Sur la description intrinsèque des grandeurs dimensionnelles
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Dur@nce Troisièmes Rencontres - « Enseigner le fait religieux » - mars 2003 1
Site académique Aix-Marseille Histoire et Géographie
Approche du religieux par l’œuvre d’art
(Atelier pédagogique des Troisièmes Rencontres de la Durance - 2003)
Brigitte Manoukian et le groupe « La Durance » Le 1
er mars 2003
Professeure au Lycée Vauvenargues AIX-EN-PROVENCE [email protected]
ARGUMENTAIRE
Pourquoi aborder le fait religieux à travers l’œuvre d’art, et plus particulièrement l’œuvre peinte ? L’atelier part d’abord d’un constat
simple : la production artistique, et ce jusqu’au 19ème siècle, est dominée par la représentation des thèmes religieux. En Europe
occidentale et orientale, le christianisme a permis le foisonnement des œuvres religieuses car contrairement à l’Islam (sauf celui des
souverains i-khanides à la fin 13ème et début 14ème siècle qui ont permis l’éclosion des miniatures persanes) et au judaïsme, il n’y pas de
prévention envers la représentation des fondateurs : Jésus est le personnage le plus représenté dans les arts visuels (seul concurrent
Siddhârta le Bouddha). De plus, la religion chrétienne a conféré à la représentation de Jésus un rôle pédagogique et rituel (les icônes
dans le monde byzantin).
C’est pourquoi il convient de s’intéresser à ce que représente l’œuvre d’art, son statut et ses fonctions, puis, de mettre en évidence la
spécificité de l’œuvre d’art dans le domaine religieux.
I - Le statut de l’œuvre d’art dans la société
Comment définit-on l’œuvre d’art ?
L’histoire, la sociologie, l’économie et la philosophie invitent à considérer l’art comme une construction d’hommes et de femmes, à la
fois créateurs et spectateurs. C’est donc un artefact polysémique. Il n’y a pas de définition simple de l’œuvre d’art.
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C’est un objet fabriqué ou transformé par la main de l’homme qu’Aristote qualifiait comme source de plaisir esthétique gratuit.
Cependant, la création artistique fut essentiellement religieuse jusqu’au 19ème siècle : de fait, l’art ne pouvait qu’être beau car il
participait à la pensée qui descend du divin. Sa vocation n’était alors pas d’imiter la nature mais d’en manifester le caractère sacré et
transcendant.
La question du beau et du regard esthétique s’est alors posée car intrinsèque à la qualification de l’œuvre d’art. Jusqu’au 18ème siècle,
des critères objectifs du beau étaient définis de manière conventionnelle (avec des règles et des canons) si bien que le jugement
esthétique se limitait à un raisonnement. Pour Emmanuel Kant, le jugement esthétique est avant tout un plaisir sensible et immédiat,
essentiellement subjectif, qui ne requiert aucune connaissance particulière et qui est désintéressé ce qui le différencie du plaisir
physique. De fait, ce n’est plus l’objet artistique qui est essentiel mais la relation entretenue entre le spectateur et l’œuvre d’art.
Cependant, définir l’œuvre d’art comme «ce qui me plaît et que je trouve beau» pose le problème du relativisme et de la valeur de
l’objet… Le philosophe Hume démontre alors dans sa «Norme du goût» qu’un jugement subjectif peut aussi reposer sur des éléments
objectifs : certains goûts sont plus grossiers que d’autres, un expert saura mieux définir qu’un profane une œuvre d’art… Cette
approche ne résout en rien la question du relativisme.
Celui-ci peut être dépassé par la reconnaissance de la subjectivité de l’appréciation esthétique elle-même dépassée par l’acculturation :
un groupe de personnes peut porter le même jugement sur une œuvre et cette appréciation commune devient alors une norme. L’art
se diviserait en domaines séparés ( peinture classique, impressionnisme, jazz, rap, comédie, tragédie, fauvisme, cubisme, musique de
chambre, etc.) dans lesquels des normes s’établissent. Cette solution ne ramène donc plus la question à celle du beau et peut même
apparaître comme une forme de renoncement à toute philosophie de l’art mais elle permet de rendre l’art toujours vivant. Certaines
formes d’art continuent à s’intéresser à la question du beau (la chanson, le cinéma), d’autres comme la peinture s’en désintéressent
totalement.
«L’œuvre d’art est un objet esthétique intentionnel» écrit Gérard Genette1 c’est à dire que c’est un objet produit par un auteur dans le
but d’être soumis à l’appréciation du spectateur.
Cependant, d’autres enjeux, c’est à dire pas seulement esthétiques, apparaissent : l’œuvre d’art peut devenir œuvre patrimoniale, bien
commun d’un groupe d’hommes et de femmes ou de l’humanité. Cela s’effectue par un processus d’élaboration complexe : extension et
réduction du sens, instrumentalisation, préservation, décontextualisation, pour l’essentiel.
