Apophtegmes sur "juger les autres"

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  • 8/14/2019 Apophtegmes sur "juger les autres"

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    Apophtegmesdes

    Pres du dsert

    petite srie thmatique :

    "Qu'il ne faut juger personne"

    Textes parus dans"La Vie Spirituelle",

    Mai 1923p 213-218

    L'orthographe a parfois t lgrement modernise

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    Il arriva un jour qu'un frre de la communaut de l'Abb lie, ayant commis une faute, futchass. Il s'en alla trouver l'Abb Antoine sa montagne. Lorsqu'il eut pass un certaintemps auprs de lui, Antoine le renvoya sa communaut. Mais celle-ci lui refusaitl'entre, et le pauvre moine dut revenir auprs d'Antoine. Le vieillard envoya alorsquelqu'un la communaut, lui dire :

    "Un navire a fait naufrage en mer et perdu toute sa cargaison : il n'a pu tre amen terrequ' grand-peine. Voulez-vous donc, en rejetant ce navire en mer, occasionner sa perte?"La communaut, comprenant par l qu'Antoine jugeait le coupable digne du pardon, lereut aussitt.

    Un frre avait pch; le prtre lui ordonna de sortir de l'glise. Alors Bessarion se leva etsortit avec lui, disant : "Moi aussi je suis pcheur."

    L'Abb Isaac, tant venu de son dsert de la Thbade la communaut des frres, en vitun qui se rendait coupable de quelque ngligence, et, irrit, il le fit chasser du monastre.Mais lorsqu'il s'en retourna son dsert, il trouva la porte de sa cellule l'Ange du

    Seigneur, qui lui dit : "Je ne te laisserai pas entrer." Et comme il priait l'ange de lui faireconnatre le motif de cet arrt, celui-ci rpondit : "Dieu m'envoie te dire : O ordonne-tuque j'envoie ce frre coupable que tu as condamn?" L'Abb Isaac se repentit sur-le-champ de sa conduite, et dit en se prosternant : "J'ai pch, pardonne-moi." L'Angerpondit alors : "Lve-toi, Dieu te pardonne, mais prend garde l'avenir la duret decoeur ; et pour les fautes lgres qui chappent aux parfaits, remet-toi en volontiers au

    jugement de Dieu".

    Un jour un frre de Sct fut trouv en faute. Les Anciens, aprs s'tre runis, voulurentrecourir aux lumires de l'Abb Mose, et l'envoyrent prier de venir. Il refusa.Cependant, le prtre lui ayant fait dire que l'assemble des frres l 'attendait, il vint, maisportant sur son dos une corbeille pleine de sable. Les frres venus sa rencontre luidirent: "Pre, qu'est-ce que cela?" Le vieillard leur rpondit : "Ce sont mes proprespchs. Ils me suivent par derrire, je ne les vois pas, et vous voudriez que je juge lespchs des autres?" Sur cette rponse, on dcida de ne rien dire au frre et de luipardonner.

    L'Abb Joseph interrogea un jour l'Abb Pastor (= Poemen) en ces termes : "Que dois-jefaire pour devenir un vrai moine?" Le vieillard lui rpondit : "Si tu veux trouver le reposde ton me en ce monde et en l'autre, en toutes circonstances dis-toi : Que suis-je ? et ne

    juge personne."

    Un frre posa au mme Abb cette question : "Si un frre tombe en faute sous mes yeux,est-il bon que je taise sa faute?" Et le vieillard rpondit: "Chaque fois que nous fermonsles yeux sur les pchs de nos frres, Dieu ferme les yeux sur les ntres ; et chaque foisque nous rvlons leurs pchs, il se prpare accuser les ntres."

    Un jour, dans un monastre, un frre ayant commis une faute grave, l'Abb voulutconsulter ce sujet un anachorte qui depuis de longues annes vivait dans une rclusioncomplte, non loin de l. Il alla le trouver et lui exposa le cas de ce frre. "Chassez-le dumonastre, dclara le solitaire. Le frre ainsi chass se retira dans une carrire, et l il necessait de pleurer. Or, il arriva que des moines qui allaient voir l'abb Poemen, passrentpar cet endroit et entendirent ses gmissements. Ils descendirent dans la carrire, et, le

    trouvant plong dans la plus amre douleur, ils lui conseillrent d'aller trouver le solitairequi l'avait fait chasser. Le frre n'y voulut point consentir et dit : "Je mourrai en ce lieu."

