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 L ’UNIVERSITÉ ROUMAINE, UNE BULLE SPÉCULATIVE ? SES RÉFORMES, DE LA LIBÉRALISATION  AU NÉOLIBÉRALISME  * M  IHAÏ  D  INU GHEORGHIU  , M  ARIUS LAZ  Ă R  ,  ADRIAN  NETEDU  ET  Z OLTÁN  ROSTÁS Professeur à l’Université de Iași ; [email protected] Professeur à l’Université de Cluj ; mlazar59@yahoo. com Professeur à l’Université de Iași ; [email protected] Professeur à l’Université de Bucarest ; zoltan.z.rostas@gmail. com     R    e    v    u    e     d         é     t    u     d    e    s    c    o    m    p    a    r    a     t     i    v    e    s     E    s     t       O    u    e    s     t  ,     2     0     1     4  ,    v    o     l  .     4     5    n         1  ,    p    p  .     1     6     5       2     0     3 RÉSUMÉ : Cet article examine les conditions d’imposition d’une logique marchande dans l’espace universitaire roumain, où se succèdent nombre de réformes visant la libéralisation politique des institutions, leur démocratisation et leur intégration dans les structures européennes. Les changements structurels observés concernent autant les actes législatifs, les frontières mouvantes entre universités publiques et privées, les hiérarchies entre domaines d’études que les rapports entre marchés internes et externes des études supérieures. Les différentes logiques - marchande, managériale et professionnelle - à l’œuvre dans ce champ sont analysées à par- tir de témoignages des acteurs porteurs des réformes, mais aussi de ceux qui s’y opposent ou qui les subissent. Plus particulièrement, il s’agit d’examiner les contributions des sociologues, voire des social scientists à la mise en œuvre des réformes comme à l’évaluation de leurs effets. Une série de gures statistiques présentés à la n de l’article complète les données obt enues par entretiens , obser- vation et qu estionnaires . MOTS CLÉS : Réformes, enseignement supérieur, Roumanie, universités publiques et privées, marchés des ét udes, experts, expertises, isomorphisme, déresponsabilisa- tion de l’État, hiérarchies des domaines d’études et des disciplines * Nous adressons nos remerciements aux évaluateurs et aux éditrices de ce numéro  pour leurs observations e t leurs sugge stions.

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  • LUNIVERSIT ROUMAINE, UNE BULLE SPCULATIVE ? SES RFORMES, DE LA LIBRALISATION AU NOLIBRALISME *

    MIHA DINU GHEORGHIU, MARIUS LAZR, ADRIAN NETEDU ET ZOLTN ROSTS

    Professeur lUniversit de Iai ; [email protected] lUniversit de Cluj ; [email protected]

    Professeur lUniversit de Iai ; [email protected] Professeur lUniversit de Bucarest ; [email protected]

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    3RSUM: Cet article examine les conditions dimposition dune logique marchande dans lespace universitaire roumain, o se succdent nombre de rformes visant la libralisation politique des institutions, leur dmocratisation et leur intgration dans les structures europennes. Les changements structurels observs concernent autant les actes lgislatifs, les frontires mouvantes entre universits publiques et prives, les hirarchies entre domaines dtudes que les rapports entre marchs internes et externes des tudes suprieures. Les diffrentes logiques - marchande, managriale et professionnelle - luvre dans ce champ sont analyses par-tir de tmoignages des acteurs porteurs des rformes, mais aussi de ceux qui sy opposent ou qui les subissent. Plus particulirement, il sagit dexaminer les contributions des sociologues, voire des social scientists la mise en uvre des rformes comme lvaluation de leurs effets. Une srie de igures statistiques prsents la in de larticle complte les donnes obtenues par entretiens, obser-vation et questionnaires.

    MOTS CLS: Rformes, enseignement suprieur, Roumanie, universits publiques et prives, marchs des tudes, experts, expertises, isomorphisme, dresponsabilisa-tion de ltat, hirarchies des domaines dtudes et des disciplines

    * Nous adressons nos remerciements aux valuateurs et aux ditrices de ce numro

    pour leurs observations et leurs suggestions.

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    En octobre 2010, lUniversit Alexandru Ioan Cuza de Iai ftait les 150 ans de sa cration comme institution moderne, la premire du

    pays, au moment de la formation du jeune tat roumain1. Les festivits commencrent par un Te Deum la cathdrale mtropolitaine en centre-

    ville, en prsence des membres du snat de luniversit et des tudiants2.

    Aprs lofice religieux, ils traversrent la ville pied, avec les dra-peaux des facults et de lUniversit, les snateurs habills en toge. la in de cette procession inhabituelle, sur les marches de lUniversit, des acteurs ont interprt des personnages historiques le prince Cuza,

    son ministre Mihail Koglniceanu, le roi Carol et lu leurs dcrets fon-dateurs. La crmonie et la convocation de lhistoire devaient rappeler

    ainsi aux habitants de la ville limportance de linstitution quelle abrite

    et remonter le moral de ses membres dans une priode de crise.

    Si ce lien symbolique entre lUniversit et ltat sest maintenu dans la conscience collective, leurs rapports ont chang plusieurs fois dans lhistoire, et dune manire acclre pendant les dernires dcennies.

    LUniversit roumaine a d affronter plusieurs dis majeurs aprs 1989. Le premier a t celui de lapparition dun grand nombre dta-

    blissements privs, accuss davoir usurp le nom duniversit3 (ils sont

    qualiis de fabriques de diplmes ) et menaant les ressources et lintgrit des universits publiques. Le second di a t le rsultat du retrait progressif de ltat de lconomie et du dsajustement des

    1. Une acadmie princire, Academia Mihilean , avait exist entre 1835 et 1847 Iai, premire institution denseignement suprieur en langue rou-maine, transforme en 1847 en lyce de langue franaise par les autorits russes doccupation de la Moldavie de lpoque.

    2. Le snat universitaire comprend les reprsentants des enseignants et des tudi-

    ants de chaque facult, lus par leurs collgues. Il valide les rglements (labors par ses commissions), le budget de luniversit, lorganisation des concours de recrutement, etc. Dans les annes 2000, des conseils dadministration (CA) ont t organiss dans les universits, reprsentant le pouvoir excutif et ayant comme membres le recteur et les vice-recteurs, les doyens, le directeur administratif g-nral de luniversit et un reprsentant des tudiants.

    3. Le nom duniversit sest impos aprs 1989 pour dsigner des institutions

    denseignement suprieur intitules auparavant instituts (polytechnique, de mdecine, des arts), vocation technique ou spcialise. La multiplication des universits , en nombre dtablissements et diversit de proils, a eu comme effet secondaire lindiffrenciation des institutions et leffacement de la spciicit des tudes dans une universit classique , avec ses attaches symboliques luni-versel.

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    rapports qui existaient prcdemment entre les titres et les postes , obligeant lUniversit se positionner sur le nouveau march du tra-vail . Dautres dis, plus rcents, sont directement lis au processus de Bologne et son interprtation par des acteurs nationaux : lva-luation systmatique des universits et des disciplines, leur classement

    selon leurs performances et leur qualit . Introduites la veille de ladhsion de la Roumanie lUnion europenne (2007), ces rformes devaient signiier une bonne volont politique et faciliter lintgration europenne du pays. Cependant, elles ont donn lieu des lectures

    contradictoires qui ont oppos adeptes et critiques des rformes la fois sur les conditions de leur introduction et sur lvaluation de leurs effets.

    Plusieurs travaux dressent un tat des lieux de lenseignement sup-

    rieur et de ses mtamorphoses, souvent par la lorgnette des disciplines

    spcialises. Plus rcemment, des rapports ont t produits par des orga-

    nismes habilits, compltant et actualisant linformation disponible. Cependant, cette information reste lacunaire et son traitement problma-tique4. Faire de lUniversit son objet de recherche nest pas sans risque ; Pierre Bourdieu lavait rappel opportunment dans son introduction

    Homo academicus, son livre brler de 1984. Ceux qui crivent sur lUniversit sont le plus souvent eux-mmes des universitaires et les analyses proposes impliquent, des degrs divers, des prises de posi-

    tion. Objet dtudes, luniversit est en mme temps un enjeu de luttes dans plusieurs champs, conomique, politique, acadmique.

    Pour ce qui nous concerne, nous nous sommes propos de lappro-

    cher dans un effort dexplicitation et danalyse critique qui devrait lui apporter plus de lisibilit et de rlexivit. Une dizaine dentretiens approfondis a t ainsi ralise avec des professeurs des universi-ts de Bucarest, Cluj et Iai, ainsi que des chercheurs et des experts en politiques de lducation, ce qui nous a permis de reconstituer la

    chronologie des rformes et de recueillir des observations avises : un ancien ministre de lducation, considr comme le vritable promo-teur des rformes dans le cadre du processus de Bologne, des recteurs

    4. Nous faisons plus particulirement rfrence ici aux rapports produits par la Commission danalyse de lducation, constitue sous le patronage du prsident de

    la Roumanie (Romnia educaiei, 2007) et par le Conseil national pour le inance-ment de lenseignement suprieur (UEFISCDI-CNFIS, 2013). Ce dernier signale les lacunes de linformation disponible sur le nombre dtudiants et denseignants, comme sur la part du PIB consacre lenseignement suprieur en Roumanie.