Cela est surtout du à la formation de l’identité nationale : l’œuvre d’art devient l’expression d’un groupe, de sa mémoire et de son
organisation politique. Elle peut être la trace d’un passé considéré comme glorieux (le Château de Versailles, le portrait de Louis XIV ),
appartenir à un cercle de valeurs universelles, l’expression d’un génie spécifique, etc. Par conséquent, c’est l’Etat qui organise la
1 Gérard Genette : « L’œuvre d’art tome II La relation esthétique », Seuil, 1997.
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conservation et la circulation des œuvres d’art et qui crée les structures indispensables comme les musées ou les expositions.
Aujourd’hui, la tendance à la patrimonialisation s’accentue : la mondialisation et la montée des revendications identitaires locales et
régionales qui contribue à accroître les difficultés de l’Etat-nation favorisent la multiplication des « lieux de mémoire » ; l’œuvre d’art
devient un objet à protéger mais qui n’est plus vivant ni valorisant. Son sens se dilue. Elle n’est plus un objet de référence.
C’est pourquoi l’œuvre d’art devient un objet d’enseignement : certaines œuvres sont à fréquenter dans les programmes ce qui amène
à se poser la question de sa place dans l’enseignement d’histoire.
2 - Le statut de l’œuvre d’art dans l’enseignement d’histoire
On peut évoquer deux points pour en saisir les enjeux :
- l’œuvre d’art est une découverte récente de l’histoire. En effet, réservée à l’histoire d’art, c’est l’Ecole des Annales qui a la
première engagé une réflexion sur l’œuvre d’art : ainsi, en 1953, Lucien Febvre plaide pour une histoire de l’art sous tendue par
l’histoire des civilisations et celle des mentalités collectives mais ignore la liberté de création individuelle. C’est dans les années 70 avec
le développement de l’histoire des mentalités que l’œuvre d’art (souvent des séries) est étudiée comme instrument d’une pédagogie ou
d’une acculturation ou alors comme significative d’une mentalité ou d’une représentation collective.
Avec l’histoire culturelle, le concept de mentalités est abandonné au profit de celui de la représentation ce qui amène à «entrer dans la
réalité historique à partir de la singularité d’un texte, d’un objet, d’une pratique pour reconstituer l’ensemble des tensions, des échanges et des valeurs qui y sont investis».
2 La pratique de l’historien est alors très diversifiée : les intentions de l’auteur, les
conditions de la création et de la réception et sa fonction à travers trois entrées : l’œuvre proprement dite, l’artiste, le contexte.
- l’œuvre devient un objet d’enseignement spécifique à travers la visite de musées et l’étude du document en classe.
Les visites extérieures de musées continuent à bénéficier de l’attention des enseignants car elles permettent de répondre à deux
objectifs : voir l’œuvre dans son cadre habituel c’est à dire la voir en vrai et donner accès à la culture de manière directe.
L’étude de l’œuvre d’art en classe est un vecteur pédagogique dont l’utilisation peut poser problème. La visite des manuels du
secondaire permet de mettre en évidence que les œuvres d‘art sont utilisées comme simples traces du passé pour illustrer, monter,
donner des renseignements sur les évènements, les sociétés, les économies et les individus. Elles illustrent les cours et l’abondance des
reproductions renforce cet aspect informatif. De fait, les œuvres d’art ont le même statut que les autres documents et perdent toute
spécificité.
2 Roger Chartier Préfaces n°1, mars-avril 1987.
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Une autre utilisation fréquente apparaît dans les manuels : l’approche techniciste qui consiste à compléter des fiches de méthode
d’analyse des œuvres d’art. L’élève est amené à décrire le sujet, à détailler la technique picturale (la composition, le dessin, les
couleurs, la lumière…) et parfois, à placer l’œuvre dans le contexte politique et intellectuel de sa création.
Enfin, l’œuvre d’art est abordée dans quelques chapitres privilégiés et à travers l’étude de grands mouvements artistiques clairement
identifiés comme sujet d’étude : l’art roman et gothique, la Renaissance, le Baroque, le Romantisme, l’Impressionnisme, etc. On peut
noter cependant que l’art d’après Seconde guerre mondiale est le plus souvent ignoré ou rapidement évoqué et que certains créateurs
sont ignorés.
Au bilan, l’utilisation de l’œuvre d’art reste relativement peu fréquente et souvent peu diversifiée.
