ARRABAL, Fernando • Fando et Lis. Théâtre de la Croix Rousse (Lyon). Bulletin 1 octobre 1965)

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Tlléitre tle 1;1 BUll - 1 OCTOBRE 1965 SOMMAIRE 4 - Théâlre politique - Théâtre poétique Jean ASïER - Lettre d'Arrabal 6 - Ou ..• Comment s'en débarasser ? .. . Bernard LESFARGUES 7 - Requiem pour une SIrène Jean BEURTON 10 - Jo Claraiel ou l'enfant-rat malgré lui Claude SPI ELMAN 12 - Programme 14 _ Arrabal : ouvrages publiés . 15 - Notes de mise en scène Gisèle TAVET 16 - Modest Cuixart, peintre espagnol J .-J. LERRANT 22 - Page des Am is du Théâtre Jacques TOUYON 23 - Gérard Reyne, René Metras

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ARRABAL, Fernando • Fando et Lis. Théâtre de la Croix Rousse (Lyon). Bulletin 1 octobre 1965) // Sommaire // Fando et Lis Arrabal / Saison 1964-1965 / Spectacles reçus / Saison 1965-1966 / Metteurs en scène / Peintres et décorateurs / Musiciens / Comédiens / Théâtre politique théâtre poétique Jean Aster / Fernando Arrabal Lettre du 16 septembre 1965 / ou… "coment s'en débarasser" Bernard Lesfargues / Requiem pour une sirène Jean Beurton / Jo Claravel Claude Spielman / Fando et Lis / Bibliographie d'Arrabal / Notes de mise en scène Gisèle Tavet / Modest Cuixart, peintre espagnol Jean-Jacques Lerrant / Les amis du TC-r Jacques Touyon / Gérard Reyne / René Metras

Transcript of ARRABAL, Fernando • Fando et Lis. Théâtre de la Croix Rousse (Lyon). Bulletin 1 octobre 1965)

Tlléitre tle 1;1 t~l·tti~W- ttIIS~~e

BUll - 1 OCTOBRE 1965

SOMMAIRE

4 - Théâlre politique - Théâtre poétique Jean ASïER

~ - Lettre d'Arrabal

6 - Ou ..• Comment s'en débarasser ? .. . Bernard LESFARGUES

7 - Requiem pour une SIrène Jean BEURTON

10 - Jo Claraiel ou l'enfant-rat malgré lui Claude SPI ELMAN

12 - Programme

14 _ Arraba l : ouvrages publiés .

15 - Notes de mise en scène Gisèle TAVET

16 - Modest Cuixart, peintre espagnol J .-J. LERRANT

22 - Page des Am is du Théâtre Jacques TOUYON

23 - Gérard Reyne, René Metras

Sa i son 1964-1965

JE ME SOUVIENS DE DEUX LUNDIS de ARTHUR MILLER (Création européenne).

LES AMANTS DE LA CROIX-ROUSSE de BERNARD FRANGIN et JEAN ASTER (Création) .

ROSAURA d'après LA VEUVE RUSEE de GOLDONI , adaptation de ROLAND CHALOSSE.

ANTIGONE de SOPHOCLE. Traduction et adaptation d'ANDRE BONNARD.

L'OURS de TCHEKOV.

FEU LA MERE DE MADAME de FEYDEAU.

FAIR SHOW IN THE PLAY : (LA PIERRE PHILOSOPHALE d'ANTONIN ARTAUD.

LE REMPAILLEUR DE CHAISES DE SAINT SULPICE de CAMI, LA MORT DE SOCRATE de JEAN-NOEL VUARNET, et des

extraits de BENJAMIN FRANKLIN KING, AMBROSE BIERCE, HANZ HEINZ EWERS, FLORIAN , ANATOLE FRANCE, NICOLAS

GOGOL, EUGENE IONESCO, CHARLES SWINBURNE, JEAN TARDIEU, BORIS VIAN).

Spectacles reçus

O.R.T.F. : TREIZE A TABLE (Association régionale culturelle) .

MAISON DE LA CULTURE DE BOURGES : LE CHEVAL CAILLOU de PIERRE HALET.

O.A.T F. : DAUDET L'ENCHANTEUR avec l'orchestre de la Station.

SEMAINE SEGHERS : POESIE ET CHANSON avec Luc BERIMOND.

THEATRE DE LA CITE CONTES DE MAUPASSANT par GERARD GUILLAUMAT.

Saison 1965-1966

FANDO ET LIS de FERNANDO ARRABAL.

METTEURS EN SCENE

JEAN ASTER, CHRISTIAN BOURGEOIS, RENE CHABERT, ROGER CORNILLAC, DENISE DENUZIERE, MAURICE DESCHAMPS,

MONIQUE FRANGIN, MICHEL OLIVIER, FRANCELINE ET CLAUDE SPIELMAN, GISELE TAVET.

PEINTRES ET DECORATEURS

IEAN ASTER, ALAIN BATIFOULlER, MARIE-THERESE BOURRAT, MODEST CUIXART, DENISE DENUZIERE, AIME DEVIEGUE,

EVARISTO, MAURICE FERREOL, RAYMOND GRANDJEAN, JEAN JANOIR, JlM LEON, MAX SCHOENDORFF, UGHETIO.

MUSICIENS .

