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APPROCHE NEUROPSYCHOLOGIQUE DU SYNDROME DE WILLIAMS ASPECTS VISUO-SPATIAUX Jean-Pierre Thibaut Michèle Fayasse 1 Ce texte nous a été demandé alors que Michèle Fayasse finalisait une thèse de doctorat sur le syndrome de Williams sous ma direction. Quelques jours avant de terminer sa thèse, Michèle nous quittait prématurément. Cette publication est un hommage à Michèle et à ses proches ainsi qu'à la contribution de Michèle à l'étude de ce syndrome fascinant qu'est le syndrome de Williams. Jean-Pierre Thibaut Nous envisageons différentes dimensions de la cognition visuo-spatiale et visuo-constructive : le fonctionnement perceptif, les représentations spatiales et l’attention spatiale, la mémoire à court terme visuelle, les tâches visuo-constructives comme le dessin ou la construction de configurations avec des cubes. Nous discutons ensuite la question du traitement local et global des stimuli perceptifs et l’éventualité de déficits au niveau des fonctions exécutives qui pourraient expliquer les différences observées notamment dans le traitement global entre les personnes présentant un Syndrome de Williams (SW) et les personnes en développement normal. Enfin, les hypothèses neuro-pathologiques émises sur le syndrome sont présentées. En résumé, les descriptions des troubles visuo-spatiaux restent hétérogènes. Certaines contributions suggèrent des différences qualitatives entre le syndrome de Williams et les sujets en développement normal, là où d’autres insistent sur la continuité des traitements dans cette population et celle des personnes en développement normal. INTRODUCTION ET REMARQUES MÉTHODOLOGIQUES Majerus, Poncelet, Barisnikov et Van der Linden (ce volume) ont décrit les caractéristiques générales du syndrome de Williams (SW) en évoquant de manière plus détaillée les aspects langagiers (lexicaux, morpho-syntaxiques) ainsi que le fonctionnement Les auteurs remercient Agnès Lacroix, Steve Majerus, Martine Poncelet et Martial Van der Linden pour leur relecture de ce chapitre et leurs commentaires critiques.

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APPROCHE NEUROPSYCHOLOGIQUE DU SYNDROME DE WILLIAMS ASPECTS VISUO-SPATIAUX

Jean-Pierre Thibaut Michèle Fayasse 1

Ce texte nous a été demandé alors que Michèle Fayasse finalisait une thèse de doctorat sur le syndrome de Williams sous ma direction. Quelques jours avant de terminer sa thèse, Michèle nous quittait prématurément. Cette publication est un hommage à Michèle et à ses proches ainsi qu'à la contribution de Michèle à l'étude de ce syndrome fascinant qu'est le syndrome de Williams.

Jean-Pierre Thibaut

Nous envisageons différentes dimensions de la cognition visuo-spatiale et visuo-constructive : le fonctionnement perceptif, les représentations spatiales et l’attention spatiale, la mémoire à court terme visuelle, les tâches visuo-constructives comme le dessin ou la construction de configurations avec des cubes. Nous discutons ensuite la question du traitement local et global des stimuli perceptifs et l’éventualité de déficits au niveau des fonctions exécutives qui pourraient expliquer les différences observées notamment dans le traitement global entre les personnes présentant un Syndrome de Williams (SW) et les personnes en développement normal. Enfin, les hypothèses neuro-pathologiques émises sur le syndrome sont présentées. En résumé, les descriptions des troubles visuo-spatiaux restent hétérogènes. Certaines contributions suggèrent des différences qualitatives entre le syndrome de Williams et les sujets en développement normal, là où d’autres insistent sur la continuité des traitements dans cette population et celle des personnes en développement normal.

INTRODUCTION ET REMARQUES MÉTHODOLOGIQUES

Majerus, Poncelet, Barisnikov et Van der Linden (ce volume) ont décrit les caractéristiques générales du syndrome de Williams (SW) en évoquant de manière plus détaillée les aspects langagiers (lexicaux, morpho-syntaxiques) ainsi que le fonctionnement

Les auteurs remercient Agnès Lacroix, Steve Majerus, Martine Poncelet et Martial Van der Linden pour leur relecture de ce chapitre et leurs commentaires critiques.

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cognitif général associé à ce syndrome (la mémoire auditivo-verbale notamment). L’intérêt actuel pour ce syndrome, il faut le rappeler, résulte du profil inhabituel d’habiletés cognitives décrit chez les personnes SW, à savoir des capacités langagières de bon niveau et des faiblesses importantes au niveau de la cognition spatiale compte tenu du fonctionnement cognitif général (Bellugi, Marks, Bihrle, & Sabo,1988; Bellugi, Bihrle, Jernigan, Trauner & Doherty, 1990; Wang & Bellugi, 1993; Bellugi, Wang, & Jernigan, 1994). Dans le cadre de cette asymétrie, les auteurs s’interrogent, notamment, sur la nature du développement cognitif des personnes SW : suit-il une trajectoire ralentie semblable à celle des individus en développement normal, ou bien une trajectoire atypique (Bertrand & Mervis, 1996; Bertrand, Mervis, & Eisenberg, 1997; Karmiloff-Smith, 1998 ; Mervis, Morris, Bertrand, & Robinson, 1999 ; Nazzi & Karmiloff-Smith, 2002) ?

Jarrold, Baddeley, Hewes, et Phillips (2001) illustrent bien cette asymétrie entre langage et cognition spatiale en décrivant une différence de rythme de développement entre les habiletés verbales, mesurées par un test de vocabulaire, et les habiletés non-verbales, mesurées par un test de construction de cubes. Leurs sujets, testés à six reprises sur une période de 40 mois, manifestent un développement plus rapide du vocabulaire que du domaine visuo-constructeur. Si l'on admet que ces deux tâches donnent un âge mental pour chacun des domaines correspondant, l'âge mental verbal augmente plus rapidement que l’âge mental visuo-constructeur.

A l’inverse, Nazzi et Karmiloff-Smith (2002) comparent les capacités d'enfants SW âgés de 4 ans 8 mois dans deux tâches de catégorisation. Dans la première, les enfants doivent apprendre à regrouper des objets sur la base des seuls indices visuels (deux objets perceptivement semblables parmi trois). Dans la seconde, les objets sont perceptivement dissimilaires et les enfants doivent apprendre à les regrouper sur la base de leur nom (deux objets sur trois ont le même nom). Dans ces deux tâches les enfants doivent montrer l’objet qui va avec celui que l'expérimentateur tient en main. Les enfants réussissent mieux la tâche de catégorisation "visuelle" que la tâche "verbale", et ce qui contredit l'idée communément admise que les habiletés verbales sont plus développées que les habiletés non linguistiques ou visuo-spatiales chez les personnes SW. La suite de ce chapitre illustrera à diverses reprises les difficultés à trancher dans ce débat général.

Avant de caractériser le profil psychologique des personnes SW dans le domaine visuo-spatial, il faut souligner la grande diversité, voire l’hétérogénéité des études dans leurs caractéristiques méthodologiques. Même si elles dépassent le cadre fixé à notre chapitre, ces quelques remarques nous permettront aussi de décrire les difficultés méthodologiques inhérentes à l’étude du domaine visuo-spatial dans le syndrome de Williams.

Une première différence entre les recherches porte sur les groupes contrôles auxquels on compare les personnes SW. Selon les études, ils sont composés de personnes en développement normal appariées soit sur l’âge mental, soit sur l’âge chronologique. Il peut aussi s’agir de personnes porteuses d’autres handicaps mentaux (par exemple, des personnes avec syndrome de Down) ou de personnes présentant des troubles des apprentissages.

La comparaison des performances de personnes SW à celles de sujets normaux appariés sur l’âge chronologique n’est pas nécessairement triviale. Si les personnes SW manifestent souvent des performances inférieures à celles de contrôles chronologiques, résultat banal dans le contexte du retard mental, ce n’est pas nécessairement toujours le cas. Ce type de comparaison permet d’étudier les rythmes et les trajectoires suivis pendant le développement des personnes SW, selon que l’on observe une performance identique ou différente avec le groupe contrôle. Cependant, l’appariement sur l’âge chronologique peut amener à sous-estimer les différences entre les groupes lorsque les tâches sont trop simples pour les appariés ou supprimer des différences entre conditions dans ce même groupe si les conditions, trop simples, ne sont plus discriminables. Les appariements sur l’âge mental engendrent le problème inverse : pour beaucoup de tâches, l’âge chronologique supérieur des personnes SW leur donne plus d’expérience que leur groupe contrôle.

Lorsque la comparaison porte sur des groupes composés de personnes porteuses du Syndrome de Down (SD) ou d’autres syndromes, les différences obtenues entre les groupes

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ne permettent pas d’appréhender directement les particularités développementales des personnes SW. Si les performances entre ces groupes diffèrent, on peut conclure à l’existence de différences de fonctionnement entre les syndromes mais cela ne nous informe guère sur le développement de la cognition spatiale dont l’élucidation demande des comparaisons avec des personnes en développement normal.

Une autre source de difficulté résulte de l’appariement sur l’âge mental entre personnes SW et leur contrôle. Selon les cas, cet appariement est fait sur la base du QI global, du QI verbal, mesurés avec des tests d’intelligence divers (WISC-R, Wechsler, 1974 ; Leiter International Performance Scale, Leiter, 1980 ; Differential Ability Scales, Elliott, 1990) voire par l’intermédiaire d’un test lexical. La diversité des fonctions impliquées par chacune de ces épreuves affecte l’équivalence des groupes contrôles des différentes études (par exemple, le même sujet a obtenu un âge mental de 7 ans et 2 mois au Kaufman Assessment Battery for Children, (Kaufman & Kaufman, 1981) et 5 ans et 6 mois à la WISC-R). L’influence de l’hétérogénéité des outils utilisés pour l’appariement est maximale lorsque les syndromes étudiés présentent des profils peu uniformes.

Enfin, il faut également analyser le contenu des épreuves utilisées et ce qu’elles sont censées objectiver. Elles manquent souvent de la sensibilité nécessaire à une description précise des caractéristiques spécifiques des SW. Il s’agit souvent d’épreuves multidéterminées dont la résolution met en jeu de nombreuses composantes. Au-delà du constat d’un retard et/ou déficit spécifique, elles ne permettent pas la compréhension précise des particularités des productions visuo-constructives de personnes SW, des stratégies utilisées dans ces tâches, des erreurs commises.