3 - Comment aborder l’œuvre d’art ? Quelques pistes de réflexion
L’œuvre d’art est un objet polysémique qui est à la fois produit et acteur de l’histoire : c’est à travers elle qu’on peut aussi apprendre à
faire de l’histoire. C’est aussi un objet spécifique qui fait appel à la liberté créatrice. Elle n’est donc pas le miroir de la réalité mais une
interface entre une époque et un individu et entre plusieurs temps différents : « La question du temps est fondamentale. Temps de
l’art, temps de l’histoire et […] temps du retentissement contemporain. N’y a-t-il pas meilleur moyen d’aborder la force d’une œuvre d’art que d’en montrer les bourgeons les plus modernes ? »
3
Aborder l’œuvre d’art, c’est prendre quelques précautions préalables :
l’œuvre d’art est destinée à un public ou à un mécène ou un commanditaire qui peuvent limiter la liberté créatrice de l’auteur, imposer
des normes, favoriser ou empêcher l’éclosion de talents. Ainsi, le romantisme et l’impressionnisme se sont développés à contre courant
des goûts conventionnels de l’époque mais se sont imposés grâce à l’action de certains mécènes ; des artistes n’ont jamais connu de
leur vivant la reconnaissance comme le célèbre Van Gogh ou furent écartés des commandes car trop imaginatifs comme le sculpteur
Rude.
L’œuvre d’art est un objet qui a une histoire : on peut multiplier les exemples de tableau dont la conception et l’histoire sont des
éléments déterminants de sa compréhension et de son analyse : ainsi, «Le Sacre de Napoléon » de David dans lequel le peintre
représenta Laetitia Bonaparte, pourtant absente, en est l’exemple le plus connu.
L’œuvre d’art est un acteur de l’histoire : elle amène à interroger le spectateur sur les notions de modernité, de rupture et de
continuité. En effet, selon son accueil, une œuvre d’art renseigne sur les normes esthétiques communes de la société et au-delà de ses
mentalités. Elle se situe en continuité ou en rupture d’une série artistique : si on peut classer les œuvres de la Renaissance comme des
œuvres en continuité avec celles du Moyen Age sur de nombreux points, elles peuvent aussi être en rupture avec ces dernières sur
3 Gérald Attali « L’expert et le professeur d’histoire », La Durance n°37, 16 octobre 2002
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d’autres. Elle met en avant des thèmes dominants : les sciences, l’inconscient, qui peuvent interroger les artistes d’une époque.
L’œuvre d’art produit donc un discours sur un moment donné qu’il convient d’éclairer.
L’œuvre d’art a de multiples fonctions dans la société qui l’accueille : elle peut être religieuse (les icônes mettent en évidence que
l’image passe du statut de symbole de la divinité à celui d’image de dieu qu’il faut donc honorer), politique (le portrait des souverains
n’est pas l’exacte réplique physique de ces derniers mais l’incarnation de la puissance royale et le moyen de la légitimer). Ainsi, à
destination du public, l’image religieuse et politique permet d’apprendre les signes de reconnaissance de la collectivité et de fonder une
mémoire collective. Par ailleurs, l’œuvre d’art peut avoir aussi une fonction de consommation : elle est source de plaisir esthétique et
permet à un mécène, un Etat d’exalter leur magnificence (le propre de la puissance est de régenter le plaisir des autres).
C’est cette diversité qui fait de l’œuvre d’art un objet d’enseignement très riche. Elle suppose donc un regard croisé et non pas unique.
En effet, l’école phénoménologique allemande nous apprend que le regard porté sur l’œuvre empêche de percevoir le sens. Le
spectateur a une intention dans sa perception. Il reste donc dans une approche très contextualisée et individualisée qui va le mener à
porter un jugement.
Or, cela rentre assez souvent en contradiction avec la pratique enseignante qui cherche à produire un discours savant sur l’œuvre,
discours souvent normatif et validé ; il n’y aurait qu’une seule interprétation possible ou une seule approche. C’est pourquoi certains
jugements brutaux des élèves peuvent paraître choquants quand ils trouvent «moche» un Picasso, un Matisse, un Mondrian ou se
montrent enthousiastes face à une aquarelle paysagère-…
Rejeter et nier toute valeur au discours de l’élève, c’est rendre l’œuvre d’art mythifiée et intouchable, donc morte. Or, l’art est vivant
dans la perception que l’on peut en avoir. De plus, en utilisant les représentations des élèves, on peut aussi les confronter avec celles
de l’auteur et de l’époque : la démarche de recherche sur l’œuvre prend alors sens puisqu’elle permet de doter l’élève d’outils d’analyse
et de distanciation sur ses représentations. Elle permet aussi d’approcher l’objet artistique dans sa globalité et évite de se limiter au
prélèvement d’informations qui lui fait perdre sa spécificité.
Ce travail qui s’appuie pour une part sur les représentations des élèves s’effectue quelle que soit l’œuvre d’art. Cette démarche sur une
œuvre d’art religieux permet de mieux approcher la polysémie de cette dernière et de la percevoir comme un palimpseste : le matériau
reste le même mais sans cesse, s’y superposent des regards différents.
