Article 31 - 2e Trimestre 1990 (Extrait) - Albertini

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Un article sur Georges Albertini.

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  • LA "MAISON ALBERTINI"

    D'UNE COLLABORATION A L'AUTRE

    Surveiller les organisations syndicales, en ficher les militants, aviver sans relche l'anticommu-nisme, former les cadres de direction au dialo-

    gue social, susciter des syndicats-maison, aider le patronat appuyer des partis politiques, en-tretenir des relations avec la CIA et l'extrme-droite, le tout au nom de la libert du mouve-

    ment syndical, telle aura t la tche de la mai-son Albertini de 1948 ces dernires annes.

    FRANOIS MOREAU

    e 27 novembre 1985, sous le titre 'Les fonds secrets de Reagan en France, Libration publiait des documents

    amricains prouvant l'aide finan-cire apporte par les services gouvernementaux, sous couvert de soutien secret au syndicalisme libre, six institutions franai-

    ses: la confdration Force Ou-vrire, l'UNI, lie au SAC, une association vietnamienne anti-communiste, Que Me, et l'Insti-tut d'Histoire Sociale (IHS), fa-ade de la maison Albertini: 25 000 dollars, soit 200 000 F, cette anne-l, consacrer de la part de l'oncle Sam aux droits des travailleurs dans les socits to-

    L'EXTREME DROITE AU TRAVAIL, 77 N7, DEUXIEME TRIMESTRE 1990

  • EN TRAVAINART EX AUE Ni rihteowirtateie

    1 C'est alors, de 1936 1939, gu'Albertini travaille avec d'anciens communistes rallis la SFIO par antistalinisme aprs s'tre rassembls autour de Souvarine; parmi eux, Paul Rassinier, le futur ,pitphte des ngatbrntes Faurisson et Roques, alors trs influent dans l'Est de la France, et Maurice Paz, l'avocat d'Abonni la Libration. Rassinier, naviguant aprs-guerre de la SFIO la Fdration Anarchiste qui tint par le rejeter, dut peut-tre Aberlini de se voir ouvrir les colonnes de Rivarol

    talitaires. Une misre par rap-port FO (850 000 dollars en 1984-85) et l'UNI (575 000 pour la mme priode). 80 000 dollars, il est vrai, venaient soutenir en outre l'Institut Sino-Sovitique et le Comit franais pour l'Associa-tion Internationale des Droits de l'Homme, officines nouvellement cres, peut-tre grce cette aide, et troitement lies l'IHS. Mais, dans l'esclandre qui suivit ces rvlations, l'IHS parvint se faire oublier, en arguant de son indpendance, de son dsintres-sement et de ses faibles ressour-ces. Pour les lections de 1981, l'IHS avait cependant rgl cinq factures de cration et d'dition de brochures lectorales en fa-veur de la droite, pour un mon-tant total de 1 119 600 F (le Canard EnchairTh, 4/12/1985). Mais l'IHS est d'abord une cole de discr-tion...

    Du no-socialisme la vieille extrme-droite

    L'itinraire du jeune Albertini, fils de cheminot, n en 1911, s'le-vant grce ses mrites scolaires jusqu' Normale Sup', o il d-couvre l'engagement politique et adhre la SFIO, est celui de nombreux cadres venus au so-cialisme dans les annes 30. Ils apportaient leur jeunesse, mais voulaient aussi qu'on rajeunisse la doctrine. Souvent fils du peu-ple et non de bourgeois, ne de-vant leur ascension sociale qu'au travail intellectuel, se consid-rant comme des experts, voire comme une lite, ils avaient ap-pris tre srs d'eux : on vit rare-ment des militants se tromper plus vite sur les vnements et sur eux-mmes. Professeur d'his-toire, Georges Albertini passa en moins de 7 ans de l'adhsion au Comit de Vigilance des Intellec-

    tuels Anti-fascistes, en 1934, la mise sur pied, avec Marcel Dat, venu comme lui de la SFIO, du deuxime parti fasciste de France, en 1941...

    Entretemps, l'un et l'autre al-lrent du ct du no-socialisme. Ses principes n'avaient de nou-veau que leur raideur: pacifisme aveugle, parce que, le socialisme avait t impuissant empcher la boucherie de 14-18; anticom-munisme intransigeant, depuis la rupture du congrs de Tours, en 1920, aliment ensuite par tout ce qu'on apprenait du stali-nisme; antismitisme latent, mais prt se rveiller pour peu qu'on ait oubli l'Affaire Dreyfus et qu'on s'imagine, au moment de Mu-nich, que c'taient les Juifs, et non Hitler, qui constituaient la menace de guerre. Quant la doctrine positive, elle se cher-chait confusment dans les re-vues, les cnacles ou les frac-tions, autour du planisme ou de l'ide de rvolution nationale ou constructive. Pour beaucoup, il fut difficile de comprendre, ou seulement de suivre les vne-ments qui se prcipitrent alors jusqu' la dfaite.

    C'est avec ces prsupposs qu'Albertini, nagure membre de la tendance pacifiste de la SFIO, secrtaire adjoint de l'union d-partementale CGT de l'Aube dont il avait voulu faire un outil de rsistance aux communistes(1), rejoignit, comme d'autres ex-SFIO, le Rassemblement National Po-pulaire de l'ancien socialiste no Marcel Dat. Il dut autant son exprience syndicale qu' ses manoeuvres d'en devenir vite le secrtaire gnral, l'adjoint de Dat, spcialement charg de l'or-ganisation et de l'implantation populaire du mouvement. Un engagement qu'il prolongera jus-qu'au 19 aot 1944, passant dans la clandestinit. Et surtout un

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  • engagement qui lui fera mler son socialisme aux pires entrepri-ses de la collaboration: apolo-gies du nazisme, ructations antismites, appels la dlation et au meurtre(2), trafics d'argent et d'hommes avec l'occupant, ou avec Pierre Laval...Dtail signifi-catif: une de ses confrences de 1944 s'intitulait Le parti de la guerre depuis 1789, et fut dite par le RNP avec la prface d'un royaliste notoire, Dominique Sordet, par ailleurs homme des nazis l'agence de presse Inter-France: parfaite collaboration.

    Les restes de la popote Worms

    A sa sortie de prison en 1948, Albertini n'a pas encore 37 ans, mais dispose dj d'un impres-sionnant carnet d'adresses. Ami-tis discrtes mais fidles des fascistes de gauche, anciens communistes ou socialistes pas-ss sous l'Occupation au RNP ou au Parti Populaire Franais(PPF) de Jacques Doriot, comme Ro-land Guoguillot alias Gaucher (actuel directeur de National-Heb-do) et Henri Barb.

    Amitis persistantes de respon-sables syndicalistes et de cadres socialistes entrs dans la Rsis-tance, ou mme dans le mouve-ment gaulliste, comme Louis Vallon ou Robert Lacoste, mais qui continuent partager avec Albertini souvenirs de jeunesse et anticommunisme. Mais sur-tout relations tablies au temps du RNP avec la partie la plus politique du patronat vichyste, relativement pargne par l'Epu-ration, et dcide poursuivre ses oeuvres.

