Archéo Théma n° 01 - Lyon

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ThÉma capitale de la Gaule romaine Revue d’archéologie et d’histoire 1 | mars-avril | 2009 L 13248 - 1 - F: 6,00 - RD L archÉo archÉo Thema Lyon

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capitale de la Gaule romaine

Revue d’archéologie et d’histoire

1 | mars-avril | 2009

L 13248 - 1 - F: 6,00 - RD

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Lyon

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Éo archÉoThema Sommaire

no 1 | mars-avril 2009

Coordination scientifique du numéro : Matthieu Poux, professeur d'archéologie à l'Université Lumière Lyon 2.

Le théâtre et l'odéon sur les pentes de la colline de Fourvière. Photo m.-n. Baudrand.

Lyon, caPiTaLe romaine

2 Lugdunum, une vieille histoire ? Matthieu Poux3 L’archéologie à Lyon, Michel Lenoble4 La gestion de l’archéologie à Lyon en quelques chiffres, Luc Françoise-dit-Miret 4 Le système d’information archéologique

ALyAS, Anne Pariente5 L’atlas antique, Michel Lenoble

6 Les antécédents de la colonie, du VIe au Ier s. av. J.-C.

par Stéphane Carrara et Guillaume Maza

Lyon, caPiTaLe PoLiTiQUe

12 Lugdunum, émergence d’une capitale politique

par Armand Desbat et Matthieu Poux

17 Lucius Munatius Plancus, le fondateur oublié, par Matthieu Poux

18 Le territoire de Lugdunum par Matthieu Poux et Tony Silvino

23 Le « vin du Triumvir », un cru oublié de la colonie de Lugdunum, par Matthieu Poux

24 Des os et des pollens au service de l’Histoire de Lyon, par Thierry Argant et Catherine Latour-Argant

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LYON, CAPITALE ÉCONOMIQUE

26 Productions et échanges par Hugues Savay-Guerraz

31 La monnaie à Lugdunum, Par Jonas Flück32 Un témoignage d’une grande batellerie fluviale gallo-romaine, Eric Rieth

34 L’habitat et le luxe domestique par Armand Desbat

LYON, CAPITALE CULTURELLE ET RELIGIEUSE

38 Les édifices de spectacle par Djamila Fellague

40 Les édifices religieux par Djamila Fellague

43 Les mausolées de la nécropole de Trion Par Djamila Fellague44 Un panthéon cosmopolite, Par Matthieu Poux

46 Monuments et pratiques funéraires à Lugdunum

par Laurence Tranoy

50 Les nécropoles de Vaise et de la rue de Bourgogne par Michèle Monin

53 Les fosses-bûchers du 62 rue du Commandant Charcot, par Tony Silvino

54 Chronologie, par Bruno Bioul et Matthieu Poux

56 Découvertes, par Bruno Bioul63 Livres du mois, par Frédéric Lontcho, rédacteur en chef de L'Archéologue

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Édito L'archéologie est une science, c'est-à-dire une connaissance, un savoir dont le principal objet est l'Homme – ou plus exactement les hommes, ceux du passé : elle s'intéresse aux témoignages matériels – ou traces – qu'ils ont laissés, consciemment ou incons-ciemment et qui, mis bout à bout, participent à l'éla-boration de ce qu'on appelle l'Histoire. Archéo-Théma a pour ambition de vous faire découvrir ce que les archéologues mettent quotidiennement au jour sur les chantiers du monde entier, quelles que soient les périodes, les cultures ou les civilisations. Tous les deux mois, en alternance avec L'Archéologue, sa revue-sœur qui se consacre à l'actualité archéologique, Archéo-Théma vous proposera un dossier complet sur un thème précis et souvent inédit avec les contributions des principaux acteurs de l'archéologie, de l'histoire et de l'histoire de l'art. Son but est de vous faire découvrir tout ce que les hommes, un jour, ont pu réaliser, et de vous faire comprendre qu'en définitive nous sommes tous semblables et différents.

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M iroir de Rome, Capitale des Gaules, plaque tournante éco-nomique et foyer religieux des provinces gauloises, berceau

de l’archéologie moderne… Les qualificatifs élogieux ne manquent pas pour désigner une ville romaine inscrite, depuis longtemps, au patrimoine vieillissant de l’Histoire de France. Ses monuments un peu défraîchis accueillent chaque année des millions de visiteurs. Intégrés au paysage urbain, ils sont les témoins discrets d’un loin-tain passé, dont l’histoire paraît déjà écrite et figée pour l’éternité.

L’essor exponentiel de l’agglomération lyonnaise démontre cha-que année le contraire, dévoilant au fil des constructions et des fouilles qui les précèdent des pans entiers d’une histoire qui reste à écrire.

Ainsi, les origines de la colonie de Lugdunum étaient encore prati-quement inconnues il y a moins de vingt ans, de même que ses anté-cédents, qui s’étalent sur plus de huit millénaires ! La ville romaine et ses faubourgs, qui s’étendaient bien au-delà de l’éperon de Four-vière, sur les berges de la Saône, du Rhône et sur la presqu’île, conti-nuent à livrer de nombreux vestiges qui font l’objet d’une étroite surveillance de la part des archéologues. Des découvertes aussi spectaculaires que celle du praetorium de Fourvière, probable lieu de résidence des premiers gouverneurs de la colonie, ou des embar-cations romaines du parking Saint-Georges, doivent beaucoup à la réactivité et à la ténacité de ces « pompiers du patrimoine » issus de différentes institutions : Service Régional de l’Archéologie, Ins-titut National de Recherches Archéologiques Préventives, Service Archéologique de la ville de Lyon, Archeodunum SA, CNRS et uni-versité... Le cirque de Lugdunum, illustré par une célèbre mosaïque conservée au Musée gallo-romain de Fourvière, vient ainsi de resur-gir de terre, tandis que l’étude de minuscules pollens contribue à reconstituer, peu à peu, l’environnement naturel de la ville antique. L’étude des campagnes, longtemps délaissées au profit du centre-ville et de ses monuments, constitue un autre enjeu des recherches en cours et à venir...

Leur avancée restitue, par touches, les teintes et les motifs d’une vaste mosaïque dont beaucoup reste à découvrir. Que Lugdunum ait jadis constitué une grande capitale politique, économique et religieuse, une cité cosmopolite où se côtoyaient des cultures, des langues et des croyances originaires de toutes les provinces de l’Empire, les textes antiques et les inscriptions nous l’ont appris depuis longtemps. Éclairer le quotidien, plus obscur mais tout aussi passionnant, des populations qui animaient ses quartiers, doit de-meurer la principale mission d’une discipline archéologique parfois critiquée mais plus sensible que d’autres à… l’air du temps !Matthieu PouxProfesseur d’archéologie à l’université Lumière Lyon 2

Lugdunum, une vieille histoire ?

pour en savoir plus• Le Mer, Anne-Catherine, Chomer, Claire, Cartes Archéologiques de la Gaule 69/2 : Lyon, Les belles-Lettres, Paris 2007

l’ archéo-Théma no 1 | mars-avril 20092

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L a mise en place de la législa-tion sur l’archéologie préven-tive, loi 2001 revue en 2003,

a profondément modifié le rôle des acteurs de l’archéologie lyonnaise. Si jusqu’en 2001 l’essentiel des opéra-tions était réalisé par l’AFAN (INRAP depuis 2002), aujourd’hui près de 90 % des diagnostics et des fouilles sont réa-lisés par le service archéologique de la ville de Lyon (SAVL).

Ce changement n’a pas eu d’inci-dence sur la prise en compte du patri-moine archéologique lyonnais – les opérations demeurent réalisées en fonction des projets d’aménagement et de leur impact sur les vestiges – mais cette redistribution des rôles a provoqué l’émergence de nouveaux chercheurs. Le présent numéro de la revue l’Archéo-Théma reflète d’ailleurs en partie cette mutation.

Si l’on peut être satisfait du dyna-misme créé par l’émergence de nou-veaux chercheurs, cette situation nouvelle n’est pas sans provoquer un sentiment de frustration chez les archéologues investis de longue date dans les problématiques lyonnaises et qui se trouvent aujourd’hui, de fait, privés de pouvoir poursuivre les recher-ches qu’ils avaient entamées sur cer-tains sites ou secteurs, et qui auraient permis de développer leurs probléma-tiques1.

La solution permettant de remédier à cette situation consistera à établir des conventions entre institutions favo-risant les échanges et les mises à dispo-sition de chercheurs sur des opérations sur lesquelles ils sont reconnus comme spécialistes. Pour les mois à venir, un des challenges de l’archéologie lyon-

1 Cetteinsatisfactionavaitégalementétéres-sentieen2002parlesarchéologuesdecol-lectivités,lorsdelamiseenplacedesdispo-sitionsdelaloi2001accordantlemonopoledesopérationsarchéologiquesàl’INRAP.

naise consistera à mettre en place ces dispositifs d’échanges qui favoriseront l’émulation entre chercheurs et consti-tueront un apport majeur pour l’enri-chissement des connaissances.

Depuis la mise au jour des vestiges de la confluence protohistorique et anti-que de la Saône et du Rhône avec les embarcations gallo-romaines et médié-vales du Parc Saint-Georges (Lyon 5e) (INRAP 2002-2004), les découvertes majeures réalisées sur le territoire de la ville sont représentées par la

L’archéologie à Lyon

les opérations réalisées à vaise (lyon 9e).Dans l’angle supérieur gauche. Trait noir : emprise de la ville actuelle.Fond marron : emprise du périmètre archéologique. pointillé rouge : vaise, emprise du secteur cartographié.en fond, le quartier de vaise, lyon 9e.aplats oranges : zones fouillées positives et emprises en orangé plus clair des zones diagnostiquées. ronds oranges : diagnostics positifs et fouilles d’emprises limitées. ronds bleus : diagnostics négatifs ou vestiges non atteints. Dao (issue de l’atlas topographique), M. lenoble. le fond de plan parcellaire est celui de la ville de lyon.

l’ archéo-Théma no 1 | mars-avril 2009 3

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nécropole gallo-romaine tumulaire de Vaise (rue des Docks) (SAVL 2006), les témoins d’une occupation épipaléolithi-que à Vaise (rue des Tuileries, Lyon 9e) (Archeodunum 2007-2008).

Les grands projets archéologiques attendus en 2009 consisteront en la fouille préventive d’un secteur impor-tant situé à l’Antiquaille (SAVL 2009) qui devrait apporter des éléments majeurs sur l’occupation de la partie sommitale des pentes de Fourvière, proche des théâtres antiques, ainsi que le projet d’un vaste parking souterrain situé en bordure de la rive gauche de la Saône quai Saint-Antoine…

La topographie de Lugdunum est de jour en jour mieux discernée, même si certains édifices ou monuments publics sont encore mal datés ou seulement en partie reconnus ; les trames des îlots urbains antiques, l’habitat, les quartiers artisanaux sont partiellement abordés tout comme les nécropoles péri-urbai-nes. La géographie et l’évolution du site commencent à être mieux perçues grâce aux études paléo-environnemen-tales mises en œuvre de manière sys-tématique lors de chaque opération. L’apport des découvertes faites depuis les années 1980 est tel qu’il nécessite de recomposer la maquette de Lugdu-num présentée au musée gallo-romain de Fourvière.

Mais il subsiste toujours des incon-nues notables : où se situait la caserne de la cohorte urbaine en charge de la garde de l’autel des monnaies ? Aucun élément de l’hypothétique enceinte urbaine n’a encore été découvert malgré la mise en évidence d’une porte monumentale en rive de Sâone (INRAP 2000) ; l’autel fédéral, décrit par Strabon, élevé par Drusus en 13 av. J.-C., destiné aux représentants des soixante-quatre nations gauloises, et traditionnellement situé sur les pentes de la Croix-Rousse, n’a encore pu être vérifié...

Michel lenobleingénieur de recherche DraC rhône alpesCoordinateur de l’atlas topographique de lyon antique.

La gestion de l’archéologie en quelques chiffresDès 1980, à l’occasion de l’élabora-tion du plan d’occupation des sols de la ville, un périmètre de protec-tion fut mis en place, qui visait es-sentiellement la partie sommitale de la colline de Fourvière. Quelques années plus tard, à la faveur d’une nouvelle réglementation plus adap-tée, l’archéologie préventive prit un nouvel essor grâce à la transmission des documents d’urbanisme sur une partie des arrondissements du cen-tre de la ville. En 1989, peu après les premières découvertes de vestiges datant du Premier âge du Fer dans le quartier de Vaise, ce périmètre a été étendu à l’essentiel du 9e arron-dissement. Légèrement modifiée au début des années 2000, l’emprise de ce qu’il convient maintenant de dénommer « zone de présomption de prescriptions archéologiques » couvre dorénavant 1661 hectares, répartis sur sept des neuf arrondis-sements d’un territoire urbain qui se développe sur 47 km2.

Les documents d’urbanisme reçus par le service régional de l’archéologie durant les 15 derniè-res années dans ce périmètre ont donné lieu à 474 interventions ar-chéologiques : 299 diagnostics, 108 fouilles, 47 opérations portant sur le bâti et quelques interventions plu-riannuelles d’archéologie program-mée. Une part non négligeable des opérations de diagnostic positives a débouché sur des modifications de projet permettant d’éviter la fouille tout en protégeant les vestiges : mo-dification de structure, création de fondations spéciales, suppression d’un niveau de sous-sol…

Deux opérateurs agréés réalisent les diagnostics à Lyon, l’INRAP et le Service archéologique de la ville de Lyon. Ce dernier a pris en charge 87 % de ces interventions en 2008. La quasi totalité des opérations de fouille a été attribuée à ces deux in-tervenants historiques ; la société Archéodunum a réalisé deux inter-ventions en 2007/2008.

luc Françoise-dit-Miret ingénieur chargé de l’agglomération lyonnaise à la DraC rhône alpes

Le système d’infor-mation archéo-logique ALyASLe système d’information archéologique ALyAS (Archéologie Lyonnaise et Analyse Spatiale), élaboré depuis 2003 par le Service archéologique de la ville de Lyon, associe pour les besoins de gestion et de recherche de l’archéologie lyonnaise la puissance de traitement et d’association des données cartographiques géoréférencées d’un sys-tème d’information géographique (logiciel Mapinfo) à la souplesse d’interrogation d’une base de données relationnelle trai-tant des informations relatives à la nature, la chronologie et l’altitude des vestiges dé-gagés (Access).

Le travail d’intégration et de retraitement des informations archéologiques, ancien-nes et récentes, dans une base de données globale à l’architecture hiérarchisée et au thésaurus homogène va de pair avec la mise en place d’un système d’enregistrement des données et de traitement des relevés utilisé directement en phase de fouille ; y sont également associés un module traitant les informations issues des analyses géomor-phologiques essentielles à la restitution des conditions environnementales de la vie sur les sites mis au jour, ainsi qu’un module de cartographie ancienne qui met la richesse de ce type de documentation d’archives au service immédiat de la recherche archéo-logique et archéo-géographique. ALyAS sera doté en outre de modules concernant les données spécifiques de l’archéologie du bâti, la gestion du mobilier archéologique et celle de l’iconographie.

L’exploitation de l’ensemble de ces don-nées doit servir plusieurs publics : • mettre en place pour les scientifiques

de toutes institutions un outil d’analyse spatiale de l’information archéologique lyonnaise ;

• assurer la valorisation et la diffusion des connaissances archéologiques vers le grand public ;

• faciliter l’intégration de l’archéologie préventive dans les projets urbains en portant le potentiel archéologique à la connaissance des aménageurs locaux.

Le système ALyAS a naturellement vocation à constituer une déclinaison urbaine de la carte archéologique nationale Patriarche et à alimenter les projets de recherche à venir sur le territoire de la capitale des Gaules.

anne parienteDirecteur du service archéologique de la ville de lyon

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LYON

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titre 2

L ’atlas topographique de Lyon a été conçu initialement comme

un atlas urbain destiné à prendre en compte toutes les phases historiques du développement de la ville. Si l’atlas anti-que a débuté en 2001 dans le cadre d’un programme collectif de recherche PCR, financé par l’État (DRAC Rhône-Alpes), l’atlas médiéval devrait être enfin mis en œuvre en 2009. Ces deux programmes font partie des axes de recherches déve-loppés par l’UMR 5138. Selon les normes et la méthodologie initiées par et pour les atlas topographiques des villes de Gaule méridionale (urbs antiqua, actuel-lement coordonné par Marc Heijmans), le territoire historique de la ville de Lyon a été divisé en 200 feuilles d’atlas, cha-cune représentant environ 11 ha.

L’atlas antique est concerné par une soixantaine de feuilles qui compren-nent le pomerium de Lugdunum (329 ha) et son suburbium avec les nécropo-les péri-urbaines et l’hypothétique vicus de Vaise… Si l’on compare avec d’autres agglomérations antiques importantes, Lyon a sensiblement la même surface que Trèves (285 ha), Vienne (300 ha) ou Narbonne (300 à 350 ha). Bordeaux (180 ha) ou Nîmes (220 ha) sont de taille inférieure.

L’équipe qui constitue le PCR atlas de Lyon antique est composée de 22 cher-cheurs appartenant à des institutions diverses (INRAP, CNRS, Universités, Collectivités dont SAVLyon et départe-ment du Rhône, SRA, étudiants…).

Depuis 2001, 50 feuilles de l’atlas ont été mises en œuvre. Elles couvrent pour l’essentiel la rive droite de la Saône (Four-vière et ses pentes ainsi qu’une partie de Vaise) et la rive gau-che de la Saône. La Presqu’île et les pentes de la Croix-Rousse ne sont encore que partiellement abordées.

Pour compléter la rédaction des notices descriptives et l’in-terprétation des vestiges mis au jour au cours des différentes opérations archéologiques réalisées à l’intérieur des périmè-tres de feuilles, des travaux de terrain (relevés topographi-ques, prospections) sont parfois mis en œuvre. Ces derniers permettent de préciser l’état, la localisation ou la description de vestiges encore visibles mais pour lesquels des complé-ments d’informations sont nécessaires (aqueducs, égouts, substructions existantes dans les caves…).

La cartographie au 1/1000e adoptée pour les feuilles de l’at-las de Lyon concerne l’état de la ville à la fin du Ier siècle ou au début du IIe siècle après J.-C., qui correspond à la période du grand développement de Lugdunum au cours de laquelle les principaux édifices publics ont été construits. Dans le cas

où d’importantes transformations ont affecté les quartiers concernés aux périodes antérieures ou postérieures à cet état, les feuilles sont doublées ou triplées, comme c’est le cas pour la feuille des théâtres antiques.

Le programme collectif de recherche « atlas antique de Lugdunum » constitue aujourd’hui un pôle d’émulation et d’échange entre chercheurs où les données issues des sites fouillés sont analysées à la lumière des connaissances ac-tuelles. La mise en perspective des vestiges où des indices font naître de nouvelles hypothèses et problématiques ainsi que les interprétations et les synthèses développées à partir d’argumentaires sont élaborées de manière collégiale entre chercheurs. Elles peuvent ensuite être versées au SIG Alyas (SAVL) pour mettre à la disposition de l’ensemble de la com-munauté archéologique des données consolidées.Michel Lenoble

L’atlas antique

l’atlas antique. en pointillé rouge, la trame des îlots augustéens. en pointillé vert, celle des îlots mis en place au cours de la première moitié du ier s. rectangles oranges, emprises des feuilles de l’atlas du secteur de Fourvière. Dao M. lenoble, le fond cartographique est issu de la ville de lyon.

5l’ archéo-Théma no 1 | mars-avril 2009

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vue zénithale des tumuli découverts sur le site « des Chais Beaucairois » (26-28 rue Joannès Carret, vaise 69009). photographie e. Hofmann, service archéologique ville de lyon (savl).

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U ne « ville » celte antérieure à la cité romaine : avant la fondation de Lugdunum par

Plancus en 43 av. J.-C., Lyon fut le lieu d’importantes occupations humaines durant le premier (Hallstatt) et second (La Tène) âge du Fer1, entrecoupées d’un hiatus de plus de deux siècles. Dans la plaine de Vaise (9e arr.), se développe une vaste agglomération proto-urbaine dans le dernier tiers du VIe s., dont l’abandon est daté du der-nier quart du Ve s. Il faut attendre La Tène C22 pour observer une réoccu-pation de la plaine, qui se développe

1 LeHallstatt:780-480/450av.J.-C.etLaTène:480/450-50av.J.-C.

2 Environ200-150av.J.-C.

pleinement dans le courant de La Tène C2/D1, s’étendant jusque sur la col-line de Fourvière et le pied de la Croix-Rousse.

Une AggLomÉrAtion proto-UrbAine de LA fin dU Vie S. et dU Ve S. AV. J.-C.

En 1984, la mise au jour de structures du premier âge du Fer (Gorge-de-Loup) confirmait l’existence d’une implan-tation humaine antérieure à la cité romaine, présumée depuis le XVIIe s. sur la base de textes gréco-latins peu fiables. Au XIXe s., la découverte d’ob-jets isolés dans le secteur du plateau de Loyasse laissait déjà supposer la

Les antécédents de la colonie, du Vie au ier s. av. J.-C. par stéphane Carrara, archéologue, Service Archéologique Ville de Lyon

et Guillaume Maza, archéologue, Archeodunum

la capitale des Trois Gaules a-t-elle des origines gauloises ? Cette question a obsédé tous les savants pendant des décennies jusqu’à ce que les progrès de l’archéologie permettent d’y répondre : des vestiges parmi les plus spectaculaires, répartis entre la colline de Fourvière et la plaine de vaise, ont été mis au jour au cours de ces dix dernières années : ils démontrent qu’il y avait bien une occupation gauloise importante aux second et premier siècles av. J.-C. le site a aussi été soumis à l’influence romaine dès le deuxième siècle avant notre ère comme le suggèrent les modes de construction de certains édifices.

vue d’un habitat du ve s. (bâtiment 113) sur le site de la rue du Mont d’or. le sol (caillou-tis de petits galets et graviers) conserve les négatifs d’une sablière basse (à gauche) et d’une cloison associée à des trous de poteaux (à droite). photo s. Carrara, savl.

présence d’une occupation de hauteur. À ce jour, la multiplication des opéra-tions d’archéologie préventive a permis d’identifier une trentaine de sites pour la période comprise entre le Hallstatt D2-D3 et La Tène A.

L’occupation principale s’étend en rive droite de la Saône, sur la plaine de Vaise, même si quelques gisements confirment son extension en rive gauche, au pied de la Croix-Rousse. Un espace funéraire plus ancien compte six inhumations datées du Ha C2/D1-23. L’essentiel des vestiges se concentre sur près de 55 ha et concerne plus par-ticulièrement la fin du VIe s. et le Ve s. Une partie des structures renvoie à des

3 730-650/650-520av.J.-C.

l’ archéo-Théma no 1 | mars-avril 2009 7

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Carte de répartition des sites pré-sentant une occupation du premier âge du Fer à lyon et localisation des activités artisanales au sein de l’agglomération proto-urbaine du ve s. Cartographie Marie-noëlle Baudrand, service archéologique ville de lyon. Fond alyas.

Page 11: Archéo Théma n° 01 - Lyon

Les antécédents de la colonie

activités domestiques ou agro-pasto-rales. Elles permettent d’identifier des habitats faits de terre et de bois (trous de poteau, sablières, foyers, fosses- dépotoirs, fonds de cabane), des espa-ces de stockage (grenier, silos) et des parcs à animaux (enclos, palissades). Une part non négligeable des aména-gements est attachée à des activités artisanales (fosses-ateliers, forges, dépotoirs, sols de travail).

Une des caractéristiques de cette occupation réside dans la découverte de nombreuses céramiques importées du domaine massaliète (de Massalia, Mar-seille), grec ou étrusque, avec notam-ment près de 140 amphores à vin de Marseille. Quelques fragments de vases

à parfum en verre rhodiens soulignent la diversité des importations. Ce matériel permet d’identifier un important site-relais participant au commerce du vin et d’autres produits luxueux entre le litto-ral méditerranéen occidental et les sites celtiques septentrionaux, mais atteste également une importante consomma-tion locale. L’omniprésence des activités artisanales constitue une autre particu-larité, révélée par les déchets de produc-tion et les outils liés à des sols de travail ou des fonds d’ateliers (pince, ciselet, alênes, fusaïoles, pesons). Quatre arti-sanats se distinguent par leur prépondé-rance : métallurgie du fer et des alliages cuivreux, travail de la corne et du textile. Bien que l’on ait très tôt lié l’origine de l’occupation proto-urbaine au dévelop-pement du commerce massaliote et de ses comptoirs bas-rhodaniens, un scé-nario complémentaire du premier peut être envisagé : les marchands de Massa-lia auraient pu profiter d’une dynamique d’expansion économique indigène et se seraient développés au sein d’une agglo-mération artisanale préexistante.