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    (prsidents duniversit), vice-recteurs (dont celui de la Central Europe University CEU de Budapest) et doyens, anciens ou en fonction, ainsi quun ex-directeur de dpartement du ministre de lducation au dbut des annes 1990 igurent parmi nos interviews. Nous avons galement exploit des entretiens mens dans le cadre dautres enqutes portant sur des problmatiques proches (la mobilit internationale des

    tudiants et des enseignants, les centres dexcellence en sciences sociales). Nous avons en outre ralis un sondage dopinion sur les effets des rformes Bologne parmi les enseignants de deux grandes universits publiques. 121 enseignants des universits de Cluj (63) et de Iai (58) ont rpondu un questionnaire diffus en ligne. Sil ne peut pas tre considr comme reprsentatif du corps enseignant de ces ta-blissements, cet chantillon fournit des informations qui mritent atten-tion et analyse. Nous avons crois par la suite les rponses obtenues en

    entretien et par questionnaires avec des observations sur nos propres

    institutions conduites au quotidien sur une longue dure.

    Les universits roumaines se sont graduellement engages sur dif-frents marchs , bien avant que le statut duniversit entreprise ( entrepreneuriale ) leur soit prescrit par les rformateurs. Les guil-lemets attirent ici lattention sur la polysmie des mots employs, dont

    certains ont t rcuprs par la littrature managriale consacre aux

    universits. Pour lun des artisans de ces rformes, lespace acadmique serait divis en trois marchs pertinents celui des consomma-teurs, celui de la rputation et celui du travail scientiique sur les-quels luniversit roumaine opre (Miclea, 2006). Sil est en effet ncessaire de sintresser la diversit des rapports entre le public et le priv dans cet espace, il faut se rappeler que le statut des uni-versits prives a d faire lobjet de rglementations successives, les frontires qui les sparent des universits dtat ntant pas toujours claires. Il est tout aussi ncessaire de distinguer plusieurs catgories de

    changements, les premiers ayant eu lieu juste aprs 1989, classs dans lordre de la libralisation de lencadrement politique de luniversit

    et du contrle idologique exerc par le parti unique, disparu en 1990. Il sagit notamment de ladoption de chartes proclamant lautonomie

    des universits, de la libralisation conomique intervenue progressi-

    vement et de ladoption de rformes suivant des modles dimporta-tion, par isomorphisme institutionnel . Considrer lvolution des rlexions sur linstitution universitaire suppose aussi denregistrer

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    les principales tensions entre des modles opposs ou des formes de rsistance aux rformes. Ces tensions peuvent tre dcrites en fonction des trois logiques concurrentes analyses par Freidson (2001), savoir la logique professionnelle, fonde sur lautonomie et lautorgulation, la logique du march (et du march du travail ), o les universits sont considres comme des prestataires de services des clients, et la

    logique managriale ou bureaucratique, celle des rationalisations des

    cots et des moyens. Lidentit de linstitution et celles de ses profes-sions sont en jeu.

    Dans un premier temps, nous voquerons les conditions dimposition

    dune logique marchande dans lespace universitaire roumain, dans un

    contexte de rformes successives visant la libralisation politique des institutions, leur dmocratisation et leur intgration dans les structures

    de lUE. Les changements structurels tudis concernent autant les

    actes lgislatifs, les frontires mouvantes entre universits publiques et prives, les hirarchies entre domaines dtudes que les rapports entre

    marchs internes et externes des tudes suprieures. Dans un deuxime

    temps, nous analyserons les diffrentes logiques marchande, mana-griale et professionnelle luvre dans ce champ partir des tmoi-gnages des acteurs porteurs des rformes et de ceux qui sy opposent ou les subissent. Plus particulirement, nous entendons examiner les

    contributions des sociologues, voire des social scientists la mise en

    uvre des rformes comme lvaluation de leurs effets. Une srie de igures statistiques prsents la in de larticle complte les donnes obtenues par entretiens, observation et questionnaires.

    1. Les marchs de Luniversit

    Au dbut des annes 1990, la libralisation des conditions daccs

    lenseignement suprieur et lautonomie de ses orientations ont t

    les premires revendications satisfaites au niveau des tablissements eux-mmes, simplement entrines par les premiers gouvernements rvolutionnaires . Le rgime Ceauescu avait pratiqu une politique malthusienne dans les annes 1980, aussi bien lgard de ladmission

    des tudiants (slection stricte et contrle, litiste ) que de la ges-

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    tion des carrires des enseignants5. La multiplication de loffre dtudes aprs 1990 rpondait une demande insatisfaite des annes antrieures. En mme temps, elle a facilit le recrutement de jeunes enseignants et la promotion rapide des personnes en poste sans modiication majeure de lordre professionnel et hirarchique dans les universits.

    Celles-ci ont jou un rle inattendu dans lapparition dun secteur priv de lconomie. La privatisation prcoce et rapide survenue dans

    certains domaines de lenseignement suprieur permettait la rgularisa-

    tion de certaines pratiques auparavant tenues pour illicites (les consul-tations , meditaiile) bien que plus ou moins tolres. Vritables classes prparatoires organises au domicile des enseignants, cer-taines ont merg du march noir pour monter en grade en tant quuniversits prives. Une trs grande partie des tudiants de ces ta-

    blissements privs est concentre dans les premires annes dtude et

    dans les ilires par correspondance, faisant ofice de voies de passage vers luniversit publique, orientations renforces depuis lintroduction du systme L-M-D (voir igures en annexe).

    Selon certaines estimations, le nombre duniversits prives tait

    suprieur 250 au dbut des annes 1990 (Coman, 2003) et a ensuite dclin en raison des critres daccrditation imposs par la loi ds

    1993 : elles ntaient plus que 84 en 2000 et 51 en 2012 ; les derniers chiffres correspondent au nombre dtablissements ayant obtenu une autorisation, ft-elle provisoire, de fonctionnement (UEFISCDI-CNFIS, 2013). Lhistoire rcente et peu glorieuse des universits prives permet de comprendre certains mcanismes de formation des nouvelles classes moyennes pendant une priode de mobilit sociale acclre, ainsi que

    lenrichissement personnel de certains de leurs fondateurs, galement devenus des personnages politiques inluents (Mihilescu & Rosta, 2007 ; entretien avec B., chercheur).

    5. Une tension permanente sest manifeste tout au long de la priode commu-niste entre les critres politiques et les critres mritocratiques de slection des tudiants. Si dans un premier temps la logique de la lutte des classes imposait des restrictions aux descendants des exploiteurs (Cazan & PaCa, 2013), par la suite, le recrutement des tudiants, tout en restant sous contrle politique, tait devenu de moins en moins accessible aux descendants des paysans et des ouvriers

    (cazacu, 1991).

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    La commercialisation des tudes a peu peu contamin les uni-

    versits dtat dont le nombre a lgrement augment, de 49 57, pour rester constant jusqu nos jours. Les secteurs public et priv de lenseignement suprieur nont jamais t compltement spars, par-tageant une partie de leur corps enseignant et des tudiants. la in des annes 1990, les universits dtat ont ouvert leurs portes des tudiants payant des droits dinscription ils navaient pu tre admis sur les quotas subventionns et ont ainsi soustrait aux universits

    prives une part de leur public. En 2009, ces droits reprsentaient en

    moyenne 65 % du budget des universits publiques. Les plus grandes

    dentre elles ont considrablement augment leurs effectifs et ouvert des succursales locales. LUniversit BabeBolyai de Cluj, la deu-xime du pays, qui accueillait prs de 6 000 tudiants en 1990, inscrits

    dans sept facults, en comptait 45 000 dans vingt facults en 2005, la part des droits dinscription dans son budget ayant t multiplie par

    huit en dix ans (Miclea, 2006)6. De la sorte, la concurrence pour les ressources tait engage non plus entre les universits publiques et les

    universits prives mais entre les universits publiques elles-mmes dans la mesure o leur inancement dpendait tant du nombre dtu-diants inscrits que de leurs fonds propres , partiellement aliments par les droits dinscription.

    Les universits, de plus en plus dpendantes de ce march vanescent,

    taient de surcrot dans limpossibilit den mesurer les consquences.

    Une analyse rtrospective rcente atteste dune volution ngative du inancement de base (assur par le ministre de lducation) de 2003 2012 (UEFISCDI-CNFIS, 2013). Le inancement par tudiant (per capita) a diminu de 7 % ces dix dernires annes, malgr une lgre augmentation en 2008-2009, alors que les effectifs tudiants ont plus que doubl en lespace de cinq ans, passant de 301 878 en 2003

    650 247 en 2008 (UEFISCDI-CNFIS, 2013, p. 17) (voir Figure 1 en annexe). Leur baisse rapide depuis 2008 sexplique par la diminution constante de la natalit aprs 1989 mais elle peut galement tre attri-bue au changement du mode dvaluation des universits qui a affect plus particulirement les universits prives (voir Figure 5 en annexe).

    6. Le rapport entre le nombre de places subventionnes attribu par le ministre de

    lducation ( la buget ) et le nombre de places payantes ( la tax ) varie dun tablissement un autre, ainsi quentre dpartements, niveaux dtudes, etc.

