Architecture = Durable, article Raphaël Ménard

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Mutations des programmes

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Dans une démarche d’écologie industrielle – commecelle qui est actuellement mise en œuvre à Zurich –,une fraction importante de ces déchets peut être recycléelocalement en vue de la fabrication de nouveaux bétons.

De la même façon, la réintégration dans nos territoiresurbains ou périurbains d’une partie conséquente desactivités agricoles présente de nombreux effets positifs :réduction de la dépendance alimentaire et des consom-mations énergétiques liées au transport, à l’emballageet à la réfrigération des aliments, possibilité de recyclerlocalement une partie des déchets organiques urbainsen vue de la fabrication de compost, augmentation del’évapotranspiration permettant de réduire les tempéra-tures estivales, augmentation des surfaces perméablesfavorable à une gestion locale des eaux pluviales…En outre, l’agriculture urbaine est par nature composéed’installations décentralisées de petite échelle, généra-lement génératrice d’emplois, potentiellement sobre enproduits phytosanitaires et porteuse d’une fortebiodiversité. Il est donc grand temps que l’urbanismes’intéresse à cette forme de l’agriculture qui nourrit déjàplus de sept cents millions de personnes sur la planète,principalement dans les pays du sud, et qui possède unlarge potentiel de développement dans les autres pays.

Notre façon d’aborder le bâtiment a tout à gagner à êtrerepensée. En effet, lorsqu’elle est uniquement focaliséesur l’échelle du bâtiment, l’approche environnementalepasse généralement par des stratégies de réductiondes consommations, et les perspectives architecturalesqu’elle offre ne sont guère réjouissantes : recherchede la compacité maximale, réduction de la taille desvitrages et des débits de ventilation, assujettissementdes fonctions vitales à un arsenal de détecteurs sontautant de moyens d’extraire le bâtiment de son environ-nement, au risque de créer des logements trop sombres,d’accroître les pièces aveugles, et d’offrir aux occupantsun air chichement compté et de piètre qualité.Malgré tous les efforts déployés, le constat est malheu-reusement là : le secteur du bâtiment continue àconsommer désespérément trop par rapport auxressources disponibles.

Dans une logique écosystémique, les stratégies disponi-bles font appel aux interactions et aux échangesentre partenaires plutôt qu’à la recherche individuelleet parfois crispée d’économies systématiques.Des bâtiments aux infrastructures, chaque entité del’écosystème urbain est à même de jouer un rôle adaptéà sa taille, à sa situation spatiale et à son statut.Un cycle d’échanges entre producteurs, consommateurset décomposeurs peut ainsi naître de la proximité d’en-tités complémentaires. Il est possible de réguler ce cyclepar de nouveaux outils de gouvernance, capables degarantir une cohérence entre, d’une part, le caractèrepérenne et structurant des grands équipements collec-tifs planifiés, d’autre part, le caractère plus éphémèredes constructions courantes liées à la dynamique immo-bilière et à la vie des entreprises.

Tandis que l’écosystème urbain ou métropolitain s’enri-chit de la diversité de ses composants, il est égalementsusceptible de favoriser l’éclosion de nouvelles entitésarchitecturales ou urbaines à partir de l’association« gagnant gagnant » de deux organismes complémen-taires, selon le principe de la symbiose. Celle-ci permetde tisser au sein d’une même entité architecturale ou

urbaine des réseaux d’échanges d’idées, de projets,d’énergie ou de matière. Si les bâtiments institutionnelspeuvent devenir les hôtes privilégiés de ces symbioses,d’autres équipements ont également vocation à jouerun rôle analogue grâce à leur vocation, leur échelle,leur emprise ou leur situation urbaine. Des rencontresprogrammatiques apparemment aussi improbables quecelle, rêvée par Lautréamont, d’une machine à coudreet d’un parapluie sur une table de dissection, sontsusceptibles de conduire, dans un cadre techniqueet économique viable, à de véritables hybridationsarchitecturales. La symbiose permet ainsi de réhabiliterla diversité et l’échange comme valeurs fondatricesde l’urbanité, et comme moteur de la créativité pourrendre nos métropoles aussi désirables que durables.