RAYMOND CHEVREUX (et l'orchestre de l'O.R.T.F.), LUIGI CILlO , CLAUDE LOCHY, COLETIE MAGNY, HELENE MARTIN, MARC

OGERET, GERARD REYNE, GEORGES VALERY

COMEDIENS

JACQUES ANGENIOL, JEAN ASTER, BEATRIX AUDRY, RAYMOND BARNYS, CLAUDE BLANCPAIN, CHRISTIAN BOURGEOIS,

PIERRE CASARI , RENE CHABERT, ROLAND CHALOSSE, ROBERT CHAZOT, JEAN-PAUL CLAUZADE, ROGER ET MARIE-CLAUDE

CORNILLAC, JULIA DANCOURT, DOMINIQUE DEMANGEAT, DENISE DENUZIERE, MALJRICE DESCHAMPS, MARC DUDI ­

COURT, MARIE-LOUISE EBELI , CLAUDE FEZOUI, MONIQUE FRANGIN, PAULETIE FRANK, PIERRE GATINEAU, GENEVIEVE

HELMER, PAUL JANIN, CHRISTIANE LAURENT, CHARLES MALET, JULIEN MA.LLIER, JEAN MARIGNY, JEAN-LOUIS MARTIN­

BARBAZ, ANDRE MORTAMAIS, JEAN MOSSAT, MAURICE MUSY, MICHEL OLIVIER, EDDY ROOS, EVELYNE SAYAG,

FRANCELINE et CLAUDE SPIELMAN, GISELE TAVET.

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..

THEATRE POLITIQUE

Cette question t(!)Ujours posée par ceux

qUI ont pris la responsabilité de réduire

les distances qui écartent des faveurs dif­

férentes - faveur qu'un destin collectif

réduit souvent à l'injustice - cette ques­

tion posée l'est, et l'est bien, aux oreilles

sensibles des animateurs dont les rêves,

bien qu'empruntant des routes planétaires

n'ont, comme fusée, qu'un ticket d'auto­

bus. Croyez, amis du théâtre, amis de la

culture , amis de l'homme qu 'à un certain

moment de l'histoire, l'histoire change en­

core et que, la plus grande force révolu­

tionnaire contre l'injustice c'est la force

poétique.

C est elle qui invente les formes avant le

contenu ; c' est par elle que les révoltes se

suivent et ne se ressemblent plus ; c'est

par elle aUSSI, que l'hommê, finalement,

se fait un homme à l'image de l'Homme.

Jean Aster.

THEATRE POETIQUE

FERNANDO ARRABAL

LETTRE DU 16 SEPTEMBRE 1965 Je ne suis en forme pour rien. Je bois de l'encre c'est fou ce

que celle de mon encrier peut être bonne, et il sort de mes yeux uné

fumée bleutée dont je ne sais d'où elle vient. Ne faites ni thélître, ni

art, ni littérature, ni peinture . Ne faites rien. Donnons-nous rendez­

vous au centre de n'importe quel cerVeau. Je sens palpiter le mien :

pas le vôtre . (Et toi, tu es un peintre, Cuixart.) ]' ai la tête qui Va

éclater . La mienne. ]' aimerais être millionnaire. Je Vous aime et je

vous embrasse tous.

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ou ... «COMMENT S'EN DEBARASSER?»

Il en va d'Arrabal comme de BUrjuel rarement leurs admirateurs - ou leurs contempteurs - ont une conscience claire de ce qui les unit à l'Espagne, à sa littérature, à son art, à sa pensée (y a-t-il une pensée espagnole ?), à sa façon de vivre, et tout simplement à ce qu 'on pourra it désigner par son épiderme ...

L'héroïne de « Fando et lis » , promenée dans une voiture d'enfant, évoque d'emblée ce gnome hydrocéphale qu'on traine de foire en foire, dans les « Divines Paroles » de Valle-Inclan. Mais le rapprochement doit être rejeté comme fortuit, si l'on songe à ce que représente lis, beauté profanée, beauté bafouée, fleuri piétinée. Rien à vo ir avec le cadavre pourrissant de l'idiot. Par contre, son dérisoire chevalier servant, par l'exactitude absurde de son langage, avec sa bêtise, sa cruauté et son allure de fantoche, fait penser à ces ridicules personnages que Valle-Inclan portait à la scèn e dans son « Tablado de mario­netas '. De Valle-Incl an à Arrabal la langue s'est faite plus concise, les marionnettes ont une maigreur plus métaphysique, et les problèmes que leur dialogue soulève concernent plus direc tement chaque homme de ce temps . Arrabal s'est dépouillé de l'anecdote espagnole.

Mais il ne s'est pas dépouillé de l'Espagne. Surtout pas de cette « Espagne noire • qui court de l'Inquisition à la Guerre civile, et de Valdès Leal à So lana : entre ces deux derniers noms, le massif goyesque, d'où tout semble descendre et où tout semble aboutir. Par son nom même, Fando (on pense à « nefando " abominable, au « pecado nefando " et cet adjectif doit éclabousser de sang la conscience d'un Espagnol cultivé) est lié au sadisme des bourreaux ; d'ai lleurs, ne le voyons-nous pas enchainer lis à sa petite voiture, lui passer les menottes, la frapper, la tuer. Il n'est pas besoin, dira-t-on, de remonter jusqu 'à l'Inquisition quand on parle de torture : il suffit de regarder autour de soi. Mais si plongé soit- il dans le monde contemporain , Arrabal ne peut pas se défaire de ce qui colle à lui comme une peau lis exposée nue sur la route est une lointaine et sans doute inconsciente descendante des filles du Cid , attachées nues à des arbres par leurs maris et recevant les étrivières de leurs mains. Le sadisme de cette scène autour de laquelle pivote tout le poème du Cid est stupéfiant, s i nous le considérons avec d'autres yeux que ceux de l'érudit. Or nous nous trouvons aux origines mêmes de la littérature espagnole. Heureusement, pour les filles du Cid , que de preux chevaliers les délivrent d'une aussi inconfortable posture . Et les vengent. Dans la pièce d'Arrabal, Namur, Mitaro et Toso ne vont pas au-delà d'un constat : « Elle est morte puisqu'on n'entend plus son cœur '. Et ils accompagnent Fando, portant fleur et trainant chien , sur le chemin du cimètière . Complices par indifférence, bourreaux eux aussi par personne interposée.