4 La spécificité de l’œuvre d’art religieux
Les thèmes religieux sont en aucun doute ceux qui sont le plus représentés dans les œuvres d’art et, Jésus, nous l’avons dit, le
personnage le plus représenté. C’est sa spécificité qu’il faut mettre en évidence.
L’œuvre d’art religieux est une interface entre une histoire sainte dont le contenu, les vérités, le dogme sont fixés par l’autorité
ecclésiale et un créateur, qui en reçoit commande mais y inscrit son imagination et ses représentations. Elle n’est pas la simple réplique
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visuelle du dogme, de l’Eglise, des conciles et de la spiritualité… Parce que les hommes et les sociétés changent, les images religieuses
changent. C’est pourquoi interroger une œuvre d’art religieux, c’est se poser la question de ce qui reste de la théologie et si l’image
religieuse facilite ou complique l’accès à cette même théologie.
L’œuvre d’art religieux occupe le plus souvent une place très importante car elle est le moyen d’expression et objet d’attention de la foi.
Dans le christianisme, la représentation du Christ est essentielle et l’Eglise catholique a toujours laissé les artistes s’exprimer librement.
Il n’y a jamais eu de volonté permanente de contrôler l’image du Christ : en 1963, le concile de Vatican II réaffirme le principe ancien
selon lequel la peinture chrétienne peut être adaptée à la sensibilité, aux modes d’expression et aux besoins des diverses régions et
peuples du monde.
L’œuvre d’art est aussi l’expression de la sensibilité religieuse d’une époque donnée : certains épisodes de la vie des personnages
sacrés, certains aspects théologiques sont parfois abandonnés, délaissés ou a-contrario privilégiés parce qu’ils témoignent des
questionnements spirituels, des inquiétudes et des doutes, des certitudes, des politiques ecclésiales du moment, des préoccupations
messianiques etc. Chaque époque et chaque région ont leur propre manière d’investir le religieux à travers l’œuvre peinte.
On peut de manière simple retracer cette spécificité à travers la représentation du Christ dans l’art. Les manuels, on l’a dit, utilisent
l’image du Christ de manière totalement indifférenciée et créent une illusion d’unicité de l’image de Jésus que même l’Eglise récuse. De
fait, ils nient l’importance du contexte dans la réalisation de ces images.
Les recherches récentes mettent en avant quelques images simples du Christ à travers le temps :
- au temps des premiers chrétiens, le Christ est représenté de manière symbolique en raison de la contradiction entre l’interdit chrétien
du culte des idoles et la vénération païenne des images. C’est sous le trait du Bon pasteur ou d’un philosophe qu’il est présent sur les
sarcophages par exemple avec une scène de l’Ancien Testament. Cette dernière éclaire le sens de la mission du Christ sur Terre.
- Dès le 4ème siècle, les premières représentations du Christ comme personnage central apparaissent : la Cène, la Transmission de la
Loi. C’est l’ère du triomphe de la religion chrétienne dans le bassin méditerranéen et des débats théologiques sur la divinité du
Christ réglé par le concile de Nicée qui définit Jésus comme personnage divin et personnage humain, à égalité avec le Père. Par
ailleurs, on continue à figurer Jésus sous des traits très divers dont celle du Christ barbu. Cette dernière image s’impose peu à peu
avec l’image du Christ Pantocrator en référence à la figure de Jupiter/Zeus et avec le succès des « acheiropoiètes »( images non faites
de main d’homme) comme le Mandylion d’Edesse, reflétant selon la tradition le vrai visage du Sauveur.
- On assiste alors à un double mouvement : dans le monde chrétien oriental, les débats théologiques sur la nature du Christ, la volonté
de l’Eglise de contrôler étroitement le culte et les images et le rôle essentiel de la liturgie fixent l’art religieux. Ce sont les icônes placées
à l’entrée du templon qui doublent la liturgie et qui font l’objet de vénération. On identifie des cycles de représentation correspondant
aux questions liturgiques faisant débat : la Passion à la fin du 8ème siècle (volonté d’insister sur la figure humaine du Christ), le thrène
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c’est à dire la déploration de la mort par la Vierge et St Jean au 12ème siècle (on insiste la signification des souffrances), image du
partage au 13ème siècle qui montre la réalité du Christ dans l’eucharistie… C’est alors que se figent les représentations du Christ
correspondant au recul de l’Empire byzantin et une place plus importante de l’Eglise orthodoxe plus conservatrice.