LA COGNITION SPATIALE

Définition et domaines

Selon Kritchevsky (1988), les fonctions spatiales de base seraient la perception spatiale (localisation, orientation, les relations spatiales entre les éléments d’un stimulus, d’une scène), la mémoire spatiale (mémoire à court et à long terme), l’attention spatiale, les opérations spatiales (visualisation, rotation) et la construction spatiale. Le contenu de ces sous-catégories n’est pas simple à spécifier. Que recouvre la perception spatiale, par exemple ? Toute perception visuelle est spatiale puisque tout stimulus est situé dans un espace donné et est lui-même défini dans l’espace. Nous analyserons la cognition spatiale en partant de la perception visuelle des stimuli, leur reconnaissance, l’attention visuelle et la recherche visuelle. Nous envisagerons la reconnaissance d’objets et, notamment, celle des visages qui a reçu une attention particulière, la mémoire visuelle spatiale, l’imagerie mentale et les habiletés visuo-constructives telles qu’elles se manifestent dans les tâches de cubes ou de dessin.

Premiers travaux On a évalué le domaine visuo-spatial avec des épreuves de complètement visuel, des

tâches de mémoire visuelle, les subtests de performance de la WISC-R ou le RBMT (Rivermead Behavioral Memory Test de Wilson, Cockburn, & Baddeley, 1985). Par exemple, Crisco, Dobbs, et Mulhern (1988) utilisent les tâches à composante visuelle de l’ITPA (Illinois Test of Psycholinguistic Abilities ; Kirk, McCarthy & Kirk, 1968) et obtiennent des résultats chez les enfants SW inférieurs à ceux d’enfants avec d’autres troubles du développement. Pour les auteurs, le déficit serait plus perceptif que perceptivo-moteur. Dans une étude d’Udwin et Yule (1991), les personnes SW obtiennent des scores inférieurs à ceux de deux

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groupes contrôles, l’un apparié sur l’âge chronologique l’autre sur le QI verbal, ceci pour la plupart des subtests de performance de la WISC-R et dans une tâche de localisation spatiale. Il n’y a pas de différence dans le rappel d’items visuo-spatiaux dans le RBMT et les performances des personnes SW en reconnaissance de visages étaient bonnes. Pour ces auteurs, le déficit des SW se marquerait dans les aptitudes motrices fines et visuo-spatiales. Bellugi, Marks, Bihrle, et Sabo (1988), Bellugi, Wang et Jernican (1994) contrastent les performances des SW à deux tests perceptifs : un test d’orientation de lignes (Benton judgement of line orientation, Benton, Hamsher, Varney, & Spreen, 1983a) et un test de reconnaissance de visages (Benton test of Facial Recognition, Benton, Hamsher, Varney, & Spreen, 1983b). Les personnes SW échouent dès les premiers items dans l’épreuve d’orientation de lignes et obtiennent des scores correspondant à leur âge chronologique dans la reconnaissance de visages. Ces premiers résultats suggèrent des compétences perceptives peu homogènes.

Wang, Doherty, Rourke, et Bellugi (1995) comparent les performances de personnes SW avec celles de personnes avec syndrome de Down dans des tâches visuo-perceptives. Aucune différence n’est notée entre ces deux groupes dans les capacités visuo-perceptives générales (Motorfree Visual Perceptive Test, Colarusso, & Hammill, 1972), dans la discrimination d’orientation de lignes (Benton, Hamsher, Varney, & Spreen 1983a), très déficitaire dans les deux populations, et dans les tâches de complètement visuel. Par contre, les performances des personnes SW sont significativement supérieures à celles des personnes SD pour des tâches de reconnaissance d’objets et de visages, y compris pour les visages inversés. La reconnaissance des visages apparaît comme une compétence préservée et sera l’objet de plusieurs études (voir infra).

Dès leurs premiers travaux, les auteurs observent des capacités visuo-constructives faibles dans les tâches de dessin ou de reconstruction de configuration de cubes (comme les cubes de la WISC, par exemple). Dans ces travaux, on décrit des dessins morcelés où les différentes parties apparaissent dispersées, sans connexion entre elles. Bihrle, Bellugi, Delis, et Marks (1989) donnent une illustration saisissante du contraste entre capacités verbales et capacités visuo-constructives chez une personne SW. Son dessin d’un éléphant se réduit à quelques ébauches de parties juxtaposées alors qu’elle en donne une description verbale précise et complète. Un tableau identique se dessine pour les tâches de cubes dans lesquelles les personnes SW sont souvent incapables de reproduire la configuration générale du modèle. Nous reviendrons sur ces résultats qui suggèrent l’hypothèse d’un déficit du traitement global conjugué à un traitement local préservé. Cette hypothèse générale sera au centre de nombreux travaux.

Perception Une hypothèse immédiate et plausible sur les déficits visuo-constructifs des personnes

SW décrits dans les premières recherches serait qu’ils résultent d’un fonctionnement perceptif perturbé. Cette hypothèse a été testée dans plusieurs travaux. Dans leur étude sur les capacités perceptives des personnes SW, Wang, Doherty, Rourke, et Bellugi (1995) ont utilisé des stimuli de type “ figures de Kanisza ” (Kanisza, 1976). Pour chaque item, le participant doit dénommer ou décalquer une forme globale centrale (carré, triangle, etc.) qui ne possède pas de contours propres. Il s’agit d’une figure illusoire sans existence physique, créée par la perception elle-même (comme le sont les illusions d’optique). Les personnes SW et SD ne semblent pas éprouver de difficulté particulière dans cette tâche et identifient les figures illusoires. Cependant, cette étude n’incluait pas de sujets appariés sur l’âge mental. On ne sait donc pas si les performances des deux groupes comparés correspondaient à celles d’individus de même âge de développement ou si elles étaient supérieures à celles que l’on pourrait attendre sur base de l’âge de leur âge de développement.

Fayasse (2003) a investigué les déficits perceptifs éventuels chez des personnes avec SW. Elle a administré une version modifiée de la B.O.R.B. (Birmingham Object Recognition

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Battery, Riddoch & Humphreys, 1993) à un groupe de personnes SW âgées de 8 à 25 ans et dont l’âge de développement moyen est de 5 ans et 8 mois (écart-type : 9 mois) et à un groupe d'enfants appariés sur l'âge mental. Dans une tâche « même-différent » où il faut décider si deux stimuli sont identiques ou non, les performances des personnes SW étaient significativement inférieures lorsque les stimuli différaient par la taille ou par la longueur et que cette différence était faible alors qu’aucune différence n’apparaissait pour des stimuli différant par l’orientation. Dans cette même étude, Fayasse (2003) a présenté plusieurs types de figures de Kanizsa différant par la structure des éléments locaux (voir figure 1, pour une illustration). Elle comparait les pourcentages d'appariements globaux produits par les deux groupes de sujets. Si les déficits des personnes SW dans les tâches visuo-constructives résultent d’un traitement global perturbé (suite à des troubles de l’intégration perceptive par exemple), alors elles devraient apparier les figures de Kanizsa sur les traits locaux plutôt que sur la forme globale émergeante. Dans la figure 1, cela signifierait que les personnes SW choisissent plus souvent l’appariement local (A) que les sujets en développement normal. Les résultats ne révèlent aucune différence entre ces deux groupes.

< INSERER FIGURE 1 ICI >

Farran, Jarrold, et Gathercole (2001) ont proposé une tâche de figures enchevêtrées

(Children’s Embedded Figures Tests, Witkin, Oltman, Raskin, & Karp, 1971) à des personnes SW et des enfants appariés sur la base des Matrices Couleurs de Raven (Progressive Coloured Matrices, Raven, 1993). Cette tâche mesure la capacité d’un participant à localiser un élément local (par exemple, un triangle) enchevêtré dans une image globale. Selon les auteurs, le participant doit inhiber son traitement global prédominant pour localiser le triangle. Si les personnes SW manifestent un biais de traitement local, elles devraient être plus rapides et/ou obtenir de meilleures performances que des enfants contrôles de même âge mental (AM). A nouveau, les résultats ne montrent aucune différence entre les personnes SW et leurs contrôles. Pour les auteurs, les déficits observés dans les tâches visuo-constructives chez les personnes SW ne peuvent s’expliquer par un traitement perceptif aberrant (voir aussi Pani, Mervis, & Robinson, 1999).

L’intégration d’éléments perceptifs locaux en un percept global unifié a également été étudiée dans le paradigme de Johansson (1973). On présente une configuration de quelques points lumineux en mouvement dans un espace bi-dimensionnel placés de telle manière que le percept résultant soit celui d’un humain qui marche. Le percept global n’a pas de support physique et est créé par le fonctionnement perceptif, mais il est très prégnant puisque les bébés le perçoivent (Bertenthal, Proffitt, Kramer, & Spetner, 1987). Jordan, Reiss, Hoffman, et Landau (2002) ont utilisé ce paradigme avec des sujets SW âgés de 9 à 15 ans qu’ils ont comparés à des enfants en développement normal appariés sur l’âge mental et à des adultes normaux âgés de 19 à 21 ans. Dans plusieurs des conditions comparées, les personnes SW identifiaient mieux la direction du marcheur que les enfants contrôles et ne se différenciaient pas des adultes, y compris lorsque le marcheur était présenté dans un bruit visuel (présence d’autres points lumineux non pertinents pour la définition du marcheur), sauf dans les situations où le bruit visuel était très important, pour lesquelles les performances des personnes avec SW étaient inférieures à celles des adultes. Selon les auteurs, les mécanismes qui sous-tendent la perception du mouvement biologique (du moins certains d’entre eux) sont intacts. En résumé, la plupart des résultats présentés dans cette section ne permettent pas de différencier les personnes SW de leurs contrôles dans le domaine de l’intégration d’éléments perceptifs en un tout, sauf lorsque les situations perceptives sont complexes ou portent sur des différences très subtiles entre deux stimuli.

L’ontogenèse des représentations spatiales et de l’attention spatiale

Si la perception des propriétés globales des stimuli semble relativement intacte, qu’en est-il du développement des mécanismes perceptifs associés aux représentations spatiales ?

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Brown, Johnson, Paterson, Gilmore, Longhi, et Karmiloff-Smith (2003) les étudient chez de très jeunes sujets SW dans une tâche de fixation oculaire. Une bonne orientation spatiale nécessite la construction de représentations spatiales permettant la perception des changements qui interviennent dans l’environnement (par exemple, le déplacement d’un stimulus) ou de la position de son corps. Chez l’enfant normal, on passe de représentations rétino-centrées (c’est-à-dire des saccades dirigées par la projection du stimulus sur la rétine plutôt que des saccades) à des représentations centrées sur le corps dans l’environnement. Le paradigme de la « double-step saccade » permet l’étude des fixations oculaires (Becker & Jurgens, 1979). On y présente deux flashs lumineux successifs brefs ; le second apparaît avant même qu’une saccade oculaire ait pu être dirigée vers le premier flash. Les auteurs comparent des enfants SW âgés de 29 mois en moyenne avec un groupe d’enfants avec syndrome de Down de même âge chronologique, un groupe d’enfants normaux appariés sur l’âge chronologique et un groupe apparié sur l’âge mental. Les résultats montrent que les saccades des enfants SW sont significativement différentes pour tous les indices importants utilisés. Spécifiquement, les personnes SW dirigent moins leurs saccades vers une localisation centrée sur le corps et dirigent leurs regards à des endroits non pertinents plus souvent que les autres groupes, différence que l’on interprète comme un signe de contrôle sous-cortical des saccades, là où les autres groupes manifestent un contrôle cortical.