    Au dbut de la guerre froide, quand l'urgence du pril com-muniste aide oublier tout pas-s politique, Albertini tient sa

    BREVES

    7 juin (Prsent): Rome, hommage la mmoire

    d'Almirante, pour le second anniversaire de sa mort (...). Les messages taient nombreux, tmoignant de l'ampleur de l'estime et de l'affection voues au fondateur du MSI-DN. De J.M. Le Pen Nina Alschibaja, secrtaire gnral de l'Antibolshevik Bloc of Nations, de Dimko Stateff, prsident de la Ligue bulgare des droits de l'homme, Pedro Soares Martinez, vice-porsident de l'Acadmie des sciences du Portugal, de Maurice Bardche James Gregor, de l'Universit de Berkeley, du commandant Enrique de la Contra nicaragayenne, Julian Amery, ancien ministre de l'aviation anglaise. Prirent notamment la parole Bernard Antony, Jean Madiran et Gianfranco Fini.

    8 juin (Rivarol): "aujourd'hui le vrai peuple de France vote aussi en raction contre ces gens, Paul Amar, Jean-Franois Kahn, Anne Sinclair et Ivan Levai qui, depuis Paris, veulent dicter leur loi". Un nouveau et gravissime drapage" de cet incorrigible bouffeur de juifs de Le Pen? Vous n'y tes pas: c'est au bon Jean-Claude Gaudin que Daniel Carton a attribu cette diatribe assassine dans un article du Monde dont la section "politique"du n du 6 juin est ENTIEREMENT consacre aux "partis politiques face 1"extrme-droite".

    2 Collaboration franco-allemande, dfense de l'Empire,construction conomique, politique et spirituelle de l'Europe(...) Etat fort appuy sur un mouvement national et populaire, puissant instrument de la Rvolution nationale, l'exclusion de toute influence occulte et de caractre international(...), puration et protection de la race, rgnration physique et morale de la population(...), conomie dirige base corporative, tel tait selon Albertini lui-mme le programme du RNP (Claude Varenne=Abertini, Le destin de Marcel Dat, d. Janmaray, 1948). Il avait crit dans le National populaire(29111/ 1942):3 ne convient plus seulement de souhaiter ta victoire de l'Allemagne(...) C'est la terreur qu71 faut mettre l'ordre du jour(...) Cela veut dire qu'il faut une loi, des suspects et des excutions capitales. Le sang doit couler en France. Et en mars 1944, dans le Bulletin des cadres du RNP :.afin de permettre aux camarades qui animent le Bureau des Questions juives du RNP de poursuivre efficacement leur action, je demande aux militants de bien vouloir signaler toutes les actions juives illicites qu'ils peuvent tre amens connatre-...Pierre Assouline, qui sont empruntes ces dations soulgne l'extraordinaire clmence du tribunal d'puration l'gard d'Abertini, laissant supposer des protections aussi puissantes qu'obscures (Georges Abertini, l'minence grise de l'anticommunisme, L7listoire, n90, juin 1986).

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  • revanche: il sera l'expert franais s- anticommunisme.

    Il a rencontr en prison Hippo-lyte Worms, banquier suspect de collaboration, mais qui avait t accus sous l'Occupation, y compris par Dat, de couvrir le complot synarchique ayant amen l'amiral Darlan et ses hommes au pouvoir Vichy. Pour autant qu'on le sache aujourd'hui, la direction de la banque Worms (Jacques Barnaud, Gabriel Leroy-Ladurie) accueillait rgulirement sa table des technocrates, in-dustriels et hauts fonctionnaires: Baudoin, Detoeuf, Drieu La Ro-chelle, Lehideux, Pucheu, patron de la socit Japy appartenant Worms, Benoist-Mchin et bien d'autres... La popote Worms permettait d'changer des infor-mations, des ides, de tisser des relations et des solidarits entre techniciens, au profit de cha-cun, sinon du groupe bancaire(3). Nombre de ces technocrates ve-nus aux commandes sous l'Oc-cupation, et gnralement peu inquits la Libration, demeu-rrent des figures importantes du monde des affaires, sous la Ne Rpublique. Et des relations d'Al-bertini, bien sr.

    Avec l'argent et les moyens logistiques de Worms, dont il est dsormais le conseiller politique, et l'aide de son fidle adjoint et homme de plume au RNP Guy Lemonnier, et de quelques au-tres, Henri Barb, Lucien Laurat, etc, Albertini fonde en 1948 l'As-sociation d'Etudes et d'Informa-tions Politiques Internationales (AEIPI), ditrice d'un bulletin bi-mensuel puis mensuel, le BEIPI, que soutiendront ensuite d'au-tres fonds patronaux et les subsi-des amricains. Car paralllement au trs officiel Plan Marshall d'aide financire la reconstruc-tion de la France, circulent des fonds plus discrets, comme ceux

    qu'Irving Brown, de l'AFL-CIO et de la CIA, met la disposition des fondateurs de la CGT-Force Ou-vrire, pour la cause du syndica-lisme libre. L'AEIPI, c'est la vi-trine de la maison Albertini, qui sera toujours en qute d'une meilleure respectabilit. La cau-tion apporte par le vieux mili-tant communiste, antistalinien ensuite, et enfin anticommuniste, Boris Souvarine, rencontr en 1949 et devenu de plus en plus proche, permet Albertini d'en rnover la faade: le BEIPI devient en 1956 Est & Ouest, dont les articles sont dsormais signs et la reproduction autorise aux abonns. Le Centre d'archives et de documentation politiques et sociales install en 1951 dans les locaux de l'AEIPI peut trouver un toit plus avouable l'Institut d'Histoire Sociale et de Sovitolo-gie(4), qu'a rouvert Souvarine en 1954, avec le secours de ses amis de chez Worms. A la mort d'Alber-Uni, en 1983, L'IHS deviendra mme l'adresse unique de toutes les officines qu'il avait fondes. Mais ce nom ronflant ne dsigne d'abord que les dossiers de Sou-valine et d'Albertini: rien voir avec l'Institut International d'his-toire sociale qui conserve, Amsterdam, tant de documents sur l'histoire du mouvement ouvrier. Pourtant, aux dires des chercheurs, l'IHS dtiendrait aujourd'hui le plus riche fonds priv sur les organisations politi-ques et syndicales du mouvement ouvrier franais!

    Un collaborateur trs cout

    Albertini prodigue ses conseils bien au-del de la maison Worms. D'abord, il est devenu, d'ensei-gnant d'histoire qu'il tait, ing-nieur-conseil en lectricit et

    3 Sur ces rseaux d'amitis techniciennes, au del des vnements et des choix politiques, voir le livre trs suggestif de Grard Brun, Technocrates et technocratie en France, 1914-1945, Albatros, 1985.

    4 D'abord install boulevard Saint-Germain, l'IHS a acquis ensuite un htel particulier, avenue Poincar Paris. On vitera de confondre cette officine avec l'Institut Franais d'Histoire Sociale, caractre universitaire, qui dite entre autres Le Mouvement social.

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  • directeur d'une socit aux acti-vits identiques, la SIEL; surtout, il a vite l'oreille de ces autres conseillers chargs, au CNPF, de veiller< sur les dossiers politi-ques et sociaux, et de distribuer les fonds patronaux.

    Outre Andr Boutemy, qui ar-rose tout candidat qui lui aura paru suffisamment anticommu-niste, Albertini peut compter sur Etienne Villey, cacique du CNPF, et Maurice Coquet, ancien jour-naliste socialiste, devenu un fi-nancier apprci des milieux boursiers, et qui sera le respon-sable lgal du BEIPI, en mme temps qu'un prcieux auxiliaire la cration de FO.