Les dernières opérations archéolo-giques réalisées à Vaise ont contribué au renouvellement de nos connaissan-ces sur l’artisanat ou l’habitat de cette période. Les fouilles réalisées rue des Tuileries apparaissent exceptionnelles, avec la découverte d’une zone artisa-nale liée à des activités métallurgiques : forge protégée par un appentis, asso-ciée à un sol de blocs de gneiss et de galets, où se déroulait un travail dis-tinct lié à la finition d’objets en fer et à la fabrication d’objets en bronze. Deux grandes fosses ont été identifiées à des

fonds d’ateliers qui abritaient des acti-vités liées au travail du textile et des alliages cuivreux. En revanche, rue du Mont d’Or ont été découverts plusieurs bâtiments rectangulaires à vocation domestique ou de stockage. Il s’agit de maisons de bois et de terre (torchis) mettant en œuvre différents modes de construction : à même le sol ou semi-enterrées, sur poteaux porteurs ou sur sablières basses. Les sols sont formés par un petit cailloutis de galets et gra-vier ou un niveau de terre battue repo-sant sur un épais radier de blocs de gneiss. Ce site offre, pour la première fois, la vision d’un « quartier d’habitat » proto-urbain s’insérant au sein d’une vaste agglomération ouverte, étendue sur près de 55 ha. Les vestiges domes-tiques sont liés à quelques structures agro-pastorales, mais ce sont les traces d’activités artisanales spécialisées qui dominent et permettent de reconnaî-tre un important centre économique et commercial, dont le statut restera à préciser (emporion ?).

Une oCCUpAtion LAtÉnienne deS iie et ier SièCLeS AV. J.-C.

L’identification d’une occupation laté-nienne constitue un acquis récent de la recherche, malgré des lacunes persis-tantes pour les IVe et IIIe s. Ses caracté-ristiques ont été exposées en 2003 dans le catalogue d’exposition Lyon avant Lugdunum. On dispose d’une vingtaine de gisements dispersés entre la plaine de Vaise, la colline de Fourvière, et les

Céramiques indigènes, mortier et amphores massaliètes du ve siècle. photographie e. Bertrand, service archéologique ville de lyon (savl).

Fibules de la fin du premier âge du Fer et du début du second provenant du site de la rue du Mont d’or. photo Centre de restauration et d’Étude archéologiques Municipal de vienne.

exemples de petits mobiliers du ve s. : fusaïoles en terre cuite, fibule en fer, perle en verre, contrepoids, bracelet en alliage cuivreux et dés en os. photo e. Bertrand, savl.

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berges de la Saône. Leur interprétation pose encore problème en raison d’une vision partielle des vestiges et d’une documentation longtemps restée défi-citaire. Il fallut attendre les années 80 pour en découvrir les premières traces tangibles, et encore une décennie pour les dater antérieurement à la fondation de Lugdunum. Sa chronologie est désor-mais fixée entre le milieu du IIe s. et la conquête de la Gaule par César.

Il s’agit essentiellement d’enclos palissadés pouvant atteindre plusieurs hectares, comblés de dépôts massifs d’amphores vinaires importées d’Italie et d’ossements animaux. Les sites les mieux documentés du Verbe-Incarné et du Souvenir ont été identifiés à des lieux de banquets. On estime pour chacun une consommation minimale de 15 000 litres de vin, soit un volume équivalent à 20 000 de nos bouteilles. L’abondance des déchets reflète une consommation collective et de courte durée réunissant des milliers de convi-ves à l’occasion de grands rassemble-ments (politiques, économiques ou religieux), évoqués par les auteurs anti-ques. Le site le plus spectaculaire (Sou-venir) livre un établissement retranché derrière un enclos palissadé et renfer-mant des bâtiments bordés de porti-ques. Leur taille et leur plan, les modes de construction italiques (couverture

de tuiles, enduits peints, terrazzo4), l’abondance du mobilier importé, témoignent d’un statut hiérarchique élevé et de relations profondes avec le monde méditerranéen. Ces indices per-mettent de supposer l’existence d’un comptoir commercial regroupant des marchands romains ou contrôlé par un riche aristocrate gaulois. Son implan-tation à la frontière de la province de Narbonnaise, au cœur d’un nœud de communication fluvial et routier né de la confluence du Rhône et de la Saône, lui conférait un rôle stratégique dans le commerce des produits méditerra-néens en direction de la Celtique.

Pour les fouilles récentes, on retien-dra la découverte d’une nécropole de La Tène moyenne constituée de quatre tombes sous tumuli, amas de galets cir-culaires d’environ 3 m de diamètre (Mul-tiplex Pathé). La chambre funéraire était constituée d’un plancher en bois assem-blé avec des clous en fer. Les offrandes comprenaient des dépôts entiers de jeunes animaux mâles qui contrastent avec l’absence de mobilier métallique et la rareté des céramiques (3 ou 4 pots). Ces sépultures sont isolées en dehors de tout contexte d’habitat aussi ancien. Dans le quartier de Gorge-de-Loup, deux fossés parallèles livraient pour l’un des os humains présentant des traces de coups mortels, déposés sur un crâne d’équidé et associés à des tessons d’amphores à vin. Rue du Mont

4 Terrazzo:solenmaçonnerie,constituédegraviersetdegroséclatsdepierreliésaumortier.

d’Or, un fossé en V a été restitué sur une longueur de 43 m, aux côtés d’un petit enclos rectangulaire, dont le tron-çon oriental livrait un riche mobilier à forte connotation cultuelle (couteau de boucherie, meule, dé en os, jetons).

L’absence de vestiges d’habitats clairement identifiables et la rareté des activités domestiques, agricoles ou artisanales nous empêchent de conclure à l’existence d’une agglomé-ration gauloise ou d’une résidence aris-tocratique. L’indigence du petit mobi-lier métallique (outillage, armement, parure) et du monnayage est éloquente à cet égard. Les sépultures font égale-ment défaut à l’exception d’un dépôt en fosse livrant une épée de cavalerie ployée et exposée au feu. L’apparition de vestiges d’habitat (Saint-Just, Gada-gne) ou artisanaux (Saint-Vincent) n’est pas antérieure au début du Ier s., tandis que les premières traces d’urbanisation datent de la fondation coloniale. Le mode d’occupation apparaît diffus avec des enclos dont on peine à saisir les limites et l’organisation. Le site semble avoir été fréquenté épisodiquement à l’occasion de rassemblements com-munautaires, et pourrait correspon-dre à un sanctuaire naturel confédéral aux confins des territoires Ségusiaves, Éduens et Allobroges.

vue de détail de la chambre funéraire et du dépôt de jeunes animaux mâles entiers d’un tumulus du site des « Chais Beaucairois » (26-28 rue Joannès Carret, vaise 69009). photographie T. argant, service archéologique ville de lyon.

vue d’un petit fossé de la rue du Mont d’or de près d’un mètre de large, qui semble délimiter un petit enclos quadrangulaire de 11,30 m de large. son comblement comportait en parti-culier de nombreux jetons taillés dans des panses de céramique commune ou peinte, un gros couteau de boucherie en fer et une meule rotative basse. photo M. Monin, savl.

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LYON

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pour en savoir plus• Poux (M.), Savay-Guerraz (H.) (dir.). Lyon avant Lugdunum. Catalogue de l’ex-position « Lyon avant Lugdunum », mars à novembre 2003, Musée de la Civilisation gallo-romaine de Lyon. Gollion, 2003.• Perrin (F.), Bellon (C.). « L’occupation du Premier âge du Fer des bords de Saône à Lyon (Rhône) », dans Brun (P.), Chaume (B.) (dir.). Vix et les éphémères principautés celtiques, les VIe et Ve siècles avant J.-C. en Europe centre-occidentale. Actes du colloque de Châtillon-sur-Seine, 27-29 octobre, 1993. Paris, 1997, pp. 157-164.• Bellon (C.), Perrin (F.). « Origine pré- et protohistorique de Lyon », dans Le Mer (A.-C.), Chomer (C.) (dir.). Carte archéo-logique de la Gaule : Lyon 69/2. Paris, 2007, pp. 124-133.

Carte des principaux monuments romains de lyon. Cartographie Marie-noëlle Baudrand, service archéologique ville de lyon. Fond alyas.

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Page 14: Archéo Théma n° 01 - Lyon

LYON capitale politique

parcelle de rome en terre barbare, lyon-Lugdunum offre toutes les caractéristiques de la colonie romaine par excellence : son plan urbain est orthogonal, son territoire est centurié, elle est au cœur d’un réseau routier important, elle possède un atelier monétaire, et une garnison permanente. Très vite, la cité reçoit les faveurs impériales et devient, dès la fin du ier siècle av. J.-C., la véritable « capitale des Trois Gaules ». Depuis peu, les découvertes archéologiques relatives à la naissance de ce chef-lieu provincial romain de premier plan permettent de pénétrer plus avant dans les arcanes d’une installation militaire programmée.

LYON capitale politique

Aureus de Marc antoine, au Génie de lugdunum, frappé par p. Clodius en 43 av. J.-C. British Museum, inv. Grueber, i, 4276. D.r.

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Page 15: Archéo Théma n° 01 - Lyon

titre 2

Lugdunum, émergence d’une capitale politiqueUne fondation de circonstance

par armand Desbat, directeur de recherche au CNRS, UMR 5138-MOM,

et Matthieu poux, professeur d’archéologie, université Lumière Lyon 2, UMR 5138-MOM

« L e sénat, en apprenant que Silanus avait embrassé le parti d’Antoine, eut peur

que Lépide et Plancus ne se joignent également à lui, et leur envoya dire qu’il n’avait plus besoin d’eux. Mais, pour leur ôter tout soupçon, et, par suite, toute pensée de rien tenter, il leur commanda de fonder une ville en faveur de ceux qui avaient été autrefois chassés de Vienne Narbonnaise par les Allobroges et qui s’étaient établis au confluent du Rhône et de l’Arar (la Saône). C’est ainsi que, pendant qu’ils y restèrent, ils bâtirent la ville appelée Lugudunum, aujourd’hui nommée Lugdunum ». (Dion Cassius, Histoire Romaine, Xlvi, 50)C’est en ces termes qu’un historien grec du iiie siècle de notre ère rapporte les circonstances de la fondation d’une ville qui est encore, à son époque, une grande capitale provinciale.

la fondation de ludgunum par plancus, vue du sommet du plateau de la Croix-rousse. Dessin de richard gravé par schroeder et fils, Clerjon, Histoire de Lyon I, 1829.

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LYON capitale politique

Loin d’augurer un tel destin, cet événement est présenté comme une simple diversion, dans le contexte des guerres civiles consécutives à l’assas-sinat de Jules César en 44 avant notre ère. Au printemps de l’an 43, deux de ses anciens lieutenants stationnés en Gaule, Lépide et Plancus, envisagent de mettre leurs forces au service du parti césarien mené par Marc Antoine, et se mettent en route pour l’Italie. Pour les en dissuader, le sénat les enjoint de stopper leur marche pour fonder une colonie en Gaule, loin de Rome, avec plusieurs objectifs : gagner du temps, assigner des terres aux soldats deve-nus des vétérans, qui troqueront leur glaive pour la charrue, et accessoire-ment, régler le problème posé par une poignée de réfugiés originaires de la colonie voisine de Vienne. La manœu-vre n’empêchera pas Plancus et Lépide de se ranger, la même année, aux côtés de Marc Antoine…

Simple effet collatéral d’une guerre qui durera encore plus de douze ans, la colonie de Lugdunum est créée dès la fin des années 40 avant notre ère. Sa

titulature complète, Colonia Copia Felix Munatia, apparaît sur les toutes premiè-res monnaies frappées à Lyon par Plan-cus et Marc Antoine, qui la choisissent pour résidence en tant que gouverneurs successifs de la Gaule dite « Chevelue ». Le nom de Lugdunum est gravé dans la pierre du mausolée de Plancus qui sur-plombe le golfe de Gaeta, entre Rome et Naples, dont l’épitaphe stipule qu’il a fondé en Gaule une seconde colonie, celle d’Augusta Raurica, près de Bâle en Suisse.

De cette première colonie installée par Plancus et Lépide, on ne savait pratiquement rien il y a peu de temps encore. Dès la fin des années 1970, les fouilles menées sur la colline de Fourvière ont livré des fossés d’enclos datés de la fin de l’époque gauloise, qui prouvent qu’elle a été fréquentée bien avant sa fondation (voir article précé-dent). Elles ont aussi révélé qu’ils sont recouverts par des niveaux romains très anciens, profondément enfouis sous les quartiers d’habitat de l’épo-que impériale : fosses, trous de poteau et tranchées de fondation, associés à

des sols en terre battue, constituent les seuls vestiges de bâtiments de terre et de bois qui n’avaient pas été reconnus par les fouilles anciennes. Concentrés sur 20 à 30 hectares au sommet du plateau de Fourvière, ils dessinent les contours d’une agglomération de terre et de bois aux allures de camp retranché, bien éloignée de la future capitale impériale qui sera édifiée au même emplacement moins de trente ans plus tard.

Une ViLLe noUVeLLe AUx ALLUreS de CAmp retrAnChÉ

La fondation d’une colonie romaine n’a pourtant rien d’anecdotique. Elle impli-que une procédure solennelle appelée deductio, terme juridique qui signifie qu’elle constitue une part « déduite » de la ville de Rome, transplantée dans les provinces. Tracé en plein champ, son plan obéit à un schéma idéal qui ne pouvait être respecté à Rome, ville séculaire contrainte par la topographie,

Mausolée de lucius Munatius plancus à Gaeta (italie) et son épitaphe mention-nant la fondation de lugdunum « in Gallia colonia ».

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Émergence d’une capitale

atelier de potiers de Loyasse

mais a été largement appliqué dans le nord de l’Italie et le sud de la Gaule.

Dès l’origine, le parcellaire de la colonie de Lugdunum répond à ce schéma idéal. Les voies recoupées par les fouilles, constituées de couches de gravier compactées, s’y croisent à angle droit pour former un quadrillage d’îlots d’habitation de 120 pieds de large (environ 36 mètres). Eux-mêmes subdivisés en plusieurs parcelles, ces îlots étaient bordés de portiques per-mettant de s’abriter des intempéries et de la chaleur. L’orientation des rues est déterminée par celle des principa-

Ci-dessous : localisation de la colonie de plancus à Fourvière. infographie a. Desbat.

À droite : plan des vestiges et restitution de la trame urbaine de la colonie. Cartographie e. Delaval, a. Desbat, M. lenoble et ph. Thirion-pCr atlas topographique de lyon antique.

Fragment d’enduit peint du second style pompéien découvert dans les fouilles du « pseudo-sanctuaire de Cybèle » à Fourvière. Musée de la civilisation gallo-romaine de lyon-Fourvière. Cliché Chr. Thioc/J.-M. Degueule.

les voies d’accès à la colonie : l’une descend dans la plaine de Vaise, où se trouvaient vraisemblablement les premières installations portuaires de la ville, l’autre traverse le Plateau lyon-nais, qui s’étend à l’ouest de la colonie et constitue son « terroir » vivrier (voir article suivant). Cette trame urbaine primitive est conservée au fil des siè-cles, et quelques années plus tard, la colonie de Lugdunum s’inscrit au cœur d’un vaste réseau viaire qui la relie à la province de Narbonnaise et à l’Italie, à la vallée du Rhin et à l’Océan.

Au centre de ce quadrillage urbain, un bâtiment se distingue par sa taille et la richesse de sa décoration. Décou-vert et exploré dans les années 1990, il est dissimulé par un ensemble de maçonneries romaines qui surplom-bent le grand théâtre gallo-romain situé au centre du parc archéologique de Fourvière. Identifié par erreur à un « temple de Cybèle », sur la base d’une inscription datée du IIe siècle de notre ère, cet ensemble recouvre les vesti-ges plus anciens d’un vaste complexe architectural de 62 mètres de long pour 37 mètres de large. L’édifice, qui asso-cie des formes d’architecture privée et publique, est identifié à une sorte de praetorium. Ce terme, qui désigne à l’origine la résidence du général en chef située au centre d’un camp légion-naire, correspondrait en l’occurrence au palais du gouverneur édifié au début du règne d’Auguste par son gendre

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LYON capitale politique

Agrippa, qui a probablement servi de résidence à l’empereur en personne lors de son séjour à Lyon entre 16 et 13 avant J.-C.

L’ÉmergenCe d’Une noUVeLLe CApitALe SoUS AUgUSte

La réorganisation des Trois Gaules par Auguste, vraisemblablement opérée à l’occasion de ce séjour, va donner un nouvel essor à la colonie de Lugdu-

num, déjà amorcé par Agrippa avant sa venue. La création d’un nouveau réseau routier dont Lyon constitue le point de départ, l’installation d’un atelier moné-taire et d’une cohorte urbaine (la seule en Gaule !) affectée à sa surveillance, ainsi que du sanctuaire fédéral des Trois Gaules inauguré par Drusus en 10 av. J.-C., font de la colonie de Lugdu-num non seulement la capitale de la province de Lyonnaise, mais au-delà, le véritable chef-lieu de toutes les Gaules (caput galliarum).

Cet essor se traduit par une nouvelle phase d’urbanisme, qui étend la surface de la ville et provoque la reconstruction de nombreux îlots de la colonie primi-tive. De cette époque date l’édification de nouveaux monuments comme le théâtre, et sans doute un palais impé-

rial. Toutes ces constructions se distin-guent de celles de l’état précédent par l’usage de la pierre de taille et du mor-tier. Le « Prétoire d’Agrippa », qui jouxte le théâtre, reçoit une façade monumen-tale surmontée d’un fronton porté par des colonnes à chapiteau égyptisant, reposant sur un système de portiques sur deux étages.

La fouille de cet édifice et des demeu-res attenantes a livré des objets dont l’origine lointaine atteste clairement l’installation d’immigrants italiques en terre gauloise : du petit matériel d’écriture, styles et étiquettes en os, boîtes en bronze servant à sceller les documents, témoignent d’une intense activité administrative ; des pièces d’ar-mement romain, éléments de glaive, de pilum, de bouclier, des pièges et clous de sandales, prouvent que les lieux étaient placés sous bonne garde ; des pièces de vaisselle en céramique et en verre fabriquées en Italie, des coquilla-ges, ainsi que des amphores servant au transport du vin, de l’huile, des saumu-res ou des sauces de poisson impor-tés de toutes les provinces de l’empire (Grèce, Espagne) illustrent l’apparition de denrées alimentaires inconnues en Gaule. Enfin, le sol de la colonie primi-tive « révélée » par les fouilles a livré une monnaie de bronze émise par… Plancus en personne, la première découverte sur le site de Lyon, qui fait rimer archéo-logie et Histoire.

pour en savoir plus• A. Desbat (dir.), Lugdunum, naissance d’une capitale, Éditions Infolio, Pôle Archéologie du Rhône, Gollion, 2005.• A. Desbat, M. Poux , « Lugdunum, ville et campagne », dans P. Ouzoulias, L. Tranoy, Quand les Gaules devinrent romaines, Actes du colloque du Louvre - INRAP, 2007, sous presse.• Ch. Goudineau (dir.), Aux origines de Lyon, Documents d’Archéologie en Rhône-Alpes 1, 1989.

Deux gobelets en terre cuite des premiers niveaux d’occupation de la colonie de lugdunum dans les années 40-30 av. J.-C. Musée de la civilisation gallo-romaine de lyon-Fourvière. Cliché Chr. Thioc/J.-M. Degueule.

restitution informatisée de la façade du probable praetorium de la colonie ou « prétoire d’agrippa ». société Guet-apens.

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titre 2

L a ville de Lyon doit sa bonne fortune à une figure mécon-nue de la fin de la République romaine : Lucius Munatius

Plancus, issu dans les années 90 av. J.-C. d’une lignée aristocra-tique établie à Tibur (Tivoli) et inhumé à Gaeta, vers 15 av. J.-C. S’il n’a pas connu la postérité d’un Marc Antoine, d’un Octave ou même d’un Lépide, c’est qu’il incarne, dans la littérature latine, le personnage clé de toute intrigue historique : la figure du « traître », qui change de camp au gré des aléas politiques et des défaites militaires. Plancus est un maître en la matière, puisqu’il a servi toutes les factions de la guerre civile sans y perdre la vie. Fidèle lieutenant de César en Gaule et dans sa guerre contre Pompée, il soutient dans un premier temps les meurtriers du dictateur, amnistiés en 44 ; le Sénat les ayant déclarés hors-la-loi l’année suivante, il les trahit pour Marc Antoine, fondant au passage la colonie de Lugdunum. À partir de cette date, Plancus appartient à l’état-major resserré d’Antoine, qui le nomme gouverneur des provinces d’Asie et de Syrie. Ce qui ne l’empê-chera pas de trahir son nouveau mentor au crépuscule de la guerre, en 32 avant notre ère. Réfugié à Alexandrie, il arbitre le fameux « pari de Cléopâtre »* et prend parti pour la reine lorsqu’elle défie An-toine en sacrifiant une perle de grand prix dans une coupe de vinaigre. L’anecdote précède de peu la mort des deux amants après la défaite d’Actium, que Plancus n’aura pas à subir. Sa lecture, devant le Sénat, du testament d’Antoine conservé dans le temple des Vestales et volé par ses soins, est à l’origine de la déclaration de guerre contre l’Égypte. Il appartient désormais au cercle des plus proches conseillers d’Oc-tave, honoré en 27 av. J.-C. du titre d’Auguste à l’instigation d’un sénateur nommé… Lucius Munatius Plancus ! Événement important entre tous, puisqu’il scelle le passage de la République à l’Empire. L’épitaphe de Gaeta confirme que Plan-cus a occupé, tout au long de sa vie, les plus hautes fonctions (consul, prêtre des épulons**, censeur) et qu’il a joué un rôle majeur dans l’histoire du premier siècle. Ses victoires militaires sont gravées dans le mar-bre des tables du Capitole, et la colonie qu’il a fondée au début de sa carrière est élevée, peu avant sa mort, au rang des grandes capitales de l’Empire.

Matthieu Poux

*LeparideCléopâtreestrapporténotammentparPlutarquedanssaVie de Marc Antoine(chap.29).Lareine,reprochantàAntoinedesecomplairedansleluxeetlesdépensesfaramineuses,luifitleparidedépenserenunseulbanquetdixmillionsdesesterces.Lelendemain,ellefitserviràAntoineundînersomptueuxmaisordinairesouslesmoqueriesdesonamant.Cléopâtreluiassuracependantqu’ellemangeraitàelleseulelesdixmillionsdesesterces.Ellefitalorsplacerdevantelleunvaseremplidevinaigre.Elledétachal’unedesperlesqu’ellepor-taitauxoreillesetquivalaitàelleseuleprèsdecinqmillionsdesesterces,lafitdissoudredanslevinaigreetl’avala.ElleallaitengloutirlasecondeperledelamêmefaçonlorsqueL.M.Plancus,quiavaitétédésignécommearbitredupari,mitleholàetprononçaqu’Antoineétaitvaincu.**Épulons.Collègede3,7puis10prêtresd’origineplébéiennechargésdeseconderlespontifesdansl’organisationdesbanquetssacrés(epula)offertsà

Jupiter Capitolin. Ils organisent égale-mentlesrepaspublicsofferts

parl’empereur.

Lucius munatius plancus, le fondateur oublié

portrait supposé de lucius Munatius plancus découvert à lyon près de l’amphithéâtre. Musée de la civilisation gallo-romaine de lyon-Fourvière. photo Chr. Thioc/J.-M. Degueule.

17l’ archéo-Théma no 1 | mars-avril 2009

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LYON capitale politique

S ur le plan juridique, la créa-tion d’une colonie implique d’abord appropriation de

terres prélevées sur le territoire d’un peuple vaincu, en l’occurrence celui des Ségusiaves, qui avaient pour capi-tale la ville actuelle de Feurs (Forum Segusiavorum). Sur le plan pratique, ce territoire fait l’objet d’un bornage et d’un redécoupage systématique par les arpenteurs, sur le même principe que la ville qui en marque le centre (voir arti-cle précédent). À l’aide d’une groma, outil de visée qui permettait de tracer des axes à angle droit, il est structuré par deux axes routiers perpendiculai-res, le decumanus maximus (axe est-ouest) et le cardo maximus (axe nord-sud). Des axes parallèles quadrillent l’espace, matérialisés dans le sol par des voies secondaires, des murets, des bornes et des fossés tracés à la charrue ou creusés de main d’homme. Le par-cellaire ainsi formé, appelé « centuria-tion », est divisé en centuries d’environ 700 m de côté. Il permettait d’assigner un lot bien défini de terres agricoles aux colons, généralement des vétérans de

Le territoire de Lugdunumpar Matthieu poux, professeur d’archéologie,

université Lumière Lyon 2, UMR 5138-MOM,

et Tony silvino, archéologue, Archeodunum, UMR

5138-MOM

le processus de fondation d’une colonie romaine est souvent réduit à la création d’une ville éten-due, organisée selon une trame rigoureuse et dotée de monuments prestigieux. C’est oublier qu’il comporte aussi une forte dimension rurale, étant établi que la civilisation dite « gallo-romaine » se définit par des populations et des ressources concentrées à 90 % dans les campa-gnes, dont les villes dépendent très largement.

le territoire colonial supposé de lugdunum, carte de localisation des villae citées dans le texte et des traces de centuriations resti-tuées d’après les photographies aériennes (en rouge). M. poux.

l’ archéo-Théma no 1 | mars-avril 200918

Page 21: Archéo Théma n° 01 - Lyon

Le territoire

la légion, gratifiés en fonction de leur grade et de leur mérite.

Les recherches paléo-environnemen-tales menées à Lyon et à sa périphérie montrent que la colonie de Lugdunum s’est implantée dans un paysage large-ment défriché, occupé et cultivé depuis la Protohistoire (voir encadré pp. 24-25). Ce terroir déjà bien maîtrisé est exploité, après la conquête, par des immigrants originaires d’Italie ou d’autres provinces de l’empire et d’anciens colons expulsés de la ville de Vienne (voir article précé-dent) ; probablement aussi, d’un certain nombre de fermiers indigènes gratifiés de terres prises à l’ennemi, à l’instar de certains cavaliers allobroges récompen-sés par César pour leur collaboration durant la guerre.