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    Ds qu'ils furent arrivs auprs de l'Abb Poemen, les moines lui racontrent la chose.Celui-ci leur dit : "Allez trouver ce frre et dites lui : "L'Abb Poemen te demande." Lefrre vint. Quand le vieillard l'aperut dans cet abattement, il se leva, l'embrassa, et avecdes manires affectueuses le pria d'accepter manger. Il le consola de son mieux, puisenvoya un de ses disciples au solitaire lui dire : "I1 y a bien des annes que j'ai entendu

    parler de vous et que je dsire vous voir; jusqu'ici notre paresse tous deux a t causeque nous ne nous sommes jamais visits. Mais aujourd'hui voici que Dieu a fait natre uneoccasion et ainsi dclar sa volont; prenez donc la peine de venir jusqu' moi (car l'AbbPoemen ne quittait jamais sa cellule), afin que nous puissions enfin nous voir." LeSolitaire pensa en lui-mme : Cette invitation n'a pu m'tre adresse par le saint hommeque sous l'inspiration de Dieu ; et il vint l'Abb Poemen. Lorsqu'ils se furent salusavec une joie rciproque, ils s'assirent, et l'Abb Poemen dit : "Des hommes demeuraientl'un prs de l'autre, ayant chacun un mort. Or, l'un d'eux quitta le sien pour s'en allerpleurer celui de son voisin." Le Solitaire comprit aussitt ce que son interlocuteur voulaitlui faire entendre, et, repentant de ce qu'il avait fait , il dit : "Poemen vit en haut au ciel, etmoi, en bas sur la terre."

    Un frre interrogea l'Abb Poemen en ces termes : "Lorsque je garde la cellule, je netarde pas tre accabl par la tristesse et le dcouragement. Que faire?" Le vieillardrpondit : "Ne mprisez ni ne condamnez personne ; dans vos discours ne blessez jamaisla charit ; alors Dieu vous tablira dans la paix, et dans un repos exempt de trouble."

    Un jour dans une runion les Pres de Sct discutaient le cas d'un frre coupable. Pourl'Abb Pior, il se taisait. Au bout de quelque temps on le vit sortir, puis bientt rentrer,mais portant sur les paules un sac de sable, et sur la poitrine un autre sac galement pleinde sable, mais plus petit. "Qu'est-ce que cela?" lui demandrent les Pres. "Le grand sac,rpondit-il, ce sont mes pchs. Comme ils sont en grand nombre, je les ai mis sur mondos, de peur que leur vue n'excite ma componction et mes pleurs. Le petit sac, ce sont lespchs de notre frre, et je les porte par devant pour les bien examiner et les juger. Je leconfesse, il n'en devrait pas tre ainsi. Ce sont plutt mes pchs que je devrais porterdevant moi, afin de les repasser dans mon coeur et de prier Dieu de me les pardonner. Aces paroles, les Pres s'crirent : "Cette voie est vraiment celle du salut."

    Un Ancien a dit : "Si vous tes chaste, ne jugez pas le fornicateur; autrement, voustomberiez comme lui. Car celui qui a dit : "Ne commettez pas la fornication", a dit aussi :"Ne jugez point."

    Un prtre venait de temps en temps d'une basilique la cellule d'un certain solitaire, poury clbrer le saint Sacrifice et lui donner le corps du Seigneur. Un jour, quelqu'un vinttrouver ce solitaire et porta auprs de lui une accusation grave contre le prtre. Lorsque cedernier se prsenta comme de coutume pour clbrer le saint Sacrifice, le solitaire indignne lui ouvrit pas. Le prtre se retira. Mais une voix se fit entendre au solitaire, qui disait :"Les hommes se sont arrog le droit de juger pour moi." En mme temps, comme ravi enextase, il vit un puits d'or, avec son seau et sa corde galement d'or, et ce puits contenaitune eau dlicieuse. Un lpreux puisait de cette eau et la versait dans un vase. Le solitaireaurait bien voulu boire ce vase, mais il n'osait parce que celui qui puisait tait lpreux.La voix se fit alors entendre de nouveau : "Pourquoi, disait-elle, ne bois-tu pas de cetteeau? Comment celui qui emplit le vase serait-il un obstacle? il ne fait que puiser et verser

    dans le vase." Alors le solitaire, rentrant en lui-mme, comprit le sens de la vision : ilappela le prtre, et lui demanda de clbrer comme auparavant le saint Sacrifice.

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    Il y avait dans un monastre deux frres de trs grande vertu, qui avaient mrit decontempler mutuellement le resplendissement surnaturel de leurs mes. Il arriva un jourque l'un d'eux, ayant sortir du monastre un vendredi ds le matin, vit quelqu'un quimangeait. "Comment, lui dit-il, un vendredi vous mangez cette heure?" Or, le

    lendemain, tandis qu' l'ordinaire on clbrait la sainte messe, son frre, jetant les yeuxsur lui, ne vit pas son me resplendir comme de coutume. Il en fut contrist; et l'tant alltrouver dans sa cellule, il lui dit : "Qu'as-tu donc fait, mon frre ? Je n'ai pas vuaujourd'hui ton me resplendissante comme l'ordinaire de la grce divine." - "Je n'aiconscience d'aucune faute, soit en acte, soit en pense." - "N'aurais-tu pas tenu quelquepropos offensant?" Se ressouvenant alors du reproche qu'il avait adress : "Oui, dit-il, hier

    j'ai vu quelqu'un mangeant ds le matin, et je lui ai dit : "Vous mangez pareille heure unvendredi !" voil certainement mon pch; mais unis tes travaux aux miens pendant deuxsemaines et prions Dieu en commun qu'il me pardonne." Ils firent ainsi. Et les deuxsemaines coules, le frre vit de nouveau la grce divine illuminer l'me de son frre. Ilsfurent consols, et rendirent grces Dieu, qui seul est bon.