    Et encore sur l'aide d'Emile Roche, ancien chef des radicaux anticommunistes, administrateur de trs nombreuses socits, qui va tre le responsable lgal du Centre d'archives d'Albertini, succder Lon Jouhaux la prsidence du Conseil Economi-que, prsider ensuite le Conseil Economique et Social, puis le Conseil conomique et social des communauts europennes... sans jamais cesser d'appuyer les organisations d'Albertini, jusqu' ses dernires annes.

    La IVe Rpublique voit l'apoge d'Albertini: journalistes, hommes politiques et militants syndicaux anticommunistes frquentent son Centre d'archives, la recherche de documents, d'argumentaires prts l'emploi ou de renseigne-ments confidentiels que les res-ponsables du Centre sont habiles distiller.

    Des Indpendants de Duchet et Pinay aux gaullistes du RPF, en passant par les radicaux-socia-listes et la CGT-FO de Lon Jou-haux, la lecture du BEIPI tient lieu de formation doctrinale, et les fiches rdiges par l'AEIPI, de dossiers de police parallle et de documents de propagande lec-

    BREVES 9 juin (Le Monde): Christophe de Peyrelongue, Giovanni

    et Philippe Casteluccio, les trois militants du mouvement Restauration nationale qui avaient particip l'agression contre la chanteuse Hlne Delavault, le 6 janvier 1989, au thtre des Bouffes du Nord, ont t condamns, jeudi 7 juin, un an de prison dont 10 mois avec sursis par la 14e chambre correctionnelle de Paris.

    11-12 juin (Prsent): le tribunal de grande instance de Paris vient de dbouter l'AGRIF des plaintes qu'elle avait dposes contre un dessin particulirement ignoble de Fluide Glacial et des propos de Jacques Lanzmann qui ne l'taient pas moins(...). Pourquoi? Parce que selon le juge Grellier"la lutte contre le racisme doit tre une intention essentielle" de l'association antiraciste pour pouvoir agir en justice(...). Il n'y a qu'un problme: la loi de 1972 ne spcifie nulle part que la lutte contre le racisme doit tre une "intention essentielle" de l'association. Il est seulement mentionn que sont habilites les associations qui se proposent "par leurs statuts" de "combattre le racisme". Ce qui est le cas de l'AGRIF(...). Bien entendu, l'AGRIF fait appel.

    13 juin (Le Figaro): Rvisionniste et fier de l'tre, l'auteur d'un article niant les camps de la mort tait jug hier Meaux. Michel Konen, candidat du FN aux dernires lections cantonales et municipales, avait publi le 29 dcembre 1989 dans Le Pays briard un libre propos intitul A propos d'Auschwitz reprenant les thses de Faurisson. Ce dernier est venu tmoigner en faveur de Konen, que dfendait Me Eric Delcroix, avocat habituel des rvisionnistes.

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    L'EXTREME DROITE AU TRAVAIL, 81

  • torale: 85 brochures dites de 1949 1959, sans parler des journaux et des tracts...

    Mais c'est au patron lui-mme, tel est dsormais son surnom, que s'adressent les vedettes poli-tiques. Albertini, avec qui tra-vaillent d'importants militants socialistes comme Robert Lacoste ou Georges Lefranc, devient ainsi le conseiller du prsident de la Rpublique, Vincent Auriol, et du secrtaire gnral de la SFIO, Guy Mollet. Mais aussi d'Edgar Faure, de Georges Bidault, Ren Mayer, Ren Coty, et de trs nombreux dirigeants de tous les partis, non communistes bien sr, qu'obs-dent la subversion intrieure et le pril rouge international.

    La collaboration d'Albertini ne se limite pas aux conseils, aux renseignements ou aux prdic-tions. Par son intermdiaire, di-verses entreprises peu avouables sont alors montes: en 1952, aprs les manifestations protestant contre la venue du gnral Ridg-way Paris, l'arrestation cons-cutive de Jacques Duclos et la saisie dans sa voiture de docu-ments concernant le Bureau po-litique du PCF, Albertini travaille un procs qui incriminerait tous les dputs communistes, mais le Parlement ne le suit pas. En 1953, Albertini suggre d'carter du concours de l'ENA dix candi-dats suspects de communisme, mais le projet s'bruite et fait scandale.

    Avec Jean Baylot, prfet de po-lice de Paris de 1951 1954, et animateur d'un rseau de poli-ciers anticommunistes, parmi lesquels les commissaires Dides et Delarue, Albertini appuie le dveloppement de la Confdra-tion Gnrale des Syndicats In-dpendants (CGSI), cre en 1948 et dirige par l'ancien commu-niste Sulpice Dewez; et surtout, dans la CGSI, les activits du

    secrtaire du Syndicat indpen-dant des instituteurs, Constan-tin Simakis, futur dirigeant de la CFT, puis de l'actuelle uvr, qu'ap-prcient dj les gaullistes du RPF. Albertini poussera l'obligeance jusqu' fournir Simakis des locaux et des fonds, videmment patronaux, et l'aider s'tendre en Algrie, o les syndicalistes libres ont combattre la sub-version. En 1954, dans l'affaire des fuites suscite contre le gouvernement Mends-France suspect de neutralisme, on ne sait encore si Albertini, qui s'est flatt d'avoir dsamorc le scan-dale, n'avait pas pris quelque part l'amorcer. Mais on apprit trs vite l'implication des rseaux de Jean Baylot et de Jean Dides, et la bienveillance qu'ils rencontr-rent auprs d'un Georges Bidault et d'un Guy Mollet, tous deux adversaires de Mends, et con-seills tous deux par le mme patron...

    Des sociaux-dmocrates d'extrme-droite

    Albertini compte donc beaucoup d'amis dans la gauche non-com-muniste, mais il va en avoir de plus en plus droite et l'ex-trme-droite: une dcennie aprs la Libration, la meilleure cou-verture pour la propagande no-vichyste est bien l'anticommu-nisme, surtout s'il se prtend de gauche.

    C'est ainsi que Jean Arfel, jour-naliste maurrassien, auteur, sous l'Occupation, d'articles violem-ment antismites dans l'Action franaise, et pilier d'Ecrits de Pa-ris et de Rivarol (groupe Mallia-vin) sous le nom de Jean-Louis Lagor, devient collaborateur r-gulier d'Est&Ouest au moment o il lance la revue intgriste Itinraires, sous le nom de Jean

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  • Madiran(5). Albertini n'a en fait jamais rompu avec ses amis de la Collaboration; l'adresse officielle de l'AEIPI, dclare en 1949 par B. de Brdevent, Masson, et l'co-nomiste F. Legueu, prte-noms d'Albertini, n'est autre que l'adresse du groupe de presse des poux Malliavin, un immeuble de la rue Saint-Honor obligeamment prt par un industriel ami ces militants d'extrme-droite. Mais la fin de la IVe Rpublique rend ces relations plus avouables.

    A la fin des annes 50, la faveur de la guerre d'Algrie et des contradictions de la gauche de l'poque, on verra donc des rdacteurs d'Est&Ouest crire pour Ecrits de Paris, Rivarol ou Itinraires, et inversement, comme Arfel-Lagor-Madiran, Henri Bar-b ou Guy Lemonnier, alias Claude Harmel. Pourquoi pas, puisqu'on voit des cadres de la SFIO s'enga-ger dans le camp de l'"Algrie franaise"?