Selon les auteurs, des difficultés visuo-spatiales des personnes SW seraient présentes très tôt et pourraient constituer un précurseur des troubles observés dans la suite de leur développement. Comparée aux travaux de Jordan et al. (2002) présentés ci-dessus, cette contribution montre l'existence de déficits très précoces dans un (ou plusieurs) sous-système(s) de la cognition spatiale. Il reste donc à comprendre en quoi chacun des sous-systèmes pourrait ou non être impliqué dans les difficultés macroscopiques généralement associées aux déficits visuo-constructeurs chez la personne SW.

Représentation spatiale

La représentation spatiale d’un stimulus visuel est la représentation de ses composants et de leurs relations dans l'espace. Elle repose donc sur la représentation de l'identité de chaque partie d'un stimulus et des relations spatiales entre ses parties. Hoffman, Landau, Pagani (2003) ont étudié ces deux composantes de la représentation spatiale chez des personnes SW et des enfants appariés sur l’âge mental. Ils ont utilisé des cubes monochromes et bicolores pour explorer la représentation, (a) de la localisation de cubes individuels et (b) de l’identité de chaque cube. Dans le cas de cubes bicolores, plusieurs répartitions des couleurs étaient possibles dans le modèle (segmentation horizontale du cube, segmentation verticale, ou segmentation en diagonale). Dans une tâche de localisation, on présente une configuration modèle (à quatre ou neuf cubes) dans laquelle un cube est spécifiquement indicé. Les participants disposent d’un seul cube, identique au cube indicé, et doivent le positionner correctement dans une grille présentant les diverses localisations possibles (quatre ou neuf localisations). Les modèles étaient de deux types, standard ou segmenté. Dans le second cas, les carrés qui composent le modèle sont séparés les uns des autres par un espace, alors que dans le premier les carrés du modèle sont joints. Les performances des SW sont inférieures à celles des contrôles, particulièrement dans les configurations à neuf localisations. Les SW perçoivent bien l’orientation des couleurs dans les cubes bicolores (verticale, horizontale ou diagonale) mais spécifient plus difficilement l’emplacement correct des cubes à l’intérieur de la configuration choisie. Cette différence entre les deux groupes se marque également dans une tâche d’appariement où il faut choisir parmi plusieurs cubes celui qui s’apparie avec le cube indicé dans une configuration modèle.

Les représentations spatiales peuvent aussi s'appréhender par des tâches de rotation mentale où l'on demande aux participants une manipulation mentale d'un ou plusieurs stimuli dans l'espace. Ils doivent décider si un objet cible est identique ou non à un objet de référence. Ces objets diffèrent de manière plus ou moins importante par leur orientation dans

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l’espace. Lorsque les objets sont différents, l'un est l'image en miroir du second. Dans une épreuve de rotation mentale, les personnes SW étudiées par Farran, Jarrold, et Gathercole (2001) sont beaucoup plus sensibles à la différence angulaire entre les stimuli à comparer que des enfants en développement normal appariés sur l’âge mental. Les auteurs reproduisent les résultats classiques avec des temps de réaction plus longs et des performances plus faibles à mesure que la différence d’orientation entre les deux stimuli approche les 180°. Les SW commettent globalement plus d’erreurs que les normaux et particulièrement lorsque la différence d’orientation entre les deux objets approche 180°.

La reconnaissance des visages De bonnes performances d’enfants SW dans la tâche de reconnaissance de visages du

RBMT ont été décrites par Udwin et Yule (1991) par rapport à un groupe contrôle apparié sur l’âge chronologique. Diverses études confirment ces résultats (Bellugi, Wang & Jernigan, 1994). Bellugi, Bihrle, Neville, Doherty, et Jernigan (1992) ont comparé des personnes SW avec des personnes SD appariées sur l’âge chronologique et le QI et ont trouvé de meilleures performances chez les SW. Les sujets SW étudiés par Bellugi, Sabo, et Vaid (1988) ont montré des performances normales à ce même test. Cependant, selon Farran et Jarrold (2003), ni la comparaison avec les personnes SD, ni les performances dans les limites de la normale ne permettent de conclure que le traitement des visages soit préservé. Les différences avec le syndrome de Down pourraient ne traduire que les difficultés importantes de ce dernier groupe dans cette tâche. Complémentairement, le test de Benton conçu pour des populations avec déficit neuropsychologique pourrait s’avérer très simple pour la population générale et masquer des différences plus subtiles entre les personnes SW et les appariés contrôles. Dans la version « visages inversés » du test de Benton et al. (1983b) réalisée par Doherty et Bellugi (1990), les performances des SW sont inférieures à celles obtenues sur les visages présentés à l’endroit comme c’est le cas chez les sujets normaux. Les personnes SW ont des performances semblables à celles des sujets normaux au Test de Complètement de Visages de Mooney (Mooney, 1957) dans lequel on utilise des dessins de visage en noir et blanc (sans niveaux de gris) qu’il faut classer comme « garçon » ou « fille », « homme » ou « femme », alors que leurs résultats sont moins bons dans d’autres tâches de complètement visuel portant sur d’autres stimuli que les visages. Cependant, il nous semble que cette absence de différence n’est pas décisive et s’explique facilement puisque le test de Mooney ne demande pas de compléter un stimulus, mais seulement de reconnaître sa catégorie d’appartenance (femme vs homme) à partir d’un stimulus dégradé.

Plus récemment, Deruelle, Mancini, Livet, Cassé-Perrot, et De Schonen (1999) ont étudié la contribution des modes de traitement configural et local dans le traitement des visages chez les personnes SW, comparées à deux groupes contrôles constitués de sujets normaux, l’un apparié sur l’âge mental, l’autre sur l’âge chronologique. Les résultats des personnes SW sont égaux à ceux de personnes de même âge mental dans une tâche d’appariement de visages différant par l’expression ou dans une tâche « même-différent ». Cependant, quand on leur présente des dessins de visages inversés, les personnes SW n’éprouvent pas plus de difficultés que lorsque les visages sont présentés à l’endroit, contrairement aux sujets contrôles dont les scores diminuent. Les auteurs attribuent cette absence d’effet d’inversion à la prédominance du traitement local des visages par les personnes SW, là où les personnes normales traitent spontanément les visages de manière holistique, ce qui est impossible pour un visage inversé. Par ailleurs, les personnes SW éprouvent plus de difficultés que les sujets appariés sur l’âge mental à détecter des transformations de stimuli schématiques lorsque celles-ci sont globales (impliquant les relations spatiales entre les éléments du stimulus) que lorsqu’elles sont locales (impliquant la forme des éléments). Dans ce cas, leurs performances sont égales à celles des enfants appariés sur l’âge mental. Selon les auteurs, ces résultats confirment l’hypothèse d’un déficit au niveau du traitement global chez les personnes SW.

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Tager-Flusberg, Plesa-Skewer, Faja, et Joseph (2003) contestent cette interprétation de la différence entre les visages en position canonique et les visages inversés et présentent une étude portant sur 47 adolescents et adultes avec SW et un groupe contrôle apparié sur l'âge chronologique. Ils utilisent la technique tout-partie (Tanaka & Farah, 1993; Joseph & Tanaka, 2003) où ils présentent une vue de face d'un visage complet suivie par deux stimuli dont un est la cible. Dans la condition visage complet, la cible est identique au visage de départ alors que le distracteur en diffère par un trait (par exemple, le nez). Dans la condition partie isolée, seul le trait sur lequel le visage-cible diffère du distracteur est présenté (par exemple, deux nez dont l'un est celui du visage cible). Dans les deux conditions, les sujets doivent choisir le visage ou la partie de visage qui s'appariait le mieux avec le visage de départ. Cette procédure est répétée pour des visages inversés. Si globalement, le groupe contrôle est supérieur au SW, le profil des résultats est identique dans les deux groupes. On obtient notamment le même effet d'orientation dans les deux groupes et la même interaction entre l'orientation et le type de test (partie vs tout): les performances de la condition-tout sont supérieures à celles de la condition-partie pour les visages en orientation canonique, différence absente pour les visages inversés.

Deruelle, Rondan, Livet, et Mancini (2003) ont comparé des enfants et adolescents SW à un groupe d'enfants appariés sur l'âge mental et un groupe d'enfants et adolescents appariés sur l'âge chronologique. Les auteurs partent de l'avantage des basses fréquences sur les hautes fréquences2 décrit pour la reconnaissance des visages (Rhodes, 1988), interprété comme un indice de traitement configural des visages. Dans une tâche d'appariement, on présente un visage filtré, soit en basses fréquences, soit en hautes fréquences, ainsi que deux visages non filtrés parmi lesquels le sujet doit choisir celui qui correspond au visage filtré. Le second visage est différent du visage cible mais lui est apparié sur plusieurs critères. Les résultats montrent une différence significative en faveur des basses fréquences, ceci dans les trois groupes de sujets. Une autre expérience utilise une tâche où les sujets devaient apparier un visage complet avec un stimulus choisi parmi deux, le premier étant le contour externe de ce visage, le second le contour d'un autre visage, ceci dans une condition dite « Externe ». Les auteurs la comparent à une condition dite « Interne » où le visage complet était confronté à deux stimuli, l'un représentant les traits internes de ce stimulus, l'autre les traits internes d'un autre visage. Les enfants SW montrent un avantage de la condition externe, comme les deux autres groupes. Aucune différence entre les personnes SW et les deux autres groupes n’est notée. L’égalité entre les deux groupes contrôles révèle la trajectoire normale de développement. L’absence de différence entre les deux groupes contrôles, apparié sur l’âge mental et apparié sur l’âge chronologique, indique qu’il n’y a guère de développement sur cette compétence. Il est donc difficile de parler de compétence préservée chez lez personnes avec syndrome de Williams. L’hypothèse d’une compétence préservée aurait été confirmée par une supériorité des personnes SW sur les contrôles appariés sur l’âge mental.

Gagliardi, Frigerio, Burt, Cazzaniga, Perrett, et Borgatti (2003) s’intéressent à des aspects dynamiques de la reconnaissance de l'expression faciale. Les résultats de Deruelle, Mancini, Livet, Cassé-Perrot, et De Schonen (1999) leur suggèrent que les personnes SW utiliseraient spontanément une stratégie locale de comparaison de traits dans les épreuves de reconnaissance de visages. Selon eux, cette stratégie pourrait les mettre en difficulté dans des tâches qui ne permettent pas cette approche morcelée. La reconnaissance des expressions faciales animées pourrait reposer, selon Gagliardi, Frigerio, Burt, Cazzaniga et al. (2003) sur un traitement configural que les personnes SW n'utilisent pas spontanément.