Un territoire à (re)dÉCoUVrir

Le territoire de Lugdunum, ses limites et ses modalités d’exploitation, res-tent très mal connus en regard de son centre urbain. Ils sont l’objet, depuis 2007, d’un programme de recherches mené par l’université de Lyon 2, qui associe fouilles sur le terrain et reprise de la documentation existante.

À l’ouest du noyau colonial implanté sur la colline de Fourvière, et jusqu’aux Monts du Lyonnais, s’étend un vaste

plateau vallonné, particulièrement pro-pice à l’activité agricole. Ce territoire est traversé par les quatre aqueducs qui approvisionnaient la colonie, dont le plus ancien, l’aqueduc du Gier, pourrait remonter à ses origines. Le long de son tracé se multiplient les indices d’une exploitation précoce du territoire, sous la forme de concentrations de cérami-ques et de tuiles datables du Ier siècle avant notre ère, retrouvées à intervalles réguliers.

Une première campagne de son-dages et de prospections électriques menée en 2008 sur le site de Saint-Lau-rent-d’Agny, au sud du territoire, à 200 mètres de l’aqueduc, y révèle l’exis-tence d’une villa vaste de plus d’un hec-tare et occupée dès le troisième quart du premier siècle av. J.-C. L’hypothèse d’une exploitation coloniale contem-poraine de la fondation de Plancus est renforcée par la découverte d’un vigno-ble daté des mêmes années (voir enca-dré p. 23). La présence d’une petite installation thermale et la richesse du mobilier recueilli à la surface du site caractérisent la résidence d’un notable impliqué, dès l’origine du site, dans la vie économique et/ou politique de la colonie.

Le reste du territoire livre peu de sites comparables, à l’exception d’une grande villa palatiale d’époque plus tar-dive, anciennement découverte à Anse

relief d’Aquileia (italie) représentant des magistrats romains suivant une charrue tractée par deux bœufs, lors du processus de fondation d’une colonie. Musée d’aquilée. D.r.

Denier en argent de la fin de la républi-que romaine (C. vibius pansa, 48 av. J.-C.) découvert sur le site de la villa de saint-lau-rent-d’agny dans le rhône. photo p. Bernard.

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Page 22: Archéo Théma n° 01 - Lyon

LYON capitale politique

« La Grange du Bief », pourvue de mosaï-ques et de bains privés, et d’une petite exploitation rurale fouillée dans les années 1970 à Chessy-les-Mines, dont l’occupation semble également remon-ter au milieu du Ier siècle av. J.-C.

Les vestiges sont nettement plus nombreux à l’est de Lyon, dans la région du Velin. L’appartenance de cette zone frontalière entre le Lyonnais et le Vien-nois au territoire colonial de Lugdunum n’est pas complètement assurée. Elle est néanmoins suggérée par la décou-verte, à Corbas, de l’épitaphe d’un décurion de la colonie de Lugdunum et par la mise en évidence, sur les pho-tographies aériennes, d’un parcellaire fossile organisé à la manière d’une cen-turiation coloniale. La datation de ces traces, qui peuvent appartenir à diffé-rentes périodes, fait encore débat. On peut cependant relever que leur orien-tation, à 23° Est, est identique au degré près à celle des vestiges de cultures fouillés à Saint-Laurent-d’Agny. Des

recherches récentes ont établi, par ailleurs, que le territoire des Ségusia-ves s’étendait bien au-delà de la Saône jusqu’au site de Beligneux dans l’Ain. Il semble logique que cette excroissance orientale ait été rattachée, après la conquête, à un territoire colonial réparti de manière équilibrée de part et d’autre du Rhône. Structuré par une grande voie est-ouest qui traverse Lugdunum (decumanus ?), auquel répondrait un axe nord-sud constitué par les voies qui longent les cours du Rhône et de la Saône (cardo ?), il soutient mieux la comparaison avec ceux des colonies de Valence, d’Arles ou d’Orange mis en évidence plus au sud.

Au cours des vingt dernières années, le développement de l’archéologie pré-ventive et programmée a permis de mettre au jour toute une série d’établis-sements ruraux de nature et d’impor-tance diverses. Cette région de plaine vallonnée de buttes, correspondant grosso modo à l’actuel Velin, est limi-

tée au nord par la côtière des Dombes et à l’est par le plateau calcaire de l’Isle Crémieu, au sud par les Balmes vien-noises et à l’ouest par le Rhône. Elle est ponctuée d’habitats dispersés, répartis plus densément près du Rhône et des voies de communication, en particu-lier des routes principales reliant Lyon à Genève, Grenoble et Vienne (compen-dium).

deS StAtUtS et Une ÉVoLUtion diffÉrenCiÉS

Les sites reconnus sont généralement des villae caractérisées par une cer-taine aisance sociale et économique. Malgré des états de conservation assez divers, parfois assez médiocres, ces grands domaines d’exploitation témoi-gnent de la colonisation des campa-gnes conduite à partir de Lugdunum.

Les établissements de Beynost et de La Boisse localisés sur la voie de

plateau lyonnais, territoire occidental de la colonie de lugdunum vu des contreforts des Monts du lyonnais. Cliché M. poux.

l’ archéo-Théma no 1 | mars-avril 200920

Page 23: Archéo Théma n° 01 - Lyon

Le territoire

Genève en bordure du Rhône, cor-respondent à des riches domaines occupés sur une période assez courte puisqu’ils sont abandonnés dès la fin du Ier s. ap. J.-C. Sur l’autre rive, la villa de Meyzieu, installée sur une butte domi-nant le fleuve, présente plusieurs états de construction qui perdurent jusqu’à la fin du IIIe siècle. Plus au sud, près du compendium à Feyzin, des travaux réalisés au XIXe siècle ont détruit les vestiges d’une villa richement équipée, notamment de thermes décorés de marbre, d’enduits peints et de mosaï-ques. Aux marges orientales de ce territoire, à Saint-Romain-de-Jalionas, deux villae succèdent à un habitat en bois et terre du second âge du Fer. Si la première exploitation construite vers 40 av. J.-C. présente un aspect assez rustique, la seconde, fondée au début du Ier s. ap. J.-C. et abandonnée à la fin de l’Antiquité, s’étend sur six hectares et dispose d’équipements très luxueux dignes des grandes maisons urbaines.

Ces grands domaines agricoles sont gérés par de riches exploitants dont certains sont certainement originaires de Lugdunum, participent à la vie éco-nomique régionale et fournissent une partie des denrées nécessaires à l’ap-provisionnement de la ville. Les villae sont de véritables centres d’exploita-tion des ressources agro-pastorales (agriculture, élevage, viticulture, etc.), complétées par des activités annexes comme l’artisanat et le commerce.

Des exploitations plus modestes sont également attestées. Il s’agit principalement de bâtiments agrico-les construits en terre sur murets en galets, ou simplement en bois (Villette d’Anthon, Chas-sieu, Meyzieu, Genas, Vénissieux).

Ces établissements ruraux sont pour la plupart des créations ex nihilo. Toutefois, il

serait erroné de penser que les terrains sur lesquels ils s’implantent étaient exempts, avant la conquête, de toute forme d’organisation économique et sociale. Des formes d’habitat dispersé étaient déjà présentes bien avant la conquête, même si elles demeurent mal connues. Outre l’exemple de Saint-Romain-de-Jalionas, les récents sonda-ges de la villa de Saint-Laurent-d’Agny ont montré qu’elle succède à une occu-pation gauloise datée de la fin de l’épo-que gauloise (80-60 av. J.-C.).

À l’exception de ces deux derniers sites et de celui de Chessy, la fonda-

tion des villae est rare-ment antérieure au changement d’ère, et leur durée d’occupa-tion varie fortement, la majorité d’entre elles étant désertées à la fin du IIIe siècle. Cet aban-don témoigne d’une réorganisation du terri-

Les villae sont de

véritables centres d’exploitation des

ressources agro-pastorales

vue aérienne de la villa de la Boisse (ain) en cours de fouille. Fouilles G. vicherd, 1980.

l’ archéo-Théma no 1 | mars-avril 2009 21

Page 24: Archéo Théma n° 01 - Lyon

LYON capitale politique

pour en savoir plus• J.-C. Béal, « Les territoires des cités antiques : notes de géographie histori-que en région lyonnaise », dans Revue des Études Anciennes, tome 109, 2007, n°1, pp. 5-26.• G. Chouquer, L’étude des paysages. Essais sur leurs formes et leur histoire, Éditions Errance, Paris, 2000.C. Cloppet, « Le cadre de vie dans les villae des territoires de Lyon et de Vienne (situation, construction, déco-ration) », dans Caesarodunum XXXVII-XXXVIII, 2003-2004, pp. 297-320.• A. Desbat, M. Poux, « Lugdunum, ville et campagne », dans P. Ouzoulias, L. Tranoy, Quand les Gaules devinrent romaines, Actes du colloque du Louvre – INRAP, 2007, sous presse.

reconstitution de la villa du « vernai » à saint-romain-de-Jalionas (isère). Fouille robert royet, dessin Yves Juvin.

toire et des lieux de peuplement durant l’Antiquité tardive, qui passe soit par une réoccupation de certains sites, comme les villae de Beynost et de Meyzieu, soit par la création de nouveaux domaines, aisés (La Boisse) ou plus modestes (Saint-Priest, Vénissieux).

Après des siècles de recherches focalisées sur le centre monumental de la colonie, le territoire colonial de Lugdu-num se dévoile peu à peu, au fil des

fouilles préventives et programmées. Du Ier s. av. J.-C. au IVe s. apr. J.-C., il est l’objet d’une exploitation féconde et soutenue, contrôlée par des élites forte-ment impliquées dans la vie urbaine et soucieuses de leur confort.

vase en verre soufflé en forme de poisson découvert sur le site de la villa de « la Dent » à Meyzieu. photo Ch. Thioc/J.-M. Degueule, Musée gallo-romain de lyon-Fourvière.

l’ archéo-Théma no 1 | mars-avril 200922

Page 25: Archéo Théma n° 01 - Lyon

titre 2Le « vin du triumvir », un cru oublié de la colonie de Lugdunum

d ans les campagnes d’Italie, toute exploitation agricole digne de ce

nom doit comporter un vignoble, un pressoir et un chai dédiés à la produc-tion d’un volume variable de vin, pour la consommation familiale ou la vente. Cette prescription des agronomes la-tins est confirmée par les fouilles ar-chéologiques récentes, en Italie comme en Gaule.

Le site de la villa de « Goiffieux » à Saint-Laurent-d’Agny a livré plusieurs indices d’un établissement agricole contemporain de la fondation coloniale de Lugdunum. La découverte de mon-naies émises durant les guerres civiles (Pansa, Marc Antoine et Octave) et de formes céramiques en usage à la même époque (amphores italiques de type Dressel 1B ou Pascual 1 de Tarraconaise, plats à enduit interne Goudineau 1, si-gillées précoces), situent sa première phase d’occupation dans la seconde moitié du Ier s. av. J.-C.

Les sondages et les prospections réa-lisés en 2008 ont révélé le plan d’une vaste villa de type palatial occupée entre le Ier et le IVe siècle, dont la partie résidentielle, centrée sur une grande cour, comportait des bains privés. Le mobilier recueilli en surface, appli-ques de meubles en bronze à tête né-groïde, de lion et de bélier, fragments

de marbres originaires d’Italie, d’Afrique et de Grèce, tesselles de mosaïque et pièces de harna-chement militaire, confirment le statut privilégié de ses occu-pants.

Au nord de cette villa s’étendent de longues tranchées parallèles, recou-pées par les sondages. Certaines cor-respondent à des drains ou des canaux d’irrigation, d’autres à des tranchées de défoncement caractéristiques de la culture de la vigne, de par la présence de diverticules latéraux liés à la prati-que du « provignage », qui consiste à enterrer un sarment pour le faire re-partir à proximité du pied principal. Le fond des tranchées a conservé l’em-preinte des ceps et leur remplissage, des pollens de vigne qui confortent cette identification.

La découverte de ce vignoble romain est d’autant plus intéressante qu’il est scellé par une couche de fumier datée du début du règne d’Auguste (20-10 av. J.-C.). Sa précocité explique sans doute les particularités qui le distinguent des autres vignobles fouillés à ce jour en Gaule. En effet, l’espacement très im-portant des tranchées (près de 6 m) et la présence de poteaux plantés à inter-valles réguliers, indiquent un mode de conduite des ceps sur de hauts tuteurs, reliés entre eux à la manière de « per-golas ». Inédite dans nos régions, mais caractéristique des vignobles fouillés dans la région de Rome, cette techni-

que n’a pu être importée que par des colons originaires d’Italie.

Cette possibilité est corroborée par un texte du géographe grec Stra-bon, qui fait allusion à une culture de la vigne pratiquée sous Auguste dans l’arrière-pays de Lugdunum. Une let-tre beaucoup plus tardive de l’évêque Sidoine Apollinaire, écrite au Ve siècle de notre ère, est encore plus explicite, puisqu’elle évoque « le nom d’un vin illustre créé par le Triumvir » en ses terres lyonnaises. Un cru oublié de la colonie de Lugdunum dont la pater-nité ne peut guère être attribuée qu’aux triumviri Lépide, Marc Antoine ou Oc-tave, qui ont tous trois séjourné à Lyon au premier siècle avant notre ère…Matthieu Poux

Tranchées et fosses de plantation mises au jour en marge du site de la villa de saint-laurent-d’agny (rhône). Cliché F. prioux.

vignobles de type italique sur tuteurs hauts (vitis compluviata) reconstitués sur le site du Mas des Tourelles à Beaucaire (Gard). Cliché M. poux.

Mosaïque découverte à lyon, représentant le foulage au pied de raisins dont le jus s’écoule dans une grande jarre de type dolium. photo Chr. Thioc/J.-M. Degueule, Musée gallo-romain de lyon-Fourvière.

l’ archéo-Théma no 1 | mars-avril 2009 2323l’ archéo-Théma no 1 | mars-avril 2009

Page 26: Archéo Théma n° 01 - Lyon

LYON

L ’étude des ossements ani-maux issus des fouilles archéologiques nous éclaire

sur le quotidien des habitants de la cité car ils témoignent des mentalités, des échanges commerciaux, des liens sociaux, etc., d’une époque donnée. L’archéozoologie est là pour les faire parler. Un des thèmes majeurs abor-dés par cette discipline est l’histoire de la consommation carnée, qui repose essentiellement sur la triade domesti-que : bœuf, porc et Caprinés (moutons et chèvres).

Ainsi, à Lugdunum, constate-t-on une forte consommation de porc, dans la continuité de ce qui se pratiquait à La Tène finale. La période antique est également marquée par une croissance régulière de la part de la viande de bœuf au cours des siècles, résultant de la mise en place progressive de boucheries, ainsi que par une rareté extrême des Capri-nés dans la diète carnée. L’hippophagie (consommation de cheval) et la cynopha-gie (consommation de chien), caractéris-tiques du second âge du Fer, disparais-sent dès la fondation de la colonie, pour refaire surface timidement au début du IIe siècle et surtout à la fin de l’Antiquité. Le gibier et la volaille restent, pour leur part, anecdotiques. Dès les années 20 av. J.-C., des poissons de mer arrivent à Lugdunum, essentiellement sous forme de saumures, tandis que dans l’Antiquité tardive, les ressources piscicoles locales reprennent le dessus. Enfin, des coquilla-ges marins sont importés dès 40 av. J.-C., tandis que les huîtres apparaissent aux alentours du changement d’ère, et repré-sentent, dès lors, l’essentiel des fruits de mer consommés. T. A.

Néolith

ique f

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Bro

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Bronz

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l

1er A

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2e A

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Ier s.

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Ier s.

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IIe - -

IVe s.

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Ie s.

VIIe - X

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XIIe - X

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XVIe - XVIII

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XIXe s.

XXe s.

CarpeHareng

Cerf

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Morue salée

Coquillages

Poissons

marins/Coquillages

frais

Poisson de rivière

Poissons marins

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A

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B

CD

A : Hallstatt f inal

B : La Tène

C : Débuts de la colonie

D : Ier siècle après JC

E : Bas Empire

F : Haut Moyen Age

E

des os et des pollens au service de l’histoire de Lyonpar Thierry argant, archéozoologue, Archeodunumet Catherine latour-argant, Palynologue – UMR 5138

Ci-dessus : la période gallo-romaine constitue une période particulièrement importante dans l’évolution du bestiaire de la table lyonnaise. C’est à ce moment-là que les premiers poissons et autres fruits de mer y apparaissent. De même, l’urbanisation et la mise en culture de toute la région favorisent le lièvre au détriment du cerf, même si d’autres facteurs – socio-culturels – interviennent dans le choix du gibier. en haut, le diagramme triangulaire des proportions au sein de la triade domestique (% du nombre de restes de la triade) montre bien l’importan-ce du porc dans la diète carnée des gallo-romains (C, D, e), dans la continuité du second âge du Fer (B). la rupture avec la période médiévale (F) est également très nette. © T. argant, 2009.

l’ archéo-Théma no 1 | mars-avril 200924

Page 27: Archéo Théma n° 01 - Lyon

des os et des pollens

pour en savoir plus• Argant J. (1993), « Premières indica-tions sur la végétation lyonnaise à l’Ho-locène d’après l’analyse pollinique », dans Palynosciences, 2, pp 57-78.• Argant et alii (2006), Argant J., Latour-Argant C. et Argant T., “Peuplement et changements rapides des biocénoses : l’exemple de Lyon, du Néolithique à l’époque Moderne, approche palynologique et archéozoo-logique, inédit.• Argant T., (2001), L’Alimentation d’origine animale à Lyon des origines au XXe siècle. Thèse de Doctorat, Lyon, Université Lumière - Lyon 2, 2 vol., 856 p., 28 tab., 44 fig.• Piques G., Hänni C., Silvino T., (2008), « L’approvisionnement de Lugdunum en poisson au IIIe siècle : les données de la fouille du Parc Saint-Georges (Lyon, France) », dans, Béarez P, Grouard S., Clavel B. (dir.), Archéolo-gie du poisson. 30 ans d’archéo-ichtyologie au CNRS, Éditions APDCA, Antibes, 2008, pp. 255-268.

Fougères

Prairie humide

Forêts lointaines (pin, sapin et hêtre)

Boisements proches (chêne, aulne, bouleau, orme, saule, noisetier, tilleul,...)

Prairie sèche

Pâtures

Plantes rudérales (Les rudérales sont des plantes qui poussent spontanément à proximité des lieux fréquentés par l’Homme)

Plantes messicoles (Les messicoles sont les «mauvaises herbes» des cultures comme le bleuet et le coquelicot)

Céréales

Arboriculture et arbres d'agrément (noyer, vigne, olivier, chanvre)

AP (Arbres) NAP (Plantes herbacées)

%%0 2020 4040 6060 80 100

Épisode de déboisement

Épisode de déboisement

Période d'intensification des cultures

Analyses et D.A.O. Catherine Latour-Argant 2007©

Analyse palynologique

des sédiments issus du

comblement du bassin daté

du Ier s. de notre ère.

Fougères

Prairie humide

Forêts lointaines (pin, sapin et hêtre)

Boisements proches (chêne, aulne, bouleau, orme, saule, noisetier, tilleul,...)

Prairie sèche

Pâtures

Plantes rudérales (Les rudérales sont des plantes qui poussent spontanément à proximité des lieux fréquentés par l’Homme)

Plantes messicoles (Les messicoles sont les «mauvaises herbes» des cultures comme le bleuet et le coquelicot)

Céréales

Arboriculture et arbres d'agrément (noyer, vigne, olivier, chanvre)

AP (Arbres) NAP (Plantes herbacées)

%%0 2020 4040 6060 80 100

Épisode de déboisement

Épisode de déboisement

Période d'intensification des cultures

Analyses et D.A.O. Catherine Latour-Argant 2007©

Analyse palynologique

des sédiments issus du

comblement du bassin daté

du Ier s. de notre ère.

Fougères

Prairie humide

Forêts lointaines (pin, sapin et hêtre)

Boisements proches (chêne, aulne, bouleau, orme, saule, noisetier, tilleul,...)

Prairie sèche

Pâtures

Plantes rudérales (Les rudérales sont des plantes qui poussent spontanément à proximité des lieux fréquentés par l’Homme)

Plantes messicoles (Les messicoles sont les «mauvaises herbes» des cultures comme le bleuet et le coquelicot)

Céréales

Arboriculture et arbres d'agrément (noyer, vigne, olivier, chanvre)

AP (Arbres) NAP (Plantes herbacées)

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Épisode de déboisement

Épisode de déboisement

Période d'intensification des cultures

Analyses et D.A.O. Catherine Latour-Argant 2007©

Analyse palynologique

des sédiments issus du

comblement du bassin daté

du Ier s. de notre ère.

Néolithique

Âge du Bronze

Hallstatt

La Tène

Ier siècle av. JC

Ier - Ve siècle ap. JC

Haut Moyen-Age

Bas Moyen-Age

Époque Moderne

Arbres

Cultures

Plantes herbacées

Évolution du couvert végétal dans la plaine de Vaise

(Analyses J. Argant et C. Latour-Argant)

des plantes disparues depuis longtemps, permettent de restituer l’environnement végétal d’un site antique comme Lugdu-num à l’époque de son occupation.

Pour l’époque romaine, les récen-tes fouilles effectuées dans la plaine de Vaise attestent l’existence d’un pay-sage qui demeure assez stable au cours

Ci-dessous :Diagramme société/végétation montrant l'évolution de la végéta-tion au cours du ier siècle de notre ère sur le site des 16-28 rue de Tuileries (lyon 9) - Fouille savDl 2007

du Ier siècle de notre ère. Il est caracté-risé par une activité humaine très forte qui remonte à la Protohistoire, et a déjà totalement bouleversé, à cette époque, l’état « naturel » de la plaine. Pratiqués de manière intensive dès la fin de l’âge du Fer, les coupes de bois et le défri-chement ont réduit considérablement le couvert forestier. Les cultures de céréa-les et du chanvre, ainsi que les pâtura-ges, ont investi ces espaces défrichés, et des zones de jardins ont probablement été aménagées. Ces analyses nous indi-quent que la plaine de Vaise correspon-dait, durant l’Antiquité, à une zone de campagnes dévolue à l’agriculture, qui pourvoyait en partie au ravitaillement de la colonie de Lugdunum.

Concernant le territoire de Lugdu-num, les analyses palynologiques récemment effectuées sur le site de Goiffieux à Saint-Laurent-d’Agny ont confirmé la présence de la viticulture dès les premiers niveaux d’occupation de la villa au Ier siècle avant notre ère. Il s’agirait ainsi du premier vignoble reconnu à ce jour sur ce territoire colo-nial. C. L.-A.

P alynologie : ce nom savant désigne l’étude des grains de pollen fossiles préservés dans

les différentes couches archéologiques mises au jour lors des fouilles et datées par le matériel qu’elles contiennent. L’observation au microscope et l’enre-gistrement des pollens, dispersés par

l’ archéo-Théma no 1 | mars-avril 2009 25

Page 28: Archéo Théma n° 01 - Lyon

amphore à vin de l’île de Cos. Musée gallo-romain de lyon-Fourvière. photo Chr. Thioc.

26

LYON capitale économique

l’ archéo-Théma no 1 | mars-avril 200926

Page 29: Archéo Théma n° 01 - Lyon

titre 2

Toutes les sources confirment que lugdunum, colonie romaine, capitale d’une vaste province (la Gaule lyonnaise), siège d’un des principaux ateliers monétaires de l’empire et du sanctuaire le plus célèbre de l’occident romain (l’autel fédéral des Trois Gaules), était également la « métropole économique des Gaules », à défaut d’en être la capitale politique.

deS SoUrCeS d’infor-mAtion diVerSifiÉeS

aujourd’hui, l’importance d’une ville se mesure avant tout au nombre de ses habitants, mais cette infor-mation demeure inaccessible pour l’antiquité. on a cependant avancé le chiffre de 30 000 habitants, pour une superficie de près de 300 ha. seul un échantillon de cette popula-tion est connu : ce sont les person-nages dont le nom figure sur des monuments en pierre, notamment funéraires, conservés aujourd’hui. Échantillon certes peu représen-tatif statistiquement, puisque ces textes, réduits à moins d’un millier, couvrent plus de trois siècles (de la fin du ier s. av. J.-C. à la fin du iiie s.), ni même sociologiquement, puisque seuls apparaissent les plus fortunés. Mais ces textes qu’étudie l’épigra-phie apportent de précieuses infor-mations sur certains métiers, leur organisation, sur des produits fabri-

qués sur place ou importés. De son côté, l’archéologie, en retrouvant les traces matérielles de multiples activités, révèle l’existence d’arti-sans souvent modestes et de pro-ductions que les textes littéraires et l’épigraphie ignorent. en s’appuyant sur les analyses de laboratoire, l’en-quête archéologique éclaire avec beaucoup d’efficacité les outils et les techniques du passé.

ainsi, seule l’épigraphie pouvait faire connaître, grâce à son épita-phe, cet artisan qui pratiquait l’ars barbaricaria (le brochage, c’est-à-dire le tissage avec des fils d’or et d’argent). la probabilité pour que des fouilles puissent identifier les traces d’une telle activité est très faible. il en va de même pour un fabricant de savon (saponarius) ou des parfumeurs (unguentarii)… en revanche, les métallurgistes qui fabriquaient des objets en alliages à base de cuivre (bronze, laiton), n’ont laissé sur leurs lieux de travail que des rebuts (creusets, moules…). Mais l’analyse de ces restes permet de reconstituer avec précision toute la chaîne opératoire.

productions et échangespar Hugues savay-Guerraz

conservateur au Musée gallo-romain de Lyon Fourvière

Fouille de l’atelier de potiers de la rue du Chapeau rouge, à vaise (lyon 9e), au début de l’année 2000. photo Chr. Thioc.