    C'est aussi ce que fait Albertini, conseiller de Lacoste, Mollet et Bidault; il les encourage tenir bon et couvrir, le cas chant, les dbordements de la sale guerre, tandis que les services d'action psychologique de l'arme vulgarisent Est&Ouest l'usage des officiers. On assiste alors au rapprochement de ces anticom-munistes de gauche avec les catholiques contre-rvolutionnai-res de la Cit catholique et du CESPS(6), engags dans le mme camp, et qui reoivent mme des convertis clbres, tel Henri Bar-b, ancien dirigeant du PCF puis du PPF de Doriot, ou Georges Dumoulin, ancien dirigeant de la CGT.

    Albertini lui-mme, qui entre-tient des relations avec les servi-ces secrets du Vatican depuis la fin de la guerre, commence prendre le chemin de l'Eglise. Son ancien chef, Marcel Dat, n'a-t-il

    BREVES 14 juin (National Hebdo): Nous avons proposer un plan de sauvetage du RPR... Ses lecteurs habituels sont gnralement de bien braves gens, souvent patriotes, et ayant eu pour seul tort de se laisser abuser par des mythes... Il faut, s'il veut s'en tirer, que le RPR limine tous ses dirigeants actuels... La survie du RPR, c'est maintenant vident, ne peut passer, sous une forme ou sous une autre, qu'avec le Front national.

    15 juin (Rivarol): Plerins de pentecte: gauche, dpart de Notre-Dame pour Chrtient-Solidarit. A droite, arrive au Sacr-Coeur pour Renaissance catholique (...). Un seul regret l'issue de ces splendides journes: qu'il y ait eu deux plerinages et surtout simultanment, alors qu'il et t si simple d'organiser l'un des deux pour l'Ascension, ce qui et vit ' beaucoup de plerins, pris entre deux fidlits, d'tre dchirs.

    15 juin (Le Figaro, Le Monde): Quand Me Collard se fait l'avocat du diable: en prenant la dfense du professeur rvisionniste lyonnais Bernard Notin, l'avocat marseillais s'est attir les foudres du MRAP dont il est secrtaire national. Me Collard, qui dfendra le matre de confrences devant le conseil de discipline de l'Universit Lyon III, a annonc son intention de dmissionner du MRAP: "les ides de Notin, je les vomis. Mais je dfends avant tout la libert d"expression".

    5 Jean Madiran est aujourd'hui, entre autres, le directeur du quotidien frontiste Prsent.

    6 Voir dans Les Thocratesii, Cahiers d'ARTICLE 31 n1, 1990, l'article consacr au Bicentenaire de la Contre-Rvolution.

    N'2, DEUXIEME TRIMESTRE 1990

    L'EXTREME DROITE AU TRAVAIL 83

  • pas trouv, avec sa femme H-lne, la foi en mme temps qu'un refuge, en 1945, dans un couvent italien?

    La dfaite des partisans de 1-Algrie franaise", parmi lesquels Albertini, les carte des alles du pouvoir qu'occupent les cadres gaullistes.

    En matire d'anticommunisme et de syndicalisme libre, les anciens du RPF ont leurs propres rseaux de renseignement, de propagande et d'action, et parti-culirement les gros bras des Equipes Ouvrires, rompus au service d'ordre, aux actions anti-grves, aux oprations paramili-taires ou clandestines. Albertini n'est pas tranger aux coups de force successifs des gaullistes sur la CGSI aboutissant la cration de la CFT(7), mais il n'est plus l'minence grise des gouver-nants.

    En revanche, l'extrme-droite trouve un nouveau ciment dans l'antigaullisme, et dans la propa-gande pro-amricaine, o Alber-tini, avec la caution de Bidault, peut encore jouer au patron.

    En dcembre 1960, il participe la Confrence Internationale sur la guerre politique des So-viets organise Paris par la Ligue Anticommuniste Mondiale (WACL), dont la section franaise est anime par Suzanne Labin, ancienne de la SFIO, future apo-logiste de Pinochet. Dans cette officine qui recrute essentielle-ment l'extrme-droite, Albertini retrouve quelques connaissances du temps de la Collaboration, commence dbaucher certains de leurs disciples, no-vichystes ou no-nazis, et resserre ses liens avec divers services secrets du monde libre, ceux d'Afrique du Sud entre autres. Ce sera le deuxime souffle de la maison Albertini, que commencent alimenter parfois des commis-

    sions sur des marchs passs Taiwan(8)...

    No-vichystes et no-gaullistes

    L'arrive Matignon de Geor-ges Pompidou est une nouvelle chance pour Albertini. Les deux hommes ont des traits communs: normaliens d'origine modeste, un temps proches des Jeunesses socialistes, agrgs, passs par la banque et, pour des raisons diffrentes, sans attaches avec les cercles de la Rsistance gaulliste, mais fort lis aux milieux d'affai-res. Albertini devient le conseiller des conseillers, Pierre Juillet et Marie-France Garaud, et de Pompidou lui-mme, qui il four-nit des services de renseignements parallles. Il appuiera de son organisation et de ses relations l'hritier dcid supplanter le Gnral. Une nouvelle officine, regroupant militants d'extrme-droite pro-atlantistes, membres de la Cit catholique et repr-sentants du patronat, l'Associa-tion pour la Libert Economique et le Progrs Social (ALEPS), voit le jour en 1967 sous l'gide et l'adresse mme de l'IHS d'Alberti-ni(9). Aprs le syndicalisme li-bre, c'est le libralisme qui va servir de couverture ces rseaux, de plus en plus lis l'extrme-droite.

    L'enlisement amricain au Viet-nam, les vnements de mai 1968 et le vacillement passager du pouvoir en France tirent l'extrme-droite de son relatif isolement. En dpit (ou cause) de leurs violen-ces, les militants d'Occident, puis d'Ordre Nouveau se voient solli-cits de prter main-forte au pouvoir, au travers d'officines discrtes qui leur sont largement ouvertes. Il en est de plus ou moins honorables, et, pour un

    7 En 1957, Simakis, exclu aprs ses tentatives de noyautage au profit d'Abertini et desgaullistes, fonde la CFSI, surtout forte chez Rhne-Poulenc et Renault. En 1959, Raymond Jacquet et d'autres gaullistes, implants chez Simca, suscitent une scission de la CGSI, rcemment dclare reprsentative. A la fin de 1959, Simakis et Jacquet annoncent la cration de la Confdration Franaise du Travail (CFT).

    8 AndrCampana, L'Argent secret, le financement des partis politiques, 1976, qui ajoute joliment: fi y a peut-tre l une trace de l'activit de la CIA en France!

    9 Dirige aujourd'hui par Jacques Garello et quelques autres uniwrskaires d'Aix-Marseille Ill, l'ALEPS organise des universits d't, des colloques, et entretient des relations rgulires avec des officines quivalentes aux Etats-Unis (dont la Fondation Heritage) et en France (Club de l'Horloge). Elle est intervenue pour faire entendre le programme des milieux d'affaires lors des lections prsidentielles de 1988. L'adresse parisienne de l'ALEPS lui fait utiliser aujourd'hui la mme entre et le mme escalier qu'une autre officine notoirement lie au CNPF, l'Institut Economique de Paris, dirig entre autres par Henri lipae, et intelledueliamert proche du Club dell'Horloge (Voir ARTICLE 31, n'28, mai 1987). D'o cette question: amis des mmes patrons, les gens de l'ALEPS et ceux de l'IEP se parlent-ils dans l'escalier?

