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RTDEur. Revue trimestrielle de droit européen 9 782295 713025 ref : 571302 RTDEur. - avril-juin 2013 - pages 193 à 426 C COMMENTAIRES 239 La Cour de justice face à la politique économique et monétaire : du droit avant toute chose, du droit pour seule chose Francesco Martucci 267 De l’articulation des systèmes de protection des droits fondamentaux dans l’Union Dominique Ritleng ARTICLE 201 Les affaires hongroises ou la disparition de la valeur « intégration » dans la jurisprudence de la Cour de justice Béatrice Delzangles ARTICLE 217 La planification des services de santé et le droit de l’Union européenne. Vers la reconnaissance d’une « exception sanitaire » ou l’intégration de la santé au marché ? Didier Blanc

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RTDEur.Revue trimestrielle de droit européen

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COMMENTAIRES

239 La Cour de justice face à la politique économique et monétaire : du droit avant toute chose, du droit pour seule chose

Francesco Martucci

267 De l’articulation des systèmes de protection des droits fondamentaux dans l’Union

Dominique Ritleng

ARTICLE

201 Les affaires hongroises ou la disparition de la valeur « intégration » dans la jurisprudence de la Cour de justice

Béatrice Delzangles

ARTICLE

217 La planifi cation des services de santé et le droit de l’Union européenne. Vers la reconnaissance d’une « exception sanitaire » ou l’intégration de la santé au marché ?

Didier Blanc

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Un contrat ne saurait échapper à lanotion de marché public du seul fait quesa rémunération reste limitée au rem-boursement des frais encourus pourfournir le service convenu 1.

Le prix payé par la personne qui com-mande la prestation est considéré danscertains ordres juridiques comme lecritère d’identification du marchépublic 2. En revanche, le droit dérivé des

CHRONIQUES

Droit européen des marchés et contrats publics

RTDeur. - - avril-juin 2013C

La présente chronique reprend une sélection des arrêts rendus par la Cour de justicede l’Union européenne entre le 1er janvier 2012 et le 31 janvier 2012. Sont abordées suc-cessivement les questions juridiques relatives au champ d’application (avec les notionsde marchés et autres contrats publics) et aux modes de passation (au cours de lapériode examinée, aucun arrêt significatif n’a été rendu sur le contrôle juridictionnel dela passation).

1. Notion de marché public- interprétation finaliste du

caractère onéreux

(CJUE 19 décembre 2012, Azienda Sanitaria Locale di Lecce c/ Ordine degli Ingegneridella Provincia di Lecce e.a., C-159/11, non encore publié, concl. V. Trstenjak ; F. Llo-rens et P. Soler-Couteaux, Le gratuit et l’onéreux, CMP, 2013, n° 3, pp.1-2 repère 3)

1er janvier 2012 -31 décembre 2012

Ann Lawrence DurviauxProfesseur ordinaire à L'Universitéde Liège (Belgique) et avocat (*)

(*) Avec la collaboration de Thierry Delvaux, Assistant à l’Université de Liège (Belgique) et avocat.(1) Pt 29 de l’arrêt C-159/11.(2) En droit français, V. not. Concl. C. Bergeal, ss CE, 7 avr. 1999, n° 156008, Commune de Guilherand Granges, AJDA

1999. 517 s. ; CE, 6 déc. 1995, Département de l’Aveyron et autres sociétés Jean-Claude Decaux, Lebon, p. 428, qua-lifiant de marché public un contrat dit de mobilier urbain, lorsque l’entreprise construit des éléments qui sont ensuiteloués par la collectivité contre une rémunération versée par elle. En droit belge, cela peut être déduit des disposi-tions de la réglementation relative aux marchés publics qui détaillent les opérations matérielles de comparaison desoffres, et des modalités d’exécution du contrat, qui n’envisagent que l’hypothèse du paiement d’un prix par le pou-voir adjudicateur (V. art. 15 de l’annexe de l’arrêté royal du 26 sept. 1996, dite « cahier général des charges »). Ladoctrine belge s’est curieusement rarement attelée à définir, en tant que tel, le marché public, sauf – à l’instar dela discussion menée en France – pour l’opposer parfois à la concession de service public. La réflexion menée portaitalors, pour le marché public, sur les mécanismes de passation et, pour la concession, sur les modalités d’identifica-tion et de gestion des services publics. La jurisprudence, quant à elle, ne propose pas une distinction stricte des deuxfigures juridiques, ni d’ailleurs d’autres contrats de l’Administration. Trois décisions illustrent cette tendance face àl’Administration, accomplissant soit des adjudications (terme qui ne faisait pas l’objet de définition précise dans laloi du 18 mai 1846 et qui était utilisé dans d’autres matières, comme l’adjudication de droit de chasse ou les ventespubliques), soit un contrat, sans souci excessif de définition (V. Civ. Tongres, 15 mars 1927, cité par A. De Grand’ry,Les marchés de fournitures et de travaux, 2e éd., Bruxelles, 1954, p. 113 ; Bruxelles, 28 janv. 1939, Pas., 1941, II, p.71, évoquant une concession qu’elle soumettait à la loi du 15 mai 1846 sur la comptabilité de l’État ; J.P. Beaumont,3 juin 1947, J.T., 1947, p. 452-453, relatif à un bail passé par une fabrique d’église).

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marchés publics évoque le caractèreonéreux de la relation contractuelle, sanspréciser le débiteur de la contrepartie, nil’origine des ressources servant au paie-ment de la prestation  3. Le législateureuropéen entend ainsi imprimer uneportée nécessairement plus large auconcept de marché public, afin d’y englo-ber les contrats de concession.

En vertu du principe de l’interprétationautonome du droit européen  4, lecaractère onéreux d’un marché publicdoit être étudié au départ de la jurispru-dence de la Cour de justice.

Le point de départ de cette jurisprudenceréside dans la précision selon laquelle lacontrepartie acquittée par le pouvoiradjudicateur peut prendre la forme de laréduction d’une charge d’urbanisme oud’une imposition qui serait due si lacontrepartie (les travaux, en l’espèce)n’était pas réalisée 5.

La Cour de justice a encore jugé que « le« caractère onéreux du contrat impliqueque le pouvoir adjudicateur ayant concluun marché public de travaux reçoive envertu de celui-ci une prestation moyen-nant une contrepartie. Une telle presta-tion, en raison de sa nature ainsi que du

système et des objectifs [du droit dérivédes marchés publics], doit comporter unintérêt économique direct pour le pouvoiradjudicateur » 6. La Cour a ainsi conclu àl’existence d’un tel « intérêt économiquedirect  » (et, dans le cas d’espèce, àl’existence d’un marché public de ser-vices) à propos de contrats conclus entredes communes et des compagnies d’as-surances, ayant essentiellement pourobjet de fournir une épargne-retraite aupersonnel desdites communes (lesprimes payées par les communes étantdéduites du salaire du personnel), aumotif que ces contrats permettaient aux-dites communes de répondre à leursobligations légales en la matière 7.

La « contrepartie » versée par le pouvoiradjudicateur est susceptible d’englober,en définitive, n’importe quel avantagesusceptible d’une évaluation écono-mique 8, y compris une... (autre) « pres-tation » économique.

L’arrêt commenté ici complète cetteconstruction jurisprudentielle en indi-quant que le caractère onéreux est pré-sent même si la «  contrepartie » de la«  prestation » reste limitée «  au rem-boursement des frais encourus pourfournir le service convenu  »  9. Comme

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(3) Art. 1.2, a) de la directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, relative à la coor-dination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services (JOUE 2004 L134, p. 114), telle que modifiée par le règlement (CE) n° 1422/2007 de la Commission, du 4 déc. 2007 (JOUE 2007L 317, p. 34) ; art. 1.2, a) de la directive 2004/17/CE du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, por-tant coordination des procédures de passation des marchés dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transportset des services postaux (JOUE 2004 L 134, p. 1).

(4) V. par ex., à propos de l’un des éléments de la notion de pouvoir adjudicateur  : CJUE 27 févr. 2003, Truley, C-373/00, Rec., p. I-1931, pts 35-36 : « Selon une jurisprudence constante, il découle des exigences tant de l’appli-cation uniforme du droit communautaire que du principe d’égalité que les termes d’une disposition du droit com-munautaire [dérivé ou primaire] qui ne comporte aucun renvoi exprès au droit des États membres pourdéterminer son sens et sa portée doivent normalement trouver, dans toute la Communauté, une interprétationautonome et uniforme qui doit être recherchée en tenant compte du contexte de la disposition et de l’objectifpoursuivi par la réglementation en cause ... En l’espèce, il est constant que l’art. 1er, sous b), deuxième alinéa, dela directive 93/36 ne comporte aucun renvoi exprès au droit des États membres, de sorte qu’il convient de don-ner aux termes susmentionnés une interprétation autonome et uniforme dans toute la Communauté ».

(5) CJCE, 12 juill. 2001, Ordine degli Achitetti e.a., C-399/98, Rec., p. I-5409.(6) CJUE 25 mars 2010, Helmut Müller GmbH, C-451/08, Rec., p. I-02673, pts 48 et 49. V. également : CJUE 18 janv.

2007, Auroux e.a., C-220/05, Rec., p. I-385, pt 45 ; CJUE 12 juill. 2001, Ordine degli Architetti e.a., C 399/98, Rec.,p. I-5409, pt 77.

(7) CJUE 15 juill. 2010, Commission c/ Allemagne, C-271/08, Rec., p. I-07091, spéc. pts 75-80.(8) En ce sens : Commission européenne, Livre vert du 30 avr. 2004 sur les partenariats public-privé et le droit com-

munautaire des marchés publics et des concessions, COM(2004) 327 final, p. 6, pt 10 (« le caractère onéreux ducontrat en cause n’implique pas obligatoirement le versement direct d’un prix par le partenaire public, mais peutdécouler de toute autre forme de contre-prestation économique reçue par le partenaire privé ») ; Concl. de l’Avo-cat général Trstenjak précédant CJUE 19 déc. 2012, Azienda Sanitaria Locale di Lecce e.a., C-159/11, non encorepublié au recueil, pt 32.

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l’observe l’Avocat général dans sesconclusions précédant l’arrêt, «  l’ab-sence de profit, à elle seule, ne fait pasde l’accord un accord passé à titre gra-tuit. ... [S]eule une interprétation large dela notion de “caractère onéreux” est à lamesure de la finalité des directives enmatière de marchés publics, qui estd’ouvrir les marchés en vue de garantirune concurrence réelle. C’est ainsi seu-

lement qu’il est possible de garantir l’ef-ficacité pratique de ces directives etd’empêcher que le droit des marchéspublics ne soit contourné, par exempleen convenant d’autres formes de rétribu-tion, qui ne permettent pas de recon-naître l’intention lucrative au premierregard, sous la forme de troc, ou derenonciation entre les parties à descréances réciproques » 10.

Lorsque plusieurs autorités publiques, enleur qualité de pouvoir adjudicateur,constituent ensemble une entité dotée dela personnalité juridique et chargée d’ac-complir leur mission de service public oulorsqu’une autorité publique adhère à unetelle entité, la condition établie selonlaquelle ces autorités, afin d’être dis-pensées de leur obligation d’engager uneprocédure de passation de marchéspublics, doivent exercer conjointement surcette entité un « contrôle analogue à celuiqu’elles exercent sur leurs propres ser-

vices » est remplie lorsque chacune de cesautorités participe tant au capital qu’auxorganes de direction de ladite entité.

Un marché public est, d’après les direc-tives applicables, un « contrat » 11. Il estassez généralement admis que l’exis-tence d’un contrat présuppose qu’il y aitun échange de consentements entredeux personnes distinctes. Par consé-quent, il suffit, en principe, que le mar-ché ait été conclu entre, d’une part, unpouvoir adjudicateur et, d’autre part, une

(9) CJUE 19 déc. 2012, Azienda Sanitaria Locale di Lecce e.a., C-159/11, non encore publié au recueil, pt 29.(10) Pt 32 des concl. de l’Avocat général précédant l’arrêt C-159/11.(11) Art. 1.2. a) de la directive 2004/18/CE ; art. 1.2. a) de la directive 2004/17/CE.

