c. met enœ u v re au Québec certaines dispositionsde la Convention de New York, à laquellele Canada est partie depuis 1986. Cetteconvention internationale vise, d’unepart, à faciliter la reconnaissance etl’exécution des sentences étrangère s(art. 948 et suiv. C.p.c.) et, d’autre part,à consacrer la validité et le caractèreo b l i g a t o i re des conventions d’arbitrageen matière internationale (art. II(3) de laConvention, mis en œuvre au Québecpar l’article 940.1 C.p.c.). Pour uneanalyse, voir : Albert J. VAN DEN BERG,The New York Arbitration Convention of1 9 5 8, The Hague, Kluwer, 1981, et lescommentaires du même auteur publiéspériodiquement dans le Yearbook Com-mercial Arbitration.

40 Rappelons que l’article 940.6 C.p.c.permet expressément le recours à la Loitype et aux travaux préparatoires de laCNUDCI afin d’interpréter les disposi-tions du Ti t re I du Livre VII C.p.c.,lorsque le diff é rend met en cause lesintérêts du commerce extra pro v i n c i a lou international. Pour une analyse decette disposition, voir : Louis MARQUIS,« La notion d’arbitrage commercial inter-national en droit québécois », (1992) 37McGill L.J. 448. Cette disposition ne doitpas être interprétée comme interd i s a n tle recours à ces sources en matière d’ar-bitrage intern e : John E.C. BRIERLEY,« C h a p i t re XVIII – De la conventiond’arbitrage – Articles 2638-2643», dansBARREAU DU QUÉBEC ET CHAMBREDES NOTAIRES DU QUÉBEC, La ré-f o rme du Code civil, t. 2, « O b l i g a t i o n s ,contrats nommés », Québec, Presses del’Université Laval, 1993, p. 1067, à lapage 1068; Nabil ANTAKI, « L ’ a r b i t r a g ec o m m e rc i a l : concept et défin i t i o n s » ,(1987) C.P. du N. 485, 502.

L’article 940.3 C.p.c., commeplusieurs des dispositions du Codede pro c é d u re civile et du Code civildu Québec régissant l’arbitrage, estd i rectement inspiré de la Loi type dela CNUDCI sur l’arbitrage commer-cial international40, en l’occurrence

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41 Cette disposition se lit comme suit :« [p]our toutes les questions régies par laprésente loi, les tribunaux ne peuventintervenir que dans les cas où celle-ci leprévoit ».

42 Voir le Commentaire analytique, précité,note 38, p. 113.

43 Id.44 Précisons que la règle de l’article 940.3

C.p.c. ne vise que les questions régiespar le Ti t re I du Livre VII du Code dep ro c é d u re civile. Cette limite soulèvecertains problèmes d’interprétation; leCommentaire analytique est plutôt laco-nique à cet égard, bien qu’on puisse yl i re que la règle de l’article 5 de la Loitype vise tant les questions régies « e x-p l i c i t e m e n t » par la Loi type que cellesqu’elle régit « i m p l i c i t e m e n t ». On yt rouve également une énumération dequestions n’étant pas régies par la Loit y p e : incidence de l’immunité d’État,relations contractuelles entre les partieset les arbitres ou l’institution d’arbi-trage, honoraires et autres frais (y com-

l’article 54 1. Cette disposition futincluse par les États ayant participéà l’élaboration de la Loi type puis-qu’il s’avérait souhaitable que lesa r b i t res et les parties puissent con-naître, avec un maximum de certi-tude, les situations dans lesquellesles tribunaux étatiques pouvaientintervenir dans le cadre de l’ins-tance arbitrale42. La règle a essen-tiellement pour effet – comme lesoulignait le Secrétaire général dela CNUDCI dans son commentaireanalytique – « d ’ e x c l u re tout pouvoirgénéral ou résiduel conféré auxtribunaux dans certains systèmesnationaux et non mentionné dansla loi type »4 3, tout en requérant desl é g i s l a t u res nationales qu’ellesmentionnent expressément dansleur loi d’arbitrage les cas d’inter-vention judiciaire permis dans lecadre d’un arbitrage44. pris les garanties y afférentes), capacité

des parties à conclure des conventionsd’arbitrage, jonction des pro c é d u re sarbitrales, compétences des arbitres enmatière d’adaptation des contrats, délaid’exécution de la sentence arbitrale(C o m m e n t a i re analytique, précité, note38, art. 5, par. 5 (p. 114) et art. 1, par. 8(p. 104)).