2 Les basses et les hautes fréquences contribuent à des perceptions différentes. Les basses

fréquences soutendent ce que nous reconnaissons comme des configurations générales, sans les détails. Si on ne garde que les basses fréquences d’une photo d’un être humain par exemple, on reconnaîtra cette forme un peu comme une ombre dans le brouillard, ou comme l’image résultant d’une projection dont la mise au point est très mauvaise. Les hautes fréquences correspondent aux détails (les rides du visage, les arêtes des formes, le détail d’une texture). Pour étudier les perceptions qui résultent de cette séparation, il suffit de filtrer les stimuli en conséquence.

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Dans cette étude, un groupe de 26 personnes SW est comparé à un groupe apparié sur l'âge chronologique et un groupe apparié sur l'âge mental. Les sujets devaient dénommer (ou mimer ou décrire) des émotions (angoisse, dégoût, peur, contentement, et tristesse) présentées de manière animée. Chaque émotion était représentée par une série de 21 images rangées sur une échelle d’expressivité, allant d’une image représentant une expression neutre à l'image la plus expressive de l'émotion choisie. Le groupe des appariés sur l’âge chronologique était significativement supérieur aux deux autres groupes qui ne différaient pas l'un de l'autre. Les scores obtenus par les personnes SW étaient significativement corrélés avec le QI, mais pas avec l'âge chronologique. Dans le groupe SW, la corrélation entre les scores au test de reconnaissance de visages de Benton et les scores à la tâche d'identification des émotions n'est pas significative. L'absence de corrélation entre la tâche "émotion" et l'âge chronologique et la corrélation de cette tâche avec le QI montre qu'une meilleure interprétation des émotions ne résulte pas de l'expérience des personnes SW mais plutôt d'une préservation plus grande du traitement des configurations. Pour les auteurs, cela ne peut résulter d'une plus grande efficience générale du traitement de l'information. En effet, celle-ci se traduirait dans toutes les tâches où un traitement de l'information est requis alors que la corrélation entre le Benton et le QI est non significative.

Au niveau physiologique, Mills, Alvarez, St-George, Appelbaum, Bellugi, & Neville (2000) ont montré que les potentiels évoqués (ERP) précoces (100 et 200 msecs après le début de la présentation du stimulus) dans une tâche de reconnaissance de visages présentent des caractéristiques anormales chez tous les sujets SW analysés. Grice, Spratling, Karmiloff-Smith, Halit, et al. (2001) confirment la présence d'anormalités pour certaines ondes cérébrales associées au traitement de visages simplifiés. La N1703 est anormale chez les SW dans son amplitude qui n'augmente pas pour les visages inversés. Chez les adultes normaux, cette même onde est associée sélectivement au traitement des visages humains (et donc pas à des visages non-humains). Cette spécialisation serait absente chez les personnes SW dont l'onde N170 ne diffère pas selon le type de visage présenté.

En résumé, les données disponibles sur le traitement des visages sont contradictoires puisque certaines confirment la reconnaissance des visages comme une force chez les personnes SW, les autres suggérant, au contraire, une différence qualitative entre cette population et les enfants en développement normal. Ces données pourraient signifier que des processus différents sont à l’œuvre dans les tâches de reconnaissance de visage, certains altérés, d’autres pas. Reste donc à proposer un modèle unifié où ces différentes composantes trouvent une place. Il faut notamment séparer ce qui est spécifique à la reconnaissance des visages et ce qui relève de processus plus généraux.

Mémoire à court terme visuelle

Les tâches qui comportent des composantes visuo-spatiales nécessitent aussi l'encodage

et la mémorisation à court terme des dimensions spatiales qui y sont mobilisées. Wang et Bellugi (1994) notent des performances inférieures chez les SW par rapport aux SD dans la tâche de mémoire à court terme visuo-spatiale séquentielle de Corsi (ou Block-Tapping-Test : l’expérimentateur touche une série de cubes dans un ordre donné et le sujet doit reproduire cette séquence dans l’ordre correct. Les séquences sont de plus en plus longues). Vicari, Carlesimo, Brizzolara, et Pezzini (1996) confirment cette faiblesse par rapport à des enfants normaux de même âge de développement (voir aussi l’étude de cas de

3 Dans l’étude des potentiels évoqués, on a décrit l'onde négative N170 qui est plus particulièrement associée au traitement des visages. Elle est associée aux premières étapes du traitement de l'information, c’est-à-dire au décodage des caractéristiques physiques de la stimulation. L'onde suivante la N400 renvoie plutôt au traitement sémantique de l'information, c’est-à-dire à des traitements plus tardifs.

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Barisnikov, Van der Linden, & Poncelet, 1996). Jarrold, Baddeley, et Hewes (1999) rapportent également une faiblesse importante dans le rappel visuo-spatial à la tâche de Corsi par des personnes SW comparées à des personnes SD, des enfants avec difficultés d’apprentissage modérées et des enfants en développement normal. Lors du rappel de configurations, par contre, les performances des personnes SW sont équivalentes à celles d’enfants normaux. Dans ce dernier cas, il s'agit d'une tâche de mémoire spatiale simultanée où l’ordre de rappel des éléments est non pertinent. Vicari et Carlesimo (2003) ont montré que des enfants SW de 5 à 10 ans sont inférieurs à un groupe contrôle apparié sur l'âge mental dans une tâche d’empan spatial (rappel de la localisation d’un stimulus présenté à un endroit particulier dans une grille composée de cases). Au contraire, les performances à une tâche de rappel visuel (rappeler l’aspect de la figure) sont équivalentes dans les deux groupes. Dans un cas, les participants doivent rappeler la position spatiale de la figure, dans l’autre, son aspect physique. En conclusion, les deux tâches utilisent les mêmes figures complexes et non verbalisables ainsi que la même modalité de réponse (pointage). Le déficit de fonctionnement de la mémoire à court terme visuelle se situerait non pas dans la composante spatiale en tant que telle, mais dans la composante séquentielle du rappel des composantes de la configuration.

Les capacités visuo-constructives Les capacités visuo-constructives effectives ont souvent été évaluées à l’aide de tâches

de dessins (d’objets, de formes géométriques et de stimuli hiérarchiques) et de reconstruction de configurations de cubes.

Les tâches de dessin

Dès les premiers travaux sur les personnes SW, les auteurs ont observé des productions graphiques de qualité médiocre. Souvent, cependant, les groupes contrôles, constitués d'autres syndromes ou de personnes appariées sur l'âge chronologique ne permettaient pas de mettre le développement de ces habiletés chez les personnes SW en relation avec leur développement chez l’enfant normal, ce qui a été fait dans les travaux plus récents. Bertrand, Mervis et Eisenberg (1997) comparent les productions (dessins d’objets et de formes géométriques) d’enfants SW de 9-10 ans avec celles d’enfants normaux de même âge chronologique et d’enfants normaux plus jeunes appariés sur l’âge mental. Les deux groupes d’enfants normaux obtiennent des scores significativement supérieurs aux enfants SW à la tâche de copie de dessins d’objets. Les dessins de ces derniers sont moins reconnaissables que ceux des deux groupes d’enfants normaux. La proportion de dessins désorganisés est plus importante chez les enfants SW que chez leurs contrôles de même âge chronologique. Par contre, cette proportion n’est pas différente entre SW et contrôles de même âge mental. Selon ces auteurs, les enfants SW suivraient donc la même séquence développementale que les enfants normaux pour le dessin. Georgopoulos, Georgopoulos, Kuz, et Landau. (2004) arrivent à des conclusions semblables dans une étude où les personnes SW et leurs contrôles appariés sur l’âge mental devaient copier des figures géométriques simples, des lignes entrecroisées, des formes composées de cercles pleins. Lors d'un retest réalisé 3 ans après les premiers dessins, la majorité des enfants SW produit une proportion de dessins reconnaissables plus importante et moins de dessins désorganisés. Les auteurs insistent sur la grande variabilité dans la qualité des dessins chez les personnes SW. Pour évaluer la reproduction de formes géométriques, les auteurs ont utilisé le Developmental Test of Visual Integration (VMI, Beery, 1989). La performance générale des enfants SW est inférieure à celle d’enfants normaux appariés sur l’âge mental. Les enfants SW échouent dans la reproduction d'une figure nécessitant l’intégration de formes séparées. Ils reproduisent correctement les formes individuelles mais ne peuvent les positionner correctement les unes par rapport aux autres. Selon Bertrand et al. (1997), ils sont incapables de planifier efficacement une stratégie pour reproduire correctement les relations spatiales entre les formes.

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Stiles, Sabbadini, Capirci, et Volterra (2001) ont suivi l’évolution des dessins d’une fille entre 2 ans et 5 mois et 6 ans et 7 mois, avec le VMI, des dessins de maisons et de personnes. Ces auteurs décrivent les productions recueillies selon 3 axes : le délai, la rapidité du développement, et l’effet de l’enseignement de stratégies de dessin. Les productions de cette personne SW sont en retard pendant toute la période étudiée, tant pour la copie que pour le dessin spontané, que ce soit pour les maisons, les personnes, ou au VMI. Ensuite, le développement des habiletés est très lent, notamment l’intégration des procédures de dessin que l’on a tenté de lui enseigner. Par exemple, on lui apprend comment dessiner une lettre au cours de nombreuses séances d’apprentissage. Malheureusement, cet enseignement se traduit par l’utilisation de formules toutes faites que l’enfant intègre laborieusement à ses productions spontanées. Par exemple, elle réutilise ce qu’elle a appris durant les séances d’apprentissage sur le dessin de la lettre A (en majuscule) dans des maisons ou des triangles mais sans bien adapter la position des différents segments. Cet apprentissage, peu généralisable, reste lié aux situations particulières dans lesquelles il s’est produit.

Volterra, Longobardi, Pezzini, Vicari, et Antenore (1999) ont comparé les performances d’un garçon SW de 10 ans et 9 mois avec celles de sa sœur jumelle, en développement normal. Globalement, l’enfant SW a de moins bons résultats que sa sœur pour la copie de formes géométriques, de stimuli hiérarchiques, et de la figure de Rey, alors que ses dessins d’objets sont reconnaissables. Ces données montrent que la différence entre normaux et personnes SW est surtout présente pour des stimuli dont les composantes sont des formes géométriques. Nous reviendrons sur cette observation.