D'autre part, lis pourrait bien incarner tout le drame de la femme espagnole que le fiancé bafoue ou que le mari met allègrement à mort : du Roman cero à Bardem, en passant par la cÇ)media, on reconnaitra la femme dans cette condition toute théorique de reine , mais une reine aux pieds et poings liés. Les maris de Calderon ont un aiguillon : l'honneur ; les jeunes gens de « Calle Mayor » des excuses: l'ennui , les conditions économiques, etc ... Fando, lui , veut être bon. Mais c'est à Tar seulement qu 'on pourra l'être. Et Tar est un lieu où l'on n'arrive jamais. A moins que, par la mort, on y accède? Et qu'en tuant Lis, Fando lui ait par là même prouvé sa bonté?

Ces interrogations nous renvoient à ce qu ' il est convenu d'appeler le théâtre de l'absurde . C 'est constater que ce qu'on peut déceler d'hispanisme dans « Fando et lis • ne nous fournit pas les réponses. Mais en s ' intégrant dans un théâtre apparem­ment dépourvu de références de temps et de lieu , Arrabal lui confère un ton et soulève des questions qu'on apprécierait malaisément sans ses références concrètes que j'ai essayé brièvement d'indiquer Avec les Catalans Joan Brossa et Manuel de Pedrolo, Arrabal écr it un théâtre actuel auquel la voix traditionnelle de l'Espagne est plus aisément accordée qu 'on ne pourrait, de prime abord, le supposer.

Bernard Lesfargues.

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REQUIEM POUR

Par un exercice de douceur, la guitare fait oraison . Sur un air à rêver, sur un air à s'emerveiller, elle vibre d'une légende naive : beaux enfants de miel et de lait amoureusement égayés SOUSI de hautes palmes - vert, Que j'aime vert - dans la majeste d'un profond paysage végétal. Les ombres, bien sûr, dans la moiteur de cette fin d'après-midi, tombent plus longues des montagnes, tandis qu'au loin presque toutes les chaumières fument. Pu isque le pipeau pastoral dialogue avec le lent ga­loubet du bord de l'eau, le jasmin devrait aimer la rose et l'enlacer, guirlande douce tiédie sur la gorge de Chloé avant de ceindre la tête de Daphnis . Beaux en­fants de miel et de lait, bercés de brises, de fil de lin , qui , jusque sur leurs lèvres jointes, goûtent les pollens fiévreux, de toutes les fleurs de l'Eden.

Mais les parfums sont trop lourds. Tubereuse et Da­tura, poisons suaves, versent dans la nu it de dangereux sirops, et l'oraison finit en leçon de ténèbres. L'églogue est en fuite et les bosquets plient sous le piétinement des ménades. Plectres, cystres et crotales ont disperse les pastoureaux, et la chanson, le cœur noyé d'une encre epa isse , croule en petales noirs autour de la bergère - Lis est son nom - qui jamais ne dansera sous les ormeaux. La vie gonfle sa bouche et son sein, la mort glace ses jambes. Elle est de ce mon'de jusqu'à la taille , de l'autre en dessous. Sirène pathétique et patiente, elle connait la nature des choses de part et d'autre dU' miroir. Pourtant, Cassandre sans cri , elle tait ce qu'elle sait, car, parvenue à l'indicible qui retient la moitié de son corps, elle n' ignore pas qu'elle attente ainsi à l'ordre des choses. Malgré de brèves révoltes, elle a suffisamment de douceur, d'amour et de dédain pour subir la violence du monde et faire du silence son arme et sa loi : elle est, sans commentaire, en situation de victime, parée, adorée, puis sacrifiée , télle cette Iphigénie, offerte à des rites sanglants, et ma­gnifiée dans la mémoire des hommes jusqu 'à reprendre , sacerdotale revanche, ' Ie couteau du sacrif ice en Tau­r ide. Comme cet autre qui disait adieu au monde en d'étranges chansons, elle s'autorise d'une dérision calme pour parer ses pieds morts de délicates chaussures de poupée, pour revêtir une trouble toilette découpée aux douze caresses , mariée maculée provisoirement rescapée de noces de sang, et pour parcourir , chargée d'orne­ments qui sont bijoux et entraves tout le chemin de la Passion sur l'acier caoutchouté d'une voiture d'infirme.

UNE SIRENE

L'infirmier, pardon le berger, Fando enfin, appartient tout entier à la terre, à sesl réalités et à ses chansons . Comme l'homme des Confessions, l'aurore chaque matin lui parait si belle qu' il s'élance à la rencontre du Monde. Quel obstacle l'arrêterait! Il est prêt à les emporter tous pourvu que l'affrontement soit violent et bref. Et pourtant les choses résistent calmement. Contre la pe­santeur, il fait donner la magie, avec quelle richesse , quelle variété, quel incomparable talent. Tel Merlin psal­modiant en s0l"\ cercle , il invoque, il construit le monde en le nommant. Une cadence est toujours prête à chanter et balancer en lui , comme les jets d'eau du Géneralife qu i savent par la grâce d'un beau détail magnifier un paysage avant de le féconder par une insensible imprégnation. Toute musique, tout langage est pour lui prétexte à séduction , s' il le veut bien, et il se donne l'orgueil de ne le point vouloir toujours, en artiste ménager de ses dons.