45 Voir : International Civil Aviation Organi-zation c. Tripal Systems Pty. Ltd., préci-té, note 18; André DORAIS, «L’arbitragec o m m e rcial – Développements législa-t i f s », (1987) 47 R. du B. 273, 303;Berthout c. IC2C Communications Inc.,[1998] R.J.Q. 1263 (C.S.); C o m p a g n i enationale Air France c. Libyan ArabAirlines, précité, note 18.

46 L’intervention judiciaire dans l’instancearbitrale est admise dans les circ o n s t a n-ces suivantes : demande de renvoi àl’arbitrage (art. 940.1 C.p.c.), octroi dem e s u res provisionnelles (art. 940.4C.p.c.), assistance dans la constitutionet la composition du tribunal arbitral(art. 941.1, 941.2 et 942.8 C.p.c.),récusation d’un arbitre (art. 942.4 et942.6 C.p.c.), révocation de la missiond’un arbitre (art. 942.5 et 942.6 C.p.c.),

Dès que le juge saisi d’unedemande d’intervention est d’avisque celle-ci porte sur une questionrégie par le Ti t re I du Livre VII,l’article 940.3 C.p.c. requiert qu’ilou elle se satisfasse que son inter-vention est expressément autoriséepar les articles 940 et suivants. Unjuge de la Cour supérieure ne peutdonc pas, par exemple, intervenirdans l’instance arbitrale au-delàdes situations prévues au Ti t re I duL i v re VII sur le fondement de sonpouvoir général d’émettre des in-jonctions ou de prononcer desjugements déclaratoires45.

Il convient donc d’examiner deplus près les cas d’interventionj u d i c i a i re permis par le Ti t re I duL i v re VII C.p.c.4 6, qu’on peut re-

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révision d’une sentence partielle portantsur la compétence (art. 943.1 C.p.c.),assistance dans l’administration de lap reuve (art. 944.6 et 944.8 C.p.c.),intervention dans le cadre de demandesde re c t i fication, interprétation ou com-plétion de la sentence finale (art. 945.7C.p.c.), homologation et annulation de lasentence arbitrale (art. 946-947.4 C.p.c.).Les seuls cas d’intervention judiciaire nepouvant pas être exclus par conventionsont les recours en homologation et enannulation (art. 946-947.4 C.p.c.) : art.940 C.p.c. L’intervention judiciairerelative à l’homologation d’une sentenceétrangère est prévue au Titre II du LivreVII C.p.c. (art. 948 et suiv.).

47 Pour une analyse de cette disposition,voir la décision de la Cour supérieuredans l’aff a i re Berthout c. IC2C Communi-cations Inc., précité, note 45.

g rouper en deux catégories. Enp remier lieu, le Code permet auxtribunaux judiciaires d’intervenirdans l’instance arbitrale afin d’ena s s u rer l’e ffic a c i t é; ils exercent alorsdes fonctions d’assistance de lad é m a rche arbitrale. Ils intervien-d ront par exemple afin de donnere ffet à la convention d’arbitrage (art.940.1 C.p.c.) ou encore afin d’as-s u rer la constitution du tribunalarbitral (art. 941.1 C.p.c.). Demême, le pouvoir que le Code re-connaît au juge d’octroyer desm e s u res provisionnelles (art. 940.4C.p.c.)47 et d’ordonner à un témoindûment assigné de comparaître(art. 944.6 C.p.c.) vient palliercertaines limites du pro c e s s u sarbitral qui découlent de sonc a r a c t è re fondamentalement con-ventionnel et du fait que l’arbitre n’aaucun pouvoir de contrainte(imperium).