Le syndrome de Williams a également été comparé avec d'autres troubles développementaux. Bellugi, Sabo, et Vaid (1988), Bellugi, Wang, et Jernican (1994), Bellugi, Laiz, et Wang (1997) ont comparé les dessins d’adolescents SW et d'adolescents avec syndrome de Down dans le dessin d’objets (fleur, bicyclette) ou d’animaux (éléphant), avec et sans modèle. Les dessins des personnes SW manquent de cohésion, d’organisation globale et sont souvent non reconnaissables, alors que ceux des adolescents SD, souvent reconnaissables bien que simplifiés, montrent une fermeture avec des parties formant une configuration globale. Au VMI (Beery, 1989), les personnes SW peuvent recopier correctement les lignes et formes simples mais échouent complètement aux formes plus complexes, notamment lorsque les items requièrent l’intégration de plusieurs composants, alors qu’elles décalquent ces formes géométriques de manière reconnaissable. Leurs difficultés ne seraient pas dues à un problème moteur mais à la reconstruction visuo-spatiale elle-même. Wang, Doherty, Rourke, et Bellugi (1995) ont confirmé les difficultés des personnes SW au VMI où les performances des SW sont inférieures à celles des SD. Bihrle, Bellugi, Delis, et Marks (1989) comparent les performances de 14 personnes SW dont l’âge moyen est de 13 ans (âges compris entre 9 et 18 ans) et le QI moyen 57 (QI compris entre 49 et 77) aux performances d’un groupe de 10 enfants normaux appariés sur l’âge chronologique et un groupe de personnes SD appariées sur l’âge chronologique et le QI. Ces auteurs utilisent la tâche de traitement hiérarchique de Delis dans laquelle des stimuli hiérarchiques sont composés d’éléments locaux qui forment une configuration globale (par exemple un grand H composé de petits s, voir figure 2). Ce type de stimulus permet de contrôler de manière précise à la fois le niveau local (les parties) et le niveau global (la forme globale) du stimulus. Les productions en copie et de mémoire sont faibles dans les deux groupes et significativement inférieures aux performances des enfants normaux appariés. Les résultats montrent une interaction entre le groupe et le niveau hiérarchique. Les personnes SD reproduisent mieux la forme globale que les détails (allant parfois jusqu’à la reproduire en trait plein en “omettant” de dessiner les parties), là où les personnes SW reproduisent les formes locales sans les intégrer dans la forme globale.

< INSERER FIGURE 2 ICI >

En résumé, les enfants et adolescents SW manifestent souvent dans le dessin des

performances inférieures à celles attendues sur la base de leur niveau global intellectuel. Cet

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écart par rapport à l’âge mental a été montré en les comparant à des personnes SD et à des enfants appariés sur l’âge mental. Pour certains auteurs, le développement du dessin chez les personnes SW est déviant, montrant une altération sélective de l’intégration des parties, une altération du traitement global avec un traitement local relativement intact (Bellugi, Sabo, & Vaid, 1988 ; Bellugi, Wang, & Jernican,1994 ; Bellugi, Laiz, & Wang, 1997). Pour d’autres auteurs, par contre, le développement du dessin chez les personnes SW suivrait les mêmes séquences que chez l’enfant tout-venant, mais plus lentement (Bertrand et al., 1997).

Dans ces différentes études, le type de cotation des productions grapho-motrices varie. Dans le cas de dessins de stimuli visuels, les productions ont été évaluées sans référence à un système de cotation (Bellugi, Sabo, & Vaid, 1988 ; Bellugi, Wang , & Jernigan, 1994 ; Bellugi, Lichtenberger, Jones, Lai, & St-Georges, 2000) ou en termes d’organisation / désorganisation mineure / désorganisation majeure (Bertrand et al., 1997), ou encore en fonction de leur caractère reconnaissable (Bertrand, & Mervis, 1996 ; Bertrand et al., 1997). Dans le cas du Developmental Visual Motor Integration Test (VMI, Beery, 1989), l'appréciation des formes géométriques comme la copie de figures géométriques produites est assez sommaire. Chaque dessin du VMI reçoit une cotation de 0 (échec) ou 1 (réussite), alors que les échecs peuvent avoir des causes diverses : la rotation trop importante de la figure, un nombre insuffisant de parties, l’absence de contact entre deux figures. La plupart des études n’envisagent pas une analyse précise des réponses des personnes SW. Or, le dessin est une activité constructive complexe fondée sur la perception correcte du modèle lorsqu’il est présent, l’analyse de ses composantes, le choix d’une l’échelle et d’un point de départ, la planification de la succession et de l’enchaînement des étapes, le contrôle constant de la construction et de la réalisation grapho-motrice. Il existe donc un grand nombre de niveaux de dysfonctionnement possibles, difficiles à isoler par la seule analyse d’un dessin terminé.

Les tâches de reconstruction de configurations de cubes

La plupart des études ont utilisé le sous-test des Cubes de la WISC-R. Les cubes comportent deux faces rouges, deux faces blanches, et deux faces à moitié rouge et à moitié blanche, ces deux couleurs étant séparées selon une diagonale. Les cubes sont à la disposition du sujet pour reproduire une configuration modèle, en 4 ou 9 cubes selon les cas, présentée en deux dimensions. Les personnes SW reproduisent difficilement les modèles, y compris les configurations les plus simples. Les personnes SD, par contre, reproduisent correctement cet arrangement, malgré leurs difficultés dans la reproduction précise de l’orientation de chaque cube (Bellugi, Sabo, & Vaid, 1988 ; Bellugi, Wang, & Jernigan, 1994 ; Bellugi, Laiz, & Wang, 1997). Ce profil de résultats est présent chez les enfants SW de 6 à 15 ans testés par Udwin, et Yule (1991) comparés à un groupe contrôle d’enfants retardés mentaux d’étiologies diverses, appariés sur l’âge chronologique et le QI verbal. La comparaison d’enfants SW et d’enfants normaux appariés sur l’âge mental confirme ces difficultés (Pezzini, Vicari, Volterra, Milani, et al., 1999).

Klein et Mervis (1999) utilisent le subtest de construction de cubes de l’échelle de McCarthy (McCarthy, 1972) qui va de la construction de tours à celle de maisons complexes. Les enfants SW obtiennent des résultats inférieurs à ceux d’enfants SD de même âge chronologique et appariés sur leur score global à l’Echelle de McCarthy. Dans l'étude de Mervis, Morris, Bertrand, et Robinson (1999) sur des enfants SW de 4 à 17 ans, les auteurs utilisent le sous-test de construction de cubes des DAS (Differencial Ability Scales, Elliott, 1990). Les performances des personnes SW s’améliorent en fonction de l’âge. Les enfants les plus jeunes reproduisent difficilement la configuration globale des cubes dans certains modèles, difficulté présente chez les jeunes enfants normaux également. Les enfants SW plus âgés et les adultes réussissent habituellement ces configurations, même si les détails des modèles ne sont pas reconstruits correctement. Mervis, Morris, Robinson, Bertrand, et Amstrong (1999) ont montré l’impact positif de la segmentation du modèle en ses composantes individuelles chez l’adulte SW. Comme chez les sujets normaux, lorsque les carrés individuels sont clairement délimités sur le modèle, les temps de réaction des SW sont plus rapides et davantage de sujets respectent la forme globale (2 x 2) par rapport à la

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présentation habituelle, non segmentée, du modèle. Mervis (1999, citée par Morris et Mervis, 1999) a en outre comparé les performances d’enfants SW à la tâche de construction de configurations de cubes avec celles obtenues lorsqu’on leur demande de choisir, parmi trois configurations celle qui est identique à une configuration-cible. Bien que, dans la tâche d’appariement, les distracteurs soient très proches de la configuration correcte, les enfants SW réussissent mieux cette tâche que la tâche de construction de configurations de cubes, confirmant que la difficulté des enfants SW se situe plus dans la construction que dans la perception visuelle.

Dans la même veine de comparaison entre perception et reconstruction, Rondan, Mancini, Livet, et Deruelle (2003) comparent les résultats obtenus à la tâche de construction de cube classique, telle qu'elle se présente dans les échelles d'intelligence de Wechsler et une tâche d'appariement de cubes venant de ces mêmes tests. Les sujets devaient choisir le stimulus identique au stimulus de référence parmi deux stimuli, le stimulus positif, identique à la référence et le stimulus négatif, différent de la référence. Le stimulus négatif pouvait différer du stimulus de référence soit par l'orientation uniquement, soit par une inversion des couleurs : le rouge était remplacé par du blanc et inversement. Les résultats à la tâche de cubes classique étaient très faibles, comparables à ceux trouvés dans d'autres études, alors qu'ils étaient excellents (91%) dans la tâche perceptive, pour les deux types de stimuli négatifs. Ils ne différaient pas de ceux d'un groupe contrôle apparié sur l'âge chronologique, confirmant une fois encore que les troubles visuo-constructeurs ne résultent pas de troubles de l’analyse perceptive des stimuli. Il faut toutefois souligner l’effet plafond dans la tâche perceptive ce qui, dans une logique de troubles développementaux, n’exclut pas la possibilité de troubles perceptifs plus subtils.

Dans une étude récente, Farran, Jarrold, et Gathercole (2001) ont comparé les performances de personnes SW et d’enfants appariés sur l'âge mental dans une tâche de reconstruction de configurations géométriques. Trois variables étaient considérées: (1) la segmentation ou non segmentation de la configuration en ses unités composantes; (2) le degré de cohésion perceptive des configurations; (3) les configurations composées ou non d’obliques. Les personnes SW sont plus lentes que les sujets contrôles et leurs performances sont moins élevées. Cependant, la segmentation et la cohésion perceptive des configurations n’affectent pas différemment les personnes SW et les enfants normaux. La segmentation de la configuration à reproduire en ses unités facilite la reconstruction dans les deux groupes.

Fayasse (2003), Fayasse et Thibaut (2002b) ont utilisé les cubes de la WISC dans une tâche de reproduction de configurations à quatre cubes. Ils variaient le niveau d’intégration perceptive des configurations (l’intégration est faible si aucune forme perceptive n’émerge des éléments constitutifs), ainsi que les conditions de présentation des figures à reproduire. La configuration est présentée soit de manière habituelle, soit de manière déconnectée lorsque les carrés constitutifs sont définis par un espace. Les interactions entre le groupe de sujets et le type de modèle (connecté vs déconnecté) d’une part, et entre le groupe de sujets et le type de stimulus (local vs global) d’autre part, montrent que les résultats des personnes SW sont inférieurs à ceux des enfants normaux lorsque les cubes sont déconnectés et lorsque les configurations sont locales, c’est-à-dire lorsque les unités sont plus saillantes. Ces résultats ne sont pas compatibles avec l’interprétation “ locale ” classique qui prédirait de meilleures performances lorsque les aspects locaux, à savoir les unités composant les stimuli, sont soulignés, puisque c’est l’inverse qui se produit (voir figure 3).

< INSERER FIGURE 3 >

La discordance entre les résultats de Fayasse et Thibaut (2002b) et Farran et al., (2001)

peut s’expliquer par le matériel utilisé. Les sujets de Fayasse et Thibaut utilisent des cubes pour la reproduction de modèles bidimensionnels alors que ceux de Farran et al. assemblent des carrés (c’est-à-dire une surface) pour reconstruire ces modèles bidimensionnels. La relation entre les cubes, stimuli tridimensionnels, et le modèle bidimensionnel est beaucoup plus complexe que celle existant entre les carrés et le modèle puisque chaque cube peut

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être apparié à des parties de stimulus différentes en fonction de la face envisagée. Par ailleurs, chez Farran et al., (2001) la reconstruction d’un carré 2 x 2 était contrainte par la présence d’un tableau carré dans lesquels les carrés devaient être assemblés, là où les cubes pouvaient être disposés librement chez Fayasse et Thibaut.