27l’ archéo-Théma no 1 | mars-avril 2009 27

Page 30: Archéo Théma n° 01 - Lyon

Céramiques sigillées de l’atelier de la Muette. Musée gallo-romain de lyon-Fourvière. photo Chr. Thioc.

Pour subvenir aux besoins d’une population urbaine, construire et entre-tenir les bâtiments publics et privés, fournir les équipements nécessaires à la vie quotidienne, il existait une grande diversité de métiers. Rien d’étonnant donc si à Lyon, comme dans toutes les agglomérations, les fouilles archéologi-ques mettent au jour régulièrement, ici ou là, les traces de ces multiples activi-tés. Lugdunum constitue cependant un cas particulier, à la fois par l’importance de la consommation locale, et par son rôle économique de premier plan lié au Rhône, principal axe de communi-cation entre le bassin méditerranéen et le nord de l’empire.

Le rhône, Axe CommerCiAL mAJeUr

Les bateaux de mer remontent jusqu’à Arles, et au-delà, de puissantes entre-prises de navigation fluviale prennent le relais. Les Nautes, dont les bureaux étaient à Lyon, y sont mentionnés sur une trentaine d’inscriptions. Cette cor-poration (corpus splendissimum nau-tarum) regroupe plusieurs entreprises implantées sur le Rhône et la Saône. La découverte récente d’épaves de grands chalands sur la rive droite de

la Saône, dans le quartier Saint-Geor-ges (Lyon 5e), illustre de façon saisis-sante l’importance de ce trafic (cf. pp. 32-33). Ces embarcations à fond plat, qui atteignaient une longueur de 30 m, pouvaient naviguer dans les deux sens, à la descente ou halées à contre-courant. Une autre corpo-ration, celle des utricularii, désigne probablement les transporteurs navi-guant sur des radeaux portés par des outres et adaptés à de faibles tirants d’eau. Enfin, il existe des sociétés spé-cialisées dans le transport et la dis-tribution de produits particuliers. Le quartier des affaires devait occuper la presqu’île, qui s’appelait alors les Kanabae. Il devait associer entrepôts et riches demeures, à l’image de celui de Saint-Romain-en-Gal, à Vienne, sur la rive droite du Rhône. On a mentionné les épaves du quartier Saint-Georges, abandonnées à proximité d’un secteur portuaire. Il n’est pas certain qu’il exis-tait de véritables ports construits avec des quais : seuls ont été découverts des appontements constitués de pilo-tis. Plusieurs autres secteurs de trans-bordement devaient exister le long des cours d’eau, notamment sur la Saône, comme le suggèrent les dizaines de plombs de douanes découverts au XIXe siècle.

Lugdunum a connu, à partir de la fin du Ier s. av. J.-C., un intense commerce sud-nord dont on perçoit encore les manifestations au début du Ve siècle. Nous sommes particulièrement bien informés sur le commerce de trois produits alimentaires conditionnés en amphores : l’huile d’olive est importée de la province de Bétique, au sud de l’His-panie ; ce commerce est aux mains de la société des diffusores olearii ex Baetica. Le vin, ou plutôt les vins, tant les régions productrices comme les qualités sont diverses, proviennent de tous les rivages de la Méditerranée : à l’origine, à la fin du Ier s. av. J.-C., essentiellement de l’Italie, et ensuite de Marseille et de l’Espagne, mais aussi des îles grecques, puis de tout le sud de la Gaule et même « d’Orient » (Rhodes et la côte du Levant), et au IIIe siècle, également d’Afrique du Nord. La corporation des negotiatores vinarii en assure le négoce. Enfin, les conserves et les sauces de poisson sont importées des côtes de l’Hispanie et d’Afrique du Nord. Ces produits de base de la cuisine romaine sont destinés au marché local,

Monument des nautes, découvert dans le quartier saint-Georges (lyon 5e) : « Caius Iulius Sabinianus, naute du Rhône, en l’honneur des Nautes du Rhône, a offert ce monument ». Musée gallo-romain de lyon-Fourvière. photo Chr. Thioc.

l’ archéo-Théma no 1 | mars-avril 200928

LYON capitale économique

Page 31: Archéo Théma n° 01 - Lyon

productions et échanges

mais aussi à l’exportation, notamment vers les villes du nord de la Gaule, de la Germanie et de la Bretagne, ainsi qu’à l’approvisionnement des légions station-nées sur les frontières. La découverte récente, à Lyon même, d’une produc-tion d’amphores, confirme cette fonc-tion de redistribution : elles servaient à conditionner des vins et des sauces de poisson importés en vrac (en tonneaux et en dolia, ces cuves en céramique) et

rediffusés ensuite par voies fluviales et terrestres. Dans ce commerce avec le monde méditerranéen, les marbres extraits en Italie, Afrique, Égypte, Grèce et Asie Mineure tenaient une place non négligeable. Le caractère prestigieux de l’architecture publique de la colonie explique l’importation non seulement de décors de placage (ce qui est fréquent en Gaule), mais aussi de blocs d’archi-tecture massifs. Les deux colonnes de

Marque de fabrique sur une plaque de plomb « made in Lyon » par deux artisans : Marcus Car… vassedo et numerius Centurio. parc saint-Georges, lyon 5e. photo Chr. Thioc.

granite d’Égypte, remployées aujourd’hui dans la basilique Saint-Martin d’Ainay (Lyon 2e), chacune d’un poids de près de 30 tonnes, en constituent le meilleur exemple.

On est bien moins renseigné sur le commerce nord-sud. Si l’on admet cependant que les vastes entrepôts découverts à Vienne, à 30 km en aval de Lyon, ont été construits au Ier siècle pour stocker le produit de l’impôt en nature collecté dans les provinces de la Gaule et destiné à Rome, il faut alors supposer que la plupart de ces den-rées (on peut imaginer des céréales, des textiles et des peaux, du minerai, du vin…) ont transité par Lugdunum. On sait également que l’essentiel de la pierre de taille calcaire utilisée dans les constructions lyonnaises a été extraite dans des carrières situées au bord du Rhône : si, dès la fin du Ier s. av. J.-C., ce sont les carrières de « pierre du Midi », localisées à Saint-Paul-Trois-Châteaux et plus au sud, qui ont été mises à contribution, en revanche, à partir du milieu du Ier s. ap. J.-C., Lyon importe massivement des pierres calcaires pro-venant du Haut-Rhône.

verre des ateliers de lyon. Musée gallo-romain de lyon-Fourvière. photo Chr. Thioc.

l’ archéo-Théma no 1 | mars-avril 2009 29

Page 32: Archéo Théma n° 01 - Lyon

pour en savoir plus• Desbat, A., Artisanat et commerce à Lugdunum, dans Le Mer Anne Cathe-rine, Chomer Claire et alii, Lyon, Carte archéologique de la France, 69/2, Paris, 2007, pp. 214-222.• Wuilleumier, P., Lyon, métropole des Gaules, Paris, 1953, 118 p.

Un qUArtier ArtiSAnAL en bord de SAône

Beaucoup d’activités artisanales étaient pratiquées dans des boutiques associant production et ventes, dissé-minées dans le tissu urbain, souvent intégrées aux îlots d’habitat. Ainsi, de nombreuses traces du travail du fer, des alliages à base de cuivre (bronze), de l’os, des textiles…, ont été décou-vertes, surtout sur la rive droite de la Saône (colline de Fourvière et plaine de Vaise). Les fours des potiers sont rejetés à la périphérie, où ils côtoient les tombes. En revanche, aucun atelier de plombier n’a encore été mis au jour, bien qu’une vingtaine de marques de fabrique différentes soient connues sur des tuyaux et des cuves : hasard des découvertes ou réalité d’un métier pra-tiqué sur place, dans les bâtiments en construction ? De même, on ne sait rien des grandes tuileries et briqueteries qui ont dû alimenter Lugdunum pen-dant plusieurs siècles : probablement étaient-elles situées loin du centre-ville, proche des sources de matières pre-mières (bois et argile).

Il existe toutefois une véritable concentration artisanale, se dévelop-pant sur près d’un kilomètre, le long de l’étroite plaine située sur la rive gauche de la Saône, au pied de la colline de la Croix-Rousse. Dès 30-20 av. J.-C., des groupes de potiers venus d’Italie y créent une succursale de l’atelier d’Arrezzo. Ils produisent en série, à un rythme quasiment industriel, des assiettes et des bols à vernis rouge (céramique sigillée) et des gobelets très fins (gobelets d’Aco, du nom d’un des potiers), identiques à ceux de l’Ita-lie du Nord. Au moins 70 noms d’arti-sans sont connus dans le site dit de La Muette, grâce aux marques de fabri-que imprimées dans l’argile des vases. L’essentiel des produits lyonnais est écoulé vers les provinces du Nord et les camps militaires. Le choix de Lyon s’ex-plique par sa situation privilégiée sur la route économique très importante que constitue « l’axe Rhône-Saône ». Ces productions italiques sont aban-

données au début du Ier s. et cèdent la place à d’autres céramiques fines (bols et gobelets) et à des lampes. Les potiers partagent ce secteur (sites de la Butte et de la Manutention) avec plusieurs ateliers de verriers, les plus anciens connus en Gaule. Une quin-zaine de fours ont été mis au jour : les formes étaient soufflées (flacons, cru-ches, gobelets) et aussi moulées (bou-teilles à fond carré). Fait remarquable, révélateur d’une organisation économi-que raisonnée, les analyses ont montré que ce verre n’était pas fabriqué sur place, mais importé en blocs depuis la Méditerranée orientale. Des ateliers primaires produisaient du verre brut à partir de sables dont la composition chimique était naturellement adaptée. Comme aujourd’hui, les ateliers de Lyon recyclaient le verre brisé récupéré

en ville. Des bronziers ont également laissé sur les bords de Saône les traces de leurs activités. Enfin, dans ce même secteur, l’exploitation des monuments comme carrières de pierre dans l’An-tiquité tardive est bien illustrée par la présence d’un grand four à chaux. Il fut alimenté par la démolition d’un vaste édifice, peut-être une porte monumen-tale, dont il n’est resté que les fonda-tions.

les grandes régions de lugdunum. Cartographie Marie-noëlle Baudrand, service archéologique ville de lyon. Fond alyas.

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LYON capitale économique

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titre 2

L ’atelier monétaire de Lyon fonctionna de façon discon-tinue entre 43 av. J.-C. et l’année 413 apr. J.-C., alternant

rôles principaux, secondaires et figuration. C’est Auguste qui, à partir de 19 av. J.-C., lui donna toute son importance en l’uti-lisant comme base pour la diffusion de sa réforme monétaire. Lyon obtint ainsi le monopole de la frappe des monnaies d’ar-gent (denier) et d’or (aureus) ainsi qu’un rôle prépondérant pour la frappe du « bronze ». Cependant ce rôle majeur ne fut que de courte durée puisque la fin du Ier siècle marqua la fermeture de l’atelier pour plus de 170 ans. En effet, hormis un très court épisode de frappes sous l’usurpateur Clodius Albinus entre 196 et 197, il fallut attendre fin 274 et l’empereur Aurélien pour que son activité reprenne. Toutefois, à partir de cette date et jusqu’à sa fermeture définitive en 413, l’ate-lier de Lyon n’aura plus qu’un rôle secondaire et une activité irrégulière.

La création d’un atelier monétaire à Lyon a pu être motivée par les avantages stratégiques de la ville. En effet, elle possédait un rôle politique en abritant le gouvernement des Gaules et un rôle religieux avec la présence de l’Autel des Trois Gaules, dédié à Rome et à Auguste. La localisation de la colonie sur les axes de circulation formés par le Rhône et la Saône en faisait aussi un centre économique. Enfin, la proximité des camps du limes rhénan où se situaient les soldats romains, princi-paux consommateurs de monnaies, lui donnait une certaine importance militaire. Malgré les nombreuses fouilles archéo-logiques réalisées sur le territoire lyonnais, la localisation de l’atelier n’a pas encore été déterminée précisément, même si l’hypothèse de la colline de Fourvière est favorisée.

LeS LyonnAiS et LeUr monnAie

La circulation monétaire dans la colonie de Lugdunum peut être appréhendée de façon indirecte par l’étude des monnaies découvertes lors des nombreuses fouilles archéologiques lyonnaises. Après avoir réalisé le catalogue des monnaies des premiers siècles avant et après J.-C. découvertes à Lyon et les avoir analysées statistiquement, différents points ont pu être mis en évidence : durant tout le premier siècle de notre ère, l’as, une monnaie de cuivre de valeur moyenne dans le sys-tème monétaire augustéen, semble avoir été la dénomination la plus utilisée pour les échanges quotidiens. En effet, celle-ci forme à elle seule plus de 70 % des monnaies découvertes. Les métaux précieux tels que l’or et l’argent pourraient ne pas avoir eu un rôle très important dans les échanges quo-tidiens car ils ne forment respectivement que 0,2 et 8 % des monnaies en circulation. Cette caractéristique cumulée à leur apparition régulière au sein des trésors en fait plutôt des outils de thésaurisation. Jusqu’à la fin du premier siècle de notre ère, des monnaies gauloises, surtout de bronze, étaient encore utilisées comme moyen de paiement en parallèle des monnaies romaines. En ce qui concerne l’impact de l’atelier lyonnais sur la masse monétaire, cette étude a montré qu’il fournissait la majorité des monnaies en circulation dans la colonie lorsqu’il fonctionnait. De même, son ouverture en-traîna la circulation des monnaies dans les moindres recoins de la cité et permit ainsi une monétarisation très rapide de l’économie locale. La trace d’un rapport particulier entre les habitants de Lugdunum et les monnaies que la cité produisait fut aussi décelée. En effet, l’étude des monnaies déposées de façon rituelle dans les sépultures locales montre une large surreprésentation des monnaies lyonnaises, en particulier celles frappées de l’autel des Trois Gaules sur leur revers. Cela pourrait donc illustrer un rapport affectif ou identitaire entre les habitants de Lyon et leur monnaie. L’extension de l’étude de la circulation monétaire dans la colonie de Lugdunum des origines jusqu’à la mort de Septime Sévère (43 av. – 211 apr. J.-C), permettra de s’interroger plus en détail sur l’utilisation de la monnaie par les Lyonnais du Haut-Empire.Par Jonas Flück, doctorant à l’Université Lumière Lyon 2

La monnaie à Lugdunum et son utilisation au quotidien

as (monnaie de cuivre) frappé à lyon par auguste au nom de Tibère César entre 10 et 14 ap. J.-C. revers avec la représentation de l’autel des Trois Gaules. Musée gallo-romain de lyon-Fourvière. photo Chr. Thioc/ J.-M. Degueule.

Monnaie en argent (denier) frappée à lyon en 197 par Clodius albinus, adversaire de septime sévère, figurant le génie de lugdunum. Dr.

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vues générales et détail de trois des six épaves gallo-romaines. photo Chr. Thioc/J.-M. Degueule, Musée gallo-romain de lyon.

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L e site archéologique du Parc Saint-Georges, à Lyon, situé au niveau d’une ancienne rive droite de la Saône,

a donné lieu, d’octobre 2002 à juin 2004, à une importante et remarquable fouille préventive conduite par l’INRAP sous la direction générale de Grégoire Ayala et, pour la par-tie portant sur les épaves, sous la responsabilité de Marc Guyon. Au cours de cette opération d’archéologie urbaine réalisée selon les méthodes et les techniques en usage en fouille terrestre à l’intérieur d’un coffrage en béton recou-vrant une surface d’environ 4000 m2, seize épaves datées du Ier au XVIIIe siècle ont été fouillées. Les six chalands gal-lo-romains, les deux pirogues monoxyles médiévales, les sept barques-viviers du XVIe siècle et le chaland du XVIIIe siècle offrent un exceptionnel et représentatif panorama architectural de la batellerie du bassin Rhône-Saône.

Les six chalands antiques s’inscrivent dans une chro-nologie comprise entre le Ier et le IIIe siècle après J.-C. L’origine de la localisation de ces épaves à proximité d’aménagements portuaires en bois de même époque pose un certain nombre de questions. S’agit-il pour cer-tains de bateaux volontairement abandonnés en raison de leur vétusté ? S’agit-il pour d’autres de bateaux en cours de réparations ou échoués après avoir été emportés par une crue d’amont ? Il est certain, en tout cas, qu’à l’exception d’une seule épave (Ép. 5), toutes les autres sont très bien conservées en longueur (entre 14,50 m et près de 20 m) et en largeur (entre 3 m et 5 m).

Si ces six chalands sont tous construits sur un système architectural dit « sur sole », reposant sur un fond plat, sans quille, ils se rattachent à deux familles architecturales dis-tinctes : celle des bateaux à structure « monoxyle-assem-blée » (ou « polyxyle ») d’une part (épaves 2, 3, 4, 5, 7) et celle des bateaux à structure intégralement assemblée (« compo-site ») représentée par une seule épave (Ép. 8) d’autre part. La première famille se caractérise, notamment, par une structure lourde, comprenant un certain nombre de pièces façonnées selon une technique analogue à celle de l’archi-tecture monoxyle (bordé monoxyle de transition sculpté en forme de cornière, bordé inférieur des flancs constitué d’un ou de deux demi-troncs de sapin).

La conception, comme la construction, de ces chalands à fond plat se rattache à une tradition d’architecture nauti-que fluviale qualifiée de romano-celtique avec, cependant,

plusieurs caractéristiques révélatrices d’une très probable influence d’origine maritime et méditerranéenne. L’exis-tence de ces pratiques constructives particulières aux chantiers navals du bassin « Rhône-Saône » en relation avec la position de Lyon comme carrefour technique entre une Méditerranée maritime romaine et un territoire gaulois flu-vial témoigne, à un autre niveau, du rôle fondamental des voies d’eau dans l’économie des transports en Gaule. À cet égard, il faut souligner l’importance des dimensions de ces chalands gallo-romains du Parc Saint-Georges dont les plus grands pouvaient sans doute mesurer entre 30 et 40 m de long, 5,30 m de large et être dotés d’un creux (profondeur intérieure) de l’ordre de 1,20 m. Avec de telles dimensions, la capacité maximum de charge pouvait approcher, en toute vraisemblance, les 150 tonnes. Pour fixer une échelle, il faut se souvenir que les dimensions de certains de ces chalands étaient plus ou moins analogues à celles des classiques pé-niches du Nord longues de 38,50 m et larges de 5,05 m sui-vant les normes du gabarit Freycinet.

Ces dimensions soulèvent plusieurs interrogations de nature économique relatives, en particulier, à l’investis-sement en matériaux et en main-d’œuvre nécessaire à la construction de ces bateaux et, également, à leur utilisa-tion. Par ailleurs, de tels investissements ne sembleraient compatibles, dans le cadre d’une économie des transports par eau à partir du pôle lyonnais, qu’en relation avec des affrètements réguliers pour des cargaisons pondéreuses en rapport avec une gestion ordonnée des mouvements de cette grande batellerie.

Un témoignage d’une grande batellerie fluviale gallo-romaineLes épaves des chalands du parc Saint-georgeseric rieth, directeur de recherche au CNRS, LAMOP, Musée national de la Marine

l’ archéo-Théma no 1 | mars-avril 2009 3333l’ archéo-Théma no 1 | mars-avril 2009

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À partir des années 70, le déve-loppement des fouilles de sau-vetage, puis des fouilles pré-

ventives à Lyon, a permis d’explorer des surfaces importantes du tissu urbain antique et de découvrir une architec-ture domestique jusque-là méconnue. De l’habitat antique, on ne connaissait alors que les mosaïques découvertes dans la presqu’île au XIXe siècle et une vaste maison à mosaïques, au demeu-rant incomplète, fouillée au début du XXe siècle par C. Germain de Montau-zan et Ph. Fabia.

Les fouilles des Hauts-de-St-Just (1974), de la rue des Farges (1974-1980) et du Clos du Verbe Incarné (1977-1984), ont ainsi mis au jour près de 6 hectares de vestiges sur la colline de Fourvière, illustrant la diversité de l’habitat lyonnais et son évolution depuis la fondation de la ville jusqu’à l’aube du IVe siècle. Depuis lors, aucune fouille n’a permis d’explo-rer des surfaces importantes du centre urbain, aussi bien à Fourvière que dans la presqu’île, mais les fouilles conduites dans le parc archéologique de Fourvière,

L’habitat et le luxe domestiquepar armand Desbat, directeur de recherche au CNRS

l’architecture est une des grandes caractéristiques de la civilisation romaine en Gaule. À lyon, l’archi- tecture domestique est étudiée depuis les années 70, et si aucun plan complet de maison coloniale n’est actuellement connu, plusieurs types d’habitats ont cependant été mis au jour : des maisons modestes à atrium, une maison à péristyle, un vaste palais appelé prétoire. Quelques indices comme des décors peints, des mosaïques et des foyers domestiques attestent un luxe et des aménagements pratiques qui en fai-saient des habitations tout à fait confortables.

le quartier de la rue des Farges à la fin du ier siècle. Maquette du musée gallo-romain de lyon.

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habitat et luxe

à l’emplacement de l’édifice dans lequel A. Audin avait voulu reconnaître un sanc-tuaire de Cybèle, ont permis de dégager deux îlots de la colonie primitive et de fournir pour la première fois une vision de l’habitat colonial.

Aucun plan complet de maison coloniale ne nous est malheureuse-ment parvenu, mais les vestiges exhu-més révèlent une architecture entiè-rement en terre et en bois, avec des constructions à poteaux et à sablières installés directement dans les sols en terre battue. Une de ces maisons qui sera recouverte dans un second temps par le prétoire, a révélé un riche décor de peintures du IIe style pompéien qui prouve que, dès l’origine, ce lieu a été occupé par un habitat de qualité.

Durant l’époque augustéenne, l’en-semble des îlots fouillés à Fourvière a fait l’objet d’une reconstruction, avec des fondations maçonnées suppor-tant des élévations en briques crues (adobes) ou à pan de bois, générale-ment hourdés1 de briques crues de petit module.

Sur la moitié orientale d’un des îlots ont été édifiées deux maisons à atrium tétrastyle2. L’une d’elles, la maison « à l’opus spicatum », offrait un état de conservation remarquable avec une grande partie des murs en élévation. Sur une parcelle de 16 m par 12 m, une dizaine de pièces se répartissaient autour d’un atrium tétrastyle de 9 m par 7,5 m, occupé en son centre par un bassin dont le fond était formé de petites briques disposées en arêtes de poisons (opus spicatum). L’accès se fai-

sait sur le côté nord de l’îlot à partir du portique, par un seuil de calcaire conservé en place. Une exèdre de 4 m par 4,5 m disposée dans l’axe du bassin ouvrait de toute sa largeur sur l’atrium et conservait une partie de ses enduits peints en place. Il est probable que la maison comportait un étage, débordant sur le portique.

Sur l’autre moitié de l’îlot s’érigeait une seconde maison à atrium, la maison « au bassin de calcaire ». Construite à pan de bois, elle comportait assuré-

en bas : peinture du iie style pompéien d’une maison coloniale en terre et en bois, à l’emplacement du prétendu sanctuaire de Cybèle. restitution Th. Caparros.

Fouille du « sanctuaire de Cybèle » : restitution et plan de la maison au bassin en opus spicatum, époque augustéenne.

01020m

N

Sol de terrazzo

Sol de tuileau

Sol de terre battue

Rue en gravier

Atrium Tablinum Portique

Bains

Cuisine ?

Fouille du « sanctuaire de Cybèle » : plan du prétoire.

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ment un étage, puisqu’une cage d’es-calier longeait la pièce de réception.

Sur le site du Verbe Incarné, les fouilles ont révélé plusieurs îlots de 240 pieds par 120, découpés dès l’origine en lots occupés par des maisons et des boutiques. Deux de ces habitations, édi-fiées au début et au milieu du Ier siècle, la maison « à l’emblema3 mosaïqué » et la « maison du laraire4 » comportaient également un atrium tétrastyle. Dans la « maison du laraire », l’accès se faisait depuis le portique de la rue par un long couloir axial séparant quatre boutiques disposées de part et d’autre. Ce couloir donnait directement accès à l’atrium sur lequel s’ouvraient neuf pièces dispo-sées sur trois côtés. La présence d’une cage d’escalier témoigne de l’existence d’un étage qui devait se prolonger au-dessus des boutiques.

Il s’agit là d’habitats modestes au regard de leur surface et de leurs amé-nagements. L’atrium joue ici le rôle de puits à lumière. Il faut cependant noter que les bassins des atria n’alimentent pas de citernes, ce qui semble indiquer que ces maisons possédaient l’eau cou-rante, comme le confirment des néga-tifs de tuyauterie.