48 Voir l’excellente analyse des réform e sdes dernières années en matière d’arbi-trage commercial international à l’échel-le mondiale dans : Emmanuel GAILLARDet John SAVAGE (dir.), F o u c h a rdGaillard Goldman on International Com-mercial Arbitration, The Hague, Kluwer,1999, p. 63-103 (par. 130-189).

49 Art. 940 C.p.c.

En second lieu, le Titre I du LivreVII C.p.c. permet au juge d’inter-venir dans l’instance arbitrale afind’en assurer la l é g a l i t é. Malgrél’autonomie croissante que re c o n-naissent au processus arbitral lesinstruments internationaux et lé-gislations étatiques48, la démarchearbitrale demeure soumise au con-trôle des tribunaux judiciaires desÉtats; la légitimité et la finalité quelui accorde la loi dépendentn é c e s s a i rement du respect decertaines exigences minimales qu’ilrevient aux tribunaux de dro i tcommun de contrôler. Au Québec,ces exigences – d’ord re public4 9 –sont codifiées aux articles 946.4,946.5, 949 et 950 C.p.c., eux-mêmes inspirés des articles 34 et36 de la Loi type et de l’article V dela Convention de New Yo r k : laconvention d’arbitrage qui constituele fondement de l’instance arbitraledoit être valide et être respectée parle tribunal arbitral (art. 946.4 (1),(2) et (4) C.p.c.), la règle a u d ialteram partem doit être re s p e c t é e(art. 946.4 (3) C.p.c.), le diff é re n dleur étant soumis doit êtrearbitrable (art. 946.5 C.p.c.), lemode de nomination des arbitres etla pro c é d u re applicable doivent êtrerespectés (art. 946.4 (5) C.p.c.) et,enfin, la sentence ne doit pas

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50 Art. 943.1 C.p.c.51 Art. 942.4, 942.5 et 942.6 C.p.c.52 Art. 940 C.p.c.53 Sur l’étendue du contrôle de la légalité

de la démarche arbitrale effectué par lestribunaux judiciaires saisis de deman-

c o n t revenir à l’ord re public (art.946.5 C.p.c.).

Les dispositions du Ti t re I duL i v re VII révèlent que le contrôlej u d i c i a i re du respect de ces exi-gences par les tribunaux québécoisne doit avoir lieu – règle générale –qu’une fois la sentence arbitralere n d u e, puisque ces questions nepeuvent être examinées par un jugeque dans le cadre d’un recours enhomologation ou en annulationd’une sentence arbitrale (art. 946-947.4 C.p.c.). Il existe certainesexceptions. Par exemple, une partiepeut, dans certains cas, demanderen cours d’instance arbitrale larévision d’une décision du tribunalarbitral portant sur sa compé-t e n c e5 0. Le juge peut aussi êtreappelé à intervenir en cours d’ins-tance dans le cadre d’une demandere c h e rchant la récusation d’una r b i t re ou encore la révocation desa mission5 1. Il importe de souli-gner que, dans ces cas, l’inter-vention judiciaire peut être excluepar convention des parties et doncê t re reportée a posteriori, lors durecours en annulation ou en homo-l o g a t i o n5 2. Un juge pourra égale-ment exercer un certain contrôle dela légalité de la démarche arbitraledans le cadre d’une demande derenvoi à l’arbitrage fondée surl’article 940.1 C.p.c., qui l’autoriseà refuser d’y donner suite s’il ou elleconstate la nullité de la conventiond’arbitrage53.