    84 , LES CAHIERS D'ARTICLE 31 N'2, DEUXIEME TRIMESTRE 1997

  • militant d'extrme-droite se con-vertissant la politique lgaliste, le SAC ou la CFT ne valent pas l'ALEPS ou l'IHS, qu'on a pu sur-nommer les machines laver des no-gaullistes venus de l'ex-trme-droite(10). En outre, dans la guerre des chefs qui agite alors l'extrme-droite et surtout le conglomrat Ordre Nouveau, Albertini n'est pas fch de dis-penser aux uns des aides contre les autres, et d'ajouter un motif de division, ou de ralliement sa maison. Parmi les recrues les plus clbres, Alain Madelin, Cathe-rine Barnay, Jean-Marc Mathieu, Jack Marchai, Grard Penchio-lelli, Alain Renault, tous anciens d'Occident, que rejoindront Yves van Ghele et d'autres transfuges d'Ordre Nouveau.

    Il ne s'agit cependant que de menu fretin ct du poulain que va choyer Albertini au dbut des annes 70, de concert avec l'quipe Garaud-Juillet. Jacques Chirac est le nouveau protg d'Albertini, qui contribue l'ins-taller politiquement en Corrze auprs de l'lectorat de son vieil ami socialiste Charles Spinasse, ministre de Blum ralli Ptain. Il lui a peut-tre aussi facilit sa tche de trsorier pour la campa-gne prsidentielle de G. Pompi-dou, en 1969. Tous vont travailler carter les archo-gaullistes qu'incarne Jacques Chaban-Del-mas, au profit circonstanciel de Valry Giscard d'Estaing, et, croient-ils, pour le triomphe final de Jacques Chirac et de ses amis. Si Albertini n'a pas de contact direct avec le candidat des Rpu-blicains Indpendants, ils ont au moins des amis communs, comme Alain Griotteray, un temps diri-geant de l'hebdomadaire Minute et signant, dans les publications de l'IHS, sous le nom d'Alain Brayance. Les lections de 1974 marquent donc le ralliement des

    BREVES 16 juin (Prsent): Bruno Mgret crit: notre stratgie de comee du pouvoir passe par une bataille du vocabulaire qu'il s'agit pour nous de livrer avec en tte cet exemple: la gauche est arrive au pouvoir en 1981 parce qu'elle tenait l'espace culturel, elle s'y est maintenue parce qu'elle a colonis la mentalit collective. Le FN a donc depuis quelques mois organis la contre-attaque culturelle: la bataille du vocabulaire qui commence marquera cette dcennie(...). Lorsqu'ils parlent d'Identit" , de " libanisation", de 'classe politico-mdiatique", lorsqu'ils utilisent les termes d'"tablissement', decosmopolitisme", de "peuple", et de "totalitarisme larv", hommes de la rue, journalistes et politiciens entrent dans notre champ lexical.

    22 juin (L'Express): Le Front ratisse: dans bien des sortes, il grignote sur l'lectorat UDF et RPR. . Le constat ironique et gourmand de J.M. Le Pen vaut encore plus pour les lecteurs. Certes, Pierre Via!, son candidat Villeurbanne (Rhne) n'a pas - contrairement Marie-France Stirbois, Dreux- russi forcer la victoire, n'ayant recueilli, le 17 juin, que 37% des suffrages. Mais, lors d'un premier tour marqu par une abstention massive, le 10 juin, il avait gagn plus de 9% par rapport aux cantonales de mars 1985 et trs nettement distanc le candidat unique de l'opposition. D'ailleurs, le FN a progress dans Ides 10 cantonales partielles de ces trois derniers mois (...). La leon est encore plus nette s'agissant des municipales organises depuis le 1 er mars (...). Sans oublier les municipalits de droite o les lepnistes ont su se glisser (...).

    10 Ces filires de recyclage ont t voques anciennement par Alain Rollat, Les nouvelles filires de l'extrme-droite,., in L'extrme-droite et ses connivences, dossier de La Nouvelle Renie Socialiste, 1984. A la mme poque, cependant, certains milieux d'extrme-droite galement issus d'Ordre Nouveau mnent une lutte anticommuniste fort peu lgaliste: il s'agit prirc'palement des wfidaristes, impliqus dans de nombreuses attaques de permanences du PCF, de locaux syndicaux, et qui revendiqurent des actions plus mdiatiques :distribution de tracts anticommunistes Moscou, campagne de harclement des locaux de l'Aerotlot Paris, etc.

    DEUXIEME TRIMESTRE 1997 L'EXTREA4E DROITE AU TRAVAIL, 85

  • LES PROMESSES CELLES flES AllfaiS

    11 Voir Andr Campana, L'Argent secret, o.c..

    12 Sur Christian de Bongain-Xavier Raufer, nos informations et tes mises au point de l'intress, voir ARTICLE 31 mensuel, n33, 34, 37 et 39, 1987-88 ; voir galement Les Dossiers du Canard, L'argent secret des lections, 1988.

    no-gaullistes la candidature Giscard, qu'appuient le patronat et les rseaux d'Albertine. La rupture de l'alliance, en 1976, sera symbolise par l'appel de Cochin que lance J. Chirac, mais qu'on dit trs largement inspir par Juillet et Albertini lui-mme.

    Pourtant, les lections de 1974 n'auront gure profit Albertini: non seulement le poulain n'au-ra pas t un bon cheval, mais la presse a publi des informations cornant l'honorabilit (toute relative) de l'IHS. La presse tait justement l'outil choisi p ar Alber-tini et le patronat pour appuyer la candidature Giscard. A ct de l'ALEPS, qui diffusera 750.000 brochures par la poste, une so-cit nouvelle de presse, cre en 1973, SERVICE, dirige par Ma-thieu, Marchai, Bamay, Renault et Penchiolelli, sous la surveillance d'Albertine et Lemonnier-Hal ciel, s'apprte fabriquer et diffuser-France-Matin (dition pirate de France-Soir), L'Omnibus, Monsieur Dupont wit rouge, et autres fer rifles violemment antisocialistes: plus de 3 millions d'exemplaires pr-vus! La justice est saisie, l'opra-tion est vente et fait apparatre la participation du patronat et principalement d'Emmanuel Lepoyvre, de l'Union des Indus-tries Mtallurgiques et Minires (UIMIVI), de Maurice Fouquet, de l'Union des Syndicats patronaux de la Rgion Parisienne, et du Groupement des Industries M-tallurgiques (GIM) de la Rgion parisienne, que prside Jean-Jacques Wilmot Roussel, de la socit d'armement Luchaire. On parle galement de la prsence occulte de la socit Michelin(11). Une autre opration, Spcial Ban-lieue, dirige par l'homme d'AI-bertini Alain Madelin, aboutit au mme fiasco: le journal, tir 300.000 exemplaires, fera l'objet d'une mesure de justice et sera

    peine diffus. Le montage est identique: on y retrouve SERVICE, le collaborateur de l'UlIVLIVI Pa-trick Legrand, ancien militant d'extrme-droite, li aux giscar-diens, et les rseaux Albertini. L'immeuble qu'habite 11HS Paris abrite galement, outre l'ALEPS, un Centre d'tudes asiatiques li aux instances patronales et dirig par Christian de Bongain, qui ralise des transactions avec Taiwan: 10 000 tonnes de papier journal, en 1973. Transaction ralise avec le concours de la socit SERVICE. Un hasard. C'est videmment un autre hasard si le mme Christian de Bongain (12) avait autrefois milit aux cts du principal dirigeant d'Occident, Philippe Asselin. S'il se trouve, en 1976, au Conseil d'Administra-tion de l'IHS. S'il est, en 1990, sous le nom de Xavier Raufer, un des auteurs et enseignants les plus avertis et les mieux cots en matire de terrorisme et de services secrets...