Hoffman et al. (2003) proposent une tâche de reconstruction de configurations de carrés sur ordinateur à des enfants SW, des enfants contrôles appariés sur la Kaufman Brief Intelligence Test (Kaufman & Kaufman, 1990) et des adultes normaux. Les stimuli consistent en des configurations de deux à neuf carrés, simples ou complexes. Les configurations simples contiennent des carrés monochromes dont la couleur est choisie parmi deux couleurs possibles; les configurations complexes sont composées de carrés monochromes et bicolores. Dans ce dernier cas, la séparation des couleurs se fait selon plusieurs orientations: verticale, horizontale ou diagonale. Toutes les configurations sont présentées dans une condition non segmentée et une condition segmentée (voir Mervis, Robinson, Bertrand, Morris, Klein-Tasman, & Amstrong, 1999). On n’observe aucune différence entre les trois groupes dans la réalisation des configurations simples (effet plafond pour tous les groupes). Par contre, les enfants SW obtiennent de moins bons résultats que les enfants contrôles dans les configurations complexes : l’augmentation du nombre de pièces affecte significativement les performances des deux groupes mais les enfants contrôles effectuent davantage d’autocorrections efficaces que les SW. La segmentation améliore les performances des SW dans les configurations à quatre cubes mais pas à neuf cubes, alors qu’elle améliore les performances des enfants contrôles dans les deux conditions.

En résumé, des difficultés apparaissent régulièrement dans les études portant sur la reconstruction de configurations de cubes, notamment lorsque les configurations à reproduire sont plus complexes, soit par le nombre d’éléments qui les composent, soit par la structure des stimuli utilisés (monochromes, bicolores) pour réaliser la tâche. Dans les cas où cela a été vérifié, on n’a pu déceler aucune relation entre les résultats à ces tâches visuo-constructives et les performances dans des tâches d’analyse et d’appariement des stimuli. Cependant, comme nous l’avons souligné dans notre analyse de la perception, cela n’exclut en rien la possibilité d’autres troubles perceptifs, soit non étudiés, soit plus subtils, qui pourraient expliquer, du moins en partie, les performances des personnes SW.

TRAITEMENTS LOCAUX ET GLOBAUX

Position du problème Les premiers travaux sur le syndrome de Williams mirent en lumière des difficultés

d’intégration dans les tâches visuo-constructives. L’explication proposée, notamment par Bellugi et collaborateurs (Bellugi, Wang, & Jernigan, 1994) invoquaient une prédominance des traitements locaux au détriment du traitement global, déficitaire, avec un centrage sur les parties des objets au détriment de leur intégration en un tout cohérent. Cette asymétrie dans les traitements expliquerait le caractère éclaté, éparpillé, des dessins, notamment la copie des figures hiérarchiques où seuls subsistent les éléments locaux, ou les difficultés dans les tâches de cubes. Cependant, comme nous l’avons souligné, Bellugi et al. ont souvent comparé les performances de personnes SW et SD, ce qui ne permettait pas de comparaison avec le développement normal. Lorsque l’on compare les SW à des enfants normaux appariés sur l’âge mental (Bertrand et al., 1997; Farran et al., 2001), la différence entre les deux groupes de participants peut dépendre du stimulus à traiter (dessin d’objet, configurations de cubes) et des conditions dans lesquelles la tâche est proposée. Chez les jeunes enfants normaux, on retrouve également des dessins désorganisés qui ne sont toutefois pas associés à un traitement local généralisé (Tada, & Stiles, 1996). Enfin, même si les sujets SW se focalisent sur les parties locales, la reproduction de ces parties dans une

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tâche de copie est souvent altérée (par exemple, les petits S du grand H sont reproduits de manière très approximative). D’autres données suggèrent que l’ampleur des déficits dépend des stimuli proposés (voir Fayasse, & Thibaut, 2002b; Fayasse, 2003).

Qu’en est-il du traitement global? Est-il réellement aberrant? La réponse n’est pas simple. Dans une tâche visuo-spatiale sans composante motrice, Pani, Mervis, et Robinson (1999) suggèrent que le traitement global des SW n’est pas altéré. Ces auteurs ont tenté de déterminer si les personnes SW, comme leurs contrôles normaux appariés sur l’âge chronologique, manifestent un traitement visuel spontané global, ceci dans une tâche de recherche d’une cible visuelle parmi d’autres stimuli (par exemple, un T parmi des L). Dans les deux populations, plus la cible est camouflée parmi les distracteurs, plus le temps de recherche (TR) est long. Chez les personnes SW comme chez les contrôles, les TR ne dépendent pas du nombre de distracteurs composant le stimulus. Or, ce devrait être le cas, selon les auteurs, si les personnes SW traitent les stimuli élément par élément. Par contre, les TR des personnes SW dépendent du degré de camouflage de la cible, manifestation selon les auteurs d’une difficulté spécifique à se désengager du niveau global, lorsqu’un traitement local est requis par la tâche. Cependant, cette « hypothèse du désengagement global » n’est pas totalement convaincante car elle n’est compatible qu’avec les résultats d’un seul stimulus parmi ceux proposés.

Plus généralement, Pani, Mervis et Robinson (1999) suggèrent que les personnes SW ont des difficultés à changer l’organisation spatiale d’un objet ou d’une scène une fois qu’un type d’organisation est adopté. Lorsqu’un participant est engagé dans une tâche de copie de configurations au moyen de cubes, il doit d’abord analyser le modèle et le rapporter aux faces des cubes disponibles, c’est-à-dire passer d’une analyse globale à une analyse locale. Ensuite, il doit trouver quelles faces des cubes peuvent reproduire la configuration globale, c’est-à-dire passer d’un traitement local à un traitement global. Dans cette tâche de reconstruction de modèles, le sujet passe sans cesse d’un mode de traitement à l’autre.

Dans ce même contexte, Farran, Jarrold, et Gathercole (2003) n’ont trouvé aucun indice de cette difficulté à passer d'un niveau à l'autre. Ils comparent 21 personnes SW (âge moyen de 20 ans et 9 mois, de 10 ans et 2 mois à 39 ans et 2 mois) avec 21 enfants de 6 ans et 7 mois (de 5 ans et 9 mois à 7 ans et 9 mois). Deux versions d’une tâche d’attention sont utilisées, l’une mesurant l’attention sélective, l’autre l’attention divisée. Dans la tâche dite d’attention divisée, on présentait des figures hiérarchiques composées de petites lettres disposées de manière à former une grande lettre (voir plus haut). Les sujets devaient passer d’un niveau d’intégration à l’autre car ils devaient dire si le S (par exemple) se trouvait au niveau des petites lettres (niveau local) ou de la grande (niveau global). Dans la tâche d’attention sélective, les sujets devaient considérer chaque niveau séparément et dire soit si la grande lettre était un S ou un H, soit si les petites lettres étaient des S ou des H. Dans ces deux tâches d’attention, le profil des résultats, semblable dans les deux groupes, ne manifestait aucune préférence pour un traitement global ou local. Les auteurs en concluent qu’un biais de traitement perceptif local ne peut expliquer la prépondérance du niveau local souvent décrit dans les tâches visuo-constructives telles que les tâches de dessin et de cubes.

Peut-on expliquer le biais vers un traitement local par un déficit perceptif ? Certains auteurs en font l’hypothèse (voir plus haut, Brown, Johnson, Paterson, Gilmore, Longhi, & Karmiloff-Smith, 2003). Les données ne permettent pas de trancher définitivement puisque, en fonction des tâches, les différences avec les personnes en développement normal apparaissent ou non. Par exemple, selon la dimension perceptive testée, Fayasse (2003) a trouvé ou non des différences avec des enfants en développement normal. Pani, Mervis et Robinson (1999) n’ont pas trouvé de différence avec des sujets normaux. Dans chaque cas, la question centrale porte sur la liaison entre la force ou la faiblesse perceptive d’une part, et les performances visuo-constructives d’autre part. Nous avons vu plus haut que, chaque fois que l’on a mis en rapport une tâche perceptive et une tâche visuo-constructive, aucune différence dans la première ne permettait d’expliquer les différences constatées dans la seconde.

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Nous avons vu également que dans des tâches de mémoire à court terme spatiale, d’imagerie mentale, ou de représentation spatiale (Hoffman et al. 2003), les personnes SW peuvent se révéler inférieures à leurs contrôles appariés sur l’âge mental. Selon Fayasse et Thibaut (2003), l’interprétation de ces résultats n’est pas simple. Par exemple, les résultats obtenus par Farran et al. (2001) dans la tâche de rotation mentale pourraient s’expliquer par un déficit au niveau du traitement global car la différence entre personnes SW et sujets contrôles pourrait être la conséquence des difficultés de traitement global-local plutôt que leur cause. Dans cette épreuve, les sujets doivent situer les composants des stimuli par rapport au stimulus pris comme une totalité pour décider s’ils sont identiques ou non. Comme les stimuli ne peuvent différer que par l’intégration des parties dans le tout, la réponse dépend de la manipulation des éléments dans la globalité, une source de difficulté souvent invoquée pour ce syndrome.

Déficit de traitement global ou déficit de désengagement local

Nous avons vu que les données ne sont pas compatibles avec l’hypothèse locale

formulée dans sa version la plus générale puisque de nombreuses tâches nécessitant un traitement global (ou local) ne distinguent pas les personnes SW de leurs contrôles. Dans les tâches de dessin où les personnes SW ont gagné leur réputation de piètres dessinateurs, ils ne se différencient pas toujours de leur contrôle apparié sur l’âge mental. Pour Fayasse et Thibaut (2003), les troubles visuo-constructifs résulteraient d’une difficulté à se désengager d’un traitement local ; c’est «l’hypothèse du désengagement local ». Nous avons souligné que les différences entre les personnes SW et leurs contrôles se trouvent dans des tâches complexes nécessitant l’intégration des composants (particulièrement les tâches de dessins et de cubes) où la construction du stimulus est une recombinaison des parties à manipuler. Fayasse et Thibaut (2002b, 2003) ont suggéré que les performances des personnes SW devraient diminuer lorsque les unités locales du modèle-cible sont plus saillantes, prédiction qu’ils ont confirmée dans la tâche de reproduction de configurations à quatre cubes présentée plus haut.