2. Le contrôle conjoint dans la relation « in house »

(CJUE 29 novembre 2012, Econord c/ Commune di Cagno e.a., C-182/11 et C-183/11,non encore publié au recueil, concl. M. P. Cruz Villalón ; D. Poupeau, Contrat in house :La CJUE précise la notion de « contrôle analogue », AJDA 2012. 2300  ; F. Llorens, P.Soler-Couteaux, Le in house sous la sellette, CMP, 2013, n° 1, p.1-2 (repère 1) ; W. Zim-mer, CMP, 2013, n° 1, p. 21-22 , comm. 1 ; CP-ACCP, 2013, n° 129, p. 10 -11 ; Y. Simon-net, Précision sur l’exercice conjoint du contrôle analogue sur le prestataire in house,CP-ACCP, 2013, n°  129, p. 65-68  ; R. Williams, Public-Public Cooperation  : Teckal inpractice, PPLR, 2012, NA 1 ; S. Smith, In-House Awards to Jointly Controlled Compa-nies – Satisfaying the Control Test : Econord SpA Cases C-182/11 and C-183/11, PPLR,2013, NA 32 ; S. Platon et S. Martin, L’exception de coopération entre autorités publiquesen droit européen de la commande publique, AJDA 2012. 1138 (sur la tentative de codi-fication de l’exception dans les propositions de directive 2011) ; C. Deves, Le in housetoujours en chantier, CMP, 2013, n° 4, étude 4, p. 7-12  ; R. Noguellou, L’exception inhouse : renforcement des exigences en matière de contrôle analogue, Dr. administra-tif, 2013, n° 1, Alertes 1, p.3-2 ; A. Samson-Dye, Irrégularité du recours à un contrat inhouse entre une SLPA et une collectivités très minoritaire, AJDA 2013. 36 ; J.D. Drey-fus, Resserrement des conditions de recours au contrat in house, AJDA 2013. 178)

Mots clés : Notion de marché public – relation « in house » - contrôle conjoint

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personne juridiquement distincte de cedernier  12 – qui peut donc être un autrepouvoir adjudicateur. Le texte des direc-tives le confirme expressément, puis-qu’un «  entrepreneur, fournisseur ouprestataire de services  » peut être une«  entité publique  »  13 ou une «  entitéadjudicatrice » 14.

En droit européen, la règle est donc l’ap-plication de la réglementation sur les mar-chés publics à tout rapport contractuel (àtitre onéreux), y compris entre des auto-rités publiques juridiquement distinctes.Une règle similaire existe pour les conces-sions de services sur la base du droit pri-maire (art. 18, 49 et 56 TFUE - respective-ment, ex-art. 12, 43 et 49 TCE) 15.

Une relation purement interne échappedonc logiquement au droit dérivé desmarchés publics. Un rapport (organique,p.ex.) entre deux services ou départe-ments de la même administration (aucunde ceux-ci ne disposant d’une personna-lité juridique distincte) ne sera pas unmarché public  : il ne constitue pas un

contrat, puisqu’il n’y a juridiquementqu’une seule et même personnemorale 16.

L’exception «  in house  » constitue uneextension de la «  relation purementinterne  », qui débouche sur une excep-tion à l’application du droit dérivé (ou dudroit primaire pour les autres contratspublics). Dans le cadre de l’exception « inhouse  », la Cour de justice assimile unrapport entre un pouvoir adjudicateur etune personne juridiquement distincte decelui-ci à une relation interne audit pou-voir adjudicateur ; la réglementation desmarchés publics est alors réputée ne pass’appliquer, faute de contrat. Ceci revientà (feindre d’) ignorer qu’il y a juridique-ment deux personnes distinctes (ouplus). La Commission parle à ce proposde « coopération interne » 17.

Il faut pour cela que l’autorité publique«  exerce sur la personne en cause uncontrôle analogue à celui qu’elle exercesur ses propres services » et que « cettepersonne réalise l’essentiel de son acti-

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(12) CJUE 18 nov. 1999, Teckal, C-107/98, Rec., p. I-08121, pts 49 et 50 ; CJUE 13 janv. 2005, Commission c/ Espagne,C-84/03, pt 38 ; CJUE Parking Brixen, C-458/03, Rec., p. I-08585, pt 58 ; CJUE Carbotermo, 11 mai 2006, C-340/04,Rec., p. I-04137, pts 32 et 33 ; CJUE 10 avr. 2008, Termoraggi, C-323/07, Rec., p. I-00057, pt 18.

(13) Art. 1.8 de la directive 2004/18/CE. Cette précision figurait déjà dans certaines des directives antérieures, à savoircelle sur les marchés publics de services dans les secteurs classiques (V. art. 1, c) de la Directive 92/50/CEE  : «  le«prestataire de services» est toute personne physique ou morale, y inclus un organisme public, qui offre desservices ») et celle sur les marchés publics dans les secteurs spéciaux (V. art. 1, 6) de la directive 93/38/CEE : « onentend par ... «soumissionnaire»  : le fournisseur, l’entrepreneur ou le prestataire de services qui présente uneoffre et «candidats»  : celui qui sollicite une invitation à participer à une procédure restreinte ou négociée  ; leprestataire de services peut être une personne physique ou morale, y inclus une entité adjudicatrice au sensde l’article 2 »)  ; elle a été systématisée à l’ensemble des marchés publics dans le texte des directives actuellesdans la foulée de la jurisprudence de la Cour (CJUE 18 nov. 1999, Teckal, C-107/98, Rec., p. I-08121  ; cet arrêtconcernait un marché public de fournitures (V. pt 40 de l’arrêt)).

(14) Art. 1.8 de la directive 2004/17/CE.(15) CJUE 7 déc. 2000, Telaustria et Telefonadress, C-324/98, Rec., p. I-10745 ; CJUE 21 juill. 2005, Coname, C-231/03,

Rec., p. I-07287 ; CJUE 13 oct. 2005, Parking Brixen, C-458/03, Rec., p. I-08585.(16) CJUE 11 janv. 2005, Stadt Halle, C-26/03, Rec., p. I-00001, pt 48. V. également : CJUE 13 oct. 2005, Parking Brixen,

C-458/03, Rec., p. I-08585, pt 61 ; CJUE 13 nov. 2008, Coditel Brabant, C-324/07, Rec., p. I-08457, pt 48 ; CJUE Com-mission c/ Allemagne, C-480/06, Rec., p. I-04747, pt 45 ; CJUE 10 sept. 2009, Sea, C-573/07, Rec., p. I-08127, pt 57.

(17) Commission européenne, Livre vert du 27 janv. 2011 sur la modernisation de la politique de l’UE en matière demarchés publics – Vers un marché européen des contrats publics plus performant, COM(2011) 15 final, p. 22.

(18) Jurisprudence constante : CJUE Teckal, 18 nov. 1999, C-107/98, Rec., p. I-08121, pt 50 ; CJUE 11 janv. 2005, StadtHalle, C-26/03, Rec., p. I-00001, pt 49 ; CJUE 13 janv. 2005, Commission c/ Espagne, C-84/03, pt 38 ; CJUE 13 oct.2005, Parking Brixen, C-458/03, Rec., p. I-08585, pts 58 et 62 ; CJUE 20 oct. 2005, Commission c/ France, C-264/03,pt 50 ; CJUE 10 nov. 2005, Commission c/ Autriche, C-29/04, pt 34 ; CJUE 12 janv. 2006, ANAV, C-410/04, Rec., p.I-03303, pt 24 ; CJUE 11 mai 2006, Carbotermo, C-340/04, Rec., p. I-04137, pt 33 ; CJUE 18 janv. 2007, Auroux e.a.,C-220/05, Rec., p. I-385, pt 63 ; CJUE 19 avr. 2007, Asemfo c/ Tragsa, C-295/05, pt 55 ; CJUE 18 déc. 2007, Asocia-ción Profesional de Empresas (Correos), C-220/06, Rec., p. I-12175, pt 58 ; CJUE 8 avr. 2008, Commission c/ Italie(Agusta), C-337/05, Rec., p. I-02173, pt 36 ; CJUE 10 avr. 2008, Termoraggi, C-323/07, Rec., p. I-00057, pt 18 ; CJUE17 juill. 2008, Commission c/ Italie (Mantoue), C-371/05, Rec., p. I-00110, pt 22 ; CJUE 13 nov. 2008, Coditel Bra-bant, C-324/07, Rec., p. I-08457, pt 26 ; CJUE 9 juin 2009, Commission c/ Allemagne, C-480/06, Rec., p. I-04747, pt34 ; CJUE 10 sept. 2009, Sea, C-573/07, Rec., p. I-08127, pt 36 ; CJUE 22 déc. 2010, Mehiläinen et Terveystalo Heal-thcare, C-215/09, Rec., p. I-013749, pt 32.

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vité avec la ou les [autorités publiques]qui la détiennent » 18.

Ces deux conditions distinctes sont cumu-latives  : si l’une n’est pas remplie, celadispense la Cour de vérifier si l’autre estsatisfaite  19 et entraîne l’application dudroit des marchés et contrats publics.Comme toute exception, celle du «  inhouse » est d’interprétation stricte et c’està celui qui entend s’en prévaloir qu’in-combe la charge de la preuve que les cir-constances exceptionnelles justifiant ladérogation existent effectivement 20.

Les contours du contrôle analogue ontété discutés en doctrine et en jurispru-dence. Dans un premier temps, la Cour aexigé que ce contrôle permette « au pou-voir adjudicateur d’influencer les déci-sions de ladite entité. Il doit s’agir d’unepossibilité d’influence déterminante tantsur les objectifs stratégiques que sur lesdécisions importantes » 21.

Il a fallu quelques années pour que laCour de justice admette de manièreexplicite que le contrôle analogue pouvaitêtre conjoint (exercé par plusieurs pou-voirs adjudicateurs)  22. Elle a préciséque  : «  la circonstance que le pouvoiradjudicateur détient, ensemble avecd’autres pouvoirs publics, la totalité ducapital d’une société adjudicataire tend àindiquer, sans être décisive, que ce pou-voir adjudicateur exerce sur cette sociétéun contrôle analogue à celui qu’il exercesur ses propres services »  23. Elle a parailleurs refusé catégoriquement d’ad-mettre un contrôle analogue lorsquel’actionnariat de la société adjudicatairen’est pas public à 100% 24. Autrement dit,la société adjudicataire qui est unesociété d’économie mixte ne sera jamaisconsidérée comme étant soumise à uncontrôle analogue 25. En principe, la pré-sence d’opérateurs privés doit être véri-fiée au moment de l’attribution  26, etdans des circonstances particulières,

(19) V. CJUE 18 déc. 2007, Asociación Profesional de Empresas (Correos), C-220/06, Rec., p. I-12175, pt 59 (conditionde l’« essentiel de l’activité » non remplie, donc pas de vérification de la condition du contrôle analogue) ; CJUE8 avr. 2008, Commission c/ Italie (Agusta), C-337/05, Rec., p. I-02173, pts 40 et 41 (absence de «  contrôle ana-logue », donc pas de vérification de la condition de l’« essentiel de l’activité »).

(20) CJUE 11 janv. 2005, Stadt Halle, C-26/03, Rec., p. I-00001, pt 46 ; CJUE 13 oct. 2005, Parking Brixen, C-458/03, Rec.,p. I-08585, pt 63 ; CJUE 12 janv. 2006, ANAV, C-410/04, Rec., p. I-03303, pt 26.

(21) CJUE 13 oct. 2005, Parking Brixen, C-458/03, Rec., p. I-08585, pt 65 ; CJUE 11 mai 2006, Carbotermo, C-340/04, Rec.,p. I-04137, pt 36 ; CJUE 17 juill. 2008, Commission c/ Italie (Mantoue), C-371/05, Rec., p. I-00110, pt 24 ; CJUE 13 nov.2008, Coditel Brabant, C-324/07, Rec., p. I-08457, pt 28 ; CJUE 10 sept. 2009, Sea, C-573/07, Rec., p. I-08127, pt 65.

(22) CJUE 19 avr. 2007, Asemfo c/ Tragsa, C-295/05, pts 56 à 61 (pouvoir adjudicateur ne détenant que 0,25% du capi-tal de la société adjudicataire), confirmé par : CJUE 13 nov. 2008, Coditel Brabant, C-324/07, Rec., p. I-08457, pt53 ; CJUE 10 sept. 2009, Sea, C-573/07, Rec., p. I-8127, pt 62.

(23) CJUE Carbotermo, 11 mai 2001, C-340/04, Rec., p. I-04137, pt 37 ; CJUE 19 avr. 2007, Asemfo c/ Tragsa, C-295/05,pt 57 ; CJUE 13 nov. 2008, Coditel Brabant, C-324/07, Rec., p. I-08457, pt 31 ; CJUE 10 sept. 2009, Sea, C-573/07,Rec., p. I-08127, pt 45.

(24) « La participation, fût-elle minoritaire, d’une entreprise privée dans le capital d’une société à laquelle participeégalement le pouvoir adjudicateur concerné exclut, en tout état de cause, que ce pouvoir adjudicateur puisseexercer sur cette société un contrôle analogue à celui qu’il exerce sur ses propres services » ; CJUE 11 janv. 2005,Stadt Halle, C-26/03, Rec., p. I-00001, pt 49 ; CJUE 10 nov. 2005, Commission c/ Autriche, C-29/04, pt 46 ; CJUE 12janv 2006, ANAV, C-410/04, Rec., p. I-03303, pt 31 ; CJUE 8 avr. 2008, Commission c/ Italie (Agusta), C-337/05, Rec.,p. I-2173, pt 38  ; CJUE 10 sept. 2009, Sea, C-573/07, Rec., p. I-8127, pt 46  ; CJUE 15 oct. 2009, Acoset, C-196/08,Rec., p. I-09913, pt 53 ; CJUE 22 déc. 2010, Mehiläinen et Terveystalo Healthcare, Rec., p. I-13749, C-215/09, pt 32.V. également : CJUE 13 nov. 2008, Coditel Brabant, C-324/07, Rec., p. I-8457, pt 30 ; CJUE 21 juill. 2005, Coname,C-231/03, Rec., p. I-7287, pt 26.