    En dpit de ces checs, la maison Albertini reste la plaque tournante des mercenaires de l'extrme-droite entrs au service des chiraquiens puis des giscar-diens: les uns de manire dura-ble, comme Alain Madelin, Hu-bert Bassot ou Grard Longuet, les autres provisoirement, pour reconstruire leur parti, comme Marchai et les autres dirigeants du PFN, auxquels s'est adjoint un pilier de l'IHS, Roland Gaucher, ancien du RNP et fidle d'Alberti-ni. Ces mercenaires occasionnels reprennent parfois du service, comme il arrive aux lections lgislatives de 1978. Se trouvent runis, sur les listes de l'Union des Franais de Bon Sens que mnent Grard Furnon (patron d'un tablissement de confection qui fit voter son personnel l'ex-clusion des employs adhrents de la CGT) et le sergent Dupuy de

    86 , LES CAHIERS D'ARTICLE 31 N'2, DEUXIEME TRIMESTRE 1990

  • Mry (dont Albertini a appuy les campagnes de soutien l'arme), Jacques Prvot, ancien de l'OAS, des militants d'extrme-droite ayant pris part au service d'ordre de V. Giscard d'Estaing en 1974, dont certains participrent en-suite l'enlvement du PDG de Phonogram Louis Hazan, et Geor-ges Albertini lui-mme! Et l'UFBS dispose de moyens financiers considrables. But de la manoeu-vre, laquelle participe galement le PFN: empcher les voix d'ex-trme-droite de se concentrer sur le Front National, qui a commen-c sa progression.., Oprations dment rptes ensuite, dans les annes 80, avec les mmes mthodes, sinon avec les hom-mes d'Albertini, quand Charles Pasqua suscitait les listes alter-natives de Louis Girard, ancien du PFN et de l'Oeuvre Franaise, qui en reprit mme le slogan La France aux Franais!

    Conversions et reconversions

    A la fin des annes 70, Alberti-ni, converti au catholicisme, ob-serve d'un oeil dsabus le RPR, qu'il a contribu fonder, et dont il forme les jeunes cadres, inca-pable de faire pice la monte de la gauche. Sur le terrain syndical, il attribue le mme sens l'chec de la CFT, dont Simakis a t expuls, et qu'a discrdite l'as-sassinat d'un ouvrier CGT des Verreries Mcaniques de Reims par Claude Leconte, membre de la CFT et du SAC, en 1977. Il n'y a plus qu'un seul espoir, faire appel, dans cette gauche que rien ne semble pouvoir empcher d'ac-cder au pouvoir, au sens des responsabilits et l'attache-ment aux liberts. Les dirigeants de l'IHS, sans rien cder de leur anticommunisme, rappellent

    BREVES 22 juin (Rivarol): le mensuel Rvision vientd'tre interdit la vente aux mineurs, l'exportation et l'affichage(...). La nouvelle Revue d'Histoire Rvisionniste anime par le professeur Faurisson et Henri Roques va-t-elle subir la mme perscution? Il faut croire en tout cas que la recherche historique est bien plus redoutable que la toxicomanie puisque des semaines durant le magazine Rolling Stone avait pu couvrir les murs de l'hexagone d'affichettes tombant sous le coup de la loi ("il faut lgaliser la drogue") sans encourir les foudres joxiennes.

    22 juin (Le Figaro): l'crivain Marek Halter poursuivi par l'AGR IF: au sujet de l'affaire du Carmel d'Auschwitz, il avait notamment dclar au Figaro du 30 octobre 1989, propos des Eglises de l'Est: ce sont des Eglises archaques, xnophobes, souvent racistes et antismites. La 17e chambre correctionnelle de Paris a remis son jugement au 13 juillet.

    22 juin (Le Figaro): Mgr Lefbvre poursuivi par la LICRA devait rpondre, la veille, devant la 17e chambre correctionnelle de Paris, des propos qu'il avait tenus en 1989 l'Hotel Crillon, dclarant notamment : *le mieux, pour les musulmans, serait qu'ils rentrent chez eux. Ils vont petit petit imposer leur Iodes musulmans ne peuvent pas tre catholiques. Ils ne peuvent pas tre vraiment franais".

    N2, DEUXIEME TRIMESTRE 1990 L'EXTREME DROITE AU TRAVAIL, 87

  • qu'ils furent pour la plupart so-cialistes, et qu'ils n'ont jamais cess de l'tre, quelque part, d'une certaine faon... Les liens avec les USA subsisteront, mais avec plus de discrtion. On trouvera encore au conseil d'administra-tion de l'IHS Branko Lazitch, ancien partisan du gnral Mi-hailovitch, journaliste au Figaro puis l'Express, et surtout cor-respondant en Europe du Hoover Institute de Stanford(13). Mais on va trouver davantage de syn-dicalistes libres, et de plus en plus levs dans la hirarchie, comme pour manifester que l'IHS est de plus en plus gauche... En 1976, le conseil d'administra-tion ne comptait qu'un ancien secrtaire confdral de FO, en la personne de Gabriel Ventejol, alors prsident du Conseil Economi-que et Social, sigeant sans sour-ciller aux cts du reprsentant patronal, Hubert Jam, directeur des services d'information du GIM. Ce fut ensuite un secrtaire con-fdral en poste qui vint siger l'IHS, et non des moindres: Roger Sandri, responsable du secteur ultra-sensible de l'organisation FO, qui ctoyait Jean-Jacques Guillet, ancien d'Ordre Nouveau, directeur de socit, maire-adjoint RPR de Svres, et Michel Junot, maire-adjoint RPR de Paris, dont le maire, J. Chirac, subventionne videmment de longue date l'IHS... Puis ce fut le tour du secrtaire gnral lui-mme, Andr Berge-ron, membre du conseil d'admi-nistration de l'IHS en mme temps que l'ancien d'Ordre Nouveau Yves van Ghele, ralli au RPR, chef de cabinet du maire de Noisy-le-Grand, et li, au travers d'un groupement patronal local, le GIPNEP, la socit Citroen, bailleur de fonds de l'IHS, l'anne mme o Libration publiait les documents sur le financement amricain de l'IHS, de l'UNI... et

    de FO. D'autres journaux rv-laient la part prise par l'IHS dans la campagne lectorale de Chirac et de Giscard en 1981, ainsi que le financement rgulier des r-seaux Albertini par Citroen, la SNIAS, l'UIMM, Carrefour et au-tres socits (14). En 1989, ds qu'il eut abandonn le secrtariat gnral de FO, Andr Bergeron est mme devenu, et reste encore, au grand dam de Claude Harmel, le prsident de l'IHS (15)! Aprs la mort d'Albertini en 1983, l'IHS mit rsolument en avant son prsident-fondateur Boris Sou-varine, pour insister sur sa di-mension historique, en assurant mme que l'Institut, dclar en 1954, remontait en fait 1935, du temps que cet antistalinien avait raison, et ne s'tait pas alli des Collaborateurs. La mort de Souvarine, le ler novembre 1984, accentua encore cette ten-dance, propice au ralliement d'in-tellectuels dsintresss, ou seulement pris de vrit histo-rique. Aprs Alain Besanon, communiste dfroqu et repen-tant, journaliste et universitaire de renom, l'IHS s'enrichit de Jean-Franois Revel (qui se laissa invi-ter la mme poque dans des meetings de la secte Moon, elle-mme lie la WACL et aux servi-ces amricains), du professeur de sciences politiques Jean-Claude Casanova, proche de Raymond Barre, de l'ancien secrtaire de rdaction des Temps Modernes Pierre Rigoulot, devenu biblioth-caire de l'IHS et spcialiste de l'extermination des Franais par les Sovitiques aprs 1945(16). Et de jeunes historiens, comme Christian Jelen ou Stphane Courtois, animateur de la revue Communisme...