--------------------------------------------Notes1. « No man is an island, entire of itself. Every man is a piece of thecontinent », John Donne, Devotions upon Emergent Occasions andDeath’s Duel [1624], New York, Vintage Spiritual Classics, 1999.2. Leister R. Brown, Le Plan B. Pour un pacte écologique mondial,Paris, Calmann-Lévy, 2007.3. Voir Leister R. Brown, op. cit.4. À ce sujet, lire Suren Erkman, Vers une écologie industrielle, Paris,Éditions Charles Léopold Mayer, 1998.5. À ce sujet, lire William McDonough & Michael Braungart, Cradle toCradle, New York, North Point Press, 2002.

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La piscine-Spa d’Anzère est conçue comme unmonolithe habillé de verre et traversé par une faille delumière. Celle-ci est le lieu de distribution despersonnes, de la lumière et de l’eau. Le cycle de l’eauest constitué de trois bassins de baignade, et d’unjardin d’eau tropical qui fonctionne comme undispositif de phytoépuration. Il permet de se passercomplètement des produits chimiques habituellementutilisés, et d’offrir toute l’année une eau à 28 °C, saineet limpide.

Concours 2007, 2e prixProjet MinergieProgramme Piscine, Wellness, SpaSite Anzere, SuissePascal Gontier architecte

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Ressources infinies, territoires sans limites : le para-digme fondateur des premières révolutions industriellescontinue d’animer les modèles économiques qui sous-tendent notre civilisation. Société schizophrène, noussommes aujourd’hui conscients du crash annoncé entrecette approximation nécessaire de la fin du XVIIIe siècleet l’asymptote devenue lisible des capacités limitéesde la biosphère. The Corporation, le documentaire deMark Achbar, Jennifer Abbott et Joel Bakan, rappelle

justement le verrouil-lage de ce mode depensée par notresystème économique.Modeleurs de l’espace,portons un regard neufsur les environnementsde vie que nous avonsconçus et bâtis. Il estaujourd’hui plus quetemps de les interrogerà l’aune desconstantes physiquesqui régiront la péren-nité d’une humaniténombreuse.

Les trois empreintes du concepteurQuel est le pouvoir du concepteur sur la durabilité ?Sans doute celui de traduire et de transcender de façonsensible et poétique les usages programmatiques enbesoins minimaux. Et trois empreintes semblentaujourd’hui prioritaires quant à leur impact sur l’urgenceenvironnementale :

- Empreinte spatiale de nos usages : comment faireen sorte que chaque fonction de vie minimise saconsommation de territoire ?- Empreinte de nos besoins énergétiques : pour unbâtiment, quels principes de conception orchestrerafin qu’en réponse à des contraintes de confortdonnées (température, renouvellement d’air, niveaud’éclairement…) la « boîte » architecturale mini-mise le recours à un contrôle actif de la température,à de la ventilation mécanique, à de l’éclairage artifi-ciel, etc. ? À titre de comparaison, pour l’architectenaval, il s’agit de travailler à la géométrie hydrody-namique de la coque du voilier avant même dechercher à augmenter sa voilure.- Empreinte carbone : comment la mixité spatiale,la bonne organisation du territoire et l’inventiond’objets bâtis pourraient-elles enfin susciter denouvelles stratégies de réduction des émissionsde gaz à effet de serre ?

Finalité ?Il s’agit de se concentrer notamment sur une remiseen cause des façons d’aborder le projet spatial au-delàdu bâtiment : quartiers, villes, voire territoires.Nous dresserons ici quelques constats et rassembleronsdes idées disparates sous le sceau des trois empreintesévoquées précédemment pour, finalement, parvenir àcette interrogation : la durabilité n’est-elle pas condi-tionnée par l’abandon de l’ordonnancement classiqueet arborescent des choses au profit d’une mise en rela-tion de toutes les interdépendances ?Ne doit-on pas voir dans le texte de ChristopherAlexander A City is not a Tree (1965) les prémices d’unepensée transversale qui ferait écho à la poétique propo-sition du sociologue et philosophe Bruno Latour detransformer la Haute Chambre en Parlement des Choses ?