(25) « Il faut [...] relever tout d’abord que le rapport entre une autorité publique, qui est un pouvoir adjudicateur, etses propres services est régi par des considérations et des exigences propres à la poursuite d’objectifs d’intérêtpublic. En revanche, tout placement de capital privé dans une entreprise obéit à des considérations propres auxintérêts privés et poursuit des objectifs de nature différente. En second lieu, l’attribution d’un marché public à uneentreprise d’économie mixte sans appel à la concurrence porterait atteinte à l’objectif de concurrence libre et nonfaussée et au principe d’égalité de traitement des intéressés visé [par les directives sur les marchés publics], dansla mesure où, notamment, une telle procédure offrirait à une entreprise privée présente dans le capital de cetteentreprise un avantage par rapport à ses concurrents » : CJUE 11 janv. 2005, Stadt Halle, C-26/03, Rec., p. I-1, pts50 et 51  ; CJUE 10 nov. 2005, Commission c/ Autriche, C-29/04, pts 47 et 48. V. également CJUE 18 janv. 2007,Auroux, C-220/05, Rec., p. I-385, pt 64 ; CJUE 15 oct. 2009, Acoset, C-196/08, Rec., p. I-9913, pt 56. Dans le mêmesens  : Concl. de l’Avocat général Kokott, précédant l’arrêt CJUE Parking Brixen, C-458/03, Rec., p. I-8585, pt 53.

(26) CJUE 11 janv. 2005, Stadt Halle, C-26/03, Rec., p. I-1, pos 15 et 52 ; CJUE 17 juill. 2008, Commission c/ Italie (Man-toue), C-371/05, Rec., p. I-00110, pt 29 ; CJUE 10 sept. 2009, Sea, C-573/07, Rec., p. I-08127, pt 47.

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postérieurement à celle-ci 27, singulière-ment en cas de fraude à la loi  28. Lacondition doit être remplie pendant toutela durée du contrat 29.

Les modalités concrètes du contrôleconjoint exigées par le droit européenrestent imprécises. Si l’on peut déduirede la jurisprudence citée qu’il est indis-pensable de disposer d’une partie, mêmeinfime du capital social, qu’en est-il de laparticipation effective aux organes dedirection ?

Dans les faits ayant conduit à l’arrêt Codi-tel Brabant, le conseil d’administration dela société Brutélé pouvait déléguer sespouvoirs de gestion en faveur de«  conseils de secteur ou de sous-sec-teur  » composés de représentants descommunes d’un même territoire, permet-tant ainsi à celles-ci de réduire la dilutionde leur puissance de vote au niveau desdécisions à prendre concernant «  leur  »réseau de télédistribution 30. Les pouvoirssusceptibles d’être délégués dans cecadre concernaient «  les problèmespropres aux sous-secteurs, notammentles modalités d’application des tarifs, leprogramme des travaux et des investisse-ments, le financement de ceux-ci, lescampagnes publicitaires, et, d’autre part,les problèmes communs aux différentssous-secteurs constituant le secteur d’ex-ploitation » 31.

Dans l’arrêt Sea, chaque collectivitéactionnaire de la société Setco bénéfi-

ciait, indépendamment de sa taille ou dunombre d’actions Setco qu’elle détenait,d’une voix au sein d’un «  comité uni-taire » ou d’un « comité technique » dis-posant d’un droit de veto sur certainesdécisions de l’assemblée générale ou duconseil d’administration 32. À titre d’illus-tration, le comité unitaire avait notam-ment le pouvoir de nommer lesmembres du conseil d’administration  33

et les décisions soumises à son contrôleportaient sur les budgets, bilans plurian-nuels et annuels, sur la création defiliales et l’acquisition ou la vente de par-ticipations, même minoritaires, sur l’ac-tivation de nouveaux services ou la ces-sation des services existants, surl’acquisition ou la vente d’immeubles etl’octroi de sûretés représentant un enga-gement financier de plus de 20% dupatrimoine net résultant du dernier bilanapprouvé et sur les directives en matièretarifaire 34.

L’arrêt commenté s’inscrit dans le pro-longement de ces deux arrêts.

En l’espèce, une société publique,ASPEM SpA, avait été constituée par plu-sieurs communes italiennes et s’était vuconfier le service public de propretéurbaine de ses actionnaires. ASPEM étaitmajoritairement contrôlée par la com-mune de Varese, qui détenait, aumoment des faits un ensemble d’actionsreprésentant 99,81% du capital  35, lesactions restantes étant réparties entre 36autres communes. Ces communes mino-

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(27) CJUE 10 sept. 2009, Sea, C-573/07, Rec., p. I-8127, pt 47, renvoyant à CJUE 13 oct. 2005, Parking Brixen, C-458/03,Rec., p. I-08585, pts 67 et 72.

(28) CJUE 10 sept. 2009, Sea, C-573/07, Rec., p. I-8127, pt 48, renvoyant à CJUE 10 nov. 2005, Commission c/ Autriche,C-29/04, pts 38 à 41. Dans le même sens : CJUE 17 juill 2008, Commission c/ Italie (Mantoue), C-371/05, Rec., p. I-110, pt 30. L’arrêt Commission c/ Autriche (aff. 29/04) concernait un cas de fraude caractérisée à la réglementa-tion des marchés publics : la société adjudicataire avait été créée à l’occasion de l’attribution du marché, son capi-tal avait été ouvert à un opérateur privé un mois après l’attribution et la société n’était devenue opérationnelleque deux mois après l’ouverture du capital (V. C-29/04, pts 6 à 11).

(29) CJUE 12 janv. 2006, ANAV, C-410/04, Rec., p. I-3303, pt 30, renvoyant à CJUE 10 nov. 2005, Commission c/ Autriche,C-29/04, pt 48.

(30) CJUE 13 nov. 2008, Coditel Brabant, C-324/07, Rec., p. I-8457, pts 17 et 40.(31) Idem, C-324/07, pt 17.(32) CJUE 10 sept. 2009, Sea, C-573/07, Rec., p. I-8127, pts 82 à 85.(33) Idem, C-573/07, pt 16.(34) Idem, C-573/07, pt 18.(35) Selon l’exposé des faits (pt 11 de l’arrêt C-182/11 et C-183/11), la commune de Varese détenait 173 467 des 173

785 actions ASPEM. Le solde (318 actions) était aux mains des 36 autres communes.

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ritaires avaient cependant conclu avec lacommune de Varese un pacte d’action-naires leur conférant le droit d’êtreconsultées pour certaines décisions,ainsi que celui de désigner ensemble l’undes commissaires aux comptes et unmembre du conseil d’administration.Deux communes minoritaires avaientestimé que, dans ces conditions, ellespouvaient se prévaloir d’une relation « inhouse » et attribuer à ASPEM une mis-sion de service public de propretéurbaine sans organiser une procédure depassation. Un opérateur économique, lasociété Econord, contestait cette der-nière attribution devant la juridiction ita-lienne compétente.

La question préjudicielle était posée endes termes précis  : «  le principe selonlequel la situation individuelle de chaquecollectivité publique associée à la sociétéad hoc est sans incidence, doit-il s’appli-quer également dans le cas où, commeen l’espèce, une des communes asso-ciées possède une seule action de lasociété ad hoc et où les pactes d’action-naires conclus entre les collectivitéspubliques ne sont pas propres à conférerle moindre contrôle effectif de la sociétéà la commune participante, de sorte quela participation à la société peut êtreconsidérée comme le simple cadre for-mel d’un contrat de prestation de ser-vices ? » 36.

L’Avocat général Cruz Villalon apportaune réponse très restrictive à cette ques-tion, en estimant que, dans les circons-tances de l’espèce, le pacte d’action-naires ne conférait pas aux associésminoritaires le moindre contrôle effectifsur la société ASPEM  37. Il épinglaitnotamment que la concertation des 36actionnaires minoritaires ne pouvait réel-lement influencer la gestion de la

société  38. L’Avocat général considéraitque la participation de chaque communeactionnaire de cette société aux organesde direction devait se traduire par uneparticipation – à l’adoption des décisionsimportantes – proportionnelle au poidsde chaque entité, ce poids pouvant êtreévalué sur base de critères « tels que lebudget de la collectivité, sa population ouses besoins en relation avec le servicegéré » par la société commune 39.

L’Avocat général ne fut pas suivi par laCour de justice qui adopta une interpré-tation plus souple au départ de sa juris-prudence antérieure  : chaque autoritédoit participer au contrôle, ce dernier nepouvant être détenu par l’actionnairemajoritaire seul, sous peine de violer lanotion de contrôle conjoint  40. La Courexpliqua que ne pas exiger un contrôleréellement conjoint « ouvrirait ... la voieau contournement de l’application desrègles du droit de l’Union en matière demarchés publics ou de concessions deservices, dès lors qu’une affiliation pure-ment formelle à une telle entité ou à unorgane commun assurant la direction decelle-ci dispenserait ce pouvoir adjudica-teur de l’obligation d’engager une procé-dure d’appel d’offres selon les règles del’Union, alors même que ce dernier neprendrait aucunement part à l’exercicedu “contrôle analogue” sur cetteentité » 41.

En réponse à la question posée, la Courindiqua donc que  : «  lorsque plusieursautorités publiques, en leur qualité depouvoir adjudicateur, établissent encommun une entité chargée d’accomplirleur mission de service public ou lors-qu’une autorité publique adhère à unetelle entité, la condition établie par lajurisprudence de la Cour selon laquelleces autorités, afin d’être dispensées de

(36) Pt 18 de l’arrêt C-182/11 et C-183/11.(37) Pt 63 des concl. de l’Avocat général Cruz Villalon, précédant l’arrêt C-182/11 et C-183/11.(38) Pts 52-55 des concl. de l’Avocat général Cruz Villalon, précédant l’arrêt C-182/11 et C-183/11.(39) Pt 64 des concl. de l’Avocat général Cruz Villalon citées à la note précédente.(40) Pt 30 de l’arrêt C-182/11 et C-183/11.(41) Pt 32 de l’arrêt C-182/11 et C-183/11.

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leur obligation d’engager une procédurede passation de marchés publics selonles règles du droit de l’Union, doiventexercer conjointement sur cette entité uncontrôle analogue à celui qu’elles exer-cent sur leurs propres services est rem-plie lorsque chacune de ces autoritésparticipe tant au capital qu’aux organesde direction de ladite entité » 42.

L’arrêt Econord donne dès lors une pré-cision importante compte tenu destermes de la question 43 : peu importe lesmodalités précises de la participation au

capital et de la participation aux organesde direction, la combinaison de ces deuxéléments suffit à établir l’existence ducontrôle analogue.

On se souviendra encore que dans l’arrêtAsemfo, quatre entités publiques se par-tageaient 1% du capital de la sociétépublique commune, élément de fait quiavait été jugé suffisant par la Cour dejustice pour conclure à l’existence d’uncontrôle analogue  44. L’arrêt Econordsemble confirmer cette interprétationconciliante du contrôle analogue.

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3. La coopération horizontale

(CJUE 19 décembre 2012, gr. ch., Azienda Sanitaria Locale di Lecce c/ Ordine degliIngegneri della Provincia di Lecce e.a., C-159/11, non encore publié au recueil, concl.V. Trstenjak ; D. Poupeau, La CJUE affine sa jurisprudence sur les contrats entre per-sonnes publiques, AJDA 2012. 2407  ; CMP, 2013. Comm. 64, note, W. Zimmer ; CP-ACCP, 2013, n° 129, p. 11-12.)

Mots clés  | Notion de marché public - La relation in house - Coopération horizontale.

Le droit de l’Union en matière de mar-chés publics s’oppose à une réglementa-tion nationale qui autorise la conclusion,sans appel à la concurrence, d’un contratpar lequel des entités publiques insti-tuent entre elles une coopération lors-qu’un tel contrat n’a pas pour objet d’as-surer la mise en œuvre d’une mission deservice public commune à ces entités,qu’il n’est pas exclusivement régi par desconsidérations et des exigences propresà la poursuite d’objectifs d’intérêt publicou qu’il est de nature à placer un presta-taire privé dans une situation privilégiéepar rapport à ses concurrents.

L’arrêt commenté pose la question desavoir si la solution de la coopérationhorizontale retenue par l’arrêt Commis-sion c/ Allemagne dans le cadre d’unecoopération intercommunale peut êtreétendue à l’hypothèse d’une coopérationentre une université et un organisme dedroit public, dans le contexte factuel etjuridique repris ci-dessous.