Dans le monde occidental chrétien, les représentations sont plus variées car l’image n’a pas de place dans la liturgie et car les Pères de
l’Eglise et les artistes sont moins touchés par les images acheiropoiètes. De plus, l’Eglise laisse aux artistes le choix des schémas de
composition, des matériaux et des styles et se contente de maintenir les différentes images du Christ dans une certaine parenté. On
privilégie deux sortes d’images ; les images effigies où Jésus regarde le spectateur (c’est la vision seigneuriale et qui est en rapport
avec l’usage du portrait) et les images narratives qui racontent une scène du Nouveau Testament selon la technique de la typologie, un
des codes fondamentaux de l’art médiéval : on met en corrélation la scène avec une ou plusieurs scènes de l’Ancien Testament censées
l’annoncer mais selon un ordonnancement précis. L’univers n’est pas considéré comme plan mais comme étagé et l’homme cherche à
retrouver les niveaux supérieurs dont il a été chassé. Chaque image doit répondre à cette spatialisation des concepts et à la vision de
l’histoire qui voit le monde vivre dans l’âge de la Grâce depuis la Passion du Christ.
Il y a des choix de figuration très nets durant le Moyen Age : au Haut Moyen Age, les scènes de l’enfance et de la Passion sont aussi
nombreuses alors que cette dernière l’emporte à la fin du Moyen Age ce qui correspond au triomphe d’une piété axée sur l’humanité du
Christ telle celle développée par St François d’Assise.
C’est autour de deux axes que l’art chrétien médiéval tourne : celui de l’action du Christ en tant qu’homme et celui de sa nature
intemporelle dans des scènes théophaniques.
Au 15ème et au 16ème siècle, le développement de l’imprimerie (et des gravures en bois) facilite l’apparition d’images de dévotion
fondées sur le face à face, l’intimité et la relation personnelle : le Christ est alors souvent représenté en mi-buste, bénissant. Le
protestantisme et les nouvelles techniques picturales modifient la représentation : la lumière, le paysage des scènes de la Passion, etc.
doivent être soit didactiques (montrer que les Réformés défendent une religion de bonté et de confiance contre une religion catholique
qui serait celle de la crainte et de la punition) soit permettre d’atteindre le secret de l’ordre du monde.
Le 3 décembre 1563, le décret du Concile de Trente «Sur l’invocation, la vénération, la relique des saints et sur les saintes images »
constitue la charte de l’art sacré qui domine jusqu’au 19ème siècle : l’image doit être didactique, conforme à une certaine moralité et
soumise au regard de l’autorité ecclésiastique. Ainsi, la décence, la dignité et la conformité doctrinale (on doit représenter le
personnage selon ce que le récit biblique en dit) deviennent des critères du beau. Dès la fin du 16ème siècle, l’art sacré se formalise.
Cependant, des peintres comme Caravage qui introduit le Christ dans l’univers social (c’est un homme du quotidien dont l’origine
surnaturelle est soulignée par la lumière) ou Velázquez lors du Siècle d’or espagnol mettent en avant un rapport nouveau avec la
transcendance. Ils inaugurent à leur manière cette double tendance qui traverse l’art sacré jusqu’au 19ème siècle : la première autour de
l’œuvre de Rembrandt avec un Christ intimiste et extatique et la deuxième autour de Rubens avec un Christ de gloire, planant,
aérien, héroïque, lointain et inaccessible qui devient un des éléments de représentation du divin. Cette double tendance s’accompagne
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d’un mouvement de fond : la peinture de l’histoire religieuse est marquée par un tassement de l’inspiration biblique. Les questions
théologiques tournent davantage autour de la place de la Trinité que de l’image du Christ.
Le 19ème siècle marque un tournant dans l’histoire de la peinture sacrée. Tout d’abord, on assiste à un renouvellement des commandes
dans le domaine de l’art religieux : de nombreuses églises sont construites. Le Christ retrouve sous la Restauration l’image de celle d’un
être souverain et d’autorité. Enfin, certains courants artistiques se détachent ou ignorent les thèmes purement religieux comme
l’impressionnisme. La représentation du Christ devient «une affaire de curés» ( c’est le courant sulpicien où se mêle convention et
sentimentalisme). Les artistes utilisent plus librement l’image du Christ (on peut noter que, sous la Révolution française, celle-ci fut
détournée de manière satyrique dans une imagerie purement révolutionnaire).
Cette évolution marque donc les deux derniers siècles mais le religieux ne disparaît pas de l’art. La redécouverte du retable d’Issenheim
de Grünewald (1511-1516), les atrocités des deux guerres mondiales, les difficultés économiques des années 20 et 30 et la Shoah ont
rendu les artistes sensibles à l’image du Christ martyr ; il devient le symbole de l’homme défiguré par l’homme. Sa figure de Verbe
créateur, de Juge eschatologique est alors totalement ignorée : les scènes de l’enfance, de la Résurrection disparaissent au profit de
celles de la Crucifixion et du chemin de Croix. Le renouvellement de l’art sacré dans les années 50 grâce à l’action de deux
dominicains, les pères Regamey et Couturier, qui ouvre cette production aux plus grands artistes, n’échappe pas à cette tendance.
Ces visions différentes du Christ dans l’art permettent une double approche de l’art religieux : la recherche des traces du fondement du
christianisme et les sensibilités, les inquiétudes, les débats des sociétés chrétiennes qui se manifestent à travers l’image.