Surfaces de nos usages

De la taille minimale de nos autarciesFordisme des territoires, dilution de nos présencesFille de la Modernité, la spécialisation fonctionnelle desterritoires est poussée à son paroxysme tandis que lapauvreté programmatique généralisée – zones commer-ciales, zones pavillonnaires, quartiers d’affaires, etc.– dissémine nos vies. Se loger, se divertir, travailler,méditer… : la somme de nos usages se nichait aupara-vant dans la partie, dans un morceau de territoireunique qui était le quartier ou le pays. Les lectures deLa Ville franchisée de David Mangin et de Ville libérale,ville durable ? d’Alain Cluzet fournissent de précieuxéclairages sur les mécanismes à l’œuvre. Finalement, lemotif de territoire, qui a capacité à assouvir la plénitudede nos usages, ne cesse d’enfler et tend à ressembler

à la surfacecomplète duglobe ! Doit-onvoir dans l’émer-gence del’agence detourisme spatialVirgin Galacticla révélationde la fin de toutexotismeterrestre ?

RaphaëlMénard, architecte, ingénieur, directeur d’Elioth / Groupe IOSIS

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Morale pour nos espaces KleenexAvec si peu de considération pour la rareté spatiale,nous détruisons l’espace naturel en perdant le contrôlede notre « automobilité » et de ses effets conjugués(émissions de gaz à effet de serre, temps perdu,problèmes de santé, isolement social, etc.). Dans unmouvement parallèle, toute notre production d’espaceset de territoires entre dans un métabolisme de cycle devie court : détruire / bâtir, quitte à en payer cher l’im-pact énergétique et en CO2 et le corollaire, les nuisancesde chantier.

Mutualiser un objet pour plusieurs fonctionsDans ce canevas, il faut sans doute refonder la mono-fonctionnalité des objets. L’exemple des pylônes« Wind-it », porté par l’équipe d’ingénieurs Elioth etl’agence d’architectes Encore heureux, est éloquent :pour un coût paysager et environnemental identique,divisons par deux l’empreinte d’un objet en lui faisantassumer deux fonctions – support du réseau de transportélectrique et objet producteur d’électricité. À ce titre,les « Montagnes solaires » participent de la mêmeapproche en conjuguant exploitation agricole sous serreet production d’électricité. La concrétisation et la géné-ralisation de ce type de démarche supposent,parallèlement, de réévaluer la conception strictementarborescente des responsabilités.

Un squelette = un programme?Dans notre course à l’hyperperformance, chaqueprogramme – logements individuels, bureaux, entrepôtslogistiques… – est l’aboutissement d’un optimumdélai-coût lui attribuant un pedigree sans doute tropspécifique pour qu’il puisse être flexible au-delà desa destination programmatique.

Transformer les attendus du permis de construire ?Comment proposer aujourd’hui la reconversion d’unbâtiment de bureaux R+5 de 18 mètres d’épaisseur enlogements ? Comment envisager la transformationd’un hôpital en école ? Pour forcer une mutation de nosstéréotypes, n’y a-t-il pas lieu d’inciter les architectesà fournir d’emblée la faisabilité d’une autre destinationprogrammatique de leur commande ? Ne pourrait-onimaginer que l’étape du permis de construire soit l’occa-sion de faire la preuve que l’intelligence géométrique detel bâtiment de bureaux rend possible sa reconversionen logements dans quinze ans ?Cette condition de durabilité supposerait aussi de revoirnos conservatismes normatifs (règlement de sécuritéspécifique à chaque programme, par exemple).

Surface de nos mobilitésUne taxe d’habitation intégrant l’emprise de nos mobi-lités individuelles ?Soit une ville dense. Quelle est la part de l’espace publicdévolue à nos mobilités ? Prenons le 9e arrondissementde Paris, où la surface moyenne de logement rapportéeà l’habitant est de l’ordre d’une trentaine de mètrescarrés. Associée au fait que la densité bâtie parisienneest d’environ de 4, la part d’occupation du sol bâti estd’environ 7 m2 pour l’usage de mon logement. La voiturestationnée dans la rue occupe, elle, près de 10 m2 devoirie, notamment en stationnement lorsque j’habitemon logement…La fiscalité locale ne devrait-elle pas prendre en comptenotre consommation globale du territoire commun ?