La coopération horizontale constitue uneexception au principe d’application dudroit européen aux relations contrac-tuelles entre pouvoir adjudicateur, dis-tincte de la relation in house 45.

(42) Pt 33 de l’arrêt C-182/11 et C-183/11.(43) Pour rappel, la question posée était la suivante : « [Le] principe selon lequel la situation individuelle de chaque

collectivité publique associée à la société ad hoc est sans incidence doit-il s’appliquer également dans le cas où,comme en l’espèce, une des communes associées possède une seule action de la société ad hoc et où les pactesd’actionnaires conclus entre les collectivités publiques ne sont pas propres à conférer le moindre contrôle effec-tif de la société à la commune participante, de sorte que la participation à la société peut être considérée commele simple cadre formel d’un contrat de prestation de services ? ».

(44) CJUE 19 avr. 2007, Asemfo, C-295/05, Rec., p. I-2999, pts 57-61 (L’arrêt ne souffle mot de la représentation desquatre pouvoirs publics minoritaires dans les organes de gestion). Sur la participation au capital très réduite, V.également : CJUE 13 nov. 2008, Coditel Brabant, C-324/07, Rec., p. I-8457, pts 52-53 ; CJUE 10 sept. 2009, Sea, C-573/07, Rec., p. I-8127, pts 61-63.

(45) V. le commentaire ss le pt 2 qui précise cette notion.

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La Cour de justice a fondé l’exception dela relation in house (ou quasi interne) surla liberté qu’a le pouvoir adjudicateur«  d’accomplir les tâches d’intérêt publicqui lui incombent par ses propresmoyens, administratifs, techniques etautres, sans être [obligé] de faire appel àdes entités externes n’appartenant pas àses services  »  46. La Cour a ajouté uneprécision à propos de cette formulerépétée à plusieurs reprises  : «  Cettepossibilité pour les autorités publiques derecourir à leurs propres moyens pouraccomplir leurs missions de servicepublic peut être exercée en collaborationavec d’autres autorités publiques » 47. Cetajout – initialement destiné à justifier lecontrôle conjoint dans le cadre de l’ex-ception « in house » – a été repris par lasuite dans un tout autre contexte  : celuide la coopération horizontale. En effet,dans l’arrêt Commission c/ Allemagneprécité, après avoir constaté que lesconditions de l’exception « in house » n’é-taient pas remplies 48, la Cour de justicea bel et bien consacré une nouvelleexception à l’application du droit des mar-chés et contrats publics en cas de rapportentre une autorité publique et une per-sonne juridique distincte de celle-ci 49. LaCommission parle à ce propos de« coopération horizontale » 50.

Dans l’arrêt Commission c/ Allemagne,la ville de Hambourg et quatre Land-kreise allemandes (circonscriptionsadministratives) voisines avaient concluun contrat relatif à l’élimination de leursdéchets. Par ce contrat d’une durée de20 ans, la ville de Hambourg mettait à

disposition des Landkreise une partie dela capacité d’une usine de valorisationthermique de déchets. Les Landkreises’engageaient pour leur part à verserune rémunération annuelle à la ville deHambourg en échange de ce service.Aucune procédure de passation de mar-ché n’avait été suivie pour la conclusiondu contrat 51.

La Commission estimait qu’une telleprocédure aurait dû être suivie. Sonrecours portait sur le contrat concluentre la ville de Hambourg et les quatreLandkreise, mais non sur le contratconclu entre la ville de Hambourg et l’ex-ploitant de l’usine de valorisation ther-mique des déchets 52.

La Cour de justice constata d’abordqu’aucun des quatre Landkreisen’exerçait un contrôle analogue sur laville de Hambourg ni sur l’exploitant del’usine de valorisation  53, laissant par làclairement entendre que les conditionsde l’exception «  in house » n’étaient pasremplies en l’espèce. Elle soulignacependant que le contrat litigieux présen-tait plusieurs spécificités 54, dont la prin-cipale était qu’il instaurait une « coopéra-tion entre collectivités locales ayant pourobjet d’assurer la mise en œuvre d’unemission de service public qui est com-mune à ces dernières, à savoir l’élimina-tion de déchets », cette mission s’inscri-vant d’ailleurs dans le cadre de la miseen œuvre d’une directive imposant auxÉtats membres de prévoir des mesurespour encourager la rationalisation dutraitement des déchets 55 .

(46) CJUE 11 janv. 2005, Stadt Halle, C-26/03, Rec., p. I-1, pt 48. V. également : CJUE 13 oct. 2005, Parking Brixen, C-458/03,Rec., p. I-08585, pt 61 ; CJUE 13 nov. 2008, Coditel Brabant, C-324/07, Rec., p. I-08457, pt 48 ; CJUE 9 juin 2009, Com-mission c/ Allemagne, C-480/06, Rec., p. I-04747, pt 45  ; CJUE 10 sept. 2009, Sea, C-573/07, Rec., p. I-8127, pt 57.

(47) CJUE 13 nov. 2008, Coditel Brabant, C-324/07, Rec., p. I-08457, pt 49.(48) CJUE 9 juin 2009, Commission c/ Allemagne, C-480/06, Rec., p. I-04747, pt 36.(49) Pour une même présentation autonome de cette exception, par rapport à l’exception de l’in house, V. concl. de

l’Avocat général Trstenjak, précédant l’arrêt commenté, C-159/11, pts 58 à 65.(50) Commission européenne, Livre vert du 27 janv. 2011 sur la modernisation de la politique de l’UE en matière de

marchés publics – Vers un marché européen des contrats publics plus performant, COM(2011) 15 final, p. 22.(51) CJUE 9 juin 2009, Commission c/ Allemagne, C-480/06, Rec., p. I-04747, pts 4 à 6.(52) Idem, C-480/06, pt 31.(53) Idem, C-480/06, pt 36. Dans le même sens : concl. de l’Avocat général Mazak précédant l’arrêt, pt 47.(54) Idem, C-480/06, pts 37 à 43(55) Idem, C-480/06, pt 37.

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La Cour de justice avait encore souligné« que le contrat litigieux constitue tant lefondement que le cadre juridique pour laconstruction et l’exploitation futuresd’une installation destinée à l’accomplis-sement d’un service public, à savoir lavalorisation thermique des déchets. Leditcontrat n’a été conclu que par des auto-rités publiques, sans la participationd’une partie privée, et il ne prévoit ni nepréjuge la passation des marchés éven-tuellement nécessaires pour la construc-tion et l’exploitation de l’installation detraitement des déchets » 56. Il ne pouvaitdès lors être qualifié de marché public.

Elle était parvenue à cette conclusion enremarquant que, puisqu’un pouvoir publicpeut accomplir les tâches d’intérêt publicqui lui incombent par ses propresmoyens, y compris « en collaboration avecd’autres autorités publiques » 57, la Com-mission aurait admis la non-applicationdu droit des marchés publics si la coopé-ration litigieuse «  s’était traduite par lacréation d’un organisme de droit publicque les différentes collectivitésconcernées auraient chargé d’accomplirla mission d’intérêt général d’éliminationdes déchets » 58. Observant alors que « ledroit européen n’impose nullement auxautorités publiques, pour assurer en com-mun leurs mission de service public, derecourir à une forme juridique particu-lière » 59, la Cour nota que la coopérationlitigieuse ne portait pas atteinte à la librecirculation ni au principe de la concur-rence non faussée ni au principe d’égalitéde traitement, « dès lors que la mise enœuvre de cette coopération est unique-ment régie par des considérations et desexigences propres à la poursuite d’objec-tifs d’intérêt public et que le principe d’é-galité de traitement des intéressés visépar la directive 92/50 est garanti, de sorte

qu’aucune entreprise privée n’est placéedans une situation privilégiée par rapportà ses concurrents » 60. Elle observa enfinqu’aucun élément du dossier ne tendait àdémontrer que la coopération litigieuseconstituait «  un montage destiné àcontourner les règles en matière de mar-chés publics  »  61, pour juger qu’uneprocédure de marché public pouvait nepas être suivie et rejeter le recours enmanquement de la Commission 62.

L’arrêt commenté s’inscrit dans le pro-longement de l’arrêt Commission c/ Alle-magne, compte tenu du système dedéfense adopté par l’ASL di Lecce, uneadministration décentralisée italienne.Cette dernière faisait en effet face à unrecours introduit par une série d’asso-ciations d’ingénieurs et d’architectes, àl’encontre d’un accord conclu entre l’ASLdi Lecce et une université publique. Cetaccord portait sur l’exécution, à titre oné-reux, d’activités d’études et d’évaluationde la vulnérabilité sismique des struc-tures hospitalières de la province deLecce. Lesdites associations d’ingénieurset d’architectes faisaient grief à l’ASL diLecce d’avoir attribué le marché sansprocédure de marchés publics. L’ASL diLecce objectait que l’accord relevait dudomaine de la coopération horizontaleentre pouvoirs publics.

Après avoir conclu à l’existence d’unmarché public en se fondant sur lecaractère onéreux de la relation contrac-tuelle entre l’ASL di Lecce et l’université(cf. ci-dessus), la Cour observa que larelation «  in house  » ne pouvait êtreadmise en l’espèce, l’ASL n’exerçant pasde contrôle analogue sur l’université.

La Cour vérifia ensuite si les conditions dela coopération horizontale étaient en

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(56) Idem, C-480/06, pt 44.(57) Idem, C-480/06, pt 45.(58) Idem, C-480/06, pt 46.(59) Idem, C-480/06, pt 47.(60) Idem, C-480/06, pt 47.(61) Idem, C-480/06, pt 48.(62) Idem, C-480/06, pt 49.

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l’espèce remplies 63, lesquelles requièrentque le contrat conclu l’ait été – comme enmatière de relation in house – « exclusi-vement par des entités publiques, sans laparticipation d’une partie privée  », maisaussi « qu’aucun prestataire privé ne soitplacé dans une situation privilégiée parrapport à ses concurrents et que lacoopération qu’ils instaurent soit unique-ment régie par des considérations et desexigences propres à la poursuite d’objec-tifs d’intérêt public » 64.

À juste titre, la Cour jugea que l’objet dela coopération en cause ne paraissait pasêtre la mise en œuvre d’une mission deservice public commune à l’ASL et à l’uni-

versité 65. De manière plus contestable, laCour observa que le contrat en cause« pourrait conduire à favoriser des entre-prises privées si les collaborateurs exté-rieurs hautement qualifiés auxquels ilautorise l’université à recourir pour laréalisation de certaines prestations englo-bent des prestataires privés » 66, perdantde vue que l’université publique était unpouvoir adjudicateur au sens du droitdérivé des marchés publics. En d’autrestermes, si l’université souhaitait recourir àdes collaborateurs extérieurs, elle étaittenue de désigner ceux-ci au terme d’uneprocédure de passation de marché public(de services) et ne pouvait donc en réalitéfavoriser aucune entreprise privée.

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4. Marchés publics de défense

(CJUE 7 juin 2012, Insinööritoimisto InsTiimi Oy, C-615/10, non encore publié aurecueil, concl. Av. gén. J. Kokott ; Europe, 2012, août-septembre, p. 34 ; ACCP, 2012,n° 119, p.12 ; CP-ACCP, 2012, n° 124, p. 12 ; M. Aubert, E. Broussy et F. Donnat, Mar-chés publics in Chronique de jurisprudence de la CJUE, AJDA 2012. 1578  ; W. ZIM-MER, CMP, 2012, n° 10, p. 29-30, comm. 273  ; P. Pintat et E. Rassay, Interprétationde la notion de «  produit destiné à des fins spécifiquement militaires  », CP-ACCP,2012, n° 126, p. 80-82 ; S. Smith, Defence purchasing of material that has both mili-tary and civilian applications – Tiltable turntables in Finland – Case C-615/10,PPLR,2012, NA 245.)

Mots clés  | Marchés publics de fournitures acquises à des fins militaires (dual use) –Liste du Conseil de 1958.

Un État membre ne peut faire échapperaux procédures de passation prévuespar la directive 2004/18/CE un marchépublic relatif à l’acquisition d’un matérielqui, bien que destiné à des fins spécifi-quement militaires, présente égalementdes possibilités d’applications civilesessentiellement similaires. Il ne peut enaller autrement qu’à la condition que cematériel, par ses caractéristiquespropres, puisse être regardé commespécialement conçu et développé, y

compris en conséquence de modifica-tions substantielles, à des fins spécifi-quement militaires.

Comme le rappelle l’Avocat généralKokott dans ses conclusions précédantl’arrêt commenté  67, les conditions danslesquelles les États membres sont auto-risés à déroger aux règles du droit del’Union pour les besoins de leur défenseet de leurs forces armées suscitent descontentieux divers 68.