Les dispositions du Ti t re I duL i v re VII C.p.c. relatives au contrôlej u d i c i a i re de la légalité de lad é m a rche arbitrale, tout commecelles de la Loi type dont elless ’ i n s p i rent, ont donc pour objet nonseulement de restreindre les motifssur le fondement desquels lestribunaux judiciaires peuventi n t e r v e n i r, mais aussi de reporter cecontrôle judiciaire à la fin del’instance arbitrale. Ceci tro u v ed’ailleurs confirmation dans unextrait – fort révélateur – du rapportde la CNUDCI sur les travaux de sa1 8e s e s s i o n5 4 rapportant qu’en

des de renvoi à l’arbitrage, notammenteu égard au pouvoir du tribunal arbitralde se prononcer sur sa pro p re compé-tence, voir, en droit québécois, la récentedécision de la Cour d’appel du Québecdans : Kingsway Financial Services Inc.c. 118997 Canada Inc., [1999] A.Q.(Quicklaw) n° 5922; dans les juridictionscanadiennes de common law : Gulf Ca-nada Resources Ltd. c. A rochem Intern a-tional Ltd., (1992) 66 B.C.L.R. (2d) 113(C.A.); ABN Amro Bank Canada c. K r u p pMak Maschinenbau GmbH, (1995) 24O.R. (3d) 450 (Div. Gén.); NetSys Te c h-nology Group AB c. Open Text Corp.,[1999] O.J. (Quicklaw) n° 3134 (C.S.); end roit comparé, voir : Antonias DIMOLIT-SA, « Autonomie et K o m p e t e n z - K o m p e-t e n z », (1998) Rev. Arb. 305 et NatashaWYSS, « First Options of Chicago, Inc. v.Kaplan: A Perilous Approach to Kompe-t e n z - K o m p e t e n z », 72 Tul. L.R. 3 5 1(1997); Emmanuel GAILLARD, « L ’ e ff e tnégatif de la compétence-compétence »,dans Études de procédure et d’arbitrageen l’honneur de Jean-François Poudre t,Lausanne, Payot, 1999, p. 387.

54 Vienne, 3-21 juin 1985 (doc. A/40/17),(1986) 120 Gaz. Can. I, Supp., 18(par. 63).

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55 Id.56 [1994] R.J.Q. 2560, 2570. Voir aussi la

décision de la Cour supérieure dansl’affaire Compagnie Nationale Air Francec. Libyan Arab Airlines, précitée, note18, ainsi que sa décision dans A. BianchiS.R.L. c. Bilumen Lighting Ltd., [1990]R.J.Q. 1681, 1685: «[f]ace à la nouvelleorientation nettement exprimée par lelégislateur en re g a rd des conventionsd’arbitrage, le Tribunal estime que touteintervention judiciaire dans ce domainedoit dorénavant être limitée aux casprévus dans la loi (art. 940.3 C.P.) afinde perm e t t re la réalisation de l’objetfondamental visé par la législateur en lam a t i è re, soit l’épuisement de la pro c é-d u re d’arbitrage avant le recours auxtribunaux » (nos italiques).

réponse aux objections à la re s-triction au pouvoir d’interventiondes tribunaux judiciaires durantl’instance arbitrale opérée par la Loitype – et jugée trop sévère par cer-tains –, il fut souligné que le re c o u r saux tribunaux judiciaires durantl’instance arbitrale « relevait sou-vent d’une tactique dilatoire etconstituait de ce fait plus souventune source d’abus à l’encontre de lap ro c é d u re arbitrale qu’une pro t e c-tion contre les abus »5 5. La Cours u p é r i e u re avait très bien compriscet aspect fondamental du modèlelégislatif proposé par la CNUDCI,qu’on peut qualifier de principe ducontrôle a posteriori de la légalité dela démarche arbitrale, dans l’aff a i reI n t e rnational Civil Aviation Org a n i-zation c. Tripal Systems Pty. Ltd.5 6 :

[ L ]e but évident de la pro c é d u red’arbitrage tel que re c o m m a n d épar l’ONU est l’audition et la dé-cision rapides des litiges en limi-tant le plus possible les pro c é-d u res préliminaires ou incidentes.On souhaite des procédures équi-