Nous pensons que l’hypothèse du désengagement local précise l’hypothèse locale classique. Le déséquilibre entre traitements locaux et globaux, en faveur des premiers, apparaît surtout lorsque la saillance des composants augmente par rapport à celle du tout. Cette hypothèse permet de rendre compte de discordances entre études dans la littérature, certaines rapportant des différences entre personnes SW et contrôles appariés sur l’âge mental, d’autres non. Ainsi, par exemple, Fayasse (2003) a montré que les SW étaient inférieurs à leurs contrôles dans une tâche de copie de dessin uniquement lorsque les dessins étaient composés de formes identifiables (des formes géométriques) et pas lorsque les modèles étaient « normaux » (voir Fayasse et Thibaut, 2003, pour un développement).

Les fonctions exécutives

Le rôle potentiel des fonctions exécutives dans les troubles visuo-constructifs a été peu évoqué dans la plupart des travaux sur le SW. Il se pourrait en effet, qu’indépendamment de tout trouble au niveau de la perception et de l’analyse du modèle à reconstruire, l’origine des difficultés des personnes SW pourrait être un trouble de la planification des différentes composantes de ces tâches, ou un manque de flexibilité interférant avec le passage d’un type de traitement à l’autre (du local au global, ou l’inverse), ou encore des difficultés dans l’attention sélective et/ou soutenue nécessaire à la réalisation des tâches visuo-constructives.

Dans une tâche de reconstruction de cubes, il est nécessaire de fixer le modèle afin d’obtenir une information pertinente sur l’identité et la localisation de chaque élément pour pouvoir positionner correctement cet élément dans la copie. Dans ce contexte, Hoffman et al. (2003) ont étudié les fixations oculaires dans une tâche de reconstruction de cubes où

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sont présentées des configurations simples et complexes. Les enfants SW fixent les configurations simples aussi souvent que les enfants contrôles et les adultes normaux, signe d’une prise d’information similaire. Ils vérifient si leur copie est bonne ou contient des erreurs avec autant d’efficacité que les enfants contrôles. Cependant, (a) le nombre de fixations du modèle par les enfants SW est plus faible pour les configurations complexes composées de nombreuses pièces, (b) le nombre de corrections d’erreurs est significativement inférieur à celui des contrôles dans les configurations complexes (c) le nombre de vérifications de leur copie par rapport au modèle diminue en cours de reconstruction pour les configurations comportant de nombreuses pièces, alors que le nombre de vérifications s’accroît chez les contrôles pour les mêmes configurations.

Malgré ces différences, les auteurs considèrent que les routines exécutives responsables de l’échantillonnage de l’information et de la correction des erreurs sont en place mais ne sont pas utilisées, organisées, de la même manière dans tous les niveaux de complexité des configurations. Si les routines sont identiques, l’explication de la différence entre stimuli simples et complexes peut résider dans leur mise en œuvre lorsque la tâche sollicite un plus grand nombre d’étapes.

Fayasse et Thibaut (2002a,b; voir aussi Fayasse 2003) ont étudié différentes fonctions exécutives chez des SW qu’ils ont comparés à des enfants appariés sur l’âge mental dans trois tâches de planification (fluence sémantique, une version réduite de la Tour de Londres et le sous-test des Labyrinthes de la WPPSI), deux tâches de flexibilité (barrage de signes alterné et fluence alternée) et quatre tâches d’inhibition (le day-night, une tâche de tapping, une tâche motrice où le sujet, parmi deux mouvements de mains, doit effectuer le mouvement contraire à celui produit par l’examinateur, et enfin une tâche d’inhibition motrice dans laquelle le sujet doit inhiber un geste de pointage parmi trois). Aucune difficulté spécifique n’est mise en évidence chez les personnes SW dans les tâches de planification et de flexibilité alors que les performances globales des SW dans les tâches d’inhibition sont significativement inférieures à celles des contrôles. Ces observations suggèrent que les différences entre personnes SW et leurs contrôles dans la reconstruction pourraient résulter de difficultés d'inhibition (voir aussi Pani, Mervis & Robinson 1999).

Atkinson, Braddick, Anker, Curran, et al. (2003) étudient les capacités d'inhibition à partir de deux tâches, la boite de détour (« detour box », Hughes & Russell, 1993) et le "day-night". Dans les deux cas, il faut inhiber une réponse pour donner la réponse correcte. Dans le "day-night", le sujet doit répondre "jour" lorsqu'il voit une image de la lune et "nuit" lorsqu'il voit une image du soleil, alors que la réponse dominante serait l'inverse. La tâche "detour box" est conçue de telle manière que le geste moteur soit détourné, donc inhibé par rapport à une réponse plus immédiate. Les performances s'y améliorent de manière notoire lorsque les SW ont atteint l'équivalent de 6 ans d'âge mental (mesuré par le British Picture Vocabulary Test) alors que chez les enfants en développement normal, cette amélioration commence vers 3 ans. Dans la tâche "day-night", les performances des personnes SW sont à un niveau correspondant à celui attendu compte tenu de leur âge mental, voire légèrement au-dessus. Au total, ces tâches suggèrent que l'inhibition frontale des personnes SW est particulièrement atteinte lorsqu'elle est associée à des actions où la composante spatiale est importante, ce qui n'est pas le cas dans le test "day-night" où l'inhibition demandée est verbale. De la même manière, Fayasse et Thibaut (2002b) n'ont pas trouvé de différence entre les personnes SW et leurs contrôles dans le "day-nigt" et la tâche d’inhibition d’un geste de pointage commandé par l’expérimentateur, mais bien dans le "tapping-test" et dans la tâche des mouvements contraires qui demande un mouvement contraire à celui de l'expérimentateur. La difficulté majeure d'inhibition motrice des personnes SW semble résider dans la production d’un mouvement qui diffère d'un modèle plutôt que dans la rétention de ce mouvement.

Ces difficultés d’inhibition sont compatibles avec la notion de désengagement du niveau local dont nous avons parlé ci-dessus puisque, par définition, ce désengagement demande l’inhibition des traitements réalisés à ce niveau, notamment l’inhibition de la partie de stimulus qui est en cours de traitement. Si cette relation entre difficultés au niveau exécutif et

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tâches visuo-constructives devait se confirmer, il faudrait mieux cerner quels termes, quels moments des tâches visuo-constructives sont affectés par ces déficits exécutifs.

LES TROUBLES VISUO-SPATIAUX DANS LE SYNDROME DE WILLIAMS: ASPECTS NEURO-PATHOLOGIQUES

Les travaux portant sur les dimensions psychologiques du traitement visuo-spatial pour le

syndrome de Williams sont nombreux, on l'a vu. Plusieurs contributions ont porté sur des manifestations neurologiques de ce trouble. Cependant malgré leur importance, l’intégration des différents niveaux de description, psychologique, neurologique et génétique, est, à l’heure actuelle, hors d’atteinte (Karmiloff-Smith, Brown, Grice, & Paterson, 2003). Eliminons d’emblée les aspects périphériques qui ne semblent pas pouvoir expliquer les troubles visuo-spatiaux des personnes SW puisqu’on ne trouve aucune corrélation significative entre la présence de déficits visuels (strabisme, perte d’acuité visuelle, amblyopie) et la sévérité des troubles visuo-spatiaux chez des enfants SW âgés en moyenne de 7 ans 3 mois (Atkinson, Anker, Braddick, Nokes, et al., 2001).

Dans un premier temps, on a tenté de mettre les aspects comportementaux du syndrome de Williams en rapport avec des caractéristiques neuro-physiologiques d’autres syndromes présentant le même profil comportemental. Ainsi, Wang et Bellugi (1993) ont comparé le SW avec les cérébro-lésés droits (CLD). La relative préservation linguistique ainsi qu’un fonctionnement visuo-spatial faible (entre autre la difficulté à reproduire la structure globale d’un stimulus visuel) constituent des points communs aux deux pathologies. Par analogie, on pouvait donc penser que les personnes SW pourraient manifester également un déficit au niveau du fonctionnement de l’hémisphère droit. Cependant, il est difficile de pousser l’analogie plus loin puisque, au niveau langagier, les personnes SW ont une bonne fluence sémantique, de bonnes capacités narratives et une prosodie affective adaptée, alors que les patients CLD ont des déficits marqués dans ces trois domaines. Ensuite, le traitement de visages, relativement préservé chez les personnes SW, repose également sur l’hémisphère droit. Enfin, aucune lésion focale latéralisée n’a été mise en évidence dans le SW.

Une autre hypothèse, proposée par Galaburda, Wang, Bellugi et Rossen (1994), résulte d’études de neuro-imagerie et de neuro-pathologie qui ont révélé des anomalies cytoarchitectoniques au niveau pariétal qui pourraient être en relation avec les performances visuo-spatiales faibles des personnes SW. Ces anomalies suggèrent un arrêt du développement neuronal situé entre la fin du deuxième trimestre de la première année et la fin du deuxième trimestre de la seconde année des enfants SW. D’autres données (Galaburda, Schmitt, Atlas, Eliez, et al. 2001), provenant d’autopsies et d’explorations par des techniques d’imagerie cérébrale (résonance magnétique), ont montré que, contrairement à ce que l’on observe chez des sujets contrôles de même âge et de même sexe, le sulcus central dorsal des personnes SW s’interrompt avant de rejoindre la fissure interhémisphérique. Cette caractéristique est présente au niveau des deux hémisphères. Il n’existe par contre aucune différence entre SW et contrôles pour l’extension ventrale du sulcus central. Selon les auteurs, ces anomalies dans la région dorsale du cerveau des personnes SW indiquent des problèmes neuro-développementaux précoces qui sont probablement reliés aux déficits visuo-spatiaux observés chez ces sujets. Des différences ont également été mises en évidence entre SW et contrôles au niveau de la taille, de la distribution et de la densité des cellules nerveuses au niveau de l’aire corticale visuelle primaire. Des anomalies ont été constatées dans le cortex visuel périphérique, avec des cellules plus petites et plus denses dans certaines zones du côté gauche (Galaburda, Holiger, Bellugi, & Sherman, 2002). Cette densité cellulaire ainsi que des différences de taille des neurones dans le champ cortical de la vision périphérique ont également été mises en relation avec les déficits visuo-spatiaux des personnes SW.

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On a également suggéré l’existence d’une perturbation sélective de l’une des voies visuelles du cortex cérébral (Jernigan, Bellugi, Sowell, Doherty, & Hesselink, 1993). On a identifié deux voies visuelles autonomes et complémentaires (Ungerleider, & Mishkin, 1982). La voie ventrale traite les informations visuelles impliquées dans la reconnaissance des objets et des visages et conduit l’information au lobe temporal. La voie dorsale encode les informations concernant les positions spatiales des objets par rapport à l’observateur et des objets entre eux, contrôlerait l’action et, en particulier, celle de la main. Elle conduit l’information au lobe pariétal. Pour Atkinson, King, Braddick, Nokes, et al. (1997), la dissociation observée chez les personnes SW entre reconnaissance visuelle et manipulations visuo-spatiales serait due à une altération sélective de la voie dorsale. Pour tester cette hypothèse, les auteurs proposent à des adultes SW et normaux deux tâches dépendant de la même information visuelle (l’orientation d’une carte par rapport à la fente d’une boîte postale) mais nécessitant un traitement différent selon les tâches. Les participants doivent, d’une part, introduire le plus rapidement et le plus précisément possible une carte dans une fente dont l’orientation varie d’un essai à l’autre (ce qui nécessite un traitement dorsal), d’autre part, placer une carte dans la main d’un mannequin de manière à ce que son orientation soit identique à l’orientation de la fente. Cette tâche d’appariement nécessite un traitement ventral. Les adultes SW manifestent un déficit dans la tâche dépendant du traitement dorsal.