(63) Pt 34 de l’arrêt C-159/11, se référant à l’arrêt du 9 juin 2009, Commission c/ Allemagne, C-480/06, Rec., p. I-4747, pt 37.(64) Pt 35 de l’arrêt C-159/11, renvoyant à CJUE 9 juin 2009, Commission c/ Allemagne, C-480/06, Rec., p. I-04747, pts

44 et 47.(65) Pt 37 de l’arrêt C-159/11.(66) Pt 38 de l’arrêt C-159/11.(67) Pt 1 des concl. précédant l’arrêt C-615/10.

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La Cour de justice précise dans l’arrêtcommenté la portée de l’article 10 de ladirective 2004/18/CE tel qu’il était libelléavant sa modification par la directive2009/81/CE  69/  70. Cet article prévoyaitque la directive 2004/18/CE ne s’appli-quait pas aux marchés publics passéspar des pouvoirs adjudicateurs dans ledomaine de la défense, sous réserve del’article 296 TCE (actuel art. 346 TFUE) –lequel laisse à chaque État membre lapossibilité de prendre des mesures qu’ilestime nécessaires « à la protection desintérêts essentiels de sa sécurité et quise rapportent à la production ou au com-merce d’armes, de munitions et dematériel de guerre; ces mesures ne doi-vent pas altérer les conditions de laconcurrence dans le marché commun ence qui concerne les produits non destinésà des fins spécifiquement militaires  ».Une décision n° 255/58 du Conseil du 15avril 1958  71 établit une liste reprenantles produits auxquels peut s’appliquer leprincipe rappelé ci-dessus. Figurentnotamment dans cette liste de 1958, le«  matériel électronique pour l’usagemilitaire » (pt 11), les « parties et piècesspécialisées du matériel repris dans laprésente liste pour autant qu’elles ont uncaractère militaire  » (pt 14) et les«  machines, équipement et outillageexclusivement conçus pour l’étude, la

fabrication, l’essai et le contrôle desarmes, munitions et engins à usage uni-quement militaire repris dans la pré-sente liste » (pt 15).

Les faits ayant donné lieu à l’arrêt com-menté peuvent être résumés commesuit. En 2008, l’armée finlandaise avaitlancé un appel d’offres portant sur unsystème de plateforme tournante destinéà effectuer des mesures électromagné-tiques, pouvant servir à des simulationsde combats, sans respecter les règles depublicité de la directive 2004/18/CE. Unesociété évincée dans le cadre de cetteprocédure de passation soutenait quecelle-ci violait le droit dérivé des mar-chés publics, la plateforme tournanteétant, selon elle, reconnue comme uneinnovation technique dans l’industriecivile et ne constituant donc pas unmatériel militaire 72. L’armée finlandaisesoutenait, au contraire, que le systèmede plateforme tournante avait été acquis« à des fins spécifiquement militaires etqu’il était destiné en particulier à simu-ler des situations de combat » 73.

Le point de départ du raisonnement de laCour de justice est classique. Elle rap-pela qu’il est de jurisprudence constanteque les dérogations aux libertés fonda-mentales doivent faire l’objet d’une inter-

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(68) L’Avocat général cite à titre d’exemple la jurisprudence sur l’accès des femmes à l’emploi dans les forces arméesdes États membres (CJUE 26 oct. 1999, Sirdar, C-273/97, Rec., p. I-7403 ; CJUE 11 janv. 2000, Kreil, C-285/98, Rec.p. I-69) ; celle sur les obligations militaires pour les hommes (CJUE 16 sept. 1999, Commission c/ Espagne, C-414/97,Rec., p. I-5585) et celle sur le traitement douanier des biens d’équipement militaires (CJUE 15 déc. 2009, Com-mission c/ Finlande, C-284/05, Rec., p. I-11705 ; CJUE 15 déc. 2009, Commission c/ Suède, C-294/05, Rec., p. I-11777 ;CJUE 15 déc. 2009, Commission c/ Allemagne, C-372/05, Rec., p. I-11801 ; CJUE 15 déc. 2009, Commission c/ Italie,C-387/05, Rec., p. I-11831, CJUE 15 déc. 2009, Commission c/ Grèce, C-409/05, Rec., p. I-11859 ; CJUE 15 déc. 2009,Commission c/ Danemark, C-461/05, Rec., p. I-11887 ; CJUE 15 déc. 2009, Commission c/ Italie, C-239/06, Rec., p. I-11913 ; CJUE 4 mars 2010, Commission c/ Portugal, C-38/06, Rec., p. I-1569).

(69) Directive 2009/81/CE du 13 juillet 2009 relative à la coordination des procédures de passation de certains marchéde travaux, de fournitures et de services par des pouvoirs adjudicateurs et entités adjudicatrices dans les domainesde la défense et de la sécurité, modifiant les directives 2004/17/CE et 2004/18/CE (JOUE 2009 L 216, p. 76).

(70) La version modifiée de l’art. 10 n’est entrée en vigueur que le 21 août 2009 et devait être transposée par lesÉtats membres pour le 21 août 2011 (V. art. 72, § 1, et 74 de la directive 2009/81/CE). Les faits soumis à la Courétaient antérieurs à cette date.

(71) L’Avocat général Kokott rappelle que cette « décision n’a pas été publiée au Journal Officiel des CommunautésEuropéennes. Elle est cependant reproduite par extraits dans le document n°  14538/4/08 du Conseil, accessibleau public sur le site Internet du Conseil à l’adresse http://register.europa.consilium.eu... De plus, le contenu deladite liste a été repris dans une réponse de la Commission à la question d’un membre du Parlement européen(réponse du 27 sept. 2001 à la question écrite E-1324/01 du député Bart Staes – JO C 364 E, p. 85) » (nbp n°  8des concl. de l’Avocat général précédant l’arrêt C-615/10).

(72) Pt 19 de l’arrêt C-615/10.(73) Pt 20 de l’arrêt C-615/10.(74) Pt 35 de l’arrêt C-615/10, qui renvoie à CJUE 15 déc. 2009, Commission c/ Finlande, C-284/05, Rec., p. I-11705, pts 46-47.

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prétation stricte  74, d’une part, et qu’unpouvoir adjudicateur ne peut invoquerl’article 296, paragraphe 1, sous b), TCE(actuel art. 346.1, b) TFUE) pour justifierune mesure dérogatoire lors de l’achatd’un matériel qui a une vocation civilecertaine et une finalité militaire éven-tuelle 75, d’autre part.

L’Avocat général Kokott avait observé àce propos de ce second aspect que  :«  L’application de l’article 296, para-graphe 1er, sous b), CE [actuel art. 346.1,b) TFUE] suppose qu’il s’agisse d’unmatériel qui, au-delà du simple fait qu’ilse prête éventuellement à un usage mili-taire, a une destination spécifiquementmilitaire, et ce d’un point de vue tantsubjectif qu’objectif. Ainsi, faut-il quel’objet en cause soit destiné à des finsspécifiquement militaires non seulementen raison de son application concrète,déterminée par le pouvoir adjudicateur 76

(donc d’un point de vue subjectif), maisaussi de par sa conception et ses pro-priétés  77 (donc d’un point de vue objec-tif) ». La Cour reprit cette observation àson compte 78.

Selon la Cour, les termes « pour l’usagemilitaire » utilisés au point 11 de la listede 1958 ainsi que les termes «  pourautant qu’elles ont un caractère mili-taire  » et «  exclusivement conçus  »employés aux points 14 et 15 de la mêmeliste, « indiquent que les produits visés àces points doivent présenter objective-ment un caractère spécifiquement mili-taire » 79. La Cour vit une confirmation decette analyse dans le dixième considé-

rant de la directive 2009/81/CE où «  lelégislateur de l’Union a précisé que lestermes “équipement militaire” au sensde cette directive devraient couvrir lesproduits qui, bien qu’initialement conçuspour une utilisation civile, ont ensuite étéadaptés à des fins militaires pour pouvoirêtre utilisés comme armes, munitions oumatériel de guerre » 80.

La Cour jugea que si, a priori, le systèmede plateforme tournante en cause auprincipal est censé, selon les informa-tions fournies, constituer un équipementmilitaire  81, encore faut-il établir pourêtre considéré comme destiné spécifi-quement à des fins militaires au sens del’actuel article 346.1, b) TFUE) que leditsystème, «  par ses caractéristiquespropres, peut être regardé comme spé-cialement conçu et développé, y comprisen conséquence de modifications sub-stantielles, à de telles fins, ce qu’ilappartient également à la juridiction derenvoi de vérifier » 82.

Enfin la Cour acheva son raisonnementen rappelant qu’il ne suffit pas d’établirque le matériel est destiné à des finsspécifiquement militaires, mais qu’il fautégalement vérifier si l’État membre quiinvoque le bénéfice de l’actuel article 346TFUE «  peut démontrer la nécessité derecourir à la dérogation prévue à laditedisposition dans le but de protéger lesintérêts essentiels de sa sécurité, et si lebesoin de protéger ces intérêts essen-tiels n’aurait pas pu être atteint dans lecadre d’une mise en concurrence, telleque prévue par la directive 2004/18 » 83.

(75) Pt 39 de l’arrêt C-615/10, qui renvoie à CJUE 8 avr. 2008, Commission c/ Italie, C-337/05, Rec. p. I-2173, pts 48-49.(76) CJUE 8 avr. 2008, Commission c/ Italie (Agusta), C-337/05, Rec. p. I-2173, pts 48 et 49.(77) L’Avocat général fait ici référence au dixième considérant de la directive 2009/81, selon lequel la liste de 1958

« ne comprend que les équipements qui sont conçus, développés et produits à des fins spécifiquement militaires ».Elle se réfère aussi à la Communication interprétative de la Commission du 7 déc. 2006 sur l’application de l’art.296 du traité dans le domaine des marchés publics de la défense (COM(2006) 779 final, section 3), où il est ques-tion d’équipements « de nature et destinés à des fins purement militaires » (nbp n°  31 des concl. de l’Avocatgénéral Kokott précédant l’arrêt C-615/10).

(78) Pt 40 de l’arrêt C-615/10.(79) Pt 41 de l’arrêt C-615/10.(80) Pt 42 de l’arrêt C-615/10.(81) Pt 43 de l’arrêt C-615/10, élément que la Cour de Justice invite la juridiction nationale à vérifier.(82) Pt 44 de l’arrêt C-615/10.(83) Pt 45 de l’arrêt C-615/10, qui renvoie à CJUE, 15 déc. 2009, Commission c/ Finlande, C-284/05, Rec., p. I-11705, pt

49 et à CJUE, 8 avr. 2008, Commission c/ Italie (Agusta), C-337/05, Rec., p. I-2173, pt 53.

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Des services dont la prestation a étéeffectuée en différentes phases doiventêtre considérés comme formant un mar-ché unique eu égard au caractère uni-taire de leur fonction économique ettechnique, la Cour étendant au marchépublic de services d’architecure, lanotion d’ « ouvrage présentant une unitéfonctionnelle et économique  », élémentde la définition du marché public de tra-vaux.

L’ouvrage est défini par la directive2004/18/CE comme «  le résultat d’unensemble de travaux de bâtiment ou degénie civil destiné à remplir par lui-même une fonction économique et tech-nique » 84. La notion d’ouvrage constitueun élément de la définition des marchésde travaux qui vise à empêcher la scis-sion artificielle des marchés. La scissionest susceptible d’entraîner une diminu-tion du montant du marché, qui pourraitalors échapper aux mesures de publicitéeuropéennes en dépit de l’unité tech-nique ou fonctionnelle des prestationsenvisagées. Le calcul de la valeur dumarché de travaux doit, dans cette pers-pective, tenir compte de la valeur totalede l’ouvrage. Si l’objectif poursuivi estaisément compréhensible, l’application

de la notion suscite quelques difficultéset peut laisser les praticiens perplexes.

La notion d’ouvrage a été précisée pourla première fois par la Cour de justice àl’occasion de la procédure de passationde marchés lancée par le syndicat dépar-temental d’électrification de la Vendée 85,en vue de l’attribution de travaux d’élec-trification et d’éclairage public. Danscette affaire, la Cour a jugé qu’un réseaude distribution d’électricité et un réseaud’éclairage public ont des fonctions éco-nomiques et techniques différentes,notamment parce que, dans le premier,le bénéficiaire qui paye la prestation estle consommateur individuel final, alorsque, dans le second, le paiement de laprestation est assuré par l’autoritépublique. Dans une autre affaire, la qua-lification d’ouvrage dépendait de la ques-tion de savoir si plusieurs tronçons d’au-toroute faisant l’objet de différentesconcessions de travaux devaient êtreconsidérés comme ayant une mêmefonction économique et/ou une mêmefonction technique 86. La Cour jugea que« pour que le résultat des travaux puisseêtre qualifié d’ouvrage [au sens du droitdérivé des marchés publics], il suffit quesoit remplie l’une des deux fonctions » 87.