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    Une part accrue du inancement a t rserve aux indicateurs de qua-lit qui reprsentent actuellement 30 % de lensemble :

    Le dcalage croissant entre les dpenses enregistres au niveau

    national pour lducation dans lenseignement suprieur et les

    sommes alloues au inancement de base des universits publiques montre que les universits engagent des fonds propres considrables. De toute vidence, le montant de la dotation publique est largement infrieur aux besoins rels du systme universitaire, complt par des ressources occasionnelles. UEFISCDI-CNFIS, 2013, p. 12.

    Les fonds propres proviennent essentiellement des droits pays par les tudiants, des projets de recherche inancs par des fonds euro-pens non remboursables ainsi que des revenus lis aux activits com-

    merciales des universits7. Les projets inancs par des fonds europens (en particulier dans le cadre du programme POSDRU Programme

    oprationnel sectoriel pour le dveloppement des ressources humaines) constituent une part importante de ces ressources mais ils sont irrgu-

    liers et obligent parfois les universits sendetter pour assurer une cer-taine continuit de leurs activits (des retards de paiement de plusieurs

    mois sont frquents)8.

    Selon les derniers chiffres disponibles, 57 universits publiques et 51 universits prives dtenant une autorisation provisoire de fonctionne-ment taient enregistres en Roumanie en 2012. Le total des tudiants

    inscrits slevait 539 852 dont prs de 400 000 dans les universi-

    ts publiques. Les enseignants taient au nombre de 28 365, pour leur

    grande majorit (85 %) dans lenseignement public. Si la privatisation

    7. Sil est apparemment impossible de calculer la part du PIB investie dans

    lenseignement suprieur roumain, une estimation ralise en 2010 donnait 1,4%

    du PIB comme dpenses publiques pour cette forme denseignement (UEFISCDI-CNFIS 2013).

    8. Le Programme oprationnel sectoriel de dveloppement des ressources humai-

    nes, lanc en 2007 par le ministre roumain du Travail, de la Famille et de lgalit des chances, tait destin la mise en uvre de lassistance inancire de lUnion Europenne par lintermdiaire du Fond Social Europen. Le soutien des tudes

    doctorales et post-doctorales sinscrit dans le premier axe prioritaire de ce programme, ducation et formation professionnelle lappui de la croissance conomique et du dveloppement de la socit fonde sur la connaissance (pour labsorption des fonds europens dans les universits roumaines voir Mitrea, 2013).

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    partielle des tudes suprieures au dbut des annes 1990 semble pre-

    mire vue avoir proit aux universits publiques9, elle est nanmoins tenue pour responsable de les avoir dtournes de leur mission. En effet, la logique du march sy est manifeste de plusieurs manires : par la place accorde aux droits dinscription, par lintroduction de critres

    de qualit dans lvaluation des enseignants ain dencourager leurs activits de recherche et par lentre des tudiants sur le march du tra-

    vail pour inancer leurs tudes. Malgr la diversiication des ressources, les universits semblent menaces par linstabilit de ces marchs et

    se retrouvent en position de concurrence renforce pour sapproprier les ressources de base du budget. Cela tant, lUniversit nest pas devenue une entreprise en dpit de linjonction permanente privilgier les travaux pratiques et la recherche applique.

    Les changements structurels introduits ne concernent pas uniquement

    le inancement. Lapparition des universits prives au dbut des annes 1990 avait surtout satisfait une demande dtudes en droit, en conomie et, dans une certaine mesure, en sciences humaines et sociales. Dans les

    annes 2000, une inversion des volutions constates pendant la dcen-

    nie prcdente peut tre note : les effectifs dtudiants en conomie et sciences humaines et sociales diminuent tandis que la mdecine et les

    formations dingnieurs progressent (lgrement). Ce sont les tudes les plus longues qui connaissent les hausses les plus signiicatives (par exemple, la mdecine : + 5,5 %). On remarque donc un effacement des diffrences entre le public et le priv mais lon peut, par ailleurs, se demander si le dsquilibre qui perdure entre les marchs du travail

    intrieur et extrieur nest pas la principale explication du choix prf-rentiel des formations de longue dure (cf. Figures 7 et 8 en annexe).

    2. Lexpertise entre Logique bureaucratique et Logique professionneLLe

    Trois textes lgislatifs importants ont t adopts dans les annes 1990 : la loi 88 de 1993 sur laccrditation des institutions denseigne-

    9. Pour Adrian Neculau, ancien vice-recteur de luniversit de Iai et prsident de commission de spcialistes du ministre roumain de lducation, la mise en uvre des rformes inspires par Bologne reprsentait une privatisation dissimule de lenseignement suprieur dtat et la transformation de luniversit en une bour-se o lon vend et lon achte des titres (necuLau, 2011, pp. 36-39).

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    ment suprieur et la reconnaissance des diplmes ; la loi 84 de 1995 sur lenseignement ; et la loi 128 de 1997 sur le statut du personnel ensei-gnant. Linscription dans le processus de Bologne est ainsi interve-nue la in dune priode de transition politique et conomique suite laccumulation dune srie de contraintes contradictoires. Confronte lmergence dun march des biens ducationnels imputable lap-parition dune offre prive denseignement suprieur et un norme accroissement de la demande, lancienne universit dtat devenue publique (Florian, 2011) a d appliquer des stratgies promotionnelles la fois par rapport ses concurrents privs (les nouvelles universits, discrdites en tant que fabriques de diplmes ) et aux grandes ins-titutions internationales (Banque mondiale, OCDE, Commission euro-

    penne) aptes lui assurer ressources et reconnaissance. Luniversit a d simposer sur des fronts opposs compte tenu de la massiica-tion de la demande dtudes dans des conditions de pnurie aggraves et face aux obligations de performance (d excellence ) exiges par la logique de diffrenciation sur le march interne et international.

    Lvolution lgislative de 1995 2011 (anne de la loi la plus rcente

    sur lducation nationale), plus spcialement la loi des consortia universitaires de 2004, a encourag lintgration des institutions denseignement suprieur et de recherche, visant la transformation des universits en organisations dynamiques orientes vers des activits pratiques de recherche applique (Florian, 2011). Le Conseil national pour lvaluation et laccrditation acadmiques (CNEAA, remplac

    depuis 2005 par lARACIS, lAgence nationale pour lassurance de la

    qualit de lenseignement suprieur) a mis progressivement en place un processus dexpertise en collaboration avec la Banque mondiale et

    dautres organismes internationaux, ce qui a conduit une diminution

    signiicative du nombre des universits prives10. La cration dautres organismes comme le Conseil national pour le inancement de lensei-gnement suprieur (CNFIS) ou le Conseil national pour la recherche scientiique dans lenseignement suprieur (CNCSIS)11, soutenus par la

    10. Voir larticle de Ioana Crstocea dans ce dossier.

    11. Le CNFIS et le CNCSIS font partie de lUEFISCDI, lUnit excutive pour le inancement de lenseignement suprieur de la recherche, du dveloppement et de linnovation (anciennement UEFISCSU, Unit excutive pour le inancement de lenseignement suprieur et de la recherche scientiique universitaire), institu-tion fonde en 2000 et subordonne au ministre de lducation et de la Recherche

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    Banque mondiale et le Fond social europen, devait renforcer lorienta-tion politique vers la convergence avec les rformes europennes sous le signe de Bologne, laugmentation de la part de lautoinancement des universits et lintroduction des indicateurs de qualit. Il ntait

    toutefois pas question daffaiblir le contrle exerc par le ministre de lducation un centralisme qui rappelle celui qui existait dj avant 1990 (Miroiu, 2005 ; Florian, 2011).

    Ladoption de savoir-faire dinstitutions trangres spcialises12 a contribu lmergence de ce champ de lexpertise. Les missions des

    diffrents organismes constitus et rorganiss partir des annes 1990 taient la fois dordre normatif par rapport un march intrieur lib-ralis et dajustement par rapport au march international globalis et aux institutions uvrant ses rgularisation et rgulation (Banque mon-diale, UNESCO, OCDE, FMI, EUA). Linscription dans le processus de Bologne, intervenue dans ce cadre, comme dans la perspective de

    lEspace europen de lenseignement suprieur tait lexpression dun

    consensus politique ciblant ladhsion de la Roumanie lUE (en 2007). Elle pouvait bnicier de structures dj en place et dune expertise pro-fessionnalise (notamment celle du Centre europen pour lenseignement suprieur de lUNESCO, le CEPES, oprant Bucarest depuis 1972).

    2.1. Des experts au service Des organisations internationaLes

    Si les reprsentants de plusieurs disciplines et institutions ont par-

    ticip lmergence du champ de lexpertise acadmique, la contri-

    bution des sociologues et des social scientists au sens large se fait remarquer. Prsents en tant quexperts et/ou responsables de ces nou-

    velles structures ou des institutions rformes, leurs publications sont venues appuyer ou justiier les rformes, en fonction des conjonctures politiques ou conomiques, mais aussi en rponse aux demandes sp-

    ciiques formules par des organismes internationaux (Malia, 2003 ; Marga, 2003 ; Miclea, 2003 ; Mihilescu, 2003 ; Miroiu, 2007). Parmi ces travaux, certains prtendent arriver une modlisation du systme

    (MEC).

    12. On peut voquer ici les changes entre lorganisme roumain, le CNEAA, et son

    partenaire franais, le CNE, le Comit national dvaluation des tablissements publics caractre scientiique, culturel et professionnel , auxquels ont succd lAERES, Agence dvaluation de la recherche et de lenseignement suprieur , en France, et lARACIS, en Roumanie.