Mais le sortilège est parfois sans 'O'ertu . A ce point où Merlin souffre et se ta it , le berger bondissant adopte des methodeS' plus communes, et abandonnant le verbe pour le geste, entre sans hésiter dans l'habit d 'Arlequin . Toute apparence dès lors est sienne, tout être vit en son corps, garde civil ou torero . Il n'est masque qui n'aiguise son regard et force son rire , il n'est mime qui ne se gonfle d'insolence. A l'appel du tambour aux magiques baguettes , des cortèges folâtres ou penitents font trois tours et s'en vont, rejetés du pied au néant pour n'avoir su intéresser la sultane, la bergère, Lis. Lis, oui, sirène absente. Le montreur de marionnettes n'est pas content, auteur ulcére constatant que la magie n'opère plus. Or elle do it opérer, elle ne vit que de succès. Tout être est pour elle un médium qui doit illustrer son pouvoir, fulgurer soudain sous le faisceau invisible qu'elle concentre sur lui Voici que l'enchan­teur - presque pourrissant - se sent frustré de son public et tremble devant 'Ies profondeurs de solitude qui se creusent devant lu i : un désert qui n'est pas d'Exopotamie, mais à l'horizon duquel se lève bel et bien une mortelle zone noire. Lis n'a plus ses yeux, dit-il symboliquement. Elle se méfie certainement de lui, sans doute le juge-t-ell e. Intolérable !

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Et cet être qui n'obéit plus au pouvoir de l'esprit

devient chaque jour un peu plus un objet qui, lui, sera remodelé de force. La magie humiliée cède en outre à la tentation de jouer avec la femme, et de chercher Ruth dans la robe de lisa. Ainsi se développe un ef­

frayant jeu de poupée, d'autant plus agréable que la poupée dit papa, se plaint, et même, suprême plaisir, résiste un peu aux mains qui la manipulent, la parent, la caressent et la châtient. Une obscure colère croit en l'expérimentateur. Il n'est plus maitre de l'Univers, pour­quoi le serait-il de lui-même. Les épreuves imposées au jouet augmentent donc sans cesse, jusqu' au sacrifice final pratiqué dans le délire. Avant de céder aux juge­ments de valeur constatons qu'en tous temps on a voulu, pieuse illusion, briser les corps pour sauver les âmes, et magnifier la connaissance par la violence : saint François conduit à Torquemada lorsque l'amour n'a pas croisé la tendresse.

Naturellement cette synthèse paradoxale du sentiment et de~ la violence ne se développe pas de façon linéaire. Il s'agit plutôt d'une suite d'accords clairs et dissonants, d'une relation de la vague - déferlement et retrait -d'un exercice de flagellation réciproque. Les blessures qui en résultent avivent l'une après l'autre, le sentiment pesant de la grâce qui se retire, le regret d'un monde qui se défait. Quelle perfection et quel éclat pourtant dans ce monde où Fando et lis, ce n'était pas seulement Fando plus lis. Sans même y penser, sans fatigue, sans ennui, ils se mouvaient dans une « situation de qualité., ils vivaient à l'intérieur d'un diamant et projetaient sur l'univers une vive lumière. Ils reprenaient force et joie sur l'autel de leur commune magie, la petite voiture, symbole et support de leur microcosme. Le langage-chien était leur code, ils fabriquaient le mythe en continu, un certain dionysiaque léger se nouait sans cesse entre eux. Et puis, inquiétude secrète, les amants ont voulu voyager, aller non pas aux rives prochaines, mais à Tar où l'on retrouve, parait-il, le bonheur, à Tar que l'on cherche justement lorsqu'on l'a perdu. Au cours d'un dialogue décisif ils se promettent l'acquisition d'un ba­teau, et l 'on sait bien que la symbolique poétique unit fortement le cercueil et le vaisseau, conçus l'un et l'autre pour la traversée fondamentale . Dans cette image, apaisante et menaçante comme leurs sortilèges , les héros condensent leur destin et atteignent l'essence de la tragédie, progressant vers l'issue fatale chaque fois

qu'ils font effort pour s'en éloigner.

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Or, sur le chemin de Tar, voici venir de nouveaux pèlerins. Comme les précédents ils appartiennent à la confrérie de la confuse inquiétude, mais ils affirment bien vite leur originalité. Ils forment une petite commu­nauté craintive qui se protège du monde, et, pour ce faire, « prend des précautions '. Ils ignorent ce qui les menace réellement, mais ils se confortent d'un sen­timent généralisé de défiance. La grande peur des bien­pensants les habite et gouverne leur conduite : pour alléger le poids qui pèse sur eux, ils s'efforcent de le

porter en commun et se rassemblent sous un vaste para­pluie, tout à la fois doctrine, abri et rempart. La famille Fenouillard leur a sûrement fourni un modèle ; mais ils ont teint en noir le célèbre parapluie rouge qui fit le tour du monde, car ils sont gens sérieux, chargés de responsabilités intellectuelles.

Une communauté digne de ce nom ne saurait en effet survivre et prospérer, sans assumer réflexivement son destin. Ils sont particulièrement doués en ce do­maine. Ii si sont même capables d'une sorte de passion, et s'enflamment en de vives controverses de type méta­physique, telle que l'origine et la destination du vent. Bien entendu il ne s'agit pas d'explorer le monde par la pensée, exercice bien trop dangereux, mais de lui opposer des mots pour feindre de le dominer. Il suffit de choisir le sujet, et le sens du vent convient très bien. Ainsi va discutant cette Académie du Parapluie, ce détachement de l'Ordre Trottinant des Frères Pileux, à la manière dell moines de Byzance qui parcouraient les campagnes en troupe, expliquant aux populations labo­rieuses, les uns que les anges avaient un sexe, les autres qu 'ils n'en avaient pas. Pendant ce temps les barbares pressaient le pas, certains d'apporter à la pointe de l'épée une solution neuve fort propre à mettre les disputeurs d'accord.