Honoraires ~ surfaces?La vie économique des concepteurs se fonde sur levolume et la surface des travaux. Devant notre gabegiespatiale, ne serait-il pas justifié de refonder lesméthodes de calcul des honoraires afin que, dansl’esprit du concepteur, la valeur ajoutée ne soit plusassociée à la masse mais à la qualité et à la durabilitépotentielle de nos intelligentes conceptions ?

Sillages énergétiques

Géométries urbaines solairesRappel sur l’architecture bioclimatiqueLe recours aux principes de l’architecture bioclimatiqueest souvent rappelé aux concepteurs lorsqu’il s’agit deparvenir à la définition de bâtiments énergétiquementvertueux. Cette grammaire sous-tend un jeu savantdes volumes qui optimise le fonctionnement natureldu bâtiment pour des conditions climatiques données.En matière de logement par exemple, cela supposede privilégier au maximum les baies vitrées au sud afinde bénéficier d’apports de chaleur gratuits en hiver ;des systèmes de protection solaire extérieure réduisentconjointement le flux incident hors de la période dechauffe.Qu’en est-il cependant quand l’horizon est partiellementmasqué du côté méridional1 ? Comment parvient-on àrépartir de façon équitable le droit au soleil lorsqu’ils’agit de constituer un fragment de ville ? Commentpasse-t-on de l’optimum individuel à la maximisationglobale ? BedZed (Beddington Zero Energy Development),

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dessiné par l’agence de Bill Dunster, a fourni unepremière réponse en organisant les logements selon desbarrettes orientées essentiellement est-ouest et dontl’épannelage en coupe nord-sud est tel que chaquebarrette ne produit pas de masque en hiver à celle situéeen aval dans la direction septentrionale. Comment géné-raliser ce principe aux différentes formes urbaines ?

Vers l’urbanisme bioclimatique ?Le problème posé se résume dès lors à cette interroga-tion : pour un spectre urbain donné2, quelle formeurbaine se fait le moins d’ombre à elle-même ? Énoncédifféremment, quel arrangement spatial des volumespermet de maximiser les apports solaires en périodede chauffe ? Quelle grammaire morphologique estsusceptible d’assurer un fonctionnement équitabledu bioclimatisme ? Dans le cas d’une intervention ausein d’une morphologie déjà constituée et donc avecdes conditions de masque données, quelle géométrieoptimale maximise l’ensoleillement hivernal duprogramme ?

Premier exemple en coupeL’approche présentée ici évalue la forme urbaine poten-tiellement à même d’optimiser la récupération dechaleur directe par les façades sud pour une constitu-tion de façade sud donnée. Est laissée de côté danscette première analyse la capacité de récupérationde chaleur et/ou d’énergie en toiture comme sur lesautres façades.Dans l’étude ci-dessous, nous recherchons l’optimumen coupe ; le problème est simplifié en coupe bidimen-sionnelle nord-sud. La profondeur de chaque élémentbâti est de 12 mètres ; chaque étage fait 3 mètres dehaut ; enfin, l’angle solaire incident est de 20° parrapport à l’horizontale. La densité bâtie testée est de1,5 et la coupe ci-dessous donne l’état initial à partirduquel nous effectuerons les permutations successivespour comparer les scores solaires obtenus. Au fur et àmesure des itérations, l’algorithme conserve la coupeayant obtenu le meilleur score scolaire (ratio de façadessud recevant le flux solaire direct).

Le trait jaune représente l’angle solaire incident.Le score solaire de cette permutation est de 62 %.Au bout de 100 itérations, le score solaire passe à 77 %et la permutation est alors la suivante :

Au bout de 4 000 itérations, le score solaire passe à 78 %pour la configuration suivante :

Au bout de 10 000 itérations, le score est identique maisavec une configuration différente :

Cette configuration n’est pas sans rappeler la coupefondatrice du quartier de BedZed.

Exemple de généralisation en 3DLes images ci-dessous illustrent la généralisation tridi-mensionnelle de l’approche par permutation de massesbâties.