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    Miha Dinu GheorGhiu, Marius Lazr, aDrian neteDu et zoLtn rosts176

    universitaire roumain (Punescu, Miroiu & Vlsceanu, 2011). Pour la plupart de ces auteurs, le travail dexpertise prcde ou suit une car-

    rire dans lappareil administratif, parfois en lien avec des activits davant 1989 rarement mentionnes13. La prsence des sociologues

    peut sexpliquer par la survie marginale de la discipline pendant les

    annes 1970-1980, par un attachement historique de la sociologie roumaine la rforme sociale14 et par des aspirations individuelles et

    13. Les parcours de tous les rformateurs ne prsentent cependant pas de bifurca-tions aussi radicales comme celui dAurelian Bondrea, ancien recteur de la plus

    grande universit roumaine prive, Spiru Haret, et ex-directeur du service des

    cadres du ministre de lducation sous Ceauescu. Pour une prsentation de son parcours voir Ciolnca (2009).

    14. Dans la tradition de Dimitrie Gusti (1880-1955), fondateur de lcole roumaine de sociologie.

    Encadr n1

    rformateurs, experts et enseignants

    Nous avons dsign comme rformateurs les membres du corps ensei-gnant qui ont particip aux rformes soit comme instigateurs (en qualit de ministres de lducation, de membres de commissions parlementaires, etc.), soit comme responsables de leur mise en uvre (directeurs de services au ministre de lducation, recteurs, vice-recteurs, doyens, etc.). Les fonda-teurs des universits prives en font invitablement partie, dans la mesure o ces institutions ont jou un rle important dans la transformation de lespace acadmique national. Dans cette catgorie htrogne constitue ad hoc, une

    distinction est ncessaire entre lus (recteurs, doyens, etc.) et nomms (ministres, secrtaires dtat, membres des commissions) parmi les occu-pants de positions de dcision dans les diffrentes structures de lespace aca-dmique. Souvent membres dun parti politique, ils constituent une clien-tle politique ou une rserve de cadres . Dans le cas des experts , distinguer logique professionnelle et logique politique nest pas toujours une opration facile, comme on a pu lobserver dans le choix des membres des diffrentes commissions* ou dans le choix des divers valuateurs , censs tre neutres dans leur jugement.

    * Les dcisions contradictoires des diffrentes commissions appeles en 2012 juger les accusations de plagiat portes contre la thse de doctorat en droit du Premier-ministre, Victor Ponta, illustrent linstrumentalisation politique de lexpertise scientiique.

  • Luniversit roumaine, une buLLe spcuLative ? 177

    institutionnelles qui ont exist parmi les membres de la communaut

    restreinte des sociologues dj avant 198915.

    Un article rcent rsume dune manire assez pertinente les objectifs des rformateurs roumains, sappuyant sur leurs publications et sur des entretiens, dans une perspective comparative des politiques densei-gnement suprieur en Europe centrale et de lEst (Dobbins & Knill, 2010). La Roumanie apparat ces deux auteurs comme un exemple parfait disomorphisme grce au changement paradigmatique qui a fait diminuer le rle de ltat, lintroduction des frais de scolarit selon des pratiques amricaines et ltablissement dun mode de gou-

    vernance ax sur le march (ibid., p. 44-45). Les rformateurs se di-nissent eux-mmes par opposition une oligarchie acadmique , qui aurait la nostalgie du modle universitaire humboldtien davant-guerre.

    Le processus de Bologne est dcrit comme la vritable clef du succs qui a permis la Roumanie de se rapprocher de lEurope et a renforc lautonomie universitaire en dcentralisant les dcisions au niveau des

    gestionnaires des universits (position du recteur renforce notamment dans lallocation des fonds base sur la performance) (ibid., p. 46)16.

    La prsence dexperts trangers au moment de llaboration des pro-

    grammes de rformes et la formation dexperts internes, consultants des nouveaux organismes dexpertise, par des stages ltranger ont

    beaucoup contribu la mise en place du dispositif dvaluation. La cration dune demande en expertise nest pas lie cependant la seule

    apparition des universits prives17. Linternationalisation des tudes,

    les programmes de mobilit, la migration des tudiants et des ensei-

    15. Il serait utile de regarder de plus prs le passage du positivisme politiquement

    orient de la sociologie marxiste au noinstitutionnalisme, la thorie du rational

    choice ou au benchmarking des performances acadmiques.

    16. Lisomorphisme institutionnel qui est glorii ici comme la volont des d-cideurs roumains dimiter les pratiques de lOuest et surtout des pays anglo-

    phones (p. 46) rappelle une thorie dinspiration librale davant la guerre, le synchronisme dEugen Lovinescu (1881-1943). Sa thorie du synchro-nisme , elle-mme inspire par la thorie de limitation de Gabriel Tarde, pr-conisait ladoption par la Roumanie des institutions occidentales dans la perspec-

    tive de la modernisation du pays : par la synchronisation culturelle et politique, le dcalage qui sparait la Roumanie sous-dveloppe de lEurope capitaliste pou-

    vait tre rattrap.

    17. La privatisation a trs peu touch les niveaux infrieurs de lenseignement.

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    Miha Dinu GheorGhiu, Marius Lazr, aDrian neteDu et zoLtn rosts178

    gnants au-del des frontires nationales ont contribu la diversiica-tion de leurs parcours. Des programmes europens, TEMPUS avant

    ERASMUS, leur taient consacrs, mais aussi divers programmes

    nationaux (Fulbright, les programmes de mobilit du ministre fran-ais de la Francophonie avant la mise en place de lAUF) ou privs, comme le rseau de la Fondation Soros, qui a install sa propre uni-

    versit, Central European University, Budapest (Gheorghiu, 2004 ; Guilhot, 2004), ont jou un rle exceptionnel. Dans certaines ilires, le passage par une grande universit trangre ou un centre dexcellence

    (Gheorghiu, 2004, 2010) est devenu une condition pour russir sa car-rire acadmique. En mme temps, cette mobilit a encourag linscrip-tion dans des rseaux de recherche et la participation des projets euro-pens, dont le inancement est devenu un chapitre budgtaire important des universits publiques et a renforc des formes de dpendance par rapport aux marchs extrieurs (voir le programme europen POSDRU

    pour le dveloppement des ressources humaines, dj voqu)18.

    Lobservation de lintrieur de ces mcanismes dimport-export

    de lexpertise peut faire apparatre comment les dons distribus par des organismes internationaux comme la Banque mondiale en tant

    qu aides au dveloppement se sont fait rembourser sous forme dachat dexpertise du mme organisme par le pays bniciaire des aides, pour des montants quasi quivalents. De mme, la signature des contrats dexpertise avec un des organismes habilits (la Banque mon-

    diale, mais pas seulement) sert essentiellement lgitimer le travail des experts internes (nationaux), couverts par des irmes internationales, qui font en in de compte une expertise dlgue.

    2.2. une criture performative : Les rapports Dexpertise et Leurs enjeux

    La production de rapports dvaluation et dexpertise (ou daudit) offre la possibilit dobserver lvolution dans le temps du dispositif dvaluation et, dune certaine faon, dvaluer les valuateurs. Nous prenons ici deux exemples, le premier illustrant une volont de rupture

    et de rforme radicales, le second visant plus modestement dresser

    18. Nous ne disposons pas de donnes concernant la part du budget des universits

    provenant de la gestion des contrats de recherche.

  • Luniversit roumaine, une buLLe spcuLative ? 179

    un tat des lieux du inancement des universits travers une analyse rtrospective des dix dernires annes.

    Encadr n 2

    expertise internationaLe et experts nationaux

    Linternationalisation [de lenseignement suprieur roumain] a pris la forme dun mouvement double sens. Lexpertise de la Banque mon-diale [BM] y a jou un rle majeur. La Banque a inanc des expertises en Roumanie, mais a t aussi inance [par la Roumanie] pour ses expertises. Dificile de dire qui a le plus gagn dans cette histoire La BM a inanc des projets sur le dveloppement de lenseignement primaire et secondaire en Roumanie, la construction dcoles, etc., mais par la suite ltat roumain a achet ses services pour les mettre en uvre. Cela, disons, cest au niveau macro : au niveau national, chaque fois que le ministre est press et doit prendre une dcision, la BM est vue comme linstitution qui dtient le know

    how en matire dducation. On fait appel elle, on organise une quipe dexperts, on rdige un rapport, rendu public ou non, et par la suite, selon

    la dure de vie du ministre ou du gouvernement, on commence mettre en

    uvre les mesures prconises par la BM. La mise en uvre se fait avec le personnel du ministre ou de toute faon avec des experts roumains Il serait mme impossible que cela se passe autrement cause des change-ments politiques frquents. Dans lenseignement suprieur, aprs 2006, on sest servi de lexpertise de la BM pour la faade, mais derrire ont travaill en fait des experts roumains, car, avec les nouvelles promotions, on disposait dj des personnes comptentes pour le faire [sourire, car il en fait partie]. Le projet Academis dARACIS, de 2008 2011, est un trs bon exemple de ce mode de fonctionnement. ARACIS a eu dans ce projet un partenaire, lEUA (European University Association) qui devait formellement livrer un certain nombre de produits, dtudes, danalyses, livrer un feed-back cer-taines mesures, faire des propositions de rformes politiques En ralit, lEUA na t partenaire que sur le papier, na jamais particip la mise en uvre du projet, mais certains de ses produits ont t accepts. Bref, cest comme a au niveau macro . Au niveau des politiques sectorielles au jour le jour, lexpertise internationale a t ralise par des spcialistes roumains, forms en Roumanie, des experts qui se sont documents ltranger et ont adapt aux conditions locales ce quils ont appris. Cest inalement aussi une question de lgitimit : il est dificile en Roumanie de prtendre vouloir