5. L’extension du marché public de services

d’architecture

(CJUE 15 mars 2012, Commission c/ Allemagne, C-574/10, non encore publié aurecueil ; Europe, 2012, mai, p. 26 ; CP-ACCP, 2012, n°  121, p. 14 ; W. Zimmer, CMP,2012, n° 5, p. 17-19, comm. 144 ; A. Brown, The Court of Justice rules that a seriesof contracts for architecural services constituted a single procurement for the pur-pose of the financial thersholds of Directive 2004/18  : Commission v Germany (C-574/10), PPLR, 2012, NA 160 ; M. Aubert, E. Broussy et F. Donnat, Marchés publics deservices in Chronique de jurisprudence de la CJUE, AJDA 2012. 1002)

Mots clés  | Interprétation fonctionnelle de marché public de services d’architecture-ouvrage

(84) Art. 1er, § 2, b) de la directive 2004/18/CE.(85) CJUE 5 oct. 2000, Commission c/ France, C-16/98, Rec., p. I-8315. V. À ce propos les obs. de A. Brown, PPLR, 2001,

NA 24-26.(86) CJUE 27 oct. 2005, Commission c/ Italie, C-187/04 et C-188/04, non publié au recueil mais consultable sur le site

EUR-Lex. V. également JOUE 2006 C 36, p. 11.(87) Arrêt C-187/04 et C-188/04, préc., pt 29.

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Dans l’arrêt Auroux 88, la notion futabordée dans le cadre de la qualificationd’un «  contrat de développement  »conclu entre la ville de Roanne et un pro-moteur immobilier (semi-public) ayantpour objet la réalisation de différents tra-vaux (construction d’un pôle de loisir,avec acquisition de terrains, conceptionet recherche de financement, infrastruc-tures diverses dont un parking public).Ce contrat fut considéré comme remplis-sant une fonction économique.

L’arrêt Commission c/ Allemagne com-menté ici s’inscrit dans le prolongementde cette jurisprudence.

Les faits sont relativement simples. Unemunicipalité allemande avait décidé derénover un bâtiment polyvalent lui appar-tenant et utilisé en tant que salle desports et de spectacles. Pour ce faire,elle avait successivement attribué à unmême bureau d’architecture trois mar-chés publics de services distincts, sesituant individuellement sous les seuilseuropéens mais globalement au-dessusde ceux-ci  : le premier marché visait àétablir un état des lieux et une estima-tion du coût de la rénovation ; le secondmarché avait trait à une mission deconception de la rénovation ; le troisièmemarché avait pour objet une mission desuivi des travaux de rénovation.

La Commission soutenait que la rénova-tion structurelle du bâtiment polyvalentconstituait un marché unique de travauxet qu’il en résultait une forte présomp-tion que les services d’architecture yrelatifs devaient être considérés commeun marché unique dans la mesure oùleur contenu était déterminé par l’objetdu marché de travaux  89. L’Allemagne

contestait l’analyse de la Commission, etjustifiait le mode opératoire choisi pardes raisons de planifications budgétairesdes travaux de rénovation qui devaients’étaler sur plusieurs exercices 90.

La Cour ne suivit pas la défense de l’Al-lemagne. Elle fit observer que « l’article9, paragraphes 1er et 3, de la Directive2004/18/CE prévoit, d’une part, que lecalcul du seuil est fondé sur le montanttotal payable, hors TVA, estimé par lepouvoir adjudicateur et que, d’autre part,aucun projet d’ouvrage ni aucun projetd’achat visant à obtenir une certainequantité de fournitures et/ou de servicesne peut être scindé en vue de le sous-traire à l’application de cette direc-tive »  91. Elle retint le caractère unitaired’un point de vue fonctionnel et écono-mique des travaux de rénovation dans lecas d’espèce  92 et le principe de l’inter-prétation fonctionnelle du droit dérivéclassiquement mis en œuvre dans sajurisprudence 93, pour écarter les objec-tions de l’Allemagne. Elle en conclut quele marché litigieux (en réalité, ils étaienttrois, comme on l’a vu ci-dessus) étaitbien un unique «  marché de servicesd’architecture, attribué par un seul pou-voir adjudicateur, concernant ... un seulet même bâtiment  » et comportant destâches usuelles de conception et de suivid’exécution  94. Les prestations fourniesdans ce cadre présentaient « une cohé-rence interne d’un point de vue écono-mique et technique ainsi qu’une conti-nuité fonctionnelle, cohérence etcontinuité qui ne sauraient êtreconsidérées comme rompues en raisondu fait que lesdites prestations ont étédivisées en différentes phases, suivant lerythme d’exécution des travaux auxquelselles se rapportaient » 95.

(88) CJUE 18 janv. 2007, C-220/05, Auroux e.a., Rec., p. I-385, pts 28-42.(89) Pt 19 de l’arrêt C-574/10.(90) Pts 28-33 de l’arrêt C-574/10.(91) Pt 36 de l’arrêt C-574/10.(92) Pt 38 de l’arrêt C-574/10.(93) Pts 39-41 de l’arrêt C-574/10.(94) Pt 42 de l’arrêt C-574/10.(95) Pt 45 de l’arrêt C-574/10.

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La notion de «faute en matière profes-sionnelle» couvre tout comportementfautif qui a une incidence sur la crédibi-lité professionnelle de l’opérateur encause. Toutefois, la notion de «fautegrave» doit être comprise comme seréférant normalement à un comporte-ment de l’opérateur économique encause qui dénote une intention fautive ouune négligence d’une certaine gravité desa part. Ainsi, toute exécution incorrecte,imprécise ou défaillante d’un contrat oud’une partie de ce dernier peut éventuel-lement démontrer une compétence pro-fessionnelle limitée de l’opérateur éco-nomique en cause, mais n’équivaut pasautomatiquement à une faute grave.

La question préjudicielle tranchée parl’arrêt commenté portait sur l’interpréta-tion de l’article 45, paragraphe 2, pre-mier aliéna, sous d) de la de la directive2004/18/CE  96, lu en combinaison avecles articles 53, paragraphe 3, et 54, para-graphe 4, de la directive 2004/17/CE  97.Cette question avait été soulevée dans lecadre d’un litige qui opposait un pouvoiradjudicateur polonais à une société (For-posta SA) exclue d’un marché public dedistribution de colis postaux, en applica-tion d’une disposition du droit polonaisdes marchés publics excluant de laprocédure d’attribution d’un marchépublic les opérateurs économiques qui

«  ont vu le pouvoir adjudicateur résilierun marché public, le dénoncer ou s’enrétracter en raison de circonstances quileur sont imputables, dès lors que larésiliation, la dénonciation ou la rétrac-tation est intervenue dans un délai detrois ans avant l’ouverture de la procé-dure et que le montant de la partie dumarché public n’ayant pas été exécutées’élève à au moins 5 % du montant totalde ce marché » 98.

Après avoir rappelé que la notion de fautegrave en matière professionnelle pouvaitêtre explicitée en droit national, dans lerespect du droit de l’Union  99, la Cour aprécisé qu’elle couvrait « tout comporte-ment fautif qui a une incidence sur la cré-dibilité professionnelle de l’opérateur encause et non pas seulement les violationsdes normes de déontologie au sens strictde la profession à laquelle appartient cetopérateur, qui seraient constatées parl’organe de discipline prévu dans le cadrede cette profession ou par une décisionjuridictionnelle ayant autorité de chosejugée  »  100. Par conséquent, «  l’inobser-vation par un opérateur économique deses obligations contractuelles peut, enprincipe, être considérée comme unefaute commise en matière profession-nelle  »  101. Toutefois, la notion de «fautegrave» doit être comprise «  comme seréférant normalement à un comporte-

6. Précisions relatives à la faute grave en matière

professionnelle

(CJUE 13 décembre 2012, Forposta e.a. c/ Poczta Polska SA, C-465/11, non encorepublié au recueil ; CP-ACCP, n° 129, p.12)

Mots clés  | Passation – Exclusion – Faute grave en matière professionnelle – Systèmede qualification

(96) Directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, relative à la coordination des procé-dures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services (JOUE 2004 L 134, p. 114).

(97) Directive 2004/17/CE du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, portant coordination des procéduresde passation des marchés dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des services postaux (JOUE2004 L 134, p. 1).

(98) Pt 6 de l’arrêt C-465/11.(99) Pts 25 et 26 de l’arrêt C-465/11.(100) Pt 27 de l’arrêt C-465/11.(101) Pt 29 de l’arrêt C-465/11.

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ment de l’opérateur économique encause qui dénote une intention fautive ouune négligence d’une certaine gravité desa part. Ainsi, toute exécution incorrecte,imprécise ou défaillante d’un contrat oud’une partie de ce dernier peut éventuel-lement démontrer une compétence pro-fessionnelle limitée de l’opérateur écono-mique en cause, mais n’équivaut pasautomatiquement à une faute grave » 102.Puisque la réglementation polonaise nese limitait pas à tracer le cadre général

d’application de l’article 45, paragraphe 2,premier alinéa, sous d), de la directive2004/18/CE, mais imposait à cet égardaux pouvoirs adjudicateurs des «  condi-tions impératives et des conclusions àtirer automatiquement de certaines cir-constances, excédant ainsi la marge d’ap-préciation dont disposent les Étatsmembres » en vertu de cette dispositionde la directive, la Cour jugea que le droitpolonais ne respectait pas le droit dérivédes marchés publics 103.

Le ou les éléments du bilan choisis parun pouvoir adjudicateur pour formuler unniveau minimal de capacité économiqueet financière doivent être objectivementpropres à renseigner sur cette capacitédans le chef d’un opérateur économique.Le seuil ainsi fixé doit être adapté à l’im-portance du marché concerné en ce sensqu’il constitue objectivement un indicepositif de l’existence d’une assise écono-mique et financière suffisante pourmener à bien l’exécution de ce marché,sans toutefois aller au-delà de ce qui estraisonnablement nécessaire à cette fin.

Dans le cadre de l’attribution d’un mar-ché public portant sur la réalisation detravaux d’infrastructures de transportd’une valeur de plusieurs millions d’eu-ros, un pouvoir adjudicateur hongroisavait exigé la production d’un document

uniforme, établi selon les règles comp-tables, et avait fixé un niveau minimalconsistant dans le fait que le résultatrepris au bilan n’ait pas été négatif pourplus d’un exercice sur les trois derniersexercices clôturés. La filiale hongroised’une société allemande n’était pas enmesure de répondre à une telle exigenceéconomique, parce qu’en vertu d’uncontrat l’unissant à sa société mère, elleétait tenue de transférer ses bénéfices àcette dernière. Devant la juridiction hon-groise compétente, la filiale précitéecontestait l’exigence économiqueimposée par le pouvoir adjudicateur, l’es-timant discriminatoire et contraire àdiverses dispositions de la directive2004/18/CE.

La juridiction saisie du litige posait ensubstance à la Cour de justice la question

(102) Pt 30 de l’arrêt C-465/11.(103) Pts 32-36 de l’arrêt C-465/11.(104) Pt 25 de l’arrêt C-218/11.(105) Pts 26 et 27 de l’arrêt C-218/11.

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7. Les seuils minima relatifs à la capacité économique

(CJUE 18 octobre 2012, Észak-dunántúli Környezetvédelmi és Vízügyi Igazgatóság c/Döntobizottság, C-218/11, non encore publié au recueil ; Europe, 2012, décembre, p.25 ; CP-ACCP, 2012, n° 127, p.11 ; note W. Zimmer ; CMP, 2012, n° 12, p. 21-23, comm.330  ; R Williams, The Court of Justice Rules That, Subject to Certain Conditions, aContracting Authority May Require a Minimum Level of Economic Standing to beDemonstrated by Reference to Particular Aspects of the Bidding Company’s BalanceSheet : Case C-218/11, PPLR, 2013, NA 27)

Mots clés  | Passation – Seuils minima – Capacité économique.

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de savoir « si les articles 44, paragraphe2, et 47, paragraphe 1er, sous b), de ladirective 2004/18/CE doivent être inter-prétés en ce sens qu’un pouvoir adjudica-teur est autorisé à exiger un niveau mini-mal de capacité économique et financièrepar référence à un poste donné du bilan,et ce même si des divergences peuventexister quant à ce poste entre les législa-tions des différents États membres et, parvoie de conséquence, dans les bilans dessociétés selon la législation à laquelleelles sont soumises quant à l’établisse-ment de leurs comptes annuels » 104.

La Cour rappela à cet égard qu’en vertudes articles 44, paragraphe 2, et 47,paragraphe 1er, sous b, de la directive2004/18/CE, le pouvoir adjudicateur peutnotamment demander aux candidats etsoumissionnaires qu’ils justifient de leurcapacité économique et financière par laprésentation de leur bilan. Elle jugeacependant qu’ «  un niveau minimal decapacité économique et financière nepourrait pas être formulé par référenceau bilan en général  » mais uniquement«  par référence à un ou plusieurs élé-ments particuliers du bilan »  105 dont lechoix par les pouvoirs adjudicateursreste très largement discrétionnaire  106,

sans être illimité puisque le niveau mini-mal de capacité doit être lié et propor-tionné à l’objet. Par conséquent, «  le oules éléments du bilan choisis par un pou-voir adjudicateur pour formuler unniveau minimal de capacité économiqueet financière doivent être objectivementpropres à renseigner sur cette capacitédans le chef d’un opérateur économique.En outre, le seuil ainsi fixé doit êtreadapté à l’importance du marchéconcerné en ce sens qu’il constitueobjectivement un indice positif de l’exis-tence d’une assise économique et finan-cière suffisante pour mener à bien l’exé-cution de ce marché, sans toutefois allerau-delà de ce qui est raisonnablementnécessaire à cette fin » 107.