    Lors du scandale des fonds amricains, les responsables de l'IHS disposaient donc de cau-tions universitaires et syndicales

    13 Le Hoover Instituts, qui passe pour li aux services secrets amricains, s'est surtout fait connattre en France pour sa dfense de la mmoire de Laval et de son ventuelle nfshabelkatian . Ses envoys en Europe se sont intresss de prs au procs Barbie, ainsi qu' l'instruction de l'affaire Touvier.

    14 Voir en particulier Canard Enchan, 4/12/ 1985. On suggrait aussi, sans lments dcisifs, qu'Albertini avait aid Robert Hersant constituer et grossir son groupe de presse, aux finances peu transparentes. On ne prte qu'aux riches... De mme, Lbration (3/3/1978) hait l'assassinat de Franois Duprat, dirigeant du FN, l'hypothse de rvlations qu'il aurait pu faire sur la maison d'Albertini. Douze ans plus tard, il n'y a rien de neuf sur cette affaire.

    15 Le 25 fvrier 1989, exactement Peu diffuse, la nouvelle a t releve (ironiquement?) par Prsent, dont certains rdacteurs sont des anciens d'Est&Ouest: Jean Madiran, Francis Bergeron, par exemple.

    16 Aprs s'tre intress en 1984 l'ensemble des victimes franaises du Goulag,P.Rigoulot, volution significative de ses recherches, vient de publier La Tragdie des malgr-nous (Denoel), sur le sort des prisonniers de guerre allemands d'origine alsacienne et lorraine morts dans les camps sovitiques.

    88 , LES CAHIERS D'ARTICLE 31 N2, DEUXIEME TRIMESTRE 1990

  • pour assurer, sans rire, qu'il s'agis-sait d'un lieu de recherches, indpendant grce des subven-tions d'origine diverse, et la composition pluraliste, recrutant certes des jeunes forms l'ex-trme-droite mais aussi l'ex-trme gauche (17). Pour tre complet, il aurait fallu ajouter que les rseaux Albertini s'intress-rent aussi des recrues d' ultra-gauche", autour du groupe de la Vieille Taupe. Des convertis, eux aussi! Car les habitus et les responsables de l'IHS, quant eux, n'ont pas vari: Bernard Vivier, candidat du Front Natio-nal en 1978, et membre de l'quipe du Figaro-Magazine, dirige depuis plusieurs annes les publications de l'Institut Suprieur du Travail, annexe de l'IHS; un des rdac-teurs les plus assidus d'Est&Ouest, Pierre Lorrain, tient aussi les mmes discours, et depuis une bonne dizaine d'an-nes, dans les journaux du groupe Bourgine, Valeurs Actuelles et Spectacle du Monde. L'IHS comp-te beaucoup d'autres gauchis-tes de ce calibre... Et tous recon-vertis dans cette recherche his-torique dont Albertini avait dfi-ni un des fondements, en faisant oublier son pass charg.

    L'IST, triomphe de la collaboration

    La plupart des enqutes consa-cres la Maison Albertini ont insist sur les activits anticom-munistes et philo-amricaines de ce rseau, comparable en cela aux autres organismes de propagande en faveur du monde libre mis en place en Europe du temps de la guerre froide, et qui recrutrent largement auprs de l'extrme-droite, voire des anciens collabo-rateurs ou nazis(18). S'il y a un scandale Albertini, il est moins

    BREVES

    29 juin (Prsent): Dominique Chaboche, vice-prsident du FN, secrtaire national aux fdrations, vient d'crire tous les secrtaires du Front pour les mettre en garde contre un mouvement et une publication dnomms "Nationalisme et Rpublique"(...), officine qui n'a aucun rapport ni de prs ni de loin avec le FN et J.M. Le Pen, et qui est nouveau une tentative pour dstabiliser le mouvement.

    29 juin (Rivarol): Dominique Matagrin, secrtaire gnral de l'APM, explique la participation de son organisation la premire journe commune d'action des syndicats de magistrats, le 21 juin: on a le sentiment que la base est souvent plus dure que nous, mme si l'APM a t la premire, sinon la seule, ragir l'affaire Nucci, notamment en faisant citer Nucci en correctionnelle (...). Mais on voulait que nous fassions plus, grve, mme. Il y a toujours des gens trs excits.

    30 juin (Prsent): le comit Sainte-Genevive d'Argenteuil appelle ses membres et sympathisants se joindre la 4e prise d'glise dans le Val-d'Oise, dimanche 1er juillet, pour clbrer la sainte messe en la cathdrale Saint-Maclou de Pontoise et obtenir de l'vch de Pontoise l'attribution d'une des nombreuses glises vides du Val-d'Oise la tradition catholique. Dpart des cars: 9h30, Saint-Nicolas du Chardonnet, 9h30 Salle Wagram....

    17 Pierre Rigoulot, bibliothcaire de l'IHS, Quotidien de Paris, 17/121 1985.

    18 Le prochain Cahier d'ARTICLE 31, Extrmes-droites, Est et Ouest, reviendra sur ces activits anticommunistes de la Maison Albertini.

    L'EX7REME DROITE AU TRAVAIL 89 N2, DEUXIEME TRIMESTRE 1990

  • l, que dans le rseau de sur-veillance, de manipulation et de dnigrement des organisations ouvrires mis en place par Alber-tini en mme temps que l'IHS: l'Institut Suprieur du Travail. Son nom rappelle discrtement l'Ins-titut Suprieur Ouvrier dirig par Georges Lefranc la CGT d'avant-guerre, rassemblant ces syndica-listes planistes, ou no-socia-listes, proches des technocrates, et qui s'imagineront arrivs au pouvoir .sous l'Occupation, avec des ministres comme Bichelonne ou Dat. Et de fait, Georges Le-franc, pilier de l'IHS, fut l'un des principaux responsables de l'IST, mais dans une optique assez dif-frente de celle des annes 30. A ses cts, Achille Dauphin-Meu-nier, ancien directeur de l'Ecole Suprieure d'organisation profes-sionnelle, fleuron de la politique sociale de Ptain, et membre la mme poque de la popote Worms...