  • VOLUME 45, MARS 2014

    Miha Dinu GheorGhiu, Marius Lazr, aDrian neteDu et zoLtn rosts180

    La publication en 2007 du Rapport La Roumanie de lducation, la Roumanie de la recherche , propos par une Commission dana-lyse de lducation, constitue en 2006, sous le patronage du Prsident

    de la Roumanie (Traian Bsescu, en fonction encore aujourdhui), faisait un constat extrmement critique de ltat de lducation en Roumanie : Le systme denseignement nest pas iable19 par rap-port lconomie et la socit de lavenir . Examinant les cinq indicateurs de Lisbonne de lconomie de la connaissance , il arrivait la conclusion que le systme [denseignement] actuel nest pas en mesure dassurer la Roumanie une position comptitive

    dans lconomie de la connaissance . Inquitable pour les enfants de milieu rural et pour les Roms en particulier, le systme est menac en

    mme temps par le dclin dmographique. Le Rapport constatait par

    19. Nerelevant en roumain, une mauvaise traduction de langlais unreli-able . On peut observer par ailleurs que les sources utilises pour proposer des solutions aux problmes de lenseignement roumain taient surtout des documents

    amricains : A test of leadership. Charting the future of US Higher Education, US Department of Education, 2006 ; Americas Perfect Storm. Three forces changing our nations future, ETS Report, 2007 ; NCEE Report 2007; et, en second lieu, des documents de la Commission europenne : Delivering on the modernization agen-da for universities: education research and innovation (May, 2006), Mobilizing the brainpower of Europe: enabling higher education to make its full contribution to the Lisbon Strategy (Nov. 2005) (Romnia educaiei, 2007, p. 18).

    rformer le systme de sa propre initiative, sans disposer de lappui dune autorit internationale a sest toujours pass ainsi en Roumanie. Si on vient de la part de la BM, on russit se faire couter. Cest une question historique en Roumanie, notre besoin de trouver une caution extrieure pour

    nous conirmer que ce que nous faisons nous-mmes, nous savons bien le faire. Prenons lexemple de la loi de lducation nationale, je trouve son nom assez drle, elle sappelle nationale , mais ses principaux chapitres ont t formuls par de grands organismes internationaux. Les experts de lEuro-pean University Association participent en ce moment mme lvaluation et la hirarchisation des universits roumaines (bien que personne ne croie

    plus aux rsultats, mais le contrat a t sign et il faut le respecter), tandis que les Roumains ny igurent quen tant que consultants.

    Entretien avec B., chercheur et expert dans lvaluation de la qualit de

    lenseignement suprieur.

  • Luniversit roumaine, une buLLe spcuLative ? 181

    ailleurs que dans lenseignement suprieur et la recherche subsistent

    des lots dexcellence dans un ocan de mdiocrit : aucune uni-versit roumaine ne igure parmi les 500 du classement de Shanghai et le nombre darticles scientiiques par habitant est onze fois infrieur la moyenne des pays de lOCDE et mme deux fois par rapport la Bulgarie. En conclusion, le Rapport demandait une restructura-

    tion radicale et urgente du systme denseignement, pour viter la

    Roumanie un avenir de colonie technologique, pays de gens pauvres et sans espoir (Romnia educaiei, 2007). Les problmes structurels et de fonctionnement de lenseignement ntaient pas voqus pour la premire fois (le faible niveau des dpenses publiques pour lensei-gnement, reprsentant moins de la moiti de la moyenne europenne

    de 6 % du PIB). Mais le rapport reprochait en premier lcole son incapacit attirer des fonds privs, sa passivit par rapport ses partenaires potentiels, ltat, le secteur priv, les syndicats.

    La tonalit du rapport est emprunte des documents similaires pro-

    duits dans la perspective des rformes nolibrales, ses auteurs cherchent transfrer des responsabilits de ltat aux seuls acteurs du systme denseignement. Sans cibler seulement lenseignement suprieur, ce

    rapport renforce la dimension politique des rformes entreprises peu de temps avant sous le signe de Bologne. Le Rapport annuel publi en

    2013 par un des organismes dvaluation, le CNFIS, dresse, quant lui,

    un bilan instructif des volutions intervenues pendant les dix dernires annes partir dun certain nombre dindicateurs et fait des propositions pour amliorer la situation actuelle. Lexamen critique des indicateurs et

    des donnes, en particulier pour estimer le nombre dtudiants, densei-

    gnants ou la part du PIB consacre au inancement des universits, ne sintresse pas la qualit des 17 indicateurs de qualit , dont le plus important est le niveau de performance dans la recherche scientiique . Pourtant, ces indicateurs devaient hirarchiser les universits, en confor-mit avec la loi de 2011, suivant leur niveau de performance : universi-ts centres sur lducation, universits pour lducation et la recherche

    (ou la cration artistique), universits de recherche avance et ducation. Lvaluation de 2012 est alle au-del, identiiant 5 catgories (A, B, C, D, E) et creusant un cart sensible et plus important que prvu entre les universits (le budget de 22 universits publiques a augment en 2012 par

    rapport 2011, tandis que celui de 27 autres diminuait). Avec le change-ment de gouvernement intervenu en 2012, des mesures de temporisation

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    des rformes ont t prises, mais les universits mal classes , qui disposaient dun support temporaire, ont t invites procder des

    rductions de personnel (restructurri) et des diminutions de salaires (reducerea costurilor prin statele de funcii) (UEFISCDI-CNFIS, 2013, p. 27). On peut signaler galement que ce document propose, pour am-liorer le inancement des universits publiques, un nouveau classement, par domaines dtudes, dont lobjectif reste toujours lexcellence . Les domaines dtudes suprieures sont hirarchiss en 5 niveaux de priorits,

    au premier dentre eux igurant surtout des formations dingnieurs, avec les sciences apparentes, mathmatiques, physique, chimie, ainsi que la

    biologie, lagronomie, la mdecine vtrinaire. Les diffrentes spcialits de lconomie, le droit, lenseignement artistique, la psychologie ou les

    sciences de lducation sont rtrograds au rang des moins importantes.

    La rhabilitation spectaculaire des domaines techniques, surtout dans un

    paysage industriel sinistr, est dautant plus surprenante si on se souvient

    de la hirarchie des domaines de lducation universitaire jusquen 1989 (Figures 3 et 4). On peut se demander pourtant quelle sera la destination professionnelle de ces spcialistes forms dans les technologies les plus avances si le march interne ne rpond pas leurs attentes.

    Au cours des entretiens, nos interlocuteurs afirment rechercher un certain dtachement des liens politiques et des idologies au nom de

    lautonomie de linstitution acadmique. Ils dnoncent galement le

    rformisme obsessionnel des hommes politiques, qui menace de ds-tabiliser tout le systme. Cependant, les attaches politiques des experts

    rformateurs sont notoires et leurs positions ambivalentes peuvent devenir un atout en cas de changement dalliances20.

    20. On peut prendre ici lexemple rcent dune volte-face effectu par Andrei Marga, un des artisans des rformes la in des annes 1990, ancien recteur de luniversit Babe-Bolyai de Cluj et ministre de lducation, pendant un certain temps ministre des Affaires trangres, puis prsident de lInstitut culturel rou-main sous le gouvernement actuel. Il dplore le dclin des qualiications pro-fessionnelles en Roumanie et en Europe, ainsi que les erreurs dapplication de la Dclaration de Bologne (1999). Ce dclin aurait servi lgitimer un cadre bureaucratique pour craser les initiatives , cf. Andrei Marga, Declinul caliicrilor , Cotidianul, 24.02.2013 (http://www.cotidianul.ro/declinul-caliica-rilor-207171/).

  • Luniversit roumaine, une buLLe spcuLative ? 183

    3. perception des rformes : rvoLtes et dmoraLisation

    Les rsultats de notre sondage auprs des enseignants de deux grandes

    universits roumaines indiquent nettement limpopularit des rformes. Une majorit des 121 rpondants considre les effets du processus de Bologne comme totalement ngatifs (52 % luniversit de Iai, 76 % luniversit de Cluj). Seule une minorit (13 % Cluj, 28 % Iai) estime que ces effets ont t positifs globalement, conirmant la polarisation des opinions sur cette problmatique sensible et politise

    (seulement 9 % estiment que les effets ont t aussi bien positifs que ngatifs). Malgr le biais, non ngligeable, de lattraction des positions extrmes dans la soumission en ligne de notre questionnaire, la liste des critiques exprimes est longue et les jugements svres. Certains nont pas mnag leurs mots au sujet de cette rforme diabolique qui a dtruit plusieurs promotions dtudiants , faisant chuter la qualit de lenseignement et semant la confusion dans ladministration tous les niveaux. Au compte des dgts majeurs causs par les rformes de Bologne est voque en priorit, outre la dvaluation de la licence, la

    disparition des doubles spcialisations, qui permettaient aux diplms dadapter leurs carrires selon les offres demploi.