Un exempLe de mAiSon à pÉriStyLe : CeLUi deLA mAiSon AUx mASqUeS, rUe deS fArgeS

Ces petites maisons à atrium ne constituent pas le seul type de maison urbaine. Dès le début du Ier siècle, il existe des maisons plus importantes. « La maison aux mas-ques », construite rue des Farges, sous le règne de Tibère, en est un bel exemple. Cette habitation, édifiée sur une terrasse artificielle, se déve-loppait sur deux côtés d’un jardin à péristyle de 16,60 m de côté. Le portique formé de colonnes de bri-ques stuquées reposait sur un stylo-bate calcaire. Un bassin surélevé, de 5,40 m par 2,60 m, occupait la moitié est du jardin. Deux grandes pièces de réception se distinguaient par leur taille : la première, de 10,50 m par 6,50 m, située dans l’axe du péris-tyle ; la seconde, de 8,20 m par 6 m. Six piliers la divisaient en trois nefs. Il est probable qu’une partie au moins de cette grande demeure supportait un étage. La plupart des salles avaient conservé des sols de terrazzo.

Le prÉtoire

Le palais mis au jour à l’emplacement du « sanctuaire de Cybèle » constitue un cas particulier, puisqu’il s’agit à l’évidence de la résidence d’un personnage impor-tant, probablement le gouverneur.

Cette vaste résidence de 37 m par 62 m, construite vers 20 av. J.-C., cou-vrait toute la surface d’une insula5, découpée antérieurement en plusieurs parcelles. Elle s’organisait autour d’un grand atrium couvert de 12 m par 16 m, qui ouvrait à l’ouest sur le tablinum6. De part et d’autre de l’atrium se dévelop-paient deux ailes, d’égale largeur. L’aile nord comportait un petit secteur ther-mal, formé de deux pièces dont l’une conservait les traces d’un pavement en mosaïque. L’aile sud montrait une dis-position complexe avec une succession de couloirs et d’antichambres desser-vant des chambres de taille variable. Deux couloirs, de part et d’autre du tablinum, permettaient d’accéder à un vaste portique en U, construit sur un cryptoportique7. Ce péristyle ouvrait largement à l’est, permettant une vue jusqu’aux Alpes, et aujourd’hui encore on peut apercevoir le mont Blanc depuis cet emplacement.

La situation privilégiée du bâtiment, au-dessus du théâtre, son plan symétri-que, son ampleur ainsi que la qualité de ses aménagements (thermes et mosaï-ques) concourent à en faire un édifice exceptionnel pour l’époque.

dÉCorAtion et AmÉnAge-mentS deS mAiSonS

À la différence de Saint-Romain-en-Gal, aucune grande maison luxueuse n’a été entièrement dégagée à Lyon. Les maisons mises au jour sur la colline de Fourvière sont des maisons modestes par leur surface et leurs aménagements.

Clos du verbe incarné : détail de la mosaïque de la pièce principale de la grande domus fouillée par Fabia et Montauzan en 1911. photo Chr. Thioc/J.-M. Degueule. Musée gallo-romain de lyon

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LYON capitale économique

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habitat et luxe

Cela est dû en premier lieu au fait que les quartiers anciens ont conservé pour une grande part leur organisation d’origine, qu’il s’agisse du site du Verbe Incarné ou de la rue des Farges, où la maison à péristyle édifiée sous le règne de Tibère s’est maintenue sans grand changement jusqu’à l’abandon du quartier. La grande maison à mosaïques fouillée au début du XIXe siècle dans le clos du Verbe Incarné constitue une exception. Les nombreu-ses découvertes de mosaïques dans la presqu’île au XIXe siècle indiquent que c’est là qu’au cours des IIe et IIIe siècles ont été bâties de grandes demeures luxueuses. Ces maisons qui occupent des surfaces importantes s’implantent souvent sur des espaces occupés aupa-ravant par plusieurs habitations. L’acqui-sition de parcelles voisines par des pro-priétaires fortunés leur permet d’édifier des demeures plus spacieuses.

Le mobilier ou la statuaire qui consti-tuaient un élément important du luxe des maisons nous échappent totale-ment. Les indices de luxe résident dans

la surface des maisons, les décors des parois et des sols, voire certains amé-nagements.

Il faut noter que les sols de mosaïques apparaissent tardivement à Lyon, et sont très rares avant le IIe siècle, alors que les peintures murales montrent au contraire que les styles décoratifs romains ont été adoptés très tôt. Dès la fin du Ier siècle, les décors du IIIe style sont nombreux dans les maisons lyonnaises.

Comme dans tout le monde romain, l’eau est, à Lugdunum, un élément important du confort urbain. Beaucoup de maisons, même les plus modestes, possèdent des bassins. Les bains privés sont en revanche un luxe réservé aux maisons riches, surtout au début de l’Empire. Les bains du prétoire consti-tuent le seul exemple connu pour la période augustéenne à Lyon, et aucune des maisons de la rue des Farges ou du Verbe Incarné n’a livré d’hypocauste en liaison avec des bains.

Les foyers domestiques font partie des aménagements fréquemment ren-contrés. Il s’agit quelquefois de véri-tables cheminées. À côté des foyers voués au chauffage, les fouilles ont fré-quemment révélé des foyers culinaires. Plusieurs maisons ont livré des foyers maçonnés, surélevés, formant de vérita-bles tables à feu, comme on en connaît en Italie. Ce type de structure apparaît précocement à Lyon où l’on connaît plu-sieurs exemples dès la période augus-téenne. C’est le cas dans la « maison à l’opus spicatum », où la cuisine présen-tait un foyer maçonné de 1,80 m de long et 0,70 m de large. Parmi les aménage-ments destinés au confort, on signalera

pour en savoir plus• Delaval 1996, « Espace urbain et habi-tat privé à Lyon, un îlot de la ville haute au cœur d’une opération d’urbanisme du milieu du Ier siècle », dans La maison urbaine d’époque romaine en Gaule narbonnaise et dans les provinces voisines, Actes du colloque d’Avignon (11-13 novembre 1994), Documents d’archéo-logie Vauclusienne, pp.129-137.• Delaval E. 2001, « Formes d’habitat collectif à Lyon et Vienne en milieu artisanal et commercial », dans Revue du Nord, 83, 2001, pp. 35-48.• Desbat A. 1985, « La région de Lyon et de Vienne » dans Architecture de terre et de bois. L’habitat privé des provinces occidentales du monde romain, Actes du 2e congrès archéologique de Gaule méridionale, DAF, 2, 1985, pp. 75-83.• Desbat A. 1984, « Les fouilles de la Rue des Farges à Lyon », 1975-1980, ALPARA, Lyon, 1984.• Desbat A. 2005, « Une nouvelle maison augustéenne à atrium, à Lyon (Fourvière) », dans RAE, 53, 2005, pp. 221-231.• Desbat A. (Dir.) 2005, Lugdunum, naissance d’une capitale, Lyon, 2005.

Glossaire1. Hourder. Maçonner grossièrement.2. Tétrastyle. Composé de quatre (tetra, en grec) colonnes (stulos, en grec).3. Emblema. Panneau de mosaïque de petites dimensions, préparé à part et intégré dans un ensemble différent.4. Laraire. Endroit de la maison où sont honorés les Pénates et les Lares fami-liaux, divinités domestiques et indigènes.5. Insula. Îlot d’habitation.6. Tablinum. Dans une maison ro-maine, vestibule de communication et pièce où le maître reçoit ses hôtes et traite ses affaires.7. Cryptoportique. Galerie souterraine offrant un espace de fraicheur pendant la chaleur du jour.

enfin les latrines. Les témoins ne sont pas très nombreux, mais certaines mai-sons du Ier siècle en étaient équipées. C’est le cas de la « maison au laraire », de la « maison à l’emblema mosaïqué » sur le site du Verbe Incarné, ou encore de la « maison aux masques », rue des Farges.

rue des Farges : peinture représentant une muse. Musée gallo-romain de lyon.

Fouille du « sanctuaire de Cybèle » : foyer culinaire dans le cryptoportique du prétoire. D.r.

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vue générale de l’amphithéâtre. si l’édifice est identifié comme un amphithéâtre dès le Xvie s., il fallut attendre 1956 pour que cette hypothèse plusieurs fois abandonnée devienne une certitude et pour que soit entrepris un dégagement de grande enver-gure du monument, à l’emplacement de l’ancien Jardin des plantes. la moitié sud de l’édifice, dont quelques vestiges ont été entrevus anciennement, est sous la route moderne. photographie Fabrice rolhion ; [email protected].

la mosaïque dite des jeux du cirque, exposée au musée gallo-romain de lyon-Fourvière. Cette célèbre mosaïque a été découverte en 1806 dans une riche domus du quartier d’ainay, sur la presqu’île. Même si la représentation est détaillée, rien ne permet d’affirmer que la mo-saïque figurait précisément le cirque de lyon. photographie Ch. Thioc, Musée gallo-romain de lyon-Fourvière.

LYON capitale culturelle et religieuse

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LYON culturelle et religieuse

Page 41: Archéo Théma n° 01 - Lyon

L yon, qui était selon l’expres-sion de Sénèque l’« ornement des provinces », était une

des rares villes des Gaules à posséder toute la panoplie des édifices de spec-tacle romains : un théâtre jouxté par un odéon, un cirque dont on a identifié des vestiges grâce à une relecture récente de découvertes anciennes, et un amphi-théâtre, associé au sanctuaire des Trois Gaules, qui n’appartenait pas directe-ment à la colonie, admet-on, mais qui était situé à ses portes (voir p. 11).

Les édifices de spectacle furent des monuments majeurs dans le paysage urbain, et leur présence aussi bien que leur forme étaient un des marqueurs du statut d’une ville et de son prestige. À Lyon, la présence de tous ces édifices convient à une grande ville, qui plus est à une capitale de province.

LA mArqUe d’Une grAnde CitÉ

Si le théâtre fait partie de la panoplie monumentale minimale de toute ville digne de ce nom et si les amphithéâtres sont assez nombreux en Gaule à partir de l’époque flavienne, ce n’est pas le cas du cirque. L’odéon est encore plus rare en Occident. Se doter d’un odéon marque la volonté pour une ville de se distinguer et probablement de se rap-procher de la capitale de l’empire où l’odéon de Domitien était l’objet d’une telle admiration qu’au Ve s. apr. J.-C. Polemius Silvius le classait parmi les sept merveilles de Rome. Il est signifi-catif que la seule autre ville des Gaules à posséder un odéon soit la capitale de cité voisine, Vienne, l’éternelle rivale

Les édifices de spectaclepar Djamila Fellague, ATER à l’Université de Strasbourg, rattachée à l’Institut de

Recherche sur l’Architecture Antique de Lyon (CNRS).

politique de Lyon. Les conflits politiques qui opposèrent les deux villes semblent avoir eu pour conséquence une rivalité de somptuosité dans l’architecture. Les odéons des deux villes, datés de la fin du Ier s. apr. J.-C, présentent des simili-tudes, et il est possible que l’un ait servi de modèle à l’autre.

Les monuments de spectacle n’étaient pas seulement des édifices ludiques ou culturels pour amuser la population. Les jeux, qui se dérou-laient généralement dans le cadre de fêtes à une divinité, étaient précédés de sacrifices. Ils étaient l’expression de la vie religieuse civique. Ces lieux où se côtoyaient toutes les classes de la société selon un ordre hiérarchique étaient aussi des espaces privilégiés de réunion du peuple, des lieux de propa-gande politique, aussi bien pour l’em-pereur que pour des particuliers qui voulaient montrer leur générosité en offrant des jeux somptueux au peuple. On a mis en évidence le lien qui existait entre le théâtre en général et le culte impérial. À Lyon, la construction du

pour en savoir plus• P. Wuilleumier, Fouilles de Fourvière à Lyon, 4e suppl. Gallia, Paris, 1951.• D. Fellague, L’architecture publique de Lugdunum. Les monuments et leur décor du Ier s. av. J.-C. au IIIe s. ap. J.-C., Univer-sité Lumière Lyon II, thèse de doctorat sous la direction de J.-Ch. Moretti, 2007, pp. 199-215 et pp. 278-475.• M. Monin, D. Fellague, « Le cirque de Lugdunum retrouvé ? », à paraître dans Gallia.

premier amphithéâtre des Gaules en pierre, sous le règne de Tibère (14-37 apr. J.-C.), bien avant les fameux amphi-théâtres de Nîmes et d’Arles, montre l’importance qui a été accordée aux cérémonies du culte de l’empereur au sanctuaire fédéral. L’implantation du cirque, restituée à proximité du sanc-tuaire municipal du culte impérial, ne serait pas un hasard. La relation entre le cirque et la religion ne fait guère de doute. Enfin, les niches qui ornaient le portique adossé à l’odéon pourraient avoir eu une destination cultuelle.

les vestiges restaurés de l’odéon. il pré-sente les mêmes composantes générales que le théâtre. la richesse de l’opus sectile de la mosaïque de l’orchestra fait la renom-mée de l’édifice. photo F. rolhion.

l’ archéo-Théma no 1 | mars-avril 2009 39

Page 42: Archéo Théma n° 01 - Lyon

L e sanctuaire dit du Verbe Incarné, dont il ne reste plus de vestiges en place visibles,

comprenait un temple, peut-être périp-tère, entouré d’un cryptoportique en pi qui était surmonté d’un portique de même extension. Il est identifié à un sanctuaire municipal du culte de l’empe-reur. Selon P. André, l’architecte qui tra-vaille sur le sanctuaire, la restitution d’un socle de chaque côté de l’escalier et d’un tétrapyle1 devant le temple renverrait à des modèles d’Italie. Le temple, parmi les plus grands des Gaules, n’avait rien à envier à la Maison Carrée de Nîmes ni au

Les édifices religieuxpar Djamila Fellague, ATER à l’Université de

Strasbourg, rattachée à l’Institut de Recherche sur l’Architecture

Antique de Lyon (CNRS).

si lyon était la capitale de la lyonnaise, par bien des aspects la ville se rapprochait davantage de la narbon-naise, la province la plus anciennement romanisée des Gaules. l’influence romaine prédominante est notam-ment perceptible à travers les édifices religieux, dans leur plan, leur forme, leur matériau, leur décor.

Maquette du sanctuaire du verbe incarné (1/100e), conçu en 1983 par p. andré et exposée au musée gallo-romain de lyon-Fourvière. Depuis, p. andré est revenu sur de nombreuses hypothèses en poursuivant l’étude. ainsi, il ne considère plus que le temple était périptère sans posticum (sans colonnade sur la face postérieure), mais périptère, ce qui est relativement rare dans les provinces occidentales, excepté dans la péninsule ibérique où l’on dénom-bre plusieurs exemples. photo Chr. Thioc, Musée gallo-romain de lyon-Fourvière.

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LYON capitale culturelle et religieuse

Page 43: Archéo Théma n° 01 - Lyon

Édifices religieux

Temple d’Auguste et de Livie de Vienne. Dès le premier état d’époque tibérienne, le marbre blanc était en usage pour l’in-térieur de la cella et pour l’ordre engagé des portiques avant une marmorisation2 complète à l’époque flavienne.

Le SAnCtUAire de foUrVière

Ce sanctuaire imposant, qui dominait un quartier d’habitations, était bâti sur le point culminant de la cité. D’autres sanctuaires jouissaient d’une position privilégiée. Sur le sommet de la colline de Fourvière, des vestiges monumen-taux ont été découverts anciennement. L’étude des blocs qui en proviennent atteste la présence d’édifices somp-tueux en marbre blanc dès l’époque augustéenne. Traditionnellement, on a admis que l’ensemble des vestiges appartenait au forum, en se fondant sur une étymologie de Fourvière, qui dérive-rait de forum, et sur des sources médié-

vales, qui certifient l’emploi de forum veneris et de forum vetus. Il serait pré-férable de considérer ces vestiges, éta-blis sur une vaste terrasse surplombant la ville et visibles de toute part, comme ceux d’un grand sanctuaire. Ce dernier devait se dresser comme un signal pour les habitants de Lugdunum, de la même manière que le sanctuaire sur le Mont Pipet dominait la ville de Vienne.

de nombreUx tempLeS enCore à dÉCoUVrir

Aucun sanctuaire dit de tradition gau-loise n’a pour l’instant été découvert dans la ville, ce qui n’exclut pas que des dieux gaulois aient été honorés dans des temples aux formes et aux techniques de construction romaines. Plusieurs divinités ont pu être vénérées dans un même sanctuaire et des dieux gaulois être assimilés à des dieux romains. Des inscriptions révèlent l’existence d’un sanctuaire de Mercure, bâti sous le

Bloc de frise découvert dans la fouille du parc saint-Georges dirigée par G. ayala. Cette pièce fait partie d’un ensemble de neuf blocs de frise inscrits qui permettent de reconstituer une partie de la dédicace d’un sanctuaire qui comportait un temple et un portique. photo Chr. Thioc, Musée gallo-romain de lyon-Fourvière.

Bas-relief aux déesses Mères découvert en remploi dans l’église saint-Martin d’ainay. les sculptures complètent les dédicaces pour attester le culte d’une divinité. si lyon était une ville à l’avant-garde de la romanisation en lyonnaise, les cultes à des divinités gauloises n’étaient pas pour autant effacés. photo Chr. Thioc, Musée gallo-romain de lyon-Fourvière.

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règne de Tibère. Il devait certainement présenter un aspect classique avec un haut podium, un escalier axial et un ordre en façade surmonté d’un fronton. Pour autant, derrière le Mercure romain pouvait se cacher un dieu indigène.

Ce temple de Mercure n’est pas le seul édifice religieux dont les vestiges n’ont pas encore été retrouvés ou identi-fiés. Des dédicaces attestent un culte de Jupiter, de Junon, de Minerve, de Mars, d’Apollon, de Diane, de la Fortune, de Sucellus, des Nymphes, de Salus, des Matres, de Cybèle, de Mithra, d’Isis, de « tous les dieux ». N’oublions pas néan-moins qu’un ex-voto n’implique pas for-cément l’existence d’un temple. Seules quelques inscriptions mentionnent ou suggèrent une construction. Un temple de la Fortune, dédié en 221 apr. J.-C., devait s’élever à Fourvière. Une chapelle ou un temple de Silvain a été bâti par un portier de la prison publique, probable-ment dans le courant du Ier s. apr. J.-C. Une construction indéterminée était dédiée au numen3 impérial et à Apol-lon. Enfin, on dispose d’une dédicace de vitres aux Mères Augustes, proba-blement pour les fenêtres d’un édifice de culte.

D’autres monuments ne sont attes-tés que par des blocs découverts sou-vent hors contexte. L’exemple le plus éloquent est celui de blocs recueillis dans la fouille du Parc Saint-Georges, dirigée par G. Ayala de 2002 à 2004 (Inrap). Parmi deux cents blocs d’archi-tecture provenant de différents monu-ments, une trentaine de pièces appar-

tiennent à un sanctuaire, probablement d’époque julio-claudienne, qui compor-tait un temple et un portique. Les pièces sont sobres, mais d’une grande qualité de taille et assurent qu’il s’agissait d’un des édifices remarquables de la ville.

Le SAnCtUAire fÉdÉrAL deS troiS gAULeS

Un des sanctuaires les plus fameux était sans conteste celui qui s’élevait dans le quartier actuel de la Croix-Rousse et qui était dédié au culte de l’empereur à l’échelle des Trois Gaules. Le complexe, connu principalement par des textes lit-téraires et par des inscriptions, compre-nait un autel monumental dédié en 12 av. J.-C., auquel fut adjoint plus tard un temple. Seul un amphithéâtre qui devait être associé au sanctuaire a été retrouvé. Chaque année, les délégués des soixante peuples des Trois Gaules étaient conviés dans ce sanctuaire, dont la renommée dépassait les frontières des Gaules grâce aux monnaies qui diffusaient l’image de l’autel. Selon l’hypothèse qui prévaut, mais qui mériterait confirmation, ce sanc-tuaire fédéral était autonome et indépen-dant de la colonie. La relation entre la colonie et le sanctuaire des Trois Gaules était certainement plus étroite et plus complexe que ce que l’on suppose, et il existait au moins une complémentarité de l’équipement monumental, en particulier des édifices de spectacle. On rapporte beaucoup d’idées traditionnelles infon-dées sur ce sanctuaire, en particulier sur

pour en savoir plus• D. Fellague, L’architecture publique de Lugdunum. Les monuments et leur décor du Ier s. av. J.-C. au IIIe s. ap. J.-C., Université Lumière Lyon II, thèse de doctorat sous la direction de J.-Ch. Moretti, 2007, pp. 47-260.• D. Fellague, F. Bérard, « Les membra disjecta d’édifices découverts dans la fouille », contribution à la monogra-phie sur les fouilles du Parc Saint-Georges dirigée par G. Ayala, à paraître.

Glossaire 1 Tétrapyle : littéralement, composé de quatre (tetra en grec) portes (pulos en grec). Le terme est aussi synonyme d’arc de triomphe.2 Marmorisation : utilisation de marbre(s).3 Numen (pl. numina) : Littéralement, inclinaison de la tête pour exprimer une volonté, un ordre ; volonté divine, d’où divinité, dieu ; le numen Augusti était la divine manifestation de la volonté de l’empereur Auguste : elle est à l’origine du culte impérial. (B. B.)

son emplacement précis, sur la date de construction du temple, sur les réfections de l’amphithéâtre, sur la décoration de l’autel... Ainsi, il n’est pas assuré que des frises de guirlandes de chêne exposées au Musée Gallo-Romain datent de l’épo-que augustéenne ni qu’elles proviennent de la décoration de l’enceinte de l’autel monumental. Elles ont pu prendre place dans l’amphithéâtre voisin.

La somptuosité des édifices religieux de Lugdunum, et de manière plus géné-rale de son équipement monumental, rappelle l’admiration de Sénèque pour cette ville, qui avait « tant de monuments magnifiques dont chacun aurait pu faire la gloire d’une seule ville ».

Bloc d’architrave, entré au Musée le 8 décembre 1874 et découvert au sommet de Fourvière. Cette pièce d’entablement en calcaire fait partie des vestiges d’un édifice monumental de Fourvière dont la data-tion peut être placée à partir de l’époque flavienne. Tous les monuments du présumé sanctuaire de Fourvière n’ont pas été bâtis à l’époque augustéenne, à moins qu’ils aient été restaurés. photo Chr. Thioc, Musée gallo-romain de lyon-Fourvière.

l’ archéo-Théma no 1 | mars-avril 200942

LYON capitale culturelle et religieuse

Page 45: Archéo Théma n° 01 - Lyon

titre 2

S ans prendre en compte les nom-breux blocs découverts hors

contexte, une vingtaine de mausolées ont été exhumés à Lyon. Les mauso-lées les mieux connus, les seuls qui restent encore en partie en élévation, sont ceux de la nécropole de Trion. Dix tombeaux en calcaire de grand appareil du début de l’époque impé-riale furent reconnus en 1885. Leur situation à proximité immédiate de la ville antique, alignés le long de la voie d’Aquitaine, dont le prolongement à l’est constituait probablement un des axes principaux de la ville (decu-manus), indique l’importance des dé-funts. Leur urne cinéraire était placée à l’intérieur des édifices, dessous, ou à l’arrière, dans un enclos où prenaient place aussi les urnes de la familia, c’est-à-dire les membres de la famille élargie. Grâce à l’épitaphe en place sur un mausolée, on connaît l’identité complète d’un personnage, le sévir Q. Calvius Turpio, dont les affranchis ont fait construire le tombeau-tour qui se dresse encore sur presque 6 m de haut et qui comportait au moins deux sinon

trois étages au-dessus d’un socle. L’ob-servation de fragments d’un chapiteau corinthien a permis de restituer un on-zième mausolée, un tombeau-pilier qui pourrait être, à ce jour, un des plus anciens monuments en pierre de la co-lonie. Malgré le prestige des édifices, le statut des défunts et la loi qui était en vigueur sur le respect et la préser-vation des tombeaux, les mausolées furent remblayés au Haut-Empire et, de nécropole, le secteur se transforma en décharge.Par Djamila Fellague

pour en savoir plus• D. Fellague, « Les mausolées de la né-cropole de Trion à Lyon », dans J.-Ch. Moretti, D. tarDy (éds), L’architecture funéraire monumentale. La Gaule dans l’Empire romain. Actes du colloque organisé par l’IRAA du CNRS et le musée archéologique Henri-Prades, Lattes, 11-13 octobre 2001, Paris, 2006, pp. 355-376. • D. Fellague, Les mausolées gallo-ro-mains de Trion à Lyon, étude historio-graphique et architecturale, maîtrise d’Archéologie sous la direction de J.-Cl. Béal, Université Lumière Lyon II, 2000.

Les mausolées de la nécropole de trion

les mausolées étaient enfouis sous plusieurs mètres de remblais antiques et leur état de conservation était variable. Cinq tombeaux ont été démontés et déplacés à 500 m de leur lieu de découverte, sur la place e. Wernert où ils sont encore visibles, tandis que les autres édifices ont été détruits, mais non jusqu’aux fondations. Ceci explique qu’une intervention de sauvetage réalisée en 1986, sous la direction de l. Tranoy, a remis au jour la maçonnerie interne du socle de trois tom-beaux. photo Chr. Thioc/ J.-M. Degueule. Musée gallo-romain de lyon.

l’ archéo-Théma no 1 | mars-avril 2009 43

Page 46: Archéo Théma n° 01 - Lyon

S ouvent désignée sous le terme de « Capitale des Gau-les », Lugdunum ne constitue au départ que le chef-lieu

administratif d’une vaste province, la Lyonnaise, qui s’étend des Alpes au Finistère. De par sa position géographique centrale, au cœur du vaste réseau routier mis en place par Agrippa, et des relations économiques qu’il entretient avec toutes les régions de l’empire romain, le site de Lyon est un lieu de brassage pour des populations de culture, de langue et de croyance différentes.