Faute d’harmonisation complète enmatière de comptes annuels, exiger unniveau minimal de capacité économiqueet financière par référence à un élémentparticulier du bilan peut – comme enl’espèce – mettre en lumière des diver-gences entre droits nationaux. La Couren déduisit qu’«  une telle exigence nepeut pas être considérée, en soi, commeconstitutive d’une discrimination  »etqu’elle ne peut donc être écartée du seulfait de ces divergences 108.

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(106) Pt 28 de l’arrêt C-218/11.(107) Pt 29 de l’arrêt C-218/11.(108) Pts 30 et 31 de l’arrêt C-218/11. La Cour de Justice observa encore qu’en l’espèce, la divergence constatée ne

découlait pas d’une différence de conception entre les droits nationaux concernés, mais de ce que, « au contrairede la loi hongroise, la loi allemande ne limite pas la possibilité, pour une société mère, de décider que les béné-fices de sa filiale lui seront transférés, même si ce transfert a pour effet de rendre négatif le résultat selon lebilan de cette filiale » (pts 30 et 31). Elle souligna que, dans un tel cas, il suffisait que la filiale hongroise fassevaloir la capacité économique et financière de sa société mère par la production de l’engagement de celle-ci demettre les moyens nécessaires à sa disposition, conformément à l’art. 47, § 2, de la directive 2004/18/CE (pt 38) .En l’espèce, la divergence entre les législations nationales était dès lors sans incidence.

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Le cahier des charges qui exige que lesproduits à livrer dans le cadre d’un mar-ché public de fournitures soient munisd’un éco-label déterminé («  Max Have-laar » ou « EKO ») mais n’utilise pas despécifications détaillées, est contraire àl’article 23, paragraphe 6, de la Directive2004/18/CE.

Le cahier des charges qui prévoit que lesproduits à livrer dans le cadre d’un mar-ché public de fournitures munis d’unéco-label déterminé («  Max Havelaar  »ou « EKO ») donneront lieu à l’octroi d’uncertain nombre de points dans le cadredu choix de l’offre économiquementavantageuse, sans avoir énuméré lescritères sous-jacents à ces labels niautorisé que la preuve qu’un produitsatisfaisait à ces critères sous-jacentssoit apportée par tout moyen approprié,est contraire à l’article 53, paragraphe1er, a) de la directive 2004/18/CE.

Le cahier des charges qui établit, au titredu niveau minimal de capacité technique,la condition selon laquelle les soumission-naires respectent « les critères de durabi-lité des achats et de responsabilité socialedes entreprises  », et indiquent commentils respectent ces critères et «  contri-

bue[nt] à rendre le marché du café plusdurable et à rendre la production de caféécologiquement, socialement et économi-quement responsable », est contraire auxarticles 44, paragraphe 2, et 48 de la direc-tive 2004/18/CE. Il est également contraireà l’obligation de transparence prévue àl’article 2 de cette même directive.

Dans cette affaire, la Cour de justice etl’Avocat général Kokott abordent avecune remarquable clarté et un sens aigude la pédagogie, la question de « l’achatdurable et socialement responsable  »dans le cadre du droit européen desmarchés et contrats publics, sujet délicaten ces temps de crises économique etpolitique, susceptible de diviser les insti-tutions européennes et les diverses sen-sibilités politiques au sein des Étatsmembres.

Si la prise en considération de l’environ-nement dans le cadre de l’attribution desmarchés publics a fini par faire l’objet d’unconsensus, de manière éclatante dansl’arrêt Concordia 109, la prise en considé-ration du développement durable et detout élément comportant une composantesociale reste plus délicat à admettre pourles instances européennes 110. Mme Kokott

(109) CJUE 17 sept. 2002, Concordia bus Finlandia Oy, C-513/99, Rec., p. I-07213; CMP, 2002, comm. 225 F. Llorens.(110) Les positions de la Commission ont été exprimées dans plusieurs communications interprétatives, not. : Commu-

nication interprétative de la Commission sur le droit communautaire applicable aux marchés publics et les possi-bilités d’intégrer des considérations environnementales dans lesdits marchés, Bruxelles, 4 juill. 2001, COM (2001)274 final  ; Communication interprétative de la Commission sur le droit communautaire applicable aux marchéspublics et les possibilités d’intégrer des aspects sociaux dans lesdits marchés, Bruxelles, 15 oct. 2001, COM (2001),566 final ; Communication de la Commission relative à des marchés publics pour un environnement meilleur, 16juill. 2008, COM (2008) 400 final.

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8. La commande du café « Max Havelaar » ou « EKO »

(CJUE 10 mai 2012, Commission c/ Pays-Bas, C-368/10, non encore publié au recueil,avec concl. Av. gén. J. Kokott ; Europe, 2012 ; ACCP, 2012, n° 122, p. 11-12 ; W. Zim-mer, CMP, 2012, n° 7, p. 11- 12, comm. 209 ; Dr. T. Kotsonis, Commission v Nether-lands (C-368/10)  : environmental and fair trade consideration in the context of acontract award procedure, PPLR, 2012, NA 234  ; A. Jaume, Arrêt Max Havelaar : laprise en compte de considérations sociales et environnementales dans les marchéspublics, JDE 2012. 247.

Mots clés  | Attribution – Spécifications techniques – Capacité économique et profes-sionnelle – Critères d’attribution – Responsabilité sociale des entreprises.

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résume parfaitement l’enjeu du débatlorsqu’elle indique que la question « placela Cour devant la difficile tâche de devoirtrouver un juste équilibre entre les exi-gences du marché intérieur et des préoc-cupations environnementales et sociales,sans, cependant, négliger les exigencespratiques des procédures de passationdes marchés publics. D’une part, il fautprévenir toute discrimination des soumis-sionnaires potentiels et tout cloisonne-ment des marchés. D’autre part, les pou-voirs adjudicateurs doivent être en mesurede se procurer des produits respectueuxde l’environnement, biologiques et issusdu commerce équitable sans que lacharge administrative ne devienne exces-sive » 111.

Les faits ayant conduit au prononcé del’arrêt commenté étaient les suivants.Dans le cadre d’un appel d’offres en vuede la passation d’un marché public por-tant sur la fourniture et la gestion demachines à café, une collectivité territo-riale néerlandaise s’était référée auxlabels « Max Havelaar » et « EKO », vou-lant choisir un adjudicataire qui lui four-nisse du café ou du thé produits demanière écologiquement, économique-ment et socialement responsable.

Sur un plan théorique, quatre voies sontenvisageables pour promouvoir cetobjectif. Le pouvoir adjudicateur peut uti-liser soit les spécifications techniques,soit les critères de capacités des entre-prises, soit les critères d’attribution, soitdes conditions d’exécution du marché.Sans condamner aucune de ces voies, laCour va rappeler la manière dont l’objec-tif peut être poursuivi dans le respect desprincipes d’égalité et de transparence.

Il importe encore de préciser que le« label “Max Havelaar” est, depuis 1988,octroyé par une fondation de droit civilnéerlandais, la Stichting Max Havelaar.

Les produits portant ce label ont étéachetés, à des organisations constituéesde petits producteurs de pays en voie dedéveloppement, au juste prix et dans desconditions équitables. L’octroi du labelest soumis au respect de quatre critères:un prix minimum qui couvre les coûts deproduction, une majoration par rapportau prix du marché mondial, un préfinan-cement et l’existence de relations com-merciales de longue durée entre l’impor-tateur et les producteurs. La définitiondes normes, l’audit et la certificationsont assurés par une organisation faî-tière internationale, la Fairtraide Label-ling Organisation (FLO), sise à Bonn, enAllemagne. Le label «  EKO  » est demême un label privé néerlandais. Il estoctroyé depuis 1985 par une fondation dedroit civil néerlandais, la Stichting Skal, àdes produits composés à 95%, au moins,d’ingrédients issus de l’agriculture biolo-gique. La Stichting Skal exerce son acti-vité en coordination avec le ministèrenéerlandais de l’Agriculture, du Patri-moine naturel et de la Pêche  »  112. Tant«  Max Havelaar  » qu’« EKO » ont étéenregistrés en tant que marques com-munautaires par l’Office de l’harmonisa-tion dans le marché intérieur 113.

La Cour de justice souligna que les docu-ments du marché imposaient que le caféet le thé à fournir, ainsi que tous lesingrédients, soient munis des labels EKOet Max Havelaar 114.

Première question  : l’utilisation deslabels était-elle possible sous forme despécifications techniques (ou de condi-tions d’exécution du marché) ?

Selon la Cour, il résulte du texte du pre-mier alinéa de l’article 23, paragraphe 6,de la directive 2004/18/CE que, s’agissantdes exigences relatives à des caractéris-tiques environnementales, «  celui-ciconfère aux pouvoirs adjudicateurs la

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(111) Pt 3 des concl. de l’Avocat général précédant l’arrêt C-368/10.(112) Pts 27 et 28 des concl. de l’Avocat général précédant l’arrêt C-368/10.(113) Pt 29 des conclusions de l’Avocat général précédant l’arrêt C-368/10.(114) Pt 57 de l‘arrêt C-368/10.

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faculté de recourir aux spécificationsdétaillées d’un éco-label, mais non à unéco-label en tant que tel. L’exigence deprécision inscrite à l’article 23, para-graphe 3, sous b), de la directive2004/18/CE – auquel se réfère le para-graphe 6 dudit article – et explicitée à ladernière phrase du vingt-neuvièmeconsidérant de celle-ci s’oppose à uneinterprétation extensive de ladite disposi-tion » 115. L’article 23, paragraphe 6, pré-cité autorise en outre les pouvoirs adju-dicateurs «  à indiquer que les produitsmunis d’un éco-label dont ils ont utiliséles spécifications techniques détailléessont présumées satisfaire aux spécifica-tions concernées », tout autre moyen depreuve devant être autorisé  116. Dans lecas d’espèce la collectivité territorialenéerlandaise s’était contentée, à tort,d’exiger des produits munis de l’éco-label EKO sans autre précision, violantainsi l’article 23, paragraphe 6, précité.

La référence au label « Max Havelaar »posait d’autres difficultés puisqu’il seréfère à des critères spécifiques. Ainsi,ce label exige d’une part, que le prix payécouvre tous les frais et comporte uneprime supplémentaire par rapport auxcours du marché, d’autre part, le préfi-nancement de la production et enfin, quel’importateur entretienne des relationscommerciales de longue durée avec lesproducteurs. La Cour de justiceconsidéra que ces critères ne peuventvaloir à titre de spécifications techniques,puisqu’ils ne concernent pas les caracté-ristiques des produits eux-mêmes. Elleajouta cependant que ces critères pour-raient néanmoins relever des conditionsd’exécution du marché 117.

Deuxième question  : les labels pou-vaient-ils être utilisés comme critèresd’attribution ?

La Commission soutenait, en substance,qu’un tel critère d’attribution contreve-nait doublement à l’article 53 de la direc-tive 2004/18/CE  : «  D’une part, il neserait pas lié à l’objet du marché, dans lamesure où les critères sous-jacents auxlabels EKO et Max Havelaar concerne-raient non pas les produits à fournir eux-mêmes, mais la politique générale dessoumissionnaires, singulièrement dansle cas du label Max Havelaar. D’autrepart, ledit critère d’attribution ne seraitpas compatible avec les exigences enmatière d’égalité d’accès, de non-discri-mination et de transparence, ayantnotamment eu pour effet de défavoriserles soumissionnaires potentiels nonnéerlandais ou qui ne disposaient pasdes labels EKO et/ou Max Havelaar pourleurs produits » 118.

La Cour estima qu’il y a lieu d’admettreque les pouvoirs adjudicateurs sontautorisés à choisir des critères d’attri-bution fondés sur des considérationsd’ordre social, lesquelles peuventconcerner les utilisateurs ou les bénéfi-ciaires des travaux, des fournitures oudes services faisant l’objet du marché,mais également d’autres personnes,compte-tenu des termes de l’article 53de la directive 2004/18/CE, pour autantqu’ils soit liés à l’objet du marché 119 demanière suffisante  120. La Cour jugeaque les critères sous-jacents aux labelsEKO et Max Havelaar «  caractérisentdes produits issus, respectivement, del’agriculture biologique et du commerceéquitable. Quant au mode de productionbiologique tel qu’encadré par la régle-mentation de l’Union, à savoir, à l’é-poque pertinente en l’espèce, le règle-ment n°  2092/91, les deuxième etneuvième considérants de celui-ci indi-quent que ce mode de production favo-rise la protection de l’environnement,

(115) Pt 63 de l’arrêt C-368/10.(116) Pts 64-65 de l’arrêt C-368/10.(117) Pts 74-75 de l’arrêt C-368/10.(118) Pt 82 de l’arrêt C-368/10.(119) Pts 84 à 86 de l’arrêt C-368/10.(120) Pt 89 de l’arrêt C-368/10.