57 Nos non-italiques. Le report du contrôlej u d i c i a i re de la légalité de démarc h earbitrale à la fin de l’instance arbitraleest d’ailleurs un des traits marq u a n t sdes réformes législatives ayant eu lieu àl’échelle mondiale depuis le début desannées 80 : Philippe FOUCHARD, « O ùva l’arbitrage international? », (1989) 34McGill L.J. 435, 446; E. GAILLARD et J.S AVAGE (dir.), op. cit., note 48, p. 102(par. 189) et p. 631 et 632 (par. 1169).

tables mais expéditives. On accep-te d’avance de limiter le rôle destribunaux judiciaires en indiquantquand et comment ceux-ci peuventi n t e r v e n i r. Enfin, on veut que, lors-qu’il y a litige, on procède àl’audition rapide de toute la causeet que, s’il y a motifs de con-testation judiciaire, ceux-ci soientprésentés tous en même temps,après la sentence arbitrale. End’autres termes, on veut éviter lerecours aux pro c é d u res dilatoire squi consistent à présenter suc-cessivement aux tribunaux judi -c i a i res toutes sortes de moyensdont on appelle systématique-ment des jugement rendus enp re m i è re instance et gagner ainsides délais inacceptables.57

En somme, bien que la légalité dela démarche arbitrale puisse indé-niablement être contestée sur lefondement d’une prétendue viola-tion à la règle audi alteram partemcomme l’a fait la partie requérantedans l’aff a i re Du Mesnil/Cintec, ellene peut l’être en principe que dansle cadre d’un recours en annulationou d’un recours en homologation,lesquels ne peuvent être exerc é squ’à l’endroit d’une sentence arbi-trale. Il importe maintenant d’exa-miner cette notion de sentencearbitrale, à laquelle ne saurait être

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58 E. GAILLARD et J. SAVAGE (dir.), o p .cit., note 48, p. 736 et 737 (par. 1350).

59 C o m m e n t a i re analytique, précité, note 3 8 ,art. 34, par. 3; Howard M. HOLTZMANNet Joseph E. NEUHAS, A Guide to theUNCITRAL Model Law on Intern a t i o n a lC o m m e rcial Arbitration: Legislative His-tory and Commentary, The Hague,Kluwer, 1989, p. 153 et 154.

assimilée une ordonnance de pro c é-d u re rendue durant l’instancearbitrale.

B. Ordonnance de procédure et sentence arbitrale :distinction

Comme la plupart des instru-ments internationaux et législationsnationales58, le C.p.c. et la Loi typene définissent pas la notion desentence arbitrale. Un projet futexaminé par la CNUDCI qui, fautede temps, dut renoncer à la définirdans la Loi type5 9. Cependant, tantcette loi que le Code de pro c é d u rec i v i l e établissent une distinctionentre une sentence arbitrale et unedécision relative à la procédure ar-bitrale. Par exemple, l’article 9 4 4 . 1 1C.p.c. (art. 29 L.t.) prévoit que toute« décision » des arbitres est rendueà la majorité, sauf celles tranchantdes « questions de pro c é d u re » sil’un des arbitres fut autorisé par sesc o - a r b i t res ou les parties à lesre n d re seul, alors que la « s e n t e n c e »doit être écrite et, sauf exception,ê t re signée par tous les arbitres (art.945.3 C.p.c., art. 31 L.t.). Assimilerune ordonnance de pro c é d u re àune sentence arbitrale ignore r a i tdonc une distinction que re flè t e n tcertaines dispositions de la Loi typeet du Code de procédure civile.

La Cour supérieure s’est penchéesur cette distinction dans l’aff a i re

60 C.S. Montréal, nº 500-05-008779-900,1e r août 1990, j. Benoît; voir aussi :S o d i s p ro Technologie Ltée c. Te c n i c o rLtée, J.E. 82-981 (C.S.).

61 Sur la définition d’une sentence arbi-trale en droit québécois, voir par ailleursune récente décision de la Cour supé-r i e u re, dans laquelle elle re c o n n u tqu’une décision d’un tribunal arbitraldisposant de manière finale du fond deseulement certaines des réclamationssoumises à l’arbitrage, tout en réservantsa compétence à l’égard des autre saspects du diff é rend, constitue néan-moins une sentence arbitrale : LearnedEnterprises International Canada Inc. c.Ly o n s, REJB 99-13883 (C.S.) (décisionportée en appel: C.A. Montréal, n o 500-09-008521-999); cette solution est con-f o rme à celle retenue en droit français(voir : infra, note 63).