    L'IST, ds ses dbuts, fut un institut de formation de cadres, syndicaux, politiques ou d'entre-prise la lutte anticommuniste. Le patronat, en offrant sa ma-trise bien-pensante des sessions de formation ruineuses, a ainsi aliment trs officiellement les caisses de l'IST, lequel a pu son tour aider quelques syndicalis-tes libres, comme Simakis, recruter ces mmes agents de matrise dans des syndicats in-dpendants comme la CGSI et la CFT surtout. Mais, si l'on songe au systme des fiches de rensei-gnement qui faisait le succs de l'AEIPI, puis de l'IHS, l'IST a pro-bablement aussi offert sa clien-tle des services moins avoua-bles. L'interpntration des syn-dicats indpendants, des milices patronales, des services d'ordre lectoraux et des polices parall-les ou mme officielles qu'a pu rvler, par exemple, l'enqute

    parlementaire sur le SAC,non sans mentionner le rle des hommes d'Albertini, suggre ce qu'a pu faire l'IST. Aprs tout, Albertini, son matre d'oeuvre, n'avait-il pas eu pour agents des commissaires et jusqu' un prfet de police?

    A s'en tenir aux activits visi-bles de l'IST, et de ses publica-tions, il s'agit bien d'observer les organisations syndicales, et sur-tout de surveiller et de contrecar-rer les activits des deux confd-rations suspectes, la CGT et la CFDT. En 1985, l'IST annonait ainsi une journe d'information, le 17 juin, intitule: O va la CFDT?, offrant le compte-rendu dtaill du 40e congrs de la CFDT (qui se sera achev deux jours plus tt, Bordeaux, le 15 juin, un expos sur les forces et les faiblesses de la Confdration, ses effectifs, son implantation, sa vie interne. Les prises de position actuelles de la CFDT(...), cons-quences sur les relations inter-syndicales (notamment avec la CGT); l'attitude des militants CFDT dans les entreprises. Le tout pour 1600 F de 1985, hors taxes... A lire la presse de l'IST, et surtout les Etudes Sociales et Syndicales, on doute fort de la srnit, dfaut de sympathie, des lecteurs et des rdacteurs l'gard de la CFDT et de la CGT, souvent asso-cies en opposition aux bons syndicats, commencer par FO. Avant Bernard Vivier, l'IST avait bnfici de la collaboration de Nicolas Tandler, militant chevron-n d'extrme-droite, pass autre-fois de Jeune Nation Occident, plus rcemment du RPR au FN (o il anime aujourd'hui la rubri-que sociale de National Hebdo) , et de l'invitable Christian de Bon-gain... des "syndicalistes de gau-che", l'vidence!

    La mme orientation transpire des publications ralises avec l'aide de 1'IST, comme la brochure

    90 , LES CAHIERS D'ARTICLE 31 N'2, DEUXIEME TRIMESTRE 1990

  • de l'UNI, Lnine l'usine, salue par les Etudes Sociales et Syndi-cales de janvier 1985 comme un excellent travail, c'est--dire comme un produit-maison. Ou comme La Maffia des syndicats de Jean Montaldo (Albin Michel), qui ne cesse de citer les Etudes Sociales et Syndicales, et de vanter le sociologue Claude Harmel et sa perspicacit coutumire. En toute objectivit. Objectifs aussi et exempts de perfidies, les volu-mes de l'encyclopdie Que sais-je des Presses Universitaires de France signs, pour Le Syndica-lisme en France et Le Syndica-lisme dans le monde, de l'ancien dirigeant de l'IST Georges Lefranc, et, pour La CGT, du bras droit d'Albertini, Claude lui- mme...

    D'un intgrisme l'autre

    L'anticommunisme fanatique explique bien des choses, et par-ticulirement cette frnsie des gens de l'IHS et de l'IST entrete-nir, contre l'ennemi commun, l'esprit de collaboration. Il ne s'agit pas seulement de la colla-boration au sens pris sous l'Oc-cupation, mais de la collabora-tion de classe, de type corpora-tiste, avec les nouveaux patrons technocrates que de nombreux no-socialistes syndicalistes ont prne ds les annes 30. Et qui a amen sous l'Occupation cer-tains d'entre eux s'engouffrer, au nom du vritable syndica-lisme, dans la Collaboration re-commande par Vichy. Puis, la Libration, qui les a mens d'au-tres formes de collaboration, tou-jours avec le patronat technicien, sans rompre avec l'extrme-droite ctoye sous l'Occupation. Le triomphe d'Albertini n'aura pas t de faire une brillante carrire d"'homme de l'ombre" avec des

    antcdents honteux, mais de faire survivre jusqu'en 1990, bien au-del du cercle restreint des visi- teurs de 17HS et de cet esprit

    de collaboration justifiant tou-tes les compromissions contre le grand Satan communiste.

    Albertini n'a jamais cess d'tre un fanatique. Il y a d'abord eu son pacifisme intgral, n du refus de la Grande Guerre, lui dissimu-lant les menaces des rgimes fascistes, le conduisant ensuite pactiser avec l'occupant nazi, puis cautionner la guerre juste sur le front de l'Est, contre l'URSS. Il a alors subordonn son intgrisme pacifiste un autre intgrisme, l'anticommunisme, dont il va devenir le grand chantre. D'abord sur un air de gopolitique nazie, et de fantasmes racistes einvasion mongole", puis au nom du monde libre, sur fond de gopolitique atlantiste. Au re-fus de la violence guerrire se superpose galement le refus de la violence sociale, le rejet des luttes de classes, dont il va jus-qu' nier l'existence, dfaut d'avoir pu nier celle des deux Guerres mondiales... Cet aveu-glement volontaire le conduit rejeter toute forme de lutte so-ciale forcment manipule par les communistes, et ne conce-voir, dans son fanatisme, qu'un socialisme de collaboration, voisin de la participation des gaullistes, et de l'intressement des patrons. Pour avoir jet le bb avec l'eau du bain, l'int-griste Albertini, qui sa conver-sion au catholicisme le plus fer-vent a procur une digne fin, aura donc russi, jusqu'en 1990, faire participer des syndicalis-tes, socialistes, qui plus est, une collaboration de classe dans le droit fil du rgime de Vichy, pour ne pas voquer les corpora-tismes fasciste et nazi...

    Pour l'instant, les hommes de

    FO CGC: la securite sociale

    LIBERONS LES SALARIES DU MONOPOLE SYNDICAL

    RI2,, DEUXIEME TRIMESTRE 1990 L'EXTREME DROITE AU TRAVAIL 91

  • gauche si nombreux l'IHS collaborent avec des militants qui sont seulement d'extrme-droite, et trs korrects... Fau-drait-il leur place des fascistes munis de gourdins et d'huile de ricin, et des nazis vocifrant la manire de Goebbels pour leur faire retrouver le sens des va-leurs? Ce qui en fait malheureu-sement douter, ce ne sont pas seulement les attitudes parall-les de leur matre tous, Georges Albertini, et de son bras droit Caude Harmel, la perspicacit coutumire, qui trouvrent du socialisme chez les nazis. A ct de ces vieilles histoires, entou-

    res d'ombre, il y a des faits r-cents, que peu de journaux sont disposs publier. Il fallait lire le Canard enchan (24/5/1989) pour apprendre le motif de la dmission de Jean-Jacques Dupeyroux, prsident du Conseil suprieur de la prud'homie: l'exi-gence des reprsentants du pa-tronat que les tudes coteuses proposes par ce prsident soient confies... l'IST. Refus du prsi-dent, qui demande un vote. Le patronat l'emporte grce l'appui de la CFTC... et de FO. Dpart du prsident, qui avait bien de quoi tre coeur de cette trop par- faite... collaboration. n

    92, LES CAHIERS D'ARTICLE 31 N7, DELIXIEME TRIMESTRE 1990