C’est cette voie féconde et passionnante qui fait de l’art sacré un art vivant.
Des œuvres d’art religieux au service de l’Histoire.
Dans un numéro de la revue « Historiens et Géographes » consacré à l’histoire religieuse4, Dominique Rigaux, spécialiste de
l’iconographie religieuse, énumère dans son article intitulé « Croire aux images », les différentes fonctions de l’image religieuse5.
S’appuyant sur le discours officiel de l’Eglise, l’auteur cite l’argumentation du catholicon (dictionnaire du XIIIe siècle) de Jean de Gênes
:
« Sachez que trois raisons ont présidé à l’institution des images dans les églises. En premier lieu, pour l’instruction des gens simples,
car ceux-ci sont enseignés par elles comme par des livres. En deuxième lieu, pour que le mystère de l’Incarnation et l’exemple des
Saints puissent mieux agir dans notre mémoire en étant exposés quotidiennement à notre regard. En troisième lieu, pour susciter un
sentiment de dévotion, qui est plus efficacement excité au moyen des choses vues que des choses entendues. »
4 N° 343, mars-avril 1994, Histoire religieuse (2ème volume)
5 Il situe son constat dans l’Italie du XVe siècle où le foisonnement des images religieuses est plus important qu’ailleurs dans l’Occident chrétien, accompagnant les fidèles dans leur vie quotidienne dès leur naissance.
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Il s’agit donc d’objectifs « pédagogiques » visant à rapprocher les hommes de Dieu, de l’Eglise :
- enseigner (les Evangiles…)
- rappeler à la mémoire (les saints…)
- émouvoir (pour faciliter la communion des fidèles avec l’objet représenté…)
- orner, aussi…
Mais la seule volonté de l’Eglise ne saurait suffire ; si l’Eglise a tenté de promouvoir les images tout en les contrôlant, celles-ci ont leur
vie propre ; les fidèles reçoivent, perçoivent et utilisent les images religieuses selon leurs sensibilités et leurs besoins :
- s’assurer, se rassurer (images d’indulgences)
- dire merci (images votives)
- protéger ou punir (images des saints)
Ce besoin est parfois si fort que l’image s’anime parfois : productrice de miracles (statues reliquaires) ou portée en procession..
Sans pousser le parallèle trop loin, les enseignants ont bien quelque chose à voir avec les clercs du Moyen-Age quand ils utilisent les
images d’art pour enseigner le fait religieux : l’œuvre d’art possède plusieurs fonctions qu’il convient de rappeler dans un ordre plus
proche de ce que l’enseignant est amené à proposer aux élèves :
- L’image produit des émotions : une démarche de lecture d’œuvre d’art ne devrait pas ignorer les sensibilités des élèves. Parce que
ces sensibilités sont multiples, que les interprétations, à confronter, sont variées, elles permettent de susciter un questionnement riche
de l’œuvre, et d’en saisir plus facilement le ou les sens.
Travailler sur la forme, les couleurs, les lumières, les objets et leur disposition… nous apparaît comme une démarche purement
esthétique ou « histoire de l’art », mais elle facilite souvent la compréhension des œuvres. La vierge peinte par Cimabue (XIIIe siècle),
statique et auréolée, entourée d’angelots, posée sur fond d’or, n’exprime pas les mêmes idées que la vierge de Raphaël maternante et
expressive, posée dans un décor quotidien. Si pour la première, le sens du sacré, les symboles ont toute importance, la sensibilité, le
réalisme expliquent la deuxième. D’une époque à une autre, on passe du divin à l’humain, de tendances artistiques à d’autres mais
aussi de préoccupations sociales, religieuses à d’autres.
- L’image orne… illustre plutôt : c’est la fonction première qui lui est accordée dans les manuels. L’image est un support au texte. Et
les œuvres d’art subissent le même sort : rarement présentées pour elles-mêmes (sauf dans une approche très technique), elles sont
des décors aux documents écrits privilégiés (paradoxalement, les manuels offrent une iconographie de plus en plus abondante…). Et
elles exposent les élèves au danger d’associer l’œuvre d’art à du réel et de fixer des images immuables… A nous de proposer plusieurs
images, de permettre la confrontation, la comparaison, l’exercice d’un regard critique…
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Elles enrichissent cependant un imaginaire que le texte parfois ne peut fournir : appréhender le passé n’est pas un exercice facile…
Osons revenir à E. Lavisse : « La leçon est trop courte ; elle comprend un texte de quelques lignes : voilà pour la mémoire ; un récit et
une gravure : voilà pour l’imagination. ».