    Les rpondants sont aussi partags sur les responsabilits des rfor-mateurs, hsitant parfois entre les bonnes intentions et les mau-vaises mises en uvre . Ils soulignent que la mobilit des enseignants et des tudiants ou la coopration europenne entre les universits font partie du palmars de Bologne. De mme, sans contester lintrt des crdits transfrables, ils estiment quil ne sagit que dune possibilit trs peu utilise en ralit. En revanche, il ny aurait pas eu, daprs

    eux, dincidence positive sur les comptences des tudiants ou sur leurs

    chances de trouver un emploi.

    En entretien, Z., professeur lUniversit de Bucarest, dclare avoir t choqu de voir la manire irresponsable dont les rformes ont t introduites dans les universits roumaines, lexception notable des facults de mdecine, darchitecture et des coles polytechniques. Selon lui, ces universits sont devenues des organisations de masse,

    avec un corps enseignant et une activit de recherche rduits, ce qui a

    contribu la chute de prestige du systme denseignement suprieur

    dans son ensemble. Si le systme se portait mal par le pass, dclare-

  • VOLUME 45, MARS 2014

    Miha Dinu GheorGhiu, Marius Lazr, aDrian neteDu et zoLtn rosts184

    t-il, les rformes promues sous lenseigne de Bologne lui ont port le coup de grce.

    La limitation de la dure des tudes en licence trois ans a t la

    plus critique : rduit une suite dintroductions, le contenu des cours rend impossible la formation de reprsentations cohrentes sur les dis-ciplines ou la profession choisie. De leur ct, les masters ne sont pas en mesure dassurer les tudes approfondies espres, cause de la diversit des proils des tudiants inscrits, qui oblige les enseignants repartir de zro. Suivre des tudes de master permet cependant de dis-

    simuler un diplme de licence obtenu dans une universit prive moins prestigieuse. Il y a ainsi un quasi consensus sur la baisse du niveau des

    tudes universitaires pendant les dix dernires annes. Une bonne partie

    des tudiants travaille plein temps et sabsente des cours sans subir de

    consquences. Les tudiants ne russissent pas compenser les lacunes

    accumules pendant leurs tudes secondaires. Dans ces conditions, les

    performances de certains tudiants roumains dans des universits tran-gres seraient obtenues plutt malgr Bologne que grce lui.

    Ces jugements devraient pourtant tre nuancs. Une organisation dtudiants, ANOSR (Alliance nationale des organisations des tu-

    diants de Roumanie)21, sest appropri lenseigne Bologne et sest donn comme objectifs le suivi continu des rformes et lvaluation des enseignants. Elle attribue un titre honoriique d enseignant Bologne distinguant les meilleurs (359 prix attribus de 2007 2012)22. Cette association, compose probablement de futurs experts, a particip la ralisation dune enqute europenne par questionnaires, Bologna with students eyes23, auprs de 34 tablissements publics denseignement suprieur. Elle a avanc une srie de propositions concernant notamment

    21. Voir www.anosr.ro.

    22. Pour le portrait idalis du professeur Bologne voir la page wi-kipdia de lassociation (en roumain), http://ro.wikipedia.org/wiki/Alian%C8%9Ba_Na%C8%9Bional%C4%83_a_Organiza%C8%9Biilor_

    Studen%C8%9Be%C8%99ti_din_Rom%C3%A2nia.

    23. Voir Implementarea Procesului Bologna n Romania. Perspectiva studenilor (La mise en uvre du Processus Bologne en Roumanie. Le point de vue des tudiants), ANOSR, 2012, http://www.anosr.ro/wp-content/uploads/2013/03/Studiu-ANOSR-Implementarea-procesului-Bologna-in-Romania-perspectiva-

    studentilor1.pdf consult le 11.06.2013. Voir aussi http://www.esu-online.org/news/article/6068/Bologna-With-Student-Eyes-2012/.

  • Luniversit roumaine, une buLLe spcuLative ? 185

    lgalit des chances dans lenseignement suprieur, le dveloppement

    des liens entre les universits et le march du travail pour assurer lem-

    ployabilit des tudiants, la rorientation des curriculums en fonction de la demande du march, la promotion de la qualit dans le mode de fonctionnement des universits, lenseignement centr sur ltu-diant , lamlioration de la mobilit et la reconnaissance des diplmes roumains dans lEspace europen de lenseignement suprieur.

    Pour sortir de cette polarisation radicale entre partisans et adversaires

    des rformes portant la marque de Bologne, la premire condition serait de rendre plus transparent le processus lui-mme, dont lhistoire est lar-gement ignore. Il est considr comme une invention occidentale , mise en uvre pour rpondre des besoins du monde universitaire occidental, sans tenir compte de lhistoire et des besoins de lautre Europe (entretien avec Z.). Des travaux peu connus car peu diffuss en Roumanie ont attir cependant lattention sur la grande varit des

    modes dapplication et font tat de dterminants nationaux forts dans la mise en place des rformes (Musselin, 2008). Cest de toute vidence aussi le cas du mode dapplication de ces rformes en Roumanie. Nos entretiens ont montr limportant contraste entre lempressement des

    experts rformateurs adhrer aux principes de Bologne et les grandes rserves dun corps enseignant dnonc comme oligarchique . Les expertises et les publications, destines souvent un public restreint,

    font lconomie des dbats lintrieur de la communaut acadmique. Or les objectifs de dmocratisation de lenseignement suprieur, dint-gration europenne et de qualit dissimulent mal une censure de fait portant la fois sur les critiques et les dsaccords dune partie du corps enseignant et sur les inancements reus par les experts rformateurs pour la mise en uvre de leurs programmes24.

    Dautre part, la proclamation de lautonomie des universits, selon

    la charte adopte au dbut des annes 1990, na pas modii sur le fond ladministration centralise des tablissements par le ministre de lducation. Le processus dautonomisation a travers des tapes

    24. Une littrature critique abondante en France, mais pas seulement, sur les effets de la politique europenne nolibrale dans lenseignement et la recherche, reste

    largement mconnue en Roumanie, car elle nest ni cite, ni traduite. Lexpression

    des critiques est marginale, car peu mdiatise. Le inancement des projets de re-cherche est une bote noire, comme le choix de leurs valuateurs, trangers ou

    nationaux.

  • VOLUME 45, MARS 2014

    Miha Dinu GheorGhiu, Marius Lazr, aDrian neteDu et zoLtn rosts186

    contradictoires, avec llargissement des circuits de lgitimation par

    lintroduction dexpertises trangres en mesure de justiier les dci-sions administratives. La cration de commissions et de partenariats,

    dagences et de corps dexperts a permis limportation dune technolo-

    gie managriale (inspire pour lessentiel du New Public Management), qui suppose lusage frquent de termes anglais (learning outcomes, long life learning, etc.) devenus des slogans dune nouvelle langue de bois. Les remdes dinspiration nolibrale, qui prtendent traiter les

    problmes des institutions marques par un pass autoritaire, ont pro-

    duit un dsarroi profond et aggrav dans un contexte de crise.

    4. Les marchs externes et secondaires de Luniversit

    La libralisation des tudes, leur internationalisation et les liens ainsi

    tablis avec le march extrieur, mais aussi avec un march intrieur

    mergent taient apparus dans un premier temps comme convergents

    avec le processus plus large de dmocratisation. La fonction de luni-versit en tant que mcanisme de mobilit socioprofessionnelle, face des mcanismes concurrents, conomiques ou politiques, ntait pas

    conteste. Elle a pu jouer ainsi un rle rgulateur dans la recherche dun quilibre dificile entre les anciennes et les nouvelles lites pen-dant la priode de transition-restauration. Llection, en 1996, dEmil

    Constantinescu la fonction de Prsident de la Roumanie, la tte dune alliance civique de partis de la droite librale a marqu de manire symbolique le changement de position de luniversit dans

    lespace public. La victoire de ce professeur de gologie et recteur de lUniversit de Bucarest, lpoque prsident du Conseil national des

    recteurs (organisme consultatif) des universits roumaines, tait cense conirmer le succs de la transition politique et contribuer acclrer le processus dadhsion lEurope, y compris par ladoption des rformes de lducation. Cependant, la in des annes 1990 a reprsent aussi une priode de luttes intenses autour de la prsence des intellectuels dans

    la politique, avec la conversion de certains universitaires en experts (Gheorghiu, 2006 ; Mihilescu & Rosta, 2007).