Se mettre d'accord , autre mot-clef. Partager une opi­nion donne bonne conscience et fait oublier un peu la crainte. Commence alors la recherche pén ible du point de vue commun, la fabrication laborieuse de la motion dite de synthèse qui permet à chacun, avec un brin de

restriction mentale ou orale, d'abandonner une part de son point de vue, voire la totalité, mais cela donne tellement le sentiment de la victoire morale, afin de se retrouver sur le forum aux effusions ou les bons citoyens communient dans la même exaltation civique Ces travaux pratiques de démocratie mystifiée prévoient même l'existence d'une' minorité qui refuse l'accord, qui se maintient obstinément sur d'autres positions - mar­quées souvent au coin du bon sens - et qui s'expose de ce fait à la réprobation bruyante des Justes. Il est intéressant de remarquer à cet égard qu'après force glapissements les justes font ce que demandait l'oppo­sition , à savoir se remettre en route pour Tar, mais après avoir décelé et dénoncé le non-conformiste, el rien n'est plus doux à l'âme des justes.

Ils ont donc rencontré les amants rayonnants et ef­frayants . Après avoir pris des précautions ils ont cédé à la magie de Fando, ils ont reconnu le charme de lis. Et 'puis la mort est passée, soufflant les chandelles et retournant le parapluie. La tragédie, près d'eux, a vidé son dernier délibéré et armé le bras du sacrificateur. Ils se retrouvent bousculés, effarés, sans avoir compris grand chose. Pourtant un délire croît en eux. Un témoi­gnage fantastique les habite, des Odyssées parallèles naissent sur leurs lèvres. Le sens du drame leur est venu, et celui aussi de la fantaisie. Une fabulation puis­sante mousse en eux, les enivre, les soulève. Si bien que, Fando reprenant sa route avec une fleur et un chien, ils le suivent tout naturellement, tous ensemble. « Oui, tous ensemble ", dit leur porte-parole et l'on sent comme une promesse pour l'Espagne dans ces mots.

La route poudroie doucement. L'un des compagnons chante à mi-voix une chanson monotone qui fait monter aux yeux des larmes tôt bues par la poussière ; et lorsque le, bruissement de la légende se calme en eux,

ils entendent, discret et obstiné, le chuchotement de la

sirène pathétique, de l'Iphigénie grabataire qui parle encore, comme le Ganymède de Goethe, à la terre :

Dans ton sein, Je repose et je languis Et tes fleurs et tes herbes, Se pressent sur mon cœur. Là-haut me porte mon élan. Les nuages s'inclinent Vers la terre, les nuages Se penchent vers l'amour nostalgique Vers moi , vers moi.

Jean Beurton.

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JO CLARA VEL,

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FANDO - Regarde, Lis, comme la campagne et la route

sont belles.

NAMUR - C'est vrai, comme ça devait être joli.

FANDO - Lis est morte ?

NAMUR - Ce qui importe c'est de savoir où il va .

LIS - Fando, ne me bats pas, je suis malade.

MITARO - Il lui avait promis quand elle mourrait d'all er la vo ir au cimetière avec une fleur et un chien.

OU L'ENFANT-RAT MALGRE LUI

FANDO - Je vais jouer et chanter pour vous .

FANOO - Moi, j'ai entendu di re que personne n 'est arrivé,

bien que presque tou t le monde ait essayé.

A quarante ans, JO CLARAVEL songe à entre' dans la vie comme la plupart y songe à 25 ans. e Je vais commencer à m'assagir ", dit-il lui-même. Jusque-là , son apprentissage du métier de dessinateur fut essentiellement l'apprentissage de la vie. Sur le tas. Par expériences con crêtes , brutales, hasar­deuses.

Jo n'a pas un métier. Il en a 20 ou 25 - il a renoncé à en faire un compte exact - de cuisinier à conducteur d'engins , de révolutionnaire à prospecteur minier Le cercle se referme : né à Lyon, il y revient maintenant après avoir parcouru le Maroc, l'Algérie, la Tunisie, l'Egypte, le Niger, les Somalies, Madagascar, le Kenya, le Tanganyka .. pardon Jo si j'en oublie.

C'est au maquis, pendant la guerre, qu'il se li e d'amitié avec un jeune poète de son âge, Armand GAn!. Tous ~es deux, entre deux coups de main, vont admirer les étoiles et parler poésie. Ils seront prisonniers ensemble. Ensemble ils réuss i ront leur 3' tentative d'évasion . Mais l'évasion, c'est aussi la séparation.

Puis un jour, en 1962, Jo découvre à la devanture d'un libraire , un livre d'un certain Armand Gatti. Il s'aperçoit alors que l'amitié de misère et de lutte qui les avait liés les avait marqués tous les deux, puisque le héros d'une des pièces de Gatti, « L'Enfant-Rat ", c'était lu i, JO GLARAVEL. Il découvre encore que parmi les metteurs en scène qui se sont intéressés à Gatti , figure Gisèle TAVET, qui monta à Lyon • La deuxième existence du Camp de Tatenberg " . Sa rencontre avec le Théâtre de la Croix-Rousse prend donc une signification particulière.

Les dessins de Jo, dits humoristiques, sont tous grinçants, leurs thèmes sont la misère, l'exploi­tation de l'autre, son oppression. On fait une révolution avec des armes ; on la fait aussi avec une plume. Lui a choisi le crayon.