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notamment parce qu’il implique desrestrictions importantes en ce quiconcerne l’utilisation de fertilisants oude pesticides. Quant au commerce équi-table, que les critères imposés par lafondation qui octroie le label Max Have-laar visent à favoriser les petits produc-teurs des pays en développement enentretenant avec eux des relations com-merciales qui tiennent compte desbesoins réels de ces producteurs, et nonsimplement des lois du marché. Ildécoule de ces indications que le critèred’attribution litigieux concernait descaractéristiques environnementales etsociales entrant dans le cadre de l’ar-ticle 53, paragraphe 1er, sous a), de ladirective 2004/18 » 121.

S’appuyant sur les conclusions de sonAvocat général 122, la Cour estima qu’« iln’est pas requis qu’un critère d’attribu-tion porte sur une caractéristiqueintrinsèque d’un produit, c’est-à-dire unélément qui s’incorpore matériellementdans celui-ci. C’est ainsi que la Cour ajugé, au point 34 de l’arrêt EVN et Wiens-trom 123, que la réglementation de l’Unionen matière de marchés publics ne s’op-pose pas à ce que, dans le cadre d’unmarché de fourniture d’électricité, lepouvoir adjudicateur retienne un critèred’attribution consistant dans le fait quel’électricité soit produite à partir desources d’énergie renouvelables. Rien nes’oppose dès lors, en principe, à ce qu’untel critère vise le fait qu’un produit soitissu du commerce équitable » 124.

Cependant, la Cour condamna à nouveaule manque de transparence de laméthode choisie par le pouvoir adjudica-teur néerlandais, au motif que celui-cin’avait pas pris soin d’énoncer lescritères sous-jacents aux labels EKO etMax Havelaar ni autorisé que la preuvequ’un produit satisfaisant à ces critères

sous-jacents soit apportée par toutmoyen approprié 125.

Troisième question  : l’exigence relativeau respect des critères de «  durabilitédes achats  » et de «  responsabilitésociale des entreprises  » peut-elleprendre la forme d’un niveau minimal decapacité économique et professionnelle ?

La Cour estima que les critères de dura-bilité des achats et de responsabilitésociale des entreprises ne figurent pasdans les paragraphes 1er et 6 de l’article48 de la Directive 2004/18/CE, quiénumère de manière exhaustive les élé-ments sur la base desquels le pouvoiradjudicateur peut évaluer et vérifier lescapacités techniques et professionnellesdes soumissionnaires. En particulier,« les informations demandées au titre decette exigence, à savoir l’indication de“[la manière dont le soumissionnaire]rempli[t] les critères de durabilité desachats et de responsabilité sociale desentreprises[, et] contribue à rendre lemarché du café plus durable et à rendrela production de café écologiquement,socialement et économiquement respon-sable”, ne sauraient être assimilées à“une description de l’équipement tech-nique, des mesures employées par lefournisseur pour s’assurer de la qualitéet des moyens d’étude et de recherchede son entreprise”, visée à l’article 48,paragraphe 2, sous c), de la directive2004/18. En effet, le terme “qualité”, quiest employé non seulement à cette dis-position mais également aux points b), d)et j), du même paragraphe, doit, dans lecontexte dudit article 48, s’entendre de laqualité technique des prestations ou desfournitures d’un type semblable à celuides prestations ou des fournitures quiconstituent l’objet du marché considéré,le pouvoir adjudicateur étant en droitd’exiger des soumissionnaires qu’ils l’in-

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(121) Pt 89 de l’arrêt C-368/10.(122) Pt 110 des concl. de l’Avocat général précédant l’arrêt C-368/10.(123) CJUE 4 déc. 2003, EVN et Wienstrom, C-448/01, Rec. p. I-14527,(124) Pt 89 de l’arrêt C-368/10.(125) Pt 97 de l’arrêt C-368/10.

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avril-juin 2013 - - RTDeur.C

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forment quant à la manière dont ilscontrôlent et garantissent la qualité deces prestations ou fournitures, dans lamesure prévue auxdits points » 126.

Cet arrêt, tout en condamnant in casu lamanière dont le pouvoir adjudicateur aorganisé le choix d’un adjudicataire lui

fournissant des produits «  durables  »,c’est-à-dire écologiquement, économi-quement et socialement responsables,contient cependant une clarification fon-damentale sur la façon d’y parvenir, dansle respect des contraintes du droiteuropéen des marchés et contratspublics.

Si l’article 55 de la directive 2004/18/CEexige la présence dans la législationnationale d’une disposition prévoyant quele candidat qui a proposé un prix anor-malement bas doit se voir inviter (parécrit) par le pouvoir adjudicateur à clari-fier sa proposition de prix, ni la directive2004/18/CE ni les principes d’égalité detraitement ou de transparence n’impo-sent au pouvoir adjudicateur de deman-der à l’auteur d’une offre imprécise ounon conforme au regard des spécifica-tions techniques, de clarifier son offreavant de rejeter celle-ci.

Dans quelle mesure les pouvoirs adjudi-cateurs, lorsqu’ils estiment, dans lecadre de la procédure de passation, quel’offre d’un candidat est anormalementbasse ou imprécise ou non conforme auxspécifications techniques du cahier descharges, peuvent-ils ou doivent-ilsdemander des éclaircissements au can-

didat concerné – soit en application dudroit dérivé, soit en vertu du principe d’é-galité de traitement entre soumission-naires ou de l’obligation de transpa-rence  ? Telle est, en synthèse, laquestion centrale posée à la Cour de jus-tice dans l’arrêt Slovensko, à l’occasionde l’attribution litigieuse d’un marchépublic de services de perception depéages sur les autoroutes et certainesroutes de Slovaquie.

Sans surprise compte tenu sa jurispru-dence  127 et du texte clair de l’article 55de la directive 2004/18/CE, la Cour a rap-pelé quelques principes en matière decontrôle des offres anormalementbasses. Le débat contradictoire entre unpouvoir adjudicateur qui estime qu’uneoffre est anormalement basse et le sou-missionnaire, est imposé par l’article 55.Ce débat doit être effectif et avoir lieu àun moment utile dans la procédure de

(126) Pt 107 de l’arrêt C-368/10.(127) CJUE 27 nov. 2001, Lombardini et Mantovani, C-285/99 et C-286/99, Rec. p. I-9233; CJUE 23 avr. 2009, Commission

c/ Belgique, C-292/07, Rec., p. I-00059.

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9. Les obligations du pouvoir adjudicateur confronté à

des offres anormalement basses ou imprécises

(CJUE 29 mars 2012, SAG ELV Slovensko e.a., C-599/10, non encore publié au recueil ;Europe, 2012, mai, p. 26  ; R. Noguellou, Les offres anormalement basses et nonconformes devant la Cour de Justice, RDI 2012. 284 ; W. Zimmer, CMP, 2012, n° 6, p.10-12, comm. 179  ; D. Mcgowan, An obligation to investigate abnormally low bids ?SAG ELV Slovenslo a.s (C-599/10), PPLR, 2012, NA 165 ; M. Aubert, E. Broussy et F.Donnat, Marchés publics in Chronique de jurisprudence de la CJUE, AJDA 2012. 1001)

Mots clés  | Attribution – Offres anormalement basses ou imprécises – Obligation dupouvoir adjudicateur.

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comparaison des offres. Il doit permettreau soumissionnaire de démontrer queson offre est sérieuse  128. À cette fin, lademande formulée par le pouvoir adjudi-cateur doit être claire et mettre les sou-missionnaires en mesure de justifier lecaractère sérieux de leur offre  129. Laliste des éléments à prendre en considé-ration avant d’écarter une offre appa-remment anormalement basse, quifigure à l’article 55, n’est pas exhaustivemais n’est pas non plus purement indi-cative ; elle constitue donc une limite aupouvoir d’appréciation des pouvoirs adju-dicateurs 130.

La Cour a jugé, dans l’arrêt commenté,que ni la directive 2004/18, ni le principed’égalité de traitement des soumission-naires, ni l’obligation de transparencen’imposent au pouvoir adjudicateur d’in-terroger un soumissionnaire lorsqu’ilestime que l’offre de ce dernier estimprécise ou non conforme  131. La Courjustifie ce point de vue par le principed’interdiction de toute négociation entrele pouvoir adjudicateur et les soumis-sionnaires dans le cadre d’une procédured’appel d’offres, la demande d’éclaircis-sement pouvant apparaître comme unenégociation confidentielle en violation duprincipe d’égalité de traitement  132. Ensomme, les soumissionnaires ne peuvents’en prendre qu’à eux-mêmes d’avoirremis une offre imprécise ou nonconforme.

La Cour estime cependant que le droitdérivé ne s’oppose pas « à ce que, excep-tionnellement, une offre puisse être cor-rigée ou complétée notamment parcequ’elle nécessiterait à l’évidence unesimple clarification, ou pour mettre fin à

des erreurs matérielles manifestes,pourvu que cette modification n’abou-tisse pas à proposer en réalité une nou-velle offre » 133. Ce pouvoir discrétionnairedu pouvoir adjudicateur doit s’exercer demanière égale et loyale à l’égard de tousles soumissionnaires  134. A cette fin, unedemande doit être adressée à tous lessoumissionnaires se trouvant dans lamême situation et doit porter sur tous lespoints imprécis ou non conformes, sansque le pouvoir adjudicateur puisse alorsécarter l’offre pour un manque de clartéqui n’a pas fait l’objet de la demande 135.

La solution retenue par la Cour doit êtresaluée en ce qui concerne le contrôled’une offre imprécise ou non conformedans la mesure où toute autre solutiondéduite du principe d’égalité de traite-ment et en opposition au texte clair de ladirective, aurait conduit à une trèsgrande insécurité juridique.

La solution retenue par la Cour en ce quiconcerne le contrôle des offres anorma-lement basses reste classique et s’inscritdans le prolongement d’arrêts anté-rieurs. Toutefois, le juge du litige au prin-cipal ne nous paraît pas avoir entière-ment compris les problèmes soulevéspar la législation nationale, ce qui aempêché la Cour de se saisir de l’en-semble de la question. En effet, à l’instarde la réglementation belge, la législationslovaque évoquait le contrôle de prixanormalement bas alors que la Directive2004/18/CE évoque le contrôle d’uneoffre anormalement basse. Or le contrôled’un ou de plusieurs prix (démarche ana-lytique, poste par poste), n’implique pasla même démarche intellectuelle que lajustification d’une offre (démarche plus

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(128) Pt 29 de l’arrêt C-599/10, qui renvoie à CJUE 27 nov. 2001, Lombardini et Mantovani, C-285/99 et C-286/99, Rec.p. I-9233, pt 57.

(129) Pt 31 de l’arrêt C-599/10.(130) Pt 30 de l’arrêt C-599/10, qui renvoie à CJUE 23 avr. 2009, Commission c/ Belgique, C-292/07, Rec., p. I-00059, pt

159.(131) Pt 38 de l’arrêt C-599/10.(132) Pts 36-37 de l’arrêt C-599/10.(133) Pt 40 de l’arrêt C-599/10.(134) Pt 41 de l’arrêt C-599/10.(135) Pts 43-44 de l’arrêt C-599/10.

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synthétique, l’équilibre global pouvantégalement résulter de la compensationinterne de certains prix). Si l’on com-prend bien l’intérêt pour un pouvoir adju-dicateur de s’assurer que l’offre tellequ’elle est remise doit permettre l’exé-cution du marché avec le niveau de qua-lité requis par le cahier spécial descharges et si l’on comprend tout aussibien le souci des entreprises de com-battre une concurrence «  déloyale  » decertains de leurs concurrents, toute idéepoussée au bout de sa logique présentesouvent des effets pervers inattendus. Àcet égard, puisque la notion de prix«  normal  » n’existe pas en économie, il

importe de rester raisonnable dans l’ap-préciation des justifications remises pourle prix de certains postes d’une soumis-sion, lorsque l’équilibre global de celle-cireste dans une marge acceptable parrapport aux offres des autres concur-rents. Le caractère acceptable de cetécart peut être apprécié par rapport à lamoyenne des offres (en écartant la plusélevée, pour combattre le procédéconsistant à remettre une offre dans leseul but de tirer la moyenne à la hausse),mais également par rapport à l’offreclassée en seconde position, ainsi quepar rapport à l’estimation initiale des tra-vaux par l’auteur de projet.

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