Dès la fin du premier siècle avant notre ère, Auguste choisit d’y implanter un vaste sanctuaire dédié au culte de l’empe-reur et de Rome, localisé à Condate sur les pentes de la Croix-Rousse. Strabon, dans sa Géographie (IV,3,2), le décrit en ces termes : « Le sanctuaire dédié en commun par tous les Gaulois à César Auguste est bâti en face de la ville, au confluent des deux fleuves ; il y a un autel remarquable, portant l’inscription des peuples, au nombre de soixante, les statues de chacun d’eux, ainsi qu’un grand bois sacré ». De ce vaste lieu de culte ne subsistent que quelques fragments d’architecture ou inscriptions, dont les fameuses « tables claudiennes », discours gravé dans le bronze, prononcé devant le Sénat par l’empereur Claude, né à Lugdunum, en faveur de notables gaulois interdits d’accès aux magistratures à Rome. Son image est illustrée sur des monnaies frappées à Lyon et diffusées par millions dans tout l’empire (voir p. 31) : un autel monumental, richement décoré de marbres sculptés de motifs végétaux, qui symbolisent le renouveau du « siècle d’Auguste », flanqué de deux colonnes d’environ 15 m de haut, elles-mêmes surmontées de statues de victoires brandissant des couronnes de laurier, emblèmes du pouvoir de Rome sur ses provinces. Chaque année s’y réu-nissaient les délégués des soixante cités gauloises tenues de sacrifier à l’empereur, dont les statues allégoriques ornaient le sanctuaire. Ces délégués avaient leur place réservée dans l’amphithéâtre construit en contrebas sous le règne de Ti-bère, signalée par des gradins inscrits au nom de chaque peuple. Du sanctuaire lui-même, aucun vestige tangible n’a été découvert à ce jour dans le sol, du fait de sa situation au cœur du quartier historique des Canuts. La re-prise prochaine de fouilles sur ce site, dans le cadre du réaménagement du secteur, ne constitue donc pas un mince enjeu pour les archéologues...

De par sa présence, Lugdunum constitue bien une véritable « capitale religieuse » où s’opère la synthèse entre la religion romaine officielle, d’une part, dédiée à l’empereur et aux divinités « classiques » du panthéon gréco-romain (au premier rang desquelles Mercure, Apollon, Mars ou Jupiter…), d’autres cultes plus exotiques, d’autre part, vé-hiculés par les voies du commerce et l’arrivée d’immigrants de toutes origines.

Les religions orientales sont particulièrement bien repré-sentées. Plus singulièrement, le culte de Cybèle, la « Grande Mère » orientale introduite à Rome et dans ses provinces par des prêtres d’Asie Mineure. Plusieurs autels lui ont été dédiés à Lyon, par des notables soucieux de s’attirer la faveur de la déesse et de l’empereur par le sacrifice d’un taureau. Ces « tau-

roboles » étaient accomplis à l’aide d’une épée sacrificielle au profil très caractéristique (harpè), parfois représentée sur le flanc de l’autel, dans des lieux de culte réservés à cet usage qui n’ont pas été retrouvés à ce jour. D’Arles à Lyon en passant par Vienne, le culte de Cybèle connaît un succès inégalé dans la vallée du Rhône, grâce à la présence d’une importante popu-lation de marchands et d’artisans d’origine gréco-orientale, investis dans cette région depuis le VIe siècle avant notre ère (voir article de S. Carrara et G. Maza, p. 6 sq.) ! Il se confond peut-être avec celui de divinités maternelles indigènes hono-rées avant l’arrivée des Romains, comme les Matrae.

C’est dans ce contexte de relative tolérance que se place un épisode fameux de l’histoire lyonnaise, immortalisé par le récit d’Eusèbe de Césarée et exagérément amplifié par la tradition chrétienne : celui du martyre de sainte Blandine, suppliciée sous le règne de l’empereur Marc Aurèle, en 177 de notre ère, avec 47 de ses coreligionnaires (dont saint Pothin, évêque de Lugdunum). Ces premiers chrétiens installés à Lyon appartiennent à un ensemble de populations de langue grecque, originaires pour une grande part de la même région que les fidèles de la Grande Mère, la Phrygie. Provoqué par une période de crise politique plutôt que de persécution re-ligieuse – notion étrangère à un monde romain resté plutôt accueillant à l’égard des cultes étrangers qui ne remettaient pas en cause la suprématie du culte impérial – cet événement n’est pas consigné par les historiens latins, et la communauté qui en fut victime n’a laissé pratiquement aucune trace sur le plan archéologique. Son existence est confirmée par quelques objets et plus de 150 inscriptions funéraires retrouvés dans les nécropoles de Lugdunum, mais ils ne sont guère antérieurs au IVe siècle, époque à partir de laquelle le christianisme se répand dans toutes les villes de l’empire.Par Matthieu Poux

Un panthéon cosmopolite

Fragment de bas-relief à décor de guirlandes en feuilles de chêne, qui ornait à l’origine l’autel de la Confluence. photo Chr. Thioc/J.-M. Degueule, Musée gallo-romain de lyon-Fourvière.

44 l’ archéo-Théma no 1 | mars-avril 200944

Page 47: Archéo Théma n° 01 - Lyon

titre 2

Ci-dessous et à droite : autel taurobolique (avec harpè) et tête bovine. photo Chr. Thioc/J.-M. Degueule, musée gallo-romain de lyon-Fourvière.

Ci-dessous : tables claudiennes. photo Chr. Thioc/J.-M. Degueule, musée gallo-romain de lyon-Fourvière.

45l’ archéo-Théma no 1 | mars-avril 2009

Page 48: Archéo Théma n° 01 - Lyon

s’il est une image de la ville antique de lyon radi-calement renouvelée depuis deux décennies, c’est bien celle de ses faubourgs. Faute de sources archéo-logiques, ils furent longtemps occultés ou réduits dans l’imaginaire à une campagne traversée par des aqueducs et des voies longées d’un ruban de tombes, à l’instar de célèbres références en italie, comme la Via Appia à rome, où se développe le modèle de la voie bordée de tombeaux à l’orée des villes.

monuments et pratiques funérairesà Lugdunumpar laurence Tranoy, maître de conférences, Université de La Rochelle

L es fouilles entreprises ces dernières années, en périphé-rie de la ville antique de Lyon,

au sein du suburbium, dévoilent un ter-ritoire dynamique et contrasté où se côtoient des zones artisanales et com-merciales, de belles maisons de ban-lieue, des fermes, des dépotoirs, des petits sanctuaires et… les morts. Le terme de « nécropole », ville des morts, est ainsi inadapté, comme ailleurs en Gaule, pour définir ces lieux intercalai-res et très ouverts sur l’environnement. L’usage de ce néologisme est devenu

enchevêtrement de bûchers et inhumations sur le site de Favo-rite 1.

l’ archéo-Théma no 1 | mars-avril 200946

LYON capitale culturelle et religieuse

Page 49: Archéo Théma n° 01 - Lyon

monuments funéraires

courant depuis le XIXe s., alors que pour le géographe Strabon (contemporain d’Auguste, écrivant autour du chan-gement d’ère), il s’agit du nom d’un quartier d’Alexandrie. Bien qu’il soit commode, on évite aujourd’hui de l’em-ployer car il renvoie à une autre réalité que celle révélée par l’archéologie.

Les espaces funéraires bordent le territoire de la colonie autour des grands axes de communication qui partent du plateau de Fourvière. Des zones sépulcrales apparaissent aussi en contrebas du flanc escarpé de la colline où des tombes sont disposées sur la rive droite de la Sâone. Un peu plus au nord, la plaine de Vaise a livré également des noyaux de sépultures. Des groupes de tombes sont attestés sur la rive gauche de la Saône et des indices solides permettent d’intégrer les pentes occidentales et le plateau de la Croix-Rousse. Du côté de la rive gauche du Rhône, des noyaux témoi-gnent d’une extension des espaces funéraire vers l’est.

LeS monUmentS fUnÉrAireS

Selon un schéma commun aux villes antiques, les voies ont eu un rôle attractif même si certains noyaux en sont éloignés. Ainsi le long de la voie

dite d’Aquitaine, aux abords immé-diats de la ville, la situation

est très classique : le pay-sage est dominé par une voie bordée de tombeaux monumentaux imitant les

modèles italiens. Les socles de cinq d’entre eux, décou-verts au XIXe siècle, sont toujours visibles depuis leur déplacement (place Wernert).

Ce même schéma est avéré au pied du flanc occi-dental du plateau : le long

du talweg1 de Trion et au-delà vers Vaise, plusieurs enclos funéraires, des tombes

monumentalisées par la présence d’autels avec épi-taphes et des mausolées

sont situés en bordure d’une route, connue par plusieurs tronçons et iden-tifiée à la voie de l’Océan et du Rhin. Les deux rives de la Saône étaient sans doute également longées par une route. Du côté de la rive gauche du Rhône, les mausolées reconnus au XIXe siècle sont associés à une route se dirigeant vers l’est, dite « voie d’Italie ». Même si de nombreux mausolées ont existé autour de la colonie, ils ne concernent qu’une frange très réduite de la popula-tion, celle des notables, des riches mar-chands, des parvenus qui exhibent à la face du monde leur réussite sociale. Le plus souvent le passant circule devant de simples épitaphes dont les textes rappellent le défunt qui est parfois représenté. Au-delà des sépultures ostentatoires, l’archéologie a révélé tout un enchevêtrement de tombes modestes, dénuées de toute architec-ture, qui forment des noyaux plus ou moins denses se déployant de manière discontinue. Ainsi, dans le quartier de Vaise, eut-on la surprise de découvrir une série de structures funéraires, à l’écart de toute voie, dans un lieu par-

Mausolée découvert sur la rive gauche du rhône, au XiXe s.

ossuaire en verre doté d’un couvercle en céra-mique provenant du site de Favorite 2.

l’ archéo-Théma no 1 | mars-avril 2009 47

Page 50: Archéo Théma n° 01 - Lyon

ticulièrement inhospitalier, sillonné de ruisseaux et régulièrement recouvert de colluvions. Le long de la Saône, des enterrements ont été pratiqués à proxi-mité immédiate d’entrepôts encore en fonction. En bas du vallon du Trion, des tombes ont été retrouvées au voisinage d’une maison suburbaine. Ailleurs, on les trouve mitoyennes d’ateliers en acti-vité, notamment sur la rive droite de la Saône ou encore à Vaise. Parfois elles sont aménagées dès le IIe s. ap. J.-C. dans les ruines d’habitat ou de bâti-ments artisanaux.

CrÉmAtionS et inhUmAtionS : ÉVoLUtionS deS riteS dU iie S. AV. AU iVe S. Ap. J.-C.

À Lyon, le choix de la crémation domine durant les deux premiers siècles de notre ère mais des inhumations sont pratiquées dès le Ier s. La crémation est illustrée par les ossuaires. Comme par-tout à la même époque, les plus cou-rants sont en céramique – pots souvent protégés par un couvercle ; quelques-uns sont en verre et plus rarement en plomb ou en pierre. À Lyon, les bûchers

récipient protégeant un ossuaire calé au fond du bûcher vidé des résidus de la crémation, sur le site de Favorite 2.

ossuaire en céramique calé par des dalles sur le site du Quai arloing.

stèle de primilla trouvée au XiXe s. et datée de la fin du iie ou du iiie s ; elle est repré-sentée parée de bijoux, tenant dans la main droite un coffret d’où elle extrait un collier.

l’ archéo-Théma no 1 | mars-avril 200948

LYON capitale culturelle et religieuse

Page 51: Archéo Théma n° 01 - Lyon

monuments funéraires

en fosse correspondent à un mode cré-matoire particulièrement bien repré-senté dans la vallée du Rhône, en Italie septentrionale, le long du limes rhéno-danubien et breton.

La crémation décroît au fil du temps au profit de l’inhumation. Une des caractéristiques des ensembles d’inhu-mations datées du Haut-Empire réside en la présence de squelettes en procu-bitus (cadavre déposé sur le ventre). Cette pratique, difficile à interpréter, est toujours minoritaire.

Le IIIe siècle est une période char-nière : si la cohabitation des deux pra-tiques persiste, les crémations devien-nent plus rares ; elles disparaissent, comme ailleurs en Gaule, au IVe s. Ce

constat donna lieu, par le passé, à des théories qui mettaient en avant des influences orientales, et plus préci-sément la diffusion du christianisme. Cette vision est aujourd’hui abandon-née. Le choix de traitement du corps n’est en effet qu’une des nombreuses facettes de l’évolution des rites qui per-mettent aux vivants de se séparer du défunt. La mort engendre une souillure et une déstabilisation. L’accomplisse-ment scrupuleux des rituels au moment des funérailles et lors des fêtes de commémoration permet aux vivants de retrouver leur place au sein de la société et aux morts de survivre dans la mémoire familiale ou collective.

Sacrifices et banquets ponctuent

ces cérémonies ; les bûchers et les sépultures livrent du mobilier qui se rapporte à ces gestes.

Le mobilier funéraire devient moins abondant à la fin du Ier s. On note la pré-sence d’éléments – vaisselle, lampes, balsamaires – dont la production semble spécifiquement destinée au monde des morts.

Quelques pièces remarquables émergent du cortège courant. Ainsi, ce coffret d’oculiste, équipé d’instru-ments chirurgicaux qui rejoint le lot des vingt-cinq coffrets à médicaments connus dans l’empire romain. Les ana-lyses chimiques des collyres, portant inscrit le nom du praticien itinérant – Smaragdos, originaire d’Asie Mineure – ont révélé une remarquable diversité de composition : myrrhe antiseptique2, euphraise analgésique3 et anti-inflam-matoire, cassis pour la circulation capil-laire et l’acuité visuelle, etc.

Ce tour d’horizon des vestiges funé-raires s’égrenant à la périphérie de la ville montre la richesse exception-nelle de la documentation lyonnaise qui contribue aux recherches sur la manière dont les sociétés antiques ont composé avec l’inéluctable.

pour en savoir plus• Blaizot F. (dir.), Pratiques et espaces funéraires dans le centre-sud-est de la Gaule au Haut-Empire : définitions et perspectives, supplément à la revue Gallia, sous presse. • Tranoy L., « La mort en Gaule romaine », dans Archéologie funéraire, Collection « Archéologiques », Alain Ferdière (dir.), Errance, Nouvelle édition revue, corrigée et augmentée, 2007, pp. 115-176.

Glossaire1 Talweg (ou thalweg) : ligne de plus grande pente d’une vallée, suivant laquelle se dirigent les eaux2 Antiseptique : qui permet de lutter contre l’infection en détruisant les microbes3 Analgésique : qui supprime ou atté-nue la sensibilité à la douleur

Coffret d’oculiste lors de sa découverte dans un bûcher du site de Favorite 1 et après restauration (en dessous).

photos fournies par l’auteur

l’ archéo-Théma no 1 | mars-avril 2009 49

Page 52: Archéo Théma n° 01 - Lyon

170

1. Forum2. Temple3. Edifice municipal4. Théâtre5. Odéon6. Thermes7. Aqueduc du Gier8. Amphithéâtre

Plan de Lyon antique d'après les dernières hypothèses d'A. Desbat

Charcot

Saint-Irénée

LA

SAÔ

NE

Presqu'île

Fourvière

LE

RHÔ

NE

voie d'Aquitaine

voie de Narbonnaise

aque

duc

du G

ier

0 1000 m

voie d'Italie

Favorite

Trion

Pierre Audry 1

2

3 4

5

6

Plaine de Vaise

Valmy

TuileriesHorandvoie du

Léman

Croix-Rousse

8

voie

de

l'Océ

an

7

N

Bourgogne

périphériquenord

Arloing

ZAC Berthet

Zones de nécropoles

Chapeau Rouge

270

280

290

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plan de lyon antique et des ensembles funéraires. Dao : M. Monin, service archéologique de la ville de lyon.

l’ archéo-Théma no 1 | mars-avril 200950

Page 53: Archéo Théma n° 01 - Lyon

L e quartier de Vaise, situé dans le secteur nord-ouest de Lyon, côté rive droite de la Saône,

est desservi par la voie de l’Océan qui descend du plateau de Fourvière. Tout au long de son tracé, se répartissent plusieurs sites funéraires dont l’activité s’échelonne entre la période augus-téenne et la fin du IIIe siècle : rue Pierre Audry, rue du Sergent Michel Berthet, rue du Chapeau Rouge, place Valmy et le boulevard périphérique nord de Lyon. Les fouilles archéologiques menées ces dernières années, le long de cet axe, ont offert l’opportunité de découvrir plusieurs espaces funéraires dont l’étude permet de compléter les données relatives au monde funéraire antique.

En 2006, les recherches menées 30-32 rue de Bourgogne ont permis d’étudier un complexe funéraire conservé le long de la bordure orien-tale de la voie de l’Océan sur une sur-face de près de 400 m2. Les vestiges mis au jour couvrent une période s’éten-dant du début du Ier s. ap. J.-C. jusqu’au début du IIe siècle. Cette nécropole a livré un échantillonnage diversifié des us et coutumes funéraires antiques et la fouille a montré une coexistence entre inhumations et crémations. L’enchevê-trement des tombes s’est fait progres-sivement mais sans pour autant occul-ter les ensevelissements antérieurs. L’orientation générale des individus inhumés (en coffre ou en pleine terre) a été établie selon l’axe nord-ouest /

Les nécropoles deVaise et de la rue debourgognepar Michèle Monin, archéologue, Service Archéologique de la Ville de Lyon

Dès le début du ier siècle av. J.-C., lugdunum s’est vue dotée d’un réseau routier important, mis en place par le général romain agrippa. Cinq voies convergeaient vers la capitale des Gaules et, à l’extérieur de la ville, ces voies étaient longées par de vastes nécropoles.

Fouille d’un dépôt secondaire, site de la rue de Bourgogne. photo e. Bertrand, service archéologique de la ville de lyon.

l’ archéo-Théma no 1 | mars-avril 2009 51

Page 54: Archéo Théma n° 01 - Lyon

sud-est de la voie. Les 21 sépultures se répartissent sur l’ensemble du site, et les plus récentes montrent une majo-rité d’individus reposant sur le ventre. Les fosses-bûchers (au nombre de 19), dans lesquelles on procédait à la cré-mation des défunts, étaient implantées en bordure de voie. À proximité de ces bûchers, ont été identifiées des aires d’épandages contenant des ossements humains ou animaux calcinés. Les rési-dus de crémation sont ensuite déposés soit directement dans des petites fosses creusées à cet effet, soit au sein d’urnes cinéraires, la plupart du temps en terre cuite. Ces dépôts secondaires sont très souvent associés à des offrandes telles que monnaies, vaisselle en céramique, petits vases en verre, éléments d’ameu-blement (coffre, clous de tapissiers), objets de toilette, ornements de vête-

ments, bijoux, jouets... Viennent par-fois s’ajouter des quartiers de viande constitués presque exclusivement de porc. Au final, les recherches ont livré 79 dépôts secondaires de crémation avec ossuaire placés dans une urne et 26 dépôts secondaires de résidus de bûchers disposés dans des fosses.

Au début du IIe siècle ap. J.-C., la nécropole est abandonnée, très proba-blement en raison de l’activité de ruis-seaux versants très dynamiques dans la plaine de Vaise à cette période.

Quelques mois plus tard, au début de l’année 2007, la fouille d’un espace funéraire au 16-28 rue des Tuileries, à quelque 200 mètres à l’ouest de la voie de l’Océan, a permis de compléter les données funéraires du secteur. Cette nécropole, datée de la fin du IIe siècle ap. J.-C., a livré 22 dépôts d’incinéra-tion, une aire de crémation et l’inhuma-tion d’un nouveau-né. L’étude détaillée des sépultures, actuellement en cours,

pour en savoir plus• Monin (M. dir.) et alii, 2007, « 30-32 rue de Bourgogne, Lyon 69009, Rapport d’opération d’archéologie préventive », Rapport déposé au Service Régional de l’Archéologie, Lyon, 2007, vol. 1, texte, 221 p. - vol. 2, catalogue des structures funéraires, 341 p. - vol. 3, illustrations, 48 pl. - vol. 4, annexes, 286 p.• Rottier (S.), Carrara (S.), Ducourthial (C.), 200, « 16-28 rue des Tuileries, Lyon 69009, Rapport final d’archéologie préventive », Rapport déposé au Service Régional de l’Archéologie Rhône-Alpes, Lyon, 2007, vol. 1, texte, 352 p. - vol. 2, in-ventaires, 279 p. - vol. 3, planches, 205 pl.• Schmitt (A.). et alii, « Un ensemble funéraire du haut Empire situé dans une suburbia de Lugdunum le long de la voie de l’Océan (Lyon 9e) », à paraître dans Revue Archéologique de Narbonnaise.

vue zénithale d’inhumation d’un individu de sexe masculin reposant sur le ventre, site de la rue de Bourgogne. Cliché C. Molliex, service archéologique de la ville de lyon.

Bûcher et résidus de crémation, site de la rue de Bourgogne. photo a. schmitt, service archéologique de la ville de lyon.

Dépôt secondaire d’ossuaire en urne et fouille en laboratoire, site de la rue de Bourgogne. Clichés a. Baradat, service archéologique de la ville de lyon.

permettra de parfaire la mise en pers-pective dans l’environnement funéraire et périurbain de Lyon.

l’ archéo-Théma no 1 | mars-avril 200952

LYON capitale culturelle et religieuse

Page 55: Archéo Théma n° 01 - Lyon

titre 2

d ans le cadre d’un projet immobilier, une fouille préven-tive a été réalisée par la société Archeodunum au 62 de la

rue du Commandant Charcot à Lyon (5e arr.). Cette opération a permis de compléter les données sur les nécropoles lyonnai-ses. La parcelle se situe à l’ouest de Lugdunum, sur le plateau du Point du Jour, au nord du tracé des aqueducs de l’Yzeron et de la Brévenne, près des vastes espaces funéraires s’articu-lant autour du quartier de Trion, et des rues de La Favorite et Joliot Curie. Au total, une vingtaine de structures funéraires datées du Ier s. ap. J.-C. a été découverte. Il s’agit essentielle-ment de vestiges se rapportant à la pratique de la crémation, notamment par l’utilisation de bûchers disposés au-dessus de fosses rectangulaires. Outre le défunt, des objets et de la nourriture étaient placés sur ces aménagements de bois, disposés par catégorie, soit sous le corps, soit à côté, dont les restes ont été retrouvés lors de la fouille du comblement des fosses. Il s’agit tout d’abord de vaisselle en terre cuite, qui se partage entre vases de service en sigillée, originaires du sud et du centre de la Gaule, et vases destinés à la cuisson ou au stockage des aliments. Des vases en verre, parfois fondus, ont également été mis au jour. Parmi cette catégorie, une grande quantité de balsamaires contenait encore à l’intérieur des restes organiques qui ont fait l’objet d’analyses. Ces dernières ont permis d’attester la présence de corps gras, de cire mais également de feuilles macérées qui correspondraient plutôt à un médicament ou une potion qu’à un parfum. Une partie des aliments déposés sur le bûcher a été conservée. Les analyses paléobotaniques ont montré l’existence de figues, d’olives, de légumineuses et de pignons de pin carbonisés. Des traces de pains ou galettes ont également été mises en évidence. Par ailleurs, l’étude des ossements animaux a non seulement at-testé la présence de la triade porc-Caprinés-bœuf, mais aussi des restes de poissons et de poules. On signalera également la bonne représentation des lampes à huile, avec une petite série en terre cuite associée à un exemplaire plus rare en fer. Ces objets de la vie quotidienne se chargent, dans le cas pré-sent, d’une valeur votive. Il en est de même pour les monnaies qui, selon le mythe, permettaient de payer Charon, le passeur des âmes. La liste des objets personnels appartenant aux dé-funts se compose d’éléments de parure (bagues avec intaille) ou rattachés au domaine vestimentaire (clous de chaussure et ceinture). Il faut également noter la présence d’un petit couteau en os et fer, de forces pour la toilette, et de restes de

coffrets en bois, dont seuls les éléments métalliques nous sont parvenus. Quelques éléments de jeux comme des jetons en verre ont également été identifiés. Les objets découverts permettent parfois de lier le défunt à une activité. C’est le cas d’une panoplie d’instruments chirurgicaux d’oculiste et/ou de chirurgiens (scapels, érignes* et étuis cylindriques de rangement en bronze). Bien évidemment, les restes osseux des défunts composent le comblement des fosses. Une fois le bûcher éteint, des prélèvements sont généralement effectués dans la couche de crémation pour pratiquer l’ensevelisse-ment d’une partie des os. Cette pratique s’effectue parfois au sein du bûcher, dans un vase ou un coffret, ou dans une fosse distincte. Leur étude a montré la présence d’un seul individu par fosse. Quant au sexe, la mauvaise conservation et la frag-mentation des os a le plus souvent empêché toute identifi-cation. L’origine de l’implantation d’un espace funéraire est généralement liée à un axe de circulation. Concernant le site, une portion de voie constituée de galets et graviers compac-tés large de sept mètres a été découverte au nord de la zone funéraire. Elle semble reliée à un autre axe viaire situé au nord de l’emprise de fouille, suspecté grâce à l’orientation des fos-ses ainsi que leur localisation.