Comme le militant, il participe à la lutte sociale par le dessin. Un dessin qui se veut affron­tement, provocateur même, jamais satisfait, un dessin qui dénonce

Claude Spielman

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FANDO

Thème et variations en cinq tableaux de

Régie:

Décors et costumes:

Musique et improvisations:

Chorégraphie :

Par ordre d'entrée en scène

Lis

Fando

Namur

Toso

Mitaro

le chien à la fleur

Scénographes

costumes réalisés sous la directIon de

Assistant - Photographe

Eclairages

Accessoi res

Assistant - technique

coiffures

La musique originale est éditée par

ET LIS

Arrabal

Gisèle Tavet

Modest Cuixart

Gérard Reyne

Jacques Giraud

Franceline Spi el man

Roger Cornillac

Jean Aster

Maurice Deschamps

Claude Spielman

Louka

Batlle et Vilajoana

Denise Denuzière

Claude Fezoui

Georges Mestre

Jean - Paul Clauzade

Gilbert Favre

Claude Laheurte

Jean - Baptiste Piazzano

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·B.I B LlO G RA PHI E D ARRABA L

1958 - THEATRE 1

ORAISON LES DEUX BOURREAUX FANDO ET LIS LE CIMETIERE DES VOITURES

« Comme tout poète, ARRABAL a son univers à lui : féroce, et allègre, tendre, traversé de ces cauchemars que la guerre civile, la torture policière et les camps ont rendu familier aux jeunes Espagnols d'aujourd'hui. ..

La première pièce de ce recueil.. résume toute la philosophie de l'auteur FIDIO:« A partir d'aujourd'hui, nous serons bons et purs comme des anges ». A quoi LlLBE répond : « On ne pourra pas «Tu as raison,

dit aussitôt Fidio, ce sera très difficile. (Un temps) On essaiera »,

1959 - BAAL BABYLONE - Roman

1961 - THEATRE Il

« L'enfant de cette histoire n'a gardé de son père, républicain espagnol condamné , qu'une seule image

d'autrefois, lumineuse et obsédante. Sa mère, catholique monarchiste, tente de salir ou d'anéantir, en elle et en son fils, jusqu'au souvenir de !'absent. ..

Ce roman oscille entre amour et haine, cruauté et naïveté, impudeur etl crainte, docilité apeurée ' et révolte ,.,

LE TRIPORTEUR LA BICYCLETTE DU CONDAMNE LE LABYRINTHE GUERNICA PIQUE-NIQUE A LA CAMPAGNE

« Ce théâtre est comme le mimodrame parodique, enfantin et subversif des valeurs « adultes », dénoncées et démontrées comme inutilisables, voire inintelligibles ... Pourtant ce théâtre de l'horreur, où l'obsession de la mort violente ne cesse de circuler .... est également un théâtre d'une indéfectible ~itali té : le rire y

devient une arme de libération, une revanche de la faiblesse ».

1961 - L'ENTERREMENT DE LA SARDINE - Roman

« Enfermé dans une chambre aux murs nus, le nain HIERONYMUS y subit de la part de deux femmes , ALTAGORE et LIS, qui chaque jour viennent lui rendre visite, une double initiation: l ' initiation à la vie sexuelle et l'initiation à la connaissance. ARRABAL présente la première de ces initiations sous la forme inquiétante d'un culte sado·masochiste, tandis que la seconde semble se sublimer dans une mythologie magique .. Les clefs ne manqueront pas au lecteur pour interpréter les images insolites ou violentes de cette fascinanté

allégorie ; mais aucune, heureusement , n'en épuisera le mystère ».

1963 - LA PIERRE DE LA FOLIE

1965 - THEATRE III

1C Le plus souvent victime et quelquefois bourreau, le chantre de ce cauchemar vécu ne perd cependant pas

de vue des apparitions qui se glissent parmi ses monstres et qui, se nomment : ESPOIR OU SCIENCES. C'est que le poème terrible d'ARRABAL contient, si on sait le lire , l'Apocalypse de chacun '.

LE COURONNEMENT LE GRAND CEREMONIAL CONCERT DANS UN ŒUF CEREMONIE POUR UN NOIR ASSASSINE

« Le thème qu'ont en commun les quatre nouvelles pièces réunies dans ce volume est celui de l'amour : "lus exactement l'horreur fondamentale de l'amour ; tout à la fois sa splendeur tragique et son essentielle culpabilité . Ce sont quatre variations baroques et barbares où les figures de la Mère, du Fil s, de la Femme fatale et de la femme idéale se reconnaissent sous les masques et dans les situations tout à fait insolites que I.ur impose la fantaisie poétique et cruelle d'ARRABAL >.

Sujet:

NOTES DE MISE-EN-SCENE

Fando et lis recherchent le bonheur : ils vont à TAR.

Namur - Mitaro et Toso, les trois hommes au parapluie, rencontrent Fando et lis ment à TAR.

Pourquoi tournent-ils en rond ?

Peut-on atteindre TAR ?

ils vont égale-

Jeu : Des variations sur un thème : esthétique des ryt~ mes (mimique, voix, expression corporelle).

La Musique :

La Pièce :

L. Décor :

FANDO ET LIS : Les saltimbanques de l'amour - Jeu dépouillé! de l'enfance.

FANDO : Seule référence classique de la pièce Commedia dell'Arte.

LES 3 HOMMES AU PARAPLUIE : Théâtre dit de l'Absurde. Le monde des adultes vu par les enfants. Composition de marionnettes bavardes - Précision géométrique des gestes.

impose le climat et les rythmes . Elle doit être aussi nécessaire que les comédiens.

insolite, moderne, concise comme une tragédie grEcque. Doit être réalisée avec la rigueur d'un œil déshumanisé : la caméra, par exemple.

se veut symbolique comme la pièce elle-même.

La route de Tar n'est pas un paysage précis. On peut résumer ainsi le symbolisme des éléments du décor

CEUX QUI SONT FIXES :

LE TRIANGLE avec le fil à plomb, en même tempE qu 'il est signe de l'ordre qéométrique, symbol ise l' infini de la recherche et s'élargit peut-être aux di mensions d'une représentation occulte

LA FLEUR FANNEE SOUS GLOBE n'est-elle pas l'image d'un bonheur d'amour qu'on relègue déjà parmi les souvenirs.