    La monte rapide en grade des membres du corps enseignant aprs

    1989 avait ouvert les portes de luniversit de nouveaux recrutements,

    sans modiication majeure de lordre professionnel et hirarchique. Lapparition dun secteur priv de lenseignement suprieur et lacc-

  • Luniversit roumaine, une buLLe spcuLative ? 187

    lration de la circulation internationale des enseignants et des tudiants

    ont eu pour effets immdiats de renforcer les statuts et daugmenter les revenus des dtenteurs des positions dominantes. Pour cette raison,

    dans la littrature des experts en changement, cette premire phase

    ractive , du dbut des annes 1990, est voque plutt en termes de dsidologisation , de rparation par rapport la situation ant-rieure au changement de rgime politique (Vlsceanu et al., 2002). La question des ruptures de carrire, des bifurcations et des reconversions nest pas pose. Lviction des cadres universitaires les plus compromis

    politiquement et les purations qui ont prcd les mesures de dmo-

    cratisation sont en gnral passes sous silence25. Ce qui nencourage

    pas des analyses pourtant ncessaires des mcanismes de conversion

    politique et de reconversion professionnelle mis en uvre pendant cette priode. Cependant, il est vrai que, de manire gnrale, ces purations

    ont t relativement douces en comparaison avec ce qui a pu se passer ailleurs, dans lex-RDA en particulier26. Le remplacement de cer-

    tains cadres politiquement compromis27 et labandon de lenseignement

    idologique obligatoire auparavant dans tous les domaines dtudes et

    tous les niveaux allaient tre suivis de mesures visant la moralisation de la vie universitaire : publication de dclaration de patrimoine per-

    25. Il faut retourner des publications de la in des annes 1990 (Neculau, 1997 ; Stnciulescu, 1999) ou des reconstitutions rtrospectives (Mihilescu & Rosta, 2007) pour retrouver certaines questions poses au dbut du processus de change-ment.

    26. On doit Elisabeta Stnciulescu un des rares exemples dtude sur les anciens apparatchiks de luniversit roumaine (StnCiuleSCu, 2002, pp. 93-147). Pour ce qui concerne la comparaison entre la Roumanie et la RDA, voir Gheorghiu (1998

    [2007]) et Mihilescu, Rosta (2007). Ioan Mihilescu, ancien recteur de luniver-sit de Bucarest (dcd en 2007), considrait que les carrires acadmiques des anciens idologues du Parti communiste roumain, enseignants luniversit, navaient t en rien affectes aprs 1989, malgr quelques mutations (et un sui-cide) et leurs rcriminations ultrieures infondes (MihileSCu & RoSta, 2007, p. 30 sqq. Voir galement larticle de Hechler et Pasternack dans ce numro..

    27. Des enseignants ont t contests par les tudiants, compromis cause de leur

    proximit avec le rgime Ceauescu, mais il est dificile de parler dune vritable puration dans les universits roumaines aprs 1989. noter quun phnomne comparable avait eu lieu au mme moment dans de nombreuses entreprises et in-stitutions publiques du pays, de nombreux cadres dirigeants tant chasss, et ce

    plusieurs niveaux. Cela a favoris paradoxalement la reconversion dune partie dentre eux dans le secteur priv qui sest constitu par la suite, y compris dans des

    universits prives ou dtat nouvellement cres.

  • VOLUME 45, MARS 2014

    Miha Dinu GheorGhiu, Marius Lazr, aDrian neteDu et zoLtn rosts188

    sonnelle des dirigeants (accessibles en ligne), dcouragement formel du npotisme, dclarations de idlit lgard de luniversit dattache. Sous le signe de lacadmisme et du moralisme, ces premires transfor-mations du champ universitaire roumain aprs 1989 visaient dabord la

    restauration de luniversit classique . Les tudes humanistes, ren-forces par lintroduction luniversit des facults de thologie, dune part, les sciences sociales en expansion, dautre part, allaient devancer

    les tudes techniques, dingnieurs, qui avaient t les premires ilires du pays en effectifs.

    Plus tard, les transformations intervenues sur le march du travail, dans une conjoncture marque par la dsindustrialisation et le dve-loppement dun secteur tertiaire, ainsi que par lacclration dune

    migration saisonnire, ont contraint luniversit sorienter vers des

    formations professionnelles plus lexibles, plus particulirement dans ladministration (droit, conomie des affaires) et dans les sciences sociales, aptes sadapter une diversit de carrires, mme parmi les moins qualiies (Mihilescu & Rosta, 2007 ; Lambru, 2013). Prisonnire des nouvelles contraintes de lidologie nolibrale, luni-

    versit a d se positionner aussi comme institution de rgulation du

    march du travail : elle assure une prolongation de lge dentre sur le march du travail, concentre une main duvre qualiie sur le march intrieur, oriente une partie des lux migratoires travers des stages ltranger et permet une lexibilisation de lemploi prcaire ou gratuit par lentremise du volontariat. Cela peut aussi expliquer la bifurcation de certains conomistes, sociologues ou psychologues vers des carrires

    de gestionnaires dans lespace acadmique. Si la thologie a fait son entre au moment de la dsidologisation , les professions librales ont encore mieux russi, comme lindique la prsence de leurs repr-

    sentants des postes de dcision. Enin, dans lespace des institutions, la position charnire dune institution universitaire btarde comme la SNSPA (cole nationale des sciences politiques et de ladministra-tion), sorte dENA ou dIEP version roumaine, qui avait merg sur les ruines de lancienne Acadmie des sciences sociales et politiques du

    parti communiste, et qui concentre aujourdhui un nombre signiicatif dexperts et dvaluateurs dans plusieurs domaines, prend tout son sens

    dans le cadre de ces transformations successives.

  • Luniversit roumaine, une buLLe spcuLative ? 189

    Pour essayer de comprendre les contradictions dans lesquelles

    semble senfermer luniversit-entreprise, lanalyse propose par Christine Musselin (2008) des marchs du travail universitaire pourrait apporter quelques lments de comprhension aussi dans le

    cas roumain. Citant les travaux de Peter Doeringer et Michael Piore,

    elle distingue le march primaire, celui des emplois permanents, du

    march secondaire, des emplois temporaires, tandis que les marchs

    internes sont ceux o les dcisions concernant la main duvre sont prises par des rgles administratives, qui dpendent sur les marchs

    extrieurs directement des volutions des variables conomiques

    (Musselin, 2008, pp. 87-88). Les rformes les plus rcentes ont fait accrotre la part des marchs secondaires et des marchs externes dans

    lespace des activits universitaires. Leur progression rapide a creus

    des carts considrables non seulement entre tablissements, mais

    aussi, lintrieur des universits elles-mmes, entre les facults et dpartements rentables et les autres, en dicit (plus particulire-ment en sciences et lettres, domaines les plus anciens des universits

    classiques ), ainsi quentre leurs enseignants.

    en guise de concLusion

    Revenons pour un instant Iai, o la plus ancienne universit du pays traverse une crise dtermine la fois par des problmes dordre structurel propres lensemble du systme denseignement suprieur

    roumain (baisse dmographique et diminution de la part des droits dins-

    cription dans son budget), que par des problmes spciiques (endette-ment pour se maintenir dans la comptition de lexcellence et dpenses

    somptuaires pour augmenter son capital symbolique). Les solutions envisages sont de lordre de linternationalisation des tudes faire venir un nombre croissant dtudiants trangers , mais aussi de celui

    des mesures daustrit (rductions des ilires et du nombre de mas-ters). Un sentiment dincertitude et de mcontentement sest install parmi les membres du corps enseignant, et les critiques formules lintrieur ont t ampliies par la presse. La situation de cette univer-sit nest pourtant pas singulire et la crise nest pas seulement cono-

    mique. Elle touche de plus en plus les mcanismes de reproduction des

    lites et appelle des changements dun autre ordre.

  • VOLUME 45, MARS 2014

    Miha Dinu GheorGhiu, Marius Lazr, aDrian neteDu et zoLtn rosts190

    De lautre ct des Carpates, lUniversit Babe-Bolyai de Cluj, cest lattribution du titre de docteur honoris causa Gnter Verheugen, ancien Commissaire europen pour llargissement de lUE, en signe de

    remerciement pour sa contribution ladmission de la Roumanie, qui a

    dclench un mouvement tudiant de protestation. La prsence aux fes-tivits du Premier ministre roumain, mal lav des accusations de plagiat

    dans sa thse de doctorat, avait apport une justiication supplmentaire aux protestations. Les tudiants ont revendiqu la cration dun espace

    libre de dbats o ils espraient tre affranchis du statut de plus en plus apparent de clients , et une ducation qui ne soit pas assimile une marchandise . Si les ngociations ont abouti au dpassement des ten-sions initiales, le mouvement sest essoufl en labsence dune mobi-lisation plus large. Loccupation (sit-in) dun amphithtre du 26 mars au 9 avril 2013 de cette anne par un groupe dtudiants protestataires

    a fait apparatre des revendications de plusieurs ordres et a conirm la position qui revient la plus grande ville de Transylvanie, second

    centre universitaire du pays, lavant-garde des mouvements civiques.

    La dgradation des conditions de vie, les politiques daustrit, lexclu-

    sion du march du travail aprs des tudes prolonges sont des facteurs qui ont favoris la mobilisation, tandis quune vie culturelle intense a contribu lclosion de groupes intellectuels critiques tant des idolo-

    gies dominantes, nolibrales ou noconservatrices, que de limposture

    de la gauche tablie.

    Ces deux exemples contrasts invitent rlchir sur le rle qui revient aux mouvements sociaux dans lquilibrage des logiques

    concurrentes. Celles-ci saffrontent dans lespace universitaire roumain o lautonomie et lautorgulation professionnelles ont t mises mal par la logique de la marchandisation de lducation et les rationalisa-

    tions bureaucratiques.