Cette opération a permis par conséquent de réaliser une découverte d’un grand intérêt, avec notamment la présence de fosses particulièrement riches en mobiliers et en infor-mations sur les pratiques funéraires, et confirme bien la pré-sence d’espaces funéraires et de réseaux viaires à l’ouest de la colonie.* Érigne. Petite pince armée de crochets dont on se sert soit en disséquant, soit dans certaines opérations, pour soulever et écarter les parties qu’on veut disséquer.

Par Tony Silvino

Les fosses-bûchers du 62 rue du Commandant Charcot

Fosse contenant les restes d'un bûcher. photo J. Michel. archéodunum.

Détail de résidus de crémation notamment de balsamaires en verre. photo s. Charbouillot. archéodunum.

Fouille d’un comblement charbonneux d’une fosse-bûcher. photo T. silvino. archéodunum.

l’ archéo-Théma no 1 | mars-avril 2009 53

Page 56: Archéo Théma n° 01 - Lyon

AvANT JÉSUS-ChRIST

10 000-5500 (Mésolithique)Premières traces d’occupation hu-maine dans l’actuelle plaine de Vaise et au bas des pentes du plateau de la Duchère.

5500-4900 (néolithique ancien)Des agriculteurs-éleveurs appartenant à une culture néolithique dite « car-diale » s’installent du côté de Saint-Priest.

4800-3500 (néolithique moyen)Des communautés chasséennes occu-pent temporairement la plaine de Vaise (Lyon 9e).

3500-2500 (néolithique final)Traces d’occupation temporaire dans la plaine de Vaise : fosse, fragments de grands vases et de jarres, ossements d’animaux.

2500-2100 (Campaniforme)Établissements dans la plaine du Rhône (rue Père Chevrier, Lyon 7e) et dans la plaine de Vaise : poteries décorées, outils de silex et pointe en bois.

2200-1500 (âge du Bronze ancien)Présence humaine dans la plaine de Vaise (rue Mouillard, 9e) au pied du plateau de la Croix-Rousse, sur la rive gauche de la Saône : petits hameaux oc-cupés sur une ou deux générations.

1300-750 (âge du Bronze final)Une dizaine de gisements sont attestés dans la plaine de Vaise, sur la rive gau-che du Rhône, dans l’actuel quartier de la Guillotière (rue du Père Chevrier), au sud de Lyon (ZAC Ampère), sur le plateau de Fourvière (site du « pseudo-sanctuaire de Cybèle ») et sur le pla-teau de la Croix-Rousse (rue Pierre Dupont).

800-450 (premier âge du Fer)Mise en place d’un habitat permanent de grande étendue dans la plaine de

Chronologie par Bruno Bioul et Matthieu poux

Vaise et liens commerciaux avec la Mé-diterranée. Nombreux vestiges d’ha-bitat (Gorge de Loup, rue du Docteur Horand, rue Marietton, rue du Sou-venir, rue des Tuileries, rue du Mont d’Or). Premières amphores vinaires et pièces du service à boire méditerra-néen originaires d’Étrurie et de Mar-seille (fin VIe-fin Ve s. av. J.-C.).

600. Fondation de Massalia (Marseille) par les Phocéens.

150-50 (second âge du Fer)Le site de Lyon est occupé par un établissement indigène appelé Lou-goudounon par les auteurs grecs. Spectaculaires vestiges d’occupation répartis entre la colline de Fourvière et la plaine de Vaise, datés des deux derniers siècles avant notre ère : larges fossés délimitant de vastes enclos, bâ-timents, milliers d’ossements animaux et centaines de milliers de tessons d’amphores à vin importées d’Italie.

125-120. Création de la première pro-vince romaine de Transalpine, dite « de Narbonnaise » dont les frontières s’étendent jusqu’à Vienne, Genève et aux abords de Lyon, sur la rive gauche du Rhône.

vers 100. Présence de commerçants romains à Lyon, qui possédaient sans doute un comptoir dans la plaine de Vaise (rue du Souvenir). Selon le géo-graphe Strabon, le site de Lyon béné-ficie du statut d’emporion, de port de commerce et de transbordement entre la Gaule et la Méditerranée.

90-85. Naissance de Lucius Munatius Plancus à Tivoli (Tibur), près de Rome.

58-51. Guerre des Gaules par Jules César, conquête de la Gaule dite « Che-velue » dont Lyon fait partie et qui de-vient province romaine.

44. Ides de mars : assassinat de César. À une date indéterminée, précédant de peu cet événement, des colons italiens

sont chassés de Vienne par les Allobroges et contraints de s’établir sur le site de la confluence du Rhône et de la Saône, près de Lyon (sur la colline de Fourvière ?).

43. Fondation d’une colonie romaine sur le site de Lyon, la Colonia Copia Felix Munatia Lugdunum par Lépide et Plancus, gouverneur de la Gaule transalpine, entre le mois de juin et le début de l’automne. Cette première ville, construite en terre et en bois, est entourée d’un territoire rural confis-qué au peuple des Ségusiaves, ponctué d’exploitations agricoles. Apparition des premières monnaies coloniales en or et en bronze, frappées à Lyon par Plancus et Marc Antoine.

40-37. Marcus Vipsanius Agrippa est envoyé en Gaule avec une armée d’au moins six légions pour y mâter des ré-voltes consécutives à la mort de César. Il en profite aussi pour réorganiser la Gaule, procéder à un inventaire géné-ral des tribus indigènes et à la délimi-tation de leur territoire. Il y réalise un vaste réseau de voies reliant Lyon au reste de la Gaule, ainsi, peut-être, que le premier aqueduc de Lugdunum, celui du Giers.

26-25. Premier séjour d’Auguste en Gaule, qui réside à Lyon avec son gen-dre Agrippa et y prépare ses plans d’in-vasion de la Germanie.

27. Lugdunum devient la capitale de la province de Gaule lyonnaise et le siège du pouvoir impérial pour les trois pro-vinces gauloises (Tres Galliae).

20-18. Second séjour d’Agrippa en Gaule, qui y parachève l’organisation du réseau routier mis en place lors de son premier séjour. Entièrement reconstruit, le cen-tre de la colonie se pare de ses premiers monuments en pierre, notamment d’un théâtre et d’un praetorium.

19. Création de l’atelier monétaire de Lugdunum, dont les frappes d’or, d’argent et de bronze sont destinées à

l’ archéo-Théma no 1 | mars-avril 200954

Page 57: Archéo Théma n° 01 - Lyon

Chronologie

alimenter la solde des troupes station-nées sur le Rhin. Localisé sur le plateau de Fourvière (actuel quartier Saint-Just), il est placé sous la surveillance d’une cohorte urbaine créée à cet effet (ad monetam). Fermé en 82 de notre ère, cet atelier sera réactivé temporai-rement en 197 sous Clodius Albinus, puis vers 274 sous Aurélien, avant d’être supplanté définitivement, en 294, par l’atelier monétaire de Trèves.

vers 15. Mort de Plancus, fondateur de Lugdunum.

13-12. Deuxième séjour d’Auguste en Gaule.

12. Fondation du sanctuaire des Trois Gaules sur le site de Condate, à la confluence du Rhône et de la Saône (pen-tes de la Croix-Rousse) : dédié à Rome et à l’Empereur, son autel est le cadre de cé-rémonies qui accueilleront chaque année les délégués des soixante peuples gaulois soumis par César et Auguste.

15-10. À l’époque du dernier voyage d’Auguste en Gaule, Lugdunum est de-venu un centre politique et stratégique important, proche des centres d’opéra-tions situés sur le Rhin et l’Elbe, ouverts par la campagne de Drusus et Tibère en 15 av. J.-C. ; les membres de la dynastie julio-claudienne, venus surveiller ou diriger ses entreprises de conquête, y séjournent fréquemment.

10. Le 1er août, naissance à Lyon du futur empereur Claude.

APRèS JÉSUS-ChRIST

14-37. Sous le règne de Tibère est édi-fié un amphithéâtre de 20 000 places rattaché au sanctuaire de Condate, au pied des pentes de la Croix-Rousse.

36-41. Séjour à Lugdunum de l’empe-reur Caligula, afin de mâter un complot

ourdi par ses proches aux frontières de l’empire, de préparer l’invasion de la Bretagne (Grande-Bretagne actuelle, conquise par son successeur Claude) et de procéder à la vente aux enchères de certains biens impériaux.

41-54. Règne de Claude, empereur originaire de Lyon, où il prononcera un discours en faveur des notables de Gaule, cité par Tacite et gravé dans le bronze des « Tables Claudiennes », grande inscription dont les fragments ont été découverts au XVIe siècle sur les pentes de La Croix-Rousse. Per-fectionnement du réseau d’adduction d’eau de Lugdunum, notamment par la construction de fontaines et des ther-mes de la rue des Farges.

65. Selon Sénèque, un vaste incendie dévaste en grande partie la ville, dont l’archéologie n’a pourtant pas révélé la moindre trace.

68-69. Année dite « des Quatre Em-pereurs », précédant de peu la mort de Néron, marquée par un début de guerre civile qui voit s’affronter les prétendants au trônes, Vitellius, Galba, Othon, Vespasien. Ces événements attisent la vieille rivalité qui oppose Vienne à sa voisine Lugdunum. Restée fidèle à Néron, cette dernière est assié-gée par les Viennois, dont la ville échap-pera elle-même de peu à la destruction lors du retournement de situation qui favorisera l’avènement de Vespasien.

117-138. Règne de l’empereur Hadrien, au cours duquel Lugdunum atteint son apogée (présence d’artisans et de commerçants originaires de toutes les provinces de l’empire, reconstruction du théâtre, construction d’un odéon et d’un cirque). La ville, qui héberge près de trente mille habitants, s’étend du plateau de Fourvière à la Presqu’île. 177. Exécution d’une cinquantaine de chrétiens dans l’amphithéâtre de Condate, dont l’évêque Pothin, le dia-cre Sanctus et sainte Blandine.

188. Naissance à Lyon de Septimius Bassanius, appelé Marcus Aurelius Severus Antoninus Augustus, plus connu sous le nom de Caracalla.

197. Bataille de Lugdunum. La lutte qui oppose Clodius Albinus, prétendant au trône, à Septime Sévère, futur em-pereur, se cristallise à Lyon. Au terme d’une bataille sanglante au cours de laquelle s’affrontent plus de 150 000 hommes, localisée vers la place de Sa-tonay (Lyon 1er), le premier se suicide et la ville est pillée par les troupes de Septime Sévère.

211 à 217. Règne de Caracalla, second empereur « lyonnais », et auteur, en 212, du fameux édit (Constitutio Anto-niniana) garantissant la citoyenneté romaine aux hommes libres de tout l’empire romain.

276. Premiers raids germaniques en Gaule. De cette période troublée té-moigne le « trésor de Vaise » (riches pièces de vaisselle d’argent, bijoux, pièces de monnaie et statuettes, dis-simulés par leur propriétaire et jamais récupérés).

297. Suite aux réformes dites « de la Té-trarchie », entreprises en 294 par l’em-pereur Dioclétien, Lugdunum perd son rang de capitale des Gaules au profit de Trèves, plus proche de la frontière du Rhin. Elle devient le siège administratif d’une province réduite, la « Première Lugdunaise » comprenant le Lyonnais, la Bourgogne et la Franche-Comté.

300-532 (antiquité tardive). Par manque d’eau et pour des raisons de sécurité, les quartiers du centre-ville édifié sur le plateau de Fourvière sont délaissés pour faire place à un habitat concentré sur la presqu’île et les berges de la Saône. Devenue centre de diocèse au IVe siècle puis capitale du royaume Burgonde entre 470 et 530, cette ville réduite donnera plus tard naissance au centre médiéval du Vieux-Lyon (5e).

l’ archéo-Théma no 1 | mars-avril 2009 55

Page 58: Archéo Théma n° 01 - Lyon

BelgiqueDes jouets du Moyen Age décou-verts lors de fouilles à DammeDes fouilles archéologiques

menées dans le centre de la

petite ville de Damme (Flandre

occidentale, Belgique) ont per-

mis aux archéologues de décou-

vrir de nombreux jouets datant

du Moyen Age ainsi qu’une par-

tie du vieux chenal (Zwingeul)

reliant la cité à la grande ville de

Bruges. Cette opération a eu lieu

dans le cadre du réaménagement

de la Jacob van Maelantstraat,

une route qui traverse le paysage

frontalier situé entre Damme,

Sluis, Aardenburg et Maldegem.

Jadis recouverte d’un immense

marécage ou « moorland », la

région est une succession d’an-

ciens schorres (sortes de prés

salés) asséchés au moyen de

digues et de canaux. Au XIIe siè-

cle, un canal fut construit entre

Bruges et Damme, faisant de

cette dernière l’avant-port de

la Venise du Nord. Parmi les

jouets découverts figurent un

chevalier armé, revêtu d’une

cote de mailles et d’un casque

à visière, le fragment d’un autre

chevalier et une petite assiette

en étain. Les vestiges du chenal

mis au jour comprennent entre

autres deux petits poteaux de

bois et plusieurs planches hori-

zontales.

Source Agence Belga

espAgneMurcie. la plus grande sépulture préhistorique d’espagneUne découverte unique faite en

février 2008 va sans doute per-

mettre aux spécialistes d’étudier

et d’analyser pour la première

fois une population d’un habitat

préhistorique qui, pendant près

de 400 ans, à l’époque Chalcoli-

le canal reliant Damme à Bruges. On aperçoit au fond, le clocher de l’église notre-Dame de Bruges. Cliché limoWreck. D.R.

ItalieRome. Des objets excep-tionnels découverts dans des bains romains

Quelques vestiges magnifiques particulièrement bien conservés, entre autre la tête en marbre d’un dieu grec, ont été mis au jour très récemment au cours des fouilles d’une ancienne villa romaine et de ses bains dans la banlieue de Rome. La villa delle Vignacce, au sud de la capitale italienne, a été explorée pour la première fois en 1780, et plusieurs statues y avaient été retrouvées, qui ornent aujourd’hui les salles du musée du Vatican. Mais les fouilles ont repris voici près de deux ans, et révèlent la présence d’une résidence luxueuse rat-tachée à un complexe thermal remontant au Ier s. de notre ère. Les archéologues y ont mis au jour des frag-ments de colonnes, des dalles d’un pavement et la tête d’une statue en marbre représentant, selon les premiè-res études, Zeus ou Asclepios, le dieu de la médecine et des guérisons. Les fouilleurs ont également découvert une mosaïque de verre coloré représentant des feuilles et des guirlandes végétales pendant à l’intérieur d’une voûte. D’après les archéolo-gues Dora Cirone et Darius Arya, de l’American Institue of Roman Culture, la villa aurait appartenu à Quintus Servilius Pudens, un proche de l’empe-reur Hadrien. Ce qui est aussi remarquable, disent-ils, c’est que, contrairement à beau-coup d’autres sites des envi-rons de Rome, celui-ci n’a, semble-t-il, pas trop souffert des pillages et des vols.Source Agence Reuters

Tête de statue en marbre repré-sentant sans doute un dieu grec, Zeus ou Asclépios. © ReuTeRs/American institute of Roman Culture/Handout. D.R.

les thermes romains de la villa delle Vignacce, près de l’aéroport de Ciampino, au sud de Rome. © ReuTeRs/American institute of Roman Culture/Handout. D.R.

thique (4500-2000 av. J.-C.), a

enterré la plupart de ses mem-

bres au même endroit.

Le site archéologique de

« Camino del Molino », dans

la municipalité de Caravaca de

la Cruz, près de Murcie, abrite

au moins 1300 individus enter-

rés entre 2400 et 1950 av. J.-C.

Le chantier est dirigé par une

équipe collégiale de scientifi-

ques composée de Mariano>>

56

découvertes

l’ archéo-théma no 1 | mars-avril 2009

Page 59: Archéo Théma n° 01 - Lyon

>> Lopez Ramos Martinez,

Francisco Martinez et Joa-

quin Lomba Maurandi. Selon

Pedro Alberto Cruz, conseiller

régional à la culture et au tou-

risme, « il s’agit du site archéo-

logique préhistorique espagnol

dans lequel on a trouvé le plus

grand nombre de cadavres ».

On estime que la population de

cette communauté a pu comp-

ter entre 60 et 70 personnes,

et ce qui intéresse particulière-

ment les spécialistes, c’est que

le grand nombre de squelet-

tes mis au jour dans un même

lieu va leur permettre d’étudier

attentivement l’âge de la mort,

les pathologies, les maladies,

les habitudes alimentaires et

les différents traits anthropo-

métriques d’une population

préhistorique bien précise. Ce

site extrêmement riche a livré

également une cinquantaine

de squelettes de chiens accom-

pagnant leurs maîtres dans

la tombe. Les outils et objets

usuels font partie du matériel

exhumé comme des pots en

céramique, des silex, des poin-

tes de flèches, des colliers et

même des poignards. Certai-

nes tombes étant plus riches

en matériel que d’autres, les

scientifiques pensent qu’elles

devaient accueillir le cadavre d’un

individu d’un statut plus élevé.

luxeMBOuRgDalheim. une belle inscription latine du iiie s. ap. J.-C. et un autel dédié à FortunaC’est une équipe du Musée

national d’Histoire et d’Art du

Luxembourg(MNHA), dirigée

par Heike Pösche et supervisée

par Jean Krier, conservateur

de la section gallo-romaine du

MNHA, qui a fait cette grande

découverte sur le site des ther-

mes du vicus (agglomération

secondaire) gallo-romain de

Dalheim : ils ont mis au jour

les restes d’un grand autel

en calcaire (H. 1,30 m) dédié

à la déesse Fortuna, divinité

de la Fortune, portant sur sa

face antérieure une inscrip-

tion latine du IIIe siècle après

J.-C. Sur 10 lignes, le texte

mentionne non seulement les

habitants du vicus de Riccia-

cum, mais également la resti-

tution du portique de l’édifice

des bains, détruit « par la vio-

lence des barbares », proba-

blement lors d’une incursion

de Germains. Comme curateur

des travaux entrepris à l’épo-

que, figure un militaire de la

VIIIe légion Augusta station-

née à Strasbourg (cf. p. 62). À

la fin du mois d’août 2008, la

fouille avait déjà révélé une

sculpture en ronde bosse de

la divinité indigète Fortune

(H : 0,33 m), ce qui permet

aujourd’hui aux archéologues

de supposer l’existence d’un

petit sanctuaire en l’honneur

de cette déesse aménagé dans

l’une des pièces du bâtiment

des thermes publics de l’agglo-

mération antique de Dalheim.

L’intérêt particulier de la nou-

velle découverte réside dans le

fait que cette inscription nous

apporte la preuve définitive de

l’identification de l’aggloméra-

tion romaine de Dalheim avec

la station « Ricciaco » indiquée

sur la célèbre « Tabula Peutin-

geriana » (Table de Peutinger),

copie médiévale d’une carte

routière romaine de l’Anti-

quité tardive (IIIe-IVe s. ap.

J.-C.). Jusqu’à présent, seules

sept petites tessères ( jetons)

en plomb, trouvées à Dalheim,

parlaient en faveur de cette

identification.

Source Ministère de la Culture, de

l’Enseignement supérieur et de la

Recherche

l’inscription au moment de sa découverte, le 23 octobre 2008. Au centre : l’archéologue Heike pösche, directrice de la fouille, ainsi que le conservateur de la section gallo-romaine du MnHA de luxembourg, Jean Krier. photo MnHA luxembourg. Avec l’aimable autorisation de J. Krier.

le trésor était composé de 824 pièces d’or frappées par les icéniens, peuplade celte d’Angleterre. entre 40 av. et 15 ap. J.-C. D.R.

gRAnDe-BReTAgneun trésor monétaire vieux de 2 000 ans824 pièces d’or frappées par les

Icéniens ont été découvertes

enterrées au milieu d’un champ

à Wickham Market, dans le Suf-

folk, au sud-est de l’Angleterre.

L’âge des pièces de monnaie

a été estimé entre 40 av. J.-C.

et l’an 15 de notre ère. Les Icé-

niens sont entrés dans l’histoire

de l’Angleterre grâce à l’une de

leur reine, Boadicée (également

appelée Boudicca), probable-

ment la plus célèbre des reines >>

57

découvertes

l’ archéo-théma no 1 | mars-avril 2009

Page 60: Archéo Théma n° 01 - Lyon

>> celtes de l’île, et dont une sta-

tue de bronze a été élevée à Lon-

dres (Westminster Bridge), près

de Big Ben. Dion Cassius et Tacite

lui ont consacré un long passage

dans leur Histoire romaine et

Annales respectives. Suite, sem-

ble-t-il, à des exactions faites

par des officiers romains sur des

membres de la famille royale des

Icéniens, ces derniers, sous la

conduite de leur reine, se révol-

tèrent contre Rome en 60 de

notre ère. En représailles, Lon-

dres (Londinium) sera détruite

en 61. Les Icéniens sont connus

pour les offrandes qu’ils faisaient

aux dieux, abandonnant des

biens de valeur dans des rivières

ou des vergers sacrés. D’après les

premières analyses et en raison

de leur grande valeur pour l’épo-

que, ces pièces auraient ainsi

constitué une offrande, enterrée

dans une jarre en terre, à l’atten-

tion des dieux.

Pour Jude Plouviez, tra-

vaillant au service archéologique

du comté, « cette découverte est

très excitante et importante, car

elle souligne la probable impor-

tance politique, économique et

religieuse de la région il y a 2 000

ans ». Il s’agit de la plus grande

collection de pièces d’or de l’âge

du Fer découverte en Grande-

Bretagne depuis 1849.

Source www.maxisciences.com

TuRquiela croyance en l’existence de l’âme humaine remonte au moins au Viiie s. av. J.-C.C’est sur le site de Zincirli, Sam’al

dans l’Antiquité, dans le sud-est

de la Turquie, que les archéo-

logues ont découvert une belle

stèle sur laquelle une inscription

de 13 lignes a été gravée. Elle date

du VIIIe siècle av. J.-C. Le texte

est accompagné d’une scène de

banquet où le défunt, un cer-

tain Kuttamuwa, est représenté

assis, vêtu d’un habit à franges,

coiffé d’un chapeau pointu orné

d’un gland, et arborant une lon-

gue barbe. Il tient dans sa main

gauche une pomme de pin, sym-

bole de vie éternelle et de régé-

On se souvient du retentissement que provoqua la découverte, en 2003, des restes de l’Homo floresiensis à Florès, une petite île située à l’est de l’archi-pel indonésien. il s’agissait à l’époque de savoir si les restes de ce petit être (1 m -1,20 m) étaient bien ceux d’une nouvelle catégorie humaine ou non. D’après son analyse, le fossile présente des caractères anatomiques qui rappel-lent ceux des Homo erectus mais pas de caractéristiques qui pourraient le faire ressembler à un grand singe (gorille, orang-outan, chimpanzé, bonobo) ni même à un Australopithèque. il appartient bien au genre humain même si sa stature est petite et sa capacité crânienne réduite (380/530 cm3). le tout était de savoir si l’homme de Florès souffrait d’une pathologie particu-lière, le nanisme. C’est l’identification de la mutation du gène responsable de cette pathologie ou éventuel-lement la mesure de la capsule osseuse du crâne qui contient l’hypophyse qui peuvent aider à établir ce diagnostique. Or les chercheurs du département des sciences anatomiques de la stony Brook university (États-unis) qui l’ont analysé affirment aujourd’hui que

ce crâne possède une forme le faisant appartenir à un ancêtre d’Homo sapiens sapiens mais en aucun cas à un homme moderne. l’Homme de Florès n’est donc pas l’un de nos ancêtres directs. Ces conclusions ont été tirées après des analyses tridimensionnelles de la forme, de la taille et de l’asymétrie du crâne, qui ont ensuite été comparées à celles d’autres espèces d’hominidés éteintes, d’hommes modernes et même de sin-ges. selon le docteur Karen l. Baab, du

département des sciences anatomiques de la stony Brook university, la forme générale du crâne ressemble plus à celle de fossiles vieux d’1,5 million d’années découverts en Afrique ou en eurasie, qu’à un crâne d’homme moderne, même si Homo floresiensis ne serait « âgé » que de 17 000 à 95 000 ans. les chercheurs pensent que leurs découvertes contredi-sent la thèse avancée par d’autres scienti-fiques selon laquelle ce crâne serait celui

d’un homme moderne atteint de microcéphalie ou de nanisme. l’asymétrie du crâne ne serait en effet pas assez prononcée pour étayer cette thèse. De même, les analyses menées sur le reste du squelette vont dans le sens d’une nouvelle espèce. le Dr K. l. Baab reconnaît cependant que l’origine d’Homo floresiensis n’a pas fini de semer la controverse dans le milieu des sciences de l’évolution. Source www.maxisciences.com

InDonésIe. L’Homme De FLoRès seRaIt bIen une nouveLLe espèce D’HomInIDé

Crâne de l’homme de Florès découvert en septembre 2003 par une équipe de paléonto-logues dirigée par Michaël Morwood (university of new england, à Armidale en Austra-lie) et Radien p. soejono (Centre indonésien pour l’archéologie de Djakarta) dans une grotte de l’île indonésienne de Florès. il aurait vécu sur l’île entre -95 000 et -17 000 voire -12 000 ans. photo R. somma. D.R.

la stèle funéraire découverte sur le site de Zincirli, dans le sud-est de la Turquie, révèle la croyance en la séparation de l’âme et du corps puisqu’il y est dit que cette dernière se trouve dans la stèle après la dispari-tion du corps du défunt nommé Kuttamuwa. photo e. struble, université de Chicago. D.R.