Par sa fonction illustrative, l’image rappelle : elle est en effet un bon support à la cristallisation des savoirs, leur mémorisation : « la
confrontation avec l’objet artistique restitue à l’histoire enseignée l’épaisseur du vécu que la parole échoue souvent à faire ressentir
(…). Pour bon nombre d’élèves, en effet, la parole est muette : elle n’appelle pas les images mentales nécessaires à l’évocation du vécu
(…) Le contact avec des créations humaines rapproche les élèves des hommes du passé en tant que producteurs d’objets valorisants, d’autant plus que l’objet parle à l’affectivité et à l’imaginaire. Il peut fournir un pont entre le passé et le vécu des élèves. »
6
L’imagerie religieuse du Moyen-Age répondait au besoin de ‘l’Eglise d’éduquer à la foi ; nous ne doutons pas que l’image ait encore
aujourd’hui le pouvoir de fixer les connaissances encore qu’il soit nécessaire d’accompagner ces images fortes d’un regard critique,
d’une distanciation : elles ne sont pas le réel… mais une certaine réalité.
- Enfin, l’image enseigne et renseigne : elle est un document de l’histoire comme les autres documents, de ce fait, elle est le vecteur
de savoirs, de contenus. De savoirs historiques, bien entendu.
Car la crainte la plus légitime de l’enseignant d’user d’œuvres d’art religieux dans ses cours est la dérive possible vers le catéchisme :
comment les utiliser sans ressentir ce sentiment d’être dans l’interdit, ou proche de l’interdit, parce que nous sommes « enseignant
laïque » ? cette culpabilité à la lecture d’une scène de la nativité ou de la crucifixion que nous n’avons pas dans la description d’un vase
grec orné d’un Zeus ou d’une Vénus… ?
L’œuvre d’art religieux comme toute œuvre d’art est avant tout une création, issue d’un contexte social et politique précis, et donc
reflet d’un rêve ou d’une réalité, celui de l’artiste dans son temps (du commanditaire aussi) ou d’une société. Elle est médiatrice d’un ou
plusieurs messages, de sensibilités, de rêves…
Ainsi le questionnement qui accompagne l’œuvre d’art religieux ne doit pas se contenter de « faire décrire » mais aussi d’interroger :
qui ? quand ? pourquoi ? quels messages ? quelles intentions ? quelles réceptions ?
La lecture d’une histoire est une étape nécessaire pour la compréhension de l’Histoire : elle n’est pas suffisante et suppose que l’on
interroge pour donner du sens à l’œuvre d’art, saisir ce qu’elle porte comme valeurs, idées, pratiques religieuses… du
moment de sa création.
6 Art, Histoire et enseignement, Marie-Christine Baquès, CNDP-Hachette Education,2001, page 44.
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L’œuvre d’art est alors « objet d‘enseignement » placée au cœur d’interrogations comme support à l’acquisition d’un savoir historique
(quelle vision d’un monde passé nous transmet l’œuvre d’art ?) selon une problématique définie au départ : elle est un produit de
l’histoire, un témoin d’une culture, d’une idée, d’une vision du monde, à questionner sous tous ses angles.
Selon l’œuvre d’art que nous étudions, la problématique et les objectifs que l’on se fixe, tout n’est pas à interroger, l’enseignant fait des
choix.
L’exemple d’une leçon de cinquième (l’Eglise) illustre la multiplicité des fonctions de l’œuvre d’art. Les supports choisis ne posent pas de
problèmes majeurs de conscience, à première vue : trois miniatures du XIVe siècle pour illustrer des pratiques religieuses. En fait trois
pratiques qui renvoient à trois sacrements de l’Eglise catholique : le baptême, le mariage, l’extrême-onction. Trois sacrements qui
renvoient aux croyances, dogmes du christianisme… : la croyance dans l’existence de la vie éternelle, dans le salut des hommes, dans
l’alliance entre Dieu et son peuple, dans la nécessaire communion avec l’Esprit Saint…
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La démarche proposée aux élèves leur permet de :
- faire parler leur sensibilité : susciter la participation des élèves dans une description qui n’interdit pas les remarques personnelles
(sur la représentation des mourants…)
- se rappeler : le baptême a été vu avec Clovis ; l’élève est amené à réinvestir des savoirs.
C’est aussi faire référence à leurs propres représentations, leurs expériences de baptême, de mariage, de les interroger sur le sens
qu’ils leur donnent, les corriger.
- illustrer trois sacrements. : les images servent de support au récit du professeur ou le complètent. Elles permettent de décrire et
d’identifier… de donner des mots (évêque, mitre, crosse, parrain, infusion, fonts baptismaux…).
- enseigner l’histoire : la miniature sur le baptême est un document d’histoire à replacer dans un contexte social, une époque
précise ; un document d’histoire à soumettre au regard critique. Elle reflète des préoccupations, des volontés, des pratiques bien
spécifiques. Ainsi peut-on faire quelques remarques sur les supports (de la tablette d’ivoire au parchemin), évoquer le rôle des moines
copistes dans la diffusion des images, ou comparer la pratique du baptême qui évolue de l’immersion à l’infusion…et qui renseignent
ainsi sur les traces (fonts baptismaux…).