  • Luniversit roumaine, une buLLe spcuLative ? 191

    annexes

    Notes sur les figuresLe nombre total dtudiants a t multipli par 8 entre 1990 et 2008,

    anne du dbut de la crise la fois dmographique et inancire du systme acadmique roumain. Les deux premires igures permettent dobserver le rythme plus rapide de la dcroissance aprs 2008, lorsque

    le nombre dtudiants diminue de moiti en cinq ans. Cela met sous

    pression un systme habitu fonctionner dans une logique de dve-loppement et de diversiication continue. La troisime igure fait apparatre le dclin du nombre denseignants du suprieur pendant les

    dernires annes du rgime Ceauescu (aprs 1982) et le rattrapage de ces effectifs pendant lintervalle 1990-1991. Cest la priode des politiques de restauration, qui rtablissent certaines facults et sections fermes auparavant. De 1992 2009, les effectifs du corps enseignant augmentent progressivement, pour doubler la in, pendant que les sp-cialisations se diversiient et les effectifs dtudiants augmentent aussi un rythme plus lev. Aprs 2009, les effectifs du corps enseignant diminuent galement, suite larrt de nouveaux recrutements et aux dparts contraints la retraite aprs 2011.

    La igure 6 expose la dynamique des principaux domaines dtudes aprs 1989 : dans un premier temps, les universits tendent restaurer des spcialisations marginalises de 1971 1989, puis, aprs 1995,

    sadapter un march des biens ducationnels ouvert et en mouvement.

    Ainsi, lenseignement technique (tudes dingnieurs), dominant dans lenseignement suprieur roumain des annes 1970-1980, seffondre aprs 1989, pour se stabiliser lentement par la suite, tandis que les

    sciences sociales et humaines, suivies par les tudes de droit et dco-

    nomie, montent au premier plan des choix dtudes universitaires.

    Les igures 7 et 8 indiquent la participation des universits prives au systme universitaire national. Les donnes les concernant ont t

    enregistres pour la premire fois pour lanne universitaire 1995-1996. Cest la priode du passage ltape mercantile des politiques du-catives.

  • VO

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    FIGURE N 1

    Nombre total dtudiants inscrits dans lenseignement suprieur, 1950-2013

    Source : Toutes les donnes sont tires de lINS, Annuaire statistique de la Roumanie 1957-2013, sries annuelles reconstruites.

    1950

    -1951

    1954

    -1955

    1958

    -1959

    1962

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    2006

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    53 0

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    67 8

    49 98 9

    29

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    221

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    FIGURE N 2

    Effectifs annuels totaux des enseignants du suprieur,1938 et 2012 (effectifs annuels totaux)

    1949

    -1950

    2009

    -2010

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    2005

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    300 000

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    250 000

    350 000

    2011

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  • VO

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    3

    1966

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    12-2

    013

    53 007

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    150 000

    200 000

    600 000

    300 000

    350 000

    techniques Mdecine et pharmacie

    Universitaires pdagogiques

    conomiques

    artistiquesjuridiques

    FIGURE N 3

    Dynamique des effectifs dtudiants dans lenseignement suprieur, par groupes de spcialits (1950-2012)

  • Lun

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    techniques

    juridiques

    Mdecine et pharmacie

    universitaires pdagogiques

    conomiques

    artistiques

    FIGURE N 4

    Structure de la population tudiante de 1950 2012, par grands groupes de disciplines scientifiques enseignes (pourcentages de la population totale, sries annuelles reconstruites)

  • VO

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    2004

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    2009

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    36,1

    44,3 44,9

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    tudiants Diplms

    46,1

    29,5

    23,9

    28,333,8

    41,9 41,642,7

    26

    21,5

    50,950,5

    35,737,8

    27

    23,523,724,2

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    23,223,3

    11,3

    20,8 20,8

    26,7 26,5

    FIGURE N 5.

    Part des tudiants et des diplms des universits prives dans le nombre total dtudiants (1992-2012)

  • Lun

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    2008

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    0,7 0 0 0 0 11,4 48,4 52,2 55,6 54,3 59,9 70,4 80,4 81,8 79,7 73,7 65,3 56,8

    37,041,752,358,263,657,347,846,441,741,141,542,946,24851,946,837,738,4

    20,1 21,5 25,4 25 22 22 18,1 16,3 16,6 18 23,1 30,8 37,7 44,7 38,5 32,6 21,8 18,7

    9,713,517,520,224,522,118,21713,811,710,915,616,315,416,718,918,19,1

    15,4 12,7 10,5 8,6 6,6 5,5 5,2 5,3 5,7 5,8 8,3 11,6 10 11,7 11,8 13,3 12,6 12,9

    5,26,27,487,56,46,53,93,63,42,74,143,62,61,80,50,1

    1998

    -199

    9

    0

    conomiques

    artistiques

    sciences pdagogiques

    mdecine et pharmacie

    technique

    juridiques

    Figure n 6

    Spcialisations des tudiants de lenseignement suprieur priv (1995-2011).

  • VO

    LUM

    E 45

    , MA

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    20

    14

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    1994

    -1995

    2007

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    2006

    -2007

    2005

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    2000

    -2001

    1999

    -2000

    1998

    -1999

    1997

    -1998

    1996

    -1997

    1995

    -1996

    1992

    -1993

    1991

    -1992

    1990

    -1991

    1993

    -1994

    0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0,4 3,2 4,8 6,4 5,4 6 4,8 4,4 4,9 4 4,3 4,2

    9,719,425,638,241,135,437,730,924,135,918,317,311,914,818,8 16,228,8

    51,2 38,3 31,6 27,3 20,4 19,7 18,2 18,9 13,1 14,4 21,8 27,1 31 32,3 31,9 36,5 34,9 34 34,8 32,9 29 26,1

    49,8 40,5 35,8 34,8 33,7 38,3 39,7 39,4 36,3 39,2 47,7 50,7 62,2 69,3 37,4 38,3 29

    25,224,927,727,428,733,635,837,236,942,141,335,929,921,822,928,536,147,15458,358,542,2

    46,5 44,3 39,3 37,8 36,6 39,4 41,2 43,6 46,3 52,9 57,6 69,7 79,3 79,6 65,7 59,4 50,5

    10,311,513,813,1129,78,88,17,46,86,75,23,52,63,35,87,911,315,622,229,534,2

    28,8 46,5 45,7 44,6 43,7 21,6 20,3 21,6 21,1 40,9 37,6 41,4 47,7 43,2 34,8

    11,913,9161617,317,519,819,721

    47,8

    21,719,316,98,44,65,96,66,17,49,112,514,913,7

    41,7 30,4 19,1 16,2 14,2 26,3 20,7 23,8 25,5 32,5 60,7 68,6 70,8 23,5 22,6 19,5

    0 0 0 0 0

    00000

    0 0 0 0 0

    0000000

    00000

    2008

    -2009

    2000

    -2010

    2010

    -2011

    2011

    --201

    2

    artistique public

    artistique prive

    conomique priv

    conomique public

    juridique public

    juridique priv

    technique priv

    universitaire pdagogique public

    technique public

    universitaire pdagogique priv

    10

    20

    30

    40

    50

    60

    70

    80FIGURE N 7

    Taux de lenseignement distance, en cours de soir et frquentation restreinte dans les universits publiques et prives, pour les principaux groupes de sp-cialisation (lenseignement en mdecine, public ou priv, nest dispens qu temps plein)

  • Lun

    ive

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    e ? 199

    19

    99

    -20

    00

    2011

    -201

    2

    2010

    -201

    1

    2009

    -201

    0

    2008

    -200

    9

    2007

    -200

    8

    2006

    -200

    7

    2005

    -200

    6

    2004

    -200

    5

    2003

    -200

    4

    2002

    -200

    3

    2001

    -200

    2

    2000

    -200

    1

    1997

    -199

    8

    1996

    -199

    7

    1995

    -199

    6

    0

    20

    40

    60

    80

    100

    120

    0,7 0 0 0 0 11,4 48,4 52,2 66,8 51,9 43,9 38 27,2 28,5 38,4 51,4 73,6

    26,448,661,671,572,86256,148,133,247,851,688,610010010010099,3

    38,8 42,6 37,5 25,9 31,6 39,8 47,6 52,6 56 53,3 46,9 42,9 29 22,3 38,7 40,8 55,7

    44,359,261,377,77157,153,146,74447,452,460,268,474,162,557,461,2

    21,1 17 12,7 12,1 23,5 29,6 37,7 40,5 38,9 37,2 29,4 16,8 8,1 7,1 9,7 13 20,9

    79,18790,392,991,983,270,662,861,159,562,370,476,587,987,38378,9

    1998

    -199

    9

    100 100 86,4 68 67,3 73,5 78,1 91,9 91,3 91 91,2 77,3 82,2 79,5 77 77,1 81,8

    18,222,92320,517,822,78,898,78,121,926,532,73213,600

    36,8 44,2 47,7 46 67,6 69,4 80,9 82,4 80,5 73,5 57,9 39,4 29,4 21,9 52 56 68,7

    63,2 55,8 52,3 54 32,4 30,6 19,1 17,6 19,5 26,5 42,1 60,6 70,6 78,1 48 44 31,3

    juridique privjuridique public

    universitaire pdagogique public

    universitaire pdagogique priv

    technique priv

    technique public

    Artistique public

    Artistique priv

    conomique public

    conomique priv

    Figure 8

    Rapport entre enseignement public et priv (%) pour lenseignement suprieur distance, en cours de soir ou frquentation restreinte, par spcialisations

  • VOLUME 45, MARS 2014

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