58

découvertes

l’ archéo-théma no 1 | mars-avril 2009

Page 61: Archéo Théma n° 01 - Lyon

nération, et dans la main droite

un vase à boire de style assyrien.

Devant lui, sur une petite table,

de la nourriture a été déposée :

un canard, deux morceaux de

pain, un bol de viande et une

petite boîte carrée rappelant une

pyxide. L’inscription, déchiffrée

par les spécialistes américains

du célèbre Chicago’s Oriental

Institute, permet de s’assurer que

nous sommes devant une scène

de banquet funéraire : en effet, le

texte rapporte que Kuttamuwa

a fait faire cette stèle durant sa

vie, et que lors de son inaugura-

tion dans la chapelle mortuaire,

des offrandes ont été faites aux

différentes divinités, notam-

ment Hadad, le dieu de l’Orage,

et Shamash, le dieu-Soleil. L’ins-

cription a été rédigée en écriture

alphabétique, dans un dialecte

appelé Sam’alien, d’après l’an-

cien nom du site : il s’agit d’une

écriture dérivée de l’alphabet

phénicien, et le dialecte en ques-

tion est une forme archaïque de

l’araméen. Ce qui a fortement

surpris les spécialistes, c’est que,

pour la première fois dans un

contexte historique aussi ancien,

apparaît le mot « âme » qui se dit

nebesh, une variante de l’hébreu

nephesh, qui signifie aussi « âme »

dans la Bible. En effet, le texte

dit explicitement que l’une des

offrandes était « un bouc pour

mon âme qui est dans la stèle ».

Cette terminologie est caracté-

ristique des croyances funéraires

des Sémites occidentaux et des

croyances concernant la mort

et la vie dans l’au-delà. En outre,

les archéologues savent depuis

longtemps que les hommes de

cette région pratiquaient la cré-

mation à l’âge du Fer, mais ils se

demandaient pourquoi et com-

ment, dans des périodes plus

anciennes, dans le monde sémi-

tique occidental, le fait de brûler

des ossements était considéré

comme tabou parce que l’âme,

croyait-on, résidait en eux et

risquait par conséquent de dis-

paraître avec eux. L’inscription

établit clairement que l’âme est

considérée comme résidant dans

la stèle, ce qui permet de récon-

cilier la pratique de la crémation

avec la croyance en l’existence

de l’âme : ainsi, on peut spéculer

avec David Schloen, directeur

des fouilles sur le site depuis

2006, que nous avons ici, grâce

à cette inscription, l’explication

théologique de la pratique de la

crémation et de la croyance en

une sorte d’« immortalité » de

l’âme du défunt à qui les descen-

dants offrent de la nourriture

selon l’antique tradition sémite.

La stèle a été découverte

dans une annexe de ce qui est

fort probablement la maison

de Kuttamuwa, dans le quartier

résidentiel situé à l’extérieur

de la citadelle de la cité royale ;

elle était insérée dans une plate-

forme dallée, contre un mur sis

dans l’angle d’une petite pièce,

et entourée de restes d’offrande

de nourriture comme des osse-

ments d’animaux et des frag-

ments de bols en pierre, ce qui

indique que la pièce était un

sanctuaire privé.

Source Archaeology magazine

Vue générale des fouilles de la citadelle de sam’al (Zincirli) en 2007. photo e. struble, univer-sité de Chicago. D.R.

néoLItHIQueturquie. Les origines lointaines d’Istanbulremonte au néolithique

Contrairement à ce que les historiens ont longtemps cru, les origines d’Istanbul (Byzance ou Constantinople) ne remonteraient pas aux années 650 av. J.-C., mais bien plus tôt. En effet, une découverte archéologique faite au cours des gigantesques travaux de construction du projet « Mar-maray rail » (un long tunnel qui doit relier la partie euro-péenne de la Turquie à l’Asie, plus de 56 m sous le détroit du Bosphore), a permis de mettre au jour une tombe qui prouve que les lieux étaient déjà fréquentés vers 6400/5800 av. J.-C., à un moment où le détroit du Bosphore n’existait pas et où la mer de Marmara n’était qu’un petit lac. Depuis long-temps, les historiens, s’appuyant sur une notice d’Eusèbe de Césarée (vers 260-339) retenaient une date précise pour la fondation de la cité de Byzance : « la troisième année de la trentième olympiade », ce qui donnerait 657 av. J.-C. Or voici que les squelettes de deux adultes et deux enfants remontant à l’époque néolithique viennent repousser de plus de 5000 ans les premières traces de fréquentation des lieux. Ce n’est pas en soi une découverte révolutionnaire, car on pouvait se douter que la région avait pu être fréquen-tée par des groupes de chasseurs-cueilleurs, voire de séden-taires ; ce qui est intéressant, c’est qu’aujourd’hui, on en a la preuve matérielle : les corps des quatre défunts étaient accompagnés de vases et de pots qui avaient été déposés en guise d’offrandes. En outre, des traces d’habitats ont été détectées : des vestiges de huttes de branchages et, à proxi-mité, un marais où ont été mis au jour des petits outils, des pièces en bois et des ossements.

L’équipe d’archéologues a également retrouvé une sec-tion du premier mur d’enceinte de la ville, qui remonte à l’époque de Constantin Ier, ainsi que des vestiges du port du IVe s. ap. J.-C. et les restes, remarquablement bien conservés, de plus de 30 bateaux de bois dont plusieurs remontent aux Xe-XIe siècles de notre ère.Source BBC news

Vue du chantier lors de la découverte d’une sépulture néolithique D.R.

la tombe néolithique décou-verte dans la boue épaisse d’un ancien marais comportait les squelettes de deux adultes et deux enfants et un mobilier composé de vases. D.R.

59

découvertes

l’ archéo-théma no 1 | mars-avril 2009

Page 62: Archéo Théma n° 01 - Lyon

Palmyre, grande cité carava-

nière du désert syrien, à 220 km

au nord-est de Damas. Un petit

amphithéâtre et deux salles

destinées à l’exercice de rituels

chrétiens (baptême, salle de

prières, etc.) ont aussi été mis au

jour sur le site de l’église. Il s’agit

de la quatrième église décou-

syRie. palmyre. les vestiges d’une des plus vastes églises antiques de syrieLes vestiges de ce que les spécia-

listes considèrent comme l’une

des plus vastes églises chrétien-

nes de Syrie ont été dégagés à

C’est au cours de travaux de construction d’une route d’accès au futur centre olympique de voile que des archéologues de l’université d’Oxford ont mis au jour sur le site de Weymouth, dans le Dor-set, une douzaine de squelettes humains plus ou moins bien conservés. D’après l’archéologue David score, les découvertes couvriraient presque toutes les périodes de l’histoire humaine, de la préhistoire à l’époque romaine, et permettraient une meilleure connaissance des périodes néolithiques et de l’âge du Bronze. plus d’une douzaine de squelettes ont été retrouvés, certains dans un état assez piteux, d’autres, comme ceux de l’époque romaine, en bien meilleure condition de conservation. les archéo-logues recherchent aussi des restes de petits poissons et de plantes carbonisées pour mieux comprendre les modes d’alimentation des popula-tions de ces époques.situé sur le littoral méridional de la grande-Breta-gne, le Dorset est réputé pour ses fossiles : c’est là par exemple que le squelette de dinosaure le plus complet jamais mis au jour en grande-Bretagne a été retrouvé ; classée site du patrimoine mondiale de l’unesCO, la côte jurassique du Dorset est une véritable mine pour les amateurs de fossiles car ceux-ci tombent littéralement des falaises soumi-ses à l’érosion sur les plages.Source BBC news

GRanDe-bRetaGneWeymoutH. vIve Les jeux oLympIQues De 2012 !

verte dans la ville, et la plus

grande aussi : elle mesure 12 m

sur 24, avec des colonnes de 6 m

de haut, et date de la fin du IVe

siècle ou du début du Ve siècle

ap. J.-C. La ville est célèbre pour

avoir atteint un très haut degré

de richesse grâce au commerce

des caravanes qui, à travers le

désert, gagnaient l’Euphrate et

descendaient jusqu’à Babylone

puis Mésène, à l’embouchure du

Tigre et de l’Euphrate, d’où les

bateaux partaient pour l’Inde ou

d’autres ports de l’Océan indien.

Du Ier au IIIe s. ap. J.-C., Palmyre

est ainsi devenue la plus grande

puissance commerciale du Pro-

che-Orient, succédant à Pétra.

Elle devint cité libre en 129 ap.

J.-C., sous Hadrien, puis colonie

romaine en 212 sous Caracalla.

En 260, Odénath, un notable de

la cité, fut chargé par l’empereur

Gallien d’assurer et d’organiser

la défense de l’empire romain

sur son front oriental, mais les

choses tournèrent mal lorsqu’à

la mort de ce notable, sa veuve,

Zénobie, tenta de prendre le

pouvoir avec son fils Wahballat.

Palmyre se retrouva ainsi impli-

quée dans les guerres civiles

romaines. En 273, Zénobie fut

vaincue par l’empereur Auré-

lien à Antioche et à Émèse ; elle

se replia à Palmyre où Aurélien

vint l’assiéger. La ville fut épar-

gnée parce que les notables livrè-

rent Zénobie aux Romains, mais

quelque temps plus tard, une

révolte de ses habitants suscita

la colère d’Aurélien qui revint

à Palmyre, détruisit ses princi-

paux sanctuaires et y fixa la Ière

légion Illyrienne à demeure. Au

IVe s., Palmyre n’est plus la cité

caravanière d’autrefois mais une

ville de garnison. Tout autour, et

jusqu’au VIIe siècle au moins, la

steppe fut occupée par des com-

munautés de moines monophy-

sites et contrôlée par les tribus

arabes ghassanides, chrétiennes

et alliées de l’Empire : d’anciens

temples païens furent convertis

en lieux de culte chrétien et plu-

sieurs églises nouvelles furent

construites. C’est l’une d’entre

elles que les archéologues vien-

nent de découvrir.

Source BBC news

isRAëlAhéla. la plus ancienne inscription hébraïque ?C’est avec beaucoup de cir-

conspection qu’il faut prendre

la nouvelle : une équipe d’ar-

chéologues israéliens sous la

direction de Yossi Garfinkel

et Saar Ganor, de l’Université

hébraïque de Jérusalem, vient

de faire savoir qu’elle a décou-

vert cet été une inscription très

ancienne qu’elle qualifie d’hé-

braïque, sur le site de la forte-

resse d’Ahéla, dans le centre du

pays, à une vingtaine de kilomè-

tres au sud-ouest de Jérusalem,

là où, selon le récit biblique, le

futur roi David a combattu le

Philistin Goliath. L’inscription

de cinq lignes a été écrite sur un

tesson de terre cuite en écriture

proto-cananéenne, mais n’a pas

été encore totalement déchif-

frée : seuls les mots « juges »,

« esclaves » et « roi » auraient été

identifiés ainsi que les prénoms

Élimélekh et Abdaël. Mais pour

Yossi Garfinkel, il ne fait aucun

doute que l’inscription est bien

hébraïque car le verbe « faire »

composé de trois lettres y appa-

raît, et il n’a été utilisé qu’en

hébreu. La date avancée par >>

l’église nouvelle découverte à palmyre est la quatrième ; elle est aussi la plus vaste connue à ce jour à palmyre : 12x24 m. D.R.

Decumanus (voie est-ouest) de palmyre. D.R.

60

découvertes

l’ archéo-théma no 1 | mars-avril 2009

Page 63: Archéo Théma n° 01 - Lyon

scuLptuReturquiesagalassos. un groupe de statues colossales de la dynastie antonine (IIe s. ap. j.-c.)

Au cours des campagnes de fouilles des étés 2007 et 2008, une équipe d’archéologues de l’université catholique de Louvain (Belgi-que), sous la direction du professeur Marc Waelkens, a découvert, dans une grande salle des bains romains de Sagalassos, les fragments de plusieurs statues colossales de membres de la famille impériale des Anto-nins qui régna sur l’empire romain au IIe s. de notre ère : il s’agit des empereurs Hadrien (117-138), Antonin le Pieux (138-161) et Marc Aurèle (161-180), ainsi que de leurs épou-ses, Vibia Sabina et Faustine l’Ancienne. La statue d’Hadrien devait mesurer près de 5 m de haut puisque sa tête, qui a été retrouvée, mesure 70 cm de haut et l’un de ses pieds 80 cm de long. À six mètres de distance, les archéologues mirent au jour la tête colos-sale de l’impératrice Faustine l’Ancienne qui mesure 76 cm de haut, et un bras droit de 1,25 m de long. La tête de Marc Aurèle mesure quand à elle 90 cm de haut. D’autres fragments de ces statues ont également été découverts.

Les statues du groupe impérial ont été mises au jour sur le sol d’une très grande salle en forme de croix et au sol mosaïqué qu’il est convenu de prendre pour un frigi-darium (ou bain froid). Cette vaste pièce était munie de six grandes niches sur les murs ouest et est : Marc Waelkens pense que les niches occidentales abritaient les

statues des empereurs et que celles qui leur faisaient face, sur le côté oriental, conte-naient les statues de leurs épouses. Mais il s’agit probablement d’un emplacement secondaire : en réalité, les statues devaient se trouver sur une sorte de podium élevé au centre du complexe thermal, où une ins-cription dédicatoire de six mètres de long et datant de l’année 165 ap. J.-C. a été retrou-vée. À la mort d’Hadrien (138 ap. J.-C.), les statues de son fils adoptif, Antonin le Pieux, et de son épouse, Faustine l’Ancienne, ont été ajoutées à celle d’Hadrien et de Sabine ; finalement, lors de la dédicace des Thermes en 165 de notre ère, Marc Aurèle et Faustine la Jeune durent y ajouter leurs propres sta-tues au groupe. De telles salles où la famille impériale était représentée et honorée étaient une des caractéristiques des grands complexes thermaux romains d’Anatolie (Éphèse, Sardes, Aizanoi, etc.). Sagalassos, riche cité commerçante, fut transférée, au milieu du règne d’Hadrien, de la province d’Asie (capitale Éphèse) à la province de Lycie et Pamphylie, à laquelle il ajouta la Pisidie. Les fouilles ont démontré que la cité fut détruite par un terrible tremblement de terre à la fin du VIe siècle : les dates C14 sug-gèrent que les thermes s’écroulèrent entre 540 et 620 de notre ère, plus probablement vers 590.Source Archaeology magazine

la tête de la statue colos-sale d’Hadrien découverte en 2007. photo sagalassos Archaeological Research project. D.R.

Tête de Marc Aurèle nouvel-lement découverte. photo sagalassos Archaeological Research project. D.R.

Main de la statue colossale de Marc Aurèle. photo sagalassos Archaeological Research project. D.R.

Vue générale de sagalassos. D.R.

61

découvertes

l’ archéo-théma no 1 | mars-avril 2009

Page 64: Archéo Théma n° 01 - Lyon

>> Y. Garfinkel pour ce tesson,

vers 1000 av. J.-C., invite à la pru-

dence : selon plusieurs archéo-

logues, les découvertes de cette

période sont assez rares, et il

faut attendre que le texte soit

entièrement déchiffré pour en

déterminer l’origine avec cer-

titude. En outre, malgré les

allégations de Y. Garfinkel, les

Israélites n’étaient pas les seuls

à utiliser les caractères proto-

cananéens. Quoiqu’il en soit,

la découverte est importante

dans la mesure où il s’agit du

plus long texte proto-cananéen

jamais mis au jour jusqu’ici.

Source BBC news

FRAnCestrasbourg. le camp de la legio VIII AugustaSur le site de la future école

régionale des avocats du Grand

Est, dans la cours de l’annexe du

Conservatoire de musique de

Strasbourg, une équipe de l’In-

rap a mené des fouilles de mars à

septembre 2008 sur 400 m2. Elle

a mis en évidence plusieurs vesti-

ges du camp légionnaire romain

qui est à l’origine de la ville. La

VIIIe légion Augusta a été créée

par César probablement en 59

av. J.-C. En 44 av. J.-C., Octave

la reconstitue : cette recréation

et sa fidélité au futur empereur

justifient le surnom qui lui a été

donné : Augusta. Aux débuts de

l’empire, cette légion fut proba-

blement cantonnée dans le nord

de l’Italie. En 68 ap. J.-C., l’année

des « Quatre Empereurs », après

le suicide de Néron, elle prit

d’abord le parti d’Othon, puis

de Vespasien. Après cela, elle

fut déplacée vers la Gaule et la

frontière du Rhin, région où elle

est restée pour le reste de son

histoire (ou presque). Elle fut

d’abord cantonnée à Mirebeau-

sur-Bèze vers Dijon (Côte d’Or)

en territoire Lingons, à partir

de 70 environ. Elle y construi-

sit un camp en pierre de près de

22 hectares. C’est vers 90 que la

VIIIe Augusta fut déplacée sur le

lieu de sa garnison définitive :

Strasbourg. Strasbourg et Mire-

beau sont les deux grands camps

légionnaires permanents situés

sur l’actuel territoire français.

Les fouilles de l’Inrap ont mon-

tré que la première installation

militaire a été marquée par un

bâtiment en bois et

en terre. Puis, suite

au débordement du

fleuve, de nouvelles

tranchées de murs,

toujours en matériaux

légers, ont été creu-

sées selon le même

plan orthogonal. La

vocation militaire du

lieu est retenue car

il se situe dans l’em-

prise supposée du

Ce tesson de céramique remon-tant aux années 1 000 av. J.-C. porte cinq lignes en écriture proto-cananéenne : mais s’agit-il vraiment d’hébreu ? D.R.

le globe oculaire en place au moment de sa découverte par une équipe italo-iranienne lors des fouilles menées dans la célèbre « cité brûlée », dans le Baluchistan. D.R.

Cette trouvaille remonte à décembre 2006. une équipe d’archéologues italo-iranienne qui fouille les vestiges de la célèbre « cité brûlée », au sud de Zabol,

dans la province iranienne du Baluchestan, et dont l’histoire remonte à 5200 ans, a découvert un objet vraiment insolite : un globe oculaire de 2 cm de diamètre fabri-qué à partir de goudron naturel et qui était placé dans l’orbite du crâne d’une jeune femme dont l’âge a été estimé entre 25 et 30 ans. la surface du globe oculaire était incrustée de fils d’or afin de simuler les vaisseaux capillaires, et était gravée d’un petit cercle central (pour représenter l’iris ?). Deux minuscules trous forés de part et d’autre du globe servaient sans doute à fixer l’objet. Des traces de frottements et d’infection ont été constaté sur le globe oculaire, probablement causés par le trachome (variété de conjonctivite contagieuse due à Chlamydia trachomatis, à l’ori-gine de la première cause de cécité dans le monde) dont souffrait la jeune femme. l’étude de son squelette révèle qu’elle mesurait 1,82 m et qu’elle provenait sans doute de la péninsule arabique. son décès remonterait à 2900 av. J.-C. environ.Source french-china.org

IRan. une DécouveRte InsoLIte ?… mon œIL !

Cette petite boule de bitume datant de 4800 ans est l’ancêtre de l’œil de verre. elle a été retrouvée dans la cavité oculaire du crâne d’une jeune femme de 25-30 ans atteinte d’un trachome. Cet œil artificiel était sans doute fixé par un petit fil car deux trous situés de part et d’autre du globe ont été décelés. D.R.

camp dit de Tibère. Le mobilier

mis au jour date cette deuxième

phase d’occupation de l’épo-

que claudienne (41/54 ap. J.-C.).

Après 80, le terrain est nivelé et

préparé pour l’installation de la

VIIIe légion Augusta. Les archéo-

logues ont découvert une rue

large de 4 m et un bâtiment muni

d’un portique d’une surface de

plus de 220 m2 et doté de plus de

quinze pièces, mais dont la fonc-

tion reste à déterminer.

Source Inrap

la légion Viii Augusta devant son camp en août 2007. Cliché pierre C. D.R.

62

découvertes

l’ archéo-théma no 1 | mars-avril 2009

Page 65: Archéo Théma n° 01 - Lyon

Il ne s’agit pas là d’un catalogue au sens habituel du terme. Soucieux de réunir ce qui contribue à illustrer la richesse et la diversité de la civilisation romaine, du Ier siècle av. J.-C. jusqu’au VIe siècle, il déborde largement la question des seuls objets présentés. Il faut dire que l’exposition elle-même, montrée en 2007-2008 à Indianapolis, Seattle et Oklahoma City, puis au musée de l’Ar-les et de la Provence antique, jusqu’au 3 mai, est l’aboutissement d’un projet exceptionnel de la part de l’American Federation of Arts et du musée du Lou-vre : parmi les collections d’art romain du musée du Louvre, opérer une sélec-tion d’œuvres qui, une fois restaurées, seraient replacées dans leur contexte historique et géographique afin qu’en soit révélée toute la signification. L’ouvrage, qui souligne les liens qui ont amené à les regrouper, est d’ailleurs la version française de « Roman Art from the Louvre », publié par l’Ameri-can Federation of Arts and Hudson Hills Press en 2007. Parmi quelque deux cents objets : mosaïques et peintures, statues

et reliefs en marbre, inscriptions, terres cuites, bronzes, os et ivoires, argenterie et bijoux, tous admirablement photo-graphiés, des chefs-d’œuvre justement célébrés côtoient des pièces moins connues ou même de modestes objets de la vie quotidienne. Conséquences, entre autres, du travail accompli par les restaurateurs, on y trouve une mise au point savante sur les recherches en cours, tant en archéologie qu’en his-toire de l’art, et une synthèse magis-trale sur l’ensemble des questions liées au pouvoir et au rayonnement de la civi-lisation romaine. L’importance des por-traits dans l’iconographie impériale se traduit par des représentations à usage officiel mais aussi privé, tel ce portrait sensible et mélancolique de l’Auguste du Louvre MA 1280, ou ce très beau buste de Faustine la Jeune, avec son visage aux traits fins et à l’expression rêveuse, réplique de l’effigie la plus diffusée de la princesse. On découvre beaucoup d’anonymes, comme ce rare portrait d’un jeune Gaulois du IIe siè-cle provenant de Reims, subtil mélange de provincialisme et d’adhésion à la culture romaine. « L’art romain, écrit

Daniel Roger, où fourmillent symboles, citations littéraires, allusions mytholo-giques, valeurs morales, traits emprun-tés à l’histoire…, recèle, dans ses plus beaux chefs-d’œuvre, un contenu véri-tablement polysémique ». Gageons que ce « Musée imaginaire », d’une extrême richesse et du plus haut intérêt scienti-fique, ne décevra personne.De l’esclave à l’empereur. L’art romain

dans les collections du musée du Louvre, sous

la dir. de Cécile Giroire et Daniel Roger, Somogy

/ Musée du Louvre, Paris, 2008, 304 p., 22 x 28

cm, br., 300 illustrations, 35 €.

63l’ archéo-théma no 1 | mars-avril 2009

livres du mois

MomiesAvec une iconographie saisis-

sante et des données scienti-

fiques de premier ordre, cet

excellent ouvrage lève le voile

sur les momies royales, d’Amen-

hotep Ier à Ramsès V, et sur les

secrets des prêtres embau-

meurs, qui ont inventé, puis

institué, un véritable accès à la

gloire éternelle. Avec passion et

rigueur, Francis Janot montre

comment les Égyptiens anciens

ont su répondre au problème

douloureux de la mort et de

ses conséquences. Il recentre

le discours égyptologique vers

la dimension physique, trop

souvent écartée, de l’Égypte

ancienne, révèle le pouvoir des

rituels, l’instrumentarium de la

momification et les principaux

textes funéraires égyptiens.

Dès l’Antiquité, l’imaginaire

populaire s’enflamme pour les

corps royaux surchargés d’or.

Devenir immortel, franchir les

siècles et siéger aux côtés des

dieux, tels sont les devenirs du

pharaon proclamés par les théo-

logiens de l’Égypte ancienne. La

momification, art enseigné aux

hommes par le dieu Anubis, est

une étape cruciale à franchir.

Or, les pratiques sont parfaite-

ment efficaces et, avec le temps,

l’embaumement devient acces-

sible à tous. C’est un flot ininter-

rompu de corps qui se trouvent

inhumés dans les sables, tout au

long de quatre millénaires. Les

croyances et les rites funéraires

évoluent sans cesse au cours de

cette longue histoire, mais ils

sont porteurs d’une espérance

qui restera toujours la même. En

quittant le monde des vivants

contre sa volonté, le défunt veut

croire en un devenir égal à celui

des dieux. Acquérir une forme

d’immortalité est dorénavant

son unique souci et son ultime

but. Toute une série de gestes

régénérateurs vont évoluer et se

codifier. Effectués uniquement

par les prêtres embaumeurs, ils

seront les garants d’une immor-

talité réussie.

Les ouvrages consacrés aux

momies de l’Égypte ancienne

parviennent rarement à forcer le

respect et à susciter l’émotion.

Celui-ci est un véritable hom-

mage au corps momifié, maillon

tangible entre notre présent et

un passé millénaire.

Momies. Rituels d’immortalité dansl’Égypte ancienne, par Francis Janot, introduction de Zahi Hawass, Éd. White Star, Paris, 2008, 368 p., 26 x 36 cm, relié sous jaquette, 250 photos en couleurs, 35 €.

De l’esclave à l’empereur

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