Silverberg c. Clarke Hooper p.l.c.60.Une partie à un arbitrage commer-cial re c h e rchait dans cette aff a i rel’homologation d’une décision dutribunal arbitral permettant laprésentation d’une preuve testimo-niale. La Cour en refusa l’homolo-g a t i o n : ne disposant aucunementdu fond des réclamations présen-tées par les parties au tribunalarbitral, elle ne constituait pas unesentence arbitrale au sens desarticles 946 et suivants C.p.c.6 1. Ladistinction retenue par la Cours u p é r i e u re dans cette aff a i re, enplus d’être conforme aux disposi-tions de la Loi type et du Code deprocédure civile, est tout à fait logi-que et doit être approuvée. Admet-t re qu’une ordonnance de pro c é-d u re puisse être assimilée à unesentence arbitrale réduirait grande-ment, pour des raisons évidentes,la portée et l’utilité du principe ducontrôle a posteriori en permettantaux tribunaux judiciaires d’inter-venir dans la démarche arbitrale

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62 Vo i r : B i a k h c. Hyundai Corporation,précité, note 37 : In the interests of expedition and fin a l i t yof arbitration proceedings, it is of thefirst importance that judicial intrusion inthe arbitral process should be kept to aminimum. A judicial power to corre c tduring the course of the re f e rence pro c e-dural rulings of an arbitrator which arewithin his jurisdiction is unknown inadvanced arbitration systems, as isclear from the venerable Year Bookspublished by the International Councilof Commercial Arbitration, and the cre a-tion of such a power by judicial pre c e-dent [ … ] would constitute a most ser-ious re p roach to the ability of our systemof arbitration to serve the needs of usersof the arbitral process.

Voir aussi : S. JARVIN, loc. cit., note 2;Charles JARROSSON, note sous SociétéB r a s p e t ro Oil Services (Brasoil) c. G M R A,(1999) Rev. Arb. 835, 847 (par. 17) (C.A.Paris).

pour en contrôler la légalité, avantmême que le tribunal arbitral sesoit prononcé sur le fond des récla-mations soumises par les parties.

Il n’est d’ailleurs pas étonnant,compte tenu de la place qu’occupele principe du contrôle a posterioride la légalité de la démarc h earbitrale dans plusieurs législationsétatiques relatives à l’arbitrage –surtout l’arbitrage commerc i a linternational –, de constater que ladistinction entre sentence arbitraleet ordonnance de procédure soit sil a rgement admise en droit comparéet que seule la pre m i è re soit engénéral susceptible de faire l’objetd’un recours en annulation6 2. Parexemple, en droit français, la notionde sentence arbitrale vise toutedécision finale rendue par lesarbitres tranchant le différend leurétant soumis en tout ou en partie,qu’elle porte sur leur compétence

63 E. GAILLARD et J. SAVAGE (dir.), o p .cit., note 48, p. 737 (par. 1353) et l’arrêtSarsidud c. Te c h n i p, (1994) Rev. Arb.391 (C.A. Paris, note Jarrosson); voira u s s i : Jean ROBERT, L’arbitrage – Dro i ti n t e rne, droit international privé, 6e é d . ,Paris, Dalloz, 1993, p. 171 (par. 201-1);Pia Investments Ltd c. L.B. Cassia,(1988) Rev. Arb. 649 (C.A. Paris, noteMezger); Société Braspetro Oil Services(Brasoil) c. G M R A, précité, note 62;Charles JARROSSON, note sous SociétéI n d u s t r i a l e x p o r t - I m p o r t c. Société GECI etGFC, (1993) Rev. Arb. 303.