…Et les rues ne seront pas forcément orientéesest-ouestLes calculs menés à partir des scores solaires attribuésà des permutations aléatoires de masses bâties donnéessur une grille permettent :

- d’obtenir des « sets » de morphologie de quartierqui maximisent potentiellement les apports solaires ;- d’analyser, selon une densité bâtie donnée, l’inci-dence du spectre urbain sur la performance solaire.

Il y a lieu de développer ces recherches au moyen d’algo-rithmes élaborés, issus des sciences de la complexité(par exemple algorithmes génétiques), pour peut-être

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en déduire des règles de prospect associées à unesituation géographique donnée.Ce type de démarche « totalitaire » peut effrayer deprime abord les tenants d’une approche classique duprojet urbain. Pourtant, il ne s’agit pas d’inféoderla pensée de la ville au diktat géométrique de la cinéma-tique solaire. Voilà d’abord un outil supplémentaired’arbitrage sur les choix de tracés.À titre d’exemple, lors de l’agrandissement du quartierVauban à Fribourg, les habitants souhaitaient organiserles extensions de logements en privilégiant les orienta-tions nord-sud. La ville en a décidé autrement ; lacontrepartie est que les logements ne peuvent plusatteindre le niveau PassivHaus, du fait d’une moinsbonne récupération des apports solaires hivernaux.

Neutralité énergétique vs. densité du bâtiIl subsiste un étrange paradoxe quant au discours surla densité : plus le tissu bâti est dilué, plus la surfaceofferte aux éléments – et particulièrement le soleil –est importante pour un mètre carré utile3… Énonçonsdifféremment le problème : imaginons une tour tertiaireinstallée dans la bande tropicale, où, pour simplifier,le flux solaire est principalement au zénith ; la récupéra-tion d’énergie renouvelable s’effectuealors nécessairement en toiture4. Figurons-nous aussiune récupération très efficace de l’énergie solaire grâceà une toiture de type héliothermodynamique5, avec unetrigénération convertissant 25 % du flux en électricité,25 % en froid et 25 % en chaud. Rêvons alors d’une capa-cité de stockage de ces différentes productionsd’énergie.

Dans la bande tropicale, le flux solaire annuel horizontalest de l’ordre de 2 000 kWh/m2/an6. Nous disposons doncd’une production de 500 kWh par mètre carré de toituredans les conditions énoncées ci-dessus. Figurons-nousaussi que la tour est très sobre et que chaque mètrecarré de plancher ne requiert que 25 kWhEF/an pourchaque type d’énergie.

Plafond de la neutralité énergétiqueNous voyons alors apparaître une limite théorique àl’autosuffisance énergétique du bâti qui, dans cetteapproche très optimiste, plafonne à une vingtained’étages au maximum ! L’éolien peut fournir un appointmais cela suppose d’y dédier une très importantesurface en élévation ; or, ajouter une dizaine d’étagesaux vingt précédents implique d’augmenter encore lahauteur de la tour afin d’y loger des aérogénérateurs.

Vêtements été-hiverÀ l’aube de la réactivité de l’enveloppe des bâtiments(une doudoune hermétique pour l’hiver, un tee-shirtrespirant l’été), y a-t-il lieu de préfigurer la ville-para-pluie, qui augmenterait sa compacité en saison froide ?Il faudrait pour cela convoquer les utopies de RichardBuckminster Fuller (Manhattan sous une cloche àfromage) et de Frei Otto (habitats polaires), voirel’expérience de Biosphère II ou l’univers sous bulle deGlobalia narré par Jean-Christophe Ruffin. Mais cesschémas ne contiennent-ils pas des relents d’eugénismeet de préfiguration de sociétés confortablement totali-taires ?

Le coût en CO2

Reculer la traduction du besoinen consommation énergétiqueDéfinir de sobres accouplements programmatiquesLes nouvelles mixités offrent l’occasion de faire des« déchets » thermiques des uns les intrants climatiquesdes autres. Nous savons par exemple qu’il est efficaced’adosser des logements principalement orientés au sudà des bureaux exposés au nord. En hiver, la chaleurnécessaire au confort nocturne dans l’habitat est trans-férée aux bureaux dès le matin ; la chaleur des bureauxassociée à leur activité est ensuite retransmise auxlogements en début de soirée.