Il est intéressant aussi de travailler sur des œuvres qui n’apparaissent pas souvent dans les manuels : ainsi en est-il des « danses
macabres », connues fin XIVème siècle dans tous les milieux de la société. Elles sont le reflet des sensibilités d’une époque (artistiques,
sociales, religieuses…) où « la mort partout présente » a un impact fort sur des préoccupations, des mentalités.
Travaillant sur quelques images de la danse macabre de la Ferté Loupière7, les élèves ont montré intérêt et sensibilité à la lecture de
cette œuvre et ont su faire preuve de perspicacité quant à son interprétation.
La lecture des œuvres d’art semble plus complexe lorsqu’il s’agit de contenus autres que les pratiques religieuses. Ainsi en est-il d’une
œuvre représentant la Cène. Elle figure surtout dans les manuels de sixième en illustration de la leçon sur la naissance du
christianisme. Le questionnement qui l’accompagne permet de décrire, d’identifier les personnages ou de souligner les spécificités de la
représentation (support, techniques, couleurs..).
Parce que l’œuvre d’art est polysémique, elle peut être lue de différentes façons.
Toutes les lectures participent de la construction d’un savoir, d’un bagage historien ou civique.
1 – Une image de la Cène pour illustrer : pourquoi pas ? Un moment de la vie du Christ, relié à un passage des Evangiles. Illustrer
pour décrire (on apprend à regarder comme une photo de paysage) et mettre des mots sur des personnages, des objets, des
formes…. autant d’informations à stocker pour être réinvesties. Une démarche proche d’une lecture biblique mais loin de désintéresser
7 Consulter le numéro 6104 de la Documentation photographique, 1989.
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l’historien qui peut travailler sur les symboliques : décoder l’image, c’est interpréter les signes, donner du sens ; c’est apporter des
références culturelles, des repères sur les sociétés passées, leurs croyances et pratiques, et donc comprendre une œuvre. Pourquoi le
pain, le vin, le poisson (dont la valeur symbolique disparaît peu à peu dans l’Occident chrétien alors qu’elle reste très vivante en
Orient) ?
2 – Enseigner : un fondement et des pratiques du christianisme. Au delà de la représentation du dernier repas du Christ, la Cène est
symbolique du Saint-Sacrement qui s’exprime par des pratiques régulières lors des messes dominicales, lors des communions
pascales… L’œuvre d’art est alors confrontée, mise en relation avec d’autres documents pour avoir du sens (photo du chœur d’une
église, extrait du Concile de Trente). Elle renvoie à des croyances (le Christ, présent, réincarné au milieu des croyants sous le signe du
pain et du vin, la communion des fidèles avec l’Esprit Saint) et des pratiques : les liens entre l’attitude du Christ dans les
représentations, et celles des prêtres dans le rituel de l’eucharistie…, la présence d’un autel dans l’œuvre peinte quand la
représentation est marquée par la liturgie. Il y a aussi des traces, des lieux sacrés construits par les hommes qui marquent l’eucharistie
(chœur d’église, démesuré à partir du XIIème siècle avec les cathédrales). Les retables qui accompagnent les autels dans le chœur des
églises sont des supports privilégiés pour la figuration des scènes de la vie ou de la passion du Christ. « Le retable, objet religieux, est
un système d’images (…) destiné à orienter le regard des fidèles vers la Présence réelle ; «il ordonne l’espace intérieur de l’église dont il
proclame le culte principal, celui du Dieu incarné » (André Chastel)… La modification de la liturgie, après le quatrième concile du Latran
(1215) semble avoir favorisé le développement des écrans d’images, car l’officiant au lieu de se tourner vers le peuple, se tourne désormais vers l’autel. »
8
3 – C’est aussi permettre à l’élève d’exercer son regard critique en comparant plusieurs représentations d’une même scène : quelle
signification attribuer à des représentations diverses au fil du temps ? Lecture esthétique, formelle… mais qui renvoie à des contextes
culturels, une civilisation, des préoccupations : peu présente dans l’art paléochrétien, la cène est un sujet de prédilection d’abord dans
l’Orient chrétien puis en Occident pour les catholiques avec la Contre-Réforme.
Enseigner le fait religieux au travers de l’œuvre d’art est incontournable : la richesse des productions, et ce jusqu’au XIXème siècle
compris, est un fait qui nous oblige. De plus, l’exercice est riche dans l’acquisition de sens, de savoirs, de méthodes de lecture,
d’apprentissage du regard. Sans cependant ignorer les autres supports d’histoire.
L’œuvre d’art peut sans aucun doute être un point de départ à de nombreuses questions d’histoire à explorer avec les élèves.
8 Dans Images et foi, l’âge du retable, TDC n° 833, page 12