64 David S T. JOHN SUTTON, John KEN-DALL et Judith GILL, Russell on Arbi-t r a t i o n, 21e éd., London, Sweet & Max-well, 1997, p. 249 et 250 (par. 6-001 et6-002); B i a k h c. Hyundai Corporation,précité, note 37; Exman BV c. NationalIranian Tanker Co. (The « Trade For-t u n e » ), [1992] 1 Lloyd’s Rep. 169 (Q.B.(Com. Ct.)); Fletamentos Maritimos S.A.c. E ffjohn International B.V. (No. 2),[1997] 2 Lloyds’ Rep. 307 (C.A.).

65 Resort Condominiums International Inc.c. B o l w e l l, (1995) XX Y.B. Com. Arb.628; voir aussi le commentaire dup rofesseur Michael PRYLES, « I n t e r l o c u-tory Orders and Convention Aw a rd s :

ou sur le fond, et ne vise que lesdécisions de procédure mettant finà l’instance arbitrale63. La distinc-tion entre sentence arbitrale et or-donnance de pro c é d u re tro u v eaussi appui en droit anglais6 4 et futc o n firmée par la Cour suprême deQueensland dans une décisionrendue en 1993, dans laquelle elleconclut qu’une ordonnance de pro-cédure ne pouvait faire l’objet d’unrecours en homologation exercé envertu de la Convention de NewYork65.

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The Case of Resort Condominiums v.B o l w e l l », (1994) 10 Arb. Int. 385); voiraussi la décision de la Cour d’appel deNew South Wales dans C o m m o n w e a l t hof Australia c. Cockatoo Dockyards PtyLimited, (1995) 36 N.S.W.L.R. 662, où laCour conclut toutefois qu’une ord o n-nance de pro c é d u re pouvait, dans cer-taines circonstances, être assujettie aucontrôle des tribunaux judiciaires du-rant l’instance arbitrale. Cet aspect de ladécision de la Cour fut cependant cri-tiqué par la doctrine australienne :M a rcus S. JACOBS, « The Spectre ofSection 47 of the Model Uniform Legis-lation », (1995) 69 A.L.J. 822, 832.

La question de l’assujettissementd’un tribunal conventionnel aupouvoir de surveillance et de con-trôle que reconnaît à la Cours u p é r i e u re l’article 33 C.p.c., à la-quelle répond de manière affirm a t i v ela Cour supérieure dans Du Mesnil/C i n t e c, n’a toujours pas été tran-chée de manière satisfaisante parles tribunaux québécois. À notreavis, une réponse négative s’imposeen raison de la règle de l’indis-ponibilité du recours en évocation àl ’ e n d roit d’une sentence rendue parun tribunal arbitral conventionnelet des fondements et de l’objet dupouvoir de surveillance et decontrôle de la Cour supérieure.

La question de savoir si uneo rdonnance de pro c é d u re peut fairel’objet d’un contrôle judiciaire, encours d’instance arbitrale, illustrela vive tension entre, d’une part, lanécessité d’accorder au pro c e s s u sarbitral une certaine autonomieafin d’en assurer l’efficacité et,d ’ a u t re part, la nécessité d’en as-surer la légalité. Il peut paraître, àpremière vue, difficile de reprocherà la Cour supérieure d’être inter-venue après avoir constaté que cer-

tains droits fondamentaux de lapartie requérante étaient compro-mis par l’ordonnance de procédureattaquée. L’intervention de la Coura peut-être même évité que dessommes importantes soient dépen-sées inutilement.

Cependant, une telle interventionméconnaît certaines règles fonda-mentales du droit québécois de l’ar-bitrage. Le contrôle judiciaire de lalégalité de la démarche arbitrales ’ e ffectue en principe a posteriori,soit dans le cadre de recours enhomologation ou en annulatione x e rcés à l’endroit d’une sentencearbitrale, à laquelle ne saurait êtreassimilée une simple ord o n n a n c ede pro c é d u re. Du Mesnil/Cintecconstitue un précédent malheu-reux, susceptible de munir d’unpuissant outil les litigants quic h e rchent à re t a rder ou à fairedérailler la procédure arbitrale.

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