LE PARAVENT ROUGE est l'expression des alibis et des dérobades de la société humaine matérialisée par les 3 hommes au parapluie.

LE GRAND MOTIF CENTRAL pourrait symboliser lE voyage vers TAR toujours recommencé.

ELEMENTS AMOVIBLES

LE MUR définit un espace de plus en plus réduit comme! la vie même.

LE MOBILE siÇJnifie à la fois le mouvement de la vie et une quête continue qui tourne en rond.

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MODEST CUIXART, PEINTRE ESPAGNOL

ZURBARAN CRUCIFIAIT LES MELONS D'EAU ET LES CITROUILLES. RIVEE A SON ŒIL, L'ECORCE DES PASTE­

QUES SE COUVRAIT DE LA GANGRENE DES A'GONISANTS ET LA VARICE DU DERNIER SPASME GONFLAIT SUR LES

FRUITS MURS.

DES SAINTS MARTYRS CROCHETES, PENDUS, REPENDUS , AU PAIN BIS CREVASSE, PRET A RENDRE

L'AME SOUS LE COUTEAU, S'ETABLIT LA COMMUNION DES VICTIMES. LE CRI DE LA REALITE, TRAQUEE JUSQU'A

L'ANGOISSE, COURT A TRAVERS LA BOUCHE DE LEURS BLESSURES.

IL Y A DANS TOUT PEINTRE ESPAGNOL UN TORQUEMADA, FOU D'AMOUR , QUI TORD LE GARROT

JUSQU'A CE QUE LA VENUS ENDORMIE ACCOUCHE DE LA CELESTINE EDENTEE, L'HOMME DIVIN D'UNE CHAIR

PUTREFIEE. A LA CHUTE DES TEMPS LE TORERO EXPIRE EN MUGISSANT, LA MULETA ENFONCEE DANS LA NUQUE.

MAIS LA MORT NE CONSUME PAS L'AMOUR DU BOURREAU. IL BLESSE ENCORE LES METAMORPHOSES, TAILLE

LES PLAIES OUVERTES DES ECHANGES POUR DEBUSQUER, ENFIN , LE NEANT INFORME OU LE PRODIGE D'UNE

RESURRECTION TAPIS SOUS LA VERRUE MENDIANTE, LE LUPUS ROYAL, A L'INTERIEUR DU SEIN OU DE LA BOSSE.

MODEST CUIXART N'A PAS ECHAPPE A CEnE PASSION ESPAGNOLE.

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IL LA PARTAGE AVEC LA GENERATION DES ENFANTS DE LA GUERRE CIVILE QUI ONT PRIS EN CHARGE UNE

P.EALITE DEJA MORTE ENTRE LEURS DOIGTS. UN CORPS DONT LA BOUCHE ET LES YEUX RESTAIENT OUVERTS

DANS UNE DEPLORATION MUETTE. IL FALLAIT SE TAIRE AVEC EUX. OU TROUVER D'AUTRES LANGAGES SCELLES,

D'AUTRES CRIS SINUANT ENTRE LES GOUFFRES. POURTANT LA REALliE, ET LES REALITES AUTRES, ET LES

FABLES, LES LEGENDES ENGENDREES DANS SON SANG MARTYRISE, ETAIENT BIEN AU TERME 8E CHAQUE ENTRE­

PRISE.

DESSINATEUR D'UNE PRECISION ANATOMIQUE EFFILEE, MODEST CUIXART A SU DEBRIDER LE REGARD,

ECUMER LES SIGNES ET LES ASTRES A LA SURFACE DE LA MER CATALANE, PUIS DECELER DANS L'ART INFORMEL

DES PRESSENTIMENTS ' BOURSOUFLES COMME DES CICATRICES QUI SUPPLIAIENT D'ETRE EXHUMEES. L'OR

DES GRANDS RITES COULAIT SUR CES RELIQUES, CES GRAFFITI D'UNE REVOLTE ENFOUIE AU CREUX DES

MONUMENTS FUNERAIRES.

A LYON, OU IL VECUT UN TEMPS DANS LES QUARTIERS MOISIS D'HUMIDITE SECULAIRE, CUIXART

DECOUVRIT AUSSI SUR DES MURS FUSILLES D'OBSCURS ET LIBIDINEUX BLASPHEMES, DES SYMBOLES BREDOUIL­

LES DANS LA GRISAILLE, DES INJURES LARVAIRES, DONT IL SE FIT L'ORFEVRE ATTENTIF.

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MAIS UN JOUR, L'HUMUS SE DESAGREGE. QUELLE SURPRISE ! l"ANCIEN COMBATIANT LAZARE, RESSURGI

GOGUENARD, AVEC SES POINTS D'IMPACT COMME DES DECORATIONS, SA FIGURE CAMUSE DE CIBLE, SA

COCASSERIE DE ROI-NEGRE ROULE DANS LA FANGE DES CHARNIERS, N'EST QU'UN AUTRE ETRANGER, INADAPTABLE

ET ENROUE! ENCORE UNE FOIS, LE GARROT FAIT COULER UN VIN INATIENDU, UNE IVRESSE ET UNE TORTURE

ASSOIFFEES, D'UN SUPPLICIE AUX AGONIES TOUJOURS EN FUITE.

FIGURATION, DEFIGURATION, PLONGEE DANS LA NUIT DE LA TERRE, REFIGURATION , TRANSFIGURATION :

MODEST CUIXARf A ACCOMPLI TOUTES CES ETAPES. SON GENIE BAROQUE S'EPANOUIT AUJOURD'HUI , BARIOLE DE

TOUTES CES EXPERIENCES. LE CHIFFRE, LE SIGNE, LA REALITE OBSERVEE, ENTREVUE, RESPECTEE, EVENTREE,

EXALTEE, LA PUTREFACTION IMMONDE ET L'OR ALCHIMIQUE, LES REVOLTES DECELEES, LES ESPERANCES DEVOi­

LEES, LE REFUS ET LA SOLIDARITE, LE NEANT DE LA FUREUR D'AIMER, L'INFINI D'AIMER, L'ANGOISSE D'ETRE,

L'HUMOUR ET LE SACRE, ECLATENT ENFIN ET SE MELENT DANS ILES ESPACES DE LA CONSCIENCE ET DE L' IN-

CONSCIENCE.