La logiqueNous sommes de fait dans une approche autiste desatisfaction de nos besoins climatiques : chaque besoinest traduit individuellement en consommation énergé-tique. Si nous additionnions nos besoins au préalable, lasomme du froid et du chaud conduirait nécessairement àune traduction énergétique plus faible que lors de l’ad-dition des deux traductions en énergie finale. C’estfinalement une grande chance que les besoins soient unevaleur algébrique !

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ConclusionPour l’énoncer différemment, les nouvelles mixités sontl’occasion de redémontrer la véracité de l’inégalitétriangulaire /x+y/ ≤ /x/+/y/.

De nouveaux réseaux?Mutualiser la production de chaleur solaireTout, encore une fois, est affaire d’ordre de grandeur…Imaginons un quartier dont les besoins chauds des loge-ments sont de l’ordre de 30 kWhTH/m2HAB/an(hypothèse constructive deux fois moins contraignanteque le PassivHaus). Si la surface moyenne des logementsest d’environ 70 m2, les besoins annuels en chauffage dechacun d’eux sont alors d’environ 2 000 kWhTH/an.Sous nos latitudes, le flux solaire annuel reçu sur un planvertical orienté au sud est d’environ 700 kWh/m2/an.Si nous imaginons de coupler des capteurs thermiques àhaut rendement avec un volume de stockage adéquat,3 m2 de capteurs et 30 m3 d’eau suffisent à produire et àstocker la pile thermique nécessaire aux besoins annuelsde chaleur pour un logement.

Château d’eau solaireÀ l’échelle d’un quartier comportant 100 maisons, unetour solaire de 30 mètres de haut et occupant en plan uncarré de 10 mètres assurerait alors la production solaireet le stockage pour tout le quartier…

Imaginer des réseaux d’eau tièdeReste alors à implémenter un réseau d’eau tiède assu-rant par exemple un chauffage par le sol de l’ensembledes 100 logements.

Agréger les optimisationsPrenons l’exemple de la simple conjugaison des relationslogement-travail et de leurs émissions en CO2 pour lire lepoids de notre mobilité. Nous sommes en 2010.

Pierre PriusPierre habite Montreuil ; il rejoint chaque jour son toutrécent bureau « carbone-neutre », distant de 25 kilomè-tres, avec sa Prius qui émet moins de 100 grammes deCO2/km. Les émissions de CO2 annuelles de Pierre pouraller et revenir de son lieu de travail sont, en premièreapproche, de 1 000 kg7. Soit, à titre de comparaison,près du sixième des émissions annuelles moyennes d’unFrançais.

Paul HairatépéPaul habite Vincennes et rejoint tous les jours en RERson bureau situé dans une tour des années 1970 àLa Défense. La tour est de conception ancienne et malentretenue ; un audit carbone a récemment montréqu’elle émettait près de 40 kg de CO2/m2/an pour assurerun confort hygrothermique de qualité moyenne à sesoccupants. Le bilan de Paul pour son métro-boulot estdonc d’environ 500 kg de CO2/an8.

MoralitéBâtissons nos réseaux de mobilité peu émetteurs de gazà effet de serre avant d’imaginer du bâti à faibleempreinte environnementale.

-----------------------------------------------Notes1. Dans l’hémisphère Nord !2. La représentation du pourcentage relatif d’emprise au sol des bâtisde hauteurs différentes. Pour une forme urbaine étalée, un spectreurbain serait par exemple : sol>75 %, R+0>13%, R+1>10% et R+2>3%.3. Le ratio surface SHON/surface toiture est globalement croissantavec la densité.4. Les récupérations en façades est et ouest sont faibles puisque lesoleil, dans la bande tropicale, passe très rapidement de l’horizon auzénith.5. Par exemple, les miroirs cylindro-paraboliques ou miroirs deFresnel.6. À Paris, le flux solaire horizontal est de l’ordre de 1 100 kWh/m2/an.7. 10 m2 x 0 kg de CO2/m2/an + 25 km/aller x 2 x 200 jours x 100 gr de CO2/km.8. 10 m2 x 40 kg de CO2/m2/an + 25 km/aller x 2 x 200 jours x 10 gr de CO2/km.

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