Atkinson, Braddick, Anker, Curran, Andrew, Wattam-Bell, et Braddick (2003) (voir également Atkinson, Braddick, Lin, Curran, Guzzetta, & Cioni, 1999) poursuivent cette caractérisation de la voie dorsale et de la voie ventrale avec une tâche de détection de seuil de cohérence de mouvement (mettant en œuvre le système dorsal) et de forme (mettant en œuvre le système ventral). Ces tâches reposent sur la présentation d'un matériel visuel dont la cohérence peut être manipulée par l'expérimentateur. Dans le cas de la détection d'un mouvement, on présente des segments de ligne répartis sur trois zones d’un écran. Les segments au centre de l'écran constituent une bande dont le mouvement est en direction opposée (vers le haut) aux segments des deux zones (bandes) latérales (vers le bas). On peut dégrader le signal en manipulant le pourcentage de segments de lignes qui se meuvent dans la même direction dans une bande donnée. Le seuil de détection d'un sujet est la valeur du pourcentage pour lequel il détecte la direction du mouvement. Pour la tâche de détection de la forme, le principe est identique, si ce n'est que les segments de lignes, dans une portion de l'écran, s'organisent en une forme particulière, par exemple un cercle, que le sujet doit localiser. Cette forme est plus ou moins dégradée en fonction du pourcentage de segments de lignes la constituant orientés de manière cohérente par rapport à la forme. Le seuil de détection de la forme est ce pourcentage pour lequel le sujet détecte la forme dans le bruit de fond alentour. L'étude porte sur des personnes SW âgées de 4 ans et 8 mois à 15 ans et 4 mois comparées à des enfants de 4, 5, 6 et 7 ans et un groupe d'adultes. Un sous-groupe de personnes SW se singularise par des performances médiocres, compte tenu de leur âge mental, à la fois dans la détection de la forme et du mouvement. Ces deux indices sont positivement corrélés mais il reste un groupe de quelques individus dont les performances en "forme" sont relativement bonnes, contrairement à leur performance en "mouvement". Pour les auteurs, si ces résultats présentent un profil semblable à ceux de Atkinson, King, Braddick, Nokes, et al. (1997), ils doivent être aussi analysés à la lumière du développement normal. Or, chez l'enfant en développement de 4 à 5 ans, le système dorsal est relativement immature comme le montre la diminution du seuil de cohérence entre 4 et 6 ans. Les personnes SW dont le seuil de cohérence du mouvement est élevé comparé au seuil pour la forme présentent le même profil que ces jeunes enfants au développement normal. Ce profil ne peut être assimilé à un simple délai dans le développement puisqu’on le trouve à tous les âges dans le groupe de personnes SW étudié. Les auteurs rappellent que les personnes SW qui obtiennent de bonnes performances ne traitent pas nécessairement l'information comme les sujets normaux. Ils observent, de manière anecdotique, que ces personnes SW passaient beaucoup de temps à détailler les stimuli présentés là où les normaux semblaient réaliser la tâche de manière automatique. Complémentairement, ils évaluent le contrôle cortical des mouvements oculaires en comparant les saccades oculaires

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aux antisaccades des personnes SW dans une tâche de pointage et une tâche de pointage opposé. Dans la tâche de pointage, les enfants doivent pointer une cible, là où elle apparaît alors que la tâche de pointage opposé demande un pointage du côté opposé à la cible. Un échec dans cette dernière tâche reflète un déficit dans les mécanismes frontaux d'inhibition d'une réponse dominante. Les auteurs mesuraient également la latence du déplacement de fixation oculaire. Les personnes SW de moins de 6 ans font plus d'erreurs dans la situation de compétition (pointage opposé) qu'en absence de compétition. Dans cette situation de compétition, les temps de latence sont également plus longs, révélant des difficultés de désengagement du regard de l'objet fixé. Les temps de latence de pointage des SW sont plus longs que les temps des contrôles, et particulièrement dans la tâche de contre-pointage.

Ces données sont compatibles avec les travaux de Hoffman et al. (2003) (voir plus haut), mais ces derniers auteurs ne discutent pas leurs résultats dans les termes de cette distinction dorsal-ventral. Ce déficit du traitement dorsal constituerait un élément d’explication des difficultés visuo-constructives même si la variabilité importante constatée par Atkinson et al. (2003) impose la prudence. Ces données confirment le modèle neurobiologique d’une dissociation entre traitement de la voie dorsale et ventrale, avec un déficit généralisé dans les traitements de la voie dorsale chez les jeunes enfants SW.

Grice, Spratling, Karmiloff-Smith, Halit, et al. (2001) ont montré une activité électro-encéphalographique anormale et spécifique chez les personnes SW. Le SW est un trouble neuro-développemental caractérisé par des difficultés d’intégration des éléments spatialement séparés en un tout cohérent. Des données électro-encéphalographiques (Singer, & Gray, 1995) ont montré chez le jeune enfant et l’adulte normal l’apparition d’ondes gamma (onde électrique aux environs de 40 Hz) lorsque le cerveau doit réaliser cette activité d’intégration spatiale, notamment lors du traitement de figures à contours illusoires (figures de Kanisza) et de visages présentés à l’endroit. On sait également que si des visages présentés à l’endroit sont traités de manière globale, des visages inversés nécessitent un traitement local (voir Deruelle, Mancini, Livet, Casse-Perrot, & De Schonen, 1999). Ce changement de mode de traitement lors de l’inversion provoque une baisse de performance chez les sujets normaux alors qu’aucune différence n’est notée chez les personnes SW. Cette préférence pour un traitement local pourrait être reliée à des anomalies des processus cérébraux d’intégration. Chez les personnes SW, le profil des ondes gamma ressemble au profil désorganisé observé chez les très jeunes enfants avant qu’il ne devienne normal entre 6 et 8 mois. Ce déficit au niveau du substrat neuro-anatomique ou neurochimique essentiel à l’apparition des ondes gamma pourrait perturber, selon les auteurs, les processus d’intégration, mais aussi avoir des conséquences diverses aux niveaux cognitif et comportemental.

CONCLUSION

Les comparaisons entre les personnes SW et des personnes appariées sur l’âge mental ou sur l’âge chronologique montrent que les personnes SW ne sont pas déficitaires dans tous les domaines de la cognition visuo-spatiale. Dans les tâches de reconstruction visuo-spatiale, leurs performances ne sont pas uniformément altérées.

Les études sur la perception apportent une vision contrastée du fonctionnement des personnes avec SW. D’un côté, la perception ou le traitement de stimuli globaux comme les figures de Kanisza, les figures enchevêtrées, les formes humaines dans le paradigme de Johansson ou les stimuli utilisés par Pani, Mervis et Robinson (1999) apparaissent normaux. Par contre, ces personnes SW manifestent un retard précoce pour les fixations oculaires (Brown, Johnson, Paterson, Gilmore, et al., 2003) ou pour des traitements fins de dimensions perceptives (Fayasse, 2003).

En aval, dans les comparaisons de stimuli, la localisation de cubes, par certains aspects seulement (Hoffman, Landau, & Pagani, 2003), ou la rotation mentale (Farran, Jarrold, &

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Gathercole, 2001) sont déficitaires. L’interprétation de ces faiblesses n’est pas univoque. Sont-elles causales ou résultent-elles d’autres déficits ? La même question se pose pour les déficits en mémoire visuelle à court terme.

La reconnaissance de visages fait aussi débat, où les données en faveur d’une normalité ou d’une anormalité développementale s’opposent. Selon les tâches, on constate ou non des différences avec les sujets appariés sur l’âge mental. Au niveau physiologique, la reconnaissance de visages est associée à des potentiels évoqués anormaux. Enfin les tâches visuo-constructives classiques donnent aussi des résultats contradictoires.

Le déficit du traitement global, explication la plus souvent avancée par nombre d’auteurs, ne permet pas d’unifier les résultats obtenus. D’une part, les indices d’un déficit sélectif à ce niveau sont plus ou moins prononcés selon les tâches et les groupes auxquels on compare les personnes SW. D’autre part, on a montré que le traitement perceptif des aspects globaux des stimuli (indépendamment des aspects visuo-spatiaux) des personnes SW ne diffère pas de celui des enfants en développement normal.

Nous avons avancé l’existence d'un déficit du désengagement du local au détriment du global, particulièrement lorsque les parties des stimuli prennent une saillance importante. Ce déficit pourrait lui-même s’enraciner dans un déficit des fonctions exécutives, notamment dans leur composante “ inhibition ” (Fayasse & Thibaut, 2002b), ou dans la gestion de la tâche lorsqu’elle devient plus complexe (Hoffman, Landau, & Pagani, 2003). Comme les fonctions exécutives représentent un ensemble de capacités cognitives en interaction complexe, les différences entre sujets contrôles et personnes SW suggérées ici n’épuisent pas d’autres possibilités, en tout cas au stade actuel de leur exploration chez les personnes SW.

Quoi qu’il en soit, les traitements locaux ne semblent pas non plus intacts, comme le montrent les déficits dans les fixations oculaires, alors que d’autres tâches ne révèlent aucune différence avec les personnes en développement normal. A l’heure actuelle, si l’on admet que les tâches utilisées touchent à des processus différents, certains d’entre eux pourraient être intacts et d’autres non. Cette situation est insatisfaisante et appelle des travaux où tâches et processus seraient reliés plus étroitement et où la physiologie est plus directement associée aux travaux psychologiques. Les conclusions parfois très générales sur la normalité ou l’anormalité du développement des processus dépassent souvent de loin les données qui les ont fait naître. Sans une caractérisation approfondie des tâches utilisées, on pourra difficilement mettre en relation des résultats souvent contradictoires.

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LEGENDE DES FIGURES

Figure 1 : Figures de Kanisza

Figure 2 : a. Modèle de figure hiérarchique ; b. Copie réalisée par une personne SW. On devine une tentative de reproduction des « S » locaux alors que la structure générale, le « H », a complètement disparu.

Figure 3 : Exemple de configurations locale et globale présentées de manière standard ou segmentée. Les sujets doivent reproduire ces modèles avec des cubes en 3 dimensions.

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Figure 1

Appariement local Appariement Global

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Figure 2

S

S

S

S

S

S

S

S

S

S

S

a.

b.

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Figure 3

Local

Standard

a.

Global

b.

Segmenté

a’.

b’.