LE FABULEUX NAIT DE L'HOMME. L'HOMME RENAIT DU FABULEUX. LA TENDRESSE SE TERRE DANS LA

CRUAUTE. LES QUERELLES ABSURDES NE MASQUENT PAS L'AVEU FORCENE D'UNE FISSURE PAR OU COMMU­

NIQUENT LES CŒURS ET LES SEXES.

ARRABAL ET MODEST CUIXART ONT FAIT CREVER LIS ENCHAINEE, SOUS LES COUPS, SOUS LEURS COUPS ...

PARCE QU'ELLE ETAIT NOTRE AMOUR FOU DONT NOUS N'AVONS PAS SU DIRE LE NOM.

Jean-Jacques Le rrant.

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Les • d u ami s

Ce ne sont pas les mauvais spectacles qui étouffent les bons, c'est l'indifférence

du public.

Notre ville qui s'enorgueillit, à juste titre , de sa situation de métropole rhodanienne,

grâce à l'esprit d'entreprise de ses habitants et de ses édiles, souffre par contre d'une

indigence artistique et culturelle certaine. Ses artistes, parmi les meilleurs, doivent cher­

cher ailleurs une consécration que leur refusent, au départ, leurs concitoyens.

Cité laborieuse, honnête, fidèle et courageuse, au passé prestigieux, Lyon ne serait­

elle plus qu'un simple centre commercial?

II faut que cela soit dit, au risque de froisser quelques susceptibilités, avec l'espoir

de susciter certaines prises de conscience parmi nos élus. Mais la vie ' culturelle d'une

cité est à la dimension de celle de ses citoyens. Si nous restons indifférents, comment

reprocher à nos édiles de l'être?

Nous devons apporter une aide réelle et non plus capricieuse aux diverses activités

artistiques et culturelles qui nous concernent tous.

C'est pour ré.pondre à un tel objectif que vient de naître l'Association des Amis du

Théâtre de la Croix-Rousse animé par Jean Aster et Gisèle Tavet, avec l'espoir de per­

mettre la réussite de cette expérience.

J. Touyon .

POUR TOUS RENSEIGNEMENTS OU ADHESIONS AU CLUB DES AMIS DU TC-r

Jacques Touyon, lOS, rue du Président-Edouard-Herriot, Lyon - Tétéphone : 37-64-88

NOTRE PROCHAIN SPECTACLE, A PARTIR DU 21 DECEMBRE ·1 965

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GERARD REYNE

- né à Lyon à la fin de la dernière guerre,

- première guitare à 14 ans,

- étudie seul cet instrument en dehors des heures de classe ,

- en 1962, rencontre JOSE DE AZPIAZU, professeur de guitare au Conservatoire de Genève, musicologue éminent,

- abandonne alors les études scolaires pour la carrière musicale et travaille un peu plus d'un an à Genève avec AZPIAZU,

- depuis

- a donné plusieurs récitals à Lyon et fait éditer de nombreuses transcriptions d'œuvres class iques à la guitare à Madrid et à Paris,

- est également un des rares luth istes français

- depuis peu a mis ses talents de compositeur au service de la scène théâtrale.

UN L VONNAIS A BARCELONE : RENE METRAS FONDATEUR D'UNE DES PLUS IMPORTANTES GALERIES D'ART CONTEMPORAIN EN ESPAGNE

René METRAS dirige à Barcelone la galerie René METRAS, sans aucun doute la plus importante galerie de peinture contemporaine en Espagne. C'est cette galerie qui présente l'exposition de dessins et maquettes de MODEST CUIXART au Théâtre de la Croix-Rousse du 20 octobre au 21 novembre 1965.

René METRAS est né à Lyon en 1925, dans une famille de soyeux qui installa une fabrique à Barcelone au moment où la soierie lyonnaise imposait sa technique. Après la guerre civile René METRAS nouait les premiers contacts avec les artistes, écrivains et intellec­tuels de Barcelone qui fondaient à ce moment-là le premier mouvement d'avant-garde dans l'Espagne d'après guerre. Il contribuait à la parution de la Revue • DAU AL SET " dont ARNALD, PUIG, JOAN BROSSA, THARRATS, CUIXART, TAPIES et PONÇ furent les fondateurs et les collaborateurs. JOAN MIRO et PEGGV GUGGENHEIM contribuèrent également à l'animation de la revue.

René METRAS s' intéressa d'abord à l'œuvre de MODEST CUIXART dont il fut le premier collectionneur. Dans sa galerie, fondée depuis quelques années, René METRAS a organisé quelques expositions de première importance dont celles de WOLS, MATHIEU, MIRO, CUIXART, FAUTRIER, CHEREAU, Marcel MARTI, CUMELLA, CORBERO, PONÇ et MACHA­DO Editeur d'art René METRAS a fait paraître des monographies sur ses artistes et tirer des lithographies et des eaux fortes.

On peut dire aussi de la galerie de ce Lyonnais qu'elle est à Barcelone un des centres de réunion de la vie intellectuelle et artistique.

TI.éitre tle III t~r •• ix - r •• llsse

BULLETIN BIMESTRIEL DU THEATRE DE LA CROIX-ROUSSE - GERANT : JEAN ASTER I.B.T.P., Lyon . Dépôt légal 4' tr . J965